Chapitre 8 : Chants de guerre et purée d’orques
« La Comté est percée de trous. Pas de quoi en faire un gruyère ! »
Proverbe hobbit
Lagodas, Grumbly et Albicore venaient d’abandonner le corps de Vladumir au fleuve. Ils pleurèrent longuement. Leurs larmes ruisselèrent jusqu’au fleuve qu’ils firent doubler de volume. C’est de ce fait historique que l’on a tiré l’expression « un torrent de larmes ». Mais ceci n’est pas notre propos. Revenons à nos trois amis. Lagodas s’isola un moment et se mit à psalmodier en langue elfique. Grumbly et Albicore étaient moralement abattus. Soudain Grumbly bondit sur ses pieds. Il avait une expression triomphante sur le visage.
- « La tristesse est dans nos cœurs. Nous avons été, certes, frappés par un deuil cruel. Mais nous nous devons d’aider nos amis prisonniers. » dit il
- « Quel espoir nous reste t il ? » répondit Albicore
- « Nous sommes des soldats, n’est ce pas ? Nous avons besoin d’un chant pour nous donner du cœur à l’ouvrage » fit le nain
- « Bonne idée ! Mais de quoi parlerons nous dans notre chanson ? » dit le numénoréen
- « Nous devons aller au combat, le cœur vaillant ! Donnez moi une heure et j’aurai une chanson toute prête ! » grogna Grumbly
- « Une heure et pas une de plus ! » répliqua Albicore
Albicore s’allongea aux côtés de l’elfe, sous un chêne immense. La mousse était fraîche et fort confortable. Aussi sombra t il rapidement dans un profond sommeil. Son repos fut bercé par le crissement de la plume du nain qui courait fiévreusement sur le papier. Au bout d’une heure, la chanson était prête, et attendait d’être interprétée. Grumbly frisait sa moustache. Ce qu’on peut dire, c’est qu’il était fier de sa composition. La transcrire en totalité serait vain et fastidieux. Aussi n’en reproduirons nous qu’une mince partie.
« Purée d’orques et bouillie de trolls,
Voilà ce que nous ferons de nos épées !
Si l’un de ces pignoufs me frôle,
J’aurai vite fait de l’découper !
On va leur meuler la face et ça va chier !
Nos ennemis finiront tous en viande hachée !
Dans de la graisse de Harradrim
Nous les ferons tous frire !
Il n’y aura ni rire ni frime
Mais nous, on sera en délire !
On va leur meuler la face et ça va chier !
Nos ennemis finiront tous en viande hachée !
Leurs carcasses empuantiront les alentours !
Les os de leurs squelettes blanchiront au soleil !
Leur chair en putréfaction rendra malades les vautours !
Et la terre sera purifiée de notre sang vermeil !
On va leur meuler la face et ça va chier !
Mais moi, d’leur mort je s’rai pas fâché ! »
Ainsi se termina la chanson de Grumbly. Comme on peut le voir, le nain était un grand ami de la syntaxe et de la poésie elfique. Il avait écrit cette chanson comme sous l’emprise d’une inspiration divine. Il glissa le manuscrit de la chanson dans sa culotte afin de ne pas se le faire chourer par quelque malandrin indélicat. Le raffinement et le bon goût de la composition plurent à Albicore. Mais ce dernier était soucieux.
-« Ami elfe ! Serez vous des nôtres ? Joindrez vous votre si belle voix à la mienne ?» dit il
- « En vérité, j’étais moi-même en train de méditer sur ma propre chanson. La chanson de Grumbly est fort belle, mais elle ne convient point aux belles gens ! » dit l’elfe.
Il entonna aussitôt son propre chant. Les oiseaux de la forêt se turent pour l’écouter. L’hymne entonné par l’elfe semblait venir d’un autre temps, d’un autre monde. Elle était empreinte de magie et de mystère.
« Ainsi vont les chants de guerre !
Le violent y côtoie le vulgaire !
Afin d’exalter le courage dans nos cœurs,
Il nous faut pousser des hourras de vainqueurs,
Traiter l’ennemi de tous les noms,
Afin qu’à côté les ordures elles mêmes sentent bon !
Marchons, courons, galopons,
Cessons de courir continuellement les jupons !
