Bon, bon, bon... Et bien voilà. Après deux ans de boulot, l'épilogue de ce Tome II. Une fois de plus, et comme sur l'Autre Forum, je tiens à remercier mes bêta-lecteurs, mon premier alpha-lecteur, et la nouvelle alpha-lectrice qui a accepté de me donner un coup de main pour la préparation du Tome III. La prologue de celui-ci est terminé, et en cours de bêta-lecture pour corriger les défauts, mais il sera publié en priorité sur
Scifi-Fanséries (bientôt "Le Multivers"), un excellent forum que je suggère à tous les amateurs de Science-Fiction, Fantasy et Fantastique, qui recherche du monde et privilégie les échanges de qualité.
Bref, pub à part, j'espère que vous aurez apprécié cette seconde partie et que nous nous retrouverons pour la dernière. Cependant, puisqu'il va s'agir du dernier élément posté sur ce topic, serait-il possible aux lecteurs de poster un ch'tit comm', que je me fasse une idée de qui sont-ils ?
Allez, à plus tout le monde, et merci d'être passé lire mes élucubrations !
Epilogue
Dans un coin de son esprit, la jeune femme remarquait, impressionnée, le talent qu’Atlantis pour arranger un timing parfait lors de ses actions. Entre le temps pris pour expliquer l’avenir qu’elle réservait à l’équipe et les premières réactions de celle-ci, l’I.A. s’était débrouillée pour ne pas leur laisser le temps de trop s’attarder sur les véritables questions qui commençaient à occuper ses pensées, pour en être aussitôt chassées.
Shanti savait que, une fois cette opération terminée, l’I.A. serait probablement ouverte à leurs interrogations, mais elle aurait, en attendant, à les mettre de côté alors que le trio de vaisseaux s’apprêtait à frapper un coup majeur dans les forces dominées par Hagalaz. Faisant les cent pas à l’intérieur de la salle de commandement, désormais totalement opérationnelle, elle ne savait pas quoi penser pour occuper les quelques secondes la séparant de l’objectif fixé par Atlantis.
Son train de pensées fut brusquement coupé lorsqu’un avertisseur la prévint de l’imminence du retour en espace normal, et son attention se fixa sur les flux de données en provenance du mastodonte autour d’elle.
- Ici Atlantis, intervint silencieusement l’I.A.
Je vais diriger le combat autant que possible, mais restez sur vos gardes et soyez prêts à prendre le contrôle des vaisseaux sans préavis, si j’en étais empêchée. Sortie d’hyperespace… maintenant.
Les écrans à proximité s’illuminèrent instantanément, affichant simultanément les informations obtenues par chacun des innombrables senseurs montés à l’intérieur et à l’extérieur des coques, alors qu’elle sentait le vaisseau changer de cap avant même la fermeture de la fenêtre de sortie. D’une simple pensée, elle était à présent au cœur du système de contrôle, qui lui faisait ressentir ce que le vaisseau découvrait à chaque nanoseconde, et la présence des appareils adverses, à plusieurs minutes-lumière de là, illuminait ses nouveaux sens.
Certains des engins étaient similaires à ceux qu’elle avait croisé à trois reprises déjà, alors qu’à proximité croisaient d’autres vaisseaux, plus massifs, renvoyant aux capteurs des indications contradictoires et présentaient chacun un profil qu’elle savait ne pas pouvoir assimiler avec sa faible expérience et sa vision ô combien restreinte de l’univers. Les capteurs témoignaient de navires aux formes mouvantes, tant dans ce qui leur servait de coque que dans leur champ de protection, identifié par Atlantis comme une série d’aberrations gravitationnelles. Ca et là, des pics dans les signaux renvoyés étaient interprétés par l’I.A. comme autant d’armements et de détecteurs, qui se voyaient aussitôt affublés d’un étiquetage codifié et normalisé, les hypothèses quant à leurs fonctions et caractéristiques s’affichant un instant plus tard.
C’était un peu trop pour Shanti, qui surprit ses nouveaux neurones améliorés à travailler frénétiquement au traitement de ces données, et décida spontanément de déléguer à Atlantis le tri d’une partie des informations, afin que ne lui parviennent que les probabilités raisonnables. Elle fut vaguement surprise de la facilité avec laquelle elle avait sélectionné cette option, et de la précision de ses instructions quand aux caractéristiques du filtre. Fugitivement, elle envisagea l’avenir après la défaite des Arachnides, et entrevit un syndrome nettement plus préoccupant que celui du survivant.
Ses cibles, quelques fractions de seconde plus tard, se mirent à bouger, réagissant enfin à l’arrivée des trois vaisseaux de guerre Anciens. Les plus imposants appareils commencèrent à suivre une trajectoire d’interception, alors que les autres semblaient s’éloigner légèrement, tous arborant des signatures plus visibles, témoignant de l’activation de nombreux systèmes supplémentaires.
En parallèle, Shanti vit, autour d’elle, le vaisseau terminer la transition entre le déplacement et le combat, chacun de ses canons et écrans de protection achevant son cycle de charge. Retenant un frisson, elle fut prise d’une soudaine terreur, alors que, comme pour chacun des autres systèmes, les armes lui donnèrent un bref rappel de leurs capacités. Un rappel qui venait se superposer aux souvenirs qu’elle ne pouvait s’empêcher de se remémorer, aussi bien les siens propres que ceux insufflés par Atlantis.
Elle avait vu, à suffisamment de reprises, l’efficacité de ce avec quoi ce vaisseau allait attaquer, et Tsippora avait eu, trop souvent, l’occasion d’assister à ces effets en-dehors du simple affichage tactique.
