CITATION
Le patron de Ferrero : «Nous n’allons pas modifier la recette du Nutella»
Frédéric Thil, le directeur général de Ferrero, ne digère pas « l’amendement Nutella », du nom de son produit phare. Adopté en commission des Affaires sociales au Sénat, ce texte vise à augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme, considérée, selon ses détracteurs, comme néfaste pour la santé et l’environnement. « On s’attaque à un produit fabriqué en France depuis cinquante ans qui est l’un des préférés des Français. Les répercussions sont catastrophiques alors que les arguments avancés sont injustes », explique-t-il.
Selon lui, aucune étude scientifique ne démontre la nocivité de cet ingrédient. « L’huile de palme, comme le beurre, le fromage, contient des acides gras saturés. Il ne faut pas en abuser, reconnaît-il. Mais, contrairement à d’autres huiles, on n’est pas obligé pour la travailler de passer par une phase d’hydrogénation qui crée des acides gras trans qui sont, eux, très mauvais pour la santé. Et c’est essentiellement pour cela qu’elle est utilisée dans le processus de fabrication. »
Six centimes d’augmentation sur le prix au kilo
Et le patron de Ferrero de rester ferme. « Même si cette taxe est votée, nous n’allons pas modifier notre recette. Nous allons l’expliquer à nos consommateurs. Nous allons aussi montrer les démarches que nous menons auprès de nos producteurs en Malaisie. Depuis 2005, nous nous sommes engagés dans la labellisation internationale RSPO. Notre objectif est d’avoir à l’horizon 2015 une production 100% durable en évitant notamment les problèmes de la déforestation », reprend-il.
Au-delà, les industriels craignent les répercussions économiques. Aujourd’hui, un tiers des produits de consommation courante contient de l’huile de palme : biscuits, chips, barres chocolatées… Au total, la consommation en France est de l’ordre de 130000 t par an (soit près de 2 kg par habitant).
Selon les professionnels, le surcoût à supporter serait de 300 € la tonne. Du coup, le kilo de Nutella pourrait augmenter de 6 centimes. « On va essayer de trouver des solutions pour que les consommateurs et notre outil de production soient pénalisés le moins possible », conclut Frédéric Thil.
Le Parisien
Pour rappel...
NUTELLA GRAND ACROPÂTE
2 FÉVRIER 2012 par CLAIRE BERTHELEMY
Nutella n'engraisse pas seulement son propriétaire, la société Ferrero. La pâte à tartiner engraisse aussi plus de 13% d'enfants qui, en France, le consomment en trop grande quantité. En cause: la présence dramatiquement élevée d'huile de palme, responsable de dysfonctionnements cardio-vasculaires. Un risque confirmé par tous les chercheurs que nous avons sollicités.
Cette semaine, pour la chandeleur, le groupe italien Ferrero (1,06 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France) soigne sa promo en organisant dans plusieurs villes de France des distributions de crêpes dégoulinantes de Nutella, son produit phare.
L’opération de com’ vient après des moments difficiles causés par quelques scientifiques revêches, dénonçant les risques que ferait peser sur la santé des enfants et des adolescents la consommation quasi addictive de Nutella. Début janvier, le groupe a réagi par un communiqué de presse tentant d’atténuer ces critiques. Selon Ferrero, si 38% des enfants en France mangent du Nutella, la grande majorité d’entre-eux ne dépasserait pas les cinq tartines par semaine.
Dommage
Pour rassurer les familles, Ferrero se fonde sur des données du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) ; elles-mêmes vieilles de onze ans. Elles ont été collectées en 1999 auprès d’un panel de 3 000 individus lors d’une étude sur les comportements alimentaires. Au Credoc, un porte-parole nous répond, étonné :
Nous ne faisons pas d’études ciblées sur un produit en particulier. Mais réalisons de grosses études sur le comportement des français.
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Comprendre : aux acteurs de l’agro-alimentaire ensuite d’acheter les interprétations des résultats du Credoc qui les intéressent, et de présenter les chiffres à leur manière. Ce que le directeur de la communication de Ferrero, que nous avons contacté, ne dément pas. D’un point de vue nutritionnel, le problème n’étant pas les petits consommateurs mais les plus grands, un chercheur du Credoc qui préfère demeurer anonyme souligne :
Dommage que Ferrero n’ait pas communiqué davantage sur la consommation supérieure et le maximum de cette consommation supérieure [la tranche des enfants qui en mangent de grandes quantités, soit, en France, 13% des enfants qui en consomment]
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Pour Béatrice de Reynal, nutritionniste, la dépendance au Nutella décrite par certains n’existe pas vraiment. Bien que, selon elle, il existe :
Des fans d’autant plus fans qu’ils ont été nourris avec [du Nutella] tôt dans l’enfance (…) Les saveurs de l’enfance sont imprimées durablement dans le cerveau comme étant les référents de ce qu’il y a de mieux ! Mais prétexter que les enfants consomment seulement une tartine par jour est un peu provocateur. Ils prétendent que la quantité recommandée sur 30 g de pain est 15 g de Nutella… Je vous mets au défi de trouver des adolescents qui ne mettent que 15 g de Nutella sur du pain.