Frappons leurs armures de nos armes !
Qu’ils versent un noir et violent torrent de larmes !
Que se lèvent le soleil et la vermeille aurore,
Et qu’ils éclairent les innombrables cadavres de leurs morts ! »
Le bon Grumbly pleura d’émotion. Albicore salua la chanson elfique d’un hochement de tête. Il savait la chanson de Grumbly surpassée. Mais, bon compagnon, il la chanterait tout de même. Nos trois héros avaient désormais de quoi réveiller le feu qui couvait dans leur cœur. Ils bondirent sur leurs pieds et se mirent en route.
Leur voyage les mena en Rohan, où ils arrivèrent trois jours après la mort de Vladumir. Ils avaient parcouru près de cinquante lieues. Non sans mal d’ailleurs. Le gibier était rare et ils rationnaient la nourriture procurée par les elfes en prévision d’un éventuel retour. L’elfe était rapide comme le vent. Albicore le suivait avec difficulté. Grumbly, quand à lui, faisait de son mieux. Mais son épaisse côte de mailles l’alourdissait. Cependant, cette dernière avait ses avantages. La nuit, elle reflétait la lumière de la lune, ce qui faisait que nos trois amis y vouaient comme en plein jour. Plus que les ascensions, c’étaient les descentes qui posaient des difficultés à Grumbly. Il avait résolu le problème de la manière suivante. Il s’arrêtait, se mettait la tête entre les jambes (les nains ont beau être gros, ils sont réputés pour leur souplesse) et se penchait vers l’avant. Il basculait lentement, puis dévalait les pentes à toute vitesse. En roulant ! C’est pourquoi il était toujours le premier en bas. Sa voix rocailleuse et ses nombreux jurons avaient effrayé bon nombre de serviteurs de Mouron qu’il avait rencontrés sur sa route. Une fois, une orque femelle avait été obligée de laisser tomber le gâteau qu’elle venait de sortir du four afin de boucher les oreilles de son nourrisson ! La pâtisserie finit à terre. L’orque la ramassa et la retourna afin que le gâteau fût présentable. Ainsi naquit la tarte tatin.
Le Rohan était un pays magnifique. Vallonné et herbeux, il était le territoire des seigneurs des chevaux. L’air y était pur et sain. Lagodas, Grumbly et Albicore y pénétrèrent à l’aurore de leur quatrième jour de voyage. Lagodas distingua un nuage de fumée à l’horizon. Cela signifiait qu’une grande troupe à cheval approchait. Nos trois amis décidèrent de se porter à leur rencontre. Cinq minutes après leur entrée dans ce pays nouveau, ils furent faits prisonniers par les cavaliers de Rohan!
Le chef des Rohirrims avait pour nom Homer Son visage et son port traduisaient une haute naissance et une noble origine. Il leur demanda qui ils étaient et ce qu’ils venaient faire en Rohan. Albicore leur expliqua que deux de ses amis avaient été faits prisonniers par des Onslé Kaî. Ces derniers avaient obliqué vers l’ouest, en direction de la Misengarde !
- « Les Onslé Kaî ont été tués cette nuit ! Mes hommes et moi les avons surpris à la lisière de la forêt de Popcorn. Aucun des deux cent orques n’en a réchappé. Mais nous n’avons pas vu vos amis. Peut être ont-ils pénétré dans la forêt ! » dit Homer, d’un air maussade
- « Il vaudrait mieux qu’ils n’y soient pas entrés » gémit Albicore.
Faisons une petite pause dans le récit et attachons nous à élucider le nom de la forêt dont Homer vient de faire mention. La forêt de Popcorn est située en Rohan. Les arbres qui la composaient occupaient un massif montagneux gigantesque ainsi qu’une petite plaine. Elle était essentiellement composée de chênes. Des orques malintentionnés y mirent un jour le feu. L’incendie ravagea toute la forêt. Les glands, sur le sol et les arbres, se mirent à chauffer. Leur coque se craquela progressivement. Puis ils explosèrent de toute part. On eût dit un feu d’artifice de flocons blancs. Quand l’incendie se fut enfin calmé, on remarqua que le sol était recouvert de milliers de tonnes de pop corn. Heureusement, les arbres repoussèrent, et ils ne permettent plus aux orques de s’approcher de la forêt. C’est à la suite de cette tragédie que l’on nomma la forêt « Popcorn » !
