Chapitre diffusé en deux parties car très long (pour dire vrai, il n'est pas encore tout à même terminé ^^)

Voici la première. Bonne lecture
Chapitre 5 : La Taverne de Voron
Bureau du général Dumarchais, Plateau d'Albion, France
Inlassablement, Antoine répétait sa version des faits au général Dumarchais. Il ne mentait pas sur son engagement pour la France et son désintérêt des intérêts russes. Par contre il dissimulait du mieux que possible les quelques mois qu'il avait passé aux côtés de personnalités peu recommandables pour sa carrière.
Il ne le savait pas, mais son sort était déjà scellé. Le président de la république avait tranché au détour d'un conseil de défense secret organisé la veille et uniquement porté sur le programme porte des étoiles français. Un programme qui ne portait pas son nom. L'expédition qui se préparait reçue le code de Brigade Dumont d'Urville, du nom d'un explorateur français, ce qui collait parfaitement avec le fait d'envoyer plusieurs centaines d'hommes dans une autre galaxie. Les fonds censés lui permettre de réaliser ses missions étant eux officiellement utilisés dans la future construction d'un sous-marin nucléaire appelé … Dumont d'Urville.
Antoine, debout, fatigué comme à l'habitude depuis le début de ce printemps 2013 et quelque peu à bout de nerfs, termina son plaidoyer devant le regard imperturbable du général de brigade.
—Voilà mon général, vous savez tout …
Ce dernier s'avachit alors dans son fauteuil sans adresser un mot au pilote de chasse et se servit une nouvelle tasse de café. Il mélangea du sucre avec une petite cuillère en plastique blanche dans un silence pesant. Après avoir bien énervé son subalterne, il lui donna enfin son verdict, non sans sarcasme.
— Lieutenant vous m'avez l'air des plus honnêtes. Et je ne peux croire qu'un homme de votre trempe ait pu un jour franchir la porte d'une base de l'armée de l'air russe dans le but d'y devenir pilote, non je ne peux pas l'envisager. D'ailleurs le président ne le peut pas non plus. A vrai dire je crois que vous l'intéressez peu. Mais j'ai pu défendre votre cause, car moi comparé à lui je vous ai déjà commandé directement. Je n'ai pas été déçu et j'espère vraiment que nous continuerons. Je vous connais et vous comprends bien plus que vous ne le pensez. Il n'y a pas beaucoup d'hommes dans cette armée que je suis prêt à envoyer dans Pégase. Vous en faites partie. Alors ne me décevez pas! Est-ce que c'est clair ?
— Oui mon général, très clair! Répondit fièrement Antoine, toujours favorablement influencé par les compliments.
Le pilote demanda à pouvoir disposer, ce que lui accorda le général. Il était tard, le lieutenant avait peu dormi depuis les trois jours consécutifs à son retour des Etats-Unis et le départ pour Pégase approchait. Un briefing général était prévu à l'Aube. Antoine était persuadé que le grand départ aurait lieu pour demain. Il savait qu'Atlantis devait bientôt repartir dans Pégase. Il y aurait pendant son voyage une période creuse d'utilisation de la station Midway. Ce qui donnait le champ libre aux français qui n'étaient d'habitude pas prioritaires pour emprunter la station. De plus, l'arrivée continuelle d'hommes et de matériel venant des quatre coins de la France sur la Plateau d'Albion accréditait la thèse d'un départ pour Pégase dont Antoine ne connaissait pas les modalités précises.
Alors que le pilote sortait du bureau du général pour rejoindre ses quartiers, Dumarchais l'apostropha une dernière fois.
— Ah au fait lieutenant, vous avez le bonjour du commandant Alexenko.
Antoine sursauta, il connaissait très bien Alexenko même s'il avait coupé les ponts avec lui depuis son départ de Russie. Il scrutât, anxieux, le regard à la fois moqueur et évocateur du général. Il comprit alors très bien ce que voulait dire le général: "ça va pour cette fois, mais ne me reprends plus jamais pour un con". Antoine se jura de retenir la leçon et le fit savoir implicitement au général.
— Ah ce cher Alexenko! Un grand officier. J'espère devenir aussi honnête que lui dans le futur.
— Vous en aurez l'occasion lieutenant! Maintenant allez dormir, c'est un ordre!
— Oui mon général.
Le lendemain matin à l'aube, dans une salle de réunion informatisée du Plateau d'Albion
Toute la fine équipe ayant participé à l'opération conjointe La fayette était au rendez-vous. Guichard, Le Guelen, Michelet, Delcourt, Berson, Gaboriot, Varrault et donc Estienne qui se trouvait en face du commandant qui n'arrêtait pas de le dévisager. Ils étaient tous assis des deux côtés d'une longue table en bois légèrement elliptique. Au bout de celle-ci se trouvait le général Dumarchais qui n'avait pas fermé l'œil de la nuit. Sur la droite du général se trouvait un colonel de l'armée de Terre. Alors qu'un deuxième officier du même grade était debout, penché au-dessus d'un ordinateur relié à un rétroprojecteur, un peu à l'écart de la grande table, près du mur de projection. Le colonel Marin était occupé à trier et organiser les fichiers qui seraient projetés, tout en étant aidé à l'occasion par l'aide de camp du général Dumarchais, le fidèle lieutenant Cahors. Tout le monde était présent et préparait consciencieusement ce qui serait probablement le dernier briefing préalable au grand départ tant attendu. Le général regarda les aiguilles de sa montre, il était presque huit heures mais il décida de commencer en avance le briefing.
— Bien bonjour à tous. Je vous ai tous réunis en premier ce matin pour une raison simple. Vous serez les premiers à partir!
Un sentiment de soulagement mêlé à de l'impatience se fit sentir dans l'assemblée. Quelques sourires, regards et relâchements. Ils étaient donc fixés, ils allaient partir pour le grand saut.
— Avant d'aller plus loin, je fais les présentations. Derrière moi, le colonel François Marin, des transmissions. Lieutenant Estienne, vous pouvez lui dire merci, c'est grâce à lui qu'on a pu établir le contact avec votre escouade en Egypte. Il s'occupera de ce qu'il sait faire de mieux dans Pégase, c’est-à-dire les transmissions, les brouillages en toutes sortes etc. Quelque chose à rajouter colonel ?
— Non vous le faites très bien mon général, répondit Marin en plaisantant.
— Devant vous, à la table … ah et j'oubliais le lieutenant Cahors qui prête volontiers ses forces intellectuelles au service de ce cher Marin … bien ou étais-je ? Ah oui, à ma droite le colonel Lionel Demont, artilleur de métier. J'espère ne pas vous vexer colonel, mais je tiens à prévenir le commandant Varrault et ses hommes que vous n'êtes pas réputé pour être quelqu'un de particulièrement laxiste et diplomate.