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Mets de l’huile
Or, pour cette population de gourmands, le Nutella fait courir des risques avérés sur la santé. Ceux-ci sont officiellement reconnus depuis mars 2010. Lorsque l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a pris la décision de déconseiller la consommation d’huile de palme. Pour l’agence :
Les lipides ont des effets bénéfiques sur la santé à condition de diversifier les apports en graisses végétales et animales pour respecter l’équilibre des apports entre les différents acides gras. À l’exception de l’huile de palme (très riche en acide palmitique et présente dans de nombreux produits manufacturés), il est conseillé de consommer et de diversifier les huiles végétales (les huiles de colza et de noix sont les sources principales d’acide alpha-linolénique).
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Et le Nutella c’est de l’huile de palme pure à 30%. Même si rien ne l’indique sur l’emballage, qui fait référence à une “huile végétale”. Le service consommateur de Ferrero nous l’a confirmé. Annonçant :
Entre 20 et 30% d’huile de palme et entre 20 et 30% de sucre. Mais vous donner la composition exacte trahirait le secret de fabrication.
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Contre 13% de noisettes, 7,4% de cacao et 6,6% de lait. De quoi relativiser l’argument marketing sur les besoins nutritionnels des enfants. Et alors que les industriels de l’agro-alimentaire enlèvent un par un l’huile de palme de la composition de leurs produits, Ferrero explique, lui, qu’il ”est impossible de remplacer l’huile de palme, responsable de la texture du Nutella”. L’huile concernée est en effet quasi solide à température ambiante contrairement aux autres huiles. Le risque, désormais connu, est donc consubstantiel du produit.
Du côté des scientifiques, il n’y a plus de place pour le doute. Vincent Arondel, chargé de recherche et responsable de l’équipe Métabolisme des lipides de réserve au Laboratoire de biogénèse membranaire de Bordeaux explique :
La seule chose que l’on reproche à l’huile de palme est sa haute teneur en acide palmitique, un acide gras saturé avec 16 carbones, connu pour être un des facteurs qui augmente le mauvais cholesterol (LDL) dans le sang et donc les risques de maladies cardiovasculaires.
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Ferrero soutient dans sa communication que les acides gras saturés se consomment aussi dans la viande (contenant, elle, des protéines indispensables à la croissance des enfants, contrairement au Nutella). Mais selon le chercheur l’huile de palme contient 40 à 45% d’acides gras saturés contre 25-30% dans la viande de boeuf.
Georges Ngando, chercheur à l’université de Bordeaux et actuellement au Centre spécialisé de recherche sur le palmier à huile du Cameroun renchérit :
Plusieurs études ont établi depuis longtemps le lien étroit existant entre une alimentation riche en acides gras saturés et la prévalence de taux sériques élevés de (“mauvais”) cholestérol LDL (Low Density Lipoprotein), ainsi que l’émergence des maladies cardio-vasculaires. De ce fait, les nutritionnistes, essentiellement en Europe et Amérique, encouragent la consommation des huiles riches en acides gras insaturés pour une alimentation saine et équilibrée, au détriment de l’huile de palme.
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L’huile de palme est l’oléagineux le plus productif à l’hectare et , pour cette raison, la première huile au monde en volume de production.
Il y a quelques semaines, pendant que Nutella organisait des petits-déjeuners et goûters de Noël gratuits dans le centre de Paris, un rapport du WWF venait d’épingler Ferrero. Selon l’ONG, l’entreprise utilise trop d’huile de palme “non durable” dans ses produits.
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Source)
A propos de...
CLAIRE BERTHELEMY
Après quatre ans de journalisme médias internet, papier et radio, j'ai débarqué dans la soucoupe. Dans mes valises : un brin d'études de médecine, une licence de sociologie et d'anthropologie à Paris 7 Diderot et un master Pratique de l'Inter-Disciplinarité à l'ENS Paris. Twitter : https://twitter.com/CBerthelemy