Chapitre 5 : Le test
Nous changeâmes deux fois de camions lors du trajet, puis nous prîmes un… avion (j’utilise ce nom commun représentatif des aéronefs motorisés, bien que l’état fort délabré dudit engin ne s’y prête guère). Le vol ne dura qu’une heure… une heure de calvaire. Après avoir pris deux camions supplémentaires (l’armée ne souhaitait apparemment pas que quelqu’un nous suive), nous finîmes par arriver à la lisière d’une forêt de pins qui s’étendait à perte de vue. Une estrade avait été aménagée. Nous y attendait le jury du concours. Carter, Murray et Jackson avaient l’air de s’ennuyer ferme, tandis que Crichton et O’Neill s’esclaffaient bruyamment, en mimant une sorte de ballet aérien dont les héros, au vu de l’angle de chute, ne s’en étaient probablement pas sortis indemnes.
Lorsqu’il nous vit enfin, O’Neill s’interrompit brusquement et rassembla ses papiers en une masse informe. Enfin, il prit son micro et commença à parler. Il s’arrêta au bout de trente secondes, le temps pour lui de se rendre compte que ledit matériel ne fonctionnait pas. Il jura (ceci fut très bien entendu et par tout le monde, mais je préfère vous épargner le contenu de sa diatribe), puis se mit à secouer son micro sauvagement, tel un enfant en bas âge ayant cassé son hochet et essayant vainement de le faire teinter. Carter se leva rapidement et vint sauver la situation, en pressant semble t-il un simple interrupteur.
- Merci Carter … Je disais donc, bienvenu à tous sur le lieu de vos prochaines et dernières épreuves. J’espère sincèrement que tous passeront ce test avec brio. Vos professeurs ont supervisé personnellement les travaux effectués dans cette forêt… de pins. Vous aurez chacun une carte et une boussole. Vous devrez passer obligatoirement par le…
A ce moment là il saisit une carte chiffonnée sous ses papiers (ces derniers finirent au sol) qu’il défroissa laborieusement. Après l’avoir observé un moment, en la tournant et la retournant dans tous les sens, il enchaîna :
- …point rouge indiqué sur votre plan où vous attendent pas mal d’épreuves… qui solliciteront tant vos capacités physiques qu’intellectuels.
Nous vîmes alors O’Neill regarder Murray en souriant. Ce dernier rayonnait littéralement de fierté. Je craignais très fortement que cela allait encore être synonyme pour nous de bleus et de bosses.
- Chaque groupe partira d’un point donné, et devra se rendre, en passant d’abord par le bunker marqué par euh… le point rouge, au euh… X indiqué sur la carte. C’est là que vous attend un trophée. Chaque équipe aura un parcours différent, mais un niveau de difficulté équivalent. Les premiers arrivés auront la meilleure affectation. Je vous conseille de vous grouper par trois. Il serait pertinent de trouver dans votre équipe un scientifique, un historien et un militaire. Bonne chance à tous !
Crichton opina longuement du chef, fier apparemment de la prestation de son supérieur. Ce n’était pas le cas de Carter qui faisait la moue, et de Jackson qui avait l’air de fixer un point imaginaire dans le ciel azur.
Il fallut approximativement une demi-heure pour tout organiser. Dix groupes furent ainsi constitués. On éparpilla les équipes le long de la lisière de la forêt, puis une corne de brume annonça le départ. Sarah, Chris et moi nous regardâmes fixement, puis après une brève accolade pour nous donner du courage, et consolider ainsi notre esprit d’équipe, nous pénétrâmes dans l’épaisse forêt de conifères.
*
- Ça va ton oreille, Mick ?
- Très bien merci !
Je lui avais répondu un peu sèchement car la situation semblait désespérée.
Depuis la dernière salve, je me tenais l’oreille droite, tandis que Sarah était légèrement touchée à la jambe gauche. Elle avait dit avoir ressenti l’effet d’une forte décharge électrique. A peine arrivés dans la forêt, nous nous étions rendus compte qu’il pleuvait sur nous ce que Sarah identifia comme étant des rayons énergétiques rouges. Je la croyais sur parole. Nous conclûmes logiquement qu’il fallait éviter de se prendre une décharge de plein fouet.
- Il faut faire diversion !
- Je passe mon tour ! répondit-je, usant du même ton qu’auparavant.