Comme nombre de jeunes officiers avant elle, la première confrontation entre la théorie et la réalité était une expérience mémorable. Peu agréable, mais, aux dires de ses supérieurs et ainés, nécessaire. Elle venait de terminer son cursus et avait été affectée à l’un de ces destroyers francs-tireurs, vaisseaux qui, à en croire leurs équipages, menaient la seule véritable action offensive de cette guerre. Rapides et bien armés, ils tenaient l’ennemi Wraith sur le qui-vive et détournaient une partie de ses moyens militaires en menant constamment des raids de guérilla, détruisant des installations inoccupées ou mal défendues.
Une mission dangereuse, mais qui l’avait plus attirée que les interminables patrouilles dans les systèmes centraux. Elle avait découvert rapidement que, malgré les capacités de précognition dont elle faisait preuve, le stress, l’excitation et la peur étaient présentes au quotidien, se mêlant à l’incertitude et la renforçant pour en faire un mélange d’émotions qu’elle avait découvert au fil des années-lumière.
Quelques heures plus tôt, le branle-bas de combat avait été diffusé dans l’ensemble du réseau neuronal de l’équipage, alors que le capitaine avait décidé de traquer un groupe de Ruches endommagées au retour du front. Comme les plus sensibles des membres de l’équipage, elle avait pressenti certains des mouvements du vaisseau adverse, et tentait d’anticiper les décisions immédiates de ses supérieurs, qui eux-mêmes, travaillaient dans ce mélange d’anticipation, d’entrainement et de précognition. L’équipage travaillait ainsi dans une structure qui restait opaque aux espèces dont la vision du temps était restée primitivement linéaire.
Mais elle n’était pas pour autant capable de tout prévoir, et l’assaut, bref et infiniment brutal sur la cible l’avait quelque peu prise au dépourvu. Avec un intérêt clinique pour la chose, elle avait observé la série de dards foncer vers la coque organique et l’embraser dans un spectacle à jamais ancré dans ses souvenirs.
Puis l’ordre était venu. Avec un groupe constitué d’officiers et de troupes entrainées, elle avait reçu la consigne d’aller à bord de l’épave incandescente pour faire la liste de ce qui pouvait y être récupéré. Une mission à laquelle ses cours ne l’avaient pas formé, ayant imaginé les batailles comme autant d’évènements indépendants, relativement propres.
Une vision contraire à la réalité du petit vaisseau qui constituait son nouveau foyer, et dont l’isolement le forçait à collecter aussi souvent que possible des matériaux et produits avancés afin d’alléger le travail de la fonderie moléculaire de bord.
Entourée d’un champ de force maintenant une atmosphère et une température constante, elle avait accompagné le reste de la petite équipe à l’intérieur du colosse ennemi.
Et avait vu le charnier.
Préférant ignorer les images qui lui revenaient à l’esprit, Shanti s’attarda sur l’affrontement qui débutait, symbolisé par le mouvement des nombreuses icônes associées aux vaisseaux et à leurs caractéristiques. Elle vit, l’espace d’un instant, un détail qui attira son attention et la troubla au point d’interroger Atlantis à son sujet.
- Vous n’avez pas activé les drones ? demanda-t-elle par son lien.
- Non. Si les autres armes sont moins efficaces, elles permettent de maintenir un certain niveau de doute quant à votre affiliation. Je ne peux pas me permettre de donner à Hagalaz la certitude que je suis devenue un obstacle, pas tant que ma séniorité et mon ascendant en termes d’autorité théorique la poussent à me laisser de côté.
- Elle vous attaquerait, sinon ? fit Shanti.
- Ce serait très probable. Et elle serait en mesure de me détruire, ainsi que l’ensemble de vos semblables présents à proximité. Puis, par l’analyse des débris, remonterait probablement leur trace jusqu’à votre galaxie, entrainant une frappe préventive face aux alliés de son ex-ennemie, répondit l’I.A.
- Mais, elle ne se doute pas que c’est vous ? Elle ne va pas reconnaitre nos vaisseaux ?
- Pas forcément. J’ai procédé à de nombreux changements, tant intérieurs qu’extérieurs, sur ceux-ci. Ils devraient être suffisants pour insuffler un doute raisonnable dans l’esprit de notre adversaire. Et celle-ci ne pourra pas s’opposer à une Entité de mon niveau sans preuve irréfutable de ma “trahison“. L’utilisation de drones suffirait probablement, de ce point de vue, d’où mon refus de les employer sans la certitude absolue que leur présence ne puisse être rapportée.
- … D’accord. On pourra quand même gagner ?
- C’est ce que j’ai prévu, lieutenant. Je n’envoie personne à la mort sans raison, et je ne compte pas commencer avec votre équipe.
Acquiesçant, elle posa son regard sur l’un des écrans, qui affichait désormais les premiers tirs quittant la coque de son vaisseau. Expulsées de tourelles aux tailles diverses, les orbes bleues s’étaient vues catapultées à des vitesses relativistes, alors même que les canons principaux attendaient d’arriver à portée optimale.
Les projectiles d’énergie pure n’étaient, elle le savait, qu’une diversion destinée à mettre les vaisseaux adverses sur leurs gardes et à prendre l’initiative dans ce combat. Leurs cibles commençaient immédiatement à réagir, changeant de vecteur d’approche pour éviter les projectiles flamboyants.
