
PS: j'ai terminé ceci en urgence et en état d'extrême fatigue, donc pardonnez les éventuelles fautes d'accord, de syntaxe...

Prémices, grandeur et décadence de la science-fiction au cinéma et à la télévision
Prémices
Passionné de science-fiction et de fantastique depuis longtemps, le choix de l’option cinéma-audiovisuel m’avait laissé caresser le rêve de pouvoir apprendre quantité d’informations sur le thème de la science-fiction à l’écran, et de ses œuvres majeures. Je fus, en réalité, quelque peu déçu ; après deux ans de cours, ce thème était hélas demeuré pour le moins marginal au sein de notre étude. Certes, nous avions visionné Brazil et Zardoz. Toutefois, est-il besoin de dire que cette timide entrée en matière s’était trouvée loin de satisfaire les appétits d’un jeune passionné ? Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, c’est la recherche personnelle qui combla ce manque.
De cette recherche, naquit un sentiment pour le moins frustrant : la sensation d’avoir, de par mon âge, manqué le meilleur au moment où celui-ci était en vogue, la sensation d‘être arrivé trop tard. De manière explicite, un amateur qui, en terme de science-fiction, ne trouvera au cinéma que Transformers et autres Alien Versus Predator, peut-il se représenter ce que signifiait voir Alien ou Blade Runner sur grand écran ? Aujourd’hui, ce genre étant trop souvent réduit à la soupe commerciale voulue par les chaînes et les studios, force est de constater que « regarder un film culte », en matière de science-fiction, nous renvoie huit fois sur dix bien loin dans le passé –à l’échelle du monde du cinéma, bien sûr-.
Durant la première moitié du vingtième siècle, ce genre ne revêtait pas encore la forme que l’on lui connait aujourd’hui. On parlait d’anticipation et de scientifiction, et elle ne possédait pas d’identité propre extrêmement marquée au cinéma. Elle y naquit probablement avec Le voyage dans la Lune de Méliès en 1902, qui fut suivi de quelques films expressionnistes, aujourd’hui encore au-delà de toute caricature. Au sujet d’extraits de tels films visionnés en classe, notre professeur nous dit que le meilleur moyen de résister au temps pour ce type de film, était de jouer sur la sobriété. (Encore aujourd’hui, on repense au remake de Solaris sorti en 2002 par Soderbergh : des personnages évoluent dans un cadre chic, aisé, mais aussi très sobre, et qui pourrait tout à fait se trouver être New York en l’an 2000 ; jusqu’à ce que le héros, un psychiatre, soit embauché en orbite de la planète Solaris comme si c'était normal, et courant) Plus tard, en 1927, Fritz Lang signa son Métropolis, et de fait, il insuffla d’emblée au genre une crédibilité, en réalisant un film grave sur la condition sociale, l’aliénation par le travail, le fossé entre les classes. Autour de cela, d’autres films ne relevaient pas de science-fiction mais participèrent à l’édification du genre en y préparant des effets spéciaux, tel le Nosferatu en 1922 et le Faust en 1926, tous deux de Murnau.
Pourtant, la science-fiction au cinéma ne sortit réellement des limbes, en tant que genre précis, qu’au début des années 50. Elle ne revêtait presque que, alors, la forme d’un instrument de propagande politique, où l’on s'attendait presque, en somme, à voir les belliqueux extraterrestres le couteau entre les dents, brandissant le marteau dans un tentacule et la faucille dans un autre.
Difficile, aujourd’hui, de porter un regard appliqué sur la science-fiction de cette époque, tant la synthèse des anciens jeux d’acteur, des effets spéciaux révolus et du contenu propagandiste daté peut parfois sembler indigeste. Très nettement inspiré de la déferlante OVNI induite par le témoignage de Kenneth Arnold et l’incident de Roswell, des films tel que Les soucoupes volantes attaquent avec son célèbre « Surveillez le ciel », signé en 1956 par Sears, en sont une parfaite illustration.
Citons également La guerre de mondes de 1953, film adapté de l’œuvre de Wells et dans laquelle Haskin, en plus de surfer sur les spectres de troisième guerre mondiale de l’époque, va bourrer une dimension chrétienne des plus indigestes ; introduisant par exemple les parallèles bibliques tel que l’alternance construction/déconstruction en six jours, mais aussi choisissant un montage tel que les Martiens vont trépasser à la minute même après que le gratin de l’Amérique correcte soit allée se réfugier dans une église pour implorer Dieu d’un miracle ! Quand bien même la forme de l’œuvre originelle était respectée sur une optique linéaire, le propos de Wells –anticolonialiste, et dans lequel « Dieu, dans sa sagesse » était au mieux une inspiration discrète et paisible, plus déiste que cléricale, et au pire une simple figure de style- avait ainsi été remplacé, par le jeu du montage et des sous-entendus des dialogues, en un propos se contentant de vanter l’Amérique Chrétienne et ses valeurs, protégée par Dieu face aux hordes venues de l’extérieur, un peu rouges en particulier.
