Opération Serval : 11 janvier 2013 - 11 janvier 2014
(Bilan An 1)
MALI. Serval, une opération pas si réussie
Un an après le déclenchement de l'intervention militaire française au Mali, des critiques acerbes commencent à se faire entendre.
Les soldats français accueillis en libérateurs en mars 2013 au Nord du Mali.
L'histoire retient que ce fut un succès. Il y a tout juste un an, le 11 janvier 2013, la France déclenchait sa plus importante opération militaire depuis 50 ans : elle déployait dans l'urgence 4 000 hommes sur le sol malien pour stopper l'offensive des djihadistes vers le sud du pays et reconquérir le nord tombé entre leurs mains dix mois plus tôt. L'Opération Serval fut applaudie quasi unanimement, de Paris à Bamako. Un an plus tard, pourtant, des sifflets commencent à se faire entendre. En témoignent trois livres critiques sortis ces derniers mois.
"La fabrique des laquais de Paris"
Au Mali, la militante altermondialiste et ancienne ministre Aminata Traoré se fait l'écho d'une opinion publique qui a amèrement rangé ses drapeaux français brandis en janvier dernier pour tirer à boulets rouges sur la gestion française de l'après-guerre. Dans "La Gloire des imposteurs : lettres sur le Mali et l'Afrique" (éditions Philippe Rey), Aminata Traoré et l'écrivain sénégalais Boubacar Boris Diop racontent au jour le jour l'effondrement du Mali. Loin de s'en tenir à la seule chronique, les deux intellectuels ouest-africains s'interrogent sur les responsables de ce naufrage, pointant notamment du doigt la guerre en Libye menée par Sarkozy, qui a déstabilisé tout le Sahel, et les politiques libérales imposées par le FMI.
Ils s'insurgent aussi contre "la lecture purement militaire de la crise" adoptée par la France et les pressions qu'elle a exercées pour en sortir, militant activement pour la tenue d'une élection présidentielle au pas de course (Hollande avait alors choqué les Maliens en déclarant qu'il serait "intraitable" sur la date des élections, faisant fi des réserves côté malien et onusien). Sur ce dernier point, "la fabrique des laquais de Paris", bien que "plus subtile et pernicieuse" qu'au temps de la "Françafrique", a toujours "le même résultat" : "Des étrangers choisissent nos dirigeants à notre place ou pèsent si lourdement sur nos décisions que c'est tout comme", dénoncent les auteurs.
Au final, "la France se retire en nous laissant nous débrouiller avec les conséquences de son intervention", concluent-ils. Voilà pour Paris. Mais les Maliens, et par-delà les Africains, ne sont pas épargnés non plus. "L'homme politique africain est souvent moins soucieux de convaincre ses compatriotes que de donner des gages de docilité à de lointains parrains étrangers", persiflent Aminata Traoré et Boubacar Boris Diop. Une réflexion à deux voix qui s'ouvre sur une douloureuse question : "Comment nous réapproprier notre destin et notre pays" ?
"Un vide politique abyssal"
Côté français, Nicolas Beau, fondateur du site d'informations Bakchich, ancien journaliste au "Monde" et au "Canard Enchaîné", estime aussi qu'il faut "dépasser l'exercice d'autosatisfaction que nous inflige le pouvoir actuel". Résultat de sa propre enquête, "Papa Hollande au Mali : chronique d'un fiasco annoncé"(éditions Balland), accuse à son tour la France d'avoir été en partie responsable du chaos malien. Nous avons, dit-il, fermé les yeux sur la "corruption galopante, la démocratie chancelante, les trafics prospères, les rivalités ethniques exacerbées", "l'islamisation de la société" au Mali et, plus généralement, dans le Sahel. Pire, nous continuons de nous en accommoder.
Lui aussi s'inquiète des conséquences de l'analyse exclusivement sécuritaire de la crise, marquée par "l'amateurisme", "l'arrogance" et… l'influence des militaires sur l'Elysée : "La posture guerrière a masqué un vide politique abyssal, de nature à préparer des lendemains qui déchantent", s'alarme-t-il, dans "la marmite explosive de l'Afrique de l'Ouest". Egratignant au passage une politique de développement "gadget" qui risque d'alimenter encore un peu plus la corruption, le journaliste considère que "la situation dramatique appelait un projet politique rénové qui ne se résume pas aux élections bâclées de l'été 2013." "La France a remis au président malien les clés d'un appartement témoin dans un immeuble en construction", résume-t-il.
