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Après l'assassinat de 21 ressortissants égyptiens en Libye par des djihadistes de l’Etat islamique (EI), l’Egypte a bombardé ce lundi plusieurs positions de Daesh en Libye. Alors que les frappes de la coalition internationale ont débuté il y a plus de six mois contre l’EI, 20 Minutes fait le point avec Alain Rodier, directeur du Centre français de recherche et du renseignement.
François Hollande et le président égyptien al-Sissi demandent une réunion du Conseil de sécurité pour prendre de «nouvelles mesures» face à Daesh. Que peut-il être décidé?
Une intervention en Libye. Les Italiens sont prêts à étendre les frappes dans ce pays, mais aussi à envoyer des troupes au sol. Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, est lui aussi favorable à cette extension des interventions. Quant à l’Egypte, elle est déjà présente en Libye. Mais tous ces pays ont besoin de trouver d’autres soutiens.
L’Egypte a bombardé ce lundi des positions en Libye. C’est la bonne réponse face aux djihadistes?
Je ne suis pas là pour juger. Je constate seulement que l’Egypte intervient désormais officiellement, alors qu’elle le faisait déjà officieusement. Ce qui est sûr, c’est que l’Etat islamique (EI) s’implante en Libye depuis l’automne dernier, surtout dans la région de Derna, qui a d’ailleurs été proclamée califat. L’influence de Daesh pourrait aussi s’étendre à toute l’Egypte. Je rappelle que le groupe Province du Sinaï, anciennement appelé Ansar Baït al Makdis, a prêté allégeance à l’EI. Nous sentons vraiment une poussée de Daesh dans ces territoires.
Vous pensez que la situation actuelle en Libye est sous-estimée?
Je compatis sincèrement pour les victimes des attentats de Paris ou de Copenhague (Danemark), mais l’Occident fait une nouvelle fois preuve de son nombrilisme éhonté en se focalisant sur ces attaques alors qu’il se passe des choses très graves en Libye. Ce week-end, 21 chrétiens égyptiens y ont été décapités. L’Italie vient de fermer son ambassade en Libye et de rapatrier ses ressortissants. Avec cette fermeture, il n’y a plus aucune représentation occidentale sur place. Il y a en Libye une véritable guerre qui ne dit pas son nom.
Les frappes de la coalition ont commencé il y a six mois en Irak et il y a presque cinq mois en Syrie. Quel bilan en tirez-vous?
Elles ont bloqué l’EI dans son avancée. Les djihadistes ne peuvent plus faire rouler des colonnes de 4x4 en plein jour pour partir à la conquête de nouveaux villages. Mais ils intensifient leur présence dans leurs bastions historiques, en se mêlant à la population. Et personne ne semble prêt à vouloir les en déloger, ni les Occidentaux, ni les Kurdes, ni les Chiites. Or, la guerre ne se gagne pas par les airs, mais sur le terrain, au sol.
D’après Dominique de Villepin, «nous nourrissons le terrorisme chaque fois que nous intervenons militairement». Qu’en pensez-vous?
L’intervention américaine en Irak en 2003 a été catastrophique, comme l’a également été celle de l’Otan en Libye en 2011. Si une nouvelle intervention est décidée en Libye, elle doit être menée intelligemment. Cela veut dire en consultant d’abord les Libyens, mais aussi les pays qui ont des intérêts directs dans ce conflit: l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie, le Mali, le Niger. Ce sont à ces Etats de savoir ce qu’ils veulent et de définir leurs règles.
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