Partie 1
Batailles à venir
Note : les dialogues en langue Furling sont traduits en français. Les noms que les Furlings donnent aux planètes seront toujours traduits par les noms usuels de la série.
Le dernier gardien s'effondra sur le sol, transpercé par la lame du guerrier Furling. Sous les voutes millénaires du temple asgard, le silence retomba d'un coup. L'atmosphère était soudainement devenue si oppressante que plus personne parmi les assaillants n'osait faire le moindre geste. Les défenseurs n'en étaient tout simplement plus capables.
Imposant dans son exo-armure rouge, Kaorl contempla un instant la lance dressée au milieu de son champ de vision, celle-là même qu'il venait de ficher dans le torse de son adversaire. Il pouvait la reprendre et mettre fin à ce moment, mais il le laissa durer encore un peu. La lumière artificielle émanant du plafond l'irradiait, réfléchie sur sa cuirasse en mille reflets de sang. Voulait-il savourer sa victoire, ou avait-il tout simplement peur de ce qu'il pourrait trouver - ou ne pas trouver - derrière cette porte ?
Peur ? Kaorl ne connaît pas la peur, aurait répondu n'importe lequel de ses guerriers. À quelques mètres derrière-lui, ils contemplaient leur commandant avec un profond sentiment d'admiration. Un chef de guerre se doit d'être craint et respecté. Kaorl était suivi par ses guerriers au champ de bataille comme un messie partant en croisade. Ce ne fut finalement pas lui qui brisa cet instant irréel, mais la voix de l'opérateur du quartier général qui retentit à l'intérieur de son casque :
-
Unité rouge, avez-vous sécurisé le temple ?
Il laissa son interlocuteur douter une seconde de plus avant de lui répondre :
- Oui, tous les androïdes ont été neutralisés.
- Dans ce cas pourquoi n'avez-vous pas investi le cœur ?
- J'attends un soutien médical pour mes guerriers blessés, mentit-il.
- Le soutien arrive Dominarque. Si vous avez sécurisé la zone, laissez les blessés sur place et progressez jusqu'à l'objectif.
- Reçu central, terminé.
Il se tourna vers ses hommes :
- Jalhur, Opacho, restez avec les blessés. Narwaz, Geldan, Kinslath, Fengeld et Velgnir avec moi.
- À vos ordres, Kahn.
Le titre correct pour qualifier un chef de guerre est « Dominarque », mais Kaorl avait toujours ordonné à ses guerriers de l'appeler « Kahn », qui signifiait chef (mais pour un officier inférieur) ou simplement par son prénom, soit disant pour accélérer les communications. Ses hommes ne l'en respectaient que plus, si toutefois la chose fût possible.
Kaorl arracha son arme du torse de l'androïde et, dans le même mouvement, se propulsa par dessus les quinze marches qui le séparaient de la porte du cœur, atterrissant lourdement en haut de l'escalier. Malgré qu'il atteigne aisément les trois mètres avec son armure, il n'en paraissait pas moins minuscule devant l'immense porte de la salle du cœur. Lorsque ses guerriers l'eurent rejoint, il leva son arme et, comme si ce geste eut été préalablement concerté, ils enfoncèrent tous simultanément la lame de leur lance dans la porte. Elle était faite de trinium renforcé, et il fallut toute la force des six guerriers pour l'entamer, malgré leurs armures et leurs lames à énergie. Un grand cercle fut bientôt tracé à même le métal. Les cinq guerriers reculèrent alors, laissant leur chef se placer devant l'ouvrage. Inutile de leur demander s'ils étaient prêts. Il décocha dans la porte un formidable coup de pied, qui propulsa le cercle de métal à l'intérieur. Aussitôt, il s'engouffra dans l'orifice. Ses scannèrent lui indiquèrent les cibles : deux gardiens et trois tourelles à énergie. Il n'en avait vu que deux. En moins d'une seconde il fut sur le premier androïde et d'un geste sec, sépara son corps en deux au niveau de la taille. Narwaz fit subir le même sort au second un instant plus tard, mais Kaorl avait déjà lancé son arme qui alla se planter dans la tourelle la plus proche. Pratiquement sans aucun temps mort, il effectua une roulade qui le mit à couvert derrière l'une des gigantesques stelles de pierre qui ornaient l'entrée. Les deux tourelles firent feu. Non, une seule : Velgnir avait eu l'autre. Tous les guerriers étant maintenant abrités derrière les stelles, les faisceaux d'énergie bleutés ne firent que rayer la pierre et endommager les runes asgardes qui s'y trouvaient inscrites.
