(deuxième partie du chapitre 4 du Tome II)
Planète genii Melissouss
L’homme entrait les coordonnées de la porte de façon à se rendre au lieu de rendez-vous prévu. Il portait le masque des mauvais jours. Ses cheveux étaient très bruns, courts et frisés. Il avait le teint méditerranéen et arborait maintenant sa meilleure arme psychologique : son regard de tueur. Allié à une mâchoire imposante et une corpulence épaisse avec de larges épaules et un corps trapu, il représentait le parfait épouvantail. Et si la dissuasion ne marchait pas, il pouvait se reposer sur son entrainement intensif et son armement. Un fusil à double pompe dans le dos, un pistolet haute pénétration près de la cuisse droite, une mitraillette à haute pénétration en bandoulière et, son préféré, un couteau de combat dans un étui en cuir accroché à son avant-bras gauche. Un armement jugé dépassé par l'armée genii qui le remplaçait peu à peu par des armes plus rustiques mais plus fiables et produites en très grande quantité qu'avait refusé Caponi. Il lui avait fallu du temps pour devenir un super soldat et maîtriser son armement. Et même en super soldat, il était toujours plus faible qu’un wraith. Mais il l’acceptait. Après tout, il pensait n’être qu’un pion dans une guerre multimillénaire dont les faibles périssaient et le vainqueur ne changeait pas. Le constat cruel mais réaliste, ne devait pas faire oublier qu'il faisait partie des agents de l'élite de l'une des plus puissantes civilisations humaines de Pégase depuis près d'un millénaire. Il faisait partie de la Terrible Division 1, une entité créée suite aux purges de Ladon Radim.
Le nouveau chef de la (nouvelle) confédération, lui-même issu de ce qu’il appelait « Le Service », l'ancien commandement dont était issu le Bataillon de Choc Genii jadis aux ordres du commandant Kolya, avait engagé des réformes révolutionnaires. Radim était issu de la planète capitale de l’ancienne Confédération genii, Genoly. Sa forte connaissance de la situation géostratégique de la galaxie de Pégase qu'il avait acquise lors de ses années dans Le Service lui faisait penser que le mode de gouvernance de l'ancien dictateur Cowen était dépassé. L’avènement de la guerre civile wraith et le combat symbolique qu'avait portée la Terre sur Atlantis pendant quelques années, donnait pour la première fois l'impression à Radim qu'un coup était faisable contre l'ultra domination des wraiths sur l'Humanité dans Pégase.
C'était notamment le moment de refonder la Confédération genii. Pour cela, il reprit contact avec d’anciennes planètes de la Confédération. La plupart étant désertes ou très peu peuplées, il lança une intense campagne de repeuplement. D’abord avec la loi Serichii, du nom de l’intendant en charge des questions sociales et économiques du régime. Cette loi encourageait l’exode des habitants pauvres de Genoly en leur offrant des aides pécuniaires et des emplois fixes. Puis il y eu la loi dites de Secours Humaniste. C’était en fait un décret personnellement rédigé par Radim, qui stipulait que dans un dessein humaniste, les institutions geniis devaient accorder « la terre et le manger » à n’importe quel humain qui en ferait la demande dans la galaxie. Ces nouvelles populations issues de l’immigration seraient recueillies et relogées arbitrairement par les autorités geniis. C’était une grande rupture vis-à-vis de l’ancienne doctrine de défense basée sur le repli et le secret. Cette mesure, accompagnée d’une grande série de propagandes auprès de populations jugées intéressantes par le nouveau régime, permit d’établir à des endroits stratégiques des pôles de population et bientôt des pôles de production industrielle.
Mais le plus dur pour Radim n’avait pas été de réformer ce principe isolationniste. Ce fut la réforme générale des forces armées qui avait été un véritable calvaire. L’ancien dictateur Cowen avait masqué la réalité à ses propres soldats. Après son coup d’état, Radim s’attendait en effet à trouver une armée organisée et composée d’officiers compétents. Mais il se trompait. Dans son délire paranoïaque, Cowen avait muselé son armée. Les seules écoles de la confédération encore debout, celles du bunker central de Genoly, étaient censées former les élites du futur "glorieux âge nucléaire" genii. Formant des officiers, ingénieurs, hommes politiques etc. Mais en fait, seuls des ingénieurs sortaient avec de vrais attributs de ces écoles. Le niveau global des officiers était lamentable. Les meilleurs avaient été déportés dans les profondeurs de Genoly pour travailler dans les mines d’Uranium. Ne laissant que des officiers aussi incompétents qu’inoffensifs dans l’armée. Ce n’était plus l’armée genii, c’était l’armée Coweniste. Il fut donc question d'une construction, plutôt que d'une reconstruction pour Radim. A commencer par son ancien service de renseignement et de force d'action militaire d'élite.
Il fallait avouer dire que « Le Service » était bien mal en point. Cowen s'était réservé le droit de le commander lui-même. La seule personne capable de saper l'autorité néfaste du dictateur paranoïaque, était le leader charismatique du Bataillon de Choc Genii, le commandant Kolya. Mais il était mort, emportant avec lui plusieurs éléments prometteurs et poussant beaucoup d’autres au mercenariat. Aujourd’hui le Service d’Action et de Renseignement Extérieur, l'échelon supérieur du Bataillon que commandait Kolya, n'avait pas non plus survécu à la disparition de Cowen. De même qu’une grande partie des composantes de la force militaire genii. Ainsi était apparu depuis quatre ans un nouveau modèle d’organisation militaire, très influencé par le modèle militaire des Etats-Unis que les geniis avaient entre aperçus lors de leurs confrontations avec Atlantis. Radim éprouvait énormément de respect pour cette nation qu'il aimait pourtant défier. Il avait compris la valeur de ses forces et de ses hommes. Avec l'absence de l’expédition civilo-militaire d’Atlantis pendant ces dernières années, une niche se créa. La Confédération genii se sentit pousser des ailes sous les discours lyriques de Radim et ses politiques aussi efficaces que révolutionnaires. La Confédération se voulait plus universelle, plus agressive, plus présente. Quitte à oublier l’ancienne doctrine isolationniste, autant le faire à cent pour cent. Recrutement militaire important grâce à la conscription. Réintégration des anciens bannis, hommes politiques comme officiers. Purges chez les Cowenistes et mutation des autres incompétents à des postes honorifiques.
