Univers OdP : Lafferty

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Ihriae
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Bonjour à tous,

Il y a presque une décennie, je me lançais dans la publication de ma première fanfiction.

D’avril 2011 à avril 2014, sous vos encouragements, j’ai pu produire deux tomes d’un récit que certains d’entre vous ont pu apprécier. J’avoue que je ne m’attendais pas à un tel enthousiasme. Un troisième tome était écrit, mais encore à l’état brut, sans relecture attentive. Je ne pensais pas parvenir jusque-là, m’attendant à tout moment à me lasser de ces personnages qui finalement ne m’appartenaient pas pour une partie d’entre eux, ainsi que d’un récit dont je connaissais le moindre détail.

Si la lassitude n’est pas venue, j’ai quand même eu l’envie de m’approprier totalement les personnages de mon récit et l’univers dans lequel ils évoluent. Ils doivent moins à leurs modèles télévisuels qu'à ceux de la toute première ébauche de L'OdP. Et encore... des esquisses de ce qu'ils sont devenus aujourd'hui. Ils ont tous suivis des directions différentes. Ils ont même parfois, un passé, des racines que l’on ne trouve pas dans ce travail précurseur / initial ou même dans l'ancien OdP. Lorsque je retravaille un texte, j'ai du mal à réécrire la même chose. Alors forcément, les différences deviennent de plus en plus importantes au fur et à mesure de l'écriture au point de se détacher complètement du modèle.

De fait, j’ai profondément retravaillé beaucoup de parties de texte, j’en ai rajouté d’autres. Mais le temps de la vraie vie s’est fait ressentir. Ce temps qui passe, envahi par le travail, les concours, la vie familiale, etc… a fait que j’ai n’ai pu réécrire ma fiction aussi rapidement que je le souhaitais.

Il y a néanmoins un bon point dans l’histoire, c’est qu’à ce jour, je n’en suis toujours pas lassée, bien au contraire, et parfois même je me laisse surprendre lors de l’introduction d’un nouveau personnage, voire de la disparition d’un autre, ou encore lorsqu'un personnage secondaire prend plus d'ampleur que prévu, ou qu'un autre ne se révèle pas aussi intéressant que je le pensais en le créant.

Je ne cesse d’imaginer de nouvelles micro aventures à mes personnages, s’intégrant dans un récit plus vaste.
Sauf qu’au rythme où je vais, il me faudra doubler mon espérance de vie pour pouvoir toutes les écrire.

Cette nouvelle et définitive (mises à part quelques petites modifications) version de Les Ombres du Passé (L’OdP), rebaptisée L'Origine de nos Peurs, parviendra-t-elle à fédérer quelques lecteurs, et même de nouveaux lecteurs ? À vous de me le dire dans vos messages. Et comme toujours, vos conseils, vos encouragements, vos remarques seront les bienvenus pour ce premier tome, mais aussi pour les suivants (pas seulement des remarques orthographiques, ou sur le style, mais aussi des points du récits peu clairs, des questions restées sans réponses, des incongruités...).

Enfin, concernant le choix de la section pour la publication de cette saga au croisement de plusieurs sous-genres de la science-fiction (dont le voyage dans le temps, l'uchronie, la dystopie, l'utopie, etc. qui apparaîtront dans les différents tomes, normalement), mais aussi du fantastique et de la fantasy, parfois de l'horreur. J’ai finalement choisi la section Space Opéra, Planet Opéra, Thématique espace et/ou E.T mettant en évidence les thèmes qui apparaissent les plus fortement dans ce récit : les extraterrestres et l'espace.

vous l'avez compris après avoir lu ces quelques lignes, beaucoup de choses ont changé par rapport à la version initiale. À commencer par le titre : L'Origine de nos peurs (si je me souviens bien, vous en trouverez l'explication au cours de ce récit... à moins que ce soit dans le tome suivant, mais, malgré mon petit trou de mémoire, il me semble bien que c'est dans le tome 1).

Bien à vous, bonne lecture,

Ihriae

Note de l'auteure :
Pour tous mes textes sans exception : © Tous droits réservés Ihriae / Ihriae Najaniri / NR. 2019 ©
Vous pouvez effectuer un téléchargement de mes textes pour vos lectures personnelles, mais ils ne peuvent être vendus ou loués sous quelque forme que ce soit, à qui ou à quoi que ce soit. Citations ou / et extraits ne peuvent être reproduits, notamment lors d'une publication, quelle qu'elle soit, sur quelque support que ce soit, qu'avec mon autorisation.

Cordialement,

Ihriae
Dernière modification par Ihriae le 28 nov. 2025, 18:06, modifié 3 fois.
« Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve.» Antoine de Saint-Exupéry

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L’ORIGINE DE NOS PEURS


Tome 1 : Esmelia


PROLOGUE 1.1

Janvier 1849 du calendrier grégorien. Oxford, Grande-Bretagne, Terre.

L’hiver 1849 fut l’un des plus terribles que la Grande-Bretagne ait eu à subir depuis le début du siècle. Un brouillard épais couvrait la région. Ce n’était pas la première fois. Toutefois, il ne subsistait guère des jours durant sur Oxford et sa banlieue. Il n’existait pas une pierre qui ne suintait pas l’humidité, pas une touffe d’herbe qui ne pourrissait à cause des pluies incessantes des semaines précédentes. La ville souffrait jusqu’au plus profond de ses entrailles. Une mousse gluante comme de la bave de crapaud rendait le sol glissant. Parfois, des morceaux de pavé collaient aux sabots des chevaux et s’extrayaient de leur habitacle d’origine. Des cavités se formaient dans la chaussée et une eau saumâtre et malodorante les emplissait en quelques minutes. Des égouts débordants s’échappaient des milliers de rats à la recherche d’un endroit sec.

Les élégantes de la cité évitaient de quitter leurs hôtels cossus de peur de salir leurs délicates toilettes au passage des voitures à cheval et de se briser une cheville en glissant. Celles qui s’y risquaient, d’une démarche maladroite, voyaient leurs efforts de coquetterie anéantis. L’humidité ambiante alourdissait les tissus et étiolait leurs couleurs. Les pesants chapeaux ouvragés finissaient par ressembler à des salades manquant cruellement de fraîcheur. La gent masculine s’en sortait mieux, grâce au gibus. La pluie semblait glisser sur celui-ci faute de prise. S’il gardait les crânes chauves ou éclaircis par les ravages de l’âge au chaud et au sec, l’eau finissait néanmoins par dégouliner le long de leurs épaules, leur dos et leur plastron. Elle alourdissait les manteaux d’hiver, tant et si bien que les Oxfordiens donnaient le sentiment de porter le poids du monde sur ses épaules.

Ceux qui s’adaptaient et tentaient de tirer le meilleur parti de cet univers de poisse, de pourriture et de froidure, ne portaient ni de jolies robes de soie, de satin ou de velours, ni de chapeaux à fleurs surmontés de voilettes, ou de manteaux en cachemire, sauf récupérés chez un fripier ambulant et usés jusqu’à la corde. Ils ne vivaient pas dans la sécurité des bâtisses opulentes ou le confort des hôtels somptueux, à moins de les squatter à l’insu des gardiens ou des propriétaires. Ils ne dormaient pas à l’abri de jolies chambres bien chauffées, mais sous des combles parcourus de courants d’air froid en hiver, baignés d’une suffocante chaleur en saison chaude. Ceux qui vivaient au sein des quartiers ouvriers n’étaient guère mieux lotis. Ils ne se plaignaient pas, de crainte que leurs malheurs empirassent. Les bâtisses, infiltrées par l’humidité étaient devenues insalubres. Le bois et le charbon, avalés par les poêles et les cuisinières en fonte, refusaient de brûler. Des miséreux, des vieillards et des infirmes vivaient au fond des étables, des porcheries, des poulaillers, ou au milieu d’amoncellements de cageots et de bouts de tissus tendus, dans un semblant d’espace personnel, à l’abri des regards.

