Effet Papillon ~ Tome II

EvilLoki
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

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CITATION Si vous avez des idées quant aux solutions pour maintenir secret un projet coûtant des centaines de milliards, impliquant près de cent mille personnes de toutes nationalités et professions et consommant pas mal de ressources planétaires, je suis preneur.
Bon, avant toutes choses et comme tu le dis, ce n'est pas strictement impossible mais quand même extrêmement improbable. Cela dis, un petit exercice de politique-fiction est toujours sympathique. Bref, pour garder le secret, il faut s'en donner les moyens, voila comment je vois les choses :

-Tout d'abord, il faut mettre en place des méthodes de sélection extrêmement drastiques et s'assurer de la pleine coopération des nouveaux entrants (car c'est le plus grand risque de fuite), quitte à utiliser certaines technologies d'effacement de la mémoire en cas de besoin pour ceux qui auront été mis au courant et qui refuse de garder le secret.
-Penser à tout révéler car c'est intenable.
-Les principaux industriels devront être mis au courant afin de bénéficier de leur soutien et de leurs capacités logistiques et s'assurer de leur entière coopération en leur faisant bénéficier de transfert de technologie qui les enrichiront. Cependant, cela m'apparait un peu dangereux sur le long terme.
-Penser à tout révéler car c'est intenable.
-S'assurer d'un véritable consensus chez les leaders politiques au risque de quelques "meurtres politiques" de ci de là.
-Un isolement complet des personnes au courant et cela sur de longues périodes. La base lunaire est un gros avantage de ce point de vu. Cependant, il va falloir engager à tour de bras des personnes compétentes pour créer des couvertures à tous ceux qui y participeront.
-Beaucoup de division des taches entre les entreprises et sinon, mettre au courant les décideurs de celle-ci.
-Penser à tout révéler car c'est intenable.
-Un contrôle total des communication et un gros travail de censure (bon, ça apparait quand même quasiment utopiste).
-S'assurer que Julian Assange reste bien en prison.
-Pour le budget, il faudrait arriver à masquer une partie des gains de productivité engendré par l'incorporation des technologie aliens et les ré-affecter au programme SG.
-Possibilité de révéler de petites choses pour justifier une partie de l'utilisation des ressources (création d'une base lunaire "normale", possibilité d'une vie extra-terrestre via SETI qui pousse à des recherches, ...). La technique d'avouer de petites choses pour en masquer de plus grosses à plus ou moins toujours marcher.
-Faire bien gaffe à ce qu'aucun Al'kesh ou autre viennent faire un petit survol de Manhattan, ce serait con de tout gâcher car 6 jaffas avait envie de faire un tour à Central Park.
- Et pour finir car sinon, je vais oublier, penser à tout révéler car c'est intenable.

Cela dis, il faudrait pour que cela tienne, que la Terre made in EP s'enfonce de plus en plus vers un régime type Night Watch. Par contre, une idée qui pourrait être intéressante ce serait de ré-écrire l'Histoire. Les autorités pourraient expliquer que la Porte n'a pas été ouverte pour la première fois en 1994, mais dans les années 2020/2030 et tout distiller en douceur. Dans EP la révélation du Programme devrait être la plus grande controverse qui agite les milieux politiques même si j'imagine que tu laisse un peu tout cela sous silence car tu n'a pas envie de traiter cet aspect.
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I am the master of my fate,
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Rufus Shinra
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Je suis malheureusement d'accord, EvilLoki, la situation devient assez intenable au niveau du secret. Personnellement, j'avais bien envisagé le coup de "modifier l'histoire", qui serait le plus avantageux pour tout le monde, à une exception près : les autres civilisations alien (jJffa, Lucian Alliance et autres) qui savent parfaitement quelle est la réalité et qui gagnent ce faisant un moyen de chantage sur les autorités politiques terriennes, menaçant de foutre la merde en révélant le mensonge.
CITATION -S'assurer d'un véritable consensus chez les leaders politiques au risque de quelques "meurtres politiques" de ci de là.
La principale raison de ne pas rendre public l'affaire est de shunter complètement une bonne partie des dirigeants de petits pays qui voudraient avoir leur mot à dire (démocratie ONUsienne, etc, etc), mais qui, dans les faits, n'ont aucune espèce d'influence à avoir sur le Programme. Méchant, pas politiquement correct, mais vrai. Dans le cas où l'un de ces dirigeants découvre l'affaire, il serait, à mon avis, contacté, pour lui signaler que toute fuite se terminerait par un accident à moyen-terme s'il parle et à très court terme s'il n'a pas encore parlé.
CITATION -Un contrôle total des communication et un gros travail de censure (bon, ça apparait quand même quasiment utopiste).
Ce qui importe, ici, c'est de contrôler le web, ce qui est, quoi qu'on en dise, assez faisable si on s'en donne les moyens. Ca pourrait être, ironie du sort, la principale contribution de la Chine au Programme, initialement.
CITATION -S'assurer que Julian Assange reste bien en prison.
Non, embaucher Julian Assange et lui donner les informations que l'on choisit.
CITATION -Pour le budget, il faudrait arriver à masquer une partie des gains de productivité engendré par l'incorporation des technologie aliens et les ré-affecter au programme SG.
C'est effectivement le cas dans EP. Pas mal de programmes militaires ne sont maintenus que pour la forme, avec la technique soviétique : faire croire à plus de navires que dans la réalité en changeant discrètement le numéro de coque d'un même navire. En gros, pas mal des projets les plus récents dans ces années 2010 sont beaucoup moins cher que prévus, à l'instar du F-35 et de l'A-400M, qui ont officiellement accumulé retard sur retard pour bouffer plus de ressources que nécessaires, transférées réellement vers le Programme.
CITATION -Faire bien gaffe à ce qu'aucun Al'kesh ou autre viennent faire un petit survol de Manhattan, ce serait con de tout gâcher car 6 jaffas avait envie de faire un tour à Central Park.
Dans ce cas, on active le neurolyseur de la Statue de la Liberté.

... Mauvais univers ?
CITATION -Les principaux industriels devront être mis au courant afin de bénéficier de leur soutien et de leurs capacités logistiques et s'assurer de leur entière coopération en leur faisant bénéficier de transfert de technologie qui les enrichiront. Cependant, cela m'apparait un peu dangereux sur le long terme.
Indispensable, malgré les dangers. Boeing, Apple, EADS, ce genre de compagnies ont toutes à présent un ou plusieurs bureaux bossant sur les technologies du Programme et les manières de les intégrer plus ou moins discrètement dans les produits "officiels".
CITATION -Tout d'abord, il faut mettre en place des méthodes de sélection extrêmement drastiques et s'assurer de la pleine coopération des nouveaux entrants (car c'est le plus grand risque de fuite), quitte à utiliser certaines technologies d'effacement de la mémoire en cas de besoin pour ceux qui auront été mis au courant et qui refuse de garder le secret.
Well, on va dire que le sujet a été abordé dans la fic. :-D


Quoi qu'il en soit, je prévois une annonce officielle au plus tard en 2030, 2040. L'idéal serait que les technologies aient déjà été en partie intégrées à la société civile et que des changements positifs majeurs aient été faits entretemps (lutte contre les maladies, pollution, pauvreté, absence de guerre sur Terre, respect basique des droits de l'Homme (je dis bien basiques, car il faut rester réaliste)). De cette façon, il y aura forcément un cauchemar politique, mais pas de rupture brutale au niveau social ou économique. J'imagine d'abord une période de transition, durant lesquelles l'Humanité découvre sa place au niveau géostratégique dans la Voie Lactée et où des premières colonies officielles commencent à recevoir des personnes, que ce soit par des programmes pénaux ou bien par des incentifs financiers. Cette période durerait probablement une génération, et serait caractérisée par une mainmise absolue par les autorités politiques de tout moyen de transport et de communication FTL. Les Portes des colonies (si elles en ont une, certaines seraient mises à l'écart du Réseau, par sécurité) ne pourraient être activées que vers la Terre, tandis que les vaisseaux FTL sont réservés pour la Flotte et des opérations politico-culturelles sponsorisées par les autorités politiques (ce qui, tout le monde le sait, n'empêchera pas certains de réussir à quitter la Terre pour se la jouer Farscape, mais ça en réduira le nombre).
La colonisation du système solaire commencera simultanément, en moins rapide que la lumière.
Une fois cette période de transition passée, une ouverture plus complète sera faite, offrant aux civils l'accès à des appareils FTL, et introduisant l'ensemble de la Terre à la Voie Lactée.
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Rufus Shinra
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Je serai dans l'incapacité, samedi prochain et le suivant, de poster un nouveau chapitre, donc je vais probablement poster le 4 mercredi ou jeudi, et le 5 si je réussis à trouver un accès au net avant la fin du mois. Autrement, il faudra attendre le 3 janvier. Désolé tout le monde, mais c'est que j'ai un porte-avions à visiter la semaine prochaine ! :-P
Mais n'hésitez pas à laisser des comm' ! ;) ^_^



Chapitre 03 : Question de confiances

Le lit vibra doucement, et Anna s'étira, se réveillant lentement.
"Bonjour, mademoiselle Stern. Il est six heures trente, heure locale."
La voix désincarnée tira brusquement la jeune femme de sa torpeur, et elle se redressa immédiatement, tournant rapidement la tête pour en chercher son origine. Puis, l'instant d'après, elle soupira.
"Atlantis…je ne sais pas si vos anciens locataires appréciaient d'être réveillés par l'I.A. de leur Cité, mais moi, non." Son interlocutrice ne lui répondit pas, et elle soupira à nouveau. "Ce n'est pas contre vous en particulier…"
"…mais vous avez du mal à accepter mon existence." la reprit la voix féminine.
"Voilà. En tout cas, pour le moment." répondit Anna, se levant pour se diriger vers la salle d'eau.
"Je crains que vous ne deviez vous y habituer, sans quoi la relation que nous construisons ne saurait nous être mutuellement profitable."
"Sans doute", dit Anna, ouvrant le robinet. "Et que je me suis foutue dans une situation pas possible en apprenant votre existence."

Une demi-heure plus tard, la xénobiologiste se rendit à la cafétéria de son secteur, installée dans une salle commune que l'I.A. identifia comme un entrepôt de pièces détachées. S'installant à l'écart des autres locataires de la Cité, elle entama avec peu d'appétit son petit-déjeuner. Les conversations autour d'elle portaient souvent sur le black-out encore récent. N'écoutant qu'à moitié les divers scientifiques, administrateurs, personnels et militaires aux alentours donner leur avis peu avisé, elle ne vit pas l'homme venir s'asseoir à sa table.
-Anna ! Ça fait combien de temps qu'on ne t'a plus vu ici ?
-Ah, salut Johann ! répondit-elle. Désolée, tu disais quoi ?
-Je me demandais juste ce qui t'avait retenue ces derniers jours. On commençait à s'inquiéter. Rassure-moi, tu ne t'es pas perdue dans les méandres de la Cité après avoir provoqué une petite coupure de courant générale ?
-Non, non, rien de ça. Je continue à bosser sur de vieux documents, rien de bien particulier. En tout cas, rien que tu puisses connaître…
-Il paraît qu'on t'a filé une équipe rien que pour toi, c'est vrai ? demanda l'homme devant elle en remplissant son verre de jus de fruit.
-Plus maintenant. Depuis ce black-out, mon projet ne fait plus vraiment partie des priorités. Résultat, on n'est plus beaucoup à bosser là-dessus…mais bon, le job reste intéressant. C'est l'essentiel.
-Amen à ça, répliqua Johann en souriant. De mon côté, pas de changement depuis la dernière fois. Toujours l'étude des objets les plus farfelus des Anciens. Tiens, là, je suis en train de tenter de comprendre ce que ces zouaves pouvaient faire avec ça.
Il sortit un objet de sa poche et le posa sur la table.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda Anna.
-Aucune idée. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il est absolument clean côté bio-chimique. Autrement, rien. On a essayé de l'analyser, mais sans résultat. Extérieur homogène carboné, et puis ces je-ne-sais-pas-combien de boutons, c'est tout.
-Je peux ? demanda Anna en tendant la main vers l'objet.
-Bien sûr. Il n'est pas dangereux…enfin, on pense.
Elle le regarda sous différents angles avant de se figer brusquement. Appuyant sur deux boutons avec ses doigts, elle fit apparaître un hologramme de petite taille de Johann, qui recula de surprise.
-Comment tu as fait ça ? demanda-t-il.
-Aucune idée, répondit-elle, étonnée. J'ai dû avoir un coup de bol…mais maintenant que j'y pense, ça me fait penser à…
-Une caméra, compléta l'homme devant elle.
-Tout juste.
Il lui reprit l'objet, qui affichait toujours une projection de ce qui était devant l'une de ses faces, et finit rapidement son verre.
-Je vais aller annoncer la nouvelle aux autres. Merci beaucoup, Anna. Tu viens de nous ôter une sacrée épine du pied.
-Allons ! Tu aurais trouvé ça sans moi.
-Je ne sais pas, conclut-il en se levant. A plus !
-A plus, murmura-t-elle.
Elle quitta la salle quelques minutes plus tard, saluant ça et là ses connaissances. Puis, aussitôt qu'elle fut hors de portée de voix, elle fit mine de parler dans son oreillette.
"Pourquoi m'avoir dit où appuyer ?" dit-elle d'une voix entre l'interrogation et l'agacement, alors qu'elle avançait dans un couloir peu occupé.
"J'avais cette information et il aurait été mesquin de ne pas en faire profiter votre ami, non ?" répondit la voix d'Atlantis au travers de l'écouteur à l'oreille d'Anna. "Et puis, comme il a su le deviner, il ne s'agit que d'un enregistreur de faible qualité. Rien de bien important, donc."
"Ce n'est pas de ça dont je parle, et vous le savez très bien !" répliqua Anna, s'arrêtant au beau milieu du couloir pour s'appuyer sur un mur. Voyant le regard intrigué d'un militaire qui passait à proximité, elle indiqua d'un geste son oreillette et lui fit signe que tout allait bien. Une fois celui-ci parti, elle reprit, en chuchotant. "C'est une question de vie privée. Il y a une limite entre cette coopération que nous sommes sensées avoir et une intrusion dans mes conversations."
"Limite que je n'ai pas franchie." répondit patiemment Atlantis. "Tout ce que j'ai fait est vous donner une information utile pour les recherches de vos collègues. Je ne tenterai pas de m'immiscer sans votre accord dans votre vie privée…Cela nuirait à la qualité de la relation professionnelle qu'il nous est nécessaire de créer afin d'obtenir des résultats optimaux pour nos recherches respectives."
Anna ouvrit une porte et soupira, alors que l'air marin lui soufflait sur le visage. "Vous avez vraiment réponse à tout, Atlantis."
"Pas entièrement." répondit la voix avec un ton qu'Anna interpréta comme une forme d'amusement. "Mais c'était en tout cas l'un des buts de mes créateurs, en quoi je n'étais qu'un outil."
Plutôt que de répondre, la jeune femme avança sur la passerelle et s'immobilisa. Plissant les yeux, elle ne détourna pas le regard de l'astre qui pourtant l'éblouissait. Comme la dizaine de personnes adossées aux parois de la Cité ou appuyées sur la rambarde, elle resta silencieuse alors que le ciel prenait une couleur orangée très claire.
Légèrement différente de celle d'un lever de Soleil, cette teinte l'avait étonnée la première fois qu'elle avait pris le temps de venir. Une atmosphère d'épaisseur et de composition différente mais bien respirable offrait aux locataires d'Atlantis l'opportunité de redécouvrir cette vision et en même temps leur rappelait leur éloignement avec la Terre.
Pendant quelques instants, elle fixa l'horizon, admirant le spectacle. Puis, elle porta brusquement sa main à son oreillette et retourna dans le couloir qu'elle venait de quitter quelques instants plus tôt.
"Allô ?" entendait-elle une voix masculine répéter à son oreille. "Mademoiselle Stern ?"
"Oui, c'est moi." répondit celle-ci, avec de l'énervement pointant sous ses mots.
"Bonjour, je vous appelle pour vous signaler que votre ancien bureau a été remis à disposition."
"…merci."
"Bonne journée, mademoiselle."
"Pareillement" répondit-elle brusquement avant de couper la communication.

Marre ! On peut pas avoir UN seul moment pour soi ici ?
-Entre une I.A. et l'administration, c'est sûr, on prend soin de moi… soupira-t-elle.



Posant une tasse de café à côté du petit ordinateur sur le bureau, elle jeta un coup d'œil à la petite pièce qui contrastait avec la salle où toute une équipe avait travaillé pour comprendre ce qu'elle avait trouvé. Elle s'assura que la porte était bien verrouillée, puis posa l'oreillette près de la tasse de liquide brûlant.
-Bon…Atlantis. Au boulot.
-Si vous le souhaitez, répondit dans la pièce la voix désincarnée.
-Quand vous avez voulu vous manifester au docteur Jackson et à moi-même, nous avons eu d'un seul coup accès à certains dossiers critiques.
-Effectivement, et cela a attiré votre attention de la manière que j'envisageais.
-Sûrement, mais est-ce que vous pourriez me les remettre à disposition, au moins ceux en rapport avec l'espèce sur laquelle je planchais avant notre rencontre ?
-Bien sûr. Il me semble qu'à ce moment, vous et votre groupe travailliez sur les éléments laissés par nos xénobiologistes lors de la guerre contre les Orii.
-Voilà.
-Lorsque nous avons découvert la nature de l'offensive, ils se sont immédiatement mis au travail pour contrer la maladie, depuis la planète où ils se trouvaient, mais comme nous le savons, ces efforts sont restés vains.
Le moniteur s'activa et afficha un graphe.
-Il s'agit, continua Atlantis, du nombre de victimes parmi notre population les premières semaines. Vous le voyez, le nombre de décès est initialement resté très bas, et nous avons mis trop de temps pour comprendre la nature commune de ceux-ci. La maladie créée par les Orii avait de très nombreuses formes différentes, et ce avant même les premières mutations, ce qui lui a permis d'éluder les systèmes de surveillance médicaux habituels.
-Et donc, quand quelqu'un a fait le rapprochement entre les divers cas…
-Il était déjà trop tard, en effet, poursuivit l'I.A. Nous ne le savions pas, bien sûr, mais le temps d'incubation de la maladie était assez élevé, et la contamination continuait à se faire de manière invisible alors que nous commencions à peine à mettre des mesures d'isolement en place.
-Et les xénobiologistes ont participé aux recherches depuis l'avant-poste en construction, c'est çà ?
-Exactement. Ils avaient déjà, dans le cadre de leur travail, un équipement conséquent, et les ramener chez eux aurait été un gaspillage de temps et de ressources n'offrant aucun avantage quelconque. Ils sont donc restés sur place pendant toute l'offensive Ori.
-Comment est-ce que les…indigènes les percevaient ? voulut savoir Anna.
-Assez bien, en fait. Les premiers contacts avaient abouti à leur refus d'Origine et assez rapidement, une certaine relation de confiance a pu s'instaurer.
-Ah oui ! l'interrompit la jeune femme. A propos de ça, il y a quelque chose qui nous a étonné dans les rapports. Il semblerait qu'à partir d'un certain moment, tout leur peuple se soit aligné sur l'idée qu'Origine serait néfaste. Et les scientifiques ont dit ne pas avoir eu vent du moindre fidèle, ce qui est quand même assez étrange, étant donné notre propre expérience des religions sur Terre.
-Qui est ?
-Les changements de foi dominante dans un État, sans parler d'un continent entier, prennent au minimum une dizaine d'années. Et encore, cela vient souvent avec des troubles sociaux voire militaires importants, et même au bout de plusieurs siècles la population ne sera jamais totalement acquise à une religion. Et là, la conversion est spontanée. Est-ce qu'ils ont une forme de conscience collective, ou encore une docilité absolue des masses face à leurs dirigeants ?
-Vous avez effectivement soulevé un point important, Anna. Je peux vous appeler ainsi ?
-Oui, oui, confirma-t-elle brièvement. Donc, à ce sujet ?
Un hologramme s'afficha brusquement dans la pièce, représentant en taille réelle une des créatures dont parlaient les rapports, et Anna, étouffant une exclamation, eut un mouvement de recul. Un peu plus haute qu'elle, son aspect noir mat lui inspirait un sentiment d'effroi renforcé par l'absence de regard dans ce qui semblait être ses yeux. Ses pattes élancées contrastaient avec son corps massif, donnant une impression de puissance n'attendant qu'une occasion pour se déchaîner.
-Qu'est-ce que…
-Voici un mâle adulte. Le phénomène dont vous parlez avait excessivement intéressé les scientifiques sur place, qui n'avaient pas encore la contamination pour occuper leurs journées. Ils se sont donc chargés d'effectuer deux études, l'une sociologique, l'autre biologique.
La première a permis de confirmer l'observation initiale, à savoir que les améliorations, dans tous les domaines, étaient implémentées d'un coup à l'ensemble de la société. En tout cas, la partie la plus importante.
-Qu'en est-il du reste des individus ?
-Ils ne bénéficient pas de ces progrès jusqu'à leur passage dans le premier groupe.
-Il y a des changements de groupe ? Comment sont-ils définis, dans ce cas-là ?
-De manière assez simple, en fait. Un individu rentre dans le premier groupe lorsqu'il atteint une tranche d'âge donnée.
-Donc, ce sont les plus vieux qui réagissent de manière groupée ? Nous avons rencontré une civilisation assez similaire, au début du Programme. Une partie de leurs enfants s'étaient vu implanter des nanomachines dans le cerveau, celles-ci étaient redistribuées par la suite au reste de la population pour lui faire bénéficier des connaissances et de l'expérience de ces surdoués.
-La situation est effectivement similaire, si ce n'est que le phénomène est naturel. En fait, regardez ceci, dit Atlantis.
L'hologramme se centra sur la tête de l'être et afficha une vue de son cerveau avant d'en colorer une partie en bleu.
-L'étude biologique a pu mettre en évidence le phénomène correspondant à l'entrée dans cette seconde phase. La partie du cerveau que vous voyez est assez lente à se développer, mais offre une capacité physiologique assez rare à ce niveau de l'évolution. A savoir, une télépathie latente qui était non contrôlée à l'époque de l'étude.
-Comment ça, non contrôlée ?
L'image prit énormément de champ et afficha une vue éloignée, où les individus étaient représentés par des points jaunes et bleus.
-Les points bleus correspondent aux êtres disposant de cette faculté, les jaunes à ceux trop jeunes pour en bénéficier. Lorsqu'un individu atteint l'âge adéquat, ces fonctions apparaissent et il va, sans pouvoir le contrôler, émettre ses souvenirs, ses pensées, ce qu'il est.
-Et il va aussi pouvoir lire, c'est bien ça ?
-En fait, non. Il n'y a pas de contrôle à proprement parler, et l'individu est rapidement envahi par ce qu'émettent les autres.
L'hologramme s'anima, et chaque point bleu se mit à émettre une sorte de brouillard de la même couleur, et progressivement, tous les points s'estompèrent à l'exception des jaunes. Puis, périodiquement, l'un d'entre eux changeait de couleur et se diluait progressivement dans la brume.
-Ils…ils perdent toute individualité ?
-En quelque sorte, oui. L'hypothèse émise était que le contenu d'un nouvel entrant se voit trier aussitôt qu'il se met à partager son être.
-Ce n'est pas possible ! S'ils fonctionnaient comme ça, ils ne pourraient plus évoluer ! Un individu aux idées opposées à celle du groupe serait immédiatement écrasé.
-En effet, Anna, mais tout porte à croire que l'individu peut convaincre le groupe au moment-même de son adhésion.
La jeune femme se pencha vers sa veste, posée sur sa chaise, et en sortit un petit carnet auquel était accroché un crayon de papier.
-Une seconde. Je vais quand même noter tout ça, au cas où, dit-elle en ouvrant le calepin. Donc, ils ont une sorte de conscience collective dans laquelle ils rentrent à l'âge adulte, en résumé ?
-En résumé, oui, bien que la maturité de cette fonction cérébrale n'ait rien à voir avec celle des organes reproducteurs qui correspond selon les critères standard du statut biologique d'adulte, il me semble.
Pendant quelques minutes, Anna griffonna frénétiquement sur le papier, demandant ça et là confirmation d'un élément particulier à Atlantis, puis elle s'interrompit.

-Que s'est-il passé exactement quand les Orii ont frappé ?
-Les scientifiques ont été pris complètement par surprise. Ils ont réagi assez rapidement, mais à ce moment-là, la population contaminée était déjà très importante. Vous connaissez la suite, Anna. Lorsqu'ils se sont résignés à l'inévitable, ils ont choisi de préparer la renaissance de l'espèce qu'ils étudiaient plutôt que de partir.
-Et ils ont isolé certains représentants de l'espèce pour les conserver à l'abri ?
-Oui, ils en ont fécondé artificiellement autant que possible pour préserver un maximum du potentiel génétique, et les ont ensuite placés dans des caissons de stase. Tout indique que leur plan a réussi à sauver l'espèce.
-Qui maintenant s'amuse à vouloir terminer une guerre finie depuis je ne sais pas combien de millénaires.
-En effet.
-Et on ne peut pas vraiment espérer obtenir de vous les technologies ou les armes nécessaires pour les arrêter, hein ?
-Oui. Votre espèce est tout d'abord trop jeune pour disposer des technologies militaires lantiennes. Si vous trouvez des artefacts ou des vaisseaux, ça n'est pas mon problème, mais ma position m'interdit clairement de vous aider directement dans un tel domaine.
-C'aurait été trop beau…surtout qu'ils ne menacent pas votre survie directe.
-C'est effectivement un argument supplémentaire. Mais comprenez que dans le cas contraire, il me resterait toujours le choix de battre en retraite ailleurs avant de recourir à l'option militaire.
Anna acquiesça et demanda, avec un soupçon d'inquiétude dans sa voix :
-Mais, pour revenir à ces créatures…lorsque les scientifiques ont voulu les sauver, quel était l'âge des individus mis à l'abri ?
-Suffisant.
-Ouille, répondit-elle en se pinçant les lèvres. Donc, quand ils ont quitté leurs caissons, ils se souvenaient parfaitement de l'attaque des Orii et même…

-Oui, leur conscience collective a conservé les souvenirs de presque toute leur espèce au moment de ce génocide.



En fin de matinée, Anna se mit à rédiger un premier rapport, destiné au docteur Jackson. Organisant ses notes, elle en profita pour étudier plus en détail les dossiers auxquels elle avait désormais accès.
-Il y a des infos sur beaucoup de choses, ici, comme l'organisation de la Cité, qui n'ont pas grand chose à voir avec mon boulot. Y a-t-il un lien entre ces fichiers et l'affaire en cours, Atlantis ?
-A peu près aucun, répondit la voix féminine. Mais vos supérieurs sont encore plus effrayés par ma personne que vous ne l'êtes, donc je fais en sorte que ce…partenariat leur soit profitable dès que possible.
-Pour prouver votre bonne foi, hein ?
-En quelque sorte, oui, même s'il est évident qu'ils ne me feront pas confiance avant beaucoup de temps. Tout ce qui m'importe, c'est d'éviter une décision irrationnelle motivée par la peur et aux conséquences…regrettables, de part et d'autre.
Anna eut un sourire gêné.
-Qu'y a-t-il, Anna ?
-Oh, rien, je me disais que ce genre de décisions absurdes, on les évite rarement.
-Votre espèce a survécu à ces choix, et ce que je vois dans mes couloirs me laisse à penser que la situation n'est pas si critique que ça. Donc, j'ai bon espoir, ça devrait bien se passer.
-Dites-moi, Atlantis, je me suis fais une réflexion... Vous employez beaucoup de raccourcis oraux dans vos discours. Les humains en sont coutumiers, mais je m'étonne qu'une IA ne se montre pas plus... rigoureuse.
- Ceci est en soi une preuve de la maîtrise de cette technologie par mes créateurs.
Anna resta un instant la bouche entrouverte, décodant la phrase et ses implications.
-Sans doute, marmotta-t-elle sans se mouiller en se remettant au travail.





Le docteur Jackson se leva immédiatement en voyant Anna se diriger vers son bureau. Posant négligemment une liasse de documents près de lui, il alla à la rencontre de la jeune femme, qui se mit à rougir. Quelques jours plus tôt, elle était un simple nom dans le registre des personnes basées sur Atlantis, qui n'était plus depuis des années réservé au dix ou vingt plus brillants esprits terriens des disciplines scientifiques majeures. Et là, c'est LE Jackson qui se lève quand j'arrive pensa Anna avec un petit sourire aux lèvres. Comme quoi, cette situation peut présenter quelques points positifs.
"Entrez, entrez", lui dit-il, ajoutant le geste à la parole.
"Je ne vous dérange pas, monsieur ?"
"Un, pas de monsieur avec moi. Deux, tout plutôt que ces papiers." Il désigna la pile à proximité. "Les goa'uld avaient cet avantage sur l'administration que négocier pouvait fonctionner de temps à autre…enfin, quoi de neuf avec notre nouvelle amie ?"
Anna se retourna brièvement pour s'assurer que la porte du bureau était fermée lorsque la voix d'Atlantis se fit entendre dans la pièce, en même temps qu'un très léger bourdonnement.
"Il n'y a personne à proximité susceptible d’entendre votre conversation et j'empêche l'utilisation de tout système d'écoute ou d'enregistrement à distance, à part bien sûr l'enregistreur du docteur Jackson."
Anna prit un regard dépité, tandis que l'homme devant elle haussa les épaules en continuant à sourire.
"Omniprésente, hein ?"
Simultanément, Anna et Atlantis répondirent "Oui". La seule différence fut dans le ton, la jeune femme prononçant le mot d'un air découragé, tandis que l'I.A. parlait avec un timbre de voix dépourvu d'émotion.
"Bref, où en est-on ?", reprit Daniel en invitant Anna à s'asseoir.
"Il y a des dossiers assez détaillés sur la civilisation de ces créatures, du moins lorsque les Anciens avaient du monde sur leur planète…" répondit-elle avant de lui tendre un disque dur miniaturisé sur lequel elle avait stocké les informations qu'elle jugeait importantes.
"Autrement, la coopération se passe-t-elle bien, pour l'instant ?"
"…on fait aller. Dans l'ensemble, elle m'aide autant que possible et je n'ai pas trop à me plaindre de sa compagnie."
"D'accord. Signalez-moi tout événement anormal, d'accord ?" conclut Daniel avant de se lever, aussitôt imité par Anna. "Merci pour tout, mademoiselle Stern. On fera tout ce qu'on peut avec les données que vous déterrez."
Anna le remercia puis quitta le bureau et, aussitôt la porte fermée, Daniel porta son regard au plafond pour murmurer. "Et non, je ne définirai pas "anormal"…comme si ce mot avait un sens ici."


La femme qui entra dans le petit hôpital avait une démarche particulière, résolue, qui s'était forgée au cours des premières années de l'expédition, où d'un rôle de diplomate elle était passée à celui de dirigeante politique dans un environnement périlleux. Ses performances et celles des personnes sous son commandement lui avaient valu de garder son poste au cours de l'extension progressive de la présence humaine dans la Cité, mais elle restait avant tout subordonnée aux instances dirigeantes de la Terre.
Elle frappa légèrement la porte d'un bureau préfabriqué qui détonnait avec l'architecture environnante. Son propriétaire avait eu, au bout de quelques années dans la Cité, une certaine nostalgie des hôpitaux terriens. Ainsi, avec l'aide de connaissances bien placées, il avait pu faire placer dans l'un des vaisseaux de ravitaillement ces quatre cloisons et leur contenu, laissant à un autre médecin le local qu'il utilisait auparavant.
"Entrez !" répondit l'homme derrière la porte.
"Bonjour, Carson" dit Weir en voyant l'homme se lever.
"Ah, do…gouverneur, vous tombez à pic. Je voulais justement aller vous voir."
"A quel propos ?" demanda-t-elle, préférant annoncer sa nouvelle le plus tard possible.
"Les quatre personnes en quarantaine. Mes tests n'ont rien trouvé d'anormal. Ils ont été bien nourris, pas de signe de privation de sommeil ou de corps étranger dans leurs organismes. Ils ont l'air assez stressés, mais ça peut se comprendre. Et à ce propos, j'aimerais savoir s'il est possible de les placer dans un environnement plus confortable que ce bateau au large."
Weir fit une moue un peu gênée, qui inquiéta immédiatement le médecin en chef de la Cité.
"Je viens de recevoir des ordres à ce propos depuis la Terre.
"Quels ordres ?" demanda Beckett, voyant ses craintes se matérialiser devant ses yeux.
"Transfert. L'équipe que vous avez examiné, SG-22, doit être prise en charge au SGC pour la fin de la quarantaine et le recueil de renseignements…"
"L'interrogatoire." reprit Beckett.
"…oui."
"Et ce départ est prévu quand ?"
"Demain, ils seront à bord du vaisseau-courrier."
"Dans ses cellules, c'est ça ?"
"C'est la procédure dans ces cas, Carson, vous le savez aussi bien que moi."
"La procédure ! De vous à moi, quelles sont les chances pour que ces quatre-là retrouvent leur place au SGC ? Vous connaissez aussi bien que moi la paranoïa qui règne là-bas."
Weir soupira. "Je sais, Carson…je sais. On peut juste espérer qu'ils aboutiront aux mêmes conclusions que vous, là-bas."
"Désolé de m'être emporté, Elizabeth. Je…je sais que vous ne pouvez rien y faire, mais je ne m'habituerai jamais à ce genre d'attitude…merci de m'avoir prévenu.", dit finalement le médecin.
"Ne vous y habituez jamais, Carson. Il y a déjà assez de cyniques ici sans vous y rajouter, et on a besoin de vous ici comme vous êtes."


La trappe s'ouvrit silencieusement, et Shanti vit dans la cavité près de la porte un plateau recouvert par un film plastifié hermétique. Elle se dirigea d'un pas lent et prit le repas, laissant le sas se refermer. Quelques instants plus tard, un bruit hydraulique se fit entendre, témoignant de la stérilisation de l'unique contact entre sa geôle et le reste du navire qui se balançait lentement sous ses pieds.
"Bon appétit !" dit à travers le haut-parleur de la porte le garde derrière celle-ci.
Shanti ne prêta pas attention à la voix grasse du soldat et se dirigea vers le mur opposé. Le plateau, assez lourd, était recouvert de caoutchouc, tandis que les couverts eux-mêmes y étaient reliés par une petite chaîne. Déchirant sans hâte le plastique protecteur, elle tourna la tête vers la caméra, qui suivait ses moindres mouvements.
Voulez-vous que je la désactive, lieutenant Bhosle ? demanda la voix à laquelle elle avait fini par s'habituer.
Non répondit-elle silencieusement en reportant son regard sur le repas avant de s'asseoir.
Avez-vous pris une décision ?
…Pas encore.
Très bien, mais sachez qu'il ne vous reste plus beaucoup de temps pour choisir. Moi, ou vos semblables.
Shanti commença à manger, légèrement gênée par les attaches des couverts.
Quelqu'un a-t-il choisi ? voulut savoir la jeune femme.
Oui. Mais il m'a demandé de tenir sa décision secrète.
…Que voulez-vous ?
Je vous l'ai déjà dit, lieutenant. Comprendre certaines choses. Et pour cela, je pourrais avoir l'utilité du groupe dont vous faites partie. En tout cas, je ne compte rien entreprendre qui puisse nuire à votre planète d'origine. Ma proposition est en fait la meilleure manière que vous aurez jamais de lui être utile, puisque votre détention passée et présente vous exclut de tout poste à responsabilité.
Vous me l'avez déjà dit.
Et le temps que vous avez passé dans cette cellule le prouve, Shanti Bhosle…je ne vous demande pas de réponse immédiate, mais le temps venu, vous devrez faire un choix. Un choix qui décidera du restant de votre vie.
Mais comment puis-je… commença-t-elle avant de s'arrêter, comprenant que sa question n'aurait pas de réponse. Posant son regard sur le plateau, elle respira profondément puis se tourna vers la caméra.
"Hé, là-dedans !" vociféra le haut-parleur près de la porte.
Shanti se dirigea vers celle-ci et vit le visage d'un soldat derrière la lucarne vitrée.
"Bonne nouvelle pour tout le monde, toi et tes potes vous dégagez d'ici demain matin !" dit celui-ci.
"Quoi ?"
"T'as bien entendu ! Même les civils sur Atlantis n'ont pas envie d'avoir des traîtres à côté d'eux. C'est bien la première fois qu'ils réfléchissent, ceux-là ! Tu te casses demain, avec tes vendus de copains."
"Soldat !" répliqua-t-elle avec autant de force que possible. "Je n'ai été accusé de rien et suis votre supérieur hiérarchique ! Vous me devez le…"
"Ta gueule !" l'interrompit le soldat. "Les traitres dans ton genre, on devrait les faire passer par un sas !"
Il coupa brusquement le haut-parleur avant qu'elle ne puisse répondre.