— Vous faites bien général, ça peut toujours servir. D'autant que si ça peut m'éviter de passer des soufflantes à longueur de journées, je ne dis pas non, annonça très clairement l'officier à l'imposant physique.
— J'en serais ravi pour vous. Avant que quelqu'un ici ne me pose la question, non je ne viens pas avec vous. On a jugé que ma place était ici. Je dois coordonner le programme depuis l'arrière en coopération avec le GIRP, un organisme secret de la DGA qui bosse jour et nuit pour nous donner les moyens de faire notre travail. Mais c'est donnant-donnant. Pour que notre niveau technologique progresse, il nous faut nous aussi, militaires, mettre notre main à la pâte.
Dans l'assemblée, Karmen se fit remarquer en levant timidement la main pour poser une question. Le général lui donna alors la parole.
— Mon général, cela veut-il dire que c'est notre mission prioritaire ? Je veux dire on y va pour chercher des technologies extraterrestres ?
— En partie seulement capitaine. Comme vous le savez, l'attaque menée contre la Terre et notre pays il y a presque deux mois maintenant a été orchestrée depuis la galaxie de Pégase. Les américains n'ont pas pu nous apporter la confirmation de l'élimination du chef du clan wraith en question, qui est en réalité un individu femelle, une reine. Oui vous devrez vous y habituer, le vocabulaire animalier est de mise pour qualifier cette menace. Le Pentagone l'a répertorié sous l'indicatif Betty, chez nous ça sera Frédégonde. Lieutenant Estienne, un très bref topo sur l'origine du nom pour vos camarades ? demanda le général à l'ex-apprenti historien
— Une reine d'un royaume franc durant l'époque mérovingienne au VI ème siècle après Jésus Christ. Elle est connue pour avoir eu un rôle politique très fort et des manières très brutales, répondit de but en blanc Antoine sans pour autant frimer.
— Ouais une salope quoi ! Soupira le lieutenant Guichard devant le regard médusé de Karmen Le Guelen.
— Bien merci lieutenant pour ce rappel historique, embraya Dumarchais pour recadrer la discussion. Donc comme nous ne savons pas si cette "Frédégonde" est encore de ce monde et si elle représente une menace potentielle, nous avons pour mission prioritaire et je dis bien prioritaire, de retrouver sa trace ou à défaut celle de son clan!
— Mais comment mon général ? demanda Karmen sans prendre cette-fois ci la peine de demander l'autorisation de parler.
— En suivant sa trace. Grossièrement, nous avons une piste que nous comptons remonter. Un de nos experts affilié à la Direction du renseignement militaire vous en dira plus tout à l'heure. Commandant Varrault, dit-il en changeant d'interlocuteur, je sais que vous n'aimez pas les nouveaux venus, mais je vous adjoins un homme à votre escouade. Et ce n'est pas négociable.
— Comme toujours mon général … répondit du tac-o-tac le commandant.
Quelques secondes plus tard, un lieutenant en tenue de combat fit son apparition par surprise dans la salle de réunion. Le nouvel arrivant était particulièrement occupé par les nombreuses tâches qu'on lui assignait continuellement. Ce matin il s'agissait de régler un bug informatique apparu lors d'une simulation du DHD indigène construit par la société Thalès avec son aide précieuse. Il fut immédiatement reconnu.
— Kanbeï ! Laissa échapper Antoine, content de revoir celui qu'il croyait toujours en détention à Cercottes, un camp des services secrets français.
L'informaticien et hacker de génie japonais avait été réhabilité. D'ailleurs, à l'instar d'Antoine, il devait son retour au premier plan au soutien aveugle et sans faille du général Dumarchais. Un recrutement audacieux dont Hortense Riveron, la directrice du Groupement Industriel de Recherche dans Pégase, s'était très vite accommodé avec plaisir. Le nippon réalisait des prouesses. Que ce soit pour la création d'un DHD, de la création de matériel, de logiciels et programmes informatiques pour un tout nouveau brouilleur anti-wraith ou encore pour l'analyse des données contenus dans un support informatique wraith qu'il contenait entre ses mains à son arrivée dans la pièce.
— Tiens en parlant du loup, je vous présente pour ceux qui ne le connaissent pas le lieutenant Aichi Takeukhi, officier du 2ème REG détaché à la DRM. Mais je vous conseille de l'appeler Kanbeï.
— Je préfère mon général, en effet, répondit le japonais dans un français parfait. Je suis venu vous dire que nous avons terminé l'installation du DHD. Les simulations sont concluantes, j'ai toutefois demandé un délai supplémentaire. Le système doit encore être testé.
— Cela ne sera pas possible lieutenant. Notre créneau horaire est extrêmement limité. Sinon j'aimerais que vous nous détailliez rapidement votre trouvaille, dit-il en montrant le disque dur wraith qui ressemblait à une sorte de pince de couleur bleue foncée, que tenait Kanbeï entre ses mains
— Bien mon général. Après que les forces spéciales du commandant Varrault eurent libérées celle du sergent Delcourt au bunker Hackenberg, nos équipes ont mis la main sur une quantité importante de matériel d'origine wraith. Dont cette sorte de disque dur. Son contenu est un manifeste électronique appartenant au chef de la section légère de reconnaissance wraith que vous avez affronté.
— Légère? Et bien je sens que nos prochaines rencontres seront musclées, déclara Varrault avant que Kanbeï ne reprenne son exposé.
— En étudiant ces données, nous avons glanés d'une part des informations capitales sur le mode de vie des wraith, leur clan, son origine, etc et d'autre part une liste de portes des étoiles empruntés par ces mêmes troupes de reconnaissance.
— Ainsi on peut refaire tout leur parcours dans la galaxie? fit remarquer Karmen.
— Effectivement, c'est l'utilité de la chose, lui répondit Kanbeï. Le manifeste indique une forte activité ces derniers mois. C'était peut-être dû à une phase de préparation pour l'attaque de la Terre. Si cette théorie est vérifiée, alors il existe peut-être d'autres avant-postes de ce clan wraith, qui détient les coordonnées de la Terre.
Ce judicieux rappel fit très bien comprendre à l'assemblée tout l'enjeu de la mission. Si comme le disait les américains, les wraiths organisaient leur société en clan et ne partageaient pas leurs informations, technologies ou services hors ententes exceptionnelles, alors ce clan était sans doute le seul à détenir les coordonnées spatiales de la Terre. Il fallait être sûr que ces coordonnées ne soient pas reprises par d'autres clans wraiths. Pour cela, seule la confirmation de la destruction totale des wraiths du clan de Frédégonde était synonyme de succès. Ce qui ne représentait pas une mince affaire. Jouer au chat et à la souris était déjà particulièrement difficile sur Terre contre des groupes terroristes, ça l'était encore plus contre une race alien dominatrice dans une autre galaxie.