La classe ouvrière connaissait un taux de mortalité extraordinairement haut. En vérité, plutôt de disparitions depuis des décennies. Quand un employé ne pointait plus à l’usine plusieurs jours de suite, quand une domestique abandonnait ses seaux pleins d’eau près d’un puits sans laisser la moindre trace, quand une prostituée n’effectuait plus les cents pas sur son trottoir, ils étaient alors considérés comme disparus, mais pas encore décédés, bien que nul ne se fasse d’illusion sur ce qui leur était advenu. Habituées aux règlements de comptes entre gangs rivaux, aux dettes impayées, aux crimes crapuleux, aux suicides et aux épidémies, et par manque de moyens, les autorités judiciaires n’entreprenaient rien. En revanche, lorsqu’un notable et sa famille disparaissaient, abandonnant leurs possessions, et un dîner à peine entamé, cela devenait autrement dérangeant.

Le premier à s’en émouvoir fut Cyrus Haviland. Il écrivit un compte-rendu détaillé au sujet des disparitions. Six cas sur la cinquantaine dont il prit connaissance. Il transmit son rapport à son supérieur hiérarchique. Pas à celui qui se situait directement au-dessus de lui, mais quelques crans plus haut. À cela, une raison simple : le premier avait disparu tandis qu’il se rendait chez sa mère, à la campagne, en périphérie de la ville. Trouvant curieux que les bouteilles déposées, la veille, sous le porche du cottage ne lui soient pas rendues, le laitier avait donné l’alerte. Leur absence indiquait que l’Inspecteur en chef ou l’un de ses proches les avait bien ramassées. Les bagages, déchargés et déposés sur le pavé, humide et froid, du hall de la résidence y étaient restés quatre jours durant. Jusqu’à ce que son subalterne, Haviland, investisse les lieux avec un collègue et six agents de ville. Ils ne trouvèrent aucune trace de présence humaine à l’intérieur de la propriété. Pas le moindre cheveu de la perruque de l’inspecteur en chef, de sa mère, ou du cocher qui les avait conduits chez eux. Les chevaux de la berline et les petits chiens de race de la vieille dame avaient également disparu. Rien, à part la carriole renversée, ne démontrait une lutte acharnée destinée à sauver leur vie. L’inspecteur prit soin de le mentionner dans son rapport. Il s’agissait de la cinquième absence considérée comme inquiétante.

La sixième était celle du super intendant, une semaine et un jour après son subalterne. Il avait disparu avec sa femme et leurs six enfants, un dimanche, probablement juste à la fin du déjeuner familial auquel participaient également sa sœur et son beau-frère et leurs trois marmots en bas âge. Au total, treize personnes s’étaient littéralement volatilisées. Le policier ne tenait pas à devenir le septième cas d’évanouissement, sans explication ni trace, relaté par l’un de ses collègues, et classé.

En règle générale, les enquêtes criminelles de province restaient de simples comptes rendus qui parvenaient rarement jusqu’à Londres. Là, ces affaires non résolues dépassaient ses compétences, raison pour laquelle il réclama des renforts. Ces derniers ne furent pas ceux auxquels il s’attendait.

En une semaine, Oxford vit débarquer un contingent constitué de policiers et de soldats coloniaux à l’uniforme impeccable et à l’allure aussi rigide que des barreaux de chaise. Les premiers n’étonnèrent pas. Les seconds détonnèrent carrément dans la société conventionnelle et hermétique de la cité. Pas autant que les hommes en costume sombre, lunettes à verres noirs, cerclés d’or ou d’argent, haut chapeau qui dirigeaient l’ensemble. Ils portaient des cannes qui, entre leurs mains, s’apparentaient à des armes. Ils n’évoquaient pas les forces de l’ordre habituelles. Quoique cette idée tienne d’une opinion personnelle et non d’une réalité prouvée, Haviland se fiait à ses intuitions et préférait se méfier. Ils agissaient sur les ordres de la Reine Victoria et de son Premier ministre, Lord John Russel, l’apprit-il plus tard. Ils prirent possession de l’ensemble des bâtiments de l’Université.

Les nouveaux arrivants ne correspondaient pas aux renforts idéaux imaginés par le policier. Ils n’accomplissaient pas les tâches habituelles et n’expédiaient pas celles qui paraissaient ingrates à un homme tel que Cyrus Haviland. Ils étudiaient, dans le détail, les dossiers des enquêtes en cours comme les anciennes, et ils menaient de nombreuses vérifications dans les endroits où les enlèvements s’étaient produits. Ils s’y rendaient, procédaient à des échantillonnages qu’ils confiaient, à des fins d’analyses, aux chimistes les accompagnant.

Selon Haviland, à part les six disparitions le touchant de près, il n’existait pas de nouveaux cas, quant aux anciens… Sans ressentir la moindre culpabilité, il se disait qu’il ne pouvait rien pour les morts. Il était certain du sort funeste des autres victimes. Seuls les vivants importaient. Cependant, il avait eu beau ordonner, distribuer des consignes, puis tenter de simples suggestions, à chacun de ses efforts, un officier l’écoutait poliment sans donner suite à ses demandes. Les nouveaux venus n’obéissaient qu’à une seule personne : un dénommé Lafferty.


PROLOGUE 1.2

Cyrus Haviland ne connaissait ni son prénom, ni son grade, s’il en avait un. Il l’avait remarqué dès son entrée dans le poste. Lafferty était un homme de grande stature, au physique et à l’attitude charismatique. Il dirigeait le curieux régiment et ses lieutenants sans paraître leur donner des ordres ou leur imposer la moindre contrainte. Il ne semblait pas avoir de théorie sur les disparitions. Selon les brèves discussions que l’inspecteur d’Oxford capta entre les hommes en costume sombre et les militaires, ils devaient garder l’esprit ouvert.

Mais sur quoi ?

Une question qu’il se posait sans en trouver la réponse. Et les jours passant, l’inspecteur se demandait s’il désirait vraiment la connaître.

Charismatique, mais taciturne, le responsable de cette unité lui donnait des sueurs froides. Pas franchement le genre de personne avec laquelle il appréciait de passer des moments intimes. Ce Lafferty ne ressemblait ni à un policier, ni à un gangster repenti, encore moins à l’un de ces détectives grassement payés de Londres. Ses dépenses semblaient autant limitées que sa garde-robe. Il lisait beaucoup, dormait rarement et mangeait peu. L’inspecteur se demandait comment un corps aussi grand et athlétique pouvait supporter un tel régime. Il ressemblait davantage à un archiviste perdu au milieu de ses livres et parchemins, vivant en ascète qu’à un homme de loi. Ou bien, il devait s’agir de l’un de ces calvinistes purs et durs.