Sans surprise, la vingtaine de vaisseaux adverses se repositionna à l’abri de l’attaque initiale, confirmant ce faisant leurs capacités de détection et une partie de leur manœuvrabilité. Au même instant, la jeune femme vit, sur les senseurs, le départ de plusieurs projectiles, qui, à en croire leurs profils, étaient sur le point d’ouvrir des fenêtres hyperspatiales. Shanti, poussée par les souvenirs de son ultime mission pour le SGC, déglutit brusquement, alors que son vaisseau ne semblait pas tenter la moindre manœuvre d’évitement.
- Atlantis, pensa-t-elle.
Il faut changer de cap, tout de suite ! C’est ce qui a détruit le… Oh.
Son avertissement avait été interrompu par le saut des missiles ennemis, qui s’était interrompu très brutalement à quelques centaines de kilomètres de son propre navire, plusieurs fenêtres de sorties instables se formant sans le moindre avertissement. Seule une poignée des projectiles avait eu la chance de survivre à la réinsertion dans l’espace conventionnel, pour se voir aussitôt cibler et détruire par les armes des trois vaisseaux.
- Aucune stratégie défensive n’est valable sans interdicteurs hyperspatiaux, aussi courte que soit leur portée efficace, répondit l’I.A.
Et mes créateurs étaient… dramatiquement… portés sur les stratégies défensives.
- D’accord…Qu’est-ce que vous allez faire, maintenant ?
- Continuer à en apprendre sur leurs capacités opérationnelles, avant de les détruire à distance de sécurité.
- …
Silencieusement, elle reprit son observation du lent ballet qui occupait désormais les deux groupes de vaisseaux, les tirs échangés se perdant dans l’infini alors que, progressivement, la distance entre les deux flottes se réduisait. Son attention se reporta alors sur les caméras extérieures, qui affichaient des images de la superstructure complexe recouvrant la coque du navire de guerre, illuminée à intervalles réguliers par les décharges des armes à énergie.
Quelques instants plus tard, elle coupa temporairement la connexion avec le vaisseau, et soupira.
- Elle joue avec eux. Elle se renseigne, puis elle va les massacrer. C’est rien de plus qu’un jeu. Des pions adverses à détruire. Et nous, on reste là, à regarder… C’est la même chose, on est juste peints de sa couleur à elle. Et qu’est-ce qu’on peut faire ? Si elle dit vrai, il faut qu’on accepte de jouer son jeu. Même pas pour nous. Pour tout le monde…
- Commandant, souffla-t-elle. Vous m’entendez ?
- Oui, répondit la voix de l’officier. Vous vous en sortez, lieutenant ?
- Comme pour n’importe qui venant d’entendre ce qu’elle a concocté pour nous et le reste de la galaxie… dit-elle. C’est pas un bluff, hein ? Vous pensez qu’on est vraiment partis pour ça ?
- Probable. En même temps, ne me dites pas que son ambition vous étonne ? Elle nous envoyait déjà gagner une guerre intergalactique à trois, avec un chewing-gum et deux bouts de ficelle, alors, ça ou autre chose…
- Comment est-ce que vous pouvez prendre ça aussi facilement ? On est coincés avec elle ! Définitivement !
- Plus ou moins, répondit-il. Et puis, on devrait avoir un peu plus les mains libres pour la suite. On aura peut-être même le temps de faire du tourisme, plaisanta-t-il.
- Pardon ? fit Shanti.
- Ecoutez, reprit-il, le ton cette fois-ci sérieux. Oui, c’est exactement ce que vous dites, on est coincés pour un foutu bout de temps avec elle. Mais, soyez honnête, ses raisons sont à peu près acceptables. Et le marché n’est pas trop mauvais pour nous, vous le savez bien…
- Peut-être, mais…
- On s’en sort bien mieux que je le craignais, lieutenant. Largement mieux. On sera peut-être occupés sacrément longtemps avec ce qu’elle veut de nous, mais on pourra rentrer chez nous. Avec elle qui nous soutient, avec notre mission, ils nous laisseront rentrer, et vous le savez aussi bien que moi. Ils n’auront pas le choix. C’est pour eux qu’on va bosser. Pour tout le monde.
- … Je sais.
- Alors arrêtez votre déprime, et comportez-vous en officier, lieutenant Bhosle ! Vous n’êtes peut-être plus un officier du SGC, mais vous êtes membre de mon équipe, et je n’accepte pas ce genre d’attitude, c’est clair ? On va expliquer à ce tas de boulons ce qu’on pense de ses vaisseaux à la noix, d’une façon ou d’une autre, puis on va se tirer et rentrer. N’importe quelle équipe SG a déjà vu cent fois pire, alors vous n’allez pas me faire un drame parce que c’est un
autre tas de boulons qui nous paie plutôt que le général Carter !
- On est payés, maintenant ? demanda Shanti, retenant un mince sourire.
- Bonne question. Il faudra qu’on demande ça une fois ce foutoir terminé. Mais maintenant, on arrête de discuter, et vous reprenez votre poste, lieutenant. Vous vous souvenez de P8H-451 ? La planète que ces petits gars se sont amusés à atomiser ?
- Oui, répondit-elle, se rappelant sa première mission dans l’équipe.
- Est-ce que j’ai besoin de vous en dire plus ?
- Non.
- Parfait. Je compte sur vous si ça merde, Shanti.
- … A vos ordres, dit-elle, juste avant que son supérieur ne coupe la communication.
Quelle que soit la direction dans laquelle Anna tournait son regard, il n’y avait que du béton et de l’acier, matériaux éclairés par des lumières artificielles et mornes. Le contraste avec la Cité ancienne était éclatant alors qu’elle suivait passivement l’archéologue, l’esprit occupé par trop de questions pour véritablement s’attarder sur les problèmes d’esthétique.