Mais le plus important fut le remplacement du SARE par les Genii Special Forces. L’appellation était volontairement écrite en anglais malgré l'universalité linguistique donnée par les portes des étoiles. Cela devait lui donner une meilleure image auprès des militaires d’Atlantis mais aussi des autochtones des mondes ayant entendu parler des exploitations de John Sheppard et ses coéquipiers. Les GSF furent réparties en cinq divisions. La Division 1 était une division généraliste, comparé aux quatre autres divisions, spécialisées dans certains domaines. Mais c’était surtout la meilleure de toute, la plus indépendante. Spécialement conçue pour les opérations stratégiques ultras secrètes réduites, elle se composait des groupes Action et Renseignement, dignes héritiers du SARE, les deux étant étroitement liés. En très peu de temps elle était devenue synonyme d’excellence. Elle était tellement supérieure aux autres divisons et aux forces conventionnelles, qu'elle ne rendait presque pas de comptes aux autres branches des forces spéciales geniis. Sa liberté était totale pour réussir sa mission. Ce qui portait débat au sein de l’armée genii.
Le lieutenant Edvil Caponi profitait de cette liberté d’opérabilité très étendue. Alors qu’il s’avançait vers la porte des étoiles, il se remémora une nouvelle fois son objectif. Il devait prendre contact avec un indic du groupe Renseignement afin de mettre la main sur des informations concernant la disparition d'une Cible de Très Haute Valeur Stratégique. Mais ce code censé être secret était connu de tous, il n'était employé que pour désigner le pire danger possible, une reine wraith …
Sa mission était chapeautée par le commissaire Marcan Juno, son vieil ami de Melissouss, une planète recolonisée par les geniis. Le commissaire Juno connaissait la seule raison actuelle de vivre de Caponi. Il était très au fait du drame qui hantait toutes les nuits du lieutenant. Seulement ce drame était aussi ce qui avait permis au commissaire de prendre du galon. Encore très récemment, Juno, transfuge de la police scientifique genï, n'était que le bras droit d'une femme d'un peu plus d'une trentaine d'années, plus que ravissante aux cheveux roux, la capitaine Meili Kalan. Cette dernière, en plus d'être une espionne aussi talentueuse que tyrannique, était la compagne de Caponi. Ce dernier n’étant à l’origine qu’un commando parmi d’autres de la Division 4, spécialisée dans le combat d'élite et qui était devenue le bras armé des forces spéciales geniis.
Six mois plutôt, les geniis avaient accompli l'exploit d'abattre une ruche wraith au prix de terribles sacrifices et d'une stratégie d'infiltration orchestrée d'une main de maître par Kalan. Seulement si une ruche avait été détruite, occasionnant le plus grand succès de propagande de l'Histoire genii, la mission n'était en réalité qu'une demi-réussite. En effet la reine possédant cette ruche avait trouvé une manière pour s'échapper en croiseur, emportant avec elle une prisonnière de premier choix, la capitaine Kalan, victime de son propre plan …
Maintenant et après plus de cinq mois dans la Division 1, le lieutenant Caponi avait forcé le respect. Il pouvait remercier Juno de l'avoir fait rentrer dans cette force d'élite, lui permettant de partir personnellement à la recherche de sa dulcinée. Il ressassait tous les sacrifices et les souffrances endurés. C’était l’heure. Il prit une grande bouffée d’air et se mit en marche vers la porte. Il ne se méfiait pas de l’indic en question. C’était une jeune femme, faisant partie de l'ancien garde-manger de la reine s'étant enfuie. Une fille des rues. Oscillant entre prostitution et petit banditisme. Une de ces nombreuses jeunes femmes épargnées par les wraith dans le simple but de la pérennité du garde-manger humain. Une marginale qui avait été ramenée de force et entrainée à Rubeus Petra, le quartier général des forces spéciales genïs sur Melissouss.
De l'autre côté de la porte, une planète déserte s'offrait à lui, un désert de sable aride. Le soldat marcha une cinquantaine de mètres avant de remarquer des traces de pas sur le sol. L'indic n’était pas venue seule ! Ni une ni deux, il attrapa sa mitraillette et la porta à son épaule. Il repéra facilement son interlocutrice. Ses longs cheveux bruns tranchaient avec le paysage sablonneux. La jeune demoiselle ne dépassait pas le mètre soixante-dix. Elle se tenait debout sans bouger, comme une poupée. Ses fossettes laissaient entrevoir un léger sourire gêné. En fait elle avait peur du lieutenant et de sa tête de chien enragé. Celui-ci n’était plus qu’à dix mètres d’elle. Il avait très nettement repéré l’autre personne, caché derrière une dune sur sa droite. Cette situation n’était pas à son avantage. L’homme embusqué pourrait le tuer très facilement de sa position. Caponi n’avait rien pour se mettre à couvert. Il n’aimait pas, mais alors vraiment pas ce retournement de situation! La jeune femme fut la première à prendre la parole.