Les yeux gris de Lafferty ne recelaient ni méchanceté, ni cruauté, au contraire. Cela dit, son regard d’acier semblait aiguisé et pénétrant, pareil à la lame du surprenant sabre courbe qui l’accompagnait, même lorsqu’il lisait ou écrivait, installé à sa table de travail. Il s’exprimait rarement en dehors de son cercle de connaissances. L’inspecteur parvint à lui parler, une fois, brièvement. Il fut marqué par sa voix basse et profonde teintée d’un accent irlandais. Il choisissait chacun de ses mots comme s’il voulait s’en obliger l’économie. Saisi par une crainte instinctive, l’Oxfordien évita de croiser son regard. Le seul moment où il n’avait pu l’éviter, il eut l’impression que cet homme était parvenu à pénétrer au cœur des abysses de sa conscience pour y déchiffrer ses pensées inavouées.

Cyrus Haviland savait s’adapter en fonction de ses interlocuteurs. Il leur disait toujours ce qu’ils souhaitaient entendre, et ce qui servait ses propres intérêts personnels ou politiques. Aussi, n’était-il pas rare qu’il dise une chose aux uns et tout autre chose aux autres. S’il devait être mis en face de ses contradictions, en bon avocat qu’il aurait pu être, il niait farouchement allant jusqu’à trouver une satisfaction certaine à déstabiliser le contestataire, voire à le discréditer. Mais face à ce Lafferty, il lui était étrangement impossible de dire quoi que ce soit, car il semblait déjà tout savoir. Il s’abstint dès lors de méditer sur ses autres secrets. Ils en disaient encore plus long sur sa véritable nature. Il frémit intérieurement.

Lafferty prononça la fermeture de la Bod, la bibliothèque Bodléienne, au grand dam des étudiants, des professeurs et du personnel. Il ordonna le rapatriement de tous les ouvrages d’histoire, de géographie, de littérature concernant Oxford et ses environs, se trouvant dans les bureaux des professeurs, les salles de cours ou dans de petites bibliothèques annexes que quelques vieux enseignants s’étaient appropriés. Ces derniers ne comptèrent pas obéir à cet étranger à leur petit univers jusqu’alors tranquille. Aussi ne s’inquiétèrent-ils de ces ordres que lorsque les policiers vinrent fouiller leurs annexes, ainsi que leurs bureaux et leurs logements personnels. Ils n’eurent pas le temps de substituer le moindre des précieux ouvrages. Lorsqu’ils se plaignirent auprès de lui, le doyen les renvoya chez eux sans discussion possible avant de s’isoler dans ses appartements. Il n’était plus le maître de son Université, juste un locataire dont les nouveaux occupants ne souhaitaient visiblement pas la présence.

Malgré le renvoi de ses occupants habituels, le campus ne resta pas désert. L’officier de police et le directeur ne furent pas invités à partager les mystères que protégeaient jalousement les coloniaux. Toutefois, l’inspecteur remarqua que ces hommes ne s’occupaient pas de poursuivre les pickpockets, ou de régler les querelles de beuveries, les violences conjugales, de mettre fin aux paris illégaux et de fermer les tripots clandestins. Ils les arrêtaient, sans tenir compte de l’importance de leurs délits ou de leurs crimes, les conduisaient dans l’une des salles de Christ Church, les interrogeaient à l’abri des regards, avant de les relâcher en ville. Pour la plupart, du moins. Durant quelques jours, ce fut un incessant va-et-vient de brigands de tous genres, mais aussi d’honnêtes gens, au sein de la prestigieuse institution.

Ainsi qu’une partie de la population d’Oxford, le doyen et l’inspecteur remarquèrent que certains des guerriers provenaient de tribus issues des colonies. Le moins concevable pour les deux notables oxfordiens fut leur intégration aux forces de l’ordre, ou à ce qui y ressemblait, et qu’ils jouissaient des mêmes prérogatives que leurs collègues blancs. Ils transportaient, sans restriction, un arsenal semblant directement sorti de la Tour de Londres durant ses sombres moments.

Aucun de ces étrangers ne chercha à communiquer avec les derniers résidents de l’Université ou avec les habitants de la ville. Haviland pensa qu’ils ne parlaient pas anglais et ne dialoguaient qu’entre eux, dans leur langue d’origine. Une piètre explication qui le laissa satisfait néanmoins.

Le doyen parvint à une conclusion équivalente, avec une immense conviction, parce que cela lui convenait parfaitement. Il ne souhaitait pas adresser la parole à l’un de ces sauvages venus des profondeurs de l’Asie, des déserts d’orient, des savanes africaines, des jungles sud-américaines. Puis il vit débarquer et s’installer à l’intérieur de la cour d’All-Souls-College, les convois de chariots, anciennes propriétés d’un cirque ambulant. Au lieu de fauves, ils retenaient des prisonniers humains, pieds et poings liés par de lourdes chaînes. Ils furent rejoints dans leur prison par les bandits que n’avaient pas libérés les hommes de Lafferty.

D’abord offusqué qu’un tel traitement soit appliqué à des êtres humains, le directeur se ravisa en reconnaissant des criminels notoires parmi les prisonniers : une espionne et un meurtrier. À l’époque de leur “gloire”, la presse les surnommait “La Belle Indienne Sans Pitié” et “Le Croquemitaine”. La première sévissait aux Indes, sa patrie de naissance. De parents anglais, elle avait acquis, très jeune, les coutumes et certaines idées politiques de son pays d’adoption. Les journaux rapportèrent qu’elle avait secrètement épousé l’un des chefs d’une obscure tribu qui s’était ouvertement déclarée contre la couronne et prônait l’indépendance. Initialement arrêtée en tant qu’espionne, elle avait été accusée du meurtre par exsanguination d’une famille de colons, et de cinq soldats. Le Croquemitaine, lui, avait commis ses méfaits en Écosse. Les victimes étaient des enfants enlevés dans leur foyer pendant leur sommeil. Lors de son procès, il s’était cruellement vanté de les avoir cuisinés et mangés.

Le maître des lieux ne se sentit pas seulement horrifié de voir des criminels dans l’une des enceintes de son université, de les savoir si proches de lui. Il s’imaginait de taille à lutter contre eux si cela devait s’avérer nécessaire. Il n’avait pas une allure athlétique avec son ventre qui dans quelques années l’empêcherait totalement de voir la pointe de ses pieds, il était cependant assez grand et large d’épaule. De plus, il pratiquait régulièrement des exercices en plein air comme la marche et d’autres auxquels il s’empêcha, vivement, de penser.

Il fut surtout stupéfié par le fait qu’ils soient toujours en vie alors que, selon la presse, La Belle Indienne avait été officiellement fusillée à Pondichéry, et lui, pendu à Londres. Leur présence, celle des cages à fauves entreposées dans la cour, celle d’un bataillon d’infirmières et de médecins et, pour finir, l’arrivé de sept dignitaires religieux (un abbé, un pasteur, un imam, un rabbin, et curiosité, un chaman peau rouge, un sorcier noir et un moine bouddhiste), tous installés dans les chambres d’internat, n’avaient rien de rassurant. Le doyen y vit un danger auquel le diable ne pouvait être étranger. Il prit peur. Il remplit ses valises en quatrième vitesse et décida sur le vif d’aller passer les prochains jours chez sa sœur. Le temps d’oublier ce qu’il avait vu, ou cru voir. Il ne resta plus que le maître des clés, Vaxent Tenbarts, l’intendant de l’Université, sourd comme un pot, et à moitié aveugle et qui, ayant participé à plusieurs guerres en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, se fichait comme du premier trou à ses chaussettes de l’agitation régnant sur son empire.