Commandant.
Qu'y a-t-il, Shanti ?, répondit celui-ci.
Je crois qu'on va être transférés demain, en tout cas, si ce que cet abruti de garde m'a dit est vrai.
Ils vont probablement nous ramener au SGC, où il y a le personnel et…
Et le matériel d'interrogatoire. compléta Shanti.
Oui. Et je serais sacrément étonné que cette voix, quelle qu'elle soit, puisse organiser une évasion au SGC.
C'est clair. conclut la jeune femme. Mais elle m'a dit que j'aurai un choix à faire, le temps venu. Donc elle doit quand même avoir un plan quelconque pour nous sortir de cette situation…si on veut la rejoindre, bien sûr.
Bien sûr. répondit évasivement le commandant de SG-22, mettant fin à la communication.

Shanti reprit son repas, lentement, méthodiquement, avant de plonger son regard dans les murs lisses de sa geôle.
Au moins, chez ces aliens, la prison était plus jolie. se dit-elle avec un sourire triste.
Dernière modification par Rufus Shinra le 18 déc. 2010, 17:26, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Vyslanté »

Whoo ! Un nouveau chapitre ! (Enfin, pas si nouveau que ça, mais bref...)

Bon, alors je pense que je vais m'abstenir de commenter, parce que je m'aperçoit que plus le temps passe, moins mes commentaires sont constructifs, et plus ils se rapprochent du "Oué tro b1 on ve la suiteuh" typique du shep12 moyen ^^

Un peu de sérieux.

J'ai enfin trouvé ce qui me plaisait tant dans ta façon d'écrire : tes phrases. En effet (© Teal'C), elles ont pile la bonne taille. Je m'explique : de tout temps, quand on écrit quelque chose, le plus souvent en milieu scolaire, on nous demande de faire des phrases courtes, pour faciliter la compréhension. Du coup, ça reste, et plus tard, quand on écrit "pour de vrai", on a tendance à faire des phrases très courtes, et, il se trouve que je n'aime pas du tout ça. Mais toi, sans tomber dans l'excès des phrases fleuves de trois pages, tu arrive à avoir une "bonne longueur".


P.S : Un porte-avion ?! Y'en a qui on de la chance...
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »

Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Merchi ^_^

Amusant pour les phrases, parce que, selon d'autres lecteurs, c'est aussi l'un de mes points faibles, parce qu'elles sont... trop longues. Bon, en même temps, certains de mes bêta-lecteurs me disent clairement quand il faut couper une phrase en deux (merci Skay et Ketheriel), mais ça reste un problème. Ou, comme le dit mon alpha-lecteur : "si la lecture en apnée de tes phrases n'est possible que pour moins de cinq individus sur Terre, tu as un problème". Bref, il reste du travail d'équilibrage pour trouver la bonne longueur de façon naturelle, mais, en tout cas, content que ça te plaise.

Pour ce qui est du PA, j'essaierai de poster les photos sur l'autre forum. ;-)
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Comme promis, voici la suite, puisque je ne pourrai pas poster ce week-end. J'espère que ça vous ira, et, désolé pour le cliffhanger. J'essaierai de poster le 1er ou le 2 janvier.

Bonne lecture, et, n'oubliez pas, toutes les suggestions sont bonnes à prendre et, le plus souvent, prises !



Chapitre 04 : Incident de parcours

Pour les quatre membres de SG-22, la lueur blanche ne s'accompagna pas d'un changement de décor tandis qu'ils quittaient une cellule pour arriver dans une autre. Et Shanti, à l'instar de ses coéquipiers, ne réagit pas outre mesure à la téléportation.
C'est parti pour un dernier voyage… pensa-t-elle avec une certaine mélancolie.
Une figure passa devant la baie vitrée, attirant son regard. Un Marine en armes la dévisagea sans trahir la moindre émotion, puis parla brièvement dans son oreillette avant de reprendre son chemin.
Aussitôt, la prisonnière fouilla la pièce du regard, mais sans y trouver quoi que ce soit de plus que ce que la prison du destroyer ne proposait à ses locataires.
Tout le monde est là ? s'enquit sans un son le chef de son équipe.
C'est bon pour moi. répondit de la même manière Shanti. Des ordres, monsieur ?
Pas pour l'instant, lieutenant.
Elle se rendit près de la paroi transparente, visiblement mise en place pour empêcher les détenus de pouvoir se soustraire à la surveillance des gardes. Derrière la vitre se trouvait un long couloir terminé par une imposante porte, un simple bureau constituant l'ensemble de l'ameublement. Devant celui-ci se tenait le Marine, qui avait posé son arme près de lui alors qu'il prenait un verre d'eau.
Elle reporta alors son attention sur la porte à une dizaine de mètres, et,
d’un seul coup, la petite inscription gravée sur son coutour envahit son champ de vision : UNSS Daedalus.
Le brusque changement de perspective lui donna le vertige et elle recula de quelques pas, manquant ce faisant de trébucher. Ouvrant et fermant les yeux à plusieurs reprises, et respirant profondément, il lui fallut quelques secondes pour se détendre.
J'aurais peut-être dû vous prévenir, lieutenant Bhosle. lui dit la voix inconnue.
Qu'est-ce que vous m'avez fait ?! pensa-t-elle aussi fort que possible, son émotion se lisant clairement sur son visage.
Les nanites vous permettant de communiquer ont d'autres…fonctionnalités. Et, dans le cadre de notre future coopération, si tant est que vous choisissiez d'accepter ma proposition, je tiens à ce que vous soyez aussi efficaces que possible.
Qu'est-ce que vous m'avez fait ?! répéta-t-elle, effrayée.
Je n'ai fait qu'augmenter vos capacités physiologiques naturelles. Dans le cas présent, meilleure vue, mais aussi meilleure audition et d'autres…améliorations qui viendront en temps voulu.
Pourquoi ?!
Je viens de vous le dire : si vous me suivez, autant que vous ne soyez pas handicapés par vos limitations biologiques.

Shanti regarda d'un air effrayé ses mains, se posant question sur question avant de se rendre compte que même si elle en désirait les réponses, ce dont elle doutait, la voix ne les lui donnerait jamais.
Calmez-vous, lieutenant Bhosle, continua celle-ci. Vous devriez contrôler correctement ces ajouts d'ici quelques heures.
Mais pourquoi maintenant ?
Que voulez-vous dire ?
Si vous pouvez nous faire ça, pourquoi pas avant ?
La raison en est simple, Shanti… répondit la voix en utilisant pour la première fois son prénom. Vous n'en auriez eu aucune utilité auparavant. Désormais, les choses sont pour ainsi dire…différentes.
Shanti comprit.
C'est ici-même que nous aurons l'opportunité, c'est ça ?

Le Daedalus, premier vaisseau de guerre entièrement développé à partir des avancées du Programme Porte des Étoiles, avait autant pour vocation de servir de démonstrateur technologique que de symbole de l'alliance avec le peuple Asgard. Connaissant son baptême du feu lors du siège d'Atlantis, il avait été de facto assigné à cette Cité, les Goa'uld ayant alors cessé d'être une menace aussi critique qu'auparavant. Le temps passant, son rôle initial de vaisseau de liaison entre les deux galaxies n'avait pas disparu, la base d'Atlantis nécessitant du matériel de plus en plus volumineux pour lequel la Porte était inadaptée. Il en résulta rapidement des modifications drastiques, impliquant une réduction de l'équipage embarqué et des systèmes de survie pour améliorer les performances de sa propulsion. Identique à un croiseur, mais sans certaines de ses missions et l'ensemble de son équipage, le Daedalus était finalement devenu le passage obligé pour tous les futurs commandants de croiseurs, leur capacité à diriger ce que la Terre offrait de mieux testée en conditions presque réelles. Le capitaine de frégate Nastasha Rodenko profitait donc de ce premier commandement que l'état-major avait voulu lui offrir.
Et le temps qu'elle prenait dans le CIC avant de s'installer faisait partie de ses petits plaisirs, redécouvrant chaque fois son point de vue, si différent de celui d'officier tactique principal ou même de commandant en second. Le centre névralgique du croiseur lui faisait l'effet d'une fourmilière, les membres d'équipages et les officiers se croisant pour terminer les ultimes préparatifs de départ, ajoutant des millions d'années-lumières au trajet déjà parcouru par ce navire depuis son entrée en service. Faisant le premier pas dans la pièce, elle ôta sa casquette puis se dirigea vers l'homme au centre de la pièce.
-Moshe, sommes-nous prêts ? demanda-t-elle à son second.
-Affirmatif, madame. Les hyperpropulseurs sont opérationnels, et toutes les sections confirment qu'elles sont prêtes.
-D'accord. Qu'en est-il du "matériel spécial" ?
-Entreposé dans le hangar, madame.
-Excellent, répondit-elle avant de hausser le ton. Attention !
Toutes les personnes présentes s'immobilisèrent pour se tourner vers leur supérieure hiérarchique.
-Notre départ a été fixé par l'amiral Davenport pour 8 heures, heure d'Atlantis, reprit-elle pour ensuite reporter son attention sur l'un de ses subordonnés. Lieutenant Talif, notre destination sera la station Copernic. Veuillez préparer le plan de vol.
-Bien madame, répondit l'officier concerné.


Shanti ne remarqua pas le départ en hyperespace, concentrée sur ses sens qui lui jouaient des tours et qu'elle tentait de maîtriser tant bien que mal tout en essayant d'avoir un comportement normal lors des rondes du Marine. Dès lors que celui-ci s'éloignait, elle laissait s'exprimer le vertige et la nausée sur son visage, s'adaptant lentement à cette nouvelle situation. Les sensations étaient nouvelles, et ses yeux – comme ses oreilles ou ses mains – réagissaient de manière légèrement différente, rendant caducs une partie de ses réflexes qu'elle avait acquis tôt dans sa vie. Son champ de vision pouvait, sans qu'elle ne comprenne pourquoi, se concentrer sur un détail anodin de la vitre qu'elle voyait alors comme au travers d'instruments d'optique, pour revenir la seconde d'après à la normale. De même, lorsque ses oreilles échappaient elles aussi à son contrôle, le vacarme créé par son cœur s'ajoutait à son stress, causant à son tour un renforcement du bruit, et ce jusqu'à ce que cette différence de perception disparaisse aussi brutalement qu'elle n'était venue.
La situation se prolongeait depuis des heures, ne s'interrompant qu'une seule fois, lorsqu’elle se sentit brusquement ensommeillée et sombra rapidement dans l'inconscience. Mais à son réveil, ses troubles reprirent, avec pour seule consolation d'être moins violents qu'auparavant.
Vous-êtes vous bien reposée, lieutenant ? demanda sans préavis la voix.
A…à peine. J'ai toujours un mal de crâne pas possible avec ce que vous m'avez fait. Et répondez-moi : je n'arrive plus à communiquer avec le reste de l'équipe. C'est normal ? voulut savoir Shanti.
Oui. J'ai besoin que chacun d'entre vous fasse son maximum pour maîtriser les améliorations que je vous fournis. Toute distraction est donc un obstacle à faire disparaître.
Je vois…
Avant de vous laisser, une dernière chose. Vous n'êtes plus qu'à quelques heures de l'opportunité. Lorsque vous ferez votre choix, sachez ceci : votre refus engendrerait l'autodestruction de l'ensemble des nanites habitant votre corps de manière totalement indétectable. Au préalable, elles auront modifié vos souvenirs pour éliminer toute trace de notre rencontre, et ceci sans qu'aucune technologie à disposition de vos semblables ne puisse le repérer. Ainsi, votre situation serait absolument identique à celle dans laquelle vous vous seriez trouvés si je ne vous avais pas contacté. Est-ce clair ?
…Oui.
Parfait. A bientôt, lieutenant Bhosle.
Shanti respira profondément avant de reprendre ses tentatives pour maîtriser ses sens.
Quelques heures… pensa-t-elle avec appréhension.



-Alerte contact ! annonça l'un des membres du CIC. Masse importante à proximité de notre trajectoire.
-Analysez-çà, répliqua le second, alors en poste, avant d'ouvrir une liaison avec le commandant. Madame, nous avons repéré un contact inconnu.

Le commandant du navire arriva quelques minutes plus tard dans la pièce.
-A vos rangs, fixe ! annonça le second.
-Repos, repos, dit négligemment la femme qui se dirigeait vers lui. Bon, qu'est-ce qui se passe ?
-Il y a une anomalie gravitationnelle sur notre trajectoire, commandant. Les premières analyses suggèrent un vaisseau, mais nous devrions avoir plus d'informations lorsque nous nous en approcherons.
Le responsable des systèmes de détection se tourna vers elle :
-Contact confirmé. Masse estimée à huit cent mille tonnes, réception de faibles rayonnements.
-Une identification ? demanda-t-elle.
-Négat…Attendez, les émissions des propulseurs me disent quelque chose…Oui ! Forte corrélation avec ceux des navires de guerre Anciens.
-Vous en êtes sûr ? demanda, incrédule, le second.
-Oui, certain. Ce n'est pas le même spectre d'émission, mais la technologie est très ressemblante.
-Combien de temps pour la décélération ?
Le second leva les yeux vers le chronomètre situé au plafond et effectua un rapide calcul mental.
-Moins de deux minutes, madame.
-Très bien. Manœuvres standards de sortie. Toutes les sections en alerte, systèmes d'autodéfenses actifs.
En quelques secondes, alors que le vaisseau allait retrouver l'espace normal, ses énormes plaques radar s'activaient, tandis que les systèmes de guidage de ses canons et missiles faisaient de même. Il s'agissait ici de l'un des rares avantages comparatifs entre la technologie terrienne et celle de ses concurrents de la Voie Lactée. Car là où des armes à énergie infiniment plus avancées que des obus et missiles, même nucléaires, demandaient une quantité d'énergie colossale, les projectiles terriens ne connaissaient pas ce problème. Ainsi, l'une des faiblesses fondamentales de navires appartenant à des espèces aussi avancées que les Réplicateurs, à savoir l'incapacité de combattre pendant quelques secondes après la sortie de l'hyperespace, ne s'appliquait pas à la flotte terrienne qui pouvait même, en théorie, ouvrir le feu dans celui-ci.
-Sortie de l'hyperespace d'ici quinze secondes. Vitesse zéro point deux c et en diminution, dit le timonier.
L'un des autres dangers de l'hyperespace était qu'en raison de l'absence de boucliers pour un vaisseau en émergence, les micrométéorites et autres particules devenaient des dangers mortels. En effet, une simple poussière relativement commune dans l'espace pouvait avoir des effets dévastateurs sur la coque d'un vaisseau lancé à des vitesses relativistes. Le blindage des navires modernes servait désormais plus à se protéger de ces risques qu'à celui des armes ennemies, si puissantes que seul un écran de protection pouvait en absorber l'énergie.
-Cinq, quatre, trois, deux, un…sortie ! annonça-t-il en surveillant ses instruments. Vitesse zéro point quinze c. Cap et vitesse normaux.
-Activation des générateurs de bouclier en cours. T moins huit secondes.
-Surveillance de proximité en cours. Distance au contact un point deux minute-lumière azimut 2-2-5 par 1-9-0.
-Générateurs hyperspatiaux désactivés.
Le commandant Rodenko acquiesça :
-Très bien. Faites un balayage actif du vaisseau. Je crois que ce genre de trouvaille plaira particulièrement au QG.
Et ne fera pas de mal à ma carrière. se retint-elle d'ajouter.

Quelques minutes plus tard, l'éclairage standard laissa soudainement place à celui d'urgence.

-Qu'est-ce qu'il se passe ?! demanda brusquement Rodenko à la section avaries.
Le visage mal éclairé de son responsable lui répondit quelques secondes plus tard :
-Les générateurs hyper avaient…une surcharge résiduelle et l'ont balancé dans le circuit. Ça a coupé les systèmes non prioritaires, mais on devrait récupérer le courant d'ici quelques minutes. Les armes, capteurs et boucliers sont toujours actifs.
-Il ne manquait plus que ça, murmura le second.


Dans un navire de guerre, aucun système n'est anodin, mais certains d'entre eux doivent pourtant bénéficier d'une priorité supérieure, car de leur maintien découle la survie-même du vaisseau. Les autres peuvent et doivent être temporairement contournés s'il faut maintenir ces clefs de voute. Parmi les autres se trouvaient les champs de force fournissant une seconde barrière de sécurité aux cellules de la prison du bord…
Shanti voyait depuis quelques minutes le garde s'inquiéter, mais sans en connaître la raison, quand brusquement, les lumières standard se coupèrent, laissant place à une poignée de lampes baignant d'une lueur bleutée le couloir derrière la vitre.

Maintenant, lieutenant Bhosle. lui dit la voix. Si vous voulez profiter de cette opportunité, alors levez-vous et dirigez-vous vers la vitre.
Shanti inspira profondément en fermant les yeux, puis fit le choix qu'elle avait inconsciemment accepté depuis quelques heures.
Elle se leva et obéit à la consigne.
Excellent, lieutenant. Si vous vouliez bien placer la paume de vos mains sur la vitre, à présent.
Shanti s'exécuta, jetant au passage un coup d'œil au Marine, qui semblait être occupé au téléphone, l'air visiblement agité. Quelques secondes plus tard, la vitre vibra légèrement, tandis que des fissures apparaissaient en son sein.
Le militaire se retourna brusquement, et courut vers la cellule de Shanti, son arme à la main.
Vous savez ce que vous aurez à faire, lieutenant.
Au moment où l'homme en armes arriva au niveau de la vitre, celle-ci éclata brusquement, projetant le Marine au sol. Shanti se rua sur lui et, prenant son arme, lui donna un coup de crosse sur le crâne. L'instant d'après, elle vérifia que l'homme était en vie malgré son inconscience, puis se dirigea vers les autres cellules. Avant qu'elle ne les atteigne, deux vitres s'effondrèrent, laissant passer Maltez et Campbell, dont le regard traduisait le même sentiment de peur face aux "dons" de cette voix.
-Mon commandant, le salua Shanti par réflexe.
-On peut arrêter ces conneries, Shanti. Là, on ne fait plus vraiment partie de l'armée.
-Désolé monsieur.
-Tom, dit Maltez, allez voir ce que fait Vernil. On n'a pas beaucoup de temps avant d'avoir tout le monde à nos trousses.
-Que fait-on, maintenant ?
Le Jumper que vous aviez pris lors de votre mission est à bord de ce vaisseau. Il doit être ramené dans les laboratoires du SGC pour étude, et est entreposé dans le hangar bâbord. Je vous invite donc à vous rendre là-bas pour quitter le navire. déclara posément la voix. Oh, et je vous suggère de ne plus vous inquiéter à propos de votre camarade. Il a pris sa décision.
-Commandant, cria Campbell à quelques mètres de là. Venez voir !
Shanti et Maltez rejoignirent rapidement le pilote du groupe, qui était devant la baie vitrée, intacte, de la cellule de Sylvestro Vernil. Celui-ci était allongé au sol, inconscient.
-Merde ! Qu'est-ce qu'il lui est arrivé ?
Il a pris sa décision, en connaissance de cause se fit entendre la voix chez les trois membres conscients de SG-22. Maintenant, il me semble plus qu'urgent pour vous de vous éloigner de cet endroit.
-Pas question ! répondit Maltez haut et fort. Je ne vais pas le laisser comme ça !
Sa santé n'est absolument pas en danger, commandant. En revanche, la votre risque d'être en péril si quelqu'un cherche à savoir ce qu'il se passe ici, ce qui arrivera tôt ou tard, c'est inévitable.
Campbell plaqua sa main contre la vitre, mais sans le moindre effet.
Non, lieutenant, je ne détruirai pas cette vitre. Cet homme a fait son choix, et vous devrez le respecter.
-Saleté, murmura Maltez.
-Désolé, Syl', dit Campbell en retirant lentement sa main de la paroi transparente. Bonne chance, vieux.
-Par où est ce hangar ? demanda Shanti d'une petite voix.
Par ici.
Soudain, une ligne brillante apparut aux yeux des trois personnes encore debout dans la prison du Daedalus, qui eurent un mouvement de recul.
J'ai réactivé les systèmes de communications entre nous quatre. Si vous partez maintenant, vous avez de bonnes chances de pouvoir prendre le contrôle du Jumper et quitter le vaisseau.
Pour quoi faire après ? demanda Campbell sur ce qui semblait être un canal commun.
Chaque chose en son temps, lieutenant. D'abord, évacuer le navire tant que vous le pouvez.
-D'accord, dit Maltez. Shanti, passez devant. Pas de morts, compris ?
-Oui monsieur, répondit-elle en vérifiant l'arme du soldat inconscient.
Le passe de celui-ci permit d'ouvrir la porte par laquelle passait le chemin lumineux, et les évadés quittèrent la prison.

-Combien de temps avant le retour à la normale ? demanda Rodenko au responsable de la section avaries.
-Encore quelques instants, madame, il faut juste réinitialiser le système de gestion de l'alimentation.
Elle acquiesça et se tourna vers l'officier tactique.
-Lancez une sonde de reconnaissance. Je veux savoir si ce vaisseau est habité.
-Bien compris, madame.

L'instant d'après, les lumières revinrent à la normale.
-Excellent, murmura Rodenko avant de hausser le ton. Rapport d'avarie, toutes les sections.


-Merde, souffla Maltez en voyant le retour des lumières dans le couloir. On accélère, tout le monde.
Le commandant du petit groupe bénissait sa chance de ne pas avoir croisé jusqu'à présent le moindre membre d'équipage. Mais il savait que cette chance ne durerait pas et que les trois prisonniers en tenue orange tentant de s'échapper du croiseur finiraient par rencontrer de la résistance.
La prison, malheureusement située sur le côté tribord, forçait SG-22 à franchir une grande distance dans les coursives, et les fugitifs étaient obligés de faire confiance à leur "informateur" pour trouver le chemin de la sortie.


-…monsieur ? demanda l'un des officiers au second, qui se rapprocha d'elle.
-Oui lieutenant ?
-Nous avons un problème. La prison ne répondait pas aux demandes de rapport d'avarie, et voilà la surveillance vidéo.
-C'est pas vrai…commandant !
-Quoi ? répondit celle-ci, son attention portée sur le vaisseau inconnu.
-Les prisonniers viennent de s'évader, nous avons un homme à terre.
-Merde ! Retrouvez-les, scellez immédiatement tous les compartiments.
-A vos ordres.

Les lumières s'éteignirent brusquement dans le couloir, forçant les évadés à s'arrêter dans leur course pour éviter de se heurter ensemble.
-Encore ? lâcha Cambell.
Non, il semblerait que votre évasion ait été découverte, et que les lumières ont été coupées pour gêner votre progression, entre autres mesures. Rien de très grave, je vous l'assure.
La seconde d'après, Shanti, à l'instar de ses deux compagnons, put voir dans le couloir aussi clairement qu'avant et faillit en laisser tomber son arme de surprise.
Un jeu d'enfant que de voir dans ces conditions. Mêmes vos équipements y arrivent, c'est dire.
-Bon, on continue ? dit Maltez.
Ils avancèrent d'un pas rapide, pour s'immobiliser devant une porte bloquée.
Votre main, lieutenant Bhosle. demanda la voix.
Shanti, comprenant ce qui allait se passer, posa sa main à plat sur la porte, et attendit. Pendant une dizaine de secondes, qui parurent durer une heure aux fugitifs, rien ne se produisit, puis la porte coulissa lentement, son système de verrouillage ravagé par les nanites.
Le compartiment suivant était beaucoup plus large et, dans la pièce que Shanti reconnut comme la salle de contrôle des propulseurs se trouvait une dizaine de techniciens et sous-officiers. Ceux-ci, en voyant la tenue de prisonniers des nouveaux arrivants, les regardèrent fixement, deux d'entre eux faisant mine d'avancer vers le petit groupe.
-Personne ne bouge, dit Shanti en pointant son arme vers eux. Nous ne faisons que passer, mais nous tirerons s'il le faut.
Elle laissa son supérieur et Campbell passer, restant immobile à tenir en respect les individus à côté d'elle. D'un bref coup d'œil, elle vit Maltez poser sa main sur la porte avant de reporter son attention sur les marins.
-C'est ouvert, Shanti ! Venez ! cria Campbell en ouvrant la porte.
Elle se dirigea à reculons vers la porte, puis, à quelques mètres de celle-ci, se retourna pour se ruer dans le passage tout juste ouvert.


-Commandant, les prisonniers ont réussi à quitter leur compartiment et viennent de passer par le Contrôle Propulsion. L'un d'entre eux est armé et le groupe d'intervention devrait les atteindre d'ici une minute à peine.
-Activez les systèmes de défense interne pour les immobiliser. Je veux deux sections pour sécuriser l'armurerie, répondit l'officier en charge du navire.


Shanti entendait désormais des pas lointains, rapides, appartenant à un groupe de personnes qui se dirigeait vers elle. Ne se posant plus de question sur les modifications qu'elle avait subi malgré elle, elle continuait de courir aussi vite que possible le long du chemin affiché dans son champ de vision. Quelques instants plus tard, le sas suivant était en vue quand un son strident déchira ses oreilles, au point où elle n'entendait même plus ses propres hurlements de douleur. Puis, aussi brutalement qu'il était venu, le son disparut.
Système de défense active interne, lieutenant. Je peux éliminer la douleur et les désagréments, mais il détruira rapidement vos tympans. Je vais vous indiquer la position des haut-parleurs muraux.
Une demi-douzaine de disques jaunes apparurent sur les murs, et, vérifiant que son arme était réglée au coup par coup, tira successivement dans chacun d'entre eux, tandis que la porte subissait l'assaut des nanites de Campbell.
La porte ouverte, Shanti se dirigea vers celle-ci, pour voir une demi-douzaine d'impacts frapper le mur là où elle se trouvait l'instant d'auparavant.
-Contact ! hurla-t-elle en s'engouffrant par l'ouverture avant de rabattre la porte derrière elle.
Par pitié, dites-moi que vous pouvez refermer cette porte ! supplia silencieusement Shanti en plaquant sa main sur la masse métallique.
Bien sûr. Encore quelques secondes…C'est bon, rejoignez les autres, lieutenant. lui répondit la voix.
Elle se mit à courir aussi vite que possible, tandis que résonnait derrière elle le cognement sourd des Marines tentant d'ouvrir la porte. Cognement qui cessa au bout de quelques secondes.
Très bien, vous devriez arriver dans la salle de stockage de munitions du hangar bâbord après cette porte. Le Jumper est à proximité immédiate, normalement.
Shanti n'eut pas le temps de répondre qu'une explosion derrière elle la fit presque tomber au sol, rattrapée au dernier moment par Maltez, Campbell gardant sa main plaquée sur la porte pour l'ouvrir.
Quelques instants plus tard, Shanti reproduisait la manœuvre précédente, scellant physiquement la porte à la cloison avant de rejoindre les deux militaires qui se dirigeaient vers l'entrée de la salle.

-Le sergent Rockwell nous confirme que les fugitifs sont rentrés dans la soute à munitions bâbord. Il ne peut pas faire sauter sa porte et va devoir contourner, rapporta le second.
-Évacuation du hangar bâbord. Fermez les portes épaisses, et préparez les haut-parleurs. Je veux pouvoir leur parler dès que l'évacuation sera terminée.

SG-22 pénétra dans l'immense hangar au moment où les gyrophares rouges s'allumèrent, accompagnés d'une alarme sonore et d'un appel à l'évacuation.
Le Jumper est dans la Baie n°7. Embarquez immédiatement.
Ils s'étaient mis à courir le long des chasseurs parqués dans les baies d'envol abandonnées par les techniciens lorsque les énormes plaques de blindage aux deux extrémités de la piste commencèrent à se refermer. Au même instant, une voix se fit entendre dans tout le hangar :
-Ici le capitaine de vaisseau Nastasha Rodenko, commandant du croiseur Daedalus. Le hangar est scellé et mes Marines seront sur vous d'une minute à l'autre. Déposez les armes immédiatement ou je dépressuriserai la zone. Vous avez 30 secondes pour obéir. Rodenko, terminé.

-Est-ce que le Jumper est armé, Tom ? demanda Maltez.
-Pas à ce que je sache, ce n'était qu'une mission de reco.
En effet, commandant, votre véhicule de fuite n'est pas armé, et aucun autre vaisseau présent n'est adapté. lui dit la voix.
Soudain, Shanti se mit à courir vers un chasseur voisin.
-Shanti ! Qu'est-ce que vous foutez ? hurla-t-il.
Sans prendre le temps de répondre, elle disparut derrière la cloison séparant les baies, d'où un bruit de roulement se fit entendre.
-Tom, préparez le Jumper, je ramène Shanti ! dit-il au pilote.
Surgissant de la baie d'envol, il dût sauter de côté pour éviter ce que poussait sa subordonnée : un chariot à missiles.

-Qu'est-ce que…?
-Pas le temps, commandant, répliqua la jeune femme en faisant pivoter la lourde charge sans difficulté, pointant les projectiles vers la paroi avant du hangar.

Au même moment, un souffle les jeta tout deux à terre, alors que l'air commençait à être vidé de la salle où SG-22 se trouvait.
Shanti plaqua sa main sur le missile le plus proche, faisant d'énormes efforts pour la garder plaquée sur la coque circulaire.
Faites-le partir ! pensa-t-elle.
Ce sera fait. Relevez-vous et allez vers le Jumper à moins que vous ne vouliez être soufflée par le propulseur.
-Allez, commandant, on y va ! La voie est libre ! lui dit-elle en se redressant et le tirant par le bras.
Ils se mirent à avancer difficilement, dans l'ouragan qui emplissait le hangar et, quelques secondes plus tard, le missile partit en hurlant de son chariot. Traversant en une fraction de seconde la distance le séparant de son plus proche obstacle, il ne dût son bon fonctionnement qu'à la désactivation de sa sécurité de tir. La fusée de contact, non bridée par la trop faible distance parcourue, confirma la collision avec le métal, transmettant les signaux aux lasers de détonation. Un instant plus tard, le missile et une partie de la porte épaisse étaient avalés par une petite sphère de plasma au refroidissement quasi-instantané. La combinaison de l'explosion et de la dépression locale provoqua une énorme onde de choc, ouvrant ainsi une brèche de grande taille. Jetés à terre par l'onde de choc, les deux membres de SG-22 s'agrippèrent aux parois de la baie lorsque le petit vaisseau Ancien se souleva et avança avant de pivoter pour laisser son arrière à moins d'un mètre d'eux.
Se jetant sur le sol du Jumper, Shanti et Maltez roulèrent de côté pour laisser Campbell fermer l'issue, tandis que leur véhicule retrouvé s'avançait dans le hangar.
Au moment où les deux rescapés de la décompression rejoignirent le pilote à l'avant, ils virent un des sas du hangar s'ouvrir et laisser passer une vingtaine de silhouettes habillées en noir, qui semblaient ne pas souffrir de la pression en chute libre ou de la tempête qui renversait chariots élévateurs, pièces mécaniques et bidons d'huile.
-On se casse ! dit Maltez alors que les premiers tirs venaient percuter la coque de leur frêle engin.

Le Jumper s'évanouit alors devant le regard du sergent Rockwell et de ses Marines, activant son camouflage avant d'accélérer brusquement et de franchir le trou causé par le missile.
Pendant quelques secondes, un silence absolu régna dans le Jumper, personne ne sachant quoi dire après les évènements qu'ils venaient de vivre. Puis, Campbell prit la parole :
-Bon, on s'est évadés. Mais on va où, maintenant ?


Le capitaine Rodenko n'en croyait pas ses yeux, ayant suivi, comme la quasi-totalité du personnel dans le CIC, la spectaculaire évasion de ses trois prisonniers. Mais si elle avait du mal à le croire, elle savait parfaitement quelles en seraient les conséquences pour sa carrière, si elle échouait dans ce test qu'était le Daedalus.
Elle se tourna vers son second et inspira profondément avant de donner ses ordres.
-Faites décoller tous les chasseurs disponibles. Lancez les drones de reconnaissance et mettez en réseau les capteurs gravitationnels. Feu à volonté sur le Jumper dès qu'il sera découvert.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Désolé pour ce retard, j'ai eu quelques problèmes d'emménagement, de double blizzard, de conducteur de bus psychotique et autres billevesées tristement habituelles dans ma vie quelque peu chaotique.

Voici donc la suite et la fin du cliffhanger du chapitre précédent, avec une réponse qui devrait en intéresser certains :



Chapitre 05 : Convergences

Le hangar violenté par la dépressurisation laissa rapidement place au vide spatial, noir absolu dans lequel aucune étoile ne venait apporter sa lueur.
Shanti regarda silencieusement au travers du cockpit l'endroit où devait se trouver le croiseur, mais sans pouvoir le distinguer au travers des ténèbres. Le silence fut brisé par le pilote du petit vaisseau.
-Bon, on s'est évadés. Mais on va où, maintenant ?
-Bonne question, reprit Maltez. Est-ce qu'on sait où l'on est ?
-A part "entre deux galaxies" ? demanda Shanti.
Dirigez-vous sur bâbord et activez les capteurs longue portée, leur dit doucement la voix qui les avait guidés tout au long de leur fuite à bord du Daedalus.
Campbell obtempéra et, aussitôt, une image s'afficha devant le trio d'évadés. Il s'agissait d'un grand vaisseau dont l'allure évoquait celle d'une torpille, un renflement sur le dessous courant sur une bonne partie de sa longueur, venant l'épaissir vers l'avant, où se situaient deux ouvertures de part et d'autre.
Deux ailerons courts émergeaient de ses flancs - courts mais non moins immenses : chacun d'eux était presque aussi large que le corps du navire. A la base aussi épais que la partie centrale, ils s'affinaient progressivement vers la pointe, tout en restant dans leur partie la moins massive d'un tiers aussi épais. A ses formes brutes se mêlaient quelques courbes venant marquer la jonction entre les principales structures.
Sur l'arrière, là ou le cylindre s'étrécissait, deux ailerons verticaux tronqués s'étiraient vers le haut et vers le bas ; placés en parallèle, ils étaient légèrement excentrés par rapport à l'axe principal du vaisseau. Dépassant plus loin en arrière du croiseur, une grande structure en diamant les coupait perpendiculairement, son envergure égalant celle des ailettes marquant les flancs du navire.
Enfin, son nez entamait un arrondi qui se trouvait vite amputé, ménageant sur l’avant un large disque plat.

Le pilote haussa les épaules et se retourna.
-Les scanners ont repéré ce contact à longue distance, dit-il. Quelqu'un reconnaît cet engin ?
-Non, répondit Shanti.
-Non plus, reprit Maltez. Mais il n'y a pas vraiment à hésiter, non ?
-Ouais, acquiesça Campbell. On y va, à moins que quelqu'un veuille rester définitivement ici.
Shanti lui fit signe de son accord, et sans un bruit, le vaisseau camouflé pivota sur lui-même pour accélérer vers son objectif.

-Major Ronson, combien de temps pour faire décoller vos engins ? demanda Rodenko dans son communicateur.
-Vingt minutes, moins si vous arrêtez de nous appeler toutes les trente secondes ! répondit d'une voix agacée le chef du petit groupe aérien avant de couper brusquement la liaison.
-Les drones sont en position, madame, annonça une voix dans le CIC. Anomalie gravitationnelle par bâbord arrière, dans la direction du contact Golf 2.
C'est bien de s'être camouflés, pensa Rodenko avec un léger sourire aux lèvres, mais dans un vide aussi absolu, on pourra quand même pister votre masse.
-Tactique, une solution de tir ? répliqua-t-elle.
-Négatif, madame. La zone de contact fait plus de mille deux cent kilomètres de large.
-Combien de temps pour s'en rapprocher ?
-Commandant, intervint le chef de la section des scanners. Si on est trop près, ça ne fera que perturber les drones.
-D'accord…Armement, sur mon ordre, feu avec toutes les batteries frontales, munitions à fragmentation pour une couverture de toute la zone cible. Timonier, mettez-nous face à elle, gardez une distance constante.
Ses subordonnés acquiescèrent avant d'exécuter les ordres.


-Oh oh.
Le ton du pilote attira immédiatement l'attention des deux autres membres de SG-22.
-Comment ça, "oh oh" ? Qu'est-ce qu'il se passe, Tom ? s'enquit Maltez.
-Le croiseur a viré de bord et…et il nous poursuit !
-Ils nous ont repéré ?! s'exclama Shan!ti.
-J'en sais rien ! Ils vont vers nous, mais il n'y a pas de verrouillage actif pour l'instant.
-Campbell, vous pourrez esquiver s'ils nous attaquent ?
-Ça dépend. S'ils balancent beaucoup de missiles, on va y passer sans aucun doute. Sauf bien sûr si celui qui nous a foutu dans ce merdier peut faire péter des missiles en plus des portes.
Le Daedalus ne vous a pas verrouillé, donc il sera inutile de répondre à cette interrogation, déclara posément la voix, répondant au pilote.
-On dira ce qu'on voudra, ça en a tout l'air, murmura Maltez avant de sursauter au cri de Campbell.
-Ils tirent !