Chris roula des yeux :
- Comment veux-tu sinon qu’on puisse traverser cette portion de la forêt ? Sarah boîte encore et il faut que je puisse voir d’où…
- C’est bon j’ai compris !
Je maudis alors intérieurement les militaires et leur présupposée supériorité tactique.
Nous nous tenions derrière un tronc d’arbre déraciné et couché sur le sol. Je repérais vite un peu plus loin un talus constitué de terre et de feuilles, où je pourrais facilement me dissimuler. Après un petit temps de préparation (d’avantage mentale que physique), je me ramassais sur moi même, puis bondis… et me ramassais par terre. J’avais omis de vérifier le sol, or mon pied s’était pris dans une racine. Toute une série de jurons bien sentis vinrent accompagner ma chute. Je me relevais plus rapidement qu’il faut pour l’écrire et couru vers ma cible. J’évitais de justesse deux tirs en me baissant avec souplesse (ou parce que je trébuchais sur le sol inégal de la forêt, je ne me souviens plus exactement des détails) puis me dissimulais derrière ma protection de fortune. Tout au long de ma course, j’entendis des tirs de pistolets automatiques attestant de l’action (sinon de l’efficacité) de mes amis.
Au bout de deux minutes d’attente je sursautais alors qu’une sorte de boule de pétanque atterrissait à mes pieds, devant moi.
- C’était aussi accompagné d’une caméra, fit Chris, apparaissant tout d’un coup. Nos chers professeurs nous observent.
Je saisis la sphère argentée et la scrutait longuement. Des rainures la parcourait aboutissant toutes à une seule cavité, d’où devait sortir probablement le très mystérieux rayon énergétique…
- Technologiquement je n’ai jamais rien vu de semblable, remarqua alors Sarah. Il ne semble pas alimenté…
Chris, après m’avoir jeté un regard qui disait a peu près ceci : « De toute façon nous n’allons certainement rien capter », l’interrompit :
- Allons-y, il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’arriver au bunker…
**
La porte se referma derrière nous dans un grincement sinistre. Puis ce fut le noir le plus complet. Le genre d’obscurité que même l’œil exercé d’un chat ne peut percer. Pourtant, au bout d’un moment, la lumière fut ! Plusieurs centaines de lumières s’allumèrent tout autour de nous. Il y en avait partout : au sol, au mur, au plafond, partout vous dis-je ! C’était des diodes de faible puissance, aussi étions-nous encore dans la pénombre. Mais au moins nous pouvions voir où nous mettions les pieds.
Une sorte de sphère, grande comme un ballon de plage, était suspendue au centre de la pièce. A l’entrée, juste devant nous, se trouvait un clavier, de forme triangulaire, orné de symboles inconnus… de moi en tous cas, vu que Sarah reconnut les symboles qui représentaient apparemment les constellations visibles depuis notre planète. Nous fîmes le tour de la pièce et finîmes par trouver la porte de sortie, blindée et sans poignée (bien évidemment, cela aurait été trop facile). Chris essaya bien de la défoncer, mais tout ce qu’il fit consista à nous ruiner les tympans avec l’écho des coups dans le bunker.
- Ça suffit Chris ! Aboya Sarah.
- Fallait bien que quelqu’un essaie, fit en toute mauvaise foi notre ami. A vous de jouer les intellos.
Sarah lui jeta un regard noir (qui aurait fait reculer un homme plus brave que Christopher), se gratta la tête un moment, puis commença :
- Les diodes représentent, je pense qu’on peut l’affirmer, des étoiles.
- On à la tête dans les étoiles alors ? demanda innocemment Chris.
- Je crois qu’on peut en convenir.
Elle s’approcha alors de la console.
- Les touches de ce clavier représentent des constellations…
Une lumière d’intelligence (si si !) brilla dans les yeux de Chris :
- Voilà, bravo ! Tu as trouvé ! Il ne reste plus qu’à reconnaître toutes les constellations présentes dans la salle, puis d’appuyer sur leur correspondance sur le clavier !
- Non.
- Non ?
Sarah soupira, puis, tel un professeur devant un élève particulièrement obtus, répondit en usant d’un ton des plus condescendant :
- Nous sommes entourés d’étoiles Chris. Toutes les constellations visibles depuis la Terre sont autour de nous. Il faudrait donc, si on respecte ta logique, appuyer sur tous les boutons à la fois. Cela serait idiot. Au final, je ne vois pas du tout ce qu’il faut faire.