De son côté, Haviland jugea qu’il avait d’autres affaires en cours, certes mineures, en attendant d’en savoir plus sur le sort de ses supérieurs hiérarchiques. Il préférait se tenir loin de cette agitation qu’il regrettait d’avoir contribué à créer.


PROLOGUE 1.3

Loin de cette agitation, Liam Finley, Peter Woodsburry et Tom Roberts se moquaient du diable et de sa cohorte, même s’ils se signaient à leur évocation. Les gamins, respectivement âgés de 13, 12 et 9 ans, remarquèrent effectivement l’apparition de nouveaux policiers et de militaires patrouillant dans les rues de leur ville. Ces derniers ne s’occupant pas d’eux, ils n’eurent donc pas, dans l’immédiat, aucune raison de s’alarmer de leur présence.

L’une de leurs préoccupations habituelles consistait à vider les poches de ceux qui possédaient de l’argent. Œuvrant près des tripots, il leur fallait surtout éviter les “gros bras”, les bandes et les barbillons qui n’hésiteraient pas à leur casser les genoux, à leur couper une main, ou pire. Leur soif d’aventures occupait le deuxième rang de leurs activités. Enfin, leur ultime obsession était celle de tout être vivant : survivre. Ils devaient dénicher à manger, ou de quoi gagner quelques pièces. Honnêtement.

Peter avait généreusement proposé de ramasser des escargots dans le parc du domaine de Pellegrin et de les vendre ensuite au marché. Avec de la chance, des gargotiers et des marchands de soupe les leur achèteraient. Les Anglais appréciaient les escargots sous leur forme alimentaire, les touristes du continent en raffolaient. Au pire, ils s’efforceraient de les manger afin de se remplir le ventre. Ils n’auraient pas à en avaler de grosses quantités tant ils étaient charnus.

La bâtisse des Pellegrin, une construction entourée d’un immense parc arboré s’élevait en bordure de la vieille cité depuis un bon siècle. La localité s’était étendue à l’ouest et au sud. Les propriétés, et les bâtisses construites à la même époque, ainsi que les terres qui les entouraient, avaient été avalées par les zones industrielles, intégrées aux quartiers résidentiels. Elles avaient contribué à l’évolution de l’agglomération, contrairement au domaine de Pellegrin. Aujourd’hui, la cité semblait s’en tenir à distance. Une avenue vide de vie séparait la ville de la propriété. Les oiseaux avaient déserté les arbres la bordant. Les cochers effectuaient un détour, et rares étaient les promeneurs s’aventurant sur cette artère. Son atmosphère pesante et son silence lugubre les inquiétaient.

Il en fallait beaucoup pour effrayer des gamins qui connaissaient la faim, la pauvreté et les aléas de la vie, et qui essayaient mettre du baume sur leur existence en ramassant les magnifiques gastéropodes. Ils entendaient les coquilles craquer sous les semelles de leurs souliers. Ils n’avaient qu’à se baisser et les ramasser dans la bruine épaisse tombée sur Oxford depuis ces derniers jours.

Les gamins en étaient aux deux tiers de leur récolte lorsqu’ils se rejoignirent au pied de l’immense édifice de briques. Elle n’était pas laide comparée aux majestueux édifices de la ville. Elle aurait même pu être rassurante avec ses briques de différents rouges, ses grandes fenêtres, ses arches soutenues par des colonnes, ses balcons, sa verrière, et ses toits tout en rondeurs. Pourtant, elle leur parut plus qu’impressionnante du haut de leurs jeunes années. Certains de ses éléments ne semblaient pas à leur place ou n’auraient pas dû exister leur parut-il. Il y avait quelque chose de déconcertant dans l’architecture de la vieille demeure. Ils ne parvenaient pas à définir en quoi, ni pourquoi. Était-ce le lierre d’un vert très foncé qui la recouvrait ? À cette saison, les feuilles auraient dû être tombées. Ici, elles arboraient une couleur chatoyante alors que le cœur de l’hiver battait avec force.

— ’savez c’qu’on raconte sur c’te bicoque ? demanda Peter Woodsburry sur le ton de celui qui en sait beaucoup sur la chose la plus secrète de l’Angleterre.

Peter était un garçon aux cheveux bruns, au teint maladif et au regard d’un bleu délavé. Il était petit et maigrichon. Néanmoins, les gamins de son quartier ne se seraient pas avisé de lui taper dessus, ou simplement de lui chercher des poux. D’abord, il savait jouer des poings et des pieds. Ensuite, ceux qui s’y essayaient encouraient la vengeance de Liam Finley, plus grand et plus costaud, que les gamins de son âge, et aussi malin qu’un singe.

Liam haussa les épaules. Il avait les cheveux d’un brun sombre, longs et attachés sur la nuque par une ficelle. Les taches de rousseur qui constellaient sa figure soulignaient ses yeux bleus et vifs. Habituellement, il était le plus bavard du trio, mais depuis qu’ils se trouvaient à l’intérieur du parc, il n’avait pratiquement pas dit un mot. En dehors d’avoir chacun une flopée de frères et sœurs, Peter et lui étaient cousins.

Contrairement à Tom Roberts.

Seul et unique enfant, Tom vivait avec son père. Sa mère était morte en lui donnant la vie. Il avait des cheveux blonds, une figure ronde et joufflue, preuve de sa bonne santé, et des yeux aux prunelles d’un marron très doux. Généralement, lorsqu’il s’absentait, des semaines, parfois des mois, son paternel, représentant en matériel agricole, le laissait aux bons soins de la voisine. Tom ne se plaignait pas de sa vie et Ann Donahue n’était pas une méchante femme. Au contraire, s’il avait eu son mot à dire, il aurait voulu que son père se marie avec elle. Souvent, il parvenait à échapper à la surveillance de cette bonne Donahue, trop occupée à vendre ses fleurs, en vue de rejoindre Liam et Peter. Si elle se fâchait à son retour, il trouvait constamment le moyen de lui ramener une babiole qui adoucissait sa punition.

— ’vas nous dire qu’y a des rev’nants dans c’te baraque ? avertit Liam qui connaissait le goût de son cousin pour les histoires d’êtres fantastiques et mythologiques.

— Non.

Tom s’attendit à ce qu’il y ait une suite. Peter n’ajouta rien. Ils restèrent le nez levé à regarder les fenêtres, cherchant à deviner quel genre de fantôme pourrait y apparaître. Tom eut le sentiment d’être observé depuis la lugubre bâtisse malgré le brouillard. Plus ils la contemplaient, plus cette impression se renforçait.

— Alors, qu’est-ce qu’on radote ? insista Liam que le silence inhabituel de Peter intriguait.

— Rien. Parce que ceux qui sont entrés dans c’te bicoque en sont jamais ressortis.

— Ah oui ? Dis pas qu’tu veux y entrer pour vérifier ? Parce que moi, j’croyais qu’on était là pour rafler des cagouilles, et si on veut les écouler avant la fin du marché, faudrait pas qu’on lambine trop.

— Moi, je ne rentre pas dans c’te baraque, lâcha Tom en baissant la tête. On finit ce qu’on a à faire et on s’tire d’ici, fissa.

Peter haussa les épaules.

— ’ai dit qu’on allait s’faire les meilleurs cagouilles d’Oxford, rien d’plus.

— De toute l’Angleterre.

— Quoi de toute l’Angleterre ?

Liam sourit.