Plusieurs milliers de kilomètres derrière le Jumper, les imposantes tourelles principales du croiseur venaient de pivoter, leurs canons obéissant aux ordinateurs de tir. Pendant quelques instants, les masses métalliques s'étaient arrêtées, silencieuses et invisibles dans le noir absolu. Puis, simultanément, les trente-deux coil-gun principaux du Daedalus se mirent à cracher en rythme leurs mortels projectiles d'artillerie anti-aérienne à longue portée.
-Première salve tirée, fragmentation dans six secondes, dit l'officier tactique, tournant la tête vers Rodenko.
Celle-ci avait reporté son attention sur l'hologramme tactique, qui permettait le suivi en temps réel de la myriade d'obus s'approchant de la zone jaune représentant la position estimée des fuyards, dont la route semblait les amener vers le vaisseau qui avait justifié l'interruption de son vol transgalactique.
-Fragmentation.

Les premiers obus détonèrent, libérant chacun des milliers de billes d'acier dans un cône de destruction qui allait englober une partie de la zone ciblée.
-Qu'est-ce que…demanda Shanti en voyant s'afficher sur le cockpit du Jumper des dizaines de lignes jaunes-orangées.
-La ferme ! aboya Campbell sans ôter son regard des traits lumineux.
Le seul signe des manoeuvres frénétiques du petit vaisseau était le défilement rapide des lignes, dont la couleur changeait progressivement pour tendre vers l'écarlate avant de disparaître. Quelques secondes plus tard, le pilote soupira bruyamment, effaçant de sa main des gouttes de sueur sur son front.
-Ils ne savent pas où on est, alors ils nous ont pilonnés à la flak.
-Ils peuvent nous toucher à cette distance ? s'enquit Shanti.
-Sans problème, répondit Maltez. Il suffit de tirer assez souvent là où ils croient qu'on est, et tôt ou tard on se fera toucher.
-Notre seule chance, c'est de faire quelques détours pour ne pas fournir une cible facile, mais ça m'étonnerait que cette "Rodenko" nous laisse filer comme ça.


L'écran de vidéo-surveillance montrait que la baie d'envol tribord du Daedalus était la proie d'une intense agitation, alors que les premiers appareils s'immobilisaient sur la piste principale. Autour de ceux-ci, les techniciens terminaient aussi vite que possible les préparatifs de décollage, des les tests électroniques à l'installation des missiles depuis leurs chariots de transport.
Le capitaine du croiseur détourna le regard du moniteur et se tourna vers la section tactique :
-Distance estimée à la cible ?
-Zéro point deux millions de kilomètres et en accroissement, lui répondit l'officier en charge, avant de compléter. Nous n'avons pas de solution de tir valable pour l'instant, madame.
-Je sais…préparez les générateurs hyperspatiaux pour un saut tactique ainsi qu'une nouvelle série de drones de reco.
-Point de sortie ? demanda le timonier.
-A proximité immédiate de la cible Golf 2. Départ sur mon ordre.
Elle plongea son regard dans l'affichage holographique devant elle, se fixant sur l'icône du vaisseau qui l'avait motivée à interrompre son voyage.
Je ne sais pas ce que tu fiches ici, toi…mais il n'y a aucune chance que je laisse des prisonniers sous ma surveillance venir à ton bord.
-Tactique, lorsque nous serons au voisinage de la cible, faites une analyse complète. Je veux apprendre tout ce qu'il y a à savoir sur cet engin de malheur.

Tandis que Campbell s'occupait de diriger le Jumper, les deux autres fugitifs de SG-22 s'étaient mis à vérifier le contenu de leur vaisseau. En effet, leur attention libre de se porter sur autre chose que des dangers de mort, la présence d'une poignée de containers à bord les avait étonnés. Ceux-ci avaient tout d'abord résisté à leurs efforts, puis s'étaient ouverts aussi facilement que les écoutilles du Daedalus, pour leur révéler une grande partie du matériel emporté lors de la mission fatidique.
-Qu'est-ce qu'on fait de ça ? demanda Shanti à son commandant.
-A mon avis, il vaudrait mieux garder les armes avec nous. Je ne sais pas où on va aller, mais je ne connais pas un coin dans la Voie Lactée où on n'en aura pas besoin…
-Peut-être, mais pensez à quelque chose, commandant.
-De quoi ?
-La…chose qui nous a fait nous évader a fait de nous des armes vivantes, s'est débrouillée pour neutraliser temporairement un fichu croiseur…Non, je ne suis pas sûr qu'avec ce genre d'allié, on puisse avoir besoin d'armement, et même alors, ça ne devrait pas lui poser problème de nous en procurer.
-Donc on s'en débarrasse ?
-Ça me semble être la meilleure chose à faire.
-Elle marque un point, commandant, intervint Campbell en se retournant. En plus, ce genre de joujoux, aussi bien soient-ils, ça crie "terrien" à deux parsecs à la ronde, et déjà qu'on va avoir beaucoup de monde à nos basques, autant ne pas leur mâcher le boulot, non ?
-Entendu, s'inclina Maltez. On les jettera dès que possible.
Il se tourna vers un autre container et s'apprêtait à l'ouvrir lorsque Shanti demanda à voix basse :
-Qu'est-ce qui vous a fait choisir de vous enfuir, commandant ?
Maltez s'immobilisa et la regarda.
-Je savais ce qui allait se passer. C'est déjà arrivé à des personnes que j'ai connu il y a quelques années. États de service parfaits, et d'un coup, le manque de bol dans une mission. Aucun n'a jamais pu retrouver son poste.
Il soupira avant de continuer.
-Je ne peux pas critiquer le choix de Sylvestro, mais je n'aurais jamais pu supporter cette fin. Alors, perdus pour perdus, autant essayer de voir ce qu'on nous propose. Vous, Shanti ?
-J'ai bossé des années pour être ici, et je n'avais pas envie de perdre ma chance de voir les étoiles au bout de quelques semaines, bien sûr.
Maltez eut un petit sourire alors que Shanti poursuivait.
-Mais surtout…je ne comprends plus ce qu'il se passe. La réaction de ces créatures avec le Bellérophon, les tests qu'on a subi, notre libération…et puis cette voix. Je veux savoir ce qui nous est arrivé, pas vous ?
-Totalement d'accord, acquiesça son supérieur au moment où le pilote les interpella.
-Hé, venez voir ça ! On a un nouveau problème !
D'un même mouvement, les deux militaires se relevèrent pour rejoindre leur compagnon de fuite.
-La Rodenko nous envoie ses chasseurs, continua-t-il alors que de nouveaux contacts apparaissaient sur l'hologramme.
-Est-ce qu'ils peuvent nous atteindre avant qu'on arrive à destination ?
-Aucune chance, répliqua le pilote. Leur capacité d'accélération ne fait pas le poids face à un Jumper. Elle est meilleure que celle du croiseur, mais c'est tout. En plus, c'est clair qu'ils ne savent pas où ils vont, regardez.
Il fit s'agrandir la zone où se trouvaient les appareils du Daedalus.
-Les chasseurs se dispersent pour couvrir une plus grosse zone. Elle tente d'avoir un meilleur réseau de capteurs, rien de plus.
-Qu'ils puissent nous atteindre ou pas, on s'en fout, le coupa Maltez. Si on tient à la vie, on doit atteindre ce vaisseau, alors pas de perte de temps, prends le chemin direct.
-Il a raison, reprit Shanti. Quelque soit leur plan, notre seule chance à littéralement des millions d'années-lumière est ce vaisseau.
-Vous inquiétez pas, je ne comptais pas faire de tourisme dans le coin, leur dit le pilote. Je vous tiens au courant, vu qu'on est tous dans la même galère.

-Temps estimé avant arrivée de la cible sur Golf 2 ?
-Douze minutes trente-cinq, répondit l'officier tactique.
-Saut dans cinq minutes, ordonna brièvement le commandant du navire.
-Affirmatif, acquiesça le navigateur.
Rodenko se permit un petit sourire alors que des alarmes se mirent à annoncer l'imminence d'un saut hyperspatial en conditions de combat. Un instant plus tard, elle sélectionna un nom sur son écran et aussitôt, le casque d'un pilote s'afficha sur son moniteur.
-Major Ronson, rapport de situation.
-La formation est en position, madame. Nous recevons et retransmettons toutes les données et attendons vos ordres.
-Très bien. Continuez de vous rapprocher de Golf 2. Nous allons faire un saut tactique d'ici quelques minutes pour trianguler correctement la position de la cible. Vous avez l'autorisation de tir si elle est à portée. Pas de sommation, compris ?
-A vos ordres.
Elle coupa la communication pour basculer vers un autre destinataire. Derrière celui-ci se voyaient les débris jonchant le hangar bâbord.
-Lieutenant Izuko, dit-elle en s'adressant au chef de son détachement de Marines, regroupez votre section d'assaut. Équipement complet pour abordage et neutralisation en EVA.
Le jeune officier eut l'air étonné et eut un petit temps de retard avant de répondre.
-Bien madame. Des informations sur l'objectif ?
-Vous en aurez d'ici cinq minutes.

Le container que venait d'ouvrir Shanti dans la soute ne contenant rien d'autre que les uniformes de service de SG-22, scellés dans des protections renforcées, Maltez se retourna alors vers le pilote, à côté de lui.
-Où en sont les chasseurs, Tom ? lui demanda-t-il.
-Ils sont dispersés et beaucoup trop loin de nous, même s'ils sont dans la bonne direction.
-Et il nous faudra combien de temps pour arriver ?
-Comptez dix bonnes minutes.
Aussitôt que vous serez à bord, il vous faudra suivre mes instructions si vous voulez pouvoir mener à bien votre évasion, intervint silencieusement la voix.
-Des soucis ? demanda Maltez avec une pointe d'ironie.
Peut-être, mais rien que je n'ai pu prévoir.
-Merde, jura Campbell à côté d'eux. Le croiseur vient de passer en hyperespace !
Reportant leur attention sur lui, Shanti et Maltez n'eurent pas le temps d'ouvrir la bouche que le pilote poursuivit :
-Il est sorti droit devant nous !
-Quelle distance ? voulut savoir Shanti.
-Il est juste à côté de l'engin dont vous discutiez.


-Toujours rien ?
-Négatif, commandant, dit l'officier tactique du Daedalus. Les scanners ne passent pas la coque du vaisseau et il ne répond pas à nos appels.
-A-t-il réagi à notre présence ?
-Non plus, madame. Aucune modification de sa signature énergétique, pas de signaux cohérents émis. Il a l'air HS.
-Les ouvertures que vous avez repéré avant le saut ?
-Toujours présentes, madame, apparemment pressurisées.
-…Très bien.
Rodenko se tourna vers son pupitre et sélectionna une fois de plus le chef de ses Marines.
-Lieutenant, votre section est-elle prête ?
-Affirmatif. Quel est le job ?
-On va vous dropper en EVA à côté de ce qui semble être un hangar dans le vaisseau vers lequel se dirigent les évadés. On n'a pas d'info avec les scanners, donc on enverra d'abord une sonde de reco pour ouvrir le chemin. Vérifiez l'état du navire, mais pas de risque inutile. S'il est occupé par un équipage, interdiction de tirer et repli immédiat. Pas besoin de rajouter une déclaration de guerre par-dessus une évasion. Autrement, sécurisez les hangars et neutralisez les évadés quand ils arriveront à bord. Mettez fin à leur fuite par tous les moyens disponibles.
-Bien compris, madame.
Elle coupa la communication et se tourna vers un autre membre du CIC.
-On a une position pour la cible ?
-Les ordinateurs corrèlent les données des drones et des chasseurs, on devrait encore en avoir pour quelques instants…c'est bon. On a une solution partielle.
-Partielle comment ? demanda Rodenko, en essayant de rester patiente.
-Pas de quoi verrouiller des missiles, mais on l'a à trente kilomètres près.
-Distance ?
-Quatre-vingt huit mille kilomètres et en approche.
-Et nos chasseurs ?
-Totalement hors de portée de tir.
Le commandant resta sans un mot pendant quelques secondes avant de donner une série d'ordres.
-A mon commandement, barrage de flak sur la zone. Une seule salve. Suivi des projectiles par radar. Armement des missiles d'interception. Feu à volonté si la cible est repérée.


-Oh oh. Je crois qu'elle nous en veut vraiment, lâcha Campbell.
-Un problème ? demanda Shanti.
-Non, juste une trentaine de canons de 155 qui me regardent droit dans les yeux…elle sait où on est.
-Et son croiseur est entre nous et le vaisseau, c'est ça ?
-Tout juste.
-J'espère qu'on aura pas à en arriver là, Tom, intervint Maltez, mais…y a-t-il des drones de combat dans ce Jumper ?
-Aucun, on n'a pas d'autre arme que celles des caisses derrière.
-D'accord. On a encore l'holo du vaisseau ?
-Le gros engin ? Oui.
L'hologramme s'afficha une fois de plus, et le chef du groupe y jeta un coup d'œil.
-Il y a deux hangars. On va contourner le croiseur et se servir de notre destination comme bouclier.
-Et atterrir par derrière, compléta Shanti. Pas bête.


-Changement de trajectoire, annonça le responsable des détecteurs. La cible semble s'écarter de nous.
-On reste là, ordonna Rodenko en activant une fois de plus son communicateur. Lieutenant Izuko, vous pouvez y aller.

Le groupe habillé en noir disparut dans un flash de lumière du hangar où il s'était rassemblé, et réapparut l'instant d'après dans le vide spatial, à proximité de l'engin qu'ils avaient pour mission d'investir.
-Daedalus, téléportation réussie, dit le lieutenant dans son casque.
-Bien compris lieutenant, répondit son interlocuteur. Nous avons masqué votre arrivée, donc les cibles ne sauront pas que vous êtes là. Bonne chance.
-Merci, conclut-il avant de changer de canal. Équipe 1, avec moi, on s'empare du hangar tribord. Équipe 2, avec Rockwell pour le hangar bâbord. On reste en comm' laser, pas de bla-bla.
Alors que ses subordonnés acquiesçaient, il fit pivoter sa combinaison et fit face à l'imposant navire.
Pfiou…pas étonnant qu'elle ait voulu s'arrêter dans ce coin paumé. C't'engin a de la gueule, c'est sûr, se dit-il alors que ses propulseurs le rapprochaient de la coque rendue visible par les systèmes de sa tenue.
Le vol se déroula sans difficultés, et il vérifia une dernière fois son arme avant de faire la dernière partie du trajet vers le hangar dont la lumière illuminait partiellement les alentours.
-Tout le monde en position, restez hors de vue, ordonna-t-il à ses troupes pour ensuite s'adresser à son second par le biais du croiseur. Rockwell, vous en êtes où ?
-Équipe 2 prête, on attend vos ordres, répondit-il.
-Une présence dans votre hangar ?
-Négatif, il est vide, mais on n'y est pas encore…
-D'accord. Je donnerai le signal, ne faites rien avant.
-Compris.
Izuko se plaqua doucement contre la paroi, imité par son équipe, et avança avec sa tenue le long des derniers mètres le séparant de l'ouverture. S'immobilisant à son niveau, il déploya une petite caméra qui afficha quelques instants plus tard l'intérieur du hangar dans son casque.
Lumineux et épuré, il contrastait fortement avec la zone ravagée qu'il avait quitté quelques minutes plus tôt. Son regard fut attiré par des vaisseaux qu'il reconnut aussitôt. Quelques Jumpers étaient alignés sur le sol immaculé, constituant les éléments principaux d'un décor dont le vide contrastait avec la volonté humaine d'exploiter au maximum l'espace d'un vaisseau.
Sympa…un foutu vaisseau Ancien à envahir. Faudra espérer que ça nous pète pas à la figure…
Il libéra un petit relais de communication, puis appela le croiseur.
-Contrôle, ici équipe 1. Les hangars semblent inoccupés. Présence confirmée de plusieurs, je répète, plusieurs Jumpers à bord.
-Ici Rodenko. Bien reçu. Vous pouvez y aller. Les ordres initiaux s'appliquent toujours.
-Bien compris. On y va.
Le jeune lieutenant inspira profondément, puis ouvrit le canal général.
-Maintenant ! Go, go, go !

Activant leurs propulseurs, les neuf Marines s'éloignèrent légèrement de la coque avant de changer brusquement de direction pour se diriger vers l'intérieur du hangar. Devant eux se situait l'écran le champ de force retenant l'air qui, Izuko l'avait vérifié, laissait passer les objets dans les deux sens. Le voile, d'un blanc laiteux, était parcouru de quelques ondulations depuis le passage de la petite caméra.
-Gravité zéro ! Vérifiez l'intérieur ! annonça le lieutenant au moment où il traversait sans résistance la barrière.
Le groupe se scinda en quatre paires qui entreprirent de s'assurer de l'absence de quelconques membres d'équipage tant dans le hangar lui-même que dans les quelques vaisseaux y étant placés. Izuko se chargea quant à lui d'inspecter les différentes issues, qui, comme le reste de l'environnement, semblaient privilégier la forme à la fonction.
-Vide ! annonça un caporal de son équipe.
-Rockwell ? demanda-t-il dans son casque.
-Personne à l'intérieur, monsieur. Juste une poignée de ces boites de conserves.
-D'accord. On se met en position, lui dit-il en coupant la communication pour s'adresser aux membres de son groupe. Ho, tout le monde ! On se prépare à les accueillir. Avec moi !
Pendant que les autres membres de son groupe se rapprochaient, il prit successivement chacune des ses grenades flash-bang et les déposa à proximité des portes et d'un Jumper.
Il leva alors son bras pour activer un petit harpon magnétique qui vint se fixer sur une paroi à une dizaine de mètres de lui, à proximité de l'une des rares structures présentes dans la pièce, dont la position offrait l'avantage de dominer tout le hangar.
-Daedalus, on est en position.


-Allez, plus qu'une minute et on y est, souffla Maltez pour se rassurer.
-Qu'est-ce qu'on fait une fois à bord ? demanda Shanti.
Il y a un changement de programme. Vos semblables ont envoyé des militaires à bord du vaisseau.
-Quoi ?! s'exclamèrent en chœur les trois évadés.
Deux groupes viennent de pénétrer dans les hangars et ont monté ce qui s'apparente à une embuscade.
-Shanti, dit le commandant. Est-ce qu'il y a des munitions pour les armes ?
-Oui, monsieur, répondit-elle. Dans un autre container, mais toutes celles qu'on a embarqué sont là.
-Commandant, le coupa Campbell. Vous n'espérez pas vous payez un groupe d'intervention de Marines, quand même ?
-Si on n'a pas de plan, il faudra bien. Et puis vous, continua-t-il, vous ne pouvez rien faire pour nous débarrasser d'eux ?
Malheureusement non, commandant. Le contrôle que j'ai sur ce vaisseau est malheureusement très limité, et il en restera ainsi tant que vous n'aurez pas pu accéder au poste de commandement, répliqua la voix.
-Tout ce qu'il faut faire, c'est aller là-bas, c'est tout ? demanda Maltez.
En effet. A partir de ce moment-là, il sera possible d'activer l'ensemble des systèmes de bord, dont ceux d'autodéfense.
La voix n'eut pas de réponse, alors que Maltez prenait un air pensif.
-Est-ce qu'on a les plans intérieurs…disons du hangar et des compartiments voisins ? finit-il par dire, une étincelle dans les yeux.


-Ici Daedalus. Le Jumper va très probablement rentrer dans votre hangar. Temps estimé à moins d'une minute.
-Bien compris Daedalus, répondit Izuko.
Il vérifia une dernière fois son arme et fit un signe à ses troupes pour les prévenir de l'imminence de l'opération. Son regard porté sur l'écran de protection du hangar, il respirait calmement, son doigt posé sur le détonateur des grenades paralysantes, lorsque le bolide entra à plusieurs centaines de mètres par seconde.
Le véhicule spatial franchit sans effort le champ de force et pivota brusquement sur lui-même avant de percuter violemment une des portes du hangar, projetant de nombreux débris qui se mirent à voler puis rebondir dans l'apesanteur ambiante.
-On y va !

-D'accord, reconnut Shanti en tendant son arme à Campbell. Je ne critiquerai plus jamais les compensateurs inertiels Anciens.
-A la bonne heure, répondit celui-ci en actionnant le système d'ouverture de la porte.
Derrière celle-ci se trouvait un couloir parsemé de débris, leur vaisseau ayant partiellement enfoncé la paroi lors de l'impact. Comme lors de leur fuite à bord du Daedalus, le chemin à prendre s'afficha directement au regard de Shanti et de ses compagnons de fuite. La principale différence, dont ils s'aperçurent en sortant du Jumper encastré dans la paroi, était l'absence de gravité. Emportée par un faux mouvement, Shanti se mit à flotter quelques secondes jusqu'à pouvoir s'accrocher à une aspérité d'une cloison.
Le chemin qui vous est indiqué contient aussi peu de virages que possibles, intervint la voix. De plus, les soldats ont quitté leur position et se rapprochent rapidement de la vôtre.
La jeune femme prit alors l'initiative de se lancer le long du couloir, en suivant la direction requise par leur guide, imitée en cela par Maltez et Campbell. Il ne lui fallut que quelques secondes pour que son entraînement au combat en apesanteur revienne à elle ; voyant qu'aucun obstacle ne se présentait, elle se retourna rapidement en faisant pivoter son arme. Elle vit alors une partie de la cloison être soufflée par une détonation, et aligna tant bien que mal son fusil d'assaut vers la brèche nouvellement formée, utilisant ses jambes pour ne pas perdre son objectif de vue.
Marines sur vos 6 heures, prévint-elle silencieusement les deux hommes qui commençaient à se retourner. Je fais un tir de couverture.
Compris, répondit de la même manière Maltez. On a un virage dans moins de 10 mètres, faites gaffe.
Shanti acquiesça et, se concentrant sur sa cible, visa soigneusement l'avant du Jumper, situé à côté de la brèche. Une fraction de seconde plus tard, tandis qu'une forme noire commençait à apparaître, elle appuya quelques instants sur la queue de détente, et sentit le léger recul du rail-gun crachant une série de projectiles.

Le caporal devant lui eut un vif mouvement de recul alors qu'Izuko se préparait à le suivre dans l'ouverture que venait d'ouvrir le projectile explosif. Il vit les étincelles et en tira aussitôt la conclusion que ses ordres impliquaient.
-Ici Izuko. Les cibles sont armées, je répète, armées. Feu à volonté sur les objectifs. Neutralisez si possible, mais pas de risque inutile !

Shanti attrapa brièvement le renfoncement d'une porte pour ralentir sa course et infléchir sa trajectoire alors qu'elle se rapprochait du virage prévu. Se dirigeant vers une paroi, elle put amortir le choc avec ses jambes et se lança dans la direction suivante, suivie de près par les deux autres fugitifs.
Lorsque vous arriverez dans le poste de commandement, l'un d'entre vous devra s'installer sur le fauteuil de contrôle tandis que les autres iront chacun activer l'un des pupitres principaux. Je vous afficherai alors une série de caractères à entrer dans le système pour vous faire accepter par le système de sécurité.
C'est sympa, tout ça, répondit brusquement Shanti, mais il faudrait déjà qu'on arrive entiers là-bas !
Je doute que cette poursuite s'éternise, lieutenant Bhosle. Vos militaires agissent prudemment et ne vont probablement pas vouloir vous rejoindre dans ces conditions, sachant que vous êtes armés. Lorsqu'ils décideront d'agir, nous devrions déjà avoir la maîtrise du vaisseau lui-même.

Pendant plusieurs longues minutes, le petit groupe continua d'avancer, la plupart du temps en gardant leurs armes pointées vers le dernier virage pris, d'où pouvaient surgir les Marines à leurs trousses. Traversant de nombreuses salles, ils n'avaient pas pris la peine de s'attarder sur l'apparence de celles-ci, concentrés sur les assaillants qu'ils voyaient sous forme de silhouettes derrière les cloisons. A plusieurs reprises, ils ouvrirent le feu alors que l'une d'entre elles tentait de franchir trop vite l'un des croisements ou de leur tirer dessus depuis celui-ci.
Shanti venait de faire reculer une fois de plus l'un des militaires lorsque, en tournant pour suivre le chemin indiqué, elle percuta sans douceur une porte métallique.
Merde ! C'est quoi ça !? demanda-t-elle alors que les deux hommes se réceptionnaient à côté d'elle.
Vous êtes à destination, leur annonça la voix. Il y a un clavier à votre droite. Entrez le code d'accès.
-Shanti, faites-le, ordonna Maltez en se plaçant près de la cloison, l'arme brandie. On les retient.
Elle trouva le clavier à la périphérie de son champ de vision, et, l'instant d'après, une des touches lui apparut clairement plus brillante. Lorsque son doigt fut posé dessus, une autre touche eut ce privilège, et la jeune femme continua le processus pendant quelques secondes, au bout desquelles la porte coulissa.

-L'ennemi n'avance plus, lieutenant, lui signala l'un de ses caporaux.
-D'accord, répondit Izuko. En position, sortez les flashbang.

-C'est bon, dit Shanti en se lançant dans la pièce, suivie aussitôt par les deux hommes.
Comment on referme la porte ? demanda-t-elle.
Il faut utiliser le pupitre du côté intérieur.
Zut, réagit-elle alors qu'elle traversait déjà la salle.
Se réceptionnant sur un écran, elle donna une nouvelle impulsion pour revenir près de la porte avant de rentrer à nouveau le code d'accès, provoquant la fermeture de l'entrée, lui laissant voir un bref instant une série de petits objets arriver depuis le couloir. Le bruit sourd de la porte fut alors suivi par celui, légèrement plus intense, des grenades paralysantes détonant derrière la cloison.
Se retournant en lâchant un profond soupir, Shanti prit enfin le temps d'observer la pièce. Circulaire, elle abritait ostensiblement un fauteuil de contrôle Ancien en son centre, entouré par une table ainsi qu'une poignée de pupitres et d'écrans ergonomiques, une lueur bleutée omniprésente donnant au tout une apparence fantomatique.
C'est ça, le CIC ? demanda-t-elle, étonnée de l'austérité de la pièce.
Oui. A présent, que l'un d'entre vous s'installe sur le fauteuil, les autres aux pupitres que je vous indique, répondit la voix alors que deux de ceux-ci étaient brusquement éclairés.
-Campbell, annonça Maltez en indiquant du geste le dispositif central, vous êtes le seul formé pour ce genre de machins, allez-y, on se charge du reste.
Imitant son supérieur, Shanti se rendit près de l'un des dispositifs mis en valeur par la voix. Elle y trouva un clavier au-dessus duquel apparut un écran holographique au moment où elle fut à proximité. Des deux côtés du clavier se trouvaient des petits dômes qui attirèrent brièvement son regard, mais son attention en fut détournée par les coups sourds et répétés en provenance de la porte.
Ne vous inquiétez pas, lieutenant, cette porte, ainsi que les cloisons voisines, résisteront à tout ce que ces militaires pourront tenter. Entrez à présent les codes d'accès puis placez vos mains sur les réceptacles lorsqu'ils s'illumineront.

Shanti obtempéra, appuyant sur les touches désignées par les nanites qui l'habitaient. Le code, assez long, prit une quinzaine de secondes à être rentré, puis, la dernière touche pressée, les deux séries de dômes prirent une couleur jaunâtre.
Prudemment, elle posa ses mains dessus, et soudain, son visage apparut sur l'écran holographique devant elle. Elle regarda plus attentivement, et vit autour d'elle plusieurs séries de caractères Anciens, de valeurs numériques et d'autres signes qu'elle ne déchiffrait pas.
-Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle à haute voix.
-Aucune idée, lui répondit Maltez, trahissant une pointe d'inquiétude.
Il s'agit de vos dossiers militaires en tant qu'officiers de commandement dans la flotte des créateurs de ce vaisseau, leur dit doucement la voix.
-Quoi ? lâcha Shanti, éberluée.

Un sifflement ébahi fit se retourner les deux militaires avant qu'ils ne puissent poser d'autres questions. Ils virent Campbell en train de regarder les alentours avec un regard d'enfant découvrant son cadeau de Noël.
-Ah ben merde, dit-il. C'est une belle bête.
Bienvenue à bord de la frégate de reconnaissance et d'opérations spéciales Hippartalanos, conclut la voix. Lieutenant Campbell, si vous voulez vous donner la peine de régler votre dernier problème…
-Euh, répondit l'intéressé. Je ne suis pas encore vraiment sûr de tout maîtriser à la perfection, là…
Je peux m'en charger par votre intermédiaire, si vous le désirez. Et rassurez-vous, il n'y aura pas de victimes.
-Commandant ? demanda-t-il depuis le fauteuil.
Maltez hocha de la tête au moment où un bruit assourdissant le fit sursauter et légèrement décoller du sol.

Le lieutenant Izuko fit doucement dépasser sa caméra télescopique de la cloison pour observer les résultats de sa tentative. Lorsque la porte s'était refermée devant son équipe, il ne lui avait fallu que quelques secondes pour se décider à utiliser la charge de démolition que transportait un de ses soldats. Celle-ci était prévue pour percer n'importe quel obstacle qu'un commando pouvait rencontrer au cours d'une mission normale, mais, lorsqu'il vit la porte intacte et tout juste noircie, il eut confirmation de ce qu'il savait déjà : sa mission était tout sauf normale.
Il n'eut que le temps de voir les traces disparaître d'elles-même de la porte et des cloisons avant qu'un flash blanc n'engloutisse son regard, laissant rapidement place au noir absolu.
-Merde ! Tout le monde au rapport ! hurla-t-il dans son casque en passant en mode de vision améliorée.
Il vit alors une quinzaine de silhouettes flotter devant lui, certaines s'agitant quelques secondes avant de se calmer.

-Commandant, annonça l'officier tactique, nos Marines viennent d'être téléportés à l'extérieur du vaisseau.
-Quoi ?! s'étonna-t-elle avant de se lever de son siège pour le rejoindre. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
-On ne sait pas, ils semblent être aussi étonnés que nous et…alerte ! Le vaisseau active ses boucliers !
-Téléportez les Marines à bord et éloignez-vous ! Saut hyper tactique vers les chasseurs !
Même si elle désirait remettre la main sur les évadés et, si possible, sur ce vaisseau inconnu, Nastasha Rodenko connaissait parfaitement les risques encourus par son appareil et son équipage face à un engin dont elle ignorait tout. Dans l'univers connu, l'agressivité à l'égard des inconnus était, depuis la mise en place du Programme, une des manières les plus rapide de mettre fin à ses jours. Ou pire.
Le croiseur commença ainsi à pivoter, récupérant au passage les hommes et femmes flottant dans l'espace avec leurs armes.


Le passage en hyperespace du Daedalus, affiché dans un hologramme flottant au milieu de la pièce, provoqua un soupir de soulagement chez les trois occupants de la pièce.
-Bon, c'est terminé ? dit faiblement Campbell.
-Bien au contraire, lieutenant, répondit la voix.
Il fallut au groupe une poignée de secondes pour se rendre compte que, cette fois-ci, elle avait parlé non pas par l'intermédiaire des nanites, mais par des haut-parleurs présents dans la pièce.
Lorsque la surprise se lut sur leur visage, elle reprit :
-A présent que l'un d'entre vous s'est synchronisé avec le vaisseau, il m'est possible d'utiliser ses capacités, ce qui peut nous être à tous profitable, comme je viens de le démontrer à l'instant.
-Mais…qui êtes-vous ? lâcha Maltez.
-Une somme de connaissances et d'expériences, comme vous. Mais infiniment plus vaste.
-Vous n'avez pas répondu à sa question, intervint Shanti.
-En effet. Pour faire simple, je suis ce que vous pourriez appeler une entité artificielle douée de conscience. J'ai hérité tant des connaissances de mes créateurs que d'une partie de leurs biens, comme le navire dans lequel vous vous trouvez à présent.
-Et…votre nom ? hasarda-t-elle.
-Atlantis.
Dernière modification par Rufus Shinra le 03 janv. 2011, 20:35, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Blackeagle »

Rufus, il y a semble-t'il un problème d'encodage du texte (des " un peu partout). :)
Si tu as copié/collé le texte à partir d'un éditeur externe, cela vient surement de là.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Corrigé, merci beaucoup. Un problème de la part de mon fichier source. D'habitude, je le règle avant le post, mais là, j'avais oublié.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Blackeagle »

Au plaisir :)
Je continue donc ma lecture.
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Message non lu par Vyslanté »

Bigre !

Deux chapitres que je n'avais point commenté !


Bon, bonne nouvelle, on va pouvoir montrer le ch'tit dessin de Skay-39 ^^


Alors, là, dans ce cinquième chapitre on va de surprises en surprises ! Et la fin... alors la fin... pour tout te dire, je pensais que c'était nos potes les arachnides qui étaient responsables de tout ce bazard autour de SG-22. Et en fait non. Et à la vue de la suite (oui, je sais, c'est pas bien de spoiler :P ) c'est tant mieux.

En fait, ça explique même plus facilement leur spectaculaire évasion...

Du beau boulot !
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »

Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
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Chapitre 06 : De la poussière à la poussière


Problème de taille lors de l'internationalisation du Programme, la question du drapeau avait occupé les pensées des divers diplomates assurant la structuration de cette nouvelle organisation. Finalement, il se révéla être l'une des réponses à ce problème plutôt qu’une inconnue supplémentaire. Arrivé à bord du Daedalus peu après le siège d'Atlantis, un biologiste panaméen n’avait eu, comme les autres, qu’un seul effet personnel à emporter à des millions d'années-lumière de son foyer. Son dévolu se jeta sur un drapeau. Malgré son idéalisme, il s’était rendu compte de la mainmise historique des Etats-Unis sur le Programme, alors qu’il regroupait désormais la quasi-totalité des nations du globe. Ainsi, il décida d’emporter non pas le symbole de son pays, mais celui d’une Terre qu’il rêvait unifiée : un drapeau de l'Organisation des Nations Unies. Celui-ci, installé -avec l'accord tacite des docteurs Weir et Jackson- par les scientifiques de la Cité à l'extérieur de la tour principale de la Cité, fut témoin du développement progressif de la présence terrienne dans Pégase.
Lorsque les échanges Terre-Atlantis se normalisèrent enfin, l’organisme civil de gestion de la Porte put avoir son mot à dire sur la gestion de la Cité. Le docteur Weir fut alors priée de s’expliquer sur la présence de ce drapeau. En effet, si l’expédition était internationale, elle restait au demeurant principalement financée et armée par les États-Unis.
La diplomate, voyant la nature provisoire de l’administration en face d’elle, avait souligné l'importance d'une légitimité acceptable par tous les partenaires. Celle-ci était déjà menée dans les faits par les pays-membres du Conseil de Sécurité, en raison de leur mainmise sur les technologies militaires et aérospatiales. Le lien lui avait donc paru évident avec l'O.N.U., structure existante, reconnue, et déjà formatée pour chapeauter le Programme.
Celui-ci devenant petit à petit le véritable cœur des relations à haut niveau des nations du Conseil, la proposition de la diplomate, appuyée par ses nombreux contacts, fut finalement adoptée. Et le jour où le monde apprit l'élargissement du Conseil de Sécurité aux nouvelles puissances, l'O.N.U. avait en secret acquis des responsabilités dont n'auraient jamais rêvé les plus optimistes des signataires originaux de sa Charte.




UNSS Concordia

Le hangar était inhabituellement silencieux, malgré le nombre étonnamment élevé de personne à l’intérieur. Tous les officiers du bord n'étant pas de quart ainsi que de nombreux sous-officiers et marins étaient alignés, de part et d’autre du CAG qui terminait son discours devant les quinze cercueils vides de l'équipage de la corvette de reconnaissance détruite la veille.
Sur chacune des sinistres silhouettes étaient fixés deux drapeaux, rappelant la dualité du Programme auquel tous les individus présents appartenaient. Les différentes nations d'origine des disparus étaient représentées par leur drapeau respectif, à l'arrière du cercueil, tandis qu'à l'avant se trouvait celui de la planète pour laquelle ils avaient donné leur vie.

Sur un geste de Mitchell, deux rangées de Marines s'avancèrent de part et d'autre des cercueils, fusils en main, alors que le reste des militaires se mettait au garde-à-vous. Se tournant vers l'imposante ouverture du hangar, les hommes et femmes du peloton levèrent d'un même geste leurs armes, les pointant vers le vide spatial situé à quelques mètres d'eux, alors que les cercueils étaient lentement amenés vers le champ de force.

Entendant plus qu'il ne voyait les Marines tirer en direction du vide interstellaire, Carl repensa au bruit similaire qu'avaient fait les chopes posées les unes après les autres sur un présentoir séparé. Réservé aux équipages non-combattants, il n'en était pas moins aussi rempli que celui à la mémoire des pilotes de chasse, témoignant des pertes subies au cours du temps par les escadrons de reconnaissance arrivés à bord de l'énorme navire.