- Essaye d’ouvrir la porte.
- Chris, quant est-ce que tu cesseras de…
- Euh… Puis-je intervenir, fis-je élevant la voix pour me faire entendre malgré l’écho de leur dispute dans le bunker. Ça a peut être un rapport avec cette boule au milieu de la salle ?
Sarah fit plusieurs fois le tour de la sphère suspendue, puis ferma les yeux, l’air de ce concentrer. Alors que notre bavard camarade ouvrait encore la bouche, je secouais énergiquement la tête, lui faisant signe de laisser Sarah se concentrer.
- Je crois que j’ai finit par deviner, fit finalement notre amie, les paupières toujours closes. Michael a raison. En considérant que ce rond est un point précis de l’espace, disons la Terre, et que nous voulions le situer dans la galaxie, alors nous avons besoin d’une technique spécifique de localisation. Il faut insérer notre planète à l’intérieur d’un cube, dont le centre de chaque coté représente une constellation et permettra ainsi de situer notre point dans l’espace.
Cette fois-ci Chris ne put se retenir.
- Je ne vois pas de cube autour de ta sphère.
Sarah leva les yeux au ciel, cherchant du réconfort auprès notre hypothétique créateur :
- La pièce enfin ! Les murs représentent un cube parfait !
Secouant désormais la tête, devant le cas désespéré de Chris (on aurait dit une vieille dame atteinte de la maladie de Crosfeld Jacob), elle fit le tour de la pièce, relevant pour chaque paroi (incluant le sol et le plafond) la constellation centrale.
Puis elle se rendit à la console et pressa sur les touches correspondantes. Au bout d’un moment, elle se redressa tout sourire et fixa de son regard scintillant la porte à l’autre bout de la salle. Puis son sourire se fana à la vitesse d’un nénuphar, se refermant doucement sur lui-même, l’obscurité pointant (le critique qui lit par-dessus mon épaule secoue la tête devant une telle image, argumentant que le lecteur moyen (sorte de lecteur hypothétique au QI supposé fort peu développé) est jugé guère réceptif aux images poétiques) :
- Malédiction ! fit-elle.
- Houston we’ve got a problem.
Sarah et moi nous tournâmes tout deux lentement vers Chris, qui vous l’avez forcément deviné, était à l’origine de ce dernier propos fort maladroit. Mais devant nos regards accusateurs, il se défendit :
- Apollo 13 ! Un film de Ron Howard avec Tom Hanks, Ed Harris et Bill Paxton ! Le réservoir d’oxygène de leur vaisseau explose. Ils évoluent dans un décor étrangement ressemblant au notre. A l’origine c’est une mission lun…
Sarah se jeta au coup de Chris. J’avoue que j’eus pendant une seconde un peu peur qu’elle ne l’étrangla (j’aurais dans ce cas bien entendu témoigné en sa faveur au vu des nombreuses circonstances atténuantes que quiconque aura facilement relevé… mais je vous laisse le soin de l’énumération), mais au lieu de ça elle l’étreignit un temps puis se remit devant la console en criant :
- Chris tu es un géni !
Je me grattais la tête, en essayant de comprendre ce qui avait bien pu l’amener à utiliser un tel propos, alors qu’à l’origine Sarah m’avait semblé être une femme à l’esprit plutôt clairvoyant. Il faudrait que je revoie mes présupposés initiaux et que je pense dans le futur à ne pas porter de tels jugements hâtifs.
Elle pianota un moment sur la console, puis tout d’un coup un déclic se fit entendre et la porte s’ouvrit, en couinant.
- Euhhh, consentirais-tu à éclairer nos lanternes ? Demandais-je alors que j’étais moi-même dans le noir le plus complet.
- C’est simple Mick ! Quand Chris a dit « à l’origine » je me suis rappelée qu’il nous manquait un septième point ! Le point d’origine justement ! J’ai récupéré la constellation qui était au centre de la porte d’entrée que j’ai insérée avec les six autres. Et voilà !
Je savais bien que le prétendu géni de Chris était forcément un malentendu. Je soupirais longuement de soulagement puis je plaquais de nouveau la main sur mon oreille.
Chris, qui avait gardé un silence septique depuis qu’il avait apprit ses prétendues facultés psychiques extraordinaires, me saisit par l’épaule, l’air grave :
- Ça va Mick ?