Autour d’elle les habitants, temporaires comme permanents, de l’installation sélénite vaquaient à leurs occupations, certains se retournant brusquement en reconnaissant le visage de l’homme qu’elle accompagnait. Leur trajet avait duré plusieurs longues minutes, empruntant un nombre considérable de couloirs et d’ascenseurs formant ce dédale qu’était le SGC.
- D’abord Atlantis, puis ça…, se dit-elle en repensant à sa très brève conversation.
Et elle qui ne s’est rendu compte de rien. Comme pendant la tempête… est-ce que ça pourrait être la même… ? Et pourquoi moi ? Pourquoi venirme
voir, moi ? Pourquoi pas Jackson, Weir, ou Carter elle-même ? Qu’est-ce qui fait que tout ça se mette à tourner autour de moi ? Il y a forcément une raison, Anna. Il faut la trouver… Qu’est-ce que je peux faire de plus qu’eux ? Je n’ai pas le dixième de leur autorité, de leur réputation, de leur expérience. Je peux me faire arrêter n’importe quand, et personne ne me défendra. Tout ce que je sais, d’autres le savent. Enfin, sauf peut-être pour ce qu’Atlantis m’a appris, mais même comme ça, pourquoi est-ce qu’elle me l’a appris àmoi
en particulier ? Il faut absolument que je comprenne…
Elle fut tirée de ses pensées lorsque, par réflexe, elle s’arrêta brusquement en voyant Jackson et l’officier les guidant s’immobiliser.
- Nous y sommes, docteur Jackson. Le général Carter vous attend dans son bureau.
- Merci, répondit-il. Anna ?
Elle acquiesça silencieusement, tandis que l’archéologue toquait à la lourde porte en bois, élégamment anachronique. Quelques secondes plus tard, celle-ci s’ouvrit, pour révéler la silhouette de la personne en charge de l’ensemble de la base. Prenant quelques instants pour détailler du regard celle qui était, au même titre que Jackson, l’une des légendes du Programme, Anna avança vers elle. Elle les suivit dans le bureau alors que la porte de celui-ci se fermait automatiquement derrière le petit groupe, et fixa son regard quelques instants sur la femme qui, malgré son poste administratif, faisait des efforts visibles pour rester dans une forme parfaite. La scientifique, soudainement, n’eut aucun doute que, si besoin était, l’officier devant elle serait prête à retourner au combat, et ne serait pas un adversaire à sous-estimer.
- Alors, Daniel, fit Carter, enfin de retour à la maison ?
- De passage seulement, corrigea-t-il. J’ai eu quelques semaines… chargées, et Anna, ici présente, m’a présenté une opportunité intéressante.
- Docteur Stern, dit l’officier en se tournant vers elle. J’ai entendu parler de vos “mésaventures“. Il faudra que je vous raconte nos expériences avec ces Entités. Daniel, tu ne lui en as pas encore parlé, rassure-moi ?
- Pas encore, Sam. Autant ne pas la traumatiser tout de suite.
- Atlantis semble coopérer pour le moment, tenta Anna.
- Oui, répondit Carter, dont les légères rides apparaissant sur le front et autour de la bouche, moins que les signes du temps passé depuis ses années sur le terrain, étaient les témoins d’innombrables heures de réflexion et de mines sévères. C’est exactement ça : “pour le moment“. Enfin, ce n’est pas pour ça que vous êtes là, tous les deux.
- Non, admit l’archéologue. Enfin, pas entièrement. Atlantis a décidé de nous offrir un cadeau en gage de bonne foi, et je vais voir ce que c’est.
- Des artefacts Ori, hein ? Docteur Stern, vous avez été ajoutée à la liste des personnes autorisées, mais qu’est-ce que vous savez d’eux, exactement ?
- Assez pour savoir que je ne toucherai à rien sans un ordre direct du docteur Jackson. Il m’a expliqué certains… dangers présents. Et Atlantis semble être de son avis.
- Nous sommes d’accord, docteur. Sincèrement, j’aimerais éviter d’avoir à gérer une invasion parce que
quelqu’un a appuyé sur le mauvais bouton. Daniel et Jack ont suffisamment provoqué de catastrophes comme ça…
- Ainsi qu’une certaine astrophysicienne de mes connaissances, lâcha Daniel en levant innocemment les yeux au plafond.
- Je croyais qu’on n’en parlerait plus, Daniel…
- A qui la faute si je me suis retrouvé dans un vaisseau réplicateur à me faire torturer quelques heures avant que vous le fassiez sauter ?
- Ca arrive à tout le monde ? tenta-t-elle avec un sourire gêné.
- Voilà. Pas qu’à moi et à Jack, on est d’accord ?
Anna faisait passer son regard de l’un à l’autre, suivant l’échange, et haussa les sourcils lorsque, simultanément, le civil et la militaire laissèrent s’échapper un large sourire, contrastant avec les fugaces messages non-verbaux qu’ils semblaient s’échanger. Elle percevait de temps à autre des indices fugitifs d’un second niveau de conversation – brefs regards amusés, subtils tressaillements du coin des lèvres – l’amenant à suspecter que le ton en apparence informel de l’échange demeurait cependant en partie contraint, joué à l’intention de l’intruse qu’elle était, et elle s’interrogea sur le nombre de subtilités qui lui échappaient.
- Comment va Rodney ? demanda Carter quelques secondes plus tard.
- Il râle parce qu’il n’a plus le temps de partir faire sauter des planètes. Ou parce qu’il n’a pas assez de café, ou parce qu’Atlantis n’est pas suffisamment ébahie devant son esprit manifestement supérieur. Rien de neuf, donc.