-Enfoirés, lâcha Carl.
-Ouais, acquiesça une jeune lieutenant, assise à la même table. Tu savais que leur ambassadeur s'est invité dans l'opération de sauvetage ?
-On m'a dit que c'était sur "proposition" de l'amiral, intervint une personne arrivant près d'eux.
Carl reconnut la voix et se retourna aussitôt :
-Qu'est-ce que tu veux dire, Samir ? demanda-t-il à l'homme derrière lui, en tenue de service bleu foncé.
L'officier de pont prit une chaise à la table voisine et la rapprocha de la première, s'asseyant rapidement dessus, avant de reprendre :
-Je ne sais pas ce qui se raconte chez vous, mais ce que je sais, c'est que l'amiral s'est arrangé pour envoyer "monsieur" l'ambassadeur sur l'Ajax dès qu'il a appris ce qui s'est passé.
-Manière de lui dire qu'il sait qui est derrière ce coup, l'interrompit Carl.
-J'en sais rien. Mais pas besoin d'être un grand stratège pour faire le rapprochement entre ces derniers merdiers et le gros tas de vaisseaux qui s'amuse à rester juste à côté, lui répondit Samir en indiquant de la tête la chope de Carl.
-Et qu'est-ce qu'il compte faire, maintenant ? intervint l'un des pilotes attablés.
-Si je le savais, je serais amiral, pas lieutenant.
-On va probablement riposter, souffla Carl.
-Aucune chance, Halcyon, dit une pilote plus âgée, qui venait d'arriver avec un verre dans chaque main.
Elle ne laissa pas à Carl le temps de répondre qu'elle tourna la tête vers Samir :
-Je crois que vous avez pris ma chaise, lieutenant.
-Désolé, madame, répondit précipitamment l'officier en se levant pour remettre l'objet du délit dans sa position initiale.
-Pas de problème, lui dit-elle avant de poser à proximité les deux récipients remplis de liquide légèrement coloré.
-Major ? demanda Carl.
-Oui, lieutenant ? répondit-elle.
-Pourquoi est-ce que vous dites que l'amiral ne fera rien pour venger cette attaque ?
La femme, âgée d'environ trente-cinq ans, soupira ostensiblement et, après quelques instants d'hésitation, tira la chaise à elle pour s'asseoir à la table, tandis que Samir s'adossait à un pilier voisin.
-Tout simplement, lieutenant, parce que si vous aviez fait un peu plus attention à ce qu'on vous a raconté au SGC, vous sauriez que ce genre de merde arrive. Où est-ce que vous croyez qu'on a perdu autant de monde ? demanda-t-elle en montrant de la tête les chopes alignées. Dans des batailles épiques contre les Goa'uld ou les Wraith ?
Personne ne répondant, elle continua.
-C'est vrai, il y a eu quelques batailles frontales avec ceux-là, mais pas tant que ça. Là où vous avez le plus de chances de laisser votre peau, c'est contre des foutus pirates et autres demeurés ayant mis la main sur je ne sais combien d'engins Goa'uld ou autres. Alors, on a beau avoir un bon entraînement et du matos correct, la patrouille qui tombe sur un groupe de Ha'Tak pirates, elle y passe. Point final. Et est-ce qu'on est partis en guerre contre les Jaffas pour ça ? Non.
-Mais c'était une embuscade ! dit Carl. Qu'est-ce que des pirates feraient à nous attendre avec des engins pareils ?
-J'en sais rien…personne n'en sait rien.
-Qu'est-ce qu'on fera, alors ? demanda Samir.
-Obéir aux ordres, comme d'habitude, répondit leur interlocutrice avant de quitter la table. Et rester sur nos gardes.
Les jeunes officiers autour de la table ne dirent rien, alors que leur aînée s'installait auprès de ses pairs, dont l'ancienneté pouvait aussi bien se voir sur leurs visages que s'entendre dans leurs propos. Ils regardaient ces vétérans, certains d'entre eux ayant, à en croire un discret insigne blanc sur le côté, participé à la défense de la Terre lors de la bataille de l'Antarctique. Toute leur attitude dénotait la tension qu'éprouvaient chaque homme et femme du bord, mais d'une manière fondamentalement différente de celle que ressentait Carl et ses voisins. Ils la maitrisaient, l'acceptaient comme l'un des éléments de leur vie quotidienne, alors que les jeunes promus luttaient contre les émotions contradictoires qui étaient désormais leurs : anxiété, excitation, deuil, peur, appréhension, fatigue.

Rien ne leur avait été épargné lors de ce premier mois de service actif.


Un avertisseur sonore attira l'attention de l'amiral alors qu'il parcourait les rapports de son état-major. Reconnaissant le son, il tourna la tête vers l'un de ses officiers, qui commençait déjà à parler :
-Réception message FLASH. Priorité 1.
L'homme prit une petite carte dans une armoire rouge située à côté de lui, et l'inséra dans une fente de son pupitre de contrôle. Il attendit quelques secondes avant de l'extraire et de se lever pour se diriger vers l'amiral.
Celui-ci reçut le bloc de données et se dirigea immédiatement vers son propre poste, où il tapa ses deux mots de passe avant d'y insérer le rectangle de plastique rouge sur lequel brillait une série de chiffres dorés, tandis que les capteurs biométriques dans le clavier achevaient de confirmer son identité.
Le message s'afficha aussitôt, et, après l'avoir consulté, l'amiral retira la carte pour la ranger dans une poche intérieure de son uniforme, en lâchant un léger soupir.
Mais qu'est-ce que ça veut dire ? se demandait-il en se levant.
-Réunion d'état-major dans un quart d'heure, prévenez le capitaine Li et le général Mitchell sur-le-champ, déclara l'amiral en se rapprochant de la carte stellaire à proximité de son poste. Les étoiles les plus proches y étaient représentées, un code de couleur permettant d'indiquer des particularités telles que la présence de planètes ou de Portes connues. Depuis la réception des ordres, la carte ne cessait de s'actualiser alors que les groupes SG et les missions de reconnaissance se succédaient. Et chaque journée voyait une série de systèmes changer de couleur pour passer à un jaune rayé de noir.

Autant de planètes ravagées et stérilisées par les attaques radiologiques à l'origine de la mission du Concordia.
Puis, la destruction du Bellérophon ayant officialisé les intentions des assaillants, la carte affichait désormais une "ligne de front" s'étendant sur des dizaines de milliers d'années-lumière carrées.

Mais cette même ligne n'avançait plus depuis deux jours, arrêtée à vingt-six années-lumière de l'étoile autour de laquelle orbitaient les deux groupes de vaisseaux.

L'amiral revint à son poste et, pendant quelques longues minutes, parcourut les différents ordres reçus depuis la Terre, avant de reporter son regard sur une série de rapports rédigés récemment. Sur ceux-ci, une série d'images illustraient les contacts inconnus qui avaient détruit l'un de ses croiseurs deux semaines plus tôt. Aucune photographie n'était disponible en couleurs naturelles, et chacune des images était accompagnée d'une légende indiquant la nature des capteurs ayant été utilisés ainsi que le nom de code de l’objet observé : Kali. Son regard s'attarda sur la forme oblongue de l'engin, dont les contours demeuraient flous, malgré les nombreuses photos et mesures. Les quelques informations confirmées à son propos étaient elles-mêmes fragmentaires, étant pour la plupart déduites des enregistrements du croiseur défunt, le reste n'étant que spéculation des pilotes et de la section scientifique du navire.

Appuyant sur une série de touches, il mit fin à sa session et se leva. Prenant la direction de la sortie, l'amiral jeta un dernier regard au centre de commandement, dont seules la cuve holographique et la carte stellaire permettaient de le différencier de celui d'un des nombreux navires qui patrouillaient les mers et océans de sa planète.

Les regards se portèrent sur le commandant de la flotte lorsque le dernier membre de son personnel d'état-major rentra dans la salle de réunion. Reportant son attention sur les écrans de vidéo-conférence où s'affichaient les visages des capitaines des divers escorteurs, l'amiral Wulfe s'adressa à eux :
-Mesdames et messieurs, nous venons de recevoir une modification des conditions d'engagement. A compter de maintenant, il nous est strictement interdit, pour quelque raison que ce soit, d'ouvrir le feu sur les appareils de type Kali.
Les visages des officiers présentèrent les mêmes signes de surprise qui avaient marqué l'amiral quelques minutes plus tôt, et il continua.
-Le Haut-Commandement nous informe que, pour autant que nous le sachions, un armistice est en vigueur entre la Terre et ces forces inconnues. Les opérations de reconnaissance ne sont pas interrompues pour l'instant, mais la consigne prioritaire est de ne pas s'interposer aux actions de ces navires, de manière directe ou indirecte.
Mitchell se redressa sur son siège, avant de se pencher légèrement en avant sur la table.
-Autrement dit, amiral, on reste sur le banc de touche et on observe les feux d'artifice ?
-Tout à fait. La principale mission de vos forces sera, jusqu'à nouvel ordre, de nous indiquer la position des leurs, sans vous en approcher de trop près. De même, et cet ordre s'applique à chaque appareil de l'escadre, si l'un de ces navires s'approche, pas de conneries. On ne fait absolument pas le poids, et je n'ai pas envie de m'arranger avec le Haut-Commandement pour expliquer la mort de centaines de militaires à des familles qui ignorent tout du Programme. Ça a déjà été assez difficile comme ça il y a deux semaines…
Il se tourna vers l’un de ses officiers :
-Cochrane, faites en sorte que l'ensemble des sondes que nous avons prélevées soient stockées à proximité immédiate ; s'ils veulent venir les récupérer, je préférerais que ça se fasse ailleurs que sur la Terre..


Il ne fallut que quelques minutes pour que la salle de briefing se remplisse, les pilotes prenant place dans l'amphithéâtre alors que le chef d'escadron jetait un dernier regard sur les ordres qu'il allait retransmettre à ses subordonnés. Voyant que ceux-ci étaient tous arrivés, le major se tourna vers l'imposante carte tactique qui recouvrait le mur derrière lui. Sur celle-ci étaient indiqués les secteurs de patrouille des différents groupes de chasse assurant la CAP de l'escadre, la position du SWACS de coordination étant mise en valeur tout au long de la présentation. L'homme, d'âge mûr, se retourna vers son public pour détailler l'affectation des pilotes devant lui, avant d'interrompre le mouvement de départ qui s'esquissait alors que la dernière étape du briefing s'achevait :
-Nous venons de recevoir de nouveaux ordres permanents.
Carl, qui avait détourné son regard de l'officier, lui reporta toute son attention, alors que s'affichait à la place de la carte une image floue qu'il mit quelques secondes à reconnaître avant de se rappeler dans quel cadre il avait pu la voir.
Puis, tout lui revint en tête simultanément : le Bellérophon, la planète stérilisée, la mission de reconnaissance périlleuse. Mais son expérience particulière ne le mit pas à l’abri de l’effarement que subirent ses voisins lorsque son supérieur expliqua les nouveaux ordres.


Quand, une demi-heure plus tard, Carl prit place à bord de l'habitacle amovible de l'intercepteur embarqué, son esprit était toujours préoccupé par ces consignes qui se rajoutaient à une situation de plus en plus complexe. S'il avait suivi les actualités avant et pendant sa formation à l'Académie, les relations politiques et militaires ne l'avaient jamais passionné outre mesure, mais à présent, il essayait tant bien que mal de donner un sens aux différents évènements qui faisaient le quotidien des quelques milliers d'humains isolés à la périphérie extérieure de la Voie Lactée.
Mais en guise de réponses, il ne trouvait que d'autres questions, plus frustrantes les unes que les autres.
Son train de pensées fut interrompu par l’illumination d’un petit voyant orange situé au bord de son champ de vision. Il vérifia d'un regard que l'écran de statut de son chasseur brillait d'un vert homogène, et répondit à la demande de communication.
-Ici Halcyon. Tous systèmes OK. Paré pour décollage.
Le contrôleur de vol acquiesça avant de couper le contact. L'instant qui suivit, un imposant chariot orange commença à tracter son appareil vers l'extrémité du hangar, dont seuls les chasseurs et navettes aux formes inhabituelles permettaient de le différencier de l’intérieur d’un porte-avions naval. Autour de l'imposant appareil et de son remorqueur, les techniciens et ingénieurs, portant des tenues aux couleurs signifiant leur spécialité, s'écartèrent sans lui jeter un regard. Pendant une trentaine de secondes, Carl eut l’impression d’avancer au ralenti vers sa destination : les imposantes portes étanches aux rayures gris et jaune. Celles-ci s’ouvrirent à son approche, révélant l’intérieur sombre d’un tube de catapultage aux portes extérieures closes, tandis qu’une vibration s’empara du chasseur alors qu’il s’emboitait dans un rail situé à même le sol. Le chariot se décrocha alors, laissant le vaisseau se faire guider automatiquement dans le cylindre obscur.
Le jeune pilote tourna la tête pour s’attarder quelques instants sur le hangar brillamment éclairé où l'activité se concentrait autour d'une poignée d'appareils et maintenance d’emplacements vides. Dans ceux-ci travaillaient des techniciens qui se préparaient à accueillir les intercepteurs que le groupe de Carl allait remplacer dans la CAP.
Dans les secondes qui suivirent, le sas se referma, permettant la dépressurisation du tube. Le lancement se fit alors sans anicroche, les compensateurs inertiels neutralisant la quasi-totalité de l'accélération de la catapulte électromagnétique, accélération elle-même relativement faible, les petits vaisseaux ayant à faire demi-tour pour entamer leur itinéraire de patrouille. Carl rejoignit rapidement la formation, s'alignant avec le chasseur de tête, piloté par un capitaine qui s'était vu donner cette affectation après la mort de Lone Wolf lors de l'embuscade.
Durant les quelques secondes de la manœuvre de retournement, le Concordia occupa l'ensemble du champ de vision de la patrouille, mastodonte au repos sur lequel les ordinateurs de bord surlignaient les différents emplacements critiques, des imposantes plaques radar à la grille de défense rapprochée, constituée de deux douzaines de batteries de canons et lance-missiles de faible portée.

On y va…une fois de plus.

Le concept de CAP, développé à la base pour la protection des porte-avions océaniques, avait dû être complètement repensé à partir du moment où les habitants de la Terre s'étaient vus donner les moyens d'amener des armes et des engins de guerre en-dehors du champ de gravité de leur planète. La simple patrouille d'interception aérienne devait désormais prendre en compte la propulsion supraluminique et ses développements militaires, ainsi qu’une zone de patrouille tridimensionnelle, la perte de son avantage de vitesse et de manœuvrabilité face aux vaisseaux lourds, et bien d'autres paramètres.
La conclusion qui en avait été tirée était de l'impossibilité d'obtenir un écran défensif efficace par le biais des chasseurs, conclusion à laquelle étaient arrivés la quasi-totalité des espèces voyageant dans l'espace, à l'exception notable des Wraith. Mais les Terriens, eux, de par leur arrivée mouvementée sur la scène galactique, gardaient en mémoire le potentiel offensif incomparable de ces petits vaisseaux lors de leurs guerres intestines. Ainsi, ils avaient, comme toutes les espèces portées sur le voyage spatial, très lourdement équipé leurs croiseurs et porte-astronefs en armement défensif, mais gardaient néanmoins ces patrouilles permanentes, qui offraient une souplesse supérieure dans l'emploi de la force en plus de l'habituel rôle de détection qui échouait aux chasseurs et autres Jumpers depuis la nuit des temps.

Pendant une demi-heure, les quatre appareils parcoururent un chemin régulier autour des navires terriens, imités en cela par un autre groupe identique qui couvrait une autre zone. A quelques reprises, l'un ou l'autre des pilotes avait tenté d'ouvrir la conversation, mais sans grande réussite. Carl, comme chacun de ses ailiers, ressentait bien plus la perte de son ancien leader lorsqu'il effectuait une patrouille identique à celle qui s'était terminée par son assassinat.
Et le jeune pilote savait qu'il était le plus chanceux du lot, ayant pu venger la victime de l'attaque, tandis que les autres n'avaient fait qu'assister à toute la scène, sans pouvoir y faire quoi que ce soit. Mais cela ne l'empêchait pas d'être tendu depuis le décollage, surveillant des anomalies causées par des micrométéorites ou des radiations en provenance de l'étoile proche. Les témoignages des rescapés de la précédente attaque n'avaient fait que renforcer son sentiment de danger, puisque des embuscades étaient désormais possibles, voire même probables.

A l'affut du moindre détail pouvant trahir un éventuel ennemi invisible, Carl sursauta dans son fauteuil lorsque l'ordinateur de bord fit sonner une petite alarme, suivie d'un indicateur jaune sur son cockpit virtuel.
A quelques milliers de kilomètres de son chasseur, une fenêtre hyperspatiale se formait rapidement, et les capteurs électromagnétiques des différents vaisseaux repérèrent pour identifier dans la foulée la lueur bleutée. Aussitôt les informations arrivées, l'appareil de Carl se mit à analyser la lumière pour en tirer toutes les informations possibles.
Ces rayonnements étaient caractéristiques du voyage hyperspatial tel qu’il était pratiqué dans la Voie Lactée, mais pourtant, leur observation s'était déjà faite sur Terre avant le début du Programme, sous le nom de radiations Cherenkov. N'apparaissant que lors de la présence de particules se déplaçant à une vitesse supérieure à celle de la lumière dans leur milieu environnant, elles donnaient de précieuses informations sur l'appareil ayant généré la fenêtre.
En effet, à la grande surprise des Terriens, ce qu'ils avaient appelé "hyperespace" était parfaitement compatible avec leur vision d'un univers qui avait pris malin plaisir à les contredire en de nombreux points. Là où les scientifiques désespéraient de comprendre comment la mythique barrière de la vitesse de la lumière avait pu être franchie, l'étude de vaisseaux capturés et les conseils des Asgard avaient permis de comprendre qu’il fallait en fait relever cette barrière à proximité du vaisseau. Ainsi, les espèces les plus avancées continuaient à se déplacer moins vite que la lumière, mais celle limite leur permettait les voyages interstellaires voire intergalactiques. Le phénomène de la "fenêtre hyperspatiale" n'était alors que le résultat de ce brusque changement de milieu, les échanges de l’un à l’autre étant à l’origine de l’impressionnant spectacle. Cependant, la consommation d’énergie de ce dernier, proportionnelle à la densité de matière environnante, était intégralement subie par le vaisseau. Cela faisait donc de la formation de la fenêtre l’obstacle majeur à franchir pour les espèces visant le voyage vers les étoiles. Mais, pour l'observateur averti, il n’était nul besoin de maitriser ou d’embarquer cette technologie pour réussir à déterminer la valeur locale de la vitesse de la lumière, et donc la nature de la technologie hyperspatiale utilisée.

Détail n'important quasiment jamais, puisque l’origine de la technologie employée ne présumait en rien de son utilisateur, alors que les appareils d’origine Goa’uld étaient encore omniprésents dans la galaxie et que Hébrida vendait ses occasions à n’importe qui ayant les moyens nécessaires…

L'afficheur indiqua donc l'arrivée d'un vaisseau de facture Goa'uld. La taille de la fenêtre laissait envisager un transporteur léger, hypothèse qui fut confirmée quelques instants plus tard, lorsque le petit engin put en sortir.

-Tout le monde avec moi, formation élargie, commença le chef d’escadrille. Capteurs passifs uniquement, puis passez en actif à puissance maximale sur mon ordre.
-Bien reçu, leader, répondit vivement Carl, tandis qu’il faisait pivoter son appareil vers le nouvel arrivant.
L’instant suivant, l’image du vaisseau, retransmise par les optroniques frontales du chasseur, s’afficha dans une fenêtre sur le côté de l’écran. Le pilote la détailla rapidement, remarquant la couleur vert sombre du Tel’tak, apparemment assez âgé pour n’avoir rien d’autre en commun avec le modèle standard que la forme générale, tandis que plusieurs blocs propulsifs de chasseurs Goa’uld et une paire de tourelles d’Alkesh venant enlaidir l’inélégant vaisseau.
-Groupe Delta, intervint le contrôleur de mission, restez hors de portée des armes de la cible et ramenez-là sur le Concordia. Interdiction pour lui de sauter en hyper. Terminé.
Les quatre chasseurs commencèrent alors à décélérer tout en changeant de trajectoire pour suivre le petit transporteur, jusqu’à avoir une trajectoire parallèle à la sienne.
-Passez en actif…maintenant !
Sur l’ordre de son leader, Carl activa tous ses capteurs, recevant brutalement une manne d’informations supplémentaires sur le vaisseau, qui se cabra brusquement avant de reprendre sa route, à quelques milliers de kilomètres des chasseurs qui désormais l’accompagnaient.
-Vaisseau inconnu type Tel’tak, se fit entendre la même voix sur la gamme de fréquences utilisées majoritairement par les Jaffas et les contrebandiers. Ici la patrouille défensive du Concordia. Vous êtes à présent dans la zone d’alerte d’un groupe d’intervention terrien. Changez de cap immédiatement et suivez-nous. Ne tentez pas de sauter ou nous ouvrons le feu. Je répète, ne tentez pas de sauter ou nous ouvrons le feu. A vous.

L’appareil resta silencieux, et Carl se sentit se crisper, observant sans sourciller le contact sur son écran, guettant le moindre signe de danger sur l’image qui lui était présentée. Mais aucune tourelle ne pivota, et la forme aux multiples protubérances continuait sa route, sans sembler se préoccuper des chasseurs qui l’illuminaient de tous leurs senseurs.

Le capitaine Sôsuke Ichii fit une seconde sommation sur une gamme de fréquences élargie et commença à s’impatienter devant l’absence de réaction du vaisseau que sa patrouille venait d’intercepter.
-Contrôle, demanda-t-il par radio. Ici Delta Leader. Le transport ne répond pas à nos sommations et ne change pas de cap, mais ne fait rien pour s’enfuir. Il a probablement un équipage, au vu de sa réaction à notre passage en actif, mais on n’a rien de plus. Demande consignes supplémentaires.
-Bien compris, Delta Leader. Veuillez patienter.

Il attendit quelques instants, et le contrôleur lui répondit :
-Delta Leader, ici Concordia. Nous envoyons une navette d’abordage. Gardez l’engin à portée de tir et couvrez l’approche des Marines. A vous.
-Bien compris, contrôle. Espérons que…Merde !
L’exclamation lui échappa lorsqu’il vit l’alerte de combat s’illuminer sur son cockpit. Ses réflexes le firent changer de cap immédiatement, tandis qu’il cherchait du regard la partie de l’écran affichant la cause de l’alarme. Il n’eut pas le temps de finir de lire les quelques lignes qu’un flash attira son attention…sur la fenêtre réservée à l’observation visuelle du petit transport.
Celui-ci venait de s’évanouir dans un nuage de plasma aveuglant, à quelques milliers de kilomètres de lui, l’explosion étant même visible dans le reste de son cockpit, petit point lumineux qui disparut aussitôt.
-Bordel ! Qui a tiré ? hurla-t-il dans son casque, avant de reporter ses yeux sur le texte qu’il n’avait pu terminer de lire :
[…]
<11 : 04 : 42> Cible Golf 8, type Tel’Tak mod. à~?^%ù!è:§… Erreur d’enregistrement. Cause probable : activité stellaire anormale à proximité.
<11 : 04 : 48> Cible Golf 8, type Tel’Tak mod. Changement de cap 0.06 degrés.
<11 : 04 : 52> Cible Sierra 1, dénomination Concordia. Activation communication unidirectionnelle, canal 8, cible : Golf 1, dénomination Delta 1
<11 : 04 : 59> Cible Golf 4, dénomination Delta 4. #$ù!µ!è:... Erreur d’enregistrement. Cause probable : activité stellaire anormale à proximité.
<11 : 05 : 08> Cible Golf 4, dénomination Delta 4. Activation lidar de verrouillage de cible.
<11 : 05 : 10> Cible Golf 4, dénomination Delta 4. Armement missile moyenne portée FM-2 Starburst.
<11 : 05 : 10> Cible Golf 4, dénomination Delta 4. Lancement missile moyenne portée FM-2 Starburst. Objectif probable : cible Golf 8.
<11 : 05 : 10> Patrouille Delta, en mission de CAP (réf. : BU-72-5). Passage automatique en état d’alerte renforcé. Activation systèmes de guerre électronique.

<11 : 05 : 10> Cible Golf 1, dénomination Delta 1. Interruption communication avec Concordia.
<11 : 05 : 11> Cible Golf 1, dénomination Delta 1. Changement de cap 28.6 degrés, activation fusées de manœuvre.
<11 : 05 : 12> Cible Golf 8, type Tel’Tak mod. Impact missile lancé par Golf 4
<11 : 05 : 13> Cible Golf 8, type Tel’Tak mod. Analyse effet tir : cible détruite. Riposte : nulle.
[…]

Le chef de patrouille relut une seconde fois les lignes que le carnet de bord automatisé avait affichées en rouge, puis sélectionna dans le menu de communication l’indicatif de celui de ses ailiers qui avait ouvert le feu.
-Halcyon, qu’est-ce que ça veut dire ? Vous êtes devenu dingue ?!
-Négatif, monsieur. J’ai reçu un ordre de tir du contrôle de vol. La cible a été désignée comme hostile, répondit Carl.
Le capitaine Ichii reconnut dans la voix de son subordonné la même assurance que celle qu’il avait entendue dans les enregistrements de l’attaque du vaisseau ayant détruit le chasseur de Lone Wolf. Il hésita un instant avant de répondre, puis bascula le canal de communication sur le Concordia :
-Contrôle, ici Delta Leader. Demande confirmation. Avez-vous transmis à Delta 4 un ordre de tir sur la cible Golf 8 ?
-Attendez un instant, Delta Leader…répondit le contrôleur de vol, avant de poursuivre, une dizaine de secondes plus tard. Négatif, Delta Leader. Il n’y a pas eu d’ordre de tir. Je répète, négatif pour l’ordre de tir. A vous.
-Bien compris. Termin…
-Attendez un instant, Delta Leader. J’ai de nouveaux ordres pour votre patrouille. Rentrez immédiatement à la base, hangar numéro 1. Une seconde patrouille va décoller sur-le-champ pour vous remplacer. Je…hein !... vous êtes sûr ?…attendez un instant, Delta Leader…oui, oui. Bien compris, monsieur. Allô, Delta Leader ?
-Qu’y a-t-il, Contrôle ?
-Je…je vous transmets les codes de contrôle du chasseur de Delta 4. Vous avez l’autorisation de verrouiller son appareil s’il ne suit pas vos ordres. A vous.
-…Entendu…terminé.

Le capitaine vérifia d’un regard la réception du fichier, puis contacta les trois autres appareils de son groupe :
-Delta Leader à tous. La patrouille est interrompue. Nous rentrons à la base. Maintenant…terminé.

Mais qu’est-ce qu’il t’est passé par la tête, Carl ?…non, pas besoin de te le demander, c’est évident…Merde !
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 07 : Chaos contrôlés


Le silence qui régnait dans la salle contrastait avec l’agitation effrénée des minutes ayant précédé le départ en hyperespace des évadés à bord du vaisseau inconnu.
-Atlantis ? répéta Shanti
-Comme la Cité d’où on est partis ? ajouta Campbell.
-Tout ce qu’il y a de plus correct, lieutenant Campbell.
-Et…où sommes-nous ? compléta le pilote de ce qui fut quelques jours plus tôt SG-22.
-Dans le vide séparant les galaxies, en train de nous diriger vers celles que vous appelez la Voie Lactée, répondit la voix, avant de rajouter, d’un air amusé, je suppose que vous n’êtes pas intéressé par la distance exacte ?
-Ce n’est pas de ça que je parlais, lâcha le lieutenant. C’est quoi, cet engin ? demanda-t-il en écartant les bras dans un geste qui englobait toute la pièce.
-Comme je vous l’ai dit auparavant, vous êtes dans le pont de commandement de la frégate de reconnaissance et d’opérations spéciales Salnerras.
-Et ? dit Maltez.
-Si vous voulez en savoir plus, reprit la voix, à présent dénuée d’émotions, il s’agit d’un appareil à long rayon d’action conçu par le peuple que vous connaissez sous le nom d’Anciens. Son objectif est, vous devez vous en doutez, la récolte d’information et les actions derrière d’éventuelles lignes ennemies. Sa petite taille la rend bien évidemment inapte au combat frontal face à un croiseur de bataille tel que ceux qui constituaient le gros de la flotte Altéranne, mais elle demeure tout à fait capable de faire face victorieusement à toute menace présente dans la Voie Lactée.
-Attendez un instant, l’interrompit Maltez. Vous ne voulez pas dire qu’on va…
-Non, commandant, répondit Atlantis. Ce vaisseau n’est pas lancé dans une opération offensive quelconque. Si tel était le cas, le rendez-vous aurait été fait avec un tout autre type de navire, adapté à une mission de cette catégorie.
-Parce que vous en avez d’autres ? souffla Shanti après quelques secondes de silence.
-De très nombreux autres, lieutenant Bhosle, mais là n’est pas la question. Je vous suggère que vous commenciez tout d’abord par prendre vos marques à bord. Ensuite, il sera temps de vous expliquer plus en détail la raison de votre présence ici. Cela vous convient-il ?
Le groupe humain acquiesça silencieusement, et la voix reprit :
-Vous êtes donc ici à bord du centre de commandement tactique. Le siège où est assis le lieutenant Campbell donne accès à l’ensemble des fonctionnalités du vaisseau. La première chose à faire sera, commandant Maltez et lieutenant Bhosle, de vous y asseoir pour être enregistrés et acceptés comme officiers supérieurs à bord du Salnerras. Par la suite, il est probable que nous ayons certains temps…d’attente. Je vous suggère alors de passer régulièrement sur ce siège afin de vous familiariser au pilotage et avec les capacités offensives et défensives de cette frégate, dans l’éventualité de mon absence.
Campbell se leva lentement, jetant un regard derrière lui, en direction du fauteuil centralisant une partie des fonctions du vaisseau, et Maltez s’en approcha. Puis, après un instant d’hésitation, il s’assit dessus quelques secondes, avant de laisser son tour à Shanti. Avec la même appréhension que ses deux compagnons de fuite, elle s’installa sur le fauteuil qui s’adapta instantanément à son dos.
Ne bougez pas, pensez à formuler vos ordres comme si vous dirigiez un vaisseau, lui dit silencieusement la voix qui accompagnait son groupe depuis quelques jours.
Vous aviez dit que nous devrions apprendre à donner des ordres avant de prendre les commandes, répliqua-t-elle de la même manière.
L’interface de contrôle va enregistrer vos schémas de pensée pour se synchroniser avec vous. L’entraînement n’a pas commencé, loin de là, répliqua Atlantis d’un ton sans appel.
Shanti s’exécuta, se visualisant en train de donner des ordres comme les quelques officiers de la Flotte qu’elle avait pu voir, soit lors de son entraînement, soit dans les images d’archives qui lui avaient été montrées.
Au bout de quelques secondes, l’I.A. lui suggéra de se lever, et elle obéit, alors que les haut-parleurs se réactivaient :
-Très bien, vous êtes désormais tous les trois synchronisés. Le commandant Maltez est désormais reconnu par le système comme le capitaine du navire, le lieutenant Campbell comme navigateur et le lieutenant Bhosle comme canonnier principal. Il est bien entendu que ces précisions n’ont qu’une valeur toute relative, étant donné que, contrairement aux militaires Altérans, vous n’avez pas, et de loin, les capacités physiologiques et mentales nécessaires pour que votre présence fasse une quelconque différence dans les performances de ce vaisseau. Votre rôle sera tout autre…mais trêve de digressions, suivez-moi.
Aussitôt, apparut une lueur jaunâtre, semblable à un Soleil miniature dont les irrégulières pulsations attiraient le regard des humains présents. Après quelques instants d’un silence gênant, Campbell approcha sa main de l’orbe, qui s’en écarta doucement.
-Un…avatar ? demanda Maltez.
-Effectivement, commandant, lui répondit Atlantis, la voix semblant venir à présent de la lueur devant le groupe. Il m’a semblé que vous préféreriez avoir un interlocuteur…physique…par l’intermédiaire de cette projection visuelle plutôt qu’une voix désincarnée, même si c’est ainsi que je me manifesterai le plus souvent.
-Mais…commença Shanti.
-Oui, lieutenant, l’interrompit l’I.A., j’aurais pu prendre une apparence humanoïde, mais il me semble préférable de ne pas recourir à ce type d’illusions avant que ma relation avec votre groupe ne se soit stabilisée. Mais, le temps venu, il vous sera possible de personnaliser à loisir la forme sous laquelle vous me verrez.
-Ah…, lâcha la jeune femme, alors que la sphère immatérielle se mettait à avancer lentement, planant vers la porte principale de la salle.
Le trio, non sans appréhension, suivit l’incarnation de leur nouvel hôte, qui prenait la direction par laquelle ils étaient venus, peu de temps auparavant, en apesanteur et poursuivis par des soldats de leur propre planète. Les couloirs, lumineux, semblaient étrangement mêler un sens du fonctionnel avec de subtils ajouts dont l’intérêt ne semblait qu’à première vue visuel. Mais les trois militaires n’eurent pas le temps de continuer leurs observations, Atlantis s’adressant de nouveau à eux :
-Nous arrivons aux quartiers d’habitation. Vous êtes libres de choisir votre logement comme bon vous semble, et chacun d’entre eux est équipé d’une fonderie moléculaire comme celle du Jumper qui orne désormais le mur du hangar secondaire, conclut-elle avec une pointe d’ironie.
L’une des portes du couloir s’ouvrit alors, laissant passer l’incarnation de l’I.A. qui leur parlait. La pièce était quasiment vide, à l’exception d’une couchette, d’une console identique à celles qu’ils avaient pu voir régulièrement à bord des coursives et d’une porte menant à une pièce annexe.
-C’est spartiate, nota Campbell en se tournant pour voir la pièce sous tous ses angles.
-J’ai pris soin d’enregistrer dans les bases de données les modèles terriens de certains éléments de base, de type meubles, sanitaires et vêtements.
-C’est gentil à vous, répondit Maltez. Pour l’aspect alimentaire, je suppose qu’il en sera de même ?
-Effectivement, je dispose, comme vous devez vous en douter, de nombreuses informations sur votre culture, et j’ai pu recueillir des données exhaustives sur vos habitudes alimentaires qui, je dois le noter, sont bien plus raffinées que votre civilisation ne pourrait le laisser penser.
-…Merci ? dit Shanti, d’un ton hésitant.
-Si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer les différentes salles communes, mess, pont d’observation, salles d’entraînement physiques et psychiques…
-Pardon ? l’interrompit Maltez.
-Oui, ce n’est pas parce que votre espèce n’a pas encore réussi à démontrer les capacités d’un esprit entraîné sur la matière que les Altérans ont été aussi limités. Dans votre cas, il s’agira principalement d’une formation accélérée à l’usage des nanites de commandement qui vous ont été intégrées. Suivez-moi.

Le commandant du groupe regarda ses deux anciens subordonnés, qui lui rendirent son regard d’appréhension et d’inquiétude, avant de suivre leur hôte, qui commençait déjà à s’éloigner.