— Approches, j’ai quelque chose à te dire.
— Tu te fiches de moi Kat ? répondit le commando.
— Non viens, il ne doit pas entendre.
Le genii fut surpris. Il semblait que l’informatrice était suivie contre son gré. Il ne savait pas si c’était une bonne chose ou pas. Il s’approcha en se positionnant de manière à ce que le tireur de la dune ne puisse ni entendre la conversation, ni le viser sans avoir Kat en ligne de mire. De son côté, Antoine était anxieux. Il ne connaissait pas l’homme qui venait d’arriver. Et il ne savait pas ce que ce soldat à l’allure menaçante avait à voir avec Kat. Il continuait de le viser avec son fusil. Mais plus le temps passait, plus il éprouvait des doutes.
— Tu ne dois pas avoir peur. Il n’est pas dangereux, dit la fille. S’il te plait, ne lui fait pas de mal.
— Ce n'est pas à toi d'en décider! Tu étais où ? Tu ne t'es pas présentée au précédent rendez-vous!
— Je n'ai pas pu. Je me suis fait capturer par des gens dangereux. J'ai dû m'échapper.
— Des gens dangereux ? Et celui qui nous espionne, il vient d'où?
Il était furieux et criait. Il empoigna le poignet de Kat. Il savait qu’il en faudrait peu pour la forcer à parler. Mais le lieutenant Estienne n’était pas du même avis. Il s’était attaché à cette fille mystérieuse dont il attendait aussi des réponses. De plus il ne supportait pas de la voir entre les mains de ce soldat. Il voulait tirer, mais avait peur de la blesser.
— Il … il est français, c'est le lieutenant Antoine Estienne, Armée de l’Air Française. Mais ils n'étaient pas tous comme lui.
Elle avait retenue par cœur le nom du jeune aviateur. Ce dernier n'entendait ce qui se disait que lorsque les deux pégasiens haussaient le ton de leur voix. Décidément, cette première mission sur Atlantis avait dégénérée. Pour un début c’était difficilement plus catastrophique. Mais les choses allaient tellement vite. Deux mois plutôt, il combattait au-dessus de la Bretagne. Rien ne lui paraissait normal, et il ne suivait que son instinct.
— Attends, français? Tu veux dire qu'il vient d'Atlantis ?
— Oui, j'étais enfermée là-bas, j'ai décidée de m'enfuir.
— Mais ce n'est pas possible! On t'a dit de ne pas t'approcher d'eux et de ne pas te battre contre leurs hommes. S'ils apprennent que tu travailles pour nous, ça va nous retomber dessus, Radim va être furieux!
Edvil lui ne connaissait rien de l'histoire, mais il ne voyait pas comment rattraper les choses. Il lui fallait normalement l’amener à Marcan, mais il savait que ce dernier n'aurait pas la capacité de s'opposer aux chefs des forces spéciales. Edvil redoutait très fortement son commandant en chef, le maréchal Hings. La jeune Kat était inconnue de Radim qui n'était pas au courant de cette mission. Ceytok et le chef de la Division 1, le général Werthel, avaient falsifié les rapports de l'opération Nol’tenbloch lors de laquelle une ruche avait été détruite mais dont la reine possédant le vaisseau s'était enfuie avec peut-être, le craignait-on, des désirs de vengeance. Retrouver cette reine était devenu une priorité pour la Division 1 et Kat était leur atout. Seulement pour avoir caché la vérité à Radim, les officiers incriminés risquaient d'être banni de la Confédération, un sort bien peu enviable. Pour garder le secret, Edvil imaginait très bien que Hings n'hésiterait pas à assassiner la jeune espionne. Ce qu'il n'acceptait pas, car Kat était encore la seule personne capable de retrouver la trace de la reine et ainsi de sa compagne, la capitaine Kalan.
Ce fut alors que discrètement, Kat sortit un objet de son sac et le montra au genii. Edvil jeta un œil et comprit de quoi il s’agissait. Il lui fit un signe de la tête pour lui donner l’autorisation. Kat dégoupilla la grenade et le jeta de toutes ces forces près du pilote français. L'aviateur, surpris, n’eut pas le temps de prendre une décision. Il fut paralysé par la lumière et le son de la grenade flash qu'avait volé Kat sur le corps d'un garde. Tout se passa ensuite très vite. Il tenta de s’essuyer les yeux pour retrouver la vue. De peur d’être capturé ou même tué, il rampa dans une direction sans savoir où il allait. Quand les effets de la grenade eurent disparus, il se rendit compte de l’absence des deux habitants de Pégase. Il avait été roulé dans la farine et il s’attendait maintenant à avoir de sérieux problèmes.
Il ne croyait pas si bien dire, à peine arriva-t-il à la porte des étoiles, que celle-ci se mit en marche. Pour plus de sécurité, il s'allongea à plat vente derrière le DHD en étant juste assez décalé sur la droite du poste de contrôle afin d'avoir un angle de tir dégagé avec son M4 sur le vortex. De fait, il se trouvait relativement bien camouflé sur la gauche des visiteurs qui ne le virent pas tout de suite. C'est lui-même qui révéla sa position en sortant de sa cachette, les mains en l'air, lorsqu'il eut reconnu le commandant Varrault et une équipe de Marines conduite par le major Lorne. L'officier américain fut terriblement surpris et il eut du mal à croire en la présence du pilote.
— Lieutenant Estienne, C'est bien vous ?