- Un bon point pour l’I.A. Pour revenir aux artefacts, j’ai vu ce que je pouvais faire. Vous devriez avoir une équipe SG de disponible d’ici quelques heures.
Elle sortit d’un tiroir un petit dossier, qu’elle tendit à Daniel.
- SG-17. C’est une équipe de reco stratégique. Ils sont habitués aux missions de longue durée et ont escorté quelques ambassadeurs et VIP il y a deux ans. Je n’ai rien de mieux avec aussi peu de temps.
- Ca devrait aller, fit Jackson. On ne part pas dans une mission de combat, normalement.
- C’est ce que tu disais pour toutes ces fois avec Vala.
- Je m’en suis sorti !
- Oui, et moi et Jack, on a fait des heures sup’ pour régler les conséquences diplomatiques.
- Comme si c’était un problème…
- Quand même. Enfin, j’ai fait faire quelques recherches sur la planète que vous m’avez indiquée comme site de fouilles…
- Pardon ? demanda Jackson. Je n’ai pas envoyé de coordonnées.
- Tu en es sûr ? Parce que j’ai reçu un second message indiquant où vous alliez aller, avec l’équipe.
- Anna ? demanda l’archéologue.
- Je n’ai rien envoyé non plus. Je n’ai pas, de toute façon, les autorisations pour ça.
J’ai envoyé quelques informations complémentaires au général Carter, intervint Atlantis dans ce qui semblait à Anna être une voix basse.
Cela me semblait être le plus approprié pour vous faire bénéficier de préparatifs convenables, au vu de la réputation du docteur Jackson pour l’improvisation.
- Sans doute Atlantis, continua la scientifique en faisant un imperceptible acquiescement en direction de Jackson. Après tout, c’est la seule autre… personne à être au courant.
- Elle a à ce point accès à nos systèmes de communication ? s’effraya Carter.
- Elle a des caméras, des micros et des contrôles environnementaux absolus dans la Cité, répondit Jackson, avant de rajouter, jugeant la précision utile, et elle est intelligente. Elle peut trouver tous nos mots de passe si elle veut.
- On parlera de ça plus tard, Daniel, répondit Carter en fixant quelques instants son regard sur Anna. En tout cas, il y a un petit problème : la planète en question appartient à une corporation basée sur Hébrida. Leurs règlements imposent une autorisation officielle pour faire des fouilles sur place, donc j’ai fait le nécessaire pour prendre rendez-vous avec un de leurs cadres supérieurs. Les détails sont dans le dossier.
- D’accord, merci.
- C’est juste qu’on aimerait tous éviter l’incident diplomatique dans les deux jours après ton arrivée. Autrement, je connais un ou deux bureaucrates qui pourraient finir par faire le lien.
- Et ils ne sont pas tous comme Woolsey, je présume.
- Non, vraiment pas.
- Logique. Sinon, comment vous vous en sortez, ici, avec les Jaffa ?
Le sourire de Carter s’effaça instantanément.
- Mal, pour être honnête. Tout ce foutoir dans le Nuage de Magellan a sacrément secoué la fourmilière. Presque tout le monde est d’accord pour dire que ce n’est plus qu’une question de temps.
Elle posa à nouveau son regard sur Anna, tentant de la jauger.
- C’est bon, Sam, fit Jackson. Vu ce qu’elle sait déjà, on peut bien la laisser…
- Non. Désolée, docteur Stern, mais je vais devoir vous demander de nous laisser.
Elle acquiesça, et Carter continua :
- Merci. Un de mes aides vous indiquera la chambre qui vous a été attribuée pendant votre séjour ici. Daniel, tu pourras l’appeler dès qu’on en aura fini ici.
Les deux amis regardèrent Anna quitter le bureau, puis, une fois la porte refermée derrière elle, Carter reprit :
- Je ne lui fais pas confiance.
- Bienvenue au club, répondit Jackson. Mais je n’ai pas vraiment le choix. Atlantis la manipule complètement, et elle s’en rend très bien compte. Mais quelque soit son plan, il nous implique et on évite d’être des obstacles.
- Le plan de qui ? Le docteur Stern ou Atlantis ?
- S’il te plait, Sam ! Tu crois vraiment qu’Anna est capable de monter des plans qui nous inquiéteraient ? C’est une universitaire, pas spécialement intéressée par le travail de terrain. La seule chose qui l’a mise là où elle est maintenant, c’est qu’elle travaillait sur le mauvais dossier au mauvais moment et qu’Atlantis s’est prise d’intérêt pour elle. Si elle joue bien ses cartes, et que l’I.A. ne nous trahit pas plus que de nécessaire, elle devrait pouvoir s’en sortir et bosser à plein temps sur les Ori, mais ce n’est rien de plus qu’un hasard. Un coup de chance.
- Ne sous-estime pas la chance, Daniel. Regarde où elle nous a amenés, tous les deux.
- Oui, mais ça ne change rien à ce que je disais : c’est d’Atlantis dont il faut se méfier. Anna… le docteur Stern, elle est davantage son intermédiaire. Je vais la surveiller, bien sûr, mais elle n’a jamais vraiment connu les intrigues et les manipulations en-dehors de ce qui se passe entre les différents projets de recherche là-bas. Tu la lâcherais dans les bureaux de l’Administration, ou chez Jack, et elle se ferait détruire avant la fin de la semaine.
- Tant que tu sais dans quoi tu te lances… conclut Carter.
- Sinon, la situation de ton côté ? Les Jaffa ?