— T’as dit : “on va s’faire les meilleures cagouilles de toute l’Angleterre”.

— Et que si on en ramasse assez, et qu’on les vend tous, avant la fin du marché on fera du bénéfice, ajouta Tom.

— Sûr que j’l’ai dit, acquiesça Peter. Et il est pas né c’ui qui m’fera mentir. Et si on fait ça souvent, on sera riche à Noël.

Il ponctua sa phrase d’un clin d’œil et d’un éclat de rire.

Simultanément, ils songèrent qu’être fortunés devait être très agréable, mais ce labeur ne les rendrait pas immensément riches. Au moins, il ne leur demandait pas de gros efforts.

Ils convinrent de se séparer pour terminer le ramassage et, de se rejoindre devant la grille du domaine d’ici une trentaine de minutes.

La moitié de ce temps passée, Tom remarqua que le brouillard était devenu plus intense. Il balança son sac de toile plein à craquer par-dessus son épaule. Il ne pourrait contenir plus d’escargots sans se fendre. Le garçon remonta lentement l’allée de graviers humides qui entourait de la demeure. Un crissement le stoppa net. Devant lui, une ombre apparut. Elle se situait à cinq mètres environ. Il mit un court moment à reconnaître la silhouette de Liam à travers le brouillard. Il soupira et se remit en marche vers lui.

À cet instant qu’il perçut les voix.

Pas vraiment des voix… Plutôt des chuchotements.

Il rejoignit Liam. Lui aussi avait les entendus.

— J’croyais que Peter était avec toi, s’étonna celui-ci.

— Bah, tu vois, il est pas là.

Un frisson parcourut le dos de Tom. Ses cheveux se dressèrent sur sa tête. Il avait continuellement le sentiment d’être surveillé. Il essaya d’écouter ce que disaient les murmures… Il parvint à saisir de vagues mots : joufflu… nuit… petit… Je les veux… Je veux ses dents… Petites dents…

Liam lui donna un coup de coude dans les côtes qui le sortit de sa léthargie.

— On dirait qu’une aut’équipe veut nous piquer not’business… La clique à Johnny Eccleston, j’te parie. Ils essaient d’nous faire peur et d’nous piquer not’butin… Va falloir qu’on leur fasse savoir : ici, c’est chasse gardée. Propriété privée. Va chercher Peter… Pendant c’temps, j’essaie de voir si y a moyen d’avoir l’dessus.

La frayeur de Tom descendit d’un cran. La bande de Johnny Eccleston ne figurait au premier rang de sa liste de souhaits, mais aucun de ses membres ne ressemblait à un esprit frappeur.


PROLOGUE 1.4

TIl avait aperçu Peter plus tôt, près de la fontaine. Il marcha dans sa direction d’un pas léger et discret, quoique moins assuré qu’il l’aurait souhaité. Il entendait constamment les chuchotements et les rires grinçants. Ils ressemblaient à des murmures étouffés. Il buta contre un obstacle. Pas un caillou, il en fut certain, et tomba le nez dans un mélange gravillons et de terre envahis d’herbe humide et froide. Son sac de toile passa par-dessus son épaule.

Il se releva, jurant à voix basse, replaça sa casquette sur sa tête et tourna sur lui-même pour comprendre ce qui l’avait fait chuter. Il vit le grand panier en osier de Peter, totalement renversé, vidé de son contenu. Tom commença à ramasser les mollusques éparpillés dans les cailloux humides. Ils tentaient de se carapater, lentement, mais sûrement. Il tira son propre sac à côté du panier avant de secouer sa veste trempée et terreuse. Un bruit sinistre, pareil à une mâchoire qui se referme sur le vide, à des godillots écrasant des coquilles d’escargot ou une tige de bois sec qui se casse, l’incita se redresser avec vivacité. Le bruit provenait de la fontaine… Là où il avait vu Peter, la dernière fois.

— Peter ? souffla-t-il faiblement, effrayé.

Son appel se répéta tel un écho, anormalement déformé, car il n’y reconnut pas sa propre voix. Cela provenait de la fontaine…

Retenant son souffle, Tom avança, lentement, aussi silencieux qu’un écureuil. L’eau sombre du baquet de la fontaine était gelée et la glace, opaque, gercée, légèrement sillonnée en creux par le sang encore chaud. Tom en conclut que l’animal auquel il avait appartenu était mort récemment. Il devait aussi être sacrément gros, car il y avait beaucoup de sang. Des éclaboussures sur la surface de la glace et sur la pierre, accompagnaient une ligne sanglante montant le long la sculpture qui surplombait la fontaine. Celui qui l’avait construite avait voulu représenter une sorte d’enchevêtrement de plantes exotiques. Au sommet, surgissait la tête d’un lion rugissant, la gueule grande ouverte et réellement sanguinolente. Un truc bizarre semblait enroulé autour de l’une des canines de pierre. La sculpture et la fontaine étaient adossées au mur nord de l’habitation. Dans la gueule du lion, se trouvait une cavité d’où la source aurait dû couler. Une bestiole s’était sûrement installée au fond de la canalisation. Elle y cachait ses réserves et évacuait les surplus de ses repas d’une manière ingénieuse. Quel genre de bête était-ce là ?

Tom eut beau se dire que sa peur était irraisonnée, il aurait quand même souhaité que Liam, ou Peter, soit à ses côtés.

Il grimpa, tant bien que mal, sur le rebord de la fontaine, attentif à ne pas mettre les mains dans le sang. Il s’assura qu’il pouvait marcher sur la glace sans la briser. Il se supposa léger. Néanmoins, il préféra en avoir la certitude et la testa en tapant du pied. Son instinct hurla désespérément qu’il commettait une bêtise, et qu’il la payerait cher. Ce fut plus fort que lui. Il pensa à Liam qui les attendait. Pas question de le rejoindre sans Peter. S’ils devaient se battre face à Johnny Eccleston et son équipe, trois ce serait mieux que deux. Liam ne se jetterait pas au sein d’une bagarre en étant certain de la perdre. Dans l’immédiat, Tom avait une excuse, et une excellente raison de rester ici : Peter repasserait sûrement au moment de prendre son panier…

Il faisait maintenant face à la gueule béante du lion. Si le fauve avait été vivant, il lui aurait trouvé une haleine de poney. Il n’empêchait… S’il n’était qu’en pierre, ça puait pire que dans un trou à rats.

Il tendit la main vers l’objet de sa curiosité, recroquevillé autour de l’unique canine encore entière du lion. Ça semblait vivant, ou frais, épais, charnu et sanguinolent. Il ne parvenait pas à le définir autrement que comme un bout de viande crue. Il devait le saisir afin de l’observer de près.

Sa main dévia légèrement. Il venait de sentir quelque chose sous son soulier. Il baissa le regard et vit trois petits cailloux blancs maculés de sang. Non… Pas des cailloux… Dans son esprit, le mot “dent” se fraya un chemin. Il se baissa et les ramassa. Oui… C’était des dents, pas les crocs d’un animal de chair et d’os, ni les ratiches que le lion de pierre avait perdues… Il les fit rouler au creux de sa main. Puis il observa avec circonspection la canine du lion, là où s’enroulait ce qui avait attisé sa curiosité. Il prit prudemment l’objet. Il était mou, moins qu’une grosse chenille cependant, et tiède. Il la porta à hauteur de vue.