— Oui major, je …
Estienne réfléchit dans ses pensées, il ne sut que dire sur le moment. En voyant la mine renfrognée du commandant Varrault, il devina que personne ne savait ce qu'il lui était arrivé. Il en profita ainsi pour arranger les choses en donnant sa version des faits.
— … j'étais près de la salle quand l'alarme à résonnée. J'ai pris ce fusil et je suis venu sur cette planète.
— Vous avez trouvé qui était derrière l'attaque ? Toute notre vidéosurveillance a été effacée sur les trente dernières minutes par ce qui pourrait être un virus informatique, précisa Lorne. Nous ne pouvons pas garder le vortex plus longtemps, le terroriste à utiliser l'un de nos EPPZ dont on vient d'équiper la cité pour rejoindre ce monde de Pégase.
— On est dans Pégase ? Je ne savais même pas ou menait le vortex et je n'ai aucune idée sur le terroriste, je ne l'ai pas vu. Arrivé ici je me suis fait neutraliser par une grenade flash. J'ai eu de la chance d'en sortir vivant. Depuis vous êtes les seuls que j'ai vu.
— Major Lorne, l'appela Varrault, il faudrait peut-être envisager une reconnaissance de ce monde.
— Hmm vous avez raison. Moi et mes hommes nous allons nous déployer. Restez-ici avec le lieutenant en couverture. Rendez-compte à la moindre activité!
Honorant ses paroles par les gestes, le major Lorne partit avec ses hommes à la recherche d'indices, voir du coupable de l'attaque qui avait paralysé une vingtaine de personnes. Antoine se retrouva donc seul avec le commandant Varrault. Les deux français se trouvaient côté à côté, le dos tourné à la porte des étoiles, maintenant fermée, en observant la progression lointaine et rapide des Marines. Encore légèrement sonné par la grenade flash et la retombée de son adrénaline, Estienne laissa le soin à son supérieur de le questionner. Mais celui-ci commença par lui apprendre une nouvelle surprenante.
— C'est regrettable ce qui est arrivé aujourd'hui. Ça et l'attaque du croiseur, ça fait beaucoup, déclara le commandant. On est devenu personna non grata sur Atlantis. Ils trouvent qu'on porte la poisse.
— Quoi ? Vous êtes sérieux mon commandant ?
— Affirmatif, notre mission conjointe s'arrête. Ni Paris, ni Washington ne veulent qu'elle continue. Officiellement, cette coopération a porté ses fruits et chaque partie doit retourner de son côté pour en prendre les leçons. Ce qui veut dire entre les lignes, barrez-vous de chez nous bande de connards de français!
Le commandant était particulièrement énervé. Pour lui c'était un échec complet, la mission franco-américaine devait permettre d'avoir des sorties conjointes sur une durée de six mois. Les évènements récents semblaient avoir refroidi les ardeurs des deux camps. Estienne comprit bien vite que pour une raison obscure, le commandant le tenait pour responsable. Mais plus important encore, il ne croyait pas du tout à cette interprétation.
— Écoutez mon commandant, vous pensez ce que vous voulez de moi, mais je n'ai pas merdé! D'ailleurs personne n'a merdé, on a participé à la défense de leur croiseur. Je suis certain qu'il y a une autre raison, plus politique à cette décision.
Il ne put terminer sa phrase. Subitement, le commandant lui asséna un coup de poing dans le ventre qui fit se courber, reculer en arrière puis finalement tomber le lieutenant Estienne. Le pilote du se retenir pour ne pas vomir tellement le choc fut inattendu et bien placé. Sans attendre qu'Estienne se remette, Varrault le pris par le col et le souleva pour finalement le plaquer sur le dos contre le DHD.
— Mais peut-être que vous avez raison lieutenant. Peut-être que ce qui dérange les ricains, c'est que vous suciez les russes dans notre dos!
— Argh … quoi ? Hein, mais …
— Vous m'avez très bien entendu, ne faites pas l'innocent. On sait tout sur vous, les RG vous ont démasqué, lui dit le commandant en se penchant au-dessus de lui.
— Les RG ça n'existe plus commandant …
La remarque moqueuse du lieutenant lui valut une droite en plein visage de la part de son supérieur qui perdait patience et comptait profiter de l'absence de l'équipe de Lorne pour faire avouer le pilote de chasse.
— Ne te fous pas de ma gueule p'tit con! Dit-il en le tutoyant. Tu as déjà de la chance que Paris m'ait demandé de te ramener sans te balancer aux amerlocks, Sans quoi tu irais croupir à Guantanamo! Tu crois que je ne sais pas qui est responsable de l'attaque de la porte ? Hein ? Delcourt m'a dit que tu étais avec cette pute. C'est quoi, tu l'as baisée et elle t'a baisé? Ou c'est une ruskoff avec qui tu bosses? Voir pire, une Luxienne, ce qui expliquerait beaucoup de choses, dont ton problème de missiles près de Saturne, hein ?
— Si j'ai eu une panne d'avionique, c'était de la faute d'un mécano à la ramasse!
Il reçut en retour une nouvelle frappe dans le visage. Antoine avait beau avoir merdé sur l'épisode avec Kat, il n'était en rien responsable de l'attaque Luxienne du Littlefield. Mais pour faire changer l'avis bien arrêté du commandant Varrault, il lui fallait autre chose. Il se rappela qu'il avait un atout dans sa manche et cru qu'il était temps de s'en servir.
— Et vous mon commandant, c'est qui ce général Ribot qui vous appelle lorsque vous êtes censé être injoignable ? Alors on fait moins le malin mon commandant!