- La guerre n’est plus qu’une question de jours… de semaines, au mieux. A moins que Bra’tac réussisse à neutraliser Gerak et ses amis, mais personne n’y croit ici. J’ai des équipes SG envoyées un peu partout pour préparer le terrain, c’est pour ça que je n’ai pas pu te donner un meilleur groupe que SG-17.
- Ca devrait aller, normalement.
- Normalement. Mais la situation n’est
pas normale. Si les Jaffa apprennent que tu es loin d’une de nos bases, ils voudront te capturer. Au mieux. Je préférerais vraiment ne pas avoir à dire à Jack qu’il doit négocier pour te récupérer.
- Et Teal’c ? Est-ce qu’il peut faire quelque chose ?
- Pas vraiment. Il a toujours quelques contacts, mais il n’y a que Bra’tac qui ne l’ait pas mis à l’écart, depuis qu’il est devenu notre ambassadeur. J’espère juste qu’il saura se mettre à l’abri quand toute cette affaire va nous sauter à la figure.
- On l’espère tous, souffla Jackson, en repensant au Jaffa qui, au fil des ans, était devenu l’un de ses meilleurs amis et l’une des très rares personnes à qui il vouait une confiance aveugle.
Anna avait haussé les épaules en entendant la porte se refermer derrière elle, et avait pris le badge d’identification que lui avait tendu l’un des officiers présents dans l’antichambre du bureau de Carter.
S’approchant de l’un des ascenseurs, elle inséra la petite carte, et aussitôt la cabine s’ouvrit devant elle, dans laquelle elle trouva le panneau de commande partiellement illuminé. Son regard se posa sur les quelques boutons éclairés, indiquant les étages auxquels elle pouvait se rendre.
Tiens donc, se dit-elle en voyant le bouton correspondant à l’étage où se trouvait sa chambre,
niveau moins vingt. Quelqu’un est bien renseigné… Enfin, pas étonnant, s’ils peuvent être invisibles pour Atlantis.
Elle appuya dessus et lâcha un léger soupir alors que les portes se refermaient devant elle.
Moins d’une minute plus tard, elle avançait à nouveau dans des couloirs tout aussi fonctionnels et peu accueillants que ceux du niveau principal qu’elle venait de quitter. Près de l’ascenseur, elle trouva un pupitre de communication semblable à ceux qu’elle avait connu lors de son premier séjour au SGC, avant son départ initial vers Atlantis. Y glissant le badge, Anna vit s’afficher une série d’options, parmi lesquelles elle sélectionna une carte. Aussitôt, un plan apparut à l’écran, et lui indiqua l’emplacement de sa chambre, ainsi que des quelques points d’intérêts de l’étage, dont un seul retint véritablement son attention.
La cafétéria… Encore deux heures et demie, donc, et je vais voir qui vous êtes… Très bien, se dit-elle en reprenant son chemin pour se rendre vers le minuscule logement qui lui avait apparemment été assigné.
Le trouvant rapidement, elle posa son sac près d’une table métallique qui ne se faisait remarquer que par sa simplicité et son classicisme, avant de s’asseoir sur le lit tout aussi primaire. S’allongeant sur celui-ci, Anna déposa le badge sur la table de nuit voisine et laissa ses pensées dériver pendant quelques minutes, jusqu’au moment où son oreillette l’avertit d’un appel entrant.
- Anna ? demanda la voix de Jackson.
- Docteur Jackson ?
- Retrouvez-moi avec vos affaires devant l’entrepôt 21, étage moins douze. J’ai fait mettre à jour votre badge. Venez avec vos affaires.
- D’accord, j’arrive.
S’étirant les bras, elle renonça au confort relatif qu’offrait le matelas, et se leva, avant de prendre d’un geste le sac à dos.
- Et c’est reparti, murmura-t-elle.
Pendant quelques instants, il avait semblé à Van’Tet que tout mouvement s’était figé autour de lui, à l’exception du nuage de débris qui terminait de se disperser. Les mercenaires autour de lui attendaient les ordres de Suessi, les silhouettes éloignées des jaffas s’étaient arrêtées en entendant l’explosion, et il faisait son possible pour ne pas attirer l’attention sur lui. Sa situation était plus précaire que jamais, et, si jamais l’on venait à se douter de sa participation au fiasco, il n’aurait que le temps d’être surpris avant d’être tué par l’une des armes désormais brandies.
Fixant son regard sur un fragment de coque qui descendait lentement vers le sol rocailleux, il se surprit à ressentir chacun des battements de son cœur comme si aucun autre son ne venait les assourdir.
L’instant d’après, il lui vint à l’esprit que, effectivement, le silence s’était fait sur l’ensemble du chantier, drapant celui-ci d’un sentiment de calme parfait. Que le nuage incandescent venait déchirer.
Un autre battement de son muscle cardiaque, et le bloc qui avait quelques secondes plus tôt fait partie de la pyramide du vaisseau était désormais à mi-chemin de sa destination finale.
Rester avec eux. La folle me tuera si je fais quoi que ce soit.
A nouveau, le grondement sourd dans sa poitrine, et les premiers débris venaient percuter les rochers, projetés légèrement plus vite que la lourde masse de blindage.
Survivre, jusqu’à ce qu’on soit capturés. Trouver le chef de la garnison, savoir dans quel camp il est. Rentrer à la capitale ou envoyer un message. Contacter Bra’tac.
Un ultime son furtif, qui contrasta par sa faiblesse avec l’impact ravageur de plusieurs dizaines de tonnes de métaux sur une surface qui n’avait pas connu de telle agression depuis les temps géologiques. Instinctivement, avant même que le vacarme de l’impact n’atteigne ses oreilles, l’espion sut la même chose que chaque humain et jaffa présent sur le site.