— Merci Kanbeï, je vois que vous êtes déjà équipé, vous pouvez rejoindre la salle d'embarquement et attendre le reste des troupes. Avant que je vous laisse filer vous aussi, dit Dumarchais en s'adressant au reste du groupe, voici vos ordres de mission.
Le lieutenant Cahors commença la distribution d'une série de pochettes rectangulaires en plastique imperméable vert renforcé qui contenaient cartes, fiches descriptives, consignes écrites, notices de la porte des étoiles et autres informations. Les membres du commando se crurent l'espace d'un instant dans la peau des parachutistes alliés aux premières heures du D-Day. Sur ce point, ils n'avaient pas totalement tort.
— Les américains ont trouvé une planète habitable vierge de toute forme de vie intelligente et par là même inconnue de tous dans la galaxie de Pégase, reprit le général. Avec leurs vaisseaux spatiaux, ils y ont déterré une porte des étoiles qui semble-t-il n'a pas été activé depuis plusieurs milliers d'années. C'est l'endroit parfait pour y établir une base. Ce que nous allons faire! Le colonel Demont sera le chef de notre détachement dans Pégase et par la même le commandant de la base, code Vauban. Colonel, à vous la parole, prenez l'habitude de vous adresser à vos nouveaux soldats.
— Oui mon général. On va donc sur cette planète où normalement rien ne nous attends si ce n'est une plaine et un climat tempéré. Il nous faut toutefois sécuriser et reconnaître la zone. Vu la taille de notre convoi qui dois partir pour Midway, vous serez envoyé seuls sur cette planète pour la sécuriser, le temps que notre logistique se déploie sur la station spatiale américaine. Rassurez-vous, vous ne devriez pas être isolé plus d'une heure ou d'eux avant l'arrivée du reste du détachement. De ce que je sais, les américains ont déposé à la surface de la planète un émetteur subspatial qui vous permettra de rester en contact si besoin avec Midway sans utiliser la porte. Des questions ?
Personne ne répondit à la dernière phrase du colonel. Impatients qu'ils fussent de rejoindre la salle d'embarquement. Le général les libéra et tout le petit monde de la salle de brieffing se rendit là où il devait aller. Le général Dumarchais et son aide de camp se rendirent vers la salle de contrôle. Demont et Kanbeï directement à la salle d'embarquement. Les autres firent un détour vers l'armurerie ou ils s'équipèrent. Varrault laissa au lieutenant Guichard le soin de superviser l'équipement du groupe. Les armes étaient choisies de manière consciencieuse, les munitions aussi. Les tenues de combat furent elles aussi vérifiées ainsi que les sacs qu'emportaient chaque membre. A la grande surprise d'Antoine, ils étaient peu garnis. Et ce pour une bonne raison.
Une fois sorti de l'armurerie, l'équipe de Varrault s'enfonça dans les entrailles du Secteur PE, pour Porte des étoiles. Un vaste site de bunkers et de galeries souterraines hérité de la guerre froide. Pour y arriver, les soldats avaient rejoint le hangar central du secteur PE du Quartier Maréchal Koenig. Une cohorte de militaires, de véhicules et de matériel stationnaient déjà sur tout l'espace disponible de la base. Sous le hangar, deux véhicules tactiques, une jeep Panhard VPS et un ACMAT TPK4"PATSAS" les attendaient. Le TPK4, connu sous le nom de VLRA, était un camion tout terrain dont l'endurance, la fiabilité et le rayon d'action avaient été maintes et maintes fois mis à contribution par l'armée française dans le monde. Ils étaient tous les deux en configuration Forces Spéciales. Avec des affuts de mitrailleuses armés et approvisionnés, des réserves de munitions, de vivres, d'eau, d'essence, d'équipements en tout genre. Pour le coup, les montures du commando étaient remplies à ras bord. D'où l'équipement léger qu'emportaient les militaires sur leur dos. L'escouade se réparti sur les deux véhicules. Ils auraient très bien pu se contenter d'un véhicule, mais pour parer à tous problèmes, l'Etat-major avait préféré avoir un véhicule de rechange en cas d'urgences.
Un monte-charge géant emmena l'équipe motorisée à une profondeur de deux cents mètres. Après avoir passés de larges portes blindées, le groupe du commandant embraya sur une petite descente de six kilomètres dans une longue galerie légèrement inclinée. Au bout de cette dernière, ils subirent un check-point à l'Intersection Sécurisée n°1 qui donnait sur une autre galerie de deux kilomètres de plein pied mais perpendiculaire de là où ils venaient. Ils continuèrent ainsi jusqu'à franchir deux autres postes de contrôle et de quarantaine de la sorte, eux aussi donnant sur des galeries perpendiculaires, si bien qu'ils revinrent dans le sens originel de la première galerie. Cette fois-ci, ils tombèrent nez à nez avec une galerie "cul de sac" au sein de laquelle se trouvait bien arrimée et bardée d'équipements la Porte des étoiles. L'horaire approchant, Kanbeï vint les rejoindre. Il prit position dans le VLRA, à côté d'Antoine.
— Alors, on en est ou ? Demanda Varrault qui se retournait depuis la poste avant droit.
Kanbeï sortit d'une poche de sa tenue de combat, à gauche de son thorax, un ordinateur miniature intégré à une coque de Nintendo DS dont il avait lui-même conçu les composants. Sur son ordinateur, il suivait les opérations de la salle de contrôle en temps réel.
— Commandant, démarrage de la séquence d'activation de la porte dans 4, 3, 2, 1, maintenant.
La porte se mit alors en activation. De type Altantis, elle n'avait pas d'anneau coulissant pour composer les adresses. Un ensemble digital composait de lui-même l'adresse dont les symboles étaient en surbrillance. Comme la porte était de originaire de l'ancienne cité Théra, une installation détruite qu'on avait évalué similaire à celle d'Atlantis et devant servir à l'origine comme capitale des anciens sur la Terre d'il y a 10.000 ans, elle était apte à composer vers Pégase tout en ayant un répertoire des mondes de la Voie Lactée. Seulement pour économiser une énergie qui faisait défaut, la destination qui s'offrait à l'expédition n'était autre qu'un relai vers la galaxie de Pégase, la station américaine Midway II.
— Toujours avec ton "Super Operating System" ? demanda, un brin chambreur, Antoine à Kanbeï.