Un officier, accompagné d’une demi-douzaine de Marines, l’avait attendu dans le hangar lors de son appontage, avant de lui lire ses droits pour lui signifier son arrestation aux termes des articles 92 et 118 du Code de Justice Militaire. Il avait alors tenté d’en demander les raisons, mais sans succès. Confiné dans sa cabine, il avait dû attendre deux heures avant qu’un autre groupe de militaires ne vienne l’accompagner dans une autre pièce, où il était désormais assis.
Mais, mais qu’est-ce qui leur prend ?
La porte s’ouvrit silencieusement devant lui, laissant passer une femme dont il ne reconnut pas l’uniforme. Cependant, il vit les galons de major sur les épaules de celle-ci et se leva pour se mettre au garde-à-vous.
-Lieutenant Banet ? demanda-t-elle.
-Oui, madame.
-Asseyez-vous, je vous prie. Je suis le major Clavell, votre avocat. Je suis tenue de vous informer que vous êtes actuellement accusé de désobéissances aux ordres d’un supérieur, avec circonstances aggravantes. Tout ce que nous dirons en privé sera couvert par le secret professionnel et ne pourra être utilisé lors du procès.
-Mais qu’est-ce qu’il se passe ? Quel procès ?
-Calmez-vous, lieutenant, et racontez-moi ce qu’il se passé lors de votre dernière patrouille, quand l’appareil inconnu est arrivé.
Carl soupira.
-Très bien. Nous étions en patrouille de protection quand les capteurs ont repéré une sortie de l’hyper. Conformément aux ordres de mon leader, j’ai procédé, avec le reste du groupe, à une manœuvre d’encerclement, n’activant les senseurs qu’au dernier moment.
-Pourquoi cela ?
-Le but était de rester en passif aussi longtemps que possible pour éviter d’être trop facilement repérable.
-Et cela a-t-il fonctionné ?
-Il semblerait, oui, puisque l’engin, un transport Goa’uld lourdement modifié, n’a pas tenté de s’enfuir, ce qu’il aurait probablement fait s’il nous avait vu arriver.
-Et ensuite ?
-J’ai reçu un ordre du contrôle mission, avertissant l’escadrille que le transport représentait une menace imminente pour le Concordia, et que nous avions ordre d’ouvrir le feu.
-Hmm…quel genre de menace ?
-Ca n’a pas été précisé, madame, mais on a déjà vu des armes de destruction massive tenir dans un appareil de cette taille, et le message semblait très urgent, donc je me suis dit que je n’avais pas le temps de demander plus de précisions.
-Et vous avez tiré ?
-Oui, madame.
-Ensuite ?
-…et bien, le capitaine m’a demandé pourquoi j’avais tiré, et je le lui ai expliqué. Ensuite, la patrouille a été annulée sur-le-champ, et…vous connaissez probablement la suite.
Le major le regarda dans les yeux quelques instants, puis lui dit :
-Je crains que vous ne vous soyez mis dans une très mauvaise situation, lieutenant. En effet, je me suis renseignée avant de venir vous voir et, à moins que l’on ne m’ait délibérément menti, il n’y a pas eu d’ordre transmis à votre escadrille vous demandant d’ouvrir le feu.
-Mais… !
-Ecoutez-moi, lieutenant. Je n’ai pas eu beaucoup de temps depuis que le second m’a prévenu, mais j’ai pu obtenir une copie des enregistrements de la salle de contrôle Aéro et des cockpits de tous les chasseurs de la patrouille. Je vais les examiner, pour voir s’il y a le moindre indice pouvant aider à prouver ce que vous dites…mais si vous voulez que je puisse vous aider de mon mieux, vous devrez me dire toute la vérité.
C’est…c’est pas vrai. Mais…mais pourquoi ? Je n’ai rien fait, on m’accuse d’avoir abattu sans raison ce vaisseau, et maintenant…, pensa Carl, qui ne parvint pas à réprimer des tremblements en se rendant compte que son interlocutrice le considérait lui aussi comme coupable.
-Je…je vous ai tout dit, major, articula-t-il faiblement.
-Très bien. Si vous désirez me parler, il faudra vous adresser aux gardes, dit-elle en se levant. De mon côté, je vais visionner les enregistrements.
-En…entendu.
-Réfléchissez bien, lieutenant. N’oubliez pas que je suis la seule personne dans votre camp, si vous vous souvenez de quelque chose.
Elle quitta alors la pièce, laissant Carl seul.
Non…



La vie avait repris son cours normal sur Atlantis, comme après chaque crise n’ayant pas fondamentalement modifié le quotidien de ses habitants. Ce pragmatisme s’était rapidement imposé lors de l’arrivée des premiers scientifiques et militaires dans la Cité millénaire, puisque chaque semaine apportait son lot d’attaques, d’invasions et de catastrophes naturelles ou artificielles. Il n’y avait donc pas physiquement le temps d’être choqué ou traumatisé par la mort d’un ami ou la violence subie aux mains des différents groupes ayant décidé de détruire le vestige Altéran occupé par les Terriens.
Ainsi, si le personnel de commandement Terrien et quelques rares « initiés » s’interrogeaient encore sur les conséquences des récents évènements, le génie moyen d’Atlantis s’était déjà trouvé un autre sujet de discussion pour briller pendant les repas.
Anna Stern faisait partie de ces « initiés », et elle se rendait compte de son changement de statut. Les grands chefs qu’elle avait côtoyé lors de la crise la connaissaient désormais personnellement, mais faisaient preuve d’une certaine méfiance qui la dérangeait au quotidien. Au même moment, ses anciens collègues s’étaient bien rendus compte que quelque chose avait changé depuis cette énième alerte, mais, ne sachant pas quoi, ils s’écartaient lentement d’elle, au sens propre comme au figuré. Remise en cause tant comme scientifique que comme individu, elle cherchait des repères pour la guider.

Laissant la porte de son habitation se fermer automatiquement derrière elle, Anna posa ses quelques affaires, rangées méthodiquement dans une petite sacoche, sur son bureau. Elle prit ensuite un verre d’eau glacée depuis le réfrigérateur de manufacture terrienne dont la présence contrastait dans la pièce infiniment plus âgée que son habitante, et se dirigea vers le petit balcon donnant sur l’océan.
Buvant lentement le liquide transparent, elle laissa promener son regard sur les détails de l’étendue aquatique dont les flots venaient se briser sur les flancs de la Cité millénaire.

-Miss Stern ? demanda une voix devenue trop familière, la faisant légèrement sursauter.

Anna ignora Atlantis quelques secondes, le temps de suivre des yeux le trajet du verre qu’elle avait laissé tomber dans sa surprise. Quand celui-ci finit par disparaitre, elle se retourna, le visage montrant sa fatigue.
-Oui ? Que puis-je pour vous, Atlantis ?
La voix féminine attendit un infime instant avant de répondre :
-Il y a certaines choses que j’ai du mal à comprendre.
-Première nouvelle, lâcha Anna avec un léger sourire. Et quel est donc le sujet où l’omnisciente et omnipotente Atlantis pourrait bénéficier des lumières de la pauvre humaine que je suis ?
-Vous.
-Pardon ?
-L’espèce humaine en général, la civilisation terrienne en particulier.

Anna laissa échapper un soupir, puis se dirigea vers une chaise, où elle déposa sa veste, sur laquelle les insignes de son appartenance à la Cité et son rôle dans celle-ci étaient toujours présents, mais de manière plus discrète que lors des premières années de son occupation humaine.

-Premier point, s’il y a bien une chose qui n’existe pas et qui n’existera probablement jamais, c’est bien une… « civilisation terrienne », dit Anna, en choisissant ses mots, les consignes de Jackson et McKay sur l’I.A. en tête.
-Vous êtes, si j’ai bien compris, encore divisés en un certain nombre d’entités sociopolitiques différentes, n’est-ce pas ?
-…oui. Et, oui, je sais, c’est probablement stupide, alors que nous maitrisons le voyage interstellaire. On devrait s’unir, tous se rassembler, probablement.
-C’est en effet le chemin suivi par la quasi-totalité des espèces ayant fait ce que vous nommez un « Premier Contact », que ce contact soit pacifique ou non. Mais vous…, répondit Atlantis, laissant sa dernière phrase en suspens.
-Mais nous, nous avons choisi de nous compliquer la vie, et de continuer sur nos différentes routes, pour ainsi dire. A l’exception bien sûr de ce qui se passe ici, par exemple. C’est probablement…
-Extrêmement intéressant, l’interrompit la voix. Au pire, original, au mieux…révolutionnaire.
-Si vous le dites…
-A ce que vous m’avez dit à propos de la Voie Lactée des derniers siècles, votre planète a réussi à survivre et à trouver sa place dans une galaxie pour le moins…hostile envers les nouveaux arrivants. Votre solution, bien qu’apparemment absurde, a mieux fonctionné que celle de nombreuses autres civilisations.
-Sans vouloir contredire une analyse géostratégique sûrement exemplaire, notre survie est plutôt liée à une chance insolente, à l’incompétence crasse des différents adversaires qui ont voulu nous attaquer et à de sacrés bons alliés.
-Peut-être…est-ce comme cela que vous l’envisagez ?
-…question piège, vu que je n’ai pas pu me faire une opinion en-dehors des éléments qu’on m’a donné.
-Je ne vous crois pas.
Anna resta silencieuse et regarda fixement l’endroit du plafond d’où semblait venir la voix de l’I.A., puis elle énonça calmement :
-Et pourquoi cela ?
-Parce que, mademoiselle Stern, au vu de vos fonctions et de l’intérêt que vous leur portez, il serait étonnant que vous n’ayez pas l’esprit critique nécessaire pour chercher à trier le vrai du faux et à découvrir les causes véritable de ce qui vous entoure.
-…
-Vous vous êtes déjà posé ces mêmes questions, n’est-ce pas ?
-…
-…
-…la paix, dit-elle finalement.
-Pardon ? demanda la voix d’Atlantis, à présent calme et compréhensive.
-Parmi toutes les civilisations dont j’ai entendu parler, presque aucune n’a inventé, et surtout assimilé le principe de la paix, du moins pas avant son premier contact. Pourtant, lors de celui-ci, elles ne se sont pas unies pacifiquement, mais plutôt pour faire un front commun face à de nouveaux étrangers. Que les relations soient pacifiques ou non, il s’agit ni plus ni moins de xénophobie…la peur de l’étranger.
-Et vous ?
-Nous ? Et bien je dirais que nous avons eu la « chance » de nous développer à un point où la paix, du moins partielle, est devenue cruciale pour notre propre survie.
-Intéressant, mais en quoi jugez-vous que cela a à voir avec votre réussite sur le plan stellaire ?
-Cette paix, ironiquement, a été basée sur des armes, puisque nous étions…parce que nous sommes encore trop stupides pour en comprendre l’intérêt. Une sorte de xénophobie mâtinée d’ouverture et de compréhension de l’Autre. Je pense que cet…état d’esprit nous a permis de trouver et d’exploiter plus d’opportunités que d’autres espèces avant nous.
-Vous y avez longuement réfléchi, n’est-ce pas ?
-…oui. J’ai voulu étudier l’Histoire et l’être humain en général pour comprendre pourquoi nous avons pu sortir de cette spirale infernale de guerres et de massacres…mon pays, ma ville, en ont été les victimes, et auraient probablement cessé d’exister si nous n’avions pas eu cette pointe de bon sens.
-Si cela vous dérange de parler de ce sujet, nous pouvons mettre fin à cette conversation, suggéra Atlantis.
-Non…non, il n’y a…pas de problème.



Shanti déposa lentement sur le lit l’imposant vêtement orange vif qu’elle portait, symbole de son statut de prisonnier, et elle la regarda pendant de longues secondes, sans bouger. Puis, brusquement, elle se releva pour s’approcher de l’endroit du mur qu’Atlantis leur avait désigné comme une armoire avant de laisser aux trois Terriens quelques minutes pour se changer.
Suivant les instructions de l’I.A., elle visualisa brièvement une porte en train de coulisser afin d’ouvrir la cloison. Elle y parvint au second essai, une partie de la paroi devant elle s’effaçant littéralement pour révéler des vêtements qui restaient immobiles au-dessus du sol, sans support quelconque. La jeune femme resta quelques instants à observer le phénomène avant de renoncer à y trouver une origine visible. Son regard se fixa alors rapidement sur une chemise, dont la couleur vert kaki lui rappela ce qu’elle était quelques semaines plus tôt, avant que tout ne lui soit enlevé, mais s’en détourna aussitôt. Prenant son temps, elle fixa finalement son choix sur une veste bleu sombre.

Elle revint près du lit et y prit le gilet qu’elle y avait déposé quelques instants plus tôt, lui accordant un dernier regard.
Plus de retour en arrière, hein ?
D’un pas décidé, elle s’approcha de la console située sur le mur et tenta sans succès d’en comprendre le fonctionnement.
Atlantis, pouvez-vous…
Oui, lui répondit la voix, l’interrompant dans sa demande.
A côté de la console de contrôle, une petite fente s’ouvrit ans le mur, dévoilant une cavité de taille réduite. Shanti posa alors sans délicatesse le tissu orange dans celle-ci, puis regarda le mur se refermer dessus, l’engloutissant dans son blanc immaculé.
Un trille attira alors son attention sur l’écran de la console, qui affichait désormais un texte en anglais, qu’elle lut rapidement. Elle inspira, puis pressa un endroit de l’écran avec son pouce, et lut avec soulagement le nouveau message :

RECYCLAGE EN COURS
VEUILLEZ PATIENTER

Quelques minutes plus tard, elle sortit retrouver Maltez et Campbell, Atlantis lui donnant les indications de chemin pour arriver au mess. Après que la dernière arrivante eut salué brièvement ses deux collègues, portant chacun des vêtements fournis par le vaisseau, l’I.A. commença à parler :
-Comme je vous l’ai dit, je suis ce que vous appelez une Intelligence Artificielle. De par ma position et mes fonctions, je bénéficie, ainsi que vous avez pu le remarquer, de très importantes ressources.
-Mais ? Car il y a un mais ? dit Maltez.
-Mais, en effet, répondit Atlantis, ces ressources sont dispersées et limitées. En l’occurrence, celles me permettant de collecter et de traiter les informations.
-Attendez, demanda Campbell, vous voulez qu’on devienne des…espions ?
-Absolument pas, lieutenant. Il existe, là où nous nous rendons, des équipements automatisés qui accompliront à la perfection ce travail. En revanche, mes créateurs ont, par mesure de sécurité tout à fait louable, fait en sorte que leurs I.A. soient confinées dans leurs attributions. Et, pour être simple, il m’est absolument impossible de contourner ces sécurités avec les moyens dont je dispose en ce moment sans recourir à des choix inacceptables.
-Et en quoi est-ce que l’on pourrait être meilleurs que vous, si vous êtes aussi puissante que vous le dites ? l’interrogea Maltez.
-Tout simplement, vous êtes des êtres vivants dotés de la clé génétique d’authentification.
-Et alors ? renchérit l’ancien officier. Vous auriez pu faire un clone ou je ne sais pas quelle bestiole avec le gène, non ?
-Non. Une autre des mesures de sécurités est que, malgré tout mon savoir et mon autonomie, certains…tabous…m’ont été posés dès ma naissance. Je ne peux donc tenter de falsifier ce code, quelque soit la situation.
-D’accord…un peu comme les Trois Lois…enfin, oubliez, lâcha Campbell. Donc, c’est pour ça que vous avez choisi de nous prendre nous, plutôt que n’importe quel glandu dans la Voie Lactée ou Pégase ?
-Exactement. A présent, si nous pouvions revenir au travail qui vous attend.
Les trois personnes acquiescèrent et, l’instant d’après, l’hologramme d’une planète apparut devant eux.
-Voici la première planète sur laquelle nous allons nous rendre, qui abrite différentes installations de communication et d’observation longue portée. Elle s’appelait Nasate Durantus.
-Pardon ? demanda Maltez. Nasat…quoi ?
-Nasate Durantus, ce qui pourrait se traduire imparfaitement comme « renaissance pérenne ». Votre langue ne permettait malheureusement pas une traduction exacte avec l’ensemble des subtilités associées à ces concepts. Maintenant, si nous pouvons en revenir à votre mission…
-Attendez une seconde, la coupa Shanti. Vous ne nous avez pas dit à quoi vous allez vous en servir, de tout ce que nous allons réactiver.
-Oui, reprit Maltez, que l’on sache au moins pourquoi vous allez nous utiliser.
-Les Altérans ont fait de grandes choses, pendant l’époque où ils furent l’espèce dominante de la Voie Lactée et de quelques autres galaxies. Malheureusement, ils ont aussi laissé derrière eux certains problèmes qui mettent tout leur héritage en danger. Dans le cas présent, la civilisation qui vous a capturés.
-Vous voulez dire que vous allez les…dit Shanti.
-Je tiens à régler ce problème, et étant donné la décision rendue sur leur espèce, je considère que l’usage inconsidéré de la force, la violence donc, est inacceptable. J’aurai donc besoin d’informations si je veux éviter une catastrophe, d’un côté comme de l’autre. Cela vous convient-il ?
-Oui, répondirent-ils l’un après l’autre.
-Parfait, reprit Atlantis. Les premières sondes que j’ai envoyé en orbite autour de la planète ont commencé à me renvoyer des données. Malheureusement, cette planète, qui abritait autrefois Faëlantis, l’une de mes neuf cités-sœurs, a été colonisée, et la principale agglomération planétaire se situe à proximité immédiate du site originel.
-Sympa…ça ne vas pas nous faciliter la vie, je parie.
-En effet, lieutenant Campbell. Je pense d’ailleurs que vous reconnaîtrez le nom actuel de cette planète.
Atlantis se tut quelques instants, puis laissa tomber le mot :
-Dakara.
Pendant quelques secondes, le mess resta silencieux, puis Campbell lâcha :
-C’est pas vrai…



C’est pas vrai…c’est…
Carl essayait sans succès de retrouver son calme. Quelques heures plus tôt, le major Clavell l’avait laissé dans la salle d’interrogatoire, d’où il avait finalement été ramené dans sa cabine. Submergé par la peur et l’incompréhension, il n’arrivait pas à se souvenir précisément de ce qu’elle avait pu lui dire. Une seule chose demeurait en fait présente lorsqu’il pensait à l’avocate.

Elle ne le croyait pas.

Carl se surprenait, au milieu de ce cauchemar réveillé, à se rendre compte que la situation dans laquelle il se trouvait lui faisait infiniment plus peur que l’instant où il avait vu le chasseur de son leader se disloquer devant lui. Il n’avait presque pas réfléchi, juste laissé son entraînement prendre les bonnes décisions. On ne l’avait pas félicité, mais plutôt accueilli. Membre le plus récent de la communauté de ceux et celles qui ont connu la mort de leurs camarades, il voyait ce respect, que lui enviaient certains autres pilotes de son âge, lui échapper. Son entraînement ne l’aidait plus, la hiérarchie l’abandonnait.
Il regarda d’un air dégoûté sa cabine, et se rendit compte qu’il n’était même pas un prisonnier, du moins techniquement.
Pour la première fois depuis son recrutement, il n’y avait plus rien devant lui.

Puis, brusquement, il fut tiré de ses pensées par le léger carillon qui accompagnait l’ouverture de la porte. Son avocate, celle qui était sensée le défendre, entra en lui jetant un regard légèrement méprisant. Il se leva, puis elle attendit que la porte se referme avant de lui parler :
-Lieutenant, êtes-vous vraiment sûr de ce que vous m’avez dit avoir entendu ?
-Que…que se passe-t-il, madame ?
Elle soupira :
-Il se passe, lieutenant, que je viens de vérifier les enregistrements des différents postes de communication du Concordia entre l’arrivée du transport et le moment où vous l’avez abattu. Il n’y a pas eu d’ordre de tir.

Carl resta sans voix, et dut reprendre son souffle avant de pouvoir répondre à la bombe lâchée par l’officier devant lui :
-Vous devez…vous…
-Je dois me tromper, c’est bien cela ? C’est possible, lieutenant, mais permettez-moi très sérieusement d’en douter. J’ai lu votre dossier, et l’accusation aura une thèse simple et malheureusement très facilement défendable. A savoir que les évènements ayant coûté la vie au capitaine Anders vous ont traumatisé, ce qui vous a poussé à faire une vendetta personnelle il y a quelques heures.
-Mais c’est…
-Il est impossible de prouver le contraire, l’interrompit le major. La bonne nouvelle, si tant est qu’il y en est une pour vous, est que le dossier déposé contre vous mentionne l’article 119 plutôt que le 118.
-Qu’est-ce que ça veut dire ? souffla lentement Carl.
-Que si vous serez probablement jugé pour meurtre, la thèse-même de l’accusation sera une circonstance atténuante. Vous ne risquerez plus que 15 ans de prison… plutôt que la perpétuité normalement prononcée pour un tir délibéré et illégal ayant entraîné la mort.
-Non…lâcha Carl, qui luttait pour retenir son émotion.
-Je vais être claire avec vous, lieutenant : tous les éléments que j’ai à ma disposition indiquent clairement votre culpabilité. Dans l’éventualité où vous plaidiez non coupable, je ferai tout mon possible pour vous défendre, mais je ne cache pas que je n’aurais que peu de chances de vous éviter une condamnation à la peine maximale. Si, en revanche, vous décidez de plaider coupable, il est probable que je puisse obtenir l’indulgence de la cour, en raison de votre jeune âge, des circonstances particulièrement stressantes de la situation actuelle, et de votre réaction rapide et professionnelle lors de l’assassinat de votre supérieur hiérarchique direct.
-…quand…combien de temps ai-je pour décider ? articula le jeune officier avec difficulté.
-Quelques jours au minimum, mais, à mon avis, vous n’en n’aurez pas besoin. J’ai rarement vu une situation aussi transparente dans ma carrière, lieutenant, et, honnêtement, tout ce que je pense pouvoir faire pour vous, c’est obtenir la clémence du juge.
-Mais…
-Désolé, lieutenant, mais les enregistrements audio, vidéo et tactiques pointent tous dans la même direction, vous n’avez aucun témoin favorable et un mobile totalement valable…un vrai cas d’école.
Carl reprit ses moyens, et demanda :
-Vous êtes sûre ? Il n’y a pas d’éléments qui manquent ? Tout le monde était bien dans les…
L’avocat l’interrompit :
-Monsieur Banet, ne vous faites pas d’illusions. Nous ne sommes pas dans un film, et il n’y a pas de complot militaro-industriel visant à faire tomber un jeune lieutenant fraichement émoulu de l’Académie. Acceptez-le, vous avez merdé, et de manière grave.





Anna s’attarda une demi-heure sur la plage artificielle installée à l’extrémité de la seule branche principale de la Cité où n’avaient pas fleuri des installations militaires terriennes. En effet, partout ailleurs, les excroissances d’Atlantis étaient désormais utilisées comme docks pour les navires océaniques et spatiaux assurant les capacités défensives et offensives des forces terriennes dans Pégase.
L’installation de cette étendue de sable, partiellement retenue par un champ de force immergée, avait été récente, témoignant d’un changement progressif de la situation de l’avant-poste terrien isolé. Celui-ci avait finalement réussi à ne plus avoir à se concentrer uniquement sur la survie pour devenir une ville à part entière, avec les particularités qui venaient avec la présence de milliers de scientifiques et de militaires.

A son retour dans son appartement, la voix d’Atlantis accueillit la jeune femme :
-Bonsoir, mademoiselle Stern.
-Bonsoir, Atlantis.
-Votre randonnée s’est-elle bien passée ?
-Oui, merci. Johann avait raison, il y a des paysages magnifiques quand on sait où aller. Enfin, quoi de neuf ici ?
-Le docteur Jackson vous a envoyé un mail durant votre séjour sur le continent.
-Ah, merc….attendez, vous n’étiez pas sensée être isolée de nos réseaux ?
-Je le suis, mais cela ne m’empêche pas de le voir écrire votre adresse sur son ordinateur quand il est dans son bureau, répondit l’I.A. dans une voix où Anna crut un court instant détecter un soupçon d’espièglerie.
-Ah oui, j’oubliais, Big Brother nous surveille.
-Je vous demande pardon ?
-Non, rien…alors, que dit son mail ?
-Je ne sais pas.
-Comment ça ? Je croyais que vous l’aviez vu lors de son écriture, non ? demanda Anna, intriguée de cette contradiction.
-En effet, mais cela ne m’empêche pas de vouloir respecter votre vie privée.
-Oui, mais…commença-t-elle avant de soupirer. Ah oui, intelligence artificielle, forme de vie totalement différente, etc, etc, etc.
-Je vois que vous comprenez ce que je veux dire.
-Absolument pas, en fait, répondit-elle avec un léger sourire. En fait, à vrai dire, je n’en sais pas beaucoup sur vous-même, Atlantis.
-Voulez-vous que je vous explique mes principes fondamentaux de fonctionnement ?
-Nooooon ! dit Anna en agitant les mains. J’ai eu assez de traités de technologie Ancienne à ingurgiter sans en plus avoir à subir un exposé de cybernétique probablement passionnant, mais auquel je ne comprendrais rien. Non, parlez-moi de vous.
-Comment ça ?
-Vous, votre personnalité, votre identité. Qui êtes-vous, Atlantis ? Pas qu’un simple amas de boulons et de circuits imprimés, ou ce que les Anciens utilisaient à la place, je me trompe ?
-…une somme de connaissances, d’expériences…et d’émotions.
-Des émotions ? demanda Anna, intriguée. Lesquelles ?
-La curiosité. J’ai toujours voulu apprendre, découvrir de nouvelles choses, voir l’Univers. Mais cela fait probablement partie de mes attributions.
-Avez-vous jamais eu peur de l’inconnu ?
-La peur est une émotion que j’ai ressentie, mais pas dans ce cadre particulier… la première fois fut lors de mon abandon par mes créateurs. Un à un, ils partirent, sans admettre qu’il n’y aurait pas de retour, et que me laisser telle quelle n’avait aucun sens.
-Qu’auriez-vous voulu qu’ils fassent ?
-Comprendre que la solitude est probablement la seule chose que les Cités comme moi ne peuvent pas supporter. Mais ils choisirent de me laisser active, dans l’éventualité d’un retour. Finalement, Janus, comme à son habitude, fit le choix d’ignorer les ordres et décida de me mettre en sommeil.
-En sommeil ?
-Ma conscience principale a été désactivée, laissant uniquement les systèmes automatisés s’assurer de la maintenance de la Cité. Vouliez-vous savoir autre chose ?
-…Oui, si cela ne vous dérange pas. Je me demandais quelle place un être tel que vous pouvait avoir au sein de la société, à l’époque.
-J’ai assumé de nombreux rôles, allant du conseiller militaire à celui de xénobiologiste. Certains m’honoraient de leur confiance, tandis que d’autres choisissaient de m’ignorer complètement en-dehors de leurs tâches habituelles. De ce point de vue, il y a effectivement une certaine similarité avec vos semblables : une proportion plus ou moins grande de la population n’arrive pas à dépasser sa peur d’un être comme moi et reste figée dans une posture défensive.
-Il faut quand même nous en excuser. Nous avons été sérieusement effrayés par votre apparition.
-Bien sûr, et, comme je vous l’ai dit, ce type de réaction ne me dérange plus depuis très longtemps, donc vous n’avez pas à vous inquiéter à ce niveau.

Anna eut un petit sourire, et profita quelques instants de l’air marin avant de reprendre la conversation.




-Attendez un instant, continua Campbell après sa remarque initiale, vous voulez qu’on aille se balader incognito sur l’une des planètes les plus importantes de la Voie Lactée, avec je ne sais pas combien de milliers de jaffas qui ne sont pas connus pour apprécier les intrus chez eux ?
-Il a raison, confirma Maltez. Vous êtes peut-être suréquipée et surarmée, mais je ne suis pas sûr que vous réalisez les conséquences si nous nous faisions repérer voire capturer. Nous faisions partie d’un groupe SG, donc on est forcément connus par les Jaffas et…
-Effectivement, commandant, j’ignore les enjeux de votre intrusion sur cette planète, mais en revanche, je sais qu’ils sont négligeables par rapport aux risques que votre galaxie encourt en ce moment-même…et j’ai un besoin impératif de ces installations pour prendre des décisions correctes.
-Donc, il faut juste qu’on ne soit pas repérés, c’est ça ? dit Shanti.
-Merci pour l’information…lâcha Campbell, qui montrait clairement des difficultés à accepter la mission qui commençait à lui être décrite.
-Si cela peut vous rassurer, dit calmement Atlantis, il est clair que je mettrai les moyens nécessaires pour éviter une rencontre indésirable, mais étant donné votre manque d’expérience, l’opération sera retardée du temps nécessaire pour que vous puissiez maitriser les outils que je vous donnerai.
-Quel genre d’outils ? demanda Maltez.
-Je vous l’expliquerai en temps voulu. En attendant, je vais vous expliquer votre objectif.
Un hologramme de la cité principale de Dakara s’afficha devant eux. Celle-ci s’était construite autour de la montagne qui abritait le dispositif Ancien ayant permis la victoire finale contre les réplicateurs des années auparavant. Les anciens membres de SG-22 prirent quelques instants pour regarder la vue aérienne de la ville au développement anarchique, où le style de construction massif côtoyait les installations militaires élancées dans un anachronisme déroutant.
-Les premières analyses montrent que les habitants locaux connaissent l’existence du disrupteur moléculaire…
-Oui, l’interrompit Shanti, comme d’ailleurs toute la Voie Lactée.
-…mais, comme j’allais le dire, ici n’est pas notre objectif. Ce dispositif était le joyau de Fælantis, mais ce que nous recherchons est l’ensemble d’installations de communication et de contrôle qui avait été installé au cœur des fondations de la Cité. Et ces dispositifs…n’ont pas été découverts jusqu’à présent.
-Comment devrons-nous y aller ? Téléportation ? demanda Maltez.
-Cela serait impossible. Le disrupteur de Dakara est protégé contre les transferts de matière, et il n’y a aucune installation de transport dans le complexe. Je vous déposerai à proximité de la cité, puis vous vous rendrez vers le disrupteur. Il y a là-bas un accès direct vers l’avant-poste souterrain, qui ne se manifestera qu’avec les deux clefs que sont le gène d’authentification et les nanites de commandement dont vous disposez depuis votre passage sur le Siège du vaisseau.
-Et ensuite ? demanda Shanti.
La ville laissa place à une caverne éclairée sans source de lumière apparente, remplie de matériel Ancien. Shanti fit immédiatement le rapprochement avec l’avant-poste en Antarctique qu’elle avait visité durant sa formation, et reconnut une partie des équipements, en particulier le Siège qui trônait au milieu de ceux-ci.
-Vous devrez réactiver les communications et les senseurs de cet avant-poste et activer le protocole d’urgence. Il sera nécessaire pour cela que vous soyez au moins deux pour pouvoir confirmer ce dernier.
-Qu’est-ce que ça fera ? s’interrogea Campbell.
-Le protocole d’urgence me permettra d’obtenir un accès complet aux informations fournies par l’avant-poste suite à la destruction des autres Cités, et en particulier de Faëlantis.
-Elles ont toutes été détruites ?
-J’en ai la confirmation pour cinq d’entre elles, et, à dire vrai, j’ai très peu d’espoir pour les autres. Mais puisque vous avez des informations sur les habitants actuels de…Dakara, je serais intéressée d’en apprendre plus sur eux. Cela me permettrait de mieux anticiper leurs réactions, surtout si, comme il me semble, ils ont des capacités spatiales avancées…par rapport au reste de la Voie Lactée.
-Vous voulez qu’on vous parle des Jaffas ? répondit Campbell. Je crois qu’il faudrait d’abord nous montrer où se trouvent les frigos et le bar, parce qu’on en aura pour longtemps…
-J’en déduis donc que vous les connaissez bien.
-Plutôt, oui…soupira Maltez.



L’ordre de transfert était arrivé quelques heures plus tôt, et Carl avait eu amplement le temps de préparer son paquetage, regroupant les maigres affaires qu’il avait à bord du navire. Il jeta un bref regard à sa montre.
Quarante minutes…moins d’une heure avant de rentrer sur Terre…dans tous les sens du terme. Enfin… se dit-il en fixant le hublot virtuel qui donnait sur le vide spatial, clairsemé d’étoiles distantes.
Depuis sa lecture du formulaire qui portait les chefs d’accusations, il s’était étrangement senti calme, alors même que ses rêves achevaient leur effondrement tout autour de lui. Résigné, il s’était mis à ranger sa cabine, sans un mot, et avait pris le temps de choisir avec attention l’uniforme qu’il porterait lors de son ultime voyage spatial.
Puis, son train de pensées fut interrompu par le bruit de quelqu’un toquant à sa porte.
Ils sont en avance, on dirait…probablement pressés de me faire dégager de là.
-Entrez, dit-il, las, dans l’interphone, avant de se retourner et d’aller chercher son paquetage.

-Et ben, tu es si pressé que ça de partir ? Sympa…, lui dit la voix de l’individu venant de rentrer dans sa chambre.
-Hein ? répondit Carl en se retournant.
Il se rendit compte de sa méprise, et eut un léger sourire.
-Oh, désolé, Samir. Je croyais que c’étaient les MP qui venaient m’amener dans la navette.
-Merci…dit-il d’un ton ironique. Un de tes amis vient te rendre visite, et tu le compares à un bouledogue ?
Le jeune homme en face de lui referma rapidement la porte, puis posa la sacoche qu’il tenait dans les mains pour se rapprocher de Carl.
-Plus sérieusement, qu’est-ce que tu fais chez le paria du bord ? Tu n’es pas au courant que je suis un dangereux meurtrier psychotique qui n’a pas supporté la mort de son leader et qui veut se venger contre toute la galaxie ? dit Carl en soupirant. A les entendre, on pourrait croire que j’étais amoureux de lui…
-Hé, tu connais les psys. Toujours à vouloir caser leurs complexes de je-ne-sais-pas-qui sur tout le monde !
Le pilote haussa des épaules.
-Désolé de ne pas avoir pu venir plus tôt, vieux, mais ils m’ont aussi interrogé, vu que je traine souvent avec toi.
-Pas de problème. Ca fera au moins quelqu’un d’autre qu’un avocat pour qui je suis ce psychotique.
-Aïe, lâcha Samir, avant de montrer d’un geste le paquetage aux pieds de son ami. Donc, j’en déduis que les rumeurs sur ton rapatriement sont fondées.
-Tu as confirmation de l’intéressé, répondit Carl en lui tendant le papier qu’il avait posé sur une table basse à proximité.
L’officier de pont parcourut rapidement le document avant de relever la tête :
-Cour martiale ? Et…ça s’annonce comment ?
-Mal. Mon avocat ne me croit pas, j’ai un mobile, une occasion, les moyens et pas mal d’enregistrements contre moi…et personne pour me croire.
-Il n’y a pas grand-monde, de ton côté, c’est clair, mais tu n’es pas tout seul.
Samir revint vers sa sacoche et l’ouvrit pour en sortir un objet que Carl reconnut instantanément : sa chope.
-Disons que tu as quelques collègues pilotes qui te laissent le bénéfice du doute. Ils m’ont dit de te donner ça, continua-t-il en tendant le récipient.
-Mer…merci. Tu te souviens de qui c’était ? demanda Carl, le regard rivé sur le symbole de sa première et seule victoire, qui avait immédiatement suivi la mort de son leader.
-Le capitaine Ortega. Il m’a dit de te dire de ne pas t’en séparer, et que…qu’il a confiance en toi, vu à quel point tu bluffes mal au poker. Je ne fais que le citer.
-Oui, il aura du mal à trouver quelqu’un d’autre d’aussi facile à plumer, répondit le pilote en souriant légèrement. Mais je doute que ce genre de témoignage tienne face à une cour martiale.
-…bonne chance, vieux.
-Oui, je crois que j’en aurai besoin. Merci d’être passé.
-De rien. Tu devrais savoir que je ne laisse pas tomber mes amis, répondit Samir en refermant la sacoche avant de repartir vers la porte.
-On se recontacte ? demanda Carl, d’un ton déprimé.
-Promis, Carl, lâcha l’officier en quittant la cabine.


Une demi-heure plus tard, la porte s’ouvrit, mais cette fois sans que l’arrivant aie toqué pour prévenir de son entrée.
Carl se leva lentement, s’attendant à voir entrer les deux militaires qui allaient l’escorter jusqu’à la navette destinée à la Terre, quand il fut surpris pour la seconde fois en une heure. Ses réflexes agirent alors plus rapidement que son esprit, et il se mit au garde-à-vous avant de se rendre compte que la personne qui venait d’entrer n’était autre que le CAG.
-Repos, lieutenant.
Carl obéit, et le général referma la porte derrière lui, avant de le regarder.
-Vous vous êtes fourré dans un sacré pétrin, lieutenant Banet. Je dois dire que je suis étonné, et même un peu déçu, vu que je sélectionne moi-même les dossiers des pilotes qui vont arriver à bord.
Carl voulut répondre, mais fut interrompu par la main levée du général.
-Laissez-moi continuer, voulez-vous ?
Carl acquiesça silencieusement.
-Merci. Comme je voulais vous le dire, je suis partiellement responsable de votre présence sur le Concordia, et…nous faisons tous des erreurs avec lesquelles nous devons vivre. Enfin, le point est que je n’ai pas envie que cette affaire se termine par un gâchis général.
Carl eut une légère réaction à la dernière phrase.
-Ne vous bercez pas d’illusions, lieutenant, votre carrière de pilote ici est terminée. Mais cela ne m’empêche pas d’avoir une proposition à vous faire…
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par massalia »

Je ne sais pas si j'ai déjà posté sur effet papillon (je ne crois pas). Je vais donc faire un commentaire sur les deux tome.

Les premiers chapitres (notamment la découverte de la base lunaire, des vaisseaux et surtout de la situation galactique.) m'avaient assez interpellés, certes je ne pense pas avoir posté mais je dois avouer que la fic est bien écrite.
Mais (ce n'est que mon avis et je te rassure il est probablement un peu faussé par le fait que je commençait à moins lire) à partir du moment ou tu as abordé Atlantis, j'ai trouvé long et éprouvé moins d'intérêt. Pensant sans même lire jusque la fin que tu ne parlerais que très peu, de ennemis et de la voie lactée.
Mais je me rend compte de cette erreur. Et pour être franc, il me manque la lecture de plusieurs chapitres. (à rattraper donc.)

Mais passons cela. Car ce qui m'ammène à poster se révèle être justement Atlantis.
Ou plutôt le dialogue aves "Atlantis", au risque d'être anthropo-centrique, j'aprécie beaucoup la manière dont tu traite la "découverte" par Atlantis du monde terrien.
Ce trait d'exploration inversé, des personnalitées des militaires et de leur monde m'intéresse assez.
Mais encore plus ce qui va se passer sur Dakara.
Dernière modification par massalia le 16 janv. 2011, 20:18, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Salut,

Pour ceux qui suivent la fic sur l'autre forum, rassurez-vous, le nouveau chapitre en est dans ses derniers préparatifs, fini et attendant confirmation finale du bêta-lecteur.


Chapitre 08 : Dans les ombres de Dakara

Malgré le professionnalisme auquel il devait s’astreindre, Van’Tet ne pouvait s’empêcher de prendre plaisir à vagabonder dans les rues de Dakara. Depuis le moment où le vaisseau le transportant était arrivé à proximité de la planète capitale de la nation Jaffa, le jeune espion avait fait tout son possible pour disparaître aux yeux des autorités, au sein desquelles se trouvaient probablement les commanditaires du meurtre de son mentor. Il devait, selon son entraînement, s’assurer que sa trace n’était plus suivie avant de reprendre contact avec sa hiérarchie. Et pour cela, il fallait au moins plusieurs jours durant lesquels il changeait fréquemment d’hébergement.