Ces paroles eurent le don de rendre fou de rage Loïc Varrault qui releva le pilote pour mieux le cogner par la suite. Mais à son grand étonnement, Antoine ne se laissa pas faire. L'aviateur arriva, par une technique de self-défense apprise à l'armée de l'air, à se défaire de l'emprise du marsouin. Puis il se baissa pour effectuer une prise de rugby, un plaquage en avant qui lui permis de projeter au sol le commandant, déséquilibré. Continuant son mouvement et sachant qu'il ne faudrait pas longtemps au chef commando pour reprendre la main dans cet éphémère combat à main nue, Antoine attrapa le pistolet USP 45 dans l'étui attaché à la jambe droite du militaire de l'armée de Terre. Pour se dégager totalement et prendre de la distance avec Varrault, le pilote se vengea en lui faisant un coup de boule ravageur. La seconde de relâchement du parachutiste légèrement commotionné, dont son nez en sang était le témoin, donna le temps à Antoine de s'écarter et de tenir en joue des deux mains son supérieur avec sa propre arme. Ce qu'il ignorait, c'était que son adversaire détenait une seconde arme sur lui, un révolver dissimulé entre sa botte et son treillis, contre son mollet droit.
C'est ainsi que les deux hommes se retrouvèrent mutuellement en joue, à quelques mètres l'un de l'autre en se faisant face. Estienne n'avait pas assez de connaissances dans ce domaine pour savoir que Varrault tenait un Manurhin MR 88 chambré avec la fameuse munition 357 Magnum. Mais il avait la présence d'esprit de facilement se faire à l'idée que son crâne ne résisterait pas à l'impact d'une balle tirée d'un révolver par un pro du tir à une distance de moins de dix mètres. Quant à Varrault, il savait qu'Antoine savait se servir d'une arme et que grâce à ses réflexes de pilote de chasse, il pouvait aisément se défendre. Revenant à la raison, les deux en revinrent au dialogue.
— Je suppose que c'est le moment de vérité ? déclara Antoine.
— Je crois bien …
— Alors puisqu'il faut se lancer, j'y vais. Mais seulement si on baisse tous les deux notre arme. Ok ?
— Ca me va …
Les deux hommes baissèrent bon gré mal gré leur seul moyen de défense. Au fond d'eux, ils ne s'imaginaient pas que l'autre partie puisse rompre ce cercle de la peur. Ils ne savaient pas ou ils étaient, si ce n'était dans une autre galaxie, et ne pouvaient pas d'eux-mêmes rentrer sur Terre. Pour cela, il faudrait attendre le retour de Lorne, dont sa présence sur la planète était aussi une garantie de survie et de conciliation, pour joindre la station midway.
— Je ne sais pas ce qu'on vous a dit à mon sujet, alors je vais tenter de vous résumer mon périple en Russie puisque c'est ce qui semble poser problème. Alors voilà … il y a cinq ans maintenant, je suis partie effectuer un voyage d'études en Russie, à Moscou précisément. C'était pour conclure ma licence, ma troisième année. Je n'avais pas eu la possibilité de partir en deuxième année car les places disponibles ne m'intéressaient pas. Du coup j'avais obtenu du recteur un inversement de mon erasmus … Bref j'étudiais en Russie en cette fin d'année 2007. Le rêve absolu, je commençais à apprendre le russe, je faisais des soirées, je me tapais des nanas, bref un séjour étudiant quoi.
— Bon eh! Va direct aux choses sérieuses, tu veux ?
— Ok … ok … Sauf qu'au fond de moi, ce n'était pas la vie dont j'avais vraiment envie. J'avais toujours eu cette envie folle de devenir pilote de chasse. Je rêvais de m'incruster dans les combats endiablés de Clostermann, je dévorais les romans de Saint-Ex'. Mais j'avais jamais eu le putain de courage pour m'engager, pour tenter ma chance, moi le type moyen! Et là, miracle! Un soir, complètement bourré, je tombais dans la Moskova! J'ai frôlé la mort ce soir-là, mais j'ai fait bien plus, j'ai changé de vie en l'espace d'une nuit. J'ai fait la rencontre d'un type qui s'était glandé dans les rues de Moscou et qui avait fini comme moi à l'hosto. Ce mec, qui me paraissait tout à fait sympathique et à qui je racontasse ma vie était en fait un putain de pilote de chasse russe, le meilleur! Colonel Vladimir Pavlovitch Ouchinsky, de la VVS, l'armée de l'air russe. Comble de bol, il descendait d'une famille de pilote et de mécanos, dont son grand-père avait bossé au Normandie-Niemen. Parfaitement bilingue, le type me proposa, plusieurs jours plus tard, de venir visiter sa base et de jeter un œil à des archives datant de la "Grande guerre patriotique". Et me voilà embarquer dans un rêve. On est vite devenu ami du fait de nos centres d'intérêts et de nos goûts communs. Avec le temps, il me prit sous son aile. J'étais tellement ébahis et heureux d'être dans le cercle restreint d'une base aérienne, que je me laissasse aller. Après quelques vols offerts par le colonel, je devins l'un de ses protégés. Il commença à m'apprendre son savoir, se passant de savoir théorique. J'intégrai alors de manière détournée la formation de pilote, en ayant un entrainement personnalisé. Il m'a réellement donné son savoir le plus précieux. Des techniques apprises par son mentor, le commandant Alexenko qui l'avait lui-même apprises du père d'Ouchinsky! Bref un truc incroyable. C'était vraiment le pied. Je m'étais arrangé pour passer mes exams en vitesse et j'étais enfin libéré de mes études d'histoire, près pour reprendre de bout en bout la formation de pilote de chasse en Russie. Il m'avait réservé une place à l'école russe de l'air. J'étais prêt, venait un été qui s'annonçait radieux et puis … et puis dit-il en ayant une lueur dans les yeux.