Je hochais la tête, indiquant la sortie du doigt :
- Allons y. Plus tôt on aura gagné, mieux ça sera pour nous tous…
***
La porte se referma une fois de plus derrière nous en grinçant (les moyens de l’armée laissaient décidément fortement à désirer !)
Cette fois-ci, nous nous trouvions dans une salle brillamment éclairée… et complètement vide. Désespérément vide. Seul trois inscriptions encadrées étaient visibles, réparties sur trois murs. Sur le mur d’en face, il y avait marqué : « Clovis », sur le mur de droite : « Louis » et enfin sur la paroi de gauche : « Claudius ». Les lettres gris foncé qui composaient ces trois mots étaient en léger relief.
La première chose que voulut faire Chris, bien évidemment, fut de taper dessus. Je l’en empêchais laborieusement, argumentant que cela pouvait faire capoter la résolution de notre énigme.
Chris, boudeur, s’assit alors par terre et croisa les jambes.
- Alors je crois que celle-là est pour toi, Mick.
C’était aussi ce que je pensais. Je me mis alors à faire les cent pas, en parlant à voix haute, tel un maître de conférence (ou un échappé de l’asile, ces deux comparaisons n’étant pas si éloignés l’une de l’autre) pour essayer de trouver un lien entre ces trois noms.
- Claudius … Claudius … c’est le nom de l’une des plus prestigieuse famille de la Rome antique. On appelait cette famille : la gens Claudia. Elle a engendré une dynastie d’empereurs et toute une tripotée de consuls… si vous m’excusez cette déplorable expression.
- Tu vois, je te l’avais dit que c’était pour toi ! Moi qui pensais que « la Claudius » c’était le nom d’une pizza.
Je ne pris même pas la peine de répondre à ce manque flagrant de culture. J’avais une énigme à résoudre, et rapidement.
Sarah jeta un regard dépourvu d’aménité à notre ami, puis encouragea ma réflexion :
- Et Clovis ?
- Clovis … ah je ne sais pas grand-chose sur lui. Il a été l’un des premiers rois de France, je crois qu’il a régné dans le courant du IVème… ou peut être bien du Vème siècle. Quant à Louis… ça peut bien être l’un des dix-sept ou dix-huit rois du même nom qui ont régnés en France !
- Ils sont originaux ces gens-là !
- Chris ! Tu ne peux pas le laisser réfléchir deux minutes !
L’intéressé haussa les épaules, puis prit une barre de céréale dans sa ration de survie.
Sarah tenta de faire repartir ma réflexion grossièrement interrompue :
- On sait donc maintenant que ça à un rapport avec la France. Clovis, Louis…
- Mais Claudius est un nom qui est romain, pas français ! Ni même gaulois ! Puis de toute façon je ne vois pas le rapport. Peut-être…
- Peut être qu’ils sont tous issus de la romanité ?
- Non, Clovis selon toute vraisemblance était issu d’un peuple germanique…
Je portais alors les mains à mes oreilles, tentant de me concentrer. Je regardais les trois mots, la bouche grande ouverte.
- Bon dieu ! Tu as raison Sarah !
- C’est vrai ? Fit-elle rayonnante, ils sont tous issus de la romanité ?
- Pas tout a fait, mais tu t’en approches ! En fait tous ces noms sont issus de la même racine romaine : « Claudius » ! Le « v » en latin n’existait pas. Il n’est apparu que plus tard, pour éviter des prononciations hasardeuses… En latin « Clovis » s’écrivait « Clouis » ! Il apparaît probable qu’avec le temps le nom « Claudius » ait donné « Clovis » et que « Clovis » ait donné « Louis » ! Tout a évolué à partir de Claudius ! Claudius, Clovis et Louis ne sont pas issus de la romanité, ce sont leurs noms qui le sont !
- Chi, ai …pris … pardon.
Chris avala ce qu’il avait dans la bouche et reprit :
- Si j’ai bien compris, ce qui m’étonnerait fortement, comment peux-tu résoudre l’énigme ? Tu vas écrire la réponse en taguant sur le mur ?
J’ai horreur des rabats joies ! D’autant plus quand ce sont des militaires et qu’ils ont raison.
Je me frappais la tête de la paume de la main (une image que je suppose typiquement littéraire, vu que je n’ai jamais vu personne le faire, et que j’ai encore fort mal en y repensant).