Toutefois, en adaptant l’un des pères de la science-fiction en général, La guerre des mondes faisait déjà preuve de davantage d’originalité qu’un « film à soucoupes volantes » basique. Le design même des croissants Martiens de Haskin demeure, encore aujourd’hui, unique.
De surcroit, naquirent également des créations apolitisées, poétiques, pacifistes, au propos novateur, voire même de pur divertissement, qui annonçaient déjà le potentiel extraordinaire pour l’avenir, porté par la science-fiction. Ainsi, pas un rouge à l’horizon dans le singulier Les survivants de l’infini porté à l’écran par Newman en 1955 ; film qui, aujourd’hui, s’avère bien entendu scientifiquement ridicule sur la plupart des points avancés, (Aliens anthropomorphisés, une pluie d’astéroïdes transformant une planète en petite étoile…) mais qui demeurait, pour l’époque, une bouffée de fraicheur déjà encourageante pour ce qui était du strict point de vue narratif. Citons aussi La planète des tempêtes, de Klushantsev, film de 1962 réalisé en URSS mais intégrant pourtant une dose plus que minimale de propos politique sous-jacent. De surcroit, le seul américain de l’équipe ne serait pas caricaturé, et ne trahirait pas ses « camarades » ! Rappelant quelque peu le style narratif de La machine à explorer le temps de Wells, le film ne possèdait pas de nœud dramatique majeur à la manière d’une panne à réparer, d’un traitre à démasquer, d’un compte-à-rebours à vaincre, ou encore d’une colonie de bestioles à repousser. En bons explorateurs, les cosmonautes se contentaient donc… d’explorer, et une planète Vénus des plus pulp s’il vous plaît, (admettons que « l’étoile du berger » est bien plus sympathique avec des ptérodactyles que telle que nous la connaissons dans la réalité) et le spectateur de l’explorer avec eux.
Quelques années plus tôt, en 1956 plus précisément, le Planète interdite de Wilcox, l'un des premiers films de science-fiction en couleur et format cinémascope, marqua les esprits avec son célèbre monstre invisible et son mythique Robbie. Lui aussi nous épargnera la guerre froide interplanétaire, et c’est pour notre plaisir que, pour la première fois ou presque, l’on verra la science-fiction illustrer des réflexions autour du ça Freudien, des pulsions de l’inconscient.
Impossible également de rédiger cette synthèse sans citer Le jour où la Terre s’arrêta, film de Wise sorti en 1951 et où la lassitude de certains à l’encontre des deux Grands se traduisait déjà par un propos antimilitariste fustigeant la prolifération nucléaire et la paranoïa ambiante de tout le monde. Force est de constater que les messages de paix passent mieux lorsque ce sont d’invincibles robots géants qui en sont porteurs.
Les années se poursuivirent tranquillement, apportant leur lot de films rendus ridicule ou attendrissant par le temps, gagnant ou non leurs lettres de postérité en fonction de leurs particularités. C’était l’époque des Envahisseurs de la planète rouge, Alerte dans le cosmos (irregardable ?) et autres Amazing Stories (un magazine de B.D) démocratisant la science-fiction à 20 cents par le biais des « comics », dont le monde déjanté et ultra kitsh, mêlant science pas crédible, costumes futuristes ne ressemblant à rien et vêtements antiques, allait commencer à se décanter. Cette période « d’infusion » devait mener à l’âge d’or du thème que nous abordons.
Montée en puissance et âge d’or
La science-fiction contamina le petit écran, notamment, en 1963, avec l’increvable Docteur Who de Newman et Wilson, qui encore aujourd’hui, fait les beaux jours de la science-fiction so british. On notait donc une opposition entre la science-fiction occasionnant l’irruption des autres mondes sur notre Terre contemporaine, et les autres, nous portant « vers l’infini et au-delà » dans l’espace et le temps. Illustration de ce fait, les années 60 marquèrent également la naissance de Star Trek, de son monde ultra utopique et de son ultime frontière, le monument télévisuel par excellence. La série originale payerai son statut de pionnier plus tard, puisque l’on s’accorde généralement à dire, aujourd’hui, qu’elle a mal vieilli : il demeure néanmoins qu’elle fut un pivot sans précédant, la preuve que la science-fiction murissait, grandissait bel et bien, s’écartant de ses origines maladroites pour atteindre une prestance populaire massivement diffusée. Le meilleur était pourtant encore à venir…
Seventies et Eighties marquaient le temps de la consécration: à la télévision, parut dés 1967 la série culte Les Envahisseurs qui, si elle revenait certes aux racines de la guerre froide et de la théorie des dominos, le faisait avec une maturité et un savoir faire en grande partie purgée de ce qui caractérisait cette thématique dans ses premiers temps.