Il nous faut "réviser nos grilles de lecture" sur le Sahel et nous "interroger sur nos alliances". Avec des régimes aussi peu recommandables que celui de Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie, qui pourrait bien s'embraser à son tour, d'Idriss Déby au Tchad, allié sulfureux qui a su se rendre indispensable à nos côtés lors de l'opération militaire, ou le Qatar, financier de groupes djihadistes que l'on est allé combattre !
"Une guerre française"
Légitimation de dictateurs. Légalité internationale douteuse de l'opération. Verrouillage de la communication pendant l'intervention militaire. "Souci des autorités françaises de draper l'intervention au Mali de visées humanistes" et négation d'enjeux pourtant bel et bien là (la sécurisation des sites d'extraction de l'uranium au Niger, la démonstration de force des militaires à un moment de coupes budgétaires, la réaffirmation de la présence française en Afrique face à une concurrence internationale…). "Caution" africaine et onusienne d'une guerre en réalité "française". Pouvoir discrétionnaire que s'est arrogé Paris : nous avons voulu une intervention depuis le début et contre l'avis de nombre de nos partenaires, nous avons décidé unilatéralement de soutenir les rebelles touaregs du MNLA, c'est nous qui avons choisi la date des élections... L'ONG Survie demeure fidèle à sa réputation de pourfendeuse des relations entre la France et l'Afrique. Mais de son bilan de l'Opération Serval, "La France en guerre au Mali : enjeux et zones d'ombre" (éditions Tribord), elle tire une conclusion sensiblement proche des autres : "L'action de la France s'apparente à une mise sous tutelle du Mali, à l'opposé d'un processus de reconstruction institutionnelle dont aurait besoin le pays aujourd'hui".
Au fond, toutes ces critiques font le même constat : Paris est intervenu sans n'avoir rien réglé. La raison ? La Malienne Aminata Traoré a sa petite idée : "La France bombe le torse pour envoyer au monde l'image d'une redoutable puissance militaire, mais en coulisse elle est beaucoup moins sûre d'elle-même".
Sarah Halifa-Legrand – Le Nouvel Observateur
(Vidéos AFP)
http://www.afp.com/fr/search/site/serval/
CITATION
FNCV (Fédération Nationale des Combattants Volontaires) — Infos et Actualités des Combattants Volontaires
Mali : L'Opération Serval, bilan en chiffres
Par PC - 30 septembre 2013
A la suite du déplacement de Jean-Yves Le Drian, à Bamako, à l’occasion de la fête nationale malienne, le ministère de la Défense a communiqué un bilan chiffré de l’opération Serval, déclenchée le 11 janvier 2013 afin de mettre un coup d’arrêt à la progression des groupes jihadistes qui s’étaient établis dans le nord du pays.
Ainsi, au 1er août 2013, les troupes françaises engagées dans cette opération et dont les effectifs se sont élevés jusqu’à 4.500 hommes, ont saisi 220 tonnes de munitions, dont 30 tonnes ont été reversées aux forces armées maliennes (FAMA). Dans le détail, ce sont donc 1.300 grenades, 1.000 roquettes, 7.700 obus, dont 500 de mortiers, 20 bombes et 200 mines et engins explosifs improvisés (IED) qui ont été récupérés.
Côté armement, la force Serval a mis la main sur 100 fusils, 150 mitrailleuses, 30 lance-roquettes, 20 mortiers, 20 canons et 3 missiles sol-air SA-7. Pour compléter ce tableau, plus de 12 tonnes de nitrate d’ammonium, produit qui permet de réaliser des bombes artisanales, ont été saisis, de même que 9.000 litres de gasoil et d’essence. et 200 “moyens de communication”.
Le bilan donné par le ministère de la Défense met aussi l’accent sur “la prouesse logistique” de l’opération Serval. Ainsi, 9.170 tonnes et 500 personnels ont été acheminés par voie maritime (en passant par le Sénégal).
Deux fois plus de matériels ont été transportés par voie aérienne stratégique (18.500 tonnes en 480 rotations). Quant aux mouvements aériens intra-théâtre, ils ont permis d’acheminer 3.500 tonnes de fret, de 15.600 personnels, le tout en plus de 1.600 missions, dont 30% réalisées par des moyens alliés. Les militaires de l’arme du Train ne sont pas en reste non plus : ils ont parcouru plus de 3 millions de kilomètres depuis le début de l’opération.
En tout, plus de 17 millions de litres de “carburant aéronautique” et 3 millions de litres d’essence et de gasoil ont été consommés.
Quant au bilan humain de l’opération, l’on savait déjà que 7 militaires français ont malheureusement perdu la vie depuis le 11 janvier. L’Hôtel de Brienne précise que 20 autres ont été blessés lors “d’actions cinétiques”, c’est à dire au combat.
Source : Zone Militaire