Je parcourus la salle de long en large, regardant attentivement les inscriptions. Ces lettres… en relief. Je me concentrais, faisant travailler mes petites cellules grises, comme l’aurait sûrement dit un célèbre détective privé romanesque belge, mais j’eus moins de résultat que lui (a ma défense il me manquait le fidèle Hastings). Puis, finalement, au bout d’un moment, alors que Chris commençait à donner des signes inquiétants d’impatience, je finis par avoir la solution :
- Il suffit de montrer que nous avons compris le mécanisme !
Je m’approchais du mur et commençais à appuyer sur les lettres :
- Nous allons exercer une pression pour les trois mots sur les lettres L.O.U.I.S.
Un raclement de gorge particulièrement agaçant, accompagné du bruit d’un emballage plastique qu’on jette violemment au sol, vint ponctuer ma proposition.
- Mais il n’y a pas de « O » dans « Claudius ». Ni de « U » dans « Clovis » d’ailleurs.
- Si tu avais écouté, Chris, tu saurais que le « v » de Clovis peut être considéré comme étant un « U » en latin. De plus le « u » seul de Claudius, se prononce « ou » dans cette même langue. Observe :
J’appuyais sur les lettres LUIS de Claudius, sur les lettres LVIS de Clovis et sur toutes les lettres de Louis.
Un déclic se fit alors entendre, et la porte du fond pivota, faisant entrer l’air frais et le chant onirique des oiseaux.
Chris se releva, chassa vigoureusement les quelques résidus de nourriture énergétique de sa tenue, puis me mit un violent coup dans le dos :
- Bien joué ! Ben c’était plutôt facile finalement.
Je crois que je n’ai jamais été aussi prêt de ma vie, d’abréger celle de quelqu’un d’autre.
****
Nous avancions désormais prudemment. Depuis que l’on était sorti du bunker, aucun piège n’était venu nous ralentir. C’était curieux en soi, connaissant bien Murray et ses lubies destructrices.
Nous étions cependant énormément ralentis par Sarah qui boitait de plus en plus. Cette dernière refusait une aide quelconque, ce qui ne nous arrangeait guère. Heureusement nous avions été particulièrement performants à l’intérieur du bunker grâce notamment à ma grande faculté à…
Ce fut alors que Chris leva son poing fermé pour nous intimer le silence. Il disparut tout d’un coup, et lorsqu’il revint un moment plus tard, il avait encore une de ces singulières boules de pétanque meurtrières à la main (plus qu’une et on aurait un jeu complet).
- C’est curieux, celle-ci ne fonctionne pas, remarqua t-il. Je ne voudrais pas être à la place de celui qui l’a placé quand Crichton l’apprendra.
Nous acquiesçâmes ensemble. Personne ne souhaiterait être à la place du malheureux, déjà que la notre n’était pas aisée.
Chris sortit la carte de l’épreuve de son sac, puis après l’avoir étudiée un moment, hocha la tête.
- On y est presque maintenant. Sortez le champagne, c’est pas bon quand c’est trop froid.
Puis il nous regarda avec un large sourire. Ne voyant pas ce qui était drôle je haussais les épaules et Sarah s’assit lourdement par terre, usée par la douleur … ou par notre ami.
- Taxi ! Un film français qui a cartonné dans ce pays en…
Alors que je sentais la dépression me gagner, un son parvint à mon tympan…
Je scrutais intensément l’épaisse forêt puis tapais sur l’épaule de notre collègue militaire qui en était à citer le nom des scénaristes.
- On nous talonne.
- Quoi ? S’étonna Chris, qui suivait mon regard. Tu en es sûr, je ne vois rien…
Il n’y avait pas de temps à perdre. Nous nous tournâmes ensemble vers Sarah. Puis Chris me regarda droit dans les yeux. Il vit que j’avais pris une résolution et que je n’en démordrais pas. Il sembla hésité un moment puis il acquiesça, gravement.
- Vas-y Michael. Je reste aider Sarah. Je te promets que si tu n’arrives pas premier, je te botterais les fesses jusqu’à Pékin…
Je lui laissais mon sac, alors qu’il nous donnait les références cinématographiques de sa dernière tirade. Un film avec Jackie Chan si je me souviens bien. Il me serra la main, chaleureusement. Après avoir fais un signe à Sarah, je partis en courant en direction du sud-est… a moins que ce ne fût le nord-ouest… enfin dans la direction que m’avait indiquée Chris, qui savait mieux que m… qui savait se servir d’une boussole.