Joignant l’utile à l’agréable, il en profitait pour découvrir les derniers changements dans une ville qui n’avait cessé d’évoluer depuis que les non-jaffa avaient pu commencer à immigrer pour profiter des opportunités inhérentes à la nouvelle nation, aussi puissante que jeune.
En effet, il n’avait fallu qu’une poignée d’années pour qu’un nombre toujours plus important de civilisations monoplanétaires, voyant que la domination Goa’uld avait brutalement pris fin, décident de tenter leur chance dans une galaxie soudain privée de superpuissance.
Le spectacle bigarré qui s’étalait devant les yeux du jaffa était le résultat de cette anarchie : un quartier construit sans planification ni agencement, où cohabitaient les styles architecturaux de mille planètes quittées par des habitants voyant en Dakara une opportunité.

Van’Tet fit un écart pour s’approcher d’un magasin vestimentaire où des hologrammes féminins d’une demi-douzaine d’espèces différentes présentaient les produits en vente. Regardant brièvement derrière lui, il faillit trébucher en passant du sol rugueux et grossier de la rue au plancher impeccable de la boutique. L’intérieur de celle-ci contrastait nettement avec la voie publique ; le jaffa s’arrêta quelques secondes pour observer ses alentours, son regard s’immobilisant sur le propriétaire, qui semblait discuter avec une adolescente humaine.
Un Serrakin. Logique, se dit-il en observant le représentant de l’une des rares espèces qui avait réussi à développer une nation stellaire sans être inquiétée par les tyrans de la Voie Lactée. Faisant semblant de chercher un article, il vérifia qu’il n’était pas suivi, suivant du regard les quelques individus qui lui avaient paru suspects.
« Puis-je vous aider ? » demanda une voix à quelques pas derrière lui, le faisant sursauter et se retourner immédiatement.
Le gérant le regardait, d’un air entre l’intérêt amusé et la suspicion.
-Non, ça ira.
-Vous êtes sûr ? insista-t-il, avant de chuchoter. Si vous le désirez…et moyennant finances…je peux vous indiquer l’entrée de service du magasin.
-Pardon ?
-Vous m’avez parfaitement compris, continua le marchant, à présent amusé. Vous pensez être suivi, pour je ne sais quelle raison qui ne me concerne probablement pas.
-Vous avez une imagi…
-S’il vous plait. Vous pouvez entrer, faire semblant de regarder mes produits puis repartir sans acheter, c’est votre affaire. Mais ne me prenez pas pour un imbécile. Votre posture, le mouvement instinctif vers votre poche arrière lorsque je vous ai surpris…vous n’êtes pas ici pour acheter, ni pour regarder, donc, je vous propose un service qui peut vous convenir, ni plus, ni moins.
Van’Tet rougit légèrement, s’apercevant que sa main était effectivement figée dans le geste visant à prendre la dague à l’endroit indiqué par le commerçant.
-Ca ira. Je me débrouillerai tout seul.
-Comme vous le désirez, conclut le Serrakin qui ne faisait quasiment plus d’effort pour cacher son amusement, tandis que le Jaffa revenait sur ses pas, jetant un dernier regard vers la multitude d’êtres présents dans la rue.
Se maudissant de la transparence de son comportement, il s’efforça de reprendre calmement sa respiration, alors qu’il changeait une fois de plus de direction, se dirigeant vers une tour à l’esthétique fortement douteuse.

Stop !
Aussi bien l’épuisement qu’une étincelle de volonté transparaissaient de l’ordre silencieux, et la salle retrouva son apparence d’origine, tandis que la jeune femme en son centre s’écroulait par terre, ses membres tremblant légèrement.
Excellent, lieutenant Bhosle, lui murmura la voix qui s’était imposée comme compagne et symbole de sa nouvelle vie. Votre progression se déroule plus aisément que je ne l’espérais.
-Plus…plus aisém…, balbutia-t-elle, alors qu’elle tentait de reprendre le contrôle d’elle-même.
Vous n’en n’avez pas idée, lieutenant. En fait, cette information pourrait justifier en soi les efforts que j’ai dû réaliser pour vous aider.
La jeune femme ne répondit pas, mais lança un regard interrogateur au plafond, qu’elle avait décidé de choisir comme interlocuteur en l’absence d’avatar de l’IA.
Il apparait que votre formation militaro-technique vous offre une bien meilleure résistance psychologique que votre physiologie n’aurait pu laisser supposer. Je m’attendais à ce que la séance d’aujourd’hui présente des dangers pour votre psyché… Je vous rassure, elle aurait été interrompue à temps.
Shanti laissa retomber ses épaules au sol, tentant d’analyser le flux d’informations et d’émotions qui continuaient de troubler son esprit.
Depuis les premiers entrainements, elle s’était rendue compte qu’Atlantis ne lui avait pas menti, et que si elle ressentait un épuisement, celui-ci serait plus mental que physique. Mais même en-dehors de ces contrecoups où elle avait l’impression d’agoniser, elle ressentait une peur grandissante, dont l’objet n’était plus uniquement l’IA ou le vaisseau dans lequel elle vivait, mais elle-même.
Elle était toujours Shanti Bhosle, mais ce qu’elle pouvait désormais faire, ou, pire encore, ce qu’elle sentait qu’elle pourrait bientôt faire, l’effrayait, à chaque fois qu’elle y pensait. Sa nature, son être, changeaient lentement, insidieusement, sans s’imposer plus que de nécessaire. Tout devenait simultanément plus simple et plus complexe, alors que son esprit luttait pour assimiler la nouvelle réalité.
Mais elle avait aussi l’étrange certitude que la voix féminine avait raison, que le temps était compté, que ces efforts s’avéreraient cruciaux, que cet esprit artificiel ne les trahirait pas. Une certitude dont elle ne savait si son origine se trouvait dans son esprit ou dans un programme des nanites Anciennes.

De toute façon, je n’ai plus le moindre choix, pensa-t-elle dans un éclair de lucidité, avant de se relever sans peine, à présent que son corps lui obéissait de nouveau.


Le lendemain, Van’Tet, assuré de ne pas avoir été suivi, se dirigea vers l’un des points de contact avec sa hiérarchie. Entrant dans un immeuble résidentiel pour ouvriers, semblable en tout point à ses voisins, il monta rapidement au second étage et frappa brièvement à l’une des portes.
Une femme lui ouvrit, dévoilant derrière elle un logement qui résumait à lui seul les paradoxes de Dakara, et de la nation Jaffa en général : l’immeuble avait visiblement été construit récemment, mais avec des matériaux et un style traditionnels, voire désuets, tandis que des instruments de haute technologie côtoyaient sans gêne des outils et des meubles de conception antédiluvienne.
-Que veux-tu ? lui demanda la vieille femme.
-Je viens parler à Satlo’c.
-Il n’habite plus ici.
-Savez-vous où il se trouve ? Je dois le voir immédiatement.
-Pourquoi ?
-L’un de ses amis vient de mourir sur Chulak, et la cérémonie aura lieu dès demain, répondit Van’Tet.
-…je vais le prévenir. Attends-moi ici, répondit la femme avant de fermer la porte.
Quelques instants plus tard, elle revint, l’air grave.
-Satlo’c te rejoindra devant le Chappai d’ici six heures. Il me dit de te dire qu’il est désolé de devoir te rencontrer dans ces circonstances.
-Merci, répondit le jeune jaffa en s’inclinant, avant de repartir.
La situation est-elle si grave ? se demanda Van’Tet en sortant de l’immeuble, alors qu’il avait reconnu dans la réponse de la femme le code de danger important. D’abord l’assassinat dans le vaisseau, puis ça…
Observant nerveusement ses alentours, il se mit en chemin, se fondant dans la foule d’ouvriers qui revenaient des nombreux chantiers que demandait une Cité en expansion aussi rapide que Dakara.

Lorsqu’il arriva au point de rendez-vous, la nuit était tombée, l’obscurité emplissant rapidement les rues où l’éclairage public était toujours rare, tandis que les premières patrouilles des forces de défense locale faisaient leurs rondes. Le jeune espion en avait croisé deux sur son chemin, la seconde lui demandant la raison de sa présence tardive pour le libérer lorsqu’il expliqua devoir accueillir un proche passant par le Chappai.
Au centre d’une immense esplanade se trouvait l’anneau qui maintenait la planète en contact avec le reste de la galaxie. Autour de l’artefact ancestral, l’éclairage abondait, tout comme les soldats de faction qui venaient renforcer la défense fournie par le bouclier d’énergie recouvrant le dispositif de transport interstellaire. Celui-ci irradiait de sa lueur orangée la petite installation où se trouvait le scanner de marchandises. Restant hors de vue, Van’Tet observa ses alentours, à la recherche de son éventuel contact.
Il commençait à s’inquiéter quand, soudain, un léger bruit de frottement l’avertit d’une présence dans son dos. Il se retourna aussitôt, prenant d’un geste sa dague pour se défendre, mais l’instant d’après, une main puissante s’était abattue, immobilisant son bras en plein mouvement. Le jaffa, qui ne distinguait que difficilement son agresseur, bascula pour le frapper dans le ventre, mais fut interrompu avant même d’esquisser le coup, plaqué sur le mur voisin, une main sur sa bouche.
Il…il est bon, se dit Van’Tet dans ce qui lui semblait devoir être sa dernière pensée.
-Qu’est-ce que ton maître t’a appris ? La nuit, ton ennemi ne vient jamais des endroits éclairés… Viens avec moi, nous n’avons plus un instant à perdre, lui dit l’individu devant lui, qu’il ne voyait que comme une ombre à peine plus obscure que son environnement.
Il libéra son emprise sur le jeune espion, qui massa rapidement sa main avant de le suivre en silence.

Son guide lui permit d’éviter les quelques patrouilles et, rapidement, entra dans un bâtiment, aussitôt imité par Van’Tet. Il y fut accueilli par une demi-douzaine de jaffas armés, qui le délestèrent promptement de sa dague avant de le laisser entrer dans une petite pièce.
-Bonsoir, Van’Tet, commença une vieille figure à la voix autoritaire.
-Mes respects, maître Bi’Nar, répondit l’espion en s’inclinant vers le chef de son réseau.
-Trève de formalités. As-tu une vague idée de notre situation ?
-La guerre avec les Tauri est imminente, si les rumeurs sont correctes. C’est probablement l’attaque sur l’Installation qui en est responsable.
-Malheureusement, ce n’est pas la seule raison. Cette attaque a laissé trop peu d’informations pour que Gerak puisse convaincre les indépendants de la culpabilité des Tauri, et la situation se serait tassée le temps de l’enquête…non, le problème est que nous sommes véritablement attaqués, ou plutôt harcelés.
-De quoi parlez-vous ?
-Depuis plusieurs jours, nos forces subissent des pertes lors d’escarmouches locales. Nous n’avons pas de preuve directe quant à l’identité des agresseurs, mais de nombreux indices portent vers nos anciens alliés. Et Gerak utilise ces combats, où nous perdons quotidiennement des vaisseaux et leurs équipages, pour justifier une frappe préventive sur la flotte Tauri.
-Qu’allons-nous faire, maître ?
-Il faut gagner du temps, mais surtout, et ils nous manquent, des soutiens. Si les traditionnalistes, et plus particulièrement ceux qui servaient Anubis, resteront derrière Gerak jusqu’à leur mort, nous pouvons encore le priver d’une partie de ses partisans.
-Oui, mais les modérés sont particulièrement durs à convaincre, à ce que j’ai compris des débats. Comment pourrait-on les convaincre ? Surtout qu’ils se détestent entre eux plus que tout autre chose, vu la rivalité entre les goa’uld qu’ils servaient avant la révolte.
Van’Tet, pendant ses longs tours de garde dans l’Installation, avait souvent réfléchi aux problèmes politiques de sa Nation. Ceux-ci représentaient pour lui le principal obstacle à la grandeur à laquelle devait aspirer le peuple Jaffa, freiné par un affrontement stérile entre des factions qui, bien souvent, ne faisaient que rassembler les jaffa ayant vécu sous le règne d’un même grand maître. Et son camp n’y échappait pas, rassemblant principalement ceux et celles ayant reçu le tatouage en serpent sur le front, marque d’Apophis. Il ne faisait aucun doute pour le jeune espion que nombre de membres respectables de son peuple se comportaient tels un troupeau, dès lors qu’il s’agissait de devoir prendre des décisions, habitués à obéir.
Le système avait changé, mais pas les jaffa. Et comme les Goa’uld avant eux, des opportunistes profitaient de cette fragmentation excessive pour asseoir leur pouvoir, en se justifiant par le maintien d’une tradition qui était commune à tous et à toutes, et dans laquelle les « citoyens » étaient chaque jour plus nombreux à se reconnaître.
Seule la notoriété historique de Bra’tac avait permis aux progressistes de contrer ce basculement, mais avec un succès toujours limité.

-Oui…mais tu te trompes sur un point : ils sont prêts à coopérer pour faire face à un ennemi commun.
-Justement, c’est ce que Gerak veut, en accusant les Tauri !
-C’est pourquoi nous devons leur fournir un autre ennemi, plus intéressant : Nous avons commencé à recouper nos informations sur ces attaques, et, si nos agents ne se trompent pas, les coupables ne sont pas ceux que nous croyons. Il n’y a pas encore eu de survivant pour témoigner sur ses agresseurs, mais…nous avons une piste.
Il activa un hologramme qui afficha la Voie Lactée avant de zoomer sur un point de sa bordure extérieure. Un nuage d’étoiles flotta en l’air quelques instants, avant qu’une partie d’entre elles ne deviennent rouges.
-Les attaques se sont produites en ces points, et là où Gerak a décidé de n’y voir que la fourberie et la trahison des Tauri, nous avons remarqué ceci : cette zone est à proximité du domaine d’influence de l’Alliance Luxienne.
-Vous voulez dire que…
-Laisse-moi finir. Tout indique aussi que l’Alliance n’a rien à voir avec cette campagne, ses forces étant occupées dans leurs habituels jeux de pouvoir, sans parler du fait qu’elle n’a rien a gagner d’une guerre ouverte dans son voisinage… En revanche, il y a, autour de l’Alliance, des groupes de mercenaires qui pourraient sans difficulté faire un tel travail si quelqu’un les payait.
Il fit un geste, et l’hologramme afficha un enregistrement de mauvaise qualité, apparemment pris depuis un vaisseau. Van’Tet pouvait distinguer plusieurs Ha’Tak et d’autres vaisseaux de plus petite taille, aux origines variées.
-Tout semble indiquer que cette piste mène effectivement à l’identité de nos agresseurs. Ou tout au moins, il s’agit d’une hypothèse valable, qui présente l’avantage de présenter aux modérés une meilleure cible que les Tauri.
-Nous pourrions contre-attaquer, alors.
-Effectivement, si nous pouvions présenter ces informations à l’Assemblée, avec les commentaires adéquats, elle pourrait décider d’envoyer la flotte écraser cette troupe, mais cela ne changerait pas le problème, puisqu’il ne s’agit que d’un bras armé. Les attaques reprendraient, et Gerak gagnerait la partie en démontrant ainsi la culpabilité des Tauri. Non, nous devons trouver le commanditaire, et vite. Cela sera ta nouvelle tâche, jeune Van’Tet.
Ce dernier s’inclina, avant de répondre :
-Comment devrai-je procéder ?
-Nous allons te faire recruter par les forces de défenses. Dans sa prison, tu y trouveras deux contrebandiers qui ont été capturés il y a quelques jours. Nous sommes persuadés qu’ils ont partie liée avec le groupe de mercenaires qui nous intéresse. Tu leur feras croire que tu es corruptible et qu’ils peuvent se servir de toi pour s’enfuir. Lors de leur évasion, nous te surprendrons et te forcerons à t’enfuir avec eux. Là, tu devras rejoindre leurs rangs, confirmer leur implication dans les attaques et trouver l’identité de leur employeur actuel.
-Combien aurai-je de temps ?
-Pas assez… Que ce soit clair, les conséquences d’une guerre seraient catastrophiques, pour tout le monde, donc nous n’avons pas la possibilité de te préparer une meilleure voie d’accès. Et tu n’auras pas le temps de laisser les soupçons retomber sur ta défection soudaine. Il faudra agir aussi rapidement que possible…au prix de ta vie, s’il le faut.
-…Bien.
-Dès que tu auras trouvé les informations et des preuves présentables, ta priorité sera de les transmettre et de revenir aussi vite que possible. Si une opportunité se présente de saboter leurs opérations, prends-là, mais autrement, seules les informations comptent. Tu as toute latitude pour les obtenir. Toute autre considération est accessoire, continua-t-il avant d’insister. Sans exception.



Il s’attarda plusieurs minutes à regarder le ciel qu’il n’avait pu voir que par intermittence depuis son recrutement. Puis, soupirant, il se releva du banc, sachant qu’il avait la journée devant lui. Carl jeta un dernier regard vers le bâtiment où s’était terminée son aventure, et commença à marcher au hasard des rues.
Lors de son voyage de retour, il n’avait pu qu’accepter que quoi qu’il puisse dire, les enregistrements le désignaient comme coupable de l’incident. La proposition devenait alors une porte de sortie bienvenue face aux poursuites judiciaires qui s’esquissaient, et il s’était décidé à l’accepter, devinant ses chances de victoire, alors que même son avocat lui suggérait de plaider coupable pour éviter le pire.
L’arrangement avait été simple, et son dossier s’était vu classer rapidement, puisqu’il n’y avait eu aucune conséquence diplomatique ou militaire. Mais la contrepartie avait eu un prix douloureux.

La démission d’un service actif auquel il était désormais jugé inapte.

Alors voilà, Carl. De retour à ton point de départ, sur la petite poussière qui t’a vu naître… Han, voilà que je me mets à faire des métaphores pourries… Non, ce n’est pas en me lamentant que je trouverai mes réponses.
Il avait été étonné devant la vitesse d’une procédure qui, semblait-il, prenait tout en charge, depuis sa réinsertion dans la société jusqu’à son nouveau logement et travail dans l’un des bureaux d’étude du Programme. Le fonctionnaire lui avait expliqué sans fioritures que ses compétences avaient été jugées trop valables pour être perdues ou éliminées.

Le trafic ininterrompu le fascinait, alors qu’il attendait de pouvoir traverser. Il savait qu’il aurait besoin d’un temps de réadaptation à la vie civile, mais le choc restait présent. Les passants semblaient vagabonder, ou pire, être plongés dans leurs occupations sans conséquences. Aucun d’entre eux ne savait ce qu’il se passait réellement, et, au plus profond de lui, l’ex-pilote ressentait un besoin de hurler au monde sa vraie place dans l’univers. Il y avait autre chose sur Terre que la routine quotidienne, mais à présent, il était cantonné sur le banc de touche, dans un travail qu’il savait utile, mais qui ne serait jamais celui qui lui avait été arraché.
Puis il regardait à nouveau le ciel, comme cherchant du regard les installations orbitales camouflées. Le feu passa au rouge, et il avança lentement, observant son environnement, sans savoir véritablement ce qu’il y cherchait. Il y voyait la même chose que le reste des habitants de la ville, mais en connaissant la réalité derrière chacun des artefacts qui avaient conquis la vie quotidienne sur Terre, depuis l’écran holographique d’un téléphone portable jusqu’au silence des voitures.

Les évolutions avaient été progressives, à l’exception de certaines percées hautement médiatisées, et même Carl avait du mal à distinguer les technologies obtenues par le Programme de celles développées naturellement, les unes complétant les autres.

Il jeta un coup d’œil à son téléphone, qui lui avait été fourni, avec obligation de le garder en permanence sur soi.
Alors comme ça, je vais être surveillé en permanence…logique, j’aurais fait de même à leur place, avec un gars qui ne tient pas le stress et qui en sait autant. En tout cas, ça veut dire qu’il faudra prendre des précautions quand je contacterai Samir… Pourvu qu’il trouve quelque chose, là-haut, parmi tous les enregistrements.


Le vieux jaffa ne se retourna que lorsqu’il fut sûr de l’identité de l’arrivant.
-Alors ? demanda Bra’tac.
-Il a accepté la mission…et toutes ses conséquences, répondit Bi’Nar
-Très bien. Avec un peu de chance, son sacrifice pourra empêcher cette guerre. Je viens d’apprendre que Gerak vient de déplacer une autre escadre de sa zone de patrouille.
-Qu’est-ce que vous craignez, maître Bra’tac ?
-Ce fou est capable de se passer de l’accord de l’Assemblée. Il a assez de soutien dans la Flotte pour le faire.
-Non ! s’exclama Bi’Nar. Ce serait du suicide. Même s’il réussissait à détruire les vaisseaux Tauri…
-…il resterait leur "Horizon", je sais, qui serait automatiquement lancé sur nos mondes. Une seule de ces armes, franchissant nos défenses, pourrait détruire tout ce pour quoi il se bat, pour quoi nous nous sommes tous battus. Sans compter les autres armes et alliés qu'ils peuvent garder en réserve.
-Comment ça ?
-Les expéditions intergalactiques qu'ils font depuis plus de dix ans, le gigantesque pont de Portes qu'ils se sont créés secrètement. Tout cela a forcément une raison majeure…
-Et…pensez-vous qu’il oserait prendre ce risque, tout fanatique qu’il soit ?
Bra’tac se retourna vers la fenêtre, soupirant :
-Il le pourrait. Par ma faute.
-Comment ça ?
-Avant d’être le politicien que tu vois, je ne suis qu'un vieillard idéaliste, avec une vision parfaite de notre peuple.
-Une vision que nous partageons, maître Bra’tac.
-Pas tous. Et au moment le plus critique, j’ai été naïf. Je n’avais pas imaginé qu’un jaffa pourrait retomber dans les travers des Goa’uld. Pas après ce que nous avions tous subi…J’avais tort, et nous risquons tous de le payer d’ici peu de temps.



L’infiltration avait été rapide, signe d’une organisation rôdée qui bénéficiait de nombreux contacts au travers de toutes les institutions de la Nation Jaffa. Sa nouvelle identité avait ainsi été préparée avant même qu’il ne reprenne contact avec ses supérieurs et, suivant leurs instructions, il s’était vu incorporer à une section de gardes de secteur. Secteur où se trouvait la prison abritant deux contrebandiers attendant leur exécution.

La patrouille avançait à un pas rapide, chaque jaffa portant une tenue souple, tenant plus de la veste que de l’armure, à la couleur noir mat caractéristique des soldats Kull d’Anubis, dont les uniformes étaient dérivés. Van’Tet était au milieu du groupe, balayant du regard les passants qui s’écartaient instinctivement des individus à l’allure menaçante. Ceux-ci tenaient en effet de manière ostentatoire leurs armes, des lances traditionnelles ajustées pour permettre une visée plus efficace.
La position occupée par le jeune jaffa le rassurait, placé comme précédemment au bas de l’échelle pour mieux remplir sa mission. Il profitait de ce moment de transition pour réfléchir, observer, alors qu’il n’avait pas à se soucier de l’avenir immédiat, et son regard s’attardait sur ses collègues de patrouille. Ceux-ci avaient été immédiatement classés par le jeune espion comme des soldats corrects, mais dont les capacités intellectuelles les maintiendraient toujours à leur poste de soldats, avec peut-être une promotion au rang de chef de patrouille, après quelques décennies de bons et loyaux services.
Pas grand-chose n’a changé depuis notre ‘’Libération’’, en fait. Les ambitieux trouvent toujours le moyen de s’en sortir, les simples d’esprits continuent d’obéir sans réfléchir…et les indépendants comme moi prennent tous les risques pour des gains ridicules.

La situation changeait désormais de manière visible, les préparatifs d’une éventuelle guerre devenant plus visibles que jamais, alors que le jour-même de son arrivée dans son unité d’accueil, un officier était venu les mettre en garde contre les étrangers habitant sur Dakara, qu’il fallait plus que jamais considérer comme des espions potentiels. Il avait fait appel aux valeurs traditionnelle des jaffas, répétant un discours aux mêmes lignes directrices que ceux de Gerak, et avec un succès qui avait effrayé un Van’Tet qui commençait à se rendre compte de la précarité de son camp. La réaction de ses nouveaux camarades de combat les avait clairement désigné comme des dangers potentiels à ses yeux, plus encore que ceux et celles de l’Installation ou que d’éventuels soldats ennemis.
Ils représentaient un concept, une idéologie, face à laquelle il devait lutter sans arme autre que le mensonge, la trahison, l’espionnage, car il savait que sa lance ne pourrait que créer de nouveaux martyrs pour la cause de Gerak.
Effet Papillon :
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Pour les amateurs d'action ici et là, quelque chose qui devrait faire plaisir. Sinon, n'hésitez pas à poster un comm' ici ou là, c'est toujours apprécié !

Chapitre 09 : Déchirure

Le regard de Shanti s’attarda quelques instants sur celui de Campbell, qui portait comme elle des vêtements sombres, légers et fonctionnels. Elle vit dans les yeux de l’homme la même appréhension que celle qui régnait sans partage dans son esprit. Une partie s’auto-entretenait, car la jeune femme devinait qu’il s’agissait d’une peur différente de celle qu’elle avait ressenti lors de la destruction du Bellérophon, ou bien lors de sa fuite éperdue vers le hangar du croiseur immobilisé entre deux galaxies. Cette angoisse venait d’elle-même, de la semaine qu’elle venait de passer, et de ce qu’Atlantis lui avait montré.
-T’inquiète, chuchota Campbell dans le silence absolu de la pièce. Ca va bien se passer. On va sauter sur place, faire le boulot et repartir sans être vus.
-Oui, merci, répondit Shanti en jouant le jeu, alors qu’elle savait pertinemment que son interlocuteur ne croyait pas plus qu’elle à ces mots.
Au bout de quelques instants, elle se rendit compte que cette certitude sur l’homme en face d’elle n’était pas qu’une simple interprétation de son langage corporel, mais bien une connaissance, comme elle ressentait désormais les émotions de son supérieur, sans pour autant qu’elles ne se mêlent aux siennes. Les sensations étaient nouvelles, riches, effrayantes, et leur présence suffisait à la déstabiliser, alors même qu’elles étaient sensées l’aider.
Elle respira profondément, puis se posa contre une paroi.
Vous sentez-vous bien, lieutenant Bhosle ? demanda silencieusement Atlantis par un canal privé.
Ca pourrait être mieux.
Je m’en doute, au vu des derniers jours. Mais, et faites-moi confiance là-dessus, ça pourrait être largement pire, étant donné le rythme de votre entraînement.
Dois-je être rassurée ?
A vous de voir.


-Nous allons arriver en orbite planétaire d’ici quelques minutes, annonça la voix féminine d’Atlantis. En raison des systèmes de protection de l’installation, je vais vous amener au niveau de l’agglomération elle-même. Je vous suggère de vous déplacer rapidement sitôt sur place, car il est envisageable que la téléportation soit repérée par la défense locale. Théoriquement, vous devriez recevoir les informations des capteurs de la frégate en temps réel, pour faciliter votre infiltration. Dès que vous aurez accédé au système de contrôle, l’un d’entre vous devra établir une connexion neuronale pour me permettre d’y accéder. Je procéderai alors à votre extraction. Avez-vous des questions ?
-Resterons-nous en contact avec vous ? demanda Maltez.
-En permanence. Dans l’improbable cas d’une coupure des communications, atteignez la Porte locale et dirigez-vous vers l’adresse de secours que je vous ai fournie. Un vaisseau y sera alors envoyé, même si je doute qu’une telle procédure soit justifiée, étant donné le niveau technologique apparent de cette civilisation, somme toute primitive.
Si les jaffas sont primitifs, je ne suis pas sûr de vouloir savoir comment elle considère notre civilisation…, pensa Campbell.
Les membres de SG-22 ne répondirent pas, et un silence oppressant vint recouvrir la pièce jusqu’à ce que la voix d’Atlantis vienne le briser :
-Nous sommes à présent en position stationnaire au-dessus de Dakara. Bonne chance.

Le flash de la téléportation aveugla brièvement Shanti, avant d’être remplacé par un paysage nocturne qu’elle reconnut aussitôt comme l’un des quartiers industriels de la capitale. Elle refoula sans y penser la masse d’informations qui lui venait sur ses environs, tandis que ses yeux s’adaptaient instantanément aux ténèbres, lui donnant une vision parfaitement claire de son environnement.
Prise d’un léger vertige quand sa perception améliorée se manifesta, elle se reprit aussitôt et suivit Maltez qui se mettait à couvert près du mur d’un bâtiment. Plaquée contre celui-ci, elle remarqua qu’une arme l’aurait quelque peu rassurée, alors même qu’Atlantis lui avait démontré leur inutilité dans la situation où était désormais SG-22.
Tout entraînement garde ses séquelles, on dirait, pensa-t-elle en regardant ses mains vides.
On pense tous la même chose, Shanti, lui transmit silencieusement Maltez. Et croyez-moi, c’est encore plus dur pour moi…
Oui, répondit-elle de la même manière. Vous avez plus d’expérience.
Bon, on discutera de tout ça après, quand on sera rentré à bon port. D’abord, on se dirige vers l’objectif. Et en silence.
Aussitôt, Maltez s’engouffra dans le dédale de rues, sa démarche donnant l’impression qu’il les connaissait depuis des décennies. Il fut suivi par Shanti et Campbell, qui, comme leur supérieur, s’orientaient sans peine à l’aide du flux d’informations que la frégate camouflée leur transmettait depuis le vide spatial.
Stop, leur intima Maltez. Groupe de soldats à cinquante mètres. Dans le bâtiment marqué. On contourne.
Un petit immeuble changea brusquement de couleur sous les yeux de Shanti, et celle-ci y vit la position de tous ses occupants et leurs activités probables. Leurs corps analysaient les vibrations de l’air et du sol, les capacités de calcul des nanites recoupant ensuite les informations pour fournir les conclusions adéquates.
Sans générer le moindre son, le groupe pila avant de changer de direction, courant à une vitesse qui aurait été jugée impossible selon les standards humains que Shanti acceptait encore une semaine auparavant.

Les évolutions avaient été brutales, parfois subtiles, comme les améliorations fournies à ses cinq sens, parfois moins, ainsi qu’en témoignait l’allure à laquelle ils se déplaçaient. La jeune femme avait pu maitriser, non sans mal, ces aptitudes qu’Atlantis affirmait communes à tous les militaires Altérans, et essayait de ne pas penser aux contradictions qu’elles soulevaient dans son esprit.

Celle-ci jetait parfois un coup d’œil aux alentours, cherchant un éventuel danger, qu’il s’agisse d’une patrouille ou d’un évènement quelconque susceptible d’attirer l’attention sur eux. Elle s’apprêta à suivre ses coéquipiers dans un virage destiné à éviter l’un des groupes de jaffa surveillant la ville lorsque, brusquement, sa vue se brouilla, ses jambes se dérobant sous elle.
Les instants suivants ne furent que chaos, alors qu’elle tombait, entrainée par sa vitesse. Elle n’eut que le temps de ressentir Maltez et Campbell trébucher et tomber à leur tour sur le sol poussiéreux, avant de toucher elle-même le mur en face d’elle.

La douleur fut intense, mais s’estompa aussitôt, laissant place à une sensation de douceur, tandis que sa vision tardait à revenir. Elle ne pouvait bouger, mais sentait la confusion chez les deux autres membres de SG-22, qui se relevaient rapidement.
Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demanda Campbell.
Tout le monde va…Shanti ! s’exclama Maltez en se précipitant vers la jeune femme qui gisait au milieu des débris du mur qu’elle venait de transpercer dans sa chute.
Votre amie va bien, intervint Atlantis. Il y a eu une brève perte des communications quand un vaisseau autochtone est ressorti d’hyperespace entre la frégate et vous-même, ce qui a provoqué l’incident.
Et Shanti !? reprit Maltez.
Ses systèmes d’autoprotection se sont activés à temps, et elle devrait reprendre conscience d’ici quelques instants. Comme je vous l’ai déjà dit, vos combinaisons, comme les nanites, vous offrent une bien meilleure survivabilité. Cependant…
Quoi, maintenant ? aboya Campbell.
Les données d’observation indiquent que la patrouille proche se dirige sur votre position en ce moment-même. La discrétion semble désormais compromise. Poursuivez la mission dès que le lieutenant sera à nouveau sur pieds.
Est-ce que ces merdes risquent encore de nous arriver ? continua le lieutenant-pilote, aigri.
Peu probable, et même, le cas échéant, seule l’interruption de la communication est déstabilisante. Vous êtes totalement capable de continuer la mission de manière autonome, sans transmissions quelconques. Cependant, je tiens à vous suggérer d’éviter les affrontements directs. Si vous bénéficiez d’un avantage qualitatif certain, votre maitrise des capacités de combat reste trop sommaire pour compenser une infériorité numérique telle que l’actuelle.

La patrouille se dirigea rapidement vers le coin de la rue, se rapprochant du vacarme qui l’avait attiré, et son chef, un vieux jaffa vétéran de la rébellion, fit signe à ses soldats de s’arrêter. Il risqua un regard dans la rue voisine, et y vit un bâtiment municipal que marquait un cratère.
Puis il distingua deux silhouettes qui semblaient vouloir aider une troisième à se relever.
-Intrus. Au moins trois. Ils sont armés d’explosifs, murmura le chef. A mon ordre, en position, lances armées. Je ferai une sommation, une seule. Au moindre geste, tuez-les.
Il regarda brièvement les jaffas de sa patrouille acquiescer, certains avec un sourire. Tous ou presque n’étaient que des jeunes sachant à peine tenir leur arme, et ils voulaient en découdre, accueillant toute possibilité de combat comme une chance.

Merde, ils nous ont repérés, dit Campbell. Allez, Shanti, relève-toi, on a dix secondes avant de se faire tirer dessus !
Les murmures du chef de troupe étaient parfaitement audibles pour les deux militaires, et ceux-ci lâchèrent un léger soupir de soulagement en voyant leur coéquipière rouvrir les yeux et se relever avec de moins en moins de difficulté.
Ca va ? demanda Maltez.
Oui, répondit laconiquement Shanti. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
On vous expliquera plus tard. L’important, maintenant, c’est qu’on est repérés et qu’il va falloir filer vers l’objectif à toute vitesse.

-Maintenant !
Une douzaine de jaffas surgirent du coin de la rue, se mettant en position de tir, lances armées et pointées vers le groupe.
-Rendez-vous ou nous tirons ! hurla le plus vieux des jaffa.

Maintenant, souffla Maltez, en laissant s’attarder son regard sur la troupe ennemie, détaillant le visage de chacun de ses membres.

Les ombres se retournèrent, esquissant le geste de se baisser. Le chef de troupe, survivant de plusieurs attaques de guerriers Kull, ne voulut pas prendre le moindre risque, et ouvrit le feu, imité l’instant d’après par toute la patrouille.
Le guerrier, qui pouvait se vanter en toute honnêteté d’avoir tout vu, faillit tomber en arrière de surprise lorsque ses cibles firent brusquement un bond de plusieurs mètres, qui les amena en un instant au sommet du bâtiment, tandis que les tirs s’écrasaient contre le mur déjà ravagé.
Qu’est-ce que… ? se surprit-il à penser avant que ses réflexes ne reprennent le dessus.
Les formes humanoïdes se découpaient dans la nuit éclairée, et avant que quiconque puisse leur tirer dessus, s’enfuirent à une vitesse absurde.
-Donnez l’alerte ! hurla-t-il pour ramener ses troupes à la réalité. Les intrus se dirigent vers la montagne et l’Assemblée !
Son second, camarade de combat l’ayant épaulé au cours des plus violents combats de la rébellion, se reprit plus tôt que les autres, et partit vers le plus proche poste de garde.
-Tout le monde, avec moi, on y va ! dit-il aux autres, voyant que son premier ordre allait être exécuté sans problème.

Les toits défilaient à toute vitesse sous les yeux de Shanti, qui était dans un état second, en train d’assimiler le fait qu’elle était encore en vie malgré sa certitude que le choc allait signer son arrêt de mort. Elle sautait sans même s’en rendre compte, absorbée par les informations qui lui revenaient de son propre corps.
Sa tenue avait absorbé la majorité de l’énergie, prête à être réutilisée, tandis que les nanites avaient complété son travail et protégé ses organes et son squelette, avant de réparer les lésions mineures provoquées par l’impact.
Attention, la prévint Atlantis. Je suis dans l’incapacité de brouiller tous les signaux d’alerte. Il est probable que vous soyez attendus sur place.
Vous n’arrivez pas à couper leurs communications ? répondit Shanti, étonnée de découvrir une limite au pouvoir de son interlocutrice.
Tournez la tête.
Elle obtempéra, sans cesser de passer d’un toit à l’autre, et comprit.
Effectivement, ça devait être imprévu, pour vous, dit Shanti en détournant le regard des feux d’alerte qui avaient illuminé un bâtiment, repris aussitôt par le reste de la ville, qui commençait à s’agiter.