Ce terme très ronflant était le nom donné à la machine par son créateur. Ce sur quoi aimait bien se moquer Antoine. Toutefois il n'avait pas de doutes vis-à-vis de la capacité de la machine. Connaissant bien son ami japonais, il croyait volontiers ses dires lorsqu'il avançait que son ordinateur portable était une merveille unique. Et comme le japonais avait beaucoup d'amour propre, la répartie ne vint que confirmée le potentiel du SOS.
— Ecoute Antoine, le jour où tu auras mis au point un micro-ordinateur qui utilise comme stockage une mémoire magnétique de 400 atomes par bit à température ambiante et un calculateur quantique à algorithme de Shor dans … ça, dit-il en exhibant la coque de Nintendo DS, tu pourras parler!
— Ahahah toujours aussi susceptible! Allez détends toi, je te le conseille. Traverser cet engin c'est juste magnifique, tu verras les choses différemment après!
L'instant d'après, le Vortex se forma quelques mètres devant les véhicules. Un dernier check up et le groupe reçu le feu vert de la part de la salle de contrôle du Plateau d'Albion et de celle de la station Midway. On démarra les véhicules et l'escouade disparu au milieu de l'Horizon des évènements.
Au même moment, en baie de San Francisco
— Tout le personnel est prié de rejoindre son poste! Les personnes non utiles aux manœuvres de décollage doivent confirmer à leur responsable leur présence dans les endroits prévus pour elles le temps du décollage! Je répète …
Les haut-parleurs de la cité diffusaient continuellement cette annonce depuis plusieurs minutes de même qu'une sirène stridente révélant la dangerosité de l'instant présent. Dans la salle du siège de contrôle d'Atlantis, un homme était l'attention de tous, le colonel John Sheppard! Assis aux commandes de la cité, l'interface neuronale reliée à son cerveau, il était fin prêt à faire décoller la cité. On attendait l'heure fatidique de 22h13 heure locale. Horaire auquel plusieurs facteurs concordaient pour permettre le décollage de la cité dans un anonymat certain.
Tout d'abord la fin de la tombée de la nuit. Car s'il était prévu que la cité utilise son occulteur le temps de la montée des cinq milles premiers mètres, une fois passé cette altitude, l'énergie utilisée par l'occulteur était redirigée vers le bouclier avant la sortie de l'atmosphère. Ce qui rendait la cité visible à l'œil nu pendant quelques minutes.
Ensuite le début d'un cyclone fictif dont l'arrivée était rabâché depuis plusieurs jours par les médias ouest-américains. Une série de mesures du gouvernement californien dont des restrictions d'accès aux abords de la baie de San Francisco, un blocage des activités portuaires et mouvements maritimes dans la baie, avait été décidés en conséquence. De fait personne n'était censé se trouver dans les rues. On y veillait tout particulièrement. Des militaires du programme Stargate, déguisés en policiers municipaux de la SFPD, effectuaient des rondes dans la ville et ses environs. Le bruit engendré par le décollage de la cité serait interprété comme celui d'un orage cyclonique dans la presse.
Enfin, 22h13 était surtout la reprise, après une ultime page de publicité, du télé-crochet American Idol sur la FOX qui monopolisait les audiences en cette soirée. Une reprise que n'aurait manqué pour rien au monde le docteur McKay qui suivait les diffusions sur sa tablette numérique dans la salle du fauteuil.
— Mckay !
— Hein ? Mais colonel il va y avoir le duo entre Nancy Ray Wiggins et Beyoncé!
— Nancy qui ? demanda Sheppard, lassé par son excentrique scientifique.
— C'est une révélation du show! Je la suis depuis les premières épreuves. J'ai misé 200$ sur sa victoire! Je ne sais pas comment vous faites pour ne pas la connaître!
— Elle est sexy ?
— Oui bien sûr … enfin je veux dire, se reprit maladroitement Mckay, pourquoi vous me demandez ça ?
— Oh rien comme ça …
— Ah je vous vois venir! Toujours à vous moquer! Mais voyez-vous, en plus de son physique très supérieur à la moyenne de ce pays, elle possède un grand talent musical! Et puis bon, Beyoncé aussi est "sexy" si vous voulez aller par là. Elle, vous la visualisée ?
— Oui … oui … elle joue dans le film Bataille Navale … avec les extraterrestres … à Hawaï.
— Bataille Navale ? Se questionna McKay. Hawaï ? Attendez, mais vous parlez de Battleship ! Mais ce n'est pas Beyoncé, c'est Rihanna qui joue dans le film. Attendez, vous ne connaissez pas Beyoncé … vous ne connaissez pas Rihanna … mais comment …
— Bon, eh, stop! J'ai arrêté d'acheter des disques à la mort de Johnny Cash! Ok? Ça vous va ? Maintenant vérifiez que les moteurs subluminiques de la cité ont été correctement alimentés par les EPPZ!
Bien que toujours intrigué par sa découverte sur le colonel Sheppard, Rodney McKay s'exécuta et apporta la confirmation que tout ce qui devait recevoir la puissante énergie contenue dans les EPPZ était alimenté et prêt à fonctionner de la meilleure des manières. Sheppard reçus les encouragements de plusieurs membres de la cité, dont le général Faltermeyer. Puis après une dernière autorisation délivrée par le NORAD, John s'employa à faire décoller la cité.
La puissance des moteurs subluminiques permirent de repousser la gravité terrestre. D'abord très lentement, la cité commença à parcourir les kilomètres la séparant de l'espace à une vitesse dépassant celles de toutes les fusées existantes sur Terre. Une fois s'être échappée de l'orbite terrestre et avoir atteint le point Lagrange, l'expédition reçu un dernier message symbolique de la Terre, enregistré plus tôt dans la semaine par le président des Etats-Unis. Il fut diffusé par les haut-parleurs de la cité. A la fin de celui-ci, John Sheppard activa l'Hyperpropulsion et la merveilleuse cité d'Atlantis fut catapultée dans le sous-espace.
Cinq heures plus tard, sur le site de la base Vauban
— Commandant. Commandant Varrault. Permettez-moi de vous déranger. Commandant!
Karmen ne comprit pas pourquoi son supérieur ne prêtait pas attention à elle. La capitaine de frégate se trouvait pourtant à moins d'un mètre de lui, presque au garde à vous. Puis elle comprit enfin que Loïc Varrault souhait voir triompher les appellations de l'armée de Terre sur celles de la Marine nationale.
— Ok j'ai compris. MON commandant, quand vous en aurez fini de m'ignorer, faites-le moi savoir!
— Mais je suis tout ouï lieutenant! Se retourna Varrault avec un grand sourire.