L’année suivante fut prolifique. D’une part sortit La planète des Singes, film culte de Schaffner, avec Charlton Eston dans le rôle principal, pour parler de la nature Humaine, de l’intelligence et de la conscience; pour renvoyer l’Occident à son passé de l’Inquisition et de l’obscurantisme; mais aussi pour critiquer crument l’ère atomique, au travers d’une fresque post-apocalyptique des plus osées. Ce seul film marquera davantage que les opus suivants au cinéma et la petite série télévisée qui y firent suite, ou même que le lointain remake par Burton. D’autre part, 1968 fut aussi l’année où Kubrick donna naissance à 2001, l’odyssée de l’espace, en collaboration avec Clark. Fort de sa sobriété scientifique et techniciste plus crédible que jamais auparavant, le film, des plus « sérieux », était une fable métaphysique, poétique et philosophique. Un chef d’œuvre sans pareil abordant sur fond de voyage spatial pas moins réaliste que la NASA ne l’aurait souhaité, la question du temps universel et objectif, de la place de l’Homme dans l’univers et de l’illusion de la nature Humaine, mais aussi de la vie artificielle, de la vie après la mort, et finalement, pas moins que de l’élévation de l’esprit au-delà de l’espace-temps, et donc, la divinité. 2001 n’était pas qu’un film. Il était la science-fiction qui gagne définitivement ses lettres de noblesse, son droit de cité. Et pour quelques temps encore, elle ne s’arrêterait pas en si bon chemin.
Déjà, auparavant, la science-fiction avait posé la question du pacifisme, du renoncement à la prolifération atomique. Elle avait donné naissance au post-apocalyptique, dont Zardoz, le film de Boorman en 1974 (Terre de nouveau primitive après la fin du monde, survolée par un vaisseau de pierre) avec Connery dans le rôle principal ou La planète des Singes de 1968, étaient parmi les représentants les plus originaux. Cette question du péril atomique allait se doubler de peurs nouvelles : hommes et femmes asservis par la manipulation génétique, le travail à la chaîne et autres ordinateurs tout puissants s’y juxtaposèrent, jetant les bases de l’un des plus prolifiques sous-genres de la science-fiction : le Cyberpunk ! Qui s‘interrogerait sans cesse sur l’impact de la technologie nouvelle –cybernétique, atomique, génétique et informatique- sur la nature Humaine et la représentation du réel.
En 1971, Georges Lucas revisita Métropolis pour aborder, dans THX 1138, la question de cet Homme devenu esclave, bétail, voire robot organique, de manière encore plus violente que les habitants de la cité souterraine chez Lang. En 1972, Silent Running de Trumbull, avec ses jungles sous serre, en orbite autour d’une Terre morte, était encore dans la lancée du Jour où la Terre s’arrêta, lancée qui renaîtrait d’ailleurs régulièrement jusqu’à la chute du Mur. On peut de surcroît remarquer que nous avions, par exemple, entre Zardoz et Silent Running, deux mondes qui, tout étant tant tout deux des films post-apocalyptiques, étaient pratiquement le contraire l’un de l’autre, illustrant les infinis horizons de réflexion ouvert par cette science-fiction qui, à ses débuts, ne s’était pas faite appeler « anticipation » pour rien.
En 1975, Cosmos 1999 donna une seconde vie à l’esthétique de 2001 d’un côté, ressuscita la culture pulp comics de l’autre. Populaire et thermomètre pertinent de la société, il n’était plus d’actualité de se moquer de la science-fiction.