— Quoi ? Qu'est-ce qui s'est passé?
— En plein pendant les Jeux Olympiques de Pékin de 2008, une offensive géorgienne en Ossétie du Sud servit de prétexte à la Russie pour entrer en guerre contre la Géorgie. Les meilleures troupes russes furent mobilisées. Ouchinsky en faisait partie, il fut donc envoyé du jour au lendemain dans le Caucase. J'étais resté à Moscou, je suivais à la base les avancées de l'armée russe. J'appris que le colonel se battait bien. Et j'arrivasse même à le contacter par téléphone un soir. Il me redit alors qu'il comptait sur moi, que j'étais la relève de la Grande Russie. Que je serais le digne héritier des pilotes de Normandie-Niemen, etc etc.
— Et alors ?
— Pff, dit-il en souriant, je lui aie dit non. Je lui aie dit que je refusais de faire le sale boulot de Poutine, de mener des guerres impérialistes. Que j'étais français, que je croyais en des valeurs et que jamais je ne pourrais faire ça.
— Il n'a pas du aimer …
— Oh que non, acquiesça Antoine en rigolant. Il m'a traité de tous les noms. M'a dit que j'étais un traître de la partie etc etc. J'ai compris que je n'avais plus rien à faire là-bas. Je me suis adressé au commandant Alexenko.
— Le mentor d'Ouchinsky ? On m'a dit que tu étais en photo avec lui et un autre gus, un ukrainien.
— Son fils est d'origine ukrainienne. Son fils adoptif pour être précis. Mais je ne connais pas son nom, juste son surnom, Mikhaïl 91. C'est un espion free-lance, maître dans l'art de brouiller les enquêtes des services de renseignement. Il s'occupe de la sécurité de son père et de ses amis. En gros il se charge de mener en bateau le FSB pour garantir la sécurité de certaines personnes. Je réussis à en faire partir. C'est donc incognito aux yeux des services secrets russes que je repartis en France. Alors que j'avais passé six mois à voler sur leurs meilleurs chasseurs ahahahah!
— Et une fois revenu à Paris ?
— Je n'ai pas pu tirer un trait sur ce que j'avais vécu là-bas. J'ai tenté ma chance à Salon de Provence. Ca été dur, très dur. Mais j'ai fini par obtenir le minimum pour être pilote, le reste vous le connaissez.
— Hmm, assez invraisemblable ton histoire lieutenant, dit Varrault. Je doute que quelqu'un le croit …
— Oh vous savez, arrivé à un point, vous croirez ce que vous voulez. Moi il y a deux mois, on m'aurait dit que je me retrouverais aujourd'hui dans une autre galaxie …
L'allusion à ce que vivaient les deux hommes fit sourire le commandant Varrault. Il était très doué en interrogatoire. Il savait que le lieutenant ne mentait pas. Mais ce n'était pas à lui d'en juger. L'histoire d'Antoine lui faisait même changer d'avis au sujet du pilote. Il commençait à ressentir un semblant de compassion, voir même de l'admiration inconsciente. Comme Varrault n'avait qu'une parole, il révéla lui aussi son passé occulte.
— Bon et bien à mon tour alors. Quand j'étais encore plus jeune que toi en Russie, j'étais déjà militaire! Je venais d'être breveté parachutiste, au 1 RIPMa déjà. On faisait partie des forces spéciales, mais ça n'avait rien à voir avec aujourd'hui, elles venaient juste d'être crées. En 94 on nous a envoyé au Rwanda. L'opération Turquoise ça te dit quelque chose ?
— Je n'en ai pas entendu du bien …
— Oh crois-moi, tu ne sais rien! A l'époque j'étais aspirant, j'étais très bien vu de mes supérieurs, malheureusement pour moi. Arrivé là-bas, on m'a sorti de ma section. Le général Ribot dont tu parles, c'était l'une des plus belles enflures que j'ai croisé dans ce monde de merde! Sauf qu'à l'époque je ne le savais pas. Il m'avait affecté à une section indépendante dirigée par le commandant Hugues Jaspar. Une force dite "non conventionnelle" de guerre psychologique. J'ai vite compris pourquoi! C'était une bande de tueurs, adeptes du viol et de la torture. Des mercenaires qui ne recevaient aucun ordre de Paris. Seul Ribot était leur chef et ce fumier de Jaspar son Kapo. Ce salopard de général avait pris fait et cause pour les Hutu. Estienne, j'ai fait des trucs là-bas … qui hantent encore mes nuits … que je ne souhaite pas à mon pire ennemi, raconta solennellement le commandant avec des trémolos dans la voix. J'étais jeune et terriblement rongé par ce que je voyais continuellement …
— Qu'avez-vous fait? demanda anxieusement le pilote
— Pfff, je les ai vendus! J'ai tout balancé à un journaliste local. Quand l'armée a eu vent de l'affaire, elle a tout étouffée. Le reporter à subit des menaces. Heureusement pour moi il ne m'a pas balancé.
— Mais quand l'armée a su, elle n'a rien fait?
— Si, elle a sauvé la mise. Ribot, Jaspar et quelques autres ont été poussés vers la sortie. Avec un beau petit pactole, on a acheté leur silence. Et moi comme je n'étais pas censé faire partie des leurs, je suis revenu au RIPMa comme si de rien n'était.
— Donc si Ribot vous téléphone c'est pour quoi ? Se venger, vous menacer ?