— Vous, on sent que vous faites un complexe vis-à-vis des bérets verts. Enfin bon, là n'est pas le problème. Nous avons contactés Midway par le transmetteur subspatial, ils nous transmettent un message de la Terre. C'est à propos du déploiement.
— Qu'en est-il ?
— Ce que le légionnaire craignait s'est produit. Ils ont un problème sur la porte des étoiles au Plateau d'Albion. A priori une histoire de condensateur. Le déploiement est retardé d'une quinzaine d'heures minimum.
— Eh merde. Bon et bien retour à la bite et le couteau je présume.
Karmen, pourtant assez prude d'habitude, ne fut pas choquée par cet adage militaire. Elle était consciente qu'ils étaient isolés dans une autre galaxie, sans pouvoir trouver assistance auprès d'Atlantis qui n'était pas prête d'arriver dans la galaxie. De son côté, Varrault évalua mentalement la situation en vitesse. Berson, Guichard et Gaboriot revenaient d'une patrouille de deux heures durant laquelle ils n'avaient rien répertoriés dans un périmètre de plusieurs kilomètres carrés à part les côtes abruptes donnant sur un océan au nord de leur position. Une station de pompage et de filtrage d'eau du génie était censée voir le jour près d'une rivière qui se jetait dans cet océan via une cascade dont Guichard avait assuré à Varrault qu'elle valait le détour. Une fois son analyse rapide de la situation terminée, le commandant demanda à ses troupes de se regrouper autour de lui.
— Bon écoutez-moi, le reste du détachement ne pointera pas le bout de son nez avant demain matin.
Le croiseur Dédale avait effectué différents relevés sur la planète. Notamment ses périodes de rotation. Elle était de vingt-six heures. Le lever du soleil et son coucher à cette période de la trajectoire héliocentrique de la planète et de son inclinaison étaient les suivants. Le jour se levait à H+7:43. La tombée de la nuit était à H+22:02. Or il était H+20:49 à l'horloge du transmetteur subspatial américain sur lequel s'étaient synchronisés les français. La tombée de la nuit serait bientôt effective. Le groupe n'avait pas encore planté de tentes. Il était grandement temps de se décider.
— Il va bientôt faire nuit, donc on va monter les tentes. Ce sont des quatre places. Vous êtes grands, vous les répartissez entre vous, je ne veux rien savoir! Prévint sévèrement le commandant. Le Guelen vous avez le droit à une tente pour vous seule. A partir de vingt et une heure et sur des cycles de deux heures, j'en veux deux qui font le pet. Pareil, vous vous arrangez entre vous! Je prendrais mon cycle avec Titi' sur les cases horaires qui resteront. Pour la garde, j'en veux un dans la tranchée A, en face de la porte. Titi', tu m'y colles une Minimi. L'autre ira dans la tranchée E, à l'opposé. C'est compris ?
— Oui mon commandant, répondirent en chœur tous les membres du groupe.
— Très bien alors rompez!
— Attentez, mon commandant, l'interpella Antoine, peut-être pourrions-nous profiter de la soirée pour prendre de l'avance?
— C'est-à-dire?
— Eh bien Kanbeï à une liste bien précise de lieux à explorer. Elle est ordonnée. Nous avons un robot que nous pouvons envoyer. Si jamais les conditions étaient requises sur la première adresse, nous pourrions peut-être envisager une reconnaissance rapide, non ? Suggéra le lieutenant de l'armée de l'air
— Hmm. Ok, vous et Kanbeï vous vous chargez de ce robot. Delcourt, joignez-vous à eux dès que vous aurez monté votre tente. Etienne, prévenez-moi dès que vous avez du nouveau!
— A vos ordres mon commandant!
Après une petite heure de travaux d'aménagements en tout genre, quatre tentes avaient vu le jour. Il y en avait largement assez pour le faible nombre de militaires. Karmen ayant sa propre tente, ce qui n'était pas pour lui déplaire. De leur côté, Antoine et Kanbeï avaient été rejoint par Damien près de la porte. Ils étudiaient les données envoyées par un petit drone ressemblant à une voiture téléguidée se trouvant à de nombreuses années lumières d'eux sur la planète répertoriée P3M-245. Le robot manié à distance révélait des données concluantes. L'atmosphère, optimale, était synonyme d'une planète Eden. Aucun danger bactériologique, chimique ou radiologique n'était décelé. Toutefois, Damien émit l'hypothèse que des relevés plus poussés de l'espace proche de la porte des étoiles ou se trouvait le robot fournirai peut-être des preuves du passage des éclaireurs wraiths que la caméra du robot cherchait en vain. Antoine fit venir le commandant qui écouta avec minutie le rapport aussi complet que possible que lui firent les deux lieutenants, Antoine et Kanbeï.
— Ce sont des images en temps réel ? demanda l'officier supérieur
— Affirmatif mon commandant, lui répondit Antoine. Il fait nuit mais le vortex de la porte illumine les environs. Enfin uniquement une zone proche puisqu'on détecte la présence d'un épais brouillard. En vision infrarouge, on décèle des formes artificielles.
— Ce sont des bâtiments ? Supputa Varrault en regardant les écrans du moniteur du robot
— Oui et je vais m'hasarder à dire qu'ils ont été construit par l'homme ou une race équivalente.
— Qu'est-ce qui vous fait dire ça?
— Kanbeï, tu peux zoomer sur la zone 4C s'il te plait? Voilà merci c'est bon. Bien mon commandant, vous voyez on distingue une façade avec portes, fenêtres. On a estimé leurs tailles. Elles coïncident avec des tailles d'architectures humaines. Et puis ont remarquent des matériaux et techniques de constructions. Ici un colombage, là l'image thermique laisse apparaitre une partie en pierre surmontée d'un ensemble en bois.
— Je vois. L'un des fameux villages moyenâgeux dont nous parlait Sheppard.
Sur Atlantis, lors des séances théoriques sur l'histoire et l'environnement de la galaxie de Pégase, Sheppard avait partagé son expérience aux français. Et notamment sa légère exaspération d'une redondance de peuples humains vivant sur des bases technologiques et sociales similaires à l'époque médiévale en Europe de l'ouest. Un anthropologue de l'université de Berkeley était l'auteur d'une théorie à ce sujet. Selon le professeur Patrick Herseter, la galaxie était façonnée par le régime alimentaire wraith. Les humains étaient devenus l'espèce dominante en terme de nombre d'individus car servant de bétail pour les wraiths. Ceux-ci régulant leur nombre, leur niveau technologique, leurs échanges, leur puissance comme le ferait un éleveur de bétail américain avec son cheptel. Une vraie logique agricole prédominait, et comme l'humain semblait, biologiquement, avoir les faveurs du régime alimentaire wraith, les autres espèces animales intelligentes étaient supprimées par les wraiths comme les loups dans certaines régions d'Europe. Ainsi expliquait en partie que nombre de races animales intelligentes non humaines n'existaient plus et que des civilisations humaines entières avaient connues une dégénérescence de leur puissance, de leur unité, de leur culture et de leur savoir. Il n'y avait plus que des tribus, faiblement développées, ou des civilisations plus avancées technologiquement mais moins unies, ordonnées. Et les seuls régimes capables entre d'eux rafles d'évoluer vers des régimes dits modernes et développés étaient le plus souvent des régimes totalitaires comme par exemple le monde genii de Genoly sous les ordres du dictateur Cowen.