Il était temps d’agir.
- On bouge ! fit Suessi, en se retenant de parler trop fort alors que le grondement de l’impact l’atteignait enfin. Vos armes sous les vêtements. Allez !
Le jaffa n’hésita pas un seul instant, et imita le reste du groupe en suivant, l’arme prête à tirer, celle qui venait d’abandonner toute prétention, quittant sa précédente attitude de prisonnière aussi aisément qu’elle l’avait adopté plus tôt, pour redevenir la mercenaire qu’il commençait à connaitre.
Alors que son corps suivait, par réflexe, les mouvements de la chef de groupe, il remarqua, avec un détachement qui l’aurait étonné s’il avait eu le temps de s’attarder dessus, que celle-ci rayonnait d’une aura de danger qu’il n’avait jamais eu l’occasion de voir chez elle. A l’instar de ses subordonnés, elle gardait, dans une posture inadaptée à son pas de course actuel, son imposante arme sous le tissu de piètre qualité qui constituait le semblant d’uniforme des prisonniers.
Sans un mot de plus, elle les guida vers un amoncellement rocheux trop escarpé pour abriter des patrouilles régulières, et qu’il supposa être le point de rendez-vous où les attendrait le transport. Ses réflexes laissant progressivement le pas à une réflexion plus pesée, il regarda autour de lui, cherchant à faire un point rapide sur la situation dans le reste du chantier, qu’ils allaient bientôt retraverser.
Tout comme son groupe, les jaffas de la garnison étaient à présent en proie à une agitation générale, les ordres criés à la volée, tandis que les forces les plus éloignées lui semblaient revenir vers le site de l’explosion.
Brusquement, son attention fut ramenée à son environnement immédiat, lorsque la voix de Suessi perça la confusion ambiante et s’adressa à lui :
- Comme si ça suffisait pas… Van’, une patrouille devant. Baratine-les.
- Et qu’est-ce que vous voulez que je leur dise ?
- J’en sais rien, n’importe quoi. Attire leur attention.
Facile à dire… Elle va me faire tuer, voilà ce qui va arriver…
Au moment où il fixa son regard sur l’escouade de jaffas qu’elle avait désigné, il vit ceux-ci s’arrêter brusquement, pour se tourner en direction du petit groupe. Se retournant brièvement, il vit que le reste des mercenaires avait ralenti le pas, le laissant gagner du terrain.
Les occuper. Ou leur transmettre un message. S’il y a un officier, peut-être que je pourrais…
Au pas de course, il réduisit la distance le séparant des gardes, prenant soin de maintenir sa lance pointée vers le ciel, tandis que les leurs étaient à moitié baissées, prêtes à être dirigées sur lui.
- Où est-ce que tu vas, avec ces prisonniers ? lui demanda le plus vieux des jaffas.
- Là-bas, répondit-il en pointant le terrain rocheux derrière eux, avant d’avoir une longue hésitation, ne sachant plus quoi dire. C’est… pour qu’ils ne s’enfuient pas.
- De quoi est-ce que tu parles ? se vit-il répondre.
- Ils pourraient essayer de fuir, avec tout ça, dit-il, sans assurance, au bord de la panique alors qu’il était assailli d’idées contradictoires sur la marche à suivre. Hésitant entre leur dire de donner l’alerte, trouver un mensonge plus plausible ou faire en sorte d’avoir à les accompagner, et mettre ainsi autant de distance que possible entre lui et Suessi, il resta silencieux un instant de trop.
D’un même mouvement, les quatre jaffas de la patrouille abaissèrent leurs lances, les armant dans la foulée.
- Tu vas venir avec n… commença le chef, avant d’être interrompu par une voix féminine.
- Descendez-les ! ordonna Suessi, une vingtaine de mètres derrière Van’Tet.
L’espion, obtenant une réponse claire quant à sa situation, n’hésita plus, et se laissa tomber sur le dos, alors que partaient les projectiles des intars. Ceux qui le menaçaient, surpris par le cri venant du groupe de prisonniers auquel ils avaient négligé de faire attention, n’eurent que le temps de voir les éclairs rougeâtres avant de sombrer dans l’inconscience. L’un d’entre eux, portant sans doute encore un symbiote, résista quelques instants à la décharge, avant d’être assommé par un second tir.
Quelques secondes plus tard, Van’Tet se releva, ignorant la légère douleur dans son dos, et vit ses sauveurs se rapprocher de lui rapidement.
- Je sais pas ce que tu leur as raconté, mais on dirait que ça ne leur a pas plu, conclut laconiquement Suessi.
- J’ai remarqué…, fit-il en ramassant sa lance.
Il se tourna vers la patrouille et s’approcha des jaffas inanimés, lorsque la mercenaire le rappela à l’ordre :
- On n’a pas le temps ! Leurs copains vont nous tomber dessus d’un instant à l’autre.
Van’Tet acquiesça, mais garda quelques instants de plus son regard fixés sur eux.
Les corps disloqués et brûlés étaient restés visibles, détail auquel nul ne prêtait la moindre attention dans l’enfer qu’était devenu le cœur de la capitale. Il se dirigeait aussi vite que possible vers la Porte, priant inconsciemment pour ne pas se faire voir de la divinité vengeresse qui éclairait la nuit de sa propre étoile aveuglante.