Il faillit la lâcher lorsqu’il comprit ce dont il s’agissait. Il ne put amorcer son geste à cause des deux lueurs argentées qui s’illuminèrent à l’intérieur de la gueule béante du lion de pierre. Il se sentit incapable de bouger, tétanisé par la peur.

Un “visage” qu’il ne parvint pas à définir, sur le moment, que par ses grands globes oculaires remplis de mercure irisé, vides de pupille, sortit de l’obscurité. Tom ouvrit la bouche. Il hurla de frayeur lorsque la tête grise, telle de la cendre, imberbe, s’extirpa de la cavité, un cou malingre, des épaules décharnées et de longs bras osseux, terminés par de petites mains aux doigts crochus suivirent. L’étonnant gnome hurla à son tour. Ses vociférations ressemblaient aux grouinements d’un cochon sur le point d’être égorgé. Sa bouche s’ouvrit de façon démesurée découvrant quatre rangées de crocs blanc neigeux, partagées entre le haut et le bas de la mâchoire. D’autres tapissaient son palais et sa langue, ou ce qui ressemblait à une langue. L’horrible farfadet lui arracha des mains ce qu’il avait pris pour un être vivant et qui était… un petit doigt. Elle se renfonça dans le trou… Son trou.

Effrayé par la créature qu’il venait de voir, Tom lâcha les quenottes qu’il tenait encore au creux de son poing gauche et recula, pris de panique. Il patina dans la traînée de sang et partit à la renverse.

Couché sur le dos, par terre, devant la fontaine, il comprit que l’affreuse créature venait de lui dérober le doigt de Peter. Sa conscience essaya de contrecarrer cette pensée pour ne pas sombrer. En vain. Où se trouvait le reste de son ami ? À l’inverse de ce qu’il imagina d’abord, rien à part la goule de l’enfer n’était sorti du trou… Au contraire… Elle l’avait vidé de son sang, ce sang dans lequel il était en train de patauger, et elle s’était débrouillée pour y engouffrer son ami, de force… et le boulotter.

Tandis qu’il s’efforçait de garder en mémoire cette conclusion malgré le chaos qui menaçait de l’anéantir, il se releva à nouveau et courut, sans réfléchir, vers l’endroit où devait se trouver Liam. Il se sentait mal. Ses jambes lui faisaient l’effet d’être en coton, et ses pieds en plomb. Il repensa que la gargouille l’avait touché en reprenant la dent. Il avait eu l’impression d’avoir été égratigné par une branche morte. Pourtant, elle avait dû le contaminer, l’empoisonner… Une maladie mortelle… Bientôt, ses os se casseraient, s’effriteraient… Elle avait enfourné Peter dans l’étroite cavité grâce à cela…

Il se souvint des longs doigts noirs, griffus et secs du rejeton de Satan. Sa main ne lui avait pas semblé plus grosse que la patte d’un chat, mais avec des griffes infiniment longues. Tom sentit monter un haut-le-cœur. Il ne voulait pas finir dans un trou, les os brisés.

Il retrouva le panier de Peter et son sac de toile. Cette fois, il évita instinctivement l’obstacle malgré sa panique. Il s’arrêta et regarda autour de lui. Il voulut appeler Liam, seulement aucun son ne sortit de sa gorge. Ce qui lui sauva sûrement la vie, mais il n’en prit conscience que bien des années plus tard. Il entendit des sanglots à peine couverts par les susurrements… De nouvelles voix. Elles étaient plus nombreuses. Tom marcha lentement en direction des chuchotements et des gémissements. À travers la brume, il vit une forme mouvante sur le sol devant lui.

Il s’approcha, franchissant chaque voile de brouillard qui le séparait de l’ombre. Mais elle n’était pas seule. Elle était une multitude de petites silhouettes obscures. Elles bondissaient sur Liam, pareilles à des singes facétieux, et affamés, tirant ses cheveux et ses vêtements, griffant ses joues, arrachant des bouts de chair, bouffant le lobe de ses oreilles, lapant le sang qui coulait de ses plaies profondes, grognant avec rage.

Assez près, il distingua d’autres goules, aux faces grimaçantes, pareilles à celle de la fontaine. Comparées à Liam, elles étaient petites. Un pied, ou deux. Dix, si on leur étirait les bras et les jambes jusqu’au bout des griffes. Dix, ce devait être le nombre de gargouilles s’acharnant sur leur victime. Tom avança d’un pas vers lui. Il voulait secourir son ami. Il ignorait de quelles manières y parvenir. Son esprit, paralysé par cette vision d’horreur, refusa de lui en donner le moyen.


PROLOGUE 01.5

Un des diables vit Tom et bondit du dos de Liam en direction de sa nouvelle proie. Elle atterrit avec souplesse entre son ami et lui. Elle le regarda avec ses grandes billes argentées. Elle sentit qu’il représentait un risque à l’égard de ceux de son espèce, car elle amorça un sifflement entre ses dents…

Avant qu’elle puisse donner l’alerte, et que ses forces l’abandonnent définitivement, Liam parvint à se traîner jusqu’au gnome. Au prix d’un dernier effort, il lui saisit l’une de ses deux pattes et tenta de se servir de la créature pour faucher les autres monstres. En vain. Alors, de son autre main qu’elle chercha aussitôt à mordre, il lui serra le cou et la retourna tête vers le bas. Il l’écrasa de toutes ses dernières forces dans sol caillouteux.

Le craquement des os du diablotin s’imprima durablement dans l’esprit de Tom.

Cela sembla être facile, autant que briser la tête en porcelaine de l’une de ces poupées de chiffon dont les petites bourgeoises ne se lassaient pas. Voyant le sort réservé à l’un des leurs, les gnomes s’acharnèrent davantage sur leur proie. Tom distingua la figure de son ami ensanglanté, tordue de douleur. Il vit ses lèvres fendues articuler un mot à son intention, puis de sa main libre, l’autre tenant toujours le gnome, il exécuta le signe qu’ils utilisaient lorsqu’ils se cachaient des condés ou d’une bande rivale et ne pouvaient se parler de vive voix. Il disait clairement « Va-t’en ! Fuis ! ».

Tom hésita à peine une seconde avant de détaler. Il courut vite, car sa vie en dépendait. Il entendit encore les chuchotements. Ils lui embrouillèrent le cerveau. Puis, ils disparurent lorsqu’il traversa l’avenue. Il prit alors conscience que, durant les attaques, ni Peter ni Liam n’avaient crié. Qu’est-ce qui les en avait empêché ? Les démons leur avaient-ils pris leur voix ?

La rue était déserte… Personne pour les aider… Il entra dans la ville… Il continua à courir sans voir âme qui vive. Il glissa sur les pavés, s’écorcha les genoux et les paumes des mains. Il se releva et recommença à courir. Il n’entendait plus les murmures. Pourtant, il sentit inconsciemment que jamais ils ne le quitteraient. Peter disait que personne n’avait pu raconter ce qui arrivait à ceux qui pénétraient dans la demeure parce que personne n’en sortait. Jamais. Les goules ne laissaient aucune trace de leurs actes malfaisants. Liam ne pouvait pas être sauvé. Quant à lui, tôt ou tard, elles le retrouveraient… Cette idée le terrorisa et eut raison de son esprit vacillant.

Il fut soudain arrêté par un mur, de plein fouet. Il voulut s’écarter, mais il se sentit soulevé du sol… Une poigne puissante. Il sentit son cœur dérater lorsqu’il vit la figure sombre au niveau de la sienne. Ses yeux laiteux aux pupilles ambrées… Il hurla quand la face ténébreuse sourit de toute sa denture d’une blancheur éclatante. À bout de forces et de nerfs, il finit par s’évanouir de terreur et d’épuisement.