— Vous avez un visu sur des individus intelligents?
— Négatif mon commandant, rien à signaler. Pourtant le vortex est en marche depuis près de trente-cinq minutes. Si des personnes se trouvaient dans les environs, elles se seraient peut-être manifestées. Quoi qu'il en est, nous n'avons pas d'autres manières de savoir si quelqu'un se trouve là-bas qu'en y allant nous-même.
— Hmm, cela pourrait être un piège.
— Il fait nuit mon commandant et avec du brouillard, fit remarquer Damien qui se tenait près du groupe électrogène alimentant la légère implantation informatique se résumant à quelques ordinateurs installés dans des caisses modulables kaki en métal. Peut-être qu'il n'y a simplement plus personne, que les wraiths ont tués et récoltés tous les habitants.
— Le sergent Delcourt a raison mon commandant, ajouta Kanbeï, si les wraiths sont venus et on en est presque sûr, ce village n'est probablement plus que l'ombre de lui-même.
— Dites, vous êtes gentils tous les trois, leur dit Varrault, agacé, mais j'avais déjà fait le rapprochement. Ce qui m'importe c'est de savoir si l'ennemi s'y trouve toujours.
Le vortex se fermât à ce moment, replongeant par la même le futur emplacement de la base Vauban dans un silence complet. Le commandant Varrault fit signe au reste de la troupe de rappliquer. Le commandant était joueur, il décida de lancer une reconnaissance. Il partirait en premier, seul. Les autres restant sur le qui-vive, prêts à le secourir si besoin. On relança une connexion. Le commandant s'élança tout en commentant par radio ses moindres faits et gestes et découvertes. La nuit noire et brumeuse de P3M-245 semblait en effet déserte. Les maisons observées par Antoine semblaient elles aussi désertes. Il chercha alors à rentrer à l'intérieur de l'une des bâtisses. Il n'eut pas de mal car la porte avait été forcée. A l'intérieur, il ne restait que les murs et quelques mobiliers sans valeur. Avant de monter au seul étage existant, il ordonna à ses hommes de les rejoindre avec le VLRA
Alors que sur Vauban les militaires s'équipaient auprès du camion, Varrault explorait les restes de ce qu'il imaginait être une chambre d'enfant. De toute évidence, il y avait eu des combats. Des marques de sang étaient visibles sur les murs sous la lueur de la lampe torche du fusil d'assaut terrien. Le commandant distingua un sang qui pouvait être humain et un autre qui était probablement wraith. Il vint à l'idée du français que les parents des enfants vivants dans cette pièce avaient probablement luttés de toutes leurs forces contre les wraiths dans l'infime espoir de sauver leurs êtres chers. Une pensée de dégoût, qu'il avait déjà éprouvé maintes et maintes fois dans le passé lors de ses déploiements dans certaines zones de conflits, prit aux tripes le soldat aguerris qu'il était. C'est alors qu'il sentit une main sur son épaule. Il sursauta, se retourna et plaqua vigoureusement contre le mur Antoine qu'il ne reconnut qu'une fois en face de lui.
— C'est moi mon commandant!
— Bordel Estienne! Ça vous arrive d'utiliser votre radio?
— Pardon mon commandant, dit-il alors que ce dernier le reposait au sol. Vous avez trouvé des survivants ?
— Non, les wraiths ont du faire un carton. Cette famille était bien trop exposée pour avoir la moindre chance.
— Peut-être auront nous plus de chance en ville, suggéra Antoine.
— En ville ?
— Sur le radar nous avons détectés un ensemble urbain à deux kilomètres d'ici.
— Bien alors allons-y!
Les deux hommes rejoignirent le camion ou les attendaient tout le commando. Antoine s'installa à l'arrière, Varrault à la place du passager avant. A peine cinq minutes plus tard, le véhicule roulait lentement, phare éteint, au milieu d'un petit bourg sans vie. Pour voir dans le noir, ils portaient des lunettes infrarouges. Ils avaient beau scruter à travers le brouillard tous les bâtiments, rien de vivant n'était visible.
Puis au détour d'une rue, le brouillard laissa apparaitre un brin de lumière artificielle. Elle venait d'un bâtiment à une cinquantaine mètres. Des rires et des exclamations d'origines humaines raisonnaient jusqu'aux oreilles des terriens à mesures que ceux-ci se rapprochaient lentement. Les militaires rangèrent leurs lunettes de vision infrarouge dans leurs étuis, ils discernaient maintenant de leurs propres yeux l'édifice. Une taverne, une maison de passe ou une auberge. Ils ne le savaient pas exactement mais l'endroit était suffisamment détonnant pour que le groupe s'y intéresse.
— Ils ont l'air de faire la fête pour des gens qui viennent de se faire massacrer, fit remarquer Thierry Guichard au commandant depuis son poste de chauffeur du camion tout-terrain.
— On ne sait pas qui ils sont. Ils ne sont peut-être pas originaires de cette planète. Bon, gare-toi devant, je vois des hommes. On suit le protocole
friendly voyager !
Cette expression anglophone, ils l'avaient découverte sur Atlantis aux côtés du colonel Sheppard. Elle consistait à se faire passer pour des voyageurs amicaux de grands chemins lors de la première rencontre avec un groupe humain dont les intentions n'étaient pas définies. C'est donc sans révéler leur origine qu'ils tenteraient de rentrer en contact avec les occupants de cette taverne et d'en savoir plus sur la présence passée de la troupe de reconnaissance wraith qu'ils recherchaient.
Guichard stoppa le VLRA le long de la façade des lieux bruyants. C'est alors que quatre hommes, armés d'armes à feu disparates allant du fusil au révolver, firent leur apparition sur la place à quelques mètres devant le camion. Ils étaient sortis par une ouverture dérobée un peu plus loin. Ils commencèrent à encercler les français sans pour autant leur adresser la parole ou les mettre en joue. Cette pression psychologique fut vite en partie désamorcée par Varrault qui s'adressa à eux en se mettant debout sur son siège.