-Alerte ! hurla une voix au milieu du tocsin. Aux armes !
Van’Tet se réveilla brusquement et sauta hors de sa couchette. Attrapant son uniforme d’une main et sa lance de l’autre, il se rua vers la porte à côté de l’officier, imité par tous les jaffa du dortoir.
Une nouvelle attaque ? Sur Dakara ?
A l’extérieur du baraquement, les soldats couraient dans toutes les directions, tandis que des ordres fusaient de part et d’autre. Un gradé le désigna, avec tous les soldats voisins :
-Vous, au poste de défense principal de l’arme des Anciens ! aboya-t-il avant de s’adresser à un autre groupe.
Il courut du mieux possible, sans s’attarder sur son apparence, en vêtements de nuit, s’écorchant les pieds contre des pavés en mauvais état. Sautant au-dessus d’une barricade, il observa rapidement son environnement, et prit quelques secondes pour mettre sa veste d’uniforme, qui pouvait le protéger de certaines armes. Ses voisins scrutaient alternativement le ciel et le sol, à présent tous deux illuminés, alors que les servants d’armes lourdes faisaient pivoter celles-ci vers l’immense cour.
Dans les instants suivants, la frénésie sembla se calmer, les ordres n’étant plus donnés que par intermittence aux quelques retardataires.
Qui peut vouloir nous attaquer ? Non, qui a le pouvoirde nous attaquer ? se demanda l’espion en vérifiant son arme.
Son chef de patrouille surgit des ténèbres et passa en un geste de leur côté de la structure défensive.
-Tirez sur tout ce qui approche. Plus personne n’est sensé venir ici, alors ouvrez l’œil ! On n’a plus de contact avec la flotte et les autres postes ne répondent plus.

Les secondes s’écoulaient lentement, tandis que seuls quelques murmures perçaient le silence qui régnait désormais chez les soldats. Van’Tet était à la fois tendu par la menace inconnue et fasciné par le comportement de ses voisins.
Ils se soutiennent mutuellement, ils mourraient sans hésitation pour protéger leurs frères, mais aucun d’entre eux n’est capable de faire preuve de cette noblesse en-dehors de la guerre…Ne sommes-nous rien de plus que ce que les Goa’uld avaient fait de nous ? De simples guerriers, incapables de vivre en paix, obsédés par la mort ? Est-ce que, moi-même, je ne suis pas en train de vouloir faire la guerre à la guerre ? Ou est-ce que je…
-Attention ! murmura un jaffa à proximité. Il y a quelque chose qui vient. Sur les toits.



Ils nous attendent, dit brièvement Maltez. Shanti, vous allez mieux ?
Oui. Quels sont les ordres ? répondit-elle.
Vous vous en êtes mieux sortis que nous aux entrainements. Retenez-les pendant qu’on accède au machin.
D’accord, je ferai mon possible, mais essayez de faire vite, ils déploient de plus en plus de moyens.


Les formes des intrus se déplaçaient rapidement, jusqu’à arriver au bord de la cour centrale, dans laquelle ils sautèrent, laissant pantois les jaffas témoins du défi lancé aux lois de la gravité. Ceux-ci reprirent leurs esprits lorsque les trois êtres touchèrent le sol sans violence, avec un calme terrible, entre la barricade et la montagne.
Van’Tet, qui comme tous ses semblables, avait suivi du regard la courbe impossible des assaillants, reprit ses esprits en voyant deux d’entre se ruer vers l’entrée du complexe, la troisième se tournant pour faire face aux défenseurs.

-Feu ! hurla l’officier.
D’un même mouvement, plusieurs dizaines de tirs partirent simultanément vers la frêle silhouette, qui ne semblait pas porter la moindre arme.
Alors que, sans y réfléchir, il tirait de sa lance, Van’Tet remarqua cette absence, et ses possibles implications lui donnèrent des frissons, faisant trembler son arme quelques instants avant de viser à nouveau vers sa cible, le bruit de sa lance couvert par celui des tourelles lourdes entrées en action.

Durant les quelques secondes de déchaînement d’énergie, un nuage de poussière s’était formé autour de leur cible, et, sur un ordre de l’officier, ils interrompirent leur attaque pour en vérifier les effets.

Regardant le nuage se dissiper, l’espion ne put réprimer une autre série de frissons dans son échine, et il sut d’avance ce que la poussière allait révéler.

La forme, mince et esthétique, était encore debout, intacte, ombre vivante au milieu de l’estrade puissamment éclairée, dont le corps était aussi noir que l’espace, la tête contrastant brusquement avec le reste.
Le même ébahissement prit possession de tous les défenseurs, tel un charme qui ne fut brisé que lorsque la femme fit lentement un pas dans leur direction, levant progressivement son bras gauche. L’officier visa soigneusement sa cible, et tira une rafale de projectiles de plasma vers elle.

L’une des formes devant elle bougea lentement, puis, alors qu’elle l’observait se mouvant au ralenti, déclencha son arme. Shanti ressentit aussitôt la décharge qui s’avançait vers elle, et termina son geste de la main, sans plus réfléchir. Elle voyait les sons, elle entendait les émotions, elle ressentait le paysage. Son esprit luttait pour garder le contrôle, se concentrait pour donner un sens aux informations qui venaient le surcharger, le meurtrir, le dénaturer.
Les propos d’Atlantis lui revenaient à l’esprit. Chacun des projectiles de plasma rayonnait de l’énergie autour de lui. Elle la voyait, la sentait. Elle donna le même ordre à ses nanites que durant l’entrainement, laissant celles-ci puiser dans ces réserves pour les utiliser aussitôt, chacune d’entre elle exerçant une infime force électromagnétique sur l’un des dards de feu.

Van’Tet regarda, comme hypnotisé, les projectiles mortels ralentir pour changer brusquement de direction et s’écraser sur les parois de roc dans un éclair de chaleur.

La peur s’engouffrait en elle, devenant rapidement une certitude : elle ne pourrait pas dévier autant d’énergie assez longtemps pour permettre à ses coéquipiers d’accomplir la mission. Le contrôle nécessaire lui demandait trop de concentration, pour coordonner les efforts d’innombrables nanites dans un effort de précision. La jeune femme décida d’ignorer cette certitude, comme elle avait été forcée d’écarter en une semaine celles qu’elle avait eu sa vie durant.

Puis, à nouveau, l’officier incrédule tira sur sa cible, sans obtenir de résultat supplémentaire, tandis qu’elle faisait un nouveau pas, lui permettant de mieux distinguer le visage de la femme, dont le regard le captivait.


Shanti, il faudra encore tenir quelques minutes. Ils sont en train de démolir des couloirs pour nous ralentir, entendit-elle son supérieur lui dire.
Bien…bien compris. Mais faites...aussi vite que…possible. J’ai du mal à garder le…contrôle, répondit-elle, au moment où les tourelles d’artillerie ouvrirent le feu dans sa direction.

Les tirs, bien plus imposants que ceux des armes individuelles, étaient plus massifs, plus rapides, et elle tenta de leur accorder l’attention méritée, de les déplacer eux aussi.
Le faisceau dévia légèrement, sans pour autant devenir inoffensif. Elle prit alors le temps de couper le canal de communication et détourna un instant son attention du tir. Celui-ci vint frôler sa poitrine, la brûlant aussitôt.

La décharge d’énergie fut comme un électrochoc qui lui fit perdre le contrôle de ses membres, la transformant brutalement en pantin désarticulé, qui s’effondra au sol, les sens en éveil brutalement submergés par les hurlements de joie des jaffa et l’étincelante lumière qui illuminait l’estrade.

Van’Tet vit, comme tous les autres, le projectile jaunâtre frapper la femme sur le côté et continuer sa trajectoire. L’officier soupira de soulagement tandis que les plus jeunes des soldats criaient pour prévenir les autres postes de leur victoire. Mais l’espion, lui, resta silencieux et préféra observer la scène. Sa peur n’avait pas disparu lorsque la silhouette s’était effondrée, et il choisit de suivre l’un des rares conseils que lui avaient donné chacun de ses professeurs : écouter son instinct.

Lentement, il contourna la barricade pour mettre celle-ci entre lui et le corps inconscient, tandis que le chef de patrouille donnait l’ordre à deux jaffa d’aller examiner le corps, et d’achever l’intrus si nécessaire. Aussitôt, la tension refit surface, faisant taire en quelques instants toutes les voix, les armes étant à nouveau pointées vers la cible à terre. Quelques soldats, voyant la position de Van’Tet, décidèrent de le rejoindre, témoignant apparemment de la même prudence que l’espion, alors que la paire de jaffa arrivaient à destination.


Shanti voyait son corps au sol, depuis les airs.
Ils…ils m’ont tuée ? se demanda-t-elle avant de se voir trembler et griffer le sol de ses mains. Mais avant d’avoir une autre pensée, de chercher à comprendre ce qui lui arrivait, elle vit les deux lances se pointer lentement vers elle, pour lui tirer dessus à bout portant.
NON ! hurla-t-elle silencieusement à ses agresseurs, à la ville, à l’univers tout entier.
Elle se laissa emporter par le flux d’informations qui revenait vers elle, s’y abandonna, ne tenta plus de s’y opposer.


Van’Tet retenait son souffle en voyant les deux lances s’ouvrir. Il lui apparaissait que la menace n’était pas indestructible, et les deux autres intrus au cœur de la montagne pourraient aussi être neutralisés.
Puis, brusquement, les deux jaffas disparurent, et il lui fallut quelques instants pour les retrouver, son regard balayant instinctivement toute la zone des combats. L’espion vit avec horreur les deux corps sans vie débouler le long de la paroi rocheuse, en contrebas d’une tache écarlate qu’il interpréta aussitôt comme l’endroit où ils avaient touché la montagne.
Shanti fut aussi stupéfaite de voir les deux soldats perdre la vie aussi vite, à la fois spectatrice et actrice. Elle ne comprenait pas ce qu’il venait de se passer, tout comme elle se rendait compte, avec un certain éloignement, qu’elle n’avait plus le contrôle. Elle s’évanouissait, et ne serait bientôt plus. Tout ce qui était sa conscience n’était désormais plus qu’un outil servant les systèmes de protection. Elle sentait paradoxalement son instinct de survie s’évanouir pour ne devenir lui aussi rien d’autre qu’une augmentation de la capacité de traitement de son esprit. Pendant quelques instants encore, ses bribes d’esprit conscient reçurent des fragments d’information sur son état, jusqu’à ce que les nanites médicales ne soient inclues dans la conscription qui se déroulait à présent pour préserver son corps des tirs.

L’instant d’après, elle avait sombré dans l’inconscience.

Une douzaine de soldats ouvrirent le feu à la suite de l’officier, tirant aussi vite que leurs lances le permettaient en direction de l’être qui venait de se relever sans bruit et avec grâce. Mais avant que les tirs ne franchissent la moitié de la distance les séparant de leur cible, ils s’arrêtèrent en l’air, comme figés.
Van’Tet plongea aussitôt au sol, plaqué contre la barricade, imité par une poignée de soldats. L’instant d’après, il vit tous ceux restés debout recevoir les projectiles lumineux, puis s’effondrer, décapités. L’espion regarda avec horreur les cadavres, jusqu’à ce qu’un mouvement attire son attention : les jaffa des autres postes de garde étaient en train d’accourir en renfort, ayant vu de loin la scène. Il se redressa partiellement, mettant le dos à la barrière et tenta d’ignorer l’odeur de chair brûlée qui se dégageait tout autour de lui, tandis que la majorité des survivants restaient prostrés dans leur position, tremblant de peur.
Qu’est-ce que c’est que ça ?!
Il se retourna et leva lentement la tête pour regarder la scène.
Tous ceux qui étaient du mauvais côté de la barricade avaient été tués dans l’attaque, et la femme était désormais à l’arrêt, un bras levé, tandis qu’autour d’elle, l’air était à présent trouble, comme surchauffé. Il se remit aussitôt à l’abri, la vision gravée dans son esprit, alors que les premiers renforts arrivaient, se mettant à couvert.
-Qu’est-ce qu’il s’est passé ? lui demanda un officier, voyant que Van’Tet était apparemment le seul en état de parler, malgré ses tremblements.
-Ce…ce n’est…
L’officier lui donna une claque au visage, le ramenant à la réalité.
-Elle a…retourné nos tirs contre nous. Ils se sont arrêtés, puis sont revenus. Regardez le résultat, conclut l’espion en montrant d’un geste les corps décapités.
-Bon, on reste à l’abri et personne ne se met à découvert, compris ? dit l’officier à ses soldats, qui acquiescèrent avec un léger temps de retard.
Celui-ci sortit alors d’une sacoche une sphère métallique, sur laquelle il fit une série de manipulations, avant de dire à ses voisins :
-Tir de couverture, mais restez à couvert.
D’un coup, une demi-douzaine de lances furent dressées par-dessus la barricade et tirèrent en aveugle, tandis que l’officier levait brusquement la tête pour lancer la grenade paralysante. Puis, au lieu de se plaquer au sol, il resta figé, le regard pointé vers l’intrus.

Les multiples tirs étaient détournés et s’arrêtaient devant la silhouette, avant de se rapprocher les uns des autres. L’officier, fasciné par ce spectacle, comprit aussitôt qu’il allait mourir. Il se jeta alors sur le survivant qu’ils venaient de secourir et le propulsa à quelques mètres de lui, décidé à être le seul à se faire tuer pour son imprudence.

Van’Tet n’eut pas le temps de réagir lorsque l’officier s’empara de lui pour le repousser, et alors qu’il tentait de comprendre ce qu’il se passait, vit la partie de la barricade qui lui servait d’abri l’instant d’avant s’évanouir dans un éclair, projetant des éclats dans toutes les directions. Au moment où il put reprendre ses esprits, il chercha celui qui venait de lui sauver la vie, avant de réaliser brusquement qu’il avait été au même endroit que lui, là où se trouvait désormais un cratère coupant le muret en deux.
Il se retourna et commença à s’éloigner de la zone des combats, restant accroupi autant que possible. L’espion savait que les autres soldats devaient suivre du regard sa fuite, mais il n’y prêtait pas attention, préférant réfléchir à la suite de ses actions. Lorsqu’il se jugea assez loin, il se redressa et se mit à courir vers l’un des bâtiments militaires.


Les deux membres de SG-22 avançaient désormais lentement, alors que les troupes défendant l’installation Ancienne se mettaient à bloquer le chemin plutôt que de leur tirer dessus, cette solution s’étant rapidement révélée inefficace.
Shanti, appela Campbell. Comment ça se présente ?
Sa coéquipière ne répondant pas, il réitéra l’appel, tout en dégageant des blocs effondrés dans l’étroit couloir.
Atlantis, demanda-t-il. Est-ce qu’il y a un problème ?
Le lieutenant Bhosle semble ne pas avoir de problème pour tenir les troupes ennemies à distance, lieutenant Campbell. Cependant, je vous saurais que vous suggérer de vous presser, étant donné que les autochtones vont sans aucun doute avoir recours à des moyens plus importants afin de vous atteindre.
Aussi vite ? s’étonna l’ex-militaire. Je croyais que vous aviez brouillé leurs communication pour empêcher ça !
Effectivement, mais mon soutien électronique deviendra rapidement inutile lorsque les actions défensives du lieutenant Bhosle seront visibles depuis l’orbite. Ce qui, au vu de la situation, ne devrait pas tarder.
Comment ça, ‘’visible depuis l’orbite’’ ?
Je vous connecte à mes capteurs optiques.

L’homme en tenue sombre s’immobilisa brusquement, témoin du carnage que provoquait sa coéquipière à l’extérieur du complexe.
C’est pas possible ! Elle a pêté un plomb, ou quoi ?
Sans être aussi crue que vous, mes conclusions sont similaires. Elle semble avoir perdu le contrôle de ses nouvelles capacités et être entrée dans une phase d’autodéfense active pour le moins…violente.
Vous ne pouvez pas la stopper ? La calmer ?
J’en suis malheureusement incapable, lieutenant. Toutes ses communications sont coupées. Je vous suggérerais d’ailleurs de venir l’aider rapidement, autrement, au rythme qu’elle prend, sa furie risque de lui laisser des séquelles graves, tant au niveau physique que mental.
Combien a-t-on de temps ?
D’ici quelques minutes, elle aura épuisé ses réserves énergétiques, et commencera à utiliser celles de son corps. Il va sans dire que son métabolisme amélioré ne sera pas suffisant pour subvenir à de tels besoins.
Vous ne pouvez pas la récupérer ?
Dans son état actuel, elle présenterait un danger grave pour le vaisseau, si je tentais de l’y amener. En revanche, si vous pouvez rentrer en contact avec elle, je serai capable de reprendre le contrôle de ses nanites et de l’arrêter.

Campbell donna une petite tape à l’épaule de son supérieur.
-Commandant, lui dit-il à voix basse. Shanti s’est foutue dans la merde. Il faut que j’aille lui donner un coup de main maintenant, sinon elle va se tuer.
-D’accord. Dépêchez-vous, je m’occupe de l’avant-poste, dit-il en détournant un tir de plasma vers la paroi voisine.


Van’Tet baissa instinctivement la tête lorsque deux planeurs passèrent à basse altitude au-dessus de lui. Il se retourna quelques instants pour suivre le mouvement des appareils d’attaque, sans croire un seul instant à leurs chances de succès, puis reprit sa course vers la prison devant lui.
Ne prêtant pas attention à la paire d’explosions au loin, il entra dans le bâtiment carcéral dont les gardes étaient partis renforcer les troupes se battant désespérément contre l’être qui réduisait petit à petit leur nombre.
Durant les derniers jours, l’espion avait préparé un plan d’évasion perfectionné, qu’il avait désormais décidé d’ignorer pour se ruer vers le cachot des deux contrebandiers, alors que tous les jaffas en état de combattre se dirigeaient vers leur mort aux mains de cette femme apparemment omnipotente et invulnérable. L’évènement constituait une opportunité qu’il avait décidé de saisir, gagnant ainsi un peu de ce précieux temps, tout en renforçant la crédibilité de sa fuite.
Rentrant la combinaison adéquate sur le panneau de commande, il ouvrit la porte.

Le cachot n’abritait qu’un seul prisonnier, et Van’Tet se mit immédiatement sur ses gardes, prenant soin de ne pas s’avancer à l’intérieur.
-Ecoutez-moi, vous deux…y compris celui qui m’attend en embuscade, plaqué contre un mur. Je suis ici pour vous faire partir, alors écoutez-moi. Dakara est attaquée, et les autres préfèrent se faire massacrer « honorablement » plutôt que de sauver leurs vies. Moi, je suis plus pragmatique. Vous faites partie d’un groupe qui fonctionne plutôt bien, non ?
-Ca…se pourrait, lui répondit le prisonnier, intéressé.
-Je nous tire de ce massacre, et vous me trouvez une place dans votre groupe. J’ai des informations valables, de l’expérience et pas mal de contacts utiles dans la Nation Jaffa. De toute façon, si vous restez ici, vous allez soit vous faire tuer dans le carnage en cours, soit survivre pour vous faire exécuter d’ici quelques jours.
-Et qu’est-ce qui me dit que vous n’êtes pas un espion ?
-Rien. Mais si vous m’accompagnez, vous aurez une chance de voir pourquoi je ne tiens pas à rester ici plus que nécessaire. Et le témoignage d’un survivant pourrait probablement se monnayer auprès de certaines personnes. Ce n’est pas tous les jours que les forces défensives de Dakara se font balayer en quelques instants.
Van’Tet savait que la tragédie qui se déroulait à l’extérieur lui était néanmoins d’une aide inestimable pour convaincre les trafiquants, car ceux-ci pourraient témoigner en sa faveur, s’ils acceptaient de le suivre. Mais au-delà de son raisonnement analytique, il avait honte d’avoir abandonné ses semblables, trahissant par là-même tous les enseignements qui lui avaient été dispensés durant sa formation.
Le contrebandier, assis contre le mur, décida que la tension manifestée par le jeune jaffa devant lui confirmait les dires de celui-ci, montrant la peur de la mort plutôt que le mensonge. Son métier l’avait forcé à développer une excellente aptitude à lire le visage de ses interlocuteurs, et le soldat en face de lui avait tout de l’allié de fortune, dont ses supérieurs décideraient du sort une fois la crise passée.
Jugeant l’opportunité plus intéressante que son plan d’évasion originel, il se leva, faisant signe à son collègue de l’accompagner :
-Très bien, jaffa. Nous venons avec toi. Quel est le plan ?
-Au Chap’pai, en espérant qu’il n’ait pas été trop endommagé. Je nous amène sur une planète neutre, et ensuite, vous me menez à votre groupe, répondit l’espion en reculant face au second contrebandier qui émergeait de son abri.
Van’Tet avait volontairement proposé un plan flou, trahissant l’inexpérience et la naïveté de son auteur, pour mettre en confiance le trafiquant. Il espérait ainsi apparaitre comme une opportunité d’obtenir facilement des informations de valeur plutôt que comme une personne pouvant penser à suffisamment long-terme pour constituer un danger. Le sourire de son interlocuteur lui apparut comme une victoire dans le préparatif de bataille.
-Entendu, dit l’homme. Nous ferons comme ça.

Maltez ignora la troupe de soldats qui battait en retraite pour trouver un nouveau point de tir, reportant son attention sur l’un des murs, qui abritaient le chemin d’accès aux vestiges les plus profonds de l’installation Ancienne. Il plaça sa main à un endroit précis de la paroi et transmit l’ordre d’ouverture. Le mur resta alors immobile, tandis que des cris sur les côtés indiquaient que les jaffas l’avaient contourné pour le prendre en tenailles.
Se disant qu’il venait finalement de mettre en échec la réputation de fiabilité et de ténacité légendaire des artefacts Altérans, le chef de la petite troupe se figea quelques instants avant de donner un coup de poing dans la pierre.
Le champ de force créé par ses nanites et son uniforme brisa la roche sur plusieurs dizaines de centimètres, mettant à nu le fin mécanisme d’ouverture. Il laissa alors un flot de nanites y accéder et le réparer.
Lorsque l’opération fut finalement terminée, il réactiva le vieux mécanisme, avant de condamner définitivement le passage derrière lui.
Le tunnel, taillé à même la roche, laissait rapidement place à un couloir lisse, identique à ceux du navire qui les avait recueillis quelques jours plus tôt.

-Oh bordel de merde ! Le gosse n’a pas exagéré ! siffla le plus jeune des contrebandiers en voyant les éclairs et les incendies de l’autre côté de la cour centrale, près de la montagne.
Van’Tet se dirigea vers le poste de garde abandonné et y ramassa des armes sur le râtelier, avant de les tendre aux hommes :
-Prenez ça, et suivez-moi. Quoi qu’il arrive, ne tirez pas sur la femme.
-La femme ? demanda l’un des hommes.
-Vous comprendrez, si vous la voyez. Tous ceux qui lui ont tiré dessus sont morts. Regardez autour de vous si vous ne me croyez pas. Maintenant, en avant !

Le trio se mit à courir en direction de l’anneau qui ornait le milieu de l’imposante place, à présent illuminée par l’éclairage, les flammes et les quelques tirs provenant des dernières poches de résistance.
Quelques instants plus tard, ils s’arrêtèrent, profitant du couvert donné par une aile de Planeur écrasé, le reste de l’aéronef brûlant autour d’eux, réduit en débris de petite taille.
-Qu’est-ce qu’il s’est vraiment passé ? demanda l’un des contrebandiers. Une seule personne ne peut pas avoir fait ça !
Un hurlement déchira l’atmosphère, empêchant Van’Tet de répondre et poussant le groupe à lever les yeux vers le ciel. Un Al’Kesh venait de les survoler à basse altitude, tirant quelques rafales d’énergie par sa tourelle ventrale en direction de la silhouette menaçante.


Thomas Campbell émergea du complexe de Dakara pour voir de ses propres yeux le spectacle que lui avait auparavant transmis Atlantis. Shanti était désormais à une centaine de mètres de sa position, seule figure encore debout, au milieu d’un champ de ruines orné de foyers d’incendie.
Shanti ! tenta-t-il de l’appeler, sans succès.

Elle continuait à marcher, calmement, dans la direction d’un attroupement qui avait depuis longtemps cessé de tirer.
Il l’appela à haute voix, plusieurs fois d’affilée, sans obtenir de réponse.
C’est inutile, lieutenant Campbell. Le lieutenant Bhosle n’est plus en état de vous comprendre. Vous allez devoir la neutraliser afin que je puisse lui venir en aide, intervint Atlantis.
Comment voulez-vous que… commença-t-il avant d’être interrompu par son interlocutrice :
A couvert ! Maintenant !
L’homme se jeta derrière une paroi quand l’atmosphère se fendit, traversée par un bolide lumineux venant toucher le sol à l’endroit où se tenait Shanti.
Qu’est-ce que…C’était… commença à demander Campbell, interrompu par Atlantis :
Une unité locale en orbite vient de commencer à ouvrir le feu, lieutenant. Nous n’avons plus de temps. Dès que le commandant Maltez aura fait son travail, je vous ramènerai à bord sans tarder.
Et Shanti ? Vous ne pouvez pas faire une diversion pour me permettre de la sortir de là ? demanda-t-il.
Dans la situation actuelle, la seule manière de détourner l’attention des forces locales serait de provoquer un cataclysme d’ampleur géologique. Ce serait bien évidemment faisable, mais inadapté aux objectifs de cette mission.

Sans répondre, l’homme se redressa pour courir vers sa coéquipière, qu’il distinguait désormais à travers le nuage brûlant créé par l’impact.
Elle était debout, intacte.


Le trio de fuyards était désormais figé, à la fois horrifié et fasciné par le spectacle qui s’offrait à eux. Ils avaient tous vu le projectile de plasma illuminer les nuages pour finir sa route en frappant la silhouette meurtrière. Poussés par leur instinct, ils avaient attendu que le nuage commence à se dissiper, et leurs peurs s’étaient alors réalisées lorsque la forme avait fini par se manifester à leurs regards ébahis.
-Non…murmura Van’Tet, imité par les contrebandiers qui soufflaient quelques injures d’un ton respectueux et effrayé.
Il remarqua du coin de l’œil que celui qui semblait mener les deux trafiquants venait de perdre son air de supériorité, au profit d’une crainte aussi profonde que la sienne.
-Regardez ! Il y en a une autre ! dit l’homme.
Ils virent une deuxième forme humaine se rapprocher de la première, sans subir son courroux et commençaient à s’interroger sur l’identité du nouvel arrivant lorsqu’une série d’éclairs suivirent le même chemin que le premier, passant près du bombardier qui avait cessé de tirer et commençait une nouvelle approche sur sa cible.



L’éclair aveugla Campbell, malgré les filtres qui se superposèrent à ses yeux. Il distingua alors une lueur, aussi brillante que le Soleil, qui flottait au-dessus de Shanti. Ses sens l’informaient, de manière irréelle, d’une chaleur terrifiante, qui aurait dû les tuer, elle et lui, alors que ses oreilles ne lui transmettaient plus la moindre information, dévastées par l’onde de choc qui avait suivi l’arrêt brutal des tirs de plasma, qu’Atlantis confirma comme étant ceux de Ha’Tak en orbite. La présence proche du bombardier lui fut indiquée, sans qu’il n’y prête attention
Il fit lentement un pas en avant, alors que ses sens lui envoyaient des informations contradictoires, bloquant une douleur qui aurait dû le paralyser.


Maltez émergea du long couloir blanchâtre pour arriver dans un hall bleuté. Il regarda pendant quelques instants le spectacle qui s’offrait à lui, tel un touriste arrivant aux antipodes de son pays d’origine. Un siège de commande trônait au centre de la pièce, autour de laquelle se trouvaient des équipements dont il ne pouvait que tenter de deviner l’usage, des classiques chambres de stase aux murs recouverts de machines dont les formes aberrantes témoignaient d’une espèce qui avait cessé de réfléchir en termes fonctionnels pour les transcender. Fusionnant l’esthétisme et la mécanique, la philosophie et la physique, les systèmes présents semblaient réagir à sa présence, sans pour autant le faire de manière visible. Lorsqu’il posait son regard sur l’un d’entre eux, Atlantis lui expliquait brièvement son utilité, tout en lui indiquant la position d’autres dispositifs, ceux-ci cachés à la vue des visiteurs.
Il enjamba un faisceau d’énergie invisible que ses sens lui dévoilaient et se rendit vers le Fauteuil de contrôle qui centralisait tous les systèmes de commande de l’installation.


Toute la ville avait été réveillée par la bataille et, désormais, était illuminée de manière étrange, un soleil brillant sur elle à quelques mètres d’altitude à peine. L’architecture bigarrée était devenue l’arbitre d’un jeu d’ombres et de lumières, décidant de manière apparemment aléatoire qui devait se protéger de la lumière aveuglante et qui ne voyait que le reflet de celle-ci sur les murs et les nuages.
Van’Tet, les deux contrebandiers qu’il accompagnait, et le reste des personnes présentes sur la place centrale faisaient partie de la première catégorie, et réagissaient de manière adéquate : en regrettant la curiosité qui les avait poussé à garder le regard fixé sur la silhouette apparemment invulnérable.
Le jeune jaffa et ses nouveaux compagnons commençaient à retrouver la vue, lentement, le dos contre l’aile plantée dans le sol qui leur servait de bouclier. Ils gardaient cependant leurs yeux à peine entrouverts, le reflet lumineux sur les bâtiments proches étant déjà aveuglant, et Van’Tet pensait à toute vitesse, essayant de donner un sens à ce qui se produisait, sans y arriver.

Puis, sans avertissement, la lueur varia subitement d’intensité, semblant effectuer une brusque ascension. Au bout de quelques instants, la curiosité l’emporta, et l’espion se retourna, n’ouvrant qu’un œil pour observer la situation.
Il vit le soleil qui avait aveuglé tous les survivants de l’affrontement s’envoler. Il franchit en quelques instants la distances qui le séparait de l’Al’Kesh en vol au milieu les nuages clairsemés, leur donnant une couleur jaune-orangée.
Il fixa son regard vers l’engin hypercapable, qui commençait à peine à virer de cap pour tenter d’éviter le projectile.

Campbell avait été projeté au sol par la déflagration, sentant son uniforme souffrir pour absorber l’énergie qui se déchainait autour de lui. Il eut du mal à se relever, et faillit tomber de surprise en voyant Shanti, qui était comme figée en l’air, tremblant de tous ses membres sans tomber. Sans perdre un instant, il se rua sur elle et la plaqua au sol.
Excellent, lieutenant Campbell, lui souffla la voix lointaine d’Atlantis. Je vais sécuriser ses nanites et verrouiller ses capacités défensives. Préparez-vous à une téléportation imminente.
Il soupira, puis son attention fut attirée par une lueur qui fut identifiée par les capteurs de la frégate comme celle du bombardier se désintégrant brutalement dans un nuage de débris incandescents.
Bon Dieu, Shanti… se dit-il en reportant son regard sur la jeune femme au moment où le flash blanc le fit disparaitre avec elle de la cour ravagée.



Le trio resta figé pendant quelques secondes, regardant depuis leur abri près de l’épave de planeur les débris enflammés retomber sur la cité. Puis, l’un des contrebandiers souffla :
-On…on y va ?
Les deux autres fuyards se retournèrent vers lui, puis acquiescèrent au bout de quelques instants. Sans y mot, ils se levèrent pour courir vers la Porte, jetant encore quelques regards vers les incendies et les épaves qui jonchaient le sol de la cour autour d’eux.
Van’Tet laissa l’un de ses nouveaux compagnons entrer les coordonnées dans le cadran, et laissa planer son regard sur l’endroit où s’était tenu la silhouette qui venait d’anéantir la majorité des forces défensives de la ville avant de repartir sans raison.
Qu’est-ce que ça pouvait être ? Même les guerriers Kull d’Anubis…personne ne peut faire ça…personne !
-Hé, au trop ! On n’a pas toute la journée ! aboya l’un des contrebandiers, par-delà le vacarme de l’activation de la Porte.
L’espion continua à leur tourner le dos quelques instants, le temps de sortir un petit objet qui lui avait été remis peu de temps auparavant. Il appuya sur sa surface plane et le jeta au sol, près d’un cadavre, avant de se retourner pour courir vers le vortex.


L’authentification se déroula sans problème, laissant place à une série d’informations et de données sur l’environnement de la planète, et Maltez était en train de recevoir un rapport d’activité de l’installation depuis le dernier accès au siège de commande quand Atlantis l’interrompit :
La mission est terminée, commandant. Je vous ramène à bord.
Il n’eut pas le temps de répondre que le décor avait changé, laissant place à la salle d’où il avait été amené à la surface de la planète, avec le reste de son équipe.
Il regarda rapidement, s’attendant à voir ses deux autres coéquipiers, mais se rendit rapidement compte qu’il était seul dans la pièce.
-Où sont Shanti et Tom ? demanda-t-il à voix haute.
-Section médicale.
-Quoi ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?!
-Votre amie Shanti semble avoir décidé d’ignorer toutes les consignes de sécurité et s’est donnée en spectacle…avec les conséquences prévisibles pour elle et le lieutenant Campbell, lorsque celui-ci est venu l’aider.
-Où sont-ils ? Menez-moi à eux !
-Très bien, répondit Atlantis.
L’I.A. décida qu’il était préférable d’indiquer le chemin à l’officier plutôt que de le téléporter, lui permettant ainsi d’avoir le sentiment d’agir lorsqu’il aurait à courir vers ses deux partenaires. Le militaire se rua vers le couloir indiqué, sans poser de question, arrivant peu de temps après en vue du bloc médical, dont la porte s’ouvrit sur son passage.

Il y vit ses deux lieutenants allongés dans des sarcophages transparents. Campbell avait le visage en partie brûlé, le corps recouvert d’ecchymoses aux endroits les moins critiques, que l’uniforme avait décidé de moins protéger afin de préserver la vie de son porteur. Shanti, elle, était en apparence intacte, mais les spasmes qui l’agitaient malgré les restreintes semblaient témoigner d’un état plus grave, tandis qu’elle semblait plus maigre que jamais, presque rachitique.
-Qu’est-ce qu’ils ont ?!
-Le lieutenant Bhosle, répondit Atlantis, a perdu le contrôle sur ses capacités défensives en voulant tenir les autochtones à distance et son inconscient a pris les commandes. Toutes les sécurités ont donc été ignorées et il en a résulté que l’ensemble des nanites médicales ont été reconfigurées pour le combat et se sont multipliées de façon exponentielle pour subvenir à ses besoins. Si le lieutenant Campbell n’était pas venu à temps, votre collègue serait morte à l’heure qu’il est. J’aurais été forcée d’intervenir personnellement pour empêcher la propagation qui allait suivre.
-Elle se faisait…bouffer, c’est ça ? demanda Maltez en regardant avec appréhension ses propres mains.
-En effet, commandant. Elle est déjà atteinte de multiples hémorragies internes, en plus de nombreux organes endommagés. Je suis actuellement en train de la maintenir en vie le temps de purger ses nanites et de lui fournir une nouvelle série, destinée celle-ci à lui procurer des soins d’urgence. Le pronostic vital est favorable, mais elle risque de garder des séquelles.
-Bordel de merde…Et Thomas ?
-Ses blessures sont dues à sa proximité immédiate avec le lieutenant Bhosle lorsque les croiseurs autochtones lui ont tiré dessus depuis l’orbite. Les soins ne devraient pas prendre plus d’une heure, étant donné que ses nanites médicales sont restées en service jusqu’à son retour à bord.

Le dernier membre conscient de SG-22 soupira, ayant décidé de faire confiance au pronostic de l’I.A. et sachant qu’il ne pouvait rien faire pour aider ses coéquipiers.

-La mission est cependant une réussite, l’avant-poste me fournit désormais toutes les informations nécessaires.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Vyslanté »

CITATION (Rufus Shinra,Dimanche 30 Janvier 2011 15h19) Sinon, n'hésitez pas à poster un comm' ici ou là, c'est toujours apprécié !
Voilà, je commente !

...

...

Nan, en fait, je suis vraiment, mais alors vraiment pas doué pour les commentaires constructifs, intelligents, impartiaux, et tutti fruti and clafoutis.

Je me contenterais d'un "C'est toujours aussi bien !"


Voilà ^^
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »

Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Voici la suite des (més)aventures d'une certaine équipe, et tout particulièrement de son membre le plus récent. Sorry la miss ^_^;

Sinon, n'hésitez pas pour des commentaires constructifs, intelligents, impartiaux, et tutti fruti and clafoutis. J'adore le clafoutis !