Trois jours plus tard, un grand homme aux larges épaules légèrement voûtées se tenait debout au pied de la vaste habitation de la propriété Pellegrin, moins impressionnant qu’elle l’avait été. Il paraissait engoncé dans son manteau noir. Le domaine, lui, ressemblait à un territoire ravagé par la guerre avec ses fenêtres descellées dont les rideaux en lambeaux depuis longtemps pendaient lamentablement par les excavations à ciel ouvert. Les murs des façades étaient éventrés. Des parties entières manquaient. À l’intérieur, chacune des pièces semblait avoir implosé. Quant au parc, il n’en restait guère qu’un vaste champ labouré, constellé de fosses profondes et veiné de tranchées boueuses d’où s’échappaient des volutes de fumée. Les végétaux, débités en rondelles, étaient incinérés dans des fourneaux installés au milieu du boulevard. Au-delà de la rue, le trottoir était noirci d’amateurs de faits divers venus en nombre malgré le temps peu charitable. Quelques-uns, parmi eux, auraient pu être tentés de voler du bois en guise de chauffage. Ils s’en abstinrent. Ils ne tenaient pas à fréquenter le diable de près, encore moins à lui offrir le gîte et le couvert.

— Lafferty ?

L’interpellé sembla sortir d’une profonde méditation en voyant son nouveau lieutenant, Dorcas, un Anglais, approcher.

Vêtus de manière analogue, les deux hommes pouvaient être difficilement identifiés de loin. Toutefois, confondre Lafferty avec qui que ce soit était impossible. Il était plus grand que la moyenne des hommes qu’il dirigeait, plus âgé que ses subalternes et plus expérimenté que chacun d’entre eux. Distance, réserve ou pudeur, il n’avait exprimé aucune émotion face aux horreurs, au moment de leur découverte, dans les tunnels qui traversaient le domaine.

Dorcas, avec son visage poupon, aurait pu être son fils, mais ils n’entretenaient ni ressemblance physique, ni affinité psychologique. À la surface du regard bleu azur de l’anglais brûlaient les feux de la colère et du fanatisme. Il possédait la fougue et la révolte de sa jeunesse et il croyait profondément en sa mission.

Le regard de Lafferty était serein et averti. Il avait vu tant d’atrocités ces dernières années.

— Combien ? demanda-t-il d’une voix profonde et mesurée.

— Nous n’avons pas encore compté les animaux, sûrement des milliers, mais nous avons déjà découvert une centaine de dépouilles humaines… Enfin ce qu’il en reste… Je ne comprends pas… Personne ne s’en est rendu compte…

— Ces disparitions s’étalent sur deux siècles au moins. Poussée par la faim ou l’idée qu’elles pouvaient agir impunément, elles se sont enhardies et ont commis leurs premières erreurs.

— Les seules parties qu’ils ne dévorent pas sont les os de la tête. Elles se contentent de les nettoyer. Allez savoir pourquoi.

— Ils ont gardé les crânes en guise de trophées, j’imagine.

Cette évocation arracha une grimace de dégoût au jeune homme.

— Ils les ont exposés, devina-t-il. Dans leur salle du trône, il y en avait du sol au plafond.

— Ça leur ressemble.

— Saloperies de bestiaux… J’espère qu’on les a tous eus.

— Vous feriez bien de vous en assurer, répondit Lafferty. Nous reste-t-il des leurres ?

— Quatre, Monsieur. L’Indienne… Enfin ce qu’il en reste… Et quatre types ramassés la nuit dernière. Des écorcheurs de bovins.

Lafferty s’accorda un instant de réflexion avant de répondre. Il répugnait à se servir des femmes. Mais traîtresses ou meurtrières, ou les deux, elles devaient rembourser leur dette à la société. L’Indienne, en était-elle quitte avec ses infirmités permanentes ou mourrait-elle comme Le Croquemitaine ? Quant aux voleurs et aux écorcheurs, qui connaissait les raisons de leurs larcins ? Au sein de cet univers, la faim et la misère poussaient au crime des hommes humbles et honnêtes.

Il n’avait pas choisi les condamnés. Les autorités officielles lui avaient remis ces seuls appâts sur les ordres de la reine et de son Premier ministre. Si ces individus, par leur sacrifice involontaire, sauvaient des millions de vies, leur fin se justifiait plus que leur existence. Telle était l’opinion de sa reine, et donc la sienne.

— Mettez-les dans les cages et vérifiez que les Ke-lings survivants puissent y entrer facilement sans soupçonner qu’il s’agit d’un piège.

— Ce ne sera pas difficile. Nous avons pourchassé les créatures partout et nous les avons effrayées. S’il en reste, elles doivent être en colère et affamées, et elles deviendront imprudentes.

Lafferty ne releva pas et poursuivit sur un ton las.

— Arrangez-vous pour rendre vos pièges irrésistibles. On ne sait jamais.

— Entendu.

— Combien avons-nous tué de bestioles ?

— À peu près 4500. C’est le nid le plus important que nous ayons détruit jusqu’à présent. Ils avaient construit l’essentiel de leur forteresse sous le domaine. Les rabatteurs et les sentinelles vivaient en surface, à l’intérieur du manoir et dans les arbres.

— Si nous pouvons désigner cela comme un manoir. Il y a longtemps que ce terme lui est inapproprié. Ils se sont servis des pièces de leur vaisseau afin de remplacer les parties de la bâtisse qui n’ont pas résisté à l’usure du temps et des intempéries… Ou à leurs indélicatesses. Ces “bestiaux”, ces “créatures” selon vos mots, Dorcas, sont semblables à une meute de ratiers dans une cristallerie. Je m’étonne que nous ne les ayons jamais repérés jusqu’à ces derniers jours. J’imagine que les propriétaires des lieux ne sont plus de ce monde.


PROLOGUE 1.6

Dorcas jubilait intérieurement. Il ne pouvait pas manquer l’occasion de briller devant cette illustre figure du CENKT.

— Granville s’est renseigné sur le sujet. Le fief était la propriété d’un Français : Rodolphe Pellegrin du Bois-Terreau. Il s’est volatilisé au moment de la Révolution française. Néanmoins, d’après les archives de la police, il y a eu de nombreuses disparitions de domestiques du temps où il vivait ici. Les enquêteurs ne sont jamais parvenus à prouver que des crimes avaient été commis. Le bonhomme avait la réputation de maltraiter son personnel. Certains domestiques ont pu partir sans demander leur solde. Les disparitions se sont multipliées dans la région après le départ de Pellegrin pour la France. Par conséquent, elles ne pouvaient être de sa responsabilité. Elles touchaient les humains, de l’enfant en bas âge au vieillard impotent, et les petits animaux. La rumeur a commencé à évoquer cet endroit comme maudit et démoniaque au début du siècle. Quant à moi, je ne pense pas que le propriétaire ait été victime de la Révolution. Pourquoi risquer sa vie en retournant en France ? Il y a fort à parier que lorsqu’il n’a plus été en mesure de les fournir en viande fraîche, les Ke-lings se sont retournés contre lui. À moins qu’il ait eu plus peur d’eux que de la guillotine. Tout est possible, évidemment, avec ces fichus français.

Lafferty ne releva pas l’ironie de son subordonné.