Sans qu'il eut besoin de regarder, l'holoécran à l'intérieur de son casque lui indiqua que Geldan venait de perdre 20% de bouclier corporel. Il avait donc quitté sa cachette. Effectivement, une demi seconde plus tard, le dernier signal hostile disparut. Tout danger en apparence écarté, les six furlings se mirent à découvert. Kaorl put contempler plus en détail la vaste pièce où ils se trouvaient à présent : Plafonnée par un dôme couvert de fresques illustrant l'histoire asgarde, elle était globalement circulaire. Le sol était bâti en colisée et descendait par paliers jusqu'à une plate forme centrale surmontée d'une énorme machine. Le cœur. Plus que l'objectif, le but.
Il entendit derrière-lui Narwaz réprimander amicalement Geldan pour s'être fait toucher par le faisceau. Puis son lieutenant s'approcha et lui dit :
- On voit bien que les asgards ont négligé la défense de l'édifice : les stelles gênent complètement le feu des tourelles.
- Commencez l'extraction des données.
- Bien.
Il ne put s'empêcher d'entendre la petite voix qui murmurait dans sa tête :
si données il y a... Il aurait dû répondre à Narwaz au lieu de l'ignorer, mais le stress bridait sa pensée. Lorsque, parvenus jusqu'au centre, Fengeld se brancha à la console, la pression dans son esprit devint presque insupportable.
Au bout de quelques secondes interminables, les mots de Fengald tombèrent comme une sentence :
- Toute la base de données à été effacée.
Sachant que leur chef était au seuil de l'une de ses rares fureurs, ses guerriers reculèrent prudemment.
NOOOOON, TOUT ÇA POUR RIEN !!!
Kaorl leva son arme et l'abattit frénétiquement sur l'ordinateur. Lorsqu'elle se bloqua dans le mécanisme, il la lâcha et donna des coups de poing dans l'appareil puis se mit à détruire les composants à mains nues, déchirant les tôles, arrachant les fils et broyant les cristaux. Lorsqu'au bout d'une minute, il retrouva enfin son calme, il se redressa lentement et ordonna d'une voix froide :
- Prévenez la flotte que la route vers la Voie Lactée est libre.
Il fit alors volte face, et ses cinq guerriers restèrent immobiles pendant qu'il remontait les marches et disparaissait à leur vue. Lorsqu'il fut parti, Kinslath s'avança et entreprit de déloger la lance coincée dans la machine asgarde en ruines.
***
À bord du vaisseau Tau'ri Daedalus, 7 Aout 2021 – 6h : 48 (heure de bord)
Audric Crossman était tranquillement assis en face du hublot de sa cabine, l'esprit accaparé par sa lecture. Seul le ronronnement monocorde des moteurs du vaisseau empêchait le silence de s'établir, même si plus personne à bord n'y prêtait attention. Sa seule source de lumière était celle du tunnel hyperspatial qui filtrait à travers la vitre, permettant à ses yeux gris de déchiffrer inlassablement les caractères d'imprimerie, mot après mot, phrase après phrase, ligne après ligne, tissant peu à peu le fil de l'histoire dans son esprit.
On frappa à la porte.
Audric reposa la
Horde du Contrevent sur la table et se leva. Il ouvrit la porte, révélant le visage fatigué d'un officier en second :
- Major Crossman, le colonel Caldwell vous demande de vous préparer. Nous allons sortir de l'hyperespace dans une dizaine de minutes.
- Bien, j'arrive.