Il les avait abandonnés par deux fois. D’abord en fuyant le champ de bataille, puis en y revenant pour le traverser sans combattre. Ils l’avaient accepté, allaient faire de lui un membre à part entière de leur groupe, et le moment venu, il s’était enfui et trahi ses frères d’armes. Avait commis le pire crime dont un guerrier jaffa pouvait se rendre coupable.
Il faisait sonautre
devoir, s’était-il dit pour se justifier, alors que ses jambes l’éloignaient du charnier qu’était en train de devenir la position qu’Elle annihilait. Mais une part de lui savait qu’il ne serait jamais pardonné.
Et il venait de trahir un autre groupe, alors qu’il aurait dû, selon toute logique, lutter et tomber à leurs côtés. Un pas de plus, dans une direction qui devenait à chaque instant plus incertaine.
Fermant les yeux un bref instant, il se détourna des jaffas et se remit à courir pour rattraper le reste du groupe.
Lorsqu’il arriva au niveau de Suessi, ce fut pour la voir ranger son communicateur et se tourner brièvement vers lui, sans cesser sa progression :
- Le transport va rappliquer là-bas.
Il acquiesça sans répondre, tandis qu’il voyait désormais ce qui allait immanquablement être le point de rendez-vous : un cratère relativement profond dans lequel pouvait se poser un vaisseau de la taille d’un Tel’Tak. Soudain, son regard fut attiré par un mouvement rapide dans le ciel, qu’il ne parvint pas à identifier du premier coup. Le juron de la femme à ses côtés lui fit penser qu’elle avait reconnu de quoi il s’agissait, et il allait le lui demander lorsque le phénomène se reproduisit, et qu’il n’eut, à son tour, aucun problème pour en déterminer la nature.
Un tir de lance, qui était parti dans leur direction. Et, surtout, qui n’était probablement pas le premier, indiquant que quelqu’un, sur le chantier, avait vu la rencontre avec la patrouille, et donné l’alerte.
Mais, et il le savait, les jaffas qui leur tiraient dessus étaient bien trop éloignés pour faire mouche sur les fuyards, sauf coup de chance (ou de malchance, selon le point de vue) extraordinaire, et Van’Tet continua à courir vers la dépression dans le sol devant lui. En quelques enjambées, il arriva à proximité, et n’hésita pas un seul instant à se plaquer au sol pour profiter de la couverture offerte par les rochers avoisinants. D’un regard, il vérifia que Suessi et les autres s’étaient bien arrêtés eux aussi dans le cratère, et se rapprocha d‘eux.
Avant qu’il ne puisse poser de question sur la suite, il aperçut le transport surgissant des nuages pour se diriger vers leur position.
- On n’a pas longtemps, alors foncez, rappela la chef du groupe, la tête pointée vers le vaisseau qui était leur échappatoire à tous.
Suivant le mouvement du petit appareil, Van’Tet fut brusquement pris d’un mauvais pressentiment qui le fit serrer plus fort sa lance, jetant de brefs coups d’œil aux alentours, avant de ramener à nouveau son attention sur le vaisseau. Ce fut à cet instant précis qu’il se rendit compte de ce qui avait causé cette impression désagréable, remarquant enfin les deux points noirs qui fonçaient droit vers le Tel’Tak.
Des planeurs !
Il se tourna vers les autres mercenaires pour les prévenir, mais se rendit compte à leurs visages qu’ils avaient à leur tour vu la menace.
- Deux chasseurs derrière toi ! vociféra Suessi dans son communicateur, tandis que le transport virait brusquement de bord.
Quelques instants plus tard, la paire de vaisseaux légers avait commencé à ouvrir le feu, libérant des dards de plasma en direction du sol, chaque tir se rapprochant davantage du Tel’tak qui les avait amenés sur Dakara. Le jaffa se rendit compte, au bout de quelques secondes, qu’il avait retenu son souffle depuis le début de l’attaque, et se força à inspirer profondément, sans ôter son regard de la poursuite qui s’engageait au-dessus de lui.
Les deux ailes volantes manœuvraient adroitement pour garder le vaisseau de transport face à eux, sans cesser de tirer, les projectiles perdus venant ravager ça et là le morne paysage autour du chantier spatial, quand Van’Tet vit d’autres tirs venir de celui-ci. Restant accroupi, il se dirigea vers le bord du cratère, et jeta un bref coup d’œil qui confirma ses craintes.
La garnison avait commencé à se réorganiser, et se dirigeait désormais vers eux, quelques tirs partant de temps à autre en direction de leur frêle vaisseau. Il allait prévenir le reste des mercenaires de ce qu’il venait de voir lorsqu’un bruit sourd vint l’interrompre, et le forcer à se tourner la direction de son origine.
Il vit une longue trainée de fumée noire sortir du transport, qui avait apparemment perdu des fragments de sa coque.
Oh non…
Le vaisseau sensé les sortir de cette situation désastreuse était à présent incontrôlable, faisant des embardées irrégulières qui, ironiquement, semblaient réduire le nombre de tirs trouvant leur cible, mais il n’avait plus aucun doute quant à l’issue du combat. Pris par une certaine curiosité morbide, il continua à fixer du regard le Tel’Tak tandis qu’il se faisait pilonner sans relâche par ses adversaires, jusqu’au moment où il reçut un coup dans l’épaule.
Il vit Othar lui faire signe de se lever :
- Viens, on se barre !
Aussitôt, il s’exécuta, suivant le reste du groupe, qui s’extirpait du cratère avant de se remettre à courir. Les imitant, il ne se retourna même pas lorsque les explosions redoublèrent de fréquence, annonçant la destruction imminente et inéluctable du vaisseau qui devait les soustraire à la contre-attaque de ses anciens frères d’armes.