L’année 1977 fut celle d’un raz-de-marée au box-office. Un jeune cinéaste lutant seul contre la loi des studios anéantit tous les pronostics avec La Guerre des étoiles, film dont l’essence, extraite des comics pulp dont il raffolait (Flash, ou Guy l’Eclair pour les franchouillards) aurait pu être un handicap ; en fait, Star Wars, de Georges Lucas, tira justement sa crédibilité de sa capacité à apprivoiser, crédibiliser, faire mûrir le pulp, en lui donnant sa forme plus actuelle de space-opéra. Malgré son essence de comics à 20 cents, Star Wars n’était pas un divertissement vide de sens. Ce premier opus, et ceux qui suivirent en 80 et 83, renvoyaient de manière viscérale aux souvenirs laissés par l’Axe. Plusieurs de ses éléments relevaient également de la psychanalyse et de la philosophie, se laissant analyser dans l’optique du complexe d’Oedipe et du ça Freudien, mais aussi du Léviathan de Hobbes, ou encore de Chronos dans la mythologie. La chute de Dark Vador était-elle à rapprocher de l’erreur de Lucifer, ou du pacte de dépit de Johan Faust ? Certains le théorisèrent effectivement.
Cherchant à profiter de la vague Star Wars, des séries s’en inspirant plus ou moins naquirent dans la foulée : Battlestar Galactica en 1978, par exemple, ou encore San Ku Kaï en 1979.
Mais la science-fiction au cinéma et à la télévision n’avait pas encore épuisé son âge d’or. La même année que le premier Star Wars, Spielberg avait diffusé son fameux Rencontre du troisième type, où sa patte pacifiste encore souvent à contre-courant se faisait déjà sentir, tout en revenant aux racines du mythe des OVNIS et de leurs pilotes « Petits Gris ». En 1979, même 007 allait dans l’espace, avec Moonraker et ses soldats-cosmonautes ouvrant le feu contre des navettes spatiales, type de film que je me plais à classer dans la mouvance de ce que j’appellerais le « punk atomique » selon une expression de mon cru : relatif à un univers rétro de type guerre froide, à l’Histoire parfois uchronique, toujours coutumier de technologies hors-temps, extravagantes et avancées. Tel que des engins dédiés au voyage temporel ou au contrôle mental, des gadgets improbables et des satellites de guerre.
La décennie des années 70, enfin, eut la chance de se clore sur pas moins que Alien, le huitième passager de Ridley Scott en 1979. Ce chef d’œuvre qui aura aussi marqué par son esthétique (la créature de Giger, le Nostromo, la planète étrangère et l’épave extraterrestre) illustrait en fait la pulsion. Dans un vaisseau qui serait un esprit ou un cerveau, l’Alien symbolisait la chose rampante tapie en chacun de nous, qui, lorsqu’elle « sort », (dixit la scène du repas) fait du mal aux autres. Quelle chose ? Le viol, (voire la scène ambiguë à ce sujet) l’intégrisme, le fascisme… pourtant, face à ce « ça », nous avions l’ordinateur central « Maman » et l’androïde Ash, qui eux, évoquaient peut-être un surmoi qui, lui aussi, fait parfois violence à l’être, lorsque arrive le point où celui-ci se retrouve systématiquement hésitant, paralysé, culpabilisé en toute chose qu’il entreprend, à cause du poids exagéré de son « conditionnement », de l’éducation familiale, sociale et empirique qu’il a reçu au détriment de sa liberté d’être et de sa confiance en lui.
La décennie des années 80 fut, elle aussi, prodigieusement prolifique. Avec deux Star Wars, certes, mais aussi avec, en 1981, le Outland de Hyams, magistrale transposition d’un western dans le cadre d’une station minière recroquevillée sur Io. Hyams reprendra nettement ce type d’esthétique pour tourner 2010, l’année du premier contact en 1984, suite de 2001. Celle-ci, beaucoup moins métaphysique et beaucoup plus terre à terre, donnera malgré tout un film puissant et creusé, au propos politique courant mais bien illustré, et porteur de réflexions adjacentes sur l’être, le pardon, l'amour, la dimension vaine du patriotisme, et à nouveau, le temps universel et objectif, si hypnotisant et vertigineux.
L’année suivante, Gilliam produisit le fantasque Brazil, plongée sans retour possible sous l’oeil d’un Big Brother, dans un effrayant univers kafkaïen et totalitaire. Gilliam offrit un film prenant, intelligent, onirique, et dont l’esthétique exacerbée ne pouvait laisser indifférent.
En 1982, deux antipodes de « l’autre » venu d’ailleurs se manifestèrent : d’une part la récidive de Spielberg à propos des aliens pacifistes et amicaux, avec E.T, l’extraterrestre, « conte au coin du feu » moderne, illustrant de nouveau la paranoïa, la maladresse, d’une Humanité aux choix grossiers et aveugles, toujours prompte à transformer en guerre le bonheur qui se trouve entre ses mains, mais finalement pardonnée et remise sur les rails. On peut trouver le film très beau ou très naïf ; en tout cas, cette histoire pour faire de beaux rêves était à peu près le contraire de son jumeau maléfique de 1982, The Thing de Carpenter, film probablement déconseillé par la SPA et où Kurt Russel affronta, non sans d’impressionnants effets spéciaux, un nouvel « Alien » qui avait la particularité de singer à la perfection la forme des êtres, occasionnant de ce fait une tension dramatique à la limite du tolérable pour certains spectateurs.