J’entendis bientôt des bruits de pas dans mon dos, attestant de la véracité de mes suppositions initiales concernant notre avance. J’accélérais. Les bas branchages épineux des pins me griffaient le visage et je ne cessais de butter sur tout un tas de choses, allant de la simple racine, au rocher de taille conséquente. Tout mon corps semblait être endolori. Mais ce fut avant que j’émerge à la lisière de la forêt et que le soleil ne m’éblouisse complètement. Je marquais un temps d’arrêt forcé pour m’habituer à ce satané changement de luminosité. Mon poursuivant en profita pour passer devant moi.
C’était Stanley Emerson !
J’accélérais rapidement, aidé un peu, je le crains, par la rage que m’inspirait ce douteux individu. Heureusement, le sol était plus stable, et la condition physique de mon concurrent laissait à désirer. J’arrivais à sa hauteur, puis… callais comme une vieille deux-chevaux (je bénis intérieurement le cuistot du mess qui m’avait fait rapidement écluser mon stock de barres de céréales. J’en aurais eu furieusement besoin ce jour-là). Je réussis cependant à rester à sa hauteur en fournissant un effort qui me parut sur le moment surhumain !
C’est alors que levant la tête, j’aperçus le trophée à quelques mètres de nous. Plus loin le jury nous pointait du doigt, nous encourageant. Il ne fallait surtout pas que ce soit Emerson qui le récupère ! Je ne le permettrais pas !
Nous tendîmes ensemble la main et… je serrais mes doigts autour du métal froid. J’avais la coupe ! Je fis cependant un roulé-boulé… je tombais lourdement sur le sol. Lorsque je me relevais, je ne devais pas avoir l’air très héroïque. La terre, mêlée à ma sueur, formait sur ma peau et la coupe une couche boueuse particulièrement répugnante, j’étais épuisé, et j’avais mal partout… cependant…
Je soulevais alors le trophée, en le brandissant bien haut. Crichton applaudit bruyamment et tapa dans le dos du professeur Jackson qui, curieusement, ne sembla guerre apprécier le geste.
Mon rêve de la veille se réalisait… en parti du moins.
Dommage, ils avaient omis les cheerleaders…
*****
Les membres du jury étaient descendus de leur estrade et venaient nous congratuler. Chris et Sarah étaient bientôt apparus à la lisière de la forêt et m’avaient très vite rejoints. Lorsque Chris comprit que nous l’avions remporté j’eus droit à une franche accolade, qui n’avait rien de bien militaire. Puis mes deux amis firent bruyamment éclater leur joie.
Jerry Carson arriva bientôt, et avant même d’aller voir Emerson, il s’approcha de moi, le visage défait. Je me crispais, m’attendant au pire. Au lieu de cela, étrangement, ce fut le meilleur qui arriva : il me serra la main. Il me félicita chaleureusement, puis me demanda finalement s’il pouvait voir le trophée.
Je me tournais vers Crichton, qui me fit signe qu’il n’y avait pas de problèmes. Je tendis alors la coupe à mon ancien adversaire et futur ami. Il faudrait s’y habituer. Nous travaillerions probablement ensemble un jour, dans le cadre de ce mystérieux programme. Il me la rendit bientôt, avouant qu’elle était magnifique. Je la passais à Sarah.
Les deux équipiers de Jerry fulminaient devant ce qu’ils considéraient comme vile traîtrise de leur ami.
Puis au bout d’un moment, Stanley Emerson ne put plus se retenir. Il rougit violemment (probablement à cause d’une hausse de sa tension artérielle causée par son profond ressentiment) puis se mit à parler, haussant la voix pour que tout le monde puisse l’entendre, usant de son ton haineux habituel. Sur place, il n’y avait que nous et le jury, vu que les autres n’étaient toujours pas sortis de la forêt.
- C’est honteux, cracha t-il. Un assassin mérite-t-il de finir premier ?
Chris blêmit devant la remarque. Je n’en compris la raison que lorsque Crichton aboya, à son habitude :
- Si tu parles du travail des militaires, tu n’insultes pas seulement Sanders mais nous tous, moi y compris. Alors surveille tes propos.
- Oh non, je ne parle pas de ça, mais des deux gardes assassinés, lança Stanley l’air de rien.