- « Homer ! Nous aurions grandement besoin de vôtre aide » dit Albicore
- « J’ai d’autres chats à fouetter, mon gars ! Mais demande toujours» dit Homer
- « Nous aurions besoin de deux de vos montures afin d’aller quérir l’aide de votre roi, Théodieux, à Méduseld ! »
- « Et pis quoi encore ? » répliqua Homer « Les chevaux sont des êtres qui nous sont sacrés, et nul étranger ne mérite de les monter »
Des ricanements approbateurs surgirent des rangs des soldats. Mais Albicore tenta crânement sa chance. Il avait du lembas.
-« Pas même si je vous offre des beignets elfiques ? » demanda t il
Les yeux d’Homer étincelèrent et la bave lui vint aux lèvres. Il ne put s’empêcher de crier.
- « Oooooooooooooooooooooooooh, Dooonuts ! » mugit Homer « Rajoutez une petite mousse et je suis votre homme »
Grumbly se sépara de son tonnelet de bière à contrecoeur. Mais en contrepartie, il gagnait un cheval.
-« Vous êtes des hommes d’honneur » dit Homer, les lèvres couvertes de sucre glace, « et je vais respecter ma parole. »
Il siffla et deux magnifiques chevaux s’avancèrent. Leurs propriétaires avaient été tués lors de la bataille contre les Onslé Kaî.
- « Voici Arnoklarsfel et Pagode. Puissent ils vous porter à Méduseld à la vitesse du vent. » dit il.
Grumbly et Lagodas montèrent sur le cheval le plus costaud, et Albicore prit l’autre. Ils saluèrent de la main et partirent au galop. En jetant un coup d’oeil en arrière, Grumbly vit Homer en train de lécher la confiture qui lui collait aux doigts. Mais le cavalier ne voyait pas celle qu’il avait sur le nez.
Pendant ce temps, Sam et Fronton se dirigeaient vers l’est et le Mordorir. Voilà deux jours qu’ils marchaient depuis la bataille contre les Onslé Kaî. Ils firent une halte pour manger. Fronton s’adossa à un rocher pendant que Sam préparait la pitance. Il bourra sa pipe et se mit à faire des ronds de fumée.
- « Pas fâché d’avoir arrêté notre voyage sur l’eau. C’est dur le bateau. Surtout dans les montées ! » dit il
- « Certes ! Mais à force de courir, j’ai les pieds en sang. Et mes poils commencent à tomber ! » répondit Sam
- « Passe moi la carte ! Il faut que je la consulte afin de voir où nous en sommes » dit Fronton
Et Sam de fouiller dans son sac de voyage. Il en sortit un parchemin de la taille d’un timbre mais de l’épaisseur d’un dictionnaire. Déplié, il eut pu servir de couverture aux deux hobbits. Ils cherchèrent des yeux un poteau indicateur afin de leur permettre de se repérer sur la carte. Ils virent non loin de là un panneau à indications multiples.
- « Misengarde, 123 miles ! » dit Fronton
- « Rome, 2542 miles ! » poursuivit Sam
- « Rome ? Où est ce donc situé ? » Fronton
- « Sauf votre respect, msieur Fronton, vos connaissances en histoire sont plus que limitées. Rome, la légendaire cité des gobelins. Toutes les mines y mènent ! » dit Sam
- « Moué ! Minas Mugul, 253 miles ! » poursuivit Fronton
- « La Comté, 1425 miles ! » dit Sam
- « 1425 miles » cria Fronton, paniqué. « Lorsque nous avons quitté Parc Galette, nous étions à 1234 miles ! Cela veut dire que nous nous sommes éloignés ! »
- « Il faut croire que nous avons pris la carte à l’envers » se désespéra Sam
- « Cela ne se passera pas comme ça ! » meugla Fronton « Je vais porter réclamation au guide du routard, moi ! Y z’auront intérêt à me rembourser la carte. »
- « Pourriez vous leur suggérer de marquer Haut et Bas, comme sur les cartons de déménagement ? Et au lieu de marquer Nord, Sud, Est, Ouest, marquer Haut, Bas, Droite, et Gauche ? Ce serait plus simple » dit Sam
- « Certes » répondit Fronton « Mais comment rejoindre la Comté désormais ? »
- « La terre moyenne est ronde » dit Sam « Il n’y a qu’à aller tout droit et on arrivera à destination, même si c’est très long ! »
Ils mangèrent pour oublier leurs soucis. Le repas terminé, ils firent la sieste. Ils furent perturbés par un sifflement rauque apporté par le vent. Ils tirèrent leurs épées hors du fourreau et se cachèrent derrière un rocher. Un être difforme surgit d’un talus. Il était pâle, maigre et vêtu seulement d’un pagne en lambeaux. Il sifflait et grognait. Il n’avait plus un poil sur le caillou.