— Bonsoir. Nous sommes arrivés par la porte des étoiles. Nous faisons une halte sur cette planète. Nous aurions besoin d'un endroit pour dormir. C'est possible ici?
L'un des mercenaires entourant le véhicule se mit à racler sa gorge avant d'expulser de manière fort peu gracieuse un crachat. Il s'avança vers la place du chauffeur. Il observa en détail l'automobile avant de dévisager du regard le lieutenant Guichard qui n'était nullement impressionné. Ce dernier acceptait le challenge et dévisageai à son tour le mercenaire. Il était tout de même prêt à s'emparer de son pistolet PAMAS F1 dont l'étui était dissimulé entre sa cuisse droite et le levier de vitesse. Les autres, à l'arrière du VLRA, suivaient à la lettre la consigne de Varrault, ne pas faire montre d'agressivité. Du coup ils n'avaient pas le doigt sur la gâchette et tachaient de cacher leurs émotions. C'était plus aisé pour les commandos de métier que pour Antoine, Kanbeï et à un autre degré Damien. Finalement, Guichard gagna le duel mental, son adversaire baissant les yeux en premier et se retira sur quelques pas avant de répondre à Varrault.
— Vous avez de quoi payer ?
— Mais bien sûr, répondit Varrault avec un grand sourire.
— Par cette porte, lui indiqua le chef des mercenaires. Et pas de grabuge!
A la suite de quoi le commandant sauta du véhicule. Il fit le tour, imité par Guichard de l'autre côté de la carrosserie pour se retrouver à l'arrière. Les terriens s'étaient tous regroupés près de leur chef pour entendre les consignes qu'il dicta à voix basse.
— Bon ces gars m'ont l'air louche. Je ne sais pas si ce sont des brigands établis après le passage des wraiths ou les autochtones de ce bled. On va inspecter l'intérieur. Tout le monde vient sauf Ludo' et Gab', vous restez à surveiller le VLRA. Je ne veux pas d'intimidations ok? Ne répondez pas aux provocations! Faites-moi signe par radio de tous mouvements suspects et tenez-vous prêts à sécuriser la place quand je vous ferais signe!
— Bien mon commandant, répondirent le sniper et le fusilier.
L'instant d'après, le groupe entra dans le bâtiment. Ils se rendirent compte que le lieu était un vaste bordel qui semblait regorgé de prostituées et d'hommes peu fréquentables aux accoutrements disparates et dans des états seconds. Des liquides coulaient à flots sur les tables en bois et le bar, ou des serveurs nonchalants remplissaient des chopines à ras bord. Au milieu de ce ramassis de déchets humains, l'équipe de l'armée française se démarquait largement. Si bien qu'un homme, au crâne rasé et mesurant plus de deux mètres, se jeta sur les nouveaux arrivants en postant son imposant physique sur leur route.
— Messieurs, bienvenue dans la Taverne de Voron. Je peux savoir ce qui vous amène ? Demanda le maître d'hôtel.
— Moi et mon groupe sommes de passage sur votre planète. Nous aurions voulu un toit pour la nuit si c'est possible, demanda Varrault.
— Vous arrivez bien tard, la nuit est déjà bien avancée. Nous sommes complets comme vous pouvez le remarquer. Toutefois je vais voir s'il n'est pas possible de répondre à votre demande. Vous êtes le chef ?
— Oui pourquoi ?
— Alors suivez-moi, je vais vous présenter au propriétaire.
— Très bien merci. Et mon équipe pendant ce temps?
— Je vais faire débarrasser une table pour eux. Laissez-moi un instant et rejoignez moi près de cette prote au fond à droite, montra-t-il avec son bras.
Le commandant acquiesça de la tête et laissa le maître d'Hôtel aller donner ses consignes à son personnel. C'est alors que son ami Thierry Guichard lui attrapa le bras.
— Loïc, je ne le sens pas ce type. Je viens avec toi!
— Ok Titi'. Le Guelen, vous prenez le commandement en notre absence, puis il décrocha sa radio pour avertir ceux restés dehors, Gab', Ludo', moi et Titi' on va tenter d'en savoir plus sur le proprio. En attendant, le lieutenant de vaisseau Le Guelen est à l'intérieur avec les autres. Fréquence echo pour moi et tango pour Le Guelen.
— Bien reçu mon commandant, on reste à l'écoute des fréquences. Répondit l'aspirant Ludovic Berson par radio.
Une fois avoir donné ses ordres, le commandant et le lieutenant s'éclipsèrent aux côtés du maître d'Hôtel vers les autres sales du rez-de-chaussée. Karmen pris alors possession d'une table dont on avait expulsé sans ménagement les quelques ivrognes qui y étaient réduis à l'état de loque. En s'asseyant, elle prit soin de recouvrir son siège par une serviette trainant sur la table qu'elle jugea à peu près propre. Une fois assise, elle se retrouva à côté de Michelet et Kanbeï, respectivement à gauche et à droite. Plus loin à droite, Damien et Antoine terminaient le demi-cercle de l'attablée. Au début, personne ne prit la parole, hormis Karmen pour réprimander Michelet qui avait posé son imposante mitrailleuse FN Minimi sur la table. Un geste jugé trop agressif selon la jeune commando marine.
— Kanbeï, vous avez un signe d'activité sur votre ordinateur ? demanda la brestoise.
— Négatif capitaine, il n'y a pas la moindre source d'énergie ou d'émissions électromagnétique. Cela ne m'étonnerait pas que tous ces gens n'aient jamais vu une ampoule …
— Pfff! Bon et bien c'est rassurant, tenta de positiver Karmen, au moins nous pouvons écarter la présence de wraiths.
Antoine, qui tournait le dos au bar, quinze mètre plus loin, fut accosté par une femme de joie qui n'avait plus beaucoup de charme et de fraicheur. Dégouté, il la renvoya fermement et agressivement en arguant qu'il n'était pas intéressé. Il reçut en échange une bordée d'insultes avant qu'elle ne parte rejoindre les bras d'un autre homme, plus loin dans l'assistance, qui lui ne fit pas de détail en la prenant dans ses bras. Il la plaqua contre un pilier et commença à effectuer sa besogne dans l'indifférence quasi générale. Les terriens qui avaient tout d'abord suivi des yeux la vieille prostitué, arrêtèrent instantanément de la regarder dès qu'ils virent l'homme soulevé sa robe et baisser son pantalon.