Sans conteste possible l’un des meilleurs films jamais réalisés sur la paranoïa, et impossible, en le regardant, d’échapper à la question suivante : au final, qu’était vraiment la Chose? En réalité, elle est l’idéologie X ou Y ; elle est le VIH ou un autre virus ; elle est la pulsion ou la folie ; elle est l’ambition ou la perte de repères ; elle est la bêtise ou le désespoir ; elle est un extraterrestre grimaçant aux tentacules étrangleurs ou notre voisin de palier. Elle est ni plus ni moins tout cela à la fois ; c’est bien là le problème, avec la Chose.
Quelle belle année pour la science-fiction que 1982 ! Car elle fut aussi l’année de Blade Runner, autre film de Scott, métrage culte symbolisant parfaitement la mouvance Cyberpunk. Fidèle au mouvement auquel il appartient, le film dépeint le cauchemar d’un monde radioactif, pollué, ombrageux et surpeuplé, ou la question de l’Humanité et de Dieu se pose plus que jamais après la naissance d’une espèce Humaine artificielle sur le point de s’éveiller à elle-même et de demander des comptes. C’est également un film de société avec les allusions à la religion, à la condition de la femme, et à la société de consommation.
1982 fut également l’année du post-apocalyptique Mad Max de Miller, critique de la société occidentale portant particulièrement sur la place accordée au pétrole –considéré, à raison, comme l’un des éléments pivots pour notre avenir géopolitique, nous le sentons encore passer actuellement, au JT et à la pompe- mais aussi l’abandon des masses, qui, dans leur désœuvrement, tombent soit dans la pauvreté, soit dans le crime de grand chemin… le film inspirera Waterworld avec Kevin Kostner, treize ans plus tard, inversant la forme (du désert à l’océan) mais conservant le fond.
E.T, The Thing, Blade Runner, Mad Max, mais encore? Mais encore TRON, de Lisberger, qui étonnamment, s’avérait être une production Disney. Cette perle Cyberpunk fut une petite révolution car jamais un film, auparavant, n’avait osé aller aussi loin dans les images de synthèse. Il s’agissait de surcroît d’une vue poignante sur un univers sacrifié à l’ordinateur-dieu, où le monde virtuel avait fini par devenir aussi réel que le tangible, et où l’Humain lui-même pouvait se perdre, littéralement, à l’intérieur de la machine.
L’année suivante, 1983, fut l’occasion de voir V, la série de Johnson, apparaître sur les petits écrans et régler ses comptes avec le colonialisme, le fascisme au sens large, et les mensonges d’état.
1984, quant à elle, opéra un joli retour au Cyberpunk avec la sortie de The Terminator de Cameron, avec, encore et toujours, une certaine peur du futur : guerre atomique, Humanité déboulonnée, ordinateur-dieu et surtout le cyborg, le robot à la peau synthétique, ou la colonisation du vivant par le faux… Vidéodrome, un film de Cronenberg, sortit la même année pour plonger le spectateur au cœur d’un labyrinthe où réel et irréel ne se discernaient plus l’un de l’autre, tant l’image, la manipulation du réel et le virtuel étaient devenu courants dans le monde du quotidien.
1984 fut également l’année du Dune de Lynch, première adaptation sur écran de l’œuvre mythique de Herbert. Ultra condensé et personnel, il faut admettre que celui-ci était très loin de se trouver accessible à n’importe qui.
En 1986, Cameron poursuivit sa carrière en tournant la séquelle du Huitième passager, c'est-à-dire Aliens, le retour. Le film, fidèle à son prédécesseur, se révéla porteur d’une esthétique forte, cette esthétique mécanoïde de cambouis, de tuyères, de rouille, à tel point antagoniste d’un univers aseptisé comme celui de Star Trek (qui, depuis tout ce temps, poursuivait toujours tranquillement sa carrière avec quantités de films et de séries dérivées) et si fidèle à l’esprit du premier métrage. Du film d’angoisse, on passa au film de guerre, mais Cameron maîtrisa la transition. Cette fois-ci, le film parla de maternité et d’évolution ; il en parla bien.