Le silence s’installa soudain. Emerson, manifestement content de l’effet qu’il avait provoqué, continua :
- Eh oui, j’ai enquêté et trouvé qui était responsable de ces monstruosités. C’est simple pourtant, je ne comprends pas que personne ne l’ait suspecté. Il faut être particulièrement obtus pour passer à travers de telles preuves de culpabilité. Qui s’est absenté un moment dans sa chambre avant qu’on ne trouve le bureau saccagé ? Qui a tapé du pied dans la porte, faisant par la même découvrir comme par hasard la scène du crime ? Qui est arrivé en retard et curieusement habillé de la tête aux pieds lors du deuxième crime quand on a découvert les gardes blessés ? Qui ne fait pas de vagues pour qu’on ne le remarque pas ? Et enfin, j’ai gardé le meilleur pour la fin … qui ais-je vu déambuler dans les couloirs hier soir ?
Personne n’osait même respirer. Une sueur épaisse collait mon costume sur ma peau. Je me sentis soudain particulièrement mal à l’aise.
- Accouche, beugla Crichton.
- Michael Anderson bien entendu. Qui d’autre ? Ce n’est pas pour rien qu’on l’a éjecté du corps universitaire. Espèce de fumier ! Tu croyais peut être t’en tirer comme ça ?
Les regards convergèrent sur moi. Tous paraissaient incrédules, et hébétés devant tant de preuves de ma culpabilité. Je piquais un fard. Chris se positionna devant moi, bras croisés, face à la foule :
- Langue de vipère ! Prouve-le !
- Vous voulez encore une preuve ? Allons-y alors. Personne ne s’est donc étonné que les deux gardes aient été blessés par balles alors qu’on nous avait bien signifié que les projectiles étaient gardés ailleurs ? Effectivement l’armoire à notre étage a été forcée, mais l’individu n’a pu obtenir que des armes. Comment a donc t-il pu se fournir en munitions ? Maintenant je vous demande à tous : qui, quelques jours auparavant, a soi-disant vidé son chargeur sur une cible… qu’il n’a jamais atteinte ?
Stanley Emerson rayonnait littéralement de fierté… et de haine à mon égard. Mais cela n’était pas nouveau. Personne n’osait ni bouger ni détacher son regard de ma personne. Chris tremblait, comme une vieille bouilloire en ébullition. Mais je ne pouvais pas apercevoir son visage, il me tournait toujours le dos. Sarah, quant à elle, les yeux brillants (de peine ou de colère), avait les lèvres pincées.
- Où est son sac ! mugit finalement Crichton.
Sanders, qui l’avait gardé depuis que je lui avais laissé dans la forêt, lui tendit l’objet, après m’avoir jeté un regard où l’incrédulité disputait à l’horreur.
Le colonel sortit tout mon matériel, pêle-mêle. Divers objets s’envolèrent aux quatre vents. O’Neill dû même se baisser pour éviter de justesse le jet d’une lampe torche. Tout d’un coup Crichton s’immobilisa et sortit précautionneusement… une des sphères à rayon énergétique.
Il y a des moments où l’on voudrait se faire tout petit.
- J…je ne comprends pas, balbutiais-je.
- Moi je commence à comprendre, fit Crichton doucement, dans un doux ronronnement qui était encore plus à craindre que ses cris si on en croyait la rumeur le concernant. Nous avons affaire à un espion.
Je sais ce que vous vous dites fidèle lecteur. Comment a t-il pu nous berner tout ce temps-là ? Les plus ingénieux (ou les plus hypocrites, c’est à voir) diront qu’ils m’avaient percé à jour il y a des lustres ! Mais je me demande… aurez-vous aussi deviné ce qui va suivre ?
Je me tournais alors vers Jerry Carson, qui était resté à mes cotés depuis qu’il m’avait serré la main. Je lui souris, puis tout d’un coup l’agrippais violemment par la manche.
- Vas-y, c’est maintenant ou jamais.
Il parut un moment dérouté, puis hocha la tête. Ce fut alors que décor autour de moi s’éclaircit brusquement. Etais-je en train de perdre connaissance ?
Il me reste à poster un chapitre.
Mais pour les impatients, je vous donne les liens vers ma fic entière (liens aussi sur le premier post) :
Voici pour ceux que ça intéresse, ma fic en fichier Word :
Voir le Fichier : Laselection.doc
Et en fichier pdf :
Voir le Fichier : Laselection.pdf