- « Mon trésssor ! Ils nous l’ont volé ! Mais nous leur reprendront, hein, mon trésssor ! Et je ne…. »
Les deux hobbits lui sautèrent dessus sans lui laisser le temps de terminer sa phrase. Ils le ligotèrent avec des cordes elfiques. Aussitôt la créature se mit à pester et cracher. Il se tortillait comme un vers et meuglait comme une vache que l’on dépèce vivante. Craignant que les cris de Gouloun n’attirent les serviteurs de Mouron, ils le délièrent, ayant eu obtenu sa promesse de ne plus hurler. Fronton paraissait connaître le passé de cette créature. Il le regardait avec un mélange de compassion et de mépris. Mais Sam se grattait la tête d’un air stupide.
- « Qui êtes vous donc ? » demanda t il
- « Je suis Gouloun, mon trésssor ! » fit la créature
-« Mais cela n’est pas votre vrai nom » répliqua Fronton
- « Je ne me souviens pas de quel il est »
- « Votre nom est … Chardegol* ! » dit Fronton
- « Charl-de-gol ? » dit la créature, les yeux humides
- « Vous allez nous aider à aller en Mordorir, Gouloun ! » dit Fronton
- « Pourquoi vous aiderai je, mon trésssor ? Ils veulent détruire mon trésssor, mon trésssor ! »
- « Nous allons perdre patience si vous vous obstinez ! » dit Fronton
- « Jamaisssssss ! » fit Gouloun
La solution diplomatique ayant échoué, Fronton laissa à Sam carte blanche pour obtenir l’aide de Gouloun. Sam avait une lueur sadique dans le regard. Il se frottait les mains.
- « Il se trouve que j’ai faim. Je vais donc vous faire cuire. Cuire dans de la sauce tomate avec du thym, du basilic. Votre chair ne m’a pas l’air particulièrement goutue. Je pense devoir l’assaisonner avec du poivre et du chorizo. Ensuite, je vous découperais avec la dague que voici et vous ferai sécher au soleil. Nous pourrons ainsi la conserver longtemps dans notre sac, et nous ne risquerons pas de tomber en rade de nourriture » fit Sam
- « Mais comme traitement, ssss’est pas humain, mon trésssor ! Ah, ça, non ! » dit Gouloun en gémissant
- « Aussi sommes nous des hobbits ! » ironisa Sam
Gouloun se mit à pleurer et à émettre toutes sortes de bogborygmes profonds. Il espérait s’attirer la pitié de Fronton. Mais celui-ci faisait semblant de ne pas voir et se curait les dents avec Dard. Voyant l’indifférence feinte de Fronton, Gouloun hurla plus fort encore. Sam dégaina son épée. Gouloun prit peur et se jeta aux pieds de Sam lui promettant de les guider jusqu’au Mordorir.
- « Quel sera notre chemin » fit Fronton
- « Nous passerons par les marais des Maures, les montagnes de l’Evelyne Buil avant d’entrer en Mordorir » siffla Gouloun. « Mais si nous devons aller en Mordorir, il nous faut partir de suite. Nous avons bien des lieues à faire. Oh ça oui, mon trésssor ! »
Ainsi les trois compagnons se mirent ils en route pour l’est et le Mordorir.
* Des barbares grotesques se sont inspirés de ce nom pour baptiser leur navire amiral. Comme la pauvre créature, ce navire était une vraie épave. Mais cela n’est pas en rapport avec notre histoire.
ps: commentez svp!