1987 fut l’année de Predator, mix inattendu de Rambo et de Alien (en réalité, inspiré de Terreur Extraterrestre où l’alien était d’ailleurs joué par le même acteur que pour le personnage du Predator) qui brassa astucieusement les genres, puisque pendant pratiquement la moitié du film, McThiernan nous avait laissé croire à un nouveau film de guerre avec poncifs et longs massacres de guérilleros à la mitrailleuse. Ici, le Predator incarnait finalement la nature elle-même, cette nature qui, n’en déplaise à Descartes, prouve à chaque séisme, à chaque tsunami, son pouvoir inchangé sur l’être Humain qui n’en est ni maître ni possesseur. Sa suite de 1990 par Hopkins, bien que divertissant, ne changerait guère de propos.
1988, lui, apporta Hellraiser, le pacte, film dans un genre autre mais tout de même proche : esthétiquement marqué et délicieusement incorrect.
En 1989, Cameron tourna Abyss dans la lignée de 2010; l’un des derniers grands films de science-fiction ayant pour thème l’invitation à la réconciliation Est/Ouest, réconciliation « encouragée » par des extraterrestres faisant la preuve de leur pouvoir contre lequel l’Humanité ne peut rien ; en cela, les bâtisseurs du monolithe noir et les fées sous-marines sont peut-être à rapprocher sous le même symbole, celui de « la force » ; c'est-à-dire, probablement, la force nucléaire ou la guerre, et au final, la mort elle-même, qui « mettra tout le monde d’accord » si les Hommes ne choisissent pas de se calmer eux-mêmes.
Alien3 de Fincher, en 1992, et Alien Résurrection de Jeunet, en 1997, décevraient malgré leurs qualités. Au premier, l’on reprocha une forme de mépris à l’encontre du background de Alien et Aliens, ainsi que des longueurs, trop de cynisme, et surtout une thématique religieuse, christique, qui se révéla trop nébuleuse, si bien que l’on ne comprit pas très bien où, comment et pourquoi, dans le film, elle s’exprimait. Quant au dernier opus, on lui reprocha des incohérences narratives avec ses grands frères, et une trame trop « bourrine », malgré le thème intéressant abordé par Jeunet, à savoir la science sans conscience.
Il est à noter, également, que les opus 3 et 4 reproduisaient le tandem angoisse/guerre des deux premiers, mais beaucoup pensent que cet état de fait ne fut pas à leur avantage.
Ouvrons une rapide parenthèse pour évoquer le steampunk, ou, littéralement, punk à vapeur : si l’on se place du point de vue de la définition la plus large portant sur le thème, il se divise en deux phases : rétrospectivement, l’œuvre des pionniers tel que Wells et Verne ; puis, dans un second temps, des créateurs plus contemporains, qui en ont, sciemment, récupéré l’ambiance particulière, pour reconstituer des sociétés victoriennes alternatives au sein desquelles les fantasmes futuristes du passé (dirigeables, vapeur, automates…) ont bel et bien atteint l’efficacité de notre technologie moderne. Ce sous-genre a hélas trouvé bien peu de moyens de s’exprimer à l’écran : majoritairement, le cinéma se contenta d’aventures rétro esthétiquement un peu plus frileuses. (Le Continent des Homme-Poissons, Les premiers Hommes dans la Lune, 20 000 lieues sous les mers) Toutefois, on peut considérer que la série télévisée Les mystères de l’ouest et son remake tardif au cinéma, Wild Wild West, ou encore le blockbuster La ligue des gentlemen extraordinaires, comptent parmi les rares témoignages de steampunk à l’écran.
Chute et résistance
La fin de la décennie glorieuse marqua l’essoufflement de la science-fiction au cinéma, et sa contamination par la politique commerciale. N’y avait-il plus rien à dire sur la science-fiction ? S’était-il passé quelque chose, quelque part ? Y avait-il de moins en moins de films, de moins en moins de bons films, ou alors trop de mauvais pour que les bons puissent dominer la scène ? On l’a dit en introduction, comment, après avoir vu 2001 et Alien au cinéma, pouvait-on supporter d’aller voir Transformers? Film « pour jeune » par excellence, où des robots extraterrestres titanesques trouveront la motivation de se cacher dans le jardin dans des positions burlesques, afin d’éviter de se faire voir par les parents du jeune héros ; et où ces mêmes robots géants, plutôt que d’entrer en contact avec le pouvoir en place quand bien même cela leur faciliterait la tâche, préféreront garder pour seul contact un lycéen paumé lamda, et risquer pratiquement, pour cela, un état de guerre. La morale ? « même si tu es moche, toi aussi, tu peux te taper la bonasse du lycée sur le capot d’une belle caisse ».