Il était déjà prêt. Néanmoins, il ne tenait pas spécialement à se presser pour accompagner l'officier jusqu'à la passerelle de commandement. Audric referma donc la porte, attrapa son casque et son fusil avant de retourner dans le corridor. L'écusson de son unité trônait fièrement sur sa poitrine : OAT – 01, pour
Orbital Assault Troops : la première unité d'intervention orbitale de la Terre. En y regardant plus attentivement, une petite inscription au bas de l'emblème indiquait :
LEADER. Bien qu'il fut trop jeune pour avoir servi à la glorieuse époque du programme stargate, le major Crossman avait été recommandé par le lieutenant-général Mitchell pour diriger ce corps d'élite en raison de ses faits d'armes survenus en mission, mais surtout en raison de son sens inné de la stratégie, et de sa capacité à improviser dans toutes les situations. Mitchell aimait bien dire que l'adrénaline lui réussissait plus qu'à n'importe qui, et s'emportait parfois jusqu'à le comparer au général O'neill vingt ans plus tôt. Pour sa part, le major préférait rester discret. Il valait mieux.
Ses pas le portèrent bien vite à travers les couloirs de métal jusqu'à la passerelle. Les membres d'équipage étaient tranquillement assis à leurs postes, effectuant les dernières vérifications d'usage avant la fin du saut. Audric s'approcha jusqu'au colonel Caldwell. À 68 ans, ce dernier dirigeait toujours le premier appareil de type 304 jamais construit : le mythique
Daedalus. Décoré de la Medal of Honor de l'air force à la suite de la IIIème bataille de la Terre, Caldwell était presque aussi célèbre que son appareil. C'est d'ailleurs pour cette raison que sa hiérarchie lui permettait encore de le commander, bien que nombreux furent ceux qui auraient préféré qu'il cède sa place à un officier plus jeune. Le candidat le plus en vue pour ce poste était le colonel Thomas Aylin, d'ailleurs commandant en second du
Daedalus, en ce moment même assis à droite de Caldwell.
- J'ai appris que vous aviez refusé de postuler au commandement du futur MS – 308, Aylin.
- C'est exact mon colonel.
- Dommage, parce que vous en avez les capacités, mais vous n'aurez pas mon vaisseau.
- Vous finirez bien par mourir de vieillesse.
- Pas avant une petite vingtaine d'années au moins, tant pis pour vous !
C'est alors que le colonel remarqua la présence de Crossman dans son dos.
- Qu'est-ce que vous faites ici major ? Vous devriez être au hangar.
- Je viens prendre mes ordres.
- Vous avez déjà vos ordres, il me semble.
- On m'a indiqué que je dépendrais de vous jusqu'à ce que je quitte votre appareil.
- C'est bien vrai ! Dans ce cas descendez au hangar II avec le reste de votre équipe, c'est là que se trouvent les jumpers. Une fois en position, restez en attente jusqu'au début de l'opération.
- À vos ordres.
Il s'apprêtait à se retirer quand la voix de l'officier naviguant retentit à l'avant de la passerelle :
- Colonel Caldwell, une communication en provenance du colonel Jordans, il est déjà sur place depuis une semaine.
- Je sais, passez-le au haut parleur.
"Ici le colonel Jordans, commandant du 304
Gladius. Nous subissons une attaque des Ashen, je répète : les Ashen tentent de briser le blocus. Préparez-vous à engager dès votre sortie en espace conventionnel".
- Reçu Gladius, nous arrivons dans moins d'une minute. Tenez bon. Il coupa la communication et s'adressa au major :
Il semblerait que votre mission soit provisoirement reportée, Crossman. Regagnez votre poste de combat au hangar, on aura peut être besoin de vous ici.
- Bien colonel.
- Passez en alerte combat, chargez les armes et vérifiez l'état des boucliers !
Un cœur de réponses affirmatives répondit aux ordres hurlés par le colonel. Audric laissa derrière lui le vacarme de la passerelle. Il aurait préféré rester pour assister à la bataille en temps réel, mais il ne pouvait désobéir à un ordre direct. Sa participation au combat était peu probable mais son rôle était de se tenir prêt à intervenir.