— Non cet imbécile pense que je n'y suis pour rien. Il continue à me proposer de travailler pour lui. Il me croit fidèle à lui, il croit que je le vénère cet enculé! Par contre Jaspar est persuadé que c'est moi qui l'ai balancé.
— Et vous ne risquez pas de représailles?
— Ma vie c'est l'armée. Mon père était militaire, mon frère l'est. Si vengeance il y a de sa part, mes proches sauront se défendre. Et puis je me ferais justice moi-même!
— Mais ils pourraient juste en vouloir à votre vie! S'inquiéta Antoine.
— T'en fais pas pour moi Estienne. Là où je suis je ne risque rien. Ou plutôt si, je risque ma vie tous les jours, mais pas de cette façon.
Le récit poignant de Loïc Varrault faisait quelque peu passer l'histoire d'Antoine pour des souvenirs de colonie de vacances. Ce qui au fond était un peu le cas. Forcé de constater que les deux disaient la vérité, toute velléité offensive des français disparue. Un léger silence emplit l'espace le temps que chacun des deux se remettent de leurs épanchements.
— L'ironie dans l'histoire, c'est qu'on a tous les deux trahis ceux qui nous faisaient confiance à cause d'une certaine idée de notre pays et de ses valeurs. Au final, on a la même vision des choses …
— Je suis forcé de l'avouer, je me suis peut-être trompé à ton sujet Estienne. Mais malheureusement pour toi, mon avis ne vaudra pas grand-chose. Tu risques d'avoir du mal à convaincre les huiles … En attendant que Lorne revienne, dis-moi exactement ce qui s'est passé, qu'on puisse se mettre d'accord sur une version.
— Une version ?
— T'as vu l'état dans lequel on est ? On va prétexter s'être fait attaquer. Ça sauvera les apparences …
Résidence personnelle du général Dumarchais, banlieue pavillonnaire, Île de de France
Alexandre finissait de se préparer. Il avait préféré venir sur Paris dans la nuit pour y dormir et être sur place le lendemain matin, plutôt que d'effectuer le trajet depuis le Plateau d'Albion le jour même. Il était pour une fois assez confiant et content de lui. En se rasant, il tentait de se remémorer s'il n'avait rien oublié, un détail non retranscrit dans les rapports, une démarche administrative incomplète, non, il en était sûr, tout était bon. Et puis le plus important était déjà fait. La porte des étoiles du Plateau d'Albion était opérationnelle. Une équipe internationale l'avait même accrédité comme fonctionnelle et ne posant pas de risques pour la sécurité des installations et de la région. Les ingénieurs du GIRP et plus généralement de l'ensemble des militaires et de la DGA sur le site avaient fait des miracles. Alexandre savait que le management d'Hortense Riveron n'y était pas pour rien. Il savait aussi, que sans Kanbeï, la France aurait eu du mal à mettre au point son propre système de DHD. Et ça c'était un bon point pour le général.
Le général, maintenant habillé et prêt pour une journée de briefings, de compte-rendu et de rendez-vous politiques et militaires en tout genre, descendait à forte allure les marches de l'escalier en pierre de sa maison. Il avait l'espoir de régler le cas Estienne, d'autant que les nouvelles de Californie n'étaient pas bonnes. Mais il avait adopté la position d'Hortense Riveron. Il plaiderait pour la mise au placard d'Estienne, bref il s'était résigné à le jeter en pâture aux services secrets. Dumarchais, une fois sur le perron de sa porte, la ferma à double tour machinalement sans faire attention à la petite cour intérieure de son domicile. Quand il se retourna, il eut la désagréable surprise de tomber sur un homme en blouson se tenant devant lui, les cheveux frisés et le visage juvénile. Dumarchais avait bonne mémoire, il reconnut instantanément l'espion ukrainien Mikhaïl 91 qu'il avait vu sur la photo du MI6, la même qui incriminait Antoine. Comprenant qu'il était en mauvaise posture, le général tenta de sortir aussi vite que possible son arme personnelle, consciencieusement rangée au fond de sa mallette. Mais à son grand désarroi, l'homme en face de lui avait déjà un pistolet, qu'il dissimulait dans son dos, un makarov qu'il exhibait maintenant à la vue du militaire français, livide.
— Mon aide de camp sera là dans moins de cinq minutes, vous ne vous en tirerez pas!
— Le lieutenant Cahors est à l'heure où je vous parle coincé dans la circulation à cause d'un accident provoqué par mes soins. Il ne sera pas ici avant une bonne heure. Et n'essayez pas de crier, personne ne vous entendra. De même, je porte un brouilleur sur moi qui interfère avec votre téléphone portable.
— Alors qu'est-ce que vous attendez? Tuez-moi qu'on en finisse! Protesta Dumarchais.
— Vous vous m'éprenez général. Je ne suis pas venu vous tuer. Sinon cela serait déjà fait … Nous avons une connaissance commune.
— Le lieutenant Estienne je présume …
— Da, je sais que vous enquêtez sur lui car j'ai placé des fichiers informatiques traqueurs. Vos services de renseignement occidentaux mènent d'importantes recherches.
Il parle des services occidentaux, je suppose que Kanbeï ne s'est pas fait prendre, c'est déjà ça nota Dumarchais
— Je viens ici pour lever les soupçons qui pèsent sur Antoine. Je le connais peu, mais mon père le porte en grande estime. Sachez qu'il ne travaille pas pour les russes. D'ailleurs il ne l'a jamais fait.
— Et je devrais vous croire ?