Dans un autre genre, nous aurons également Indépendance Day et autre Armageddon, où le monde implorant se ralliera tout joyeux à la bannière américaine pour combattre, quoi qu’il faille combattre. Le président des Etats-Unis lui-même prendra la tête d’un F-16, et quelqu’un se sacrifiera à la fin.
Pourquoi ne pas citer, pendant que l’on y est, les Aliens et Predator, monstres sacrés du cinéma, réduits à tenir le rôle de vulgaires zombies bouffeurs de teenagers dans les deux tristement célèbres AvP ? (avec un effet arrêt sur image Matrix, toujours) Il s’agit également du temps de l’adaptation sans fin des superhéros des comics Marvel, avec des débandades aussi mémorables que Hulk ou Les Quatre Fantastiques.
Parlons également d’un genre cousin : le merveilleux/fantasy. On notera, amusés, que depuis le succès simultané de Harry Potter à l’école des sorciers et La communauté de l’anneau il y a déjà quelques années, nous assistons, pour citer le site référence « Scifi-Universe », à Harry Potter à l’école du merchandising ou comment, depuis lors, nous refourguer chaque année le film médiéval fantastique de Noël : celui qui se vautre toujours au box-office, non sans avoir massacré un bon roman au passage.
Car il y a déjà un moment que s’exerce la dictature des chaînes et des studios sur le monde de l’imaginaire. Citons par exemple les excellentes séries télévisées Firefly et Ultime Croisade, tuées dans l’œuf par des chaines aux conceptions artistiques lamentables.
Outre atlantique, des séries télévisées tel que Stargate Atlantis, sans cohérence ni scénario, sont reconduites indéfiniment ; en France, lorsque les chaînes nationales veulent faire de la science-fiction, cela donne les « sagas de l’été », Mystère, La prophétie d’Avignon ou autre programme vomissable, à rougir ou à palir. Dans un tel contexte, pas étonnant, finalement, que la science-fiction redevienne sujet à des sourires moqueurs ; que l’amateur de science-fiction redevienne le geek, et que dans la presse et sur le net, la science-fiction se mêle au fantasy, au fantastique, au merveilleux, à l’horreur… pour survivre. Ainsi « L’écran fantastique », « Madmovies », « Scifi-Universe », bien que nominalement attachés à une « enseigne » en particulier, se révèlent généralistes, et consacré à l’intégralité d’un cinéma que l’on pourrait qualifier, non sans imperfection, d’un imaginaire anticipatif et/ou baroque.
Il serait faux, pour autant, de prétendre que la science-fiction est totalement tombée entre l’oubli et la médiocrité au cours de cette décennie, et notamment grâce au travail artistique portant sur les séries télévisées. Celui de Carter, sur X-Files, de 1993 à 2002, constitue pas moins que l'une des plus longues séries télévisées dans la catégorie science-fiction, pour un background, des thèmes et une réputation, devenus légendaires. 1993 fut également l’époque de Babylon 5, pionnière en matière d’effets spéciaux numériques ; bien que caractérisé par des effets spéciaux beaux mais pas toujours crédibles, et bien que le jeu de ses acteurs soit parfois jugé « rétro », la fresque galactique de Straczynski fut massivement reconnue dans l’ensemble du milieu pour l’extraordinaire finesse de ses intrigues, la perfection millimétrée de sa cohérence, et la richesse sans fond de son univers.
L’australienne Farscape, de O’Bannon, rejoignit également le cercle de ces séries monumentales à partir de 1999, pour son esthétique follement et délicieusement baroque. Citons aussi Stargate SG-1, de Wright et Glassner, pour un aspect techno-antique des plus fascinants.
De par l’impact sans précédent de cette saga dans le passé, il nous incombe, ici, de revenir brièvement sur ce que donna la suite de l’épopée Star Wars dans l’audiovisuel : bien que n’ayant connu que des cartons au box-office, la « prélogie » fut, il faut le dire, une déception chez la plupart des fans chevronnés, pour qui Lucas avait succombé à Dark Pognon ;
Pourquoi la fièvre du tout numérique qui serait dépassé d’ici dix ans ? N’était-il pas normal que les acteurs soient moyens puisque, en caricaturant à peine, ils en avaient pratiquement été réduits à jouer nu, la peau peinte en bleu, sur un fond vert ? Les trois préquelles, dans leur folie numérique, avait atteint un tel irréalisme des cascades que l’on s’attendait presque à voir McGregor ou un autre se tourner vers la caméra et demander au spectateur : « ça vous plait ? Vous en voulez plus ? » La nouvelle trilogie fut aussi l’occasion pour les fans de se demander si Lucas n’avait pas bel et bien tapé dans le tout commercial en introduisant, par exemple, le personnage de Jar Jar Binks, visiblement pensé pour amuser les jeunes enfants. (Jar Jar marche dans les fèces, une bestiolle flatule dans la gueule de Jar Jar…)
Les nouveaux épisodes de Star Wars, uniquement la démonstration d’un Lucas ayant rallié les méthodes des studios qu’il avait si bien combattu –et humilié- vingt ans plus tôt ? Pas seulement. Le nouvel horizon présenté dans la saga fut aussi l’occasion de dépeindre l’actualité de notre monde : lobbyings commerciaux inhumains, spéculateurs de l’ombre et démocraties déliquescentes sont nichés à tous les détours de cette création incontestablement de son temps.