— Cela signifie que les Ke-lings sont installés dans la propriété depuis au moins cent ans. Nous venons probablement d’anéantir la colonie-mère, la dernière sur la Terre.

— Monsieur ? Où irez-vous après cette mission ?

Lafferty n’eut pas à réfléchir pour répondre.

— Dans les Alpes, avec mon équipe. Il semblerait que nous ayons affaire, là-bas, à un ennemi au moins aussi intelligent que l’être humain, peut-être plus : une tribu de Blanka edrojs.

— J’aurais aimé vous accompagner.

Il savait qu’il n’était pas suffisamment entraîné pour cela. C’était le genre de mission pour laquelle les plus aguerris, comme Lafferty, étaient entraînés toute leur vie durant : supprimer ce qui menaçait le monde et l’Humanité.

Il poursuivit néanmoins, histoire de tenter sa chance, au cas où Lafferty lui proposerait un voyage du côté des Alpes :

— J’aimerais beaucoup voir à quoi ils ressemblent vraiment. On dit qu’ils refusent qu’on les appelle Blanka edrojs, “Faces d’albâtre” parce que ça les rapproche trop des humains. Ils préfèrent se nommer Yamnas, ou Yam-nas, entre eux… D’après les documents que j’ai pu lire à leur sujet. En ce qui concerne les Ke-lings, je me demande ce qu’ils avaient en tête ?

Lafferty sourit. Il voyait où son collaborateur voulait en venir.

— Vous êtes jeune, et la chasse aux monstres est nouvelle pour vous. Ne leur donnez pas plus d’intentions qu’ils n’en ont, mais ne les sous-estimez pas non plus. Voyez les Ke-Lings : ils ont simplement commis l’erreur de s’attaquer à des gamins dont les familles sont implantées en ville depuis des années et de laisser l’un d’entre eux s’échapper. Ces gens n’auraient pas accepté que la mort de leurs enfants reste impunie. Sans notre présence, des émeutes auraient éclaté un peu partout dans la ville à cette heure… Il y aurait sans doute d’autres morts, mais les Ke-lings auraient pu continuer leurs méfaits durant des années sans être inquiétés.

— Sauf votre respect, monsieur, toutes les créatures ne sont pas mauvaises. Les Blanka edrojs, par exemple, vivent à l’écart des humains et ne cherchent pas à…

— Nous ignorons ce qu’ils sont capables de faire, ou ce qu’ils ont pu faire, le coupa Lafferty. Comme les Ke-Lings jusqu’à ces derniers jours. Allez dire cela à leurs victimes, et aux familles de celles-ci. En particulier à celles des gamins qu’ils ont désossés il y a trois jours, ou à Tom Roberts. Le gosse ne recouvrira jamais la raison et passera le reste de son existence dans un asile psychiatrique. Ousmane, le soldat qui l’a attrapé, se rend à son chevet matin et soir. Il dit qu’il a chassé les incubes et les images de mort de sa tête. Mais il ne peut alléger plus sa souffrance.

Lafferty avança de quelques pas en direction du parc anéanti. Il concevait les scrupules du jeune chasseur. Il en avait éprouvé au début. Cela lui semblait si loin. Il ne doutait pas que la moindre hésitation coûterait des vies. L’anglais l’apprendrait à son détriment s’il continuait à le nier. Il ne pouvait rien face à cela.

— Certaines espèces semblent inoffensives, poursuivit-il. Qui peut en avoir la certitude ? Comment savoir si ce n’est pas en vue de s’emparer de notre planète et d’asservir l’humanité, ou de la détruire ? Nous ne pouvons appréhender la menace que lorsque nous y sommes confrontés.

— On ne peut pas dire qu’elles aient un aspect sympathique.

— Parce que, selon vous Dorcas, l’habit fait le moine ?

— Non. Non… Évidemment, se défendit le jeune homme.

— Les Ke-lings ont assassiné de nombreux êtres humains, et sûrement davantage d’animaux. Ils sont des prédateurs. C’est leur nature de tuer. Nous ne pouvons tolérer qu’ils viennent modifier l’ordre établi de notre société, celui de notre chaîne alimentaire. Préalablement, il y a eu les Toppees, et avant eux, les Malluts, d’autres Ke-Lings et des créatures solitaires au cours des siècles passés. Des naufragés que leur crainte des hommes a poussé à tuer. Éventuellement des éclaireurs venus étudier le meilleur moyen d’éradiquer ce qui vit sur la Terre ou d’en exterminer les dominants, nous, et prendre notre place. Que sais-je ? Nous sommes le dernier rempart… le seul, face à ce genre de danger, et nous ne devons pas remettre en cause la légitimité de notre mission. Ne dormez-vous pas mieux en sachant que les menaces réelles sont éradiquées, et que les potentielles sont neutralisées, placées sous haute surveillance ?

Le jeune homme ne répondit rien.

— Ne dormez-vous pas mieux ? insista Lafferty en élevant le ton.

Ce qui n’était pas son habitude.

Son interlocuteur sursauta.

L’instant suivant, l’irlandais se retourna vers son collaborateur toujours surpris par son brutal changement d’humeur. Il avait un regard dur, et son visage affichait une volonté implacable.

L’anglais ne battit pas en retraite.

— Non, monsieur. Pas depuis que je sais qu’il existe une autre réalité. Je ne cesse de me demander quand l’un de ces fichus explorateurs, aventuriers, archéologues, ou je ne sais qui, tombera sur l’un des camps d’expérimentation du CENKT, ou dénichera un artefact non terrestre qui attirera au mieux des curieux, au pire de nouveaux visiteurs, ou bien déclenchera une pandémie en entrant en contact avec une créature infectée par une maladie inconnue. Je ne cesse de me demander quand nous devrons affronter l’invasion contre laquelle nous ne pourrons pas lutter, et ce que ces envahisseurs nous feront lorsqu’ils apprendront le sort réservé à ceux qui les ont précédés. Et je ne cesse de me demander ce que dira l’opinion publique lorsqu’elle découvrira… Nous pardonnera-t-elle de l’avoir tenue dans l’ignorance ? Non, monsieur, je ne dors ni beaucoup, ni bien.

Lafferty avait écouté, le visage impassible. Il connaissait les craintes de Dorcas parce qu’elles avaient été les siennes. Elles l’étaient toujours.

— Chaque menace en son temps. S’ils comprenaient ce dont nous sommes réellement capables, ils n’essaieraient pas de nous envahir. Vous devriez passer un moment avec notre scientifique. Une discussion avec lui vous remonterait le moral. Il a des théories intéressantes sur l’évolution de la vie. D’après lui, nous ne devons pas craindre l’avenir si nous avons une idée de ce qu’il peut nous réserver. Nous le pouvons en étudiant le passé et le présent. Il pense que nos “invités” peuvent nous en apprendre énormément, sur eux, et sur nous. Vous pourriez lui apporter personnellement les spécimens de Kelings que nous lui avons réservé pour ses études.

Dorcas allait se retirer. Lafferty le retint d’une main solide posée sur son épaule :

— Assurez-vous personnellement, cette fois, que ces spécimens soient bien morts. Quand il aura terminé, brûlez les dépouilles, mettez les cendres à l’intérieur d’une boite scellée et rapportez-la, personnellement, au Fort.


(À suivre…)
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https://www.scribay.com/text/1253942674/l-o...urs--1--esmelia

et

http://le-multivers.forumpro.fr/t5657-l-or...eurs-odp-tome-1
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