— C'est votre choix de vous passer d'un bon pilote qui s'est plus que bien débrouillé en Afrique, en Allemagne et à ce que j'ai entendu près de Saturne
Pour le coup, Dumarchais dut reconnaitre que Mikhaïl était bien informé et qu'il avait raison. Antoine avait toujours agit dans les intérêts de la France. Cela ne le disculpait pas totalement, mais Alexandre convergeait sur l'idée qu'Antoine était devenu par ses actions un élément incontournable. En quelques semaines, il avait montré ses compétences et acquit une expérience que peu de personnels pourraient glaner. Antoine apprenait vite et bien. Et si jamais il était innocent comme le disait cet ukrainien, cela serait une terrible perte pour le programme.
— Vous êtes bien informé. Mais il va falloir plus pour que je vous fasse confiance.
— Je sais, dit-il en sortant de son blouson une enveloppe kraft, voici deux informations que je vous donne en signe de bonne foi. Vous pouvez les utiliser comme bon vous semble.
— De quoi s'agit-il ?
— Regardez par vous-même!
Le général ouvrit l'enveloppe, à l'intérieur se trouvait deux photographies. L'une était un cliché d'un homme chauve pris en photo en secret. L'autre était une photo infrarouge d'un vaisseau décollant dans la pénombre de la terre. Les deux photos comprenaient des annotations, Mikhaïl se chargea de les résumer.
— La première est une photo de Perhan Mesitovic. Un marchand d'arme serbe, qui est l'homme qui se cache derrière l'attentat de Büchel et la traque de vos hommes en Egypte. Il a déserté de l'armée serbe après que son unité ait été décimée sur la Neretva en 1995, en Bosnie-Herzégovine.
L'évocation de ce combat fit sursauter Dumarchais qui revu ainsi dans sa tête tout une série d'évènement passés.
— Oui général, le même assaut ou votre position fut attaquée par des troupes serbes. Le monde est petit, n'est-ce pas ? Quant à la deuxième, c'est une photo du PLA Sun Tzu, le croiseur de classe Dédale chinois. Le voici en essai au-dessus du Sichuan. La qualité est mauvaise, il n'a pas été facile d'avoir ce cliché. Il effectue des essais tout en étant couvert en haute altitude par des manœuvres aériennes de l'armée de l'air chinoise. Russes comme américains le pensent encore en révision. Mais il est probablement opérationnel. C'est une information que vous pourrez partager avec les russes quand vous les verrez.
— Comment ça ?
— Ah vous n'êtes pas au courant ? Ahahah. Le ministre des affaires étrangères rencontre votre président aujourd'hui dans une rencontre secrète. Un partenariat entre vos deux pays est sur le point de voir le jour. Une alliance pour contrer les Etats-Unis et surtout pour la création d'un vaisseau spatial. Ce partenariat fera sûrement appel à d'autres pays européens et asiatiques par la suite.
— Bon dieu, si tout ce que vous me dites est vrai, alors les choses vont changer. Mais cela ne veut pas dire qu'Estienne ne travaille pas avec les russes.
— Comme je vous l'ai dit général, c'est à vous que reviens la décision. La confiance par définition ne peut se s'établir avec des preuves. Ou vous avez confiance en lui, ou vous ne l'avez pas. Sur cette belle parole général Dumarchais, je vais vous demander de fermer les yeux.
Le général obtempéra, il ne se voyait pas être assassiner maintenant. Il continua tout de même à s'adresser au mercenaire. Lui demandant des explications supplémentaires. Il voulut savoir ce qui le motivait, ce qui motivait les russes, etc. Mais quand il rouvrit les yeux, il s'aperçut que l'homme s'était enlevé comme le vent …
Village Raw'Shanock, P2M-634, galaxie de Pégase
Au village, tout le monde vaquait à ses occupations. Chaque levée du soleil sans attaque wraith était une journée de gagnée. Il était connu que les wraiths effectuaient des reconnaissances le jour et attaquaient la nuit, pour aggraver le désordre parmi les populations humaines. Le matin était donc le moment de la journée ou les habitants du village avaient le plus le moral. Au fil de la journée, celui-ci diminuait pour faire place à de l'angoisse. Le soir, des chiens étaient laissés en laisse à des endroits bien précis. De sorte à prévenir le moindre danger et à le communiquer partout aux alentours.
Mais des citoyens du village, l'un avait la meilleure place. Le meunier du village. Son lieu de travail était monté sur une petite butte, à l'entrée de Raw'Shanock, sur la route menant à la porte des étoiles, quelques centaines de mètres plus loin. Le patron du moulin se nommait Dito Vilgoran. Frisant la soixantaine, son métier devenait de plus en plus ardu pour ses vieux os. Mais l'expérience lui permettait de combler ses lacunes physiques. Pourtant il avait été dans le passé un fier homme, de près de cent kilos et d'un mètre quatre-vingt-cinq. Aujourd'hui, il ne restait que les vestiges de sa puissance passée.
Il travaillait seul et de son travail dépendait toute la vie économique du village. Le soir, comparé aux autres, il était souvent éveillé pour changer ses sacs de farine. Et grâce à la vue de sa position perchée à une hauteur d'une vingtaine de mètres, il pouvait aisément observer les va et viens de la porte des étoiles jusqu'au village. Aucun arbre ou édifice ne pouvait lui cacher la vue. En somme, il était le mieux placer à Raw'Shanock.
La suite dans le chapitre 5 du Tome II de Stargate: L'Odyssée de la Terre ...
"Sais-tu que Flaubert voulait écrire un roman sur le néant? S'il t'avait connue, on aurait eu un grand livre. Quel dommage."
-Jep Gambardella, La Grande Bellezza