Beaucoup accusèrent Spielberg d’avoir chuté dans la même facilité commerciale, consensuelle et puérile que Lucas; à titre personnel, je ne pense pas que cela soit tout à fait exact, bien qu’il ressorte sans conteste des symptômes troublants (prenons quelques uns des gags et des cascades d’Indiana Jones et le royaume du crâne de cristal) car le cinéaste fut aussi au nombre des lueurs dans cette décennie, avec des créations peut-être moins profondes mais toujours plaisantes, (Trilogie Jurassic Parc) parfois de multiples autocitations (Rencontre du troisième type transparent dans Taken, ou, là encore, Indiana Jones 4) voire même des propos quelque peu désarticulés (A.I) mais aussi, -subjectivement- de grandes réussites. (Minority Report, La guerre des mondes, Taken…)
Car oui, du côté des salles obscures, la résistance fut réelle. Citons par exemple le cinéma de Verhoeven avec le baroque Total Recall en 1990, le cyberpunk Robocop en 1987, et, bien sûr, l’antimilitariste cinglant Starship Troopers en 1997. Ailleurs, Tim Burton et son anti ID4, le célèbre Mars Attacks ! mal reçu aux Etats-Unis, fit acte de présence. D’autres, comme Emmerich, (pourtant auteur de ID4) créèrent de bonnes surprises. (Stargate)
D’autre part, il faut être juste et savoir reconnaître également que la recette hollywoodienne a aussi su, parfois, donner des résultats convenables. A ce tarif, la trilogie Matrix des frères Wachowski ou encore I, Robot, de Proyas, bien que relativement « lisses », sont effectivement de quasi sans faute, en tant que produits de recette hollywoodienne. Cela ne gommera pas, par exemple, l’abasourdissante séquence de pub pour Converse dans I, Robot… Ceci dit, un réalisateur comme Proyas, en particulier, peut se permettre un hollywoodisme (De surcroît, l’un des mieux réussis de tous) après avoir fait la preuve, sur un film comme Dark City en 1998, (perle lorgnant du côté de Métropolis) de sa capacité à signer une œuvre personnelle, salée, et pertinente.
Quelle conclusion tirer de tout ceci ? Personnellement, il me semble en fait que, comme supposé ci-dessus, ces dernières années n’aient pas tant été moins prolifiques en œuvres de science-fiction réussies, que parasitées par une immense déferlante sans art et ultra commerciale, à même d’asphyxier sous son faste bling bling le cœur véritable de la production cinématographique et télévisuelle de ces temps derniers.
Et l’avenir ? Il faut bien dire que l’actuelle vague commerciale ne semble pas, globalement, sur le point de se fendre (à l’exception notable des productions des catégories fantasy et comics-superhéros) mais malgré tout, il semble qu’il demeure toujours l’un ou l’autre créateur pour sauver les meubles et permettre à la science-fiction de surnager. Certains films futur s’annoncent d’ore et déjà orignaux dans leur genre (Outlander : « Predator chez les vikings », titrait Madmovies ; ou encore Speed Racer, adaptation d’un dessin animé Japonais qui manifestement, ne brillera pas pour son aspect cérébral, mais dont l’esthétique exotico-virtuelle et ultra flashy, à faire passer 2046 et Le cinquième élément pour le sinistre incarné, ne pourra que se révéler intéressante, au moins en elle-même)
Des créations de la puissance du Battlestar Galactica de 2003 par Moore, (considérée comme un nouveau sommet à la télévision pour une série en terme d’ombre et de maturité) ou du nouveau Docteur Who, bouffée de fraicheur au décapant humour britannique et aux cyniques paraboles pince-sans-rires, sont peut-être ici pour nous faire comprendre qu’à moyen terme, l’espace de la science-fiction « digne » demeurera le petit écran.