Le malaise était à son summum. Antoine avait les yeux rivés sur ses mains, ne voulant pas croiser du regard les occupants de la taverne. Ce que firent d'ailleurs le reste des militaires. Mais soudain, il eut l'intuition que quelque chose d'important se trouvait dans la maison close. Une de ces intuitions qui vous prends parfois, qui vous obstinent l'esprit et vous poussent à chercher quelque chose dont vous ignorer l'existence. Le pilote de chasse commença à balayer du regard la salle. Se demandant ce qu'il cherchait. Puis un souvenir l'aiguilla. Il cherchait une jeune fille, d'à peu près 1 mètre 60, les cheveux longs bruns foncés, un visage blanc livide et un regard dans le vague.
— Putain, s'écria-t-il avant de reprendre à voix basse pour ses coéquipiers qui sursautèrent. Regardez capitaine, dans vos 8 heures, c'est Kat!
— Quoi ?!? S'exclama Karmen.
Toute l'équipe commença à scruter l'endroit indiqué par Antoine qui était noir de monde. Ils n'y retrouvèrent pas la jeune fugueuse d'Atlantis qui semblait avoir encore disparue.
— Je ne vois rien, vous êtes sûr que c'était la gamine de la semaine dernière ?
— Oui capitaine, j'en suis sûr certain! Elle était là et … Oh!
Se faufilant à travers la foule qui dansait dans le dos de Kanbeï et Karmen, Kat surgit juste derrière le japonais. Mais elle ne porta pas son regard vers les français, comme si elle ne les aveint pas vu. Elle s'éloigna ensuite en direction du bar. Antoine se leva pour la rattraper mais Karmen n'était pas du même avis.
— Non lieutenant Estienne, asseyez-vous, c'est un ordre! Sergent Delcourt, suivez-là! Mais restez discret, compris ?
— Euh oui capitaine, confirma le sapeur avant de s'exécuter.
— Mais ? Pourquoi ? Je ne comprends pas ? S'exclama Antoine Estienne.
— Lieutenant Estienne, vous avez déjà été berné par cette fille. Je ne veux pas que vous l'approchiez, c'est clair ?
— Oui capitaine, se résigna l'aviateur avant de se rassoir.
Plus loin dans la maison close
Le trio avait traversé un long dédale de couloir ou s'accumulaient les piaules miteuses dont résonnaient des cris d'hommes et de femmes. Au bout de leur périple, ils arrivèrent dans un espace étriqué donnant sur une porte gardée par un homme en arme. Dès qu'ils l'aperçurent, Varrault et Guichard sentirent le piège. Ils attrapèrent leurs armes qui pendaient dans leur dos. Mais malheureusement pour eux, quatre mercenaires accoururent du couloir et les mirent en joue dans leur dos. Dès lors, Loïc Varrault comprit pourquoi le colonel Sheppard avait souvent été fait prisonnier. Cette tactique d'approche faisait d'eux des cibles faciles.
— Messieurs, inutile de résister, indiqua le maître d'hôtel. Mettez les mains derrière la tête et entrez-ici!
Les deux français n'eurent pas d'autres choix que de franchir la porte ouverte par le chef du service qui leur emboitèrent le pas, toujours en présence de ses hommes. La porte donnait sur une grange ou étaient rangés de la paille, du matériel équestre, des tonneaux et autres réservoirs, ainsi que des sacs de grains de céréales non identifiables.
Trois autres mercenaires étaient déjà en poste dans la grange. Les parachutistes étaient coincés. On les désarma et les força à se dévêtir. Après quelques minutes angoissantes ou ils se demandèrent jusqu'où iraient leurs preneurs d'otages, les deux marsouins se retrouvèrent nus côte à côte, les mains cachant leur sexe. Le maître d'Hôtel fit alors entrer un homme d'une cinquantaine d'années. Les gardes se crispèrent à son entrée. Il n'inspirait pourtant aucune crainte aux français. Il était très largement obèse et malgré son regard hautain, il paraissait bien inoffensif pour les critères des forces spéciales. Mais étant le chef suprême des lieux, il inspirait la crainte plus que le respect à ses hommes.
— Dudzic, pourquoi m'as-tu fais venir, qui sont ces hommes ?
— Seigneur Voron, déclara le maître d'Hôtel en faisant une révérence, ils disent être des voyageurs. Leurs armes et leur équipement sont très sophistiqués. J'ai pensé …
— Stop! Tu penses trop Dudzic! Si tu continues, je serais obligé de parler de toi à qui celle que tu connais!
— Oh non, pitié mon seigneur! Pardonnez-moi! S'écria-t-il à genoux pittoresquement.
— Ca va, ça va pour cette fois, hors de mon chemin! Va me chercher cette petite catin dont on a parlé et fait la monter dans ma chambre!
— Bien mon seigneur. Mais et pour les autres ?
— Commença les autres ???
— Ces deux-là sont accompagnés d'une petit groupe.
— Et autant vous dire que vous allez passer un sale quart d'heure, les prévint malicieusement le commandant Varrault.
— Taisez-vous! Hurla Voron.
Le propriétaire, bien que mégalomane, n'était tout sauf rassuré à l'idée d'avoir dans son antre des humains capables de lui faire regretter ses actions. Il savait qu'il n'était pas de taille, lui et ses hommes. Par contre, il connaissait quelqu'un qui l'effrayait bien plus et dont il était totalement soumis. Comme dirait la maxime, l'ennemi de mon ennemi est ami. Ces riches voyageurs apparus comme par magie sur son territoire feraient une très belle monnaie d'échange. Il gagnerait probablement une protection, l'assurance de rester encore en vie et de rester un despote en toute impunité encore quelques temps.
Il renvoya sèchement le maitre d'Hôtel dans la grande salle du bar. Lui demandant de ne pas éveiller les soupçons et de surtout ne pas alerter les autres visiteurs. Une fois cet ordre passé, il s'adressa à un des mercenaires qui semblaient, au vue de ses habits, jouir d'une position hiérarchique assez élevé.
— Talok', rends toi à la porte et vas sur le monde de la reine. Dis-lui d'envoyer ses guerriers. J'ai pour elle des humains très importants!
— Bien, mon seigneur, j'y vais de suite.
— Attendez, une reine ? S'emporta Varrault. Ah je comprends, vous faites affaire avec ces monstres! Allez dites-moi, vous lui avez vendu l'adresse de ce monde en échange de la vie et de votre business ?
— Ce ne sont pas vos affaires ! répliqua Voron
— Oh tu n'imagines même pas. Tu es déjà mort !
La deuxième partie du chapitre 5 à suivre dans Stargate: L'Odyssée de la Terre
"Sais-tu que Flaubert voulait écrire un roman sur le néant? S'il t'avait connue, on aurait eu un grand livre. Quel dommage."
-Jep Gambardella, La Grande Bellezza