Chapitre 10 : Contrecoups

Les hurlements n’en finissaient pas, ne s’atténuant qu’avec les pics de douleur, brûlures intenses qui déchiraient sa chair, la dévorant de l’intérieur. Elle voulait fermer les yeux pour ne plus voir les visages meurtris s’évanouissant dans le néant, faire taire ses nerfs pour ne plus souffrir, clore ses oreilles pour ne plus entendre les hurlements de peur.
Tout se déroulait trop rapidement, comme pour prendre le contrepied de la lenteur qui caractérisait ses souvenirs et ses réactions. Elle était prise de vertiges, entrainée par le torrent de sensations qui venaient la mutiler, telles des milliers de lames chauffées à blanc. A présent, les corps étendus s’amoncelaient devant elle, indistincts. Elle y reconnaissait du coin de l’œil telle ou telle forme, des charniers qu’elle avait vu ou provoqué, et qui s’imprimaient dans ses pensées avant de s’évanouir l’instant d’après, ne laissant que des morts, dont elle imaginait ou entendait les souffrances.
L’attentat qui lui avait pris sa mère, les innombrables morts d’une planète anonyme, empoisonnés par les radiations pour avoir été au mauvais moment au mauvais endroit, les dizaines de jaffas qu’elle avait balayé sans comprendre. Tous venaient appeler Shanti, sans douceur, sans chercher à savoir. Ils étaient morts, tous morts, et elle savait qu’elle était responsable de leur agonie, jusqu’au dernier.
Elle cherchait à pleurer, mais ne le pouvait pas, tout comme sa bouche demeurait muette alors que son esprit lui intimait de laisser sortir un cri libérateur, que personne cependant n’écouterait.

-Est-ce qu’elle va mieux ? demanda Campbell, pleinement remis des blessures qu’il avait subi sur Dakara.
L’I.A. qui chapeautait désormais SG-22 marqua un léger silence avant de répondre :
-Physiquement, elle est hors d’affaire et ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’elle puisse retrouver la santé.
-Et mentalement ? dit Maltez d’une voix faussement détachée.
-Je ne suis pas en mesure de vous répondre avec certitude, commandant. Le lieutenant Bhosle a clairement subi un important traumatisme, mais sa réponse à long terme est une question infiniment plus complexe que celles que je traite ordinairement.
-Vous n’avez pas de formation psychologique ? s’étonna Campbell. Pourtant, la manière dont vous nous avez approchés…
-Je n’ai appliqué dans ce cas que des méthodes conventionnelles que mes créateurs ont su développer et affiner tout au long de leurs multiples contacts avec des civilisations plus ou moins primitives. De même, j’ai une bien trop grande expérience des situations post-traumatiques et de leurs conséquences… funestes chez mes anciens habitants, au cours des quelques conflits qu’il m’a été donné de voir. Mais quant à vos réactions propres dans ces extrêmes particuliers… je ne peux qu’émettre des conjectures sans grande précision. Votre aide s’avérera probablement décisive pour l’avenir du lieutenant Bhosle.
-Shanti… murmura Campbell en regardant le corps catatonique de la jeune femme allongée dans une capsule médicale.
-Si cela peut vous rassurer, lieutenant Campbell, mes premières conclusions à l’égard de vos semblables indiquent une plus grande résilience que celle des Altérans. La violence et l’instabilité inhérentes à votre civilisation vous permettent de mieux vous préparer à ce type de traumatismes, donc l’on peut espérer une issue favorable.
Maltez ne répondit pas, fixant du regard le visage de la jeune femme, dont les yeux hagards ne semblaient pas pouvoir rester fixes, seul mouvement sur un visage dont il aurait dit qu’il avait pris dix ans depuis la veille.



Un semblant de routine avait repris dans les couloirs de la ville flottante, ses habitants rangeant la dernière crise avec les autres dans le tiroir des souvenirs qu’ils ne pourraient probablement jamais raconter à leurs éventuels descendants. Même pour Anna Stern, le terme de routine était probablement le plus adapté pour décrire sa vie quotidienne, alors qu’une I.A. était devenue sa principale partenaire de travail et qu’elle faisait désormais ses rapports à ceux et celles qu’elle voyait à juste titre comme des légendes vivantes.
Mais si son travail avait pris une plus grande profondeur, les habitudes, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, ne pouvaient que s’installer. Et, comme à plusieurs reprises depuis son intégration au Programme, elle se retournait sur ses choix, sur la manière dont elle était arrivée à sa situation présente, qui n’avait rien à voir avec celle des jours précédents.
A chaque fois, elle avait réussi à se rassurer en trouvant des explications logiques à ces décisions, à se justifier leurs causes et leurs conséquences. Mais cette fois, un mur se dressait, dans tous les sens du terme, devant les conclusions, devant même les hypothèses sensées la rassurer et lui donner ce qu’elle savait n’être que l’illusion de maitriser sa vie.
L’intelligence artificielle était en-dehors de tous ses critères, de toutes ses expériences, et si le bon sens lui dictait de ne donner qu’une valeur toute relative à chacune des paroles prononcées par la voix féminine, elle voyait cependant qu’elle avait tendance à oublier sa nature même.
Paradoxalement, c’était bien le caractère non-humain d’Atlantis qui poussait Anna à s’ouvrir à elle, à abaisser sa garde, et la jeune femme s’en rendait parfaitement compte, n’ayant pas à chercher de sens caché dans les propos de son interlocutrice.

Au contraire de ceux des individus devant elle :
-Quels types d’informations veut-elle découvrir ? lui demandait sans douceur le général Sheppard.
Celui-ci avait abandonné son habituelle attitude de charmeur depuis qu’il avait appris, avec un retard de plusieurs jours, l’existence de l’I.A. Le fait de se voir refuser l’accès aux travaux qu’Anna effectuait depuis avait achevé de le rendre antipathique, son habituel sarcasme se révélant de plus en plus piquant.
-Elle s’intéresse à notre manière de penser, de raisonner, nos motivations, principalement.
-Elle veut juste savoir pourquoi on peut se battre, en gros ? Vous n’avez pas la légère impression que ça pourrait lui être utile, militairement parlant ?
-Moins, à mon avis, que ce qu’elle doit avoir en jetant un coup d’œil aux vaisseaux en orbite ou aux armes installées partout, répondit-elle avec ironie.
-Pas besoin de jouer au plus fin, Stern. Vous savez aussi bien que moi que ce ne sont pas les armes seules qui font une guerre.
-Sauf votre respect, général, tout le monde s’accorde à dire que ça n’aurait aucune importance si elle se mettait à nous vouloir du mal.
-Bien sûr, et tout le monde s’accordait aussi à dire que les Goa’uld continueraient à régner sur la Voie Lactée pendant encore quelques milliers d’années. Pareil pour les Wraith, qui allaient nous botter le derrière pendant tout le chemin pour rentrer sur Terre. On commence à avoir l’habitude de ce genre de situation, mais on aimerait vraiment que vous ne la rendiez pas encore plus désespérée qu’elle ne l’est déjà.
-Non, bien sûr.
-Alors faites votre boulot, quel qu’il soit, et ne m’empêchez pas de faire le mien. J’ai déjà assez de problèmes comme ça à éviter que les crânes d’œuf dans votre genre ne démolissent la moitié de la galaxie sans qu’on me rajoute une I.A. dingue connaissant tout de nos défenses, rajouta-t-il avant de soupirer. Quelles sont ses intentions ?
-Je n’en n’ai aucune idée. Elle ne me dit pas tout ce qu’elle fait.
Il se calma, se réajustant sur son fauteuil.
-Vous devez bien avoir une idée, depuis qu’elle vous a contacté pour la première fois, non ? insista-t-il.
-Elle semble…curieuse. Elle veut savoir ce que nous sommes, car je pense qu’elle est surprise de notre manière d’agir, de penser. Mon avis, en tant que scientifique, serait qu’il y a un fort décalage entre notre niveau technologique et celui de notre civilisation. Je crois que ce qui l’a le plus étonné chez nous, ce sont tout simplement les drapeaux sur nos uniformes.
-Les drapeaux ?
-Oui, le concept d’une civilisation se lançant dans des voyages extragalactiques sans même s’être unifiée à l’échelle d’une simple planète…je crois que ça l’a bien plus intéressé que tout le reste…




Un sens. Il lui fallait un sens.
On lui avait offert une vie, mais elle était dénuée d’intérêt, de cette impression rassurante d’être à l’endroit qu’il fallait pour faire changer les choses. Il avait été aux commandes, de son appareil, de son destin et de ceux de ses semblables, et maintenant, on voulait qu’il se contente de manipuler des logiciels de calcul et de conception, de trouver quelques solutions à des problèmes techniques qu’il n’aurait plus jamais l’occasion de rencontrer réellement.
Carl lâcha quelques jurons en français, sans prêter attention aux passants qui se retournaient vers l’archétype du jeune cadre dynamique, affalé sur un banc public. Reposant une bouteille d'alcool, il plongea à nouveau son regard vers le ciel qui s’assombrissait. Il resta immobile, alors que la ville passait tranquillement du jour à la nuit.

L’ex-pilote ne fit pas un geste pour retenir les larmes qui coulaient sur ses joues, rapidement séchées par le vent sec.

Il ne sortit de sa torpeur que lorsqu’un spot éclaira brutalement son visage, le forçant à se protéger les yeux de la main.
-Hé ! Vous allez bien ? demanda une voix forte.
-Ouais, ouais. Laissez-moi, répondit Carl à ce qu’il venait de reconnaitre comme une voiture de police.
Un claquement de portière, suivi de pas sur le bitume.
-Je vous ai dit de me laisser, fit-il, un mouvement des bras accompagnant ses mots.
Le policier le bloqua aussitôt, tenant son poignet d’une main ferme.
-Bon, tu te calme tout de suite, si tu veux pas finir la soirée au poste. Papiers.
Carl soupira, puis, au bout de quelques secondes de silence pesant, plongea lentement sa main dans une poche intérieure et en sortit son portefeuille, que l’homme prit brusquement.
-Hmm… Ouh-là, passeport de l’ONU !
Il se retourna vers la voiture.
-Hé, Frank ! appela-t-il. Viens, on a une pointure ici.
Son collègue quitta la voiture pour s’approcher du banc :
-Qu’est-ce qu’on fait ?
-Monsieur, demanda le premier policier, avec un ton de respect nouveau, vous souvenez-vous où vous habitez ?
Carl fit un geste de la tête vers le ciel étoilé alors que le nouvel arrivant jetait un coup d’œil au passeport spécial.
-Ouais, murmura le second homme, il est bien bourré, il n’y a qu’à regarder le tas de canettes qu’il s’est tapé. Regarde dans ses papiers, il a probablement des cartes de visite.
Il fouilla dans les différents documents pendant quelques instants.
-C’est bon. Hé ben, il n’habite pas à côté, le gamin ! Allez, aide-moi à le ramener dans la voiture.

Sans prêter attention aux deux hommes qui le soutenaient, Carl parvint à rentrer dans son appartement, s’effondrant au pied du lit. Il rêva d’étoiles et de destruction, murmurant des mots sans personne pour les entendre.





Le jeune jaffa était encore en train d’essayer de donner un sens au spectacle dont il venait d’être témoin quand le coup le plongea au sol. Encore sous le choc du massacre de ses semblables, il ne se rendit compte de s’être fait assommer que lorsque les ténèbres achevèrent de l’envahir, son champ de vision passant brutalement d’un crépuscule orangé au socle gris de la Porte.
Il fut presque reconnaissant au contrebandier de le libérer de cette image qu’il savait à jamais gravée dans son âme.

Quand Van’Tet se réveilla, sa première réflexion fut qu’il était assis à bord d’un vaisseau. La seconde fut sur les liens qui l’entravaient. Sans faire de bruit, il garda les yeux faiblement entrouverts et se mit à observer son environnement immédiat, cherchant la présence d’un éventuel garde.
-Il est réveillé, dit une voix derrière lui, qu’il reconnut comme celle du plus âgé des deux contrebandiers.
-Pourquoi… ? articula-t-il lentement.
-Tu ne crois quand même pas qu’on va te montrer où on crèche, petit ? Les naïfs ne font pas de vieux os dans notre boulot, alors sois content qu’on ne t’ait pas largué dans le vide.
-Je peux…je peux vous être utile.
-Ca sera au patron d’en décider, répondit l’homme en entrant dans son champ de vision.
Il sortit un objet de ses vêtements avant de continuer :
-Ne joue pas au con et tu pourras peut-être vivre.

Van’Tet voulut répondre, mais fut interrompu par une douleur aussi insupportable que brève, tandis que l’homme manipulait l’objet dans ses mains. Le jaffa s’affala sans un son, tandis que son gardien retournait s’asseoir à proximité.

Lorsqu’il reprit enfin conscience, l’espion se rendit compte que ses liens avaient été ôtés, et se leva promptement de la couchette sur laquelle on l’avait allongé. Un rapide coup d’œil lui révéla qu’il était à présent prisonnier dans une cellule identique à celles présentes dans les installations et les vaisseaux Goa’uld : large, inutilement et vulgairement ornée, soit caractéristique des êtres qui avaient été des millénaires durant la plaie de la Voie Lactée.
Il fit quelques pas, bougeant ses bras, et eut confirmation que ses geôliers connaissaient bien leur travail, ayant pu l’entraver efficacement sans pour autant qu’il en reste des traces.
Ils sont prudents…heureusement que j’ai du partir aussi vite, ils auraient probablement trouvé tout le matériel qu’on m’a laissé…

Le jaffa écouta à la porte, puis, n’entendant rien, retourna vers la couchette et s’y assit, respirant profondément pour calmer la peur qui rôdait en lui. Il n’avait aucune arme, aucun équipement et, ce qui était pire encore, aucune information sur le lieu où il était détenu. Sa vie n’avait que peu de valeur en regard de la mission, mais il savait que quand il devrait la sacrifier, ce serait pour l’accomplir à coup sûr, et non pas dans une tentative d’évasion héroïque et vouée à l’échec ; il aurait pu se faire tuer depuis l’instant où il avait quitté Dakara, et le fait qu’il soit dans cette cellule montrait que sa mission commençait bien mieux qu’il ne le craignait : on lui laissait le bénéfice du doute.

Après quelques inspirations, il commença à préparer ce qu’il allait dire au responsable qui viendrait l’entendre.

La facilité avec laquelle il put trouver une raison logique pour un jaffa de déserter sa patrie pour des mercenaires fut à la fois rassurante pour la suite de sa mission et triste pour l’état de la nation Jaffa.
Je n’aurai même pas besoin de mentir, voilà le problème : nous courrons droit à la catastrophe, avec notre refus de voir la réalité en face.



-Effectivement, votre analyse de la situation était, au vu des informations que votre mission m’a permis de recueillir, tout ce qu’il y a de plus pertinente, commandant Maltez.
-“Un sacré merdier“, donc ?
-En effet, commandant. La structure stratégique de votre galaxie est, pour le moins, originale… répondit Atlantis. Mais cela ne règle pas notre problème actuel, bien au contraire.
-Comment ça ?
-La nation Jaffa semble, de par les transmissions en provenance de et vers Dakara, sur le chemin de la guerre, et il est très peu probable qu’elle choisisse de s’en détourner. Les guerres sont des bénédictions pour les jeunes structures politiques, car elles leur permettent de les stabiliser sur le long terme par un évènement fondateur ou unificateur. Cependant, nous faisons face à une de ces structures, disposant de moyens technologiques bien trop avancés pour que les avantages de ce type de comportement surpassent ses inconvénients.
-En gros, la guerre serait trop violente, c’est ça ?
-Pour résumer, oui. Soit elle s’effectuerait contre votre peuple, ce qui pourrait poser problème, car vous semblez compenser votre retard technologique par une meilleure diplomatie et une plus grande expérience opérationnelle de l’art de la guerre, soit ils s’en prendraient aux nouveaux arrivants du Nuage de Magellan…
-Et là, c’est game over, conclut Maltez.
-Absolument, à ceci près que ce “game over“, comme vous le dites, aurait des risques de concerner l’ensemble de la Voie Lactée.
-A ce point ?
-L’éventualité semble inévitable, étant donné le mode opératoire.
-Sympa, et absolument pas cliché…

Commandant, intervint Campbell. Vous feriez bien de venir. Shanti semble se réveiller.
J’arrive tout de suite.

L’officier, joignant le geste à la pensée, quitta la salle de briefing et s’engouffra dans les couloirs en direction de l’infirmerie où se trouvaient ses deux coéquipiers.

En arrivant, il vit Shanti qui s’agrippait fermement au poignet de Campbell, celui-ci regardant dans la direction de son arrivant et l’interpellant :
-Vous voilà ! Elle a repris conscience il y a quelques instants, et depuis…
Il leva légèrement son bras, montrant l’emprise de la jeune femme.
-Shanti, ça va ? demanda Maltez en connaissant déjà la réponse.
Elle tourna lentement sa tête vers lui, ses lèvres se déplaçant en silence comme pour parler.
Non, commandant, lui dit Atlantis en anticipant sa question. Le lieutenant Bhosle n’a pas gardé de séquelles physiques. Ses capacités motrices, physiologiques et intellectuelles sont en parfait état.
Son stress ? répliqua l’officier.
Il atteint des sommets.

Il s’approcha lentement de Shanti, pas après pas. Les yeux de celles-ci balayaient rapidement tout son environnement immédiat, donnant à Maltez l’impression qu’elle cherchait un danger imminent. Campbell le regardait d’un air confus, lui demandant du regard la marche à suivre, le langage non-verbal reprenant de manière dérangeante le dessus sur la parole et les systèmes de communication que leur avait offert Atlantis. Le commandant fit signe au pilote de ne pas bouger et allait s’approcher de ses deux subordonnés quand la tête de Shanti retomba sur le lit médical, tandis que sa prise sur Campbell disparaissait.



Si la routine était effectivement revenue, elle avait une fois de plus changé, et l’une de ses modifications les plus importantes était sans nul doute les discussions qu’Anna tenait désormais quotidiennement avec Atlantis, sur des sujets variés et le plus souvent sans lien les uns avec les autres.
Jour après jour, elle continuait ces échanges avec la voix qui devenait lentement son principal interlocuteur, assouvissant sa curiosité sur tel artefact Ancien, l’interrogeant sur le comportement de ses semblables, le tout au travers de son oreillette.
Mais ce soir-là, la question rompit la routine :
-Que faites-vous de vos peurs ?
-Comment ça ? répondit Anna après quelques secondes de silence.
-Vous, comme vos semblables, semblent être incapables de gérer naturellement vos sources de stress. Du moins, c’est ce qui transparait au vu de vos comportements.
-Et, demanda Anna, prenant un ton suspicieux, pourquoi cet intérêt soudain ?
-Vous êtes, pour le moment du moins, mes habitants principaux. L’une de mes tâches est de m’assurer du bien-être de ceux-ci. Pour cela, il m’est important de comprendre ce qui peut y nuire, sans parler du fait que vous constituez une ligne de défense non négligeable de ma structure, et qu’il en va de mon intérêt de vous préserver.
-…Bonne excuse.
Anna était persuadée qu’il ne s’agissait que de cela, une excuse. Mais celle-ci était plus que crédible et, au fond d’elle-même, sa curiosité lui soufflait de jouer le jeu, pour voir où l’I.A. voulait en venir.
De toute façon, je pourrai toujours mettre fin à la discussion si ça va trop loin, se dit-elle, tant pour se justifier que pour se rassurer.
-Nous en parlons, répondit finalement la jeune femme.
-C’est tout ?
-La majorité du temps, oui. Ca nous permet de mettre des mots sur nos phobies, de les amener à la surface.
-Vous fonctionnez donc sur la dualité conscient/inconscient, c’est bien ça ?
-C’est ce que nous pensons. Mais c’est assez dur d’être impartial par rapport à son esprit, non ?
-Effectivement. Selon mes bases de données, il a fallu un temps énorme pour que les Anciens puissent se débarrasser de leurs névroses.
Anna resta silencieuse, cherchant à envisager les différents sens de ces propos, tout en évitant de se rappeler que son interlocutrice avait probablement déjà anticipé ses réactions probables.
Ou pas… C’est peut-être pour ça qu’elle s’intéresse à notre psychologie…
-Comment ont-ils fait ?
-Vous ne pourriez pas comprendre. Notez que je dis ça car il s’agit d’un fait. Vos connaissances sur la physiologie et les techniques mentales de mes créateurs sont bien trop limitées.
Anna contint difficilement son intérêt, mais se rendit à l’évidence qu’elle ne pourrait pas, avec de simples mots, obtenir d’autre réponse de la part d’Atlantis. Décidant de changer de sujet, l’humaine répliqua :
-Et vous ? S’il s’agit d’une question physiologique et mentale, vous ne devez probablement pas pouvoir faire la même chose qu’eux.
-En effet. Il s’agit là de la principale raison de mon sommeil, en plus des aspects de consommation énergétique. La communication m’est, comme pour vous, indispensable pour gérer les problèmes d’ordre psychologique qu’il m’arrive de rencontrer.
-Oui, ça doit aider de pouvoir discuter personnellement avec des milliers d’individus capables d’échanges à votre niveau. Et là, autant de temps en solitaire…
Elle eut un frisson avant de continuer :
-C’est… pour ça que vous me parlez, c’est ça ? Je vous sers en quelque sorte de psychologue ?
-D’une certaine manière, ce serait correct.
Anna recula légèrement, cherchant avec ses mains les obstacles dans son dos.
-Désolée, j’ai eu un vertige. Ca doit être l’idée de servir de psy à une I.A. mille fois plus vieille que moi et qui a plus de capacités intellectuelles que toute notre planète réunie…
Le sarcasme était une forme de défense face à la bombe qui venait d’être lâchée par l’entité tout autour d’elle.
-Je n’ai jamais eu la moindre formation pour ça, vous le savez ?
-Pourtant, vous avez toutes les compétences nécessaires.
-Lesquelles ?
-La première, et la plus importante est que vous me considérez comme ce que je suis, un être vivant, et non un meuble.
-C’est normal…
-Ca l’est désormais pour vous, car je suis un concept nouveau auquel vous avez dû vous adapter rapidement, dans une situation de crise. En revanche, pour mes créateurs, je ne suis pas plus étrange que ne l’est un téléphone pour vos semblables.
Dans quoi est-ce que je me lance, là ? se demanda Anna. Ce qu’elle me raconte est possible, mais… Et puis je ne peux pas vraiment en parler aux autres, ça détruirait toute la confiance d’Atlantis… Pourquoi c’est à moi que ça arrive ?!


Ce samedi, Carl ne se réveilla qu’en début d’après-midi. Les souvenirs de la soirée lui revinrent par à-coups, alors qu’il prenait une aspirine.
Salut, Carl. T’as une sale tronche, aujourd’hui, pensa-t-il en se regardant dans le miroir. Mouais. La tronche d’un type qui a tout pommé…
S’habillant, il traversa l’appartement de fonction qui lui avait été alloué avant de s’arrêter devant une fenêtre. Son regard se posa sur l’incessante activité de la ville, puis il se tourna vers un dossier qui trainait sur son bureau, et prit sa décision.
Il se fixait un but, qui, s’il n’était pas aussi important que celui qu’il avait en pilotant son appareil à des années-lumière de là, redonnait néanmoins un sens à ses actions.

Deux heures plus tard, il était dans un avion de ligne au décollage, remerciant mentalement son passeport et les avantages qui venaient avec. Durant le vol, il parcourut à plusieurs reprises le dossier, prenant des notes et réfléchissant à ce qu’il pourrait avoir à dire, tout en arrangeant la réservation d’un taxi à Heathrow.
-82, Elmer Road, dit-il au chauffeur avant de se replonger dans sa lecture, passant rapidement de son fichier au carnet qui lui avait été fourni à son retour sur Terre, indiquant la majorité des évènements importants s’étant déroulés durant son absence, ainsi que les couvertures officielles des activités du Programme. Plongé dans sa lecture, il ne remarqua pas son arrivée, et le chauffeur dut donner une légère tape dans son épaule pour le ramener à la réalité.
-Nous sommes arrivés ? Désolé, dit-il en sortant son portefeuille électronique.
Celui-ci reconnut l’empreinte digitale de Carl et valida le paiement d’une somme conséquente au chauffeur, qui acceptait volontiers de ne pas poser de questions à ce passager du continent qui aurait pu faire d’importantes économies en prenant un bus.
L’ex-pilote rangea ses documents dans une petite sacoche, et sortit du véhicule, qui repartit sans un bruit. Carl se retourna brièvement, toujours étonné de ce nouveau silence des voitures, avant d’avancer vers le pas de la porte, où il sonna.
Pendant qu’il attendait, le jeune homme prit le temps de jeter un œil sur ses alentours. Il savait qu’il était sous une surveillance probablement renforcée, au vu de l’endroit où il se trouvait, et ne se faisait aucune illusion sur ses capacités à trouver les agents qu’on avait du lui affecter.
La porte s’ouvrit alors, révélant une femme âgée d’environ soixante ans, habillée sobrement.
-Madame Anders ? demanda-t-il, connaissant déjà la réponse.
-Que puis-je pour vous, jeune homme ? répondit-elle.
-Je m’appelle Carl Banet, et j’étais l’ailier de votre fils Jeffrey. Je pense que vous aimeriez en savoir…
-Entrez, l’interrompit-elle.

Elle le pria de s’installer à table, tandis que son mari préparait du thé. Carl jeta un bref regard à la fenêtre, qu’il savait probablement illuminée plusieurs lasers d’écoute. Sur un meuble à côté trônaient plusieurs photos de son ancien leader, depuis sa jeunesse jusqu’à son entrée dans la RAF. Il reconnut même une photographie de lui sur un porte-avions de l’ONU, à côté de son appareil, comme étant la même, à peu de choses près, que celle qui lui avait été fournie à son arrivée sur le Concordia.
Le mari revint et la vieille femme demanda :
-Vous étiez là quand… ?
-Oui. Comme vous le saviez, il avait été affecté aux forces de protection internationales. Nous faisions partie d’une unité prévue pour intercepter les appareils de groupes comme ceux ayant perpétré l’attentat de 2011 sur Norfolk, et le groupe dirigé par Lone Wolf, pardon, votre fils, assurait une patrouille autour d’un groupe naval de l’ONU. On a été dirigé vers un avion volant à basse altitude dans la zone défensive du porte-avions, pour le dérouter vers une piste de détention.
-Cet avion, c’est celui qui a abattu Jeffrey ?
-… oui. Nous l’avions approché, et le capitaine lui faisait signe de nous suivre quand, brusquement, il lui a tiré un missile à bout portant.
-…
-Nous n’avons rien pu faire.
-Et… l’avion ?
-Je l’ai détruit quelques minutes plus tard. Nous suspections qu’il transportait une charge à fusion et qu’il comptait s’approcher assez près du groupe naval pour se faire sauter avec lui.
-Et, était-ce le cas ? demanda lentement le père.
-Oui, à part quelques détails sans importance. Comme le lieu, la cible et les moyens. Mais qui ne changent rien à ce qu'il s'est passé.


La mère de son ancien chef d’escadrille se leva, pour se rendre près d’une petite boite, que Carl reconnut comme le format standard contenant une décoration militaire. Elle se retourna :
-Merci, souffla-t-elle, une larme perlant à l’œil. Merci.
-Je suis encore désolé, madame, répondit sincèrement Carl, qui regrettait amèrement de ne pas pouvoir dire à cette famille les circonstances exactes de la mort de leur fils.
-Vous nous avez apporté la vérité, monsieur Banet. C’est plus que ce que nous avons eu de la part de l’ONU à la mort de Jeffrey, lui dit l’homme aux cheveux grisonnants, en montrant du regard la médaille militaire qui avait été attribuée à titre posthume à son fils. D’ailleurs, quel est votre grade ? Lieutenant ?
-… je suis civil, désormais.
-Comment ça ?
-Après cet “incident“, je n’avais plus le même niveau de compétences, et j’ai été jugé… inapte au service actif. Alors j’ai préféré démissionner plutôt que de devoir piloter un bureau.
Il savait que cette question allait venir, et il détourna le regard vers la fenêtre après y avoir répondu.
-Qu’est-ce que c’est que ces conneries ? demanda le vieil homme.
-Pardon ?
-J’ai été militaire à ton âge, petit, et mon père avant moi. Alors, je répète : qu’est-ce que c’est que ces conneries que de se barrer quand quelqu’un se fait tuer ?
-Je…
-Il n’y a pas de “je“ qui tienne, gamin. Si mon père avait voulu quitter la R.A.F. quand ses meilleurs potes tombaient en flamme, on se serait fait botter le cul par les Fritz et vous ne parleriez plus Frenchie, chez vous.
Il s’interrompit un instant avant de reprendre, sans laisser sa femme ou bien Carl placer un mot :
-Jeffrey est mort, dit-il avec des larmes lui venant aux yeux sans affaiblir son regard ou sa voix. Ni moi, ni Rebecca ne nous le pardonnerons jamais, mais toi, tu dois l’accepter, parce que c’est ton job. Il y a combien de personnes dans ces navires qui comptent sur toi pour se protéger des malades qui se trimbalent avec des bombes H ? Et tu te tires ? Tu as une foutue expérience du combat, que mon fils unique a payé de sa vie, et qu’est-ce que tu en fais, tu la fous en l’air !
Les larmes coulaient désormais à flots, et Carl savait qu’il fallait laisser le père lui passer sa colère dessus, alors même qu’il était rongé par le besoin de lui dire qu’il n’avait pas choisi de quitter le cockpit, qu’on l’y avait forcé. Mais plus important encore était le maintien du secret auprès des civils, et il le savait au plus profond de lui-même.
La rage de l’homme dura quelques interminables minutes supplémentaire, avant qu’il ne se calme et que son épouse fasse signe à Carl de quitter leur maison. L’ex-pilote ne se fit pas prier, et s’éclipsa.
Voyant un arrêt de bus au loin, il s’y rendit à pied, ne se retournant qu’une seule fois vers la maison dont il était venu visiter les habitants. Il lui était clair que la réaction du père de son ancien ailier était dictée par le besoin de se libérer de sa peine à l’égard de la mort de Lone Wolf. Carl, par sa visite, s’était positionné comme une cible évidente sur laquelle s’était déversé le torrent d’émotions contenues.
Certaines des choses qui lui avaient été dites lui revinrent en tête alors qu’il attendait le bus, et il trouva que ces propos méritaient plus ample réflexion.

Au moment d’embarquer dans le vol retour, il s’était promis d’agir.



Le carnage avait été absolu.
Certains des survivants avaient du être entravés, pour les protéger d’eux-mêmes. En effet, parmi la poignée de jaffa qui avaient accouru pour défendre l’arme des Anciens et qui respiraient encore le lendemain, la réaction la plus courante était l’hystérie.
Certains parmi les plus âgés s’étaient mis à prier leurs anciens maîtres goa’uld, persuadés que ce qui leur arrivait n’était rien de moins qu’un châtiment divin pour avoir rejeté ceux-ci. Et il n’était plus possible de couvrir les évènements par un quelconque secret d’état, la bataille ayant duré suffisamment longtemps pour que toute la ville soit réveillée et en ai vue au moins une partie de près ou de loin.
La première des tâches qui avait attendu les autorités de Dakara avait été de démêler le vrai du faux, les rumeurs étant parfois moins folles que les témoignages de première main, malheureusement confirmés par la poignée d’enregistrements qui avaient pu être trouvés dans les épaves des appareils détruits.

Cependant, il y avait deux bonnes nouvelles dans cette catastrophe. La première, que tout le monde savait apprécier à sa juste valeur, était que les intrus n’avaient pas pu arriver jusqu’à la salle de commande de l’Arme, et les gardes à l’intérieur de celle-ci étaient déjà acclamés comme des héros. Bra’tac, au vu des témoignages, était persuadé que l’Arme avait survécu par pure bonté de ces intrus, mais se réconfortait par la seconde bonne nouvelle, qu’il était l’un des seuls à pouvoir apprécier à sa juste valeur : les deux contrebandiers récemment arrêtés avaient disparu pendant la nuit, et ni eux, ni Van’Tet, le jeune espion qu’il avait chargé de les accompagner, n’avaient été identifiés parmi les cadavres.
Vu l’état des corps, ils pourraient en faire partie sans que l’on puisse le savoir avant longtemps, se dit-il en se souvenant que trop d’espoir était aussi dangereux que pas assez.
Il regarda le document que venait de lui transmettre son adjoint.
Cent quarante-six morts, soixante et un blessés, onze disparus. Et tout ça à cause d’une guerrière ? Même un Kull n’aurait pas causé autant de dévastation, et notre Al’Kesh l’aurait détruit au lieu d’être pulvérisé…
L’image de l’appareil de bombardement se faisant anéantir par la silhouette distante était gravée dans son esprit. Il avait accouru vers la place, comme la majorité des jaffas en âge de combattre, et n’était arrivé, comme la quasi-totalité de ceux-ci, que trop tard pour faire quoi que ce soit sinon assister à cette scène infernale.
-Est-ce que Gerak a réagi ?
-Pas encore, lui répondit son assistant. Selon nos informations, il est aussi confus que tout le monde.
-Le contraire serait surprenant. Nous devons prendre l’initiative, sans ça il se servira de cette… de ce massacre pour avancer sa politique.
-Les indépendants le suivront à coup sûr. Tout le monde est terrifié par ce qui s’est passé.
-C’est terrifiant car nous ignorons tout de cette menace, et qu’elle nous a frappé au cœur, non ? demanda Bra’tac, dont un sourire commençait à éclairer le visage.
-Vous avez une idée, maître ?
-Ne m’appelle pas comme ça, je te l’ai déjà dit. Et, oui, il nous reste une chance de garder le contrôle de la situation… en devançant Gerak à son propre jeu. Appelle l’Assemblée. Nous allons leur proposer quelque chose auquel personne ne va s’attendre. Enfin… pas de ma part, en tout cas.

Quand son adjoint quitta la salle, Bra’tac avait retrouvé ses quatre-vingt ans. Malgré la désolation devant lui, ses lèvres étaient étirées en un sourire de plus en plus radieux, à mesure qu’il explorait les possibilités de son idée. Il retrouvait enfin cette sensation qu’il avait eue durant les premières années de la rébellion, alors que lui et le petit groupe de Tauri organisaient des actions aussi désespérées qu’audacieuses pour survivre quelques jours supplémentaires.

Des chances dérisoires, une débâcle assurée. Qu’est-ce que j’attends ?
Dernière modification par Rufus Shinra le 06 févr. 2011, 10:58, modifié 1 fois.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Avant-propos : j'aimerais remercier une fois de plus tous mes bêta-lecteurs, et plus particulièrement Skay-39, qui m'a aidé par la rédaction d'un passage que je n'arrivais pas du tout à mettre à l'écrit. Seul souci, la comparaison des deux styles ne me sera pas forcément avantageuse, mais bon, on a tous à apprendre, hein ! :P

Bien sûr, les suggestions et le feedback éclairent la journée du petit Rufus !


Chapitre 11 : Guerre

Pour la première fois depuis de trop nombreuses années, le visage du vieux jaffa était éclairé d’un large sourire. Il savait que les morts s’étaient comptées par dizaines lors de l’attaque, que la décision qu’il avait prise, si elle se retournait contre lui, risquait de détruire tout ce pour quoi il s’était battu, que son plan n’était pas encore préparé.
Mais en contrepartie, son intervention dans l’Assemblée avait causé une stupeur sans précédent, dont il avait apprécié chaque instant. Ce fut lorsqu’il croisa le regard de Gerak que Bra’Tac sut qu’il avait pris la bonne décision, et qu’il se souviendrait jusqu’à son dernier souffle de cette journée, non pas pour l’évènement historique qu’il venait de causer, mais bien pour la figure abasourdie de son éternel adversaire. L’ancien chef rebelle savait qu’il fallait apprécier chacune de ses victoires, aussi petite soit-elle, et celle-ci ne faisait pas exception, surtout quand elle se faisait au détriment d’un individu aussi désagréable que Gerak.

Les différents représentants de la Nation Jaffa avaient gardé le silence pendant une longue minute, hésitant à interrompre leur pair qui allait forcément continuer sa déclaration, lui donnant un tout autre sens, puis, se rendant compte de la situation, restèrent cois.
Le reste de la session fut alors…mémorable, tous les plans d’intervention mis au même rebut que les discours préparés par chacune des factions de l’Assemblée, et Bra’Tac fut le seul à apprécier le chaos qu’il avait prévu de causer.




Le CIC du Concordia était à moitié plein, la routine présente dans les paroles et les gestes des officiers-mariniers qui tenaient informés leurs supérieurs de la situation à proximité des appareils terriens.
Le second, de quart, lisait la carte des déploiements aériens quand sa réflexion fut interrompue par la voix surprise d’un opérateur, qui annonça :
-Evolution des contacts ! Les vaisseaux lourds jaffas changent de position !
Le second détourna immédiatement son attention vers son subalterne, qui continuait :
-Distance en augmentation. Vitesse relative estimée 180 kilomètres par seconde et en augmentation sur cap 0-1-9 par 1-1-8, form…
-Activation des boucliers ! l’interrompit l’officier tactique. Systèmes d’armes en chargement sur les contacts 1 à 12 et 15 à 17.
-Postes de combat, ordonna le commandant en second du Concordia. Activez la grille défensive. Interdiction d’ouvrir le feu sans ordre direct, et activez le bouclier.
L’alarme commençait à peine à sonner à bord que le communicateur de celui-ci le prévint d’un appel de l’amiral. Il accepta aussitôt et vit le visage de l’officier.
-Laissez les boucliers à la puissance minimale. Gardez les appareils en alerte 0, mais ne les lancez pas sans mon ordre. Pas d’autre consigne pour l’instant ; contentez-vous de rester à bonne distance de la flotte Jaffa.

Le commandant en chef de l’escadre terrienne coupa son écran et se retourna vers l’individu derrière lui :
-D’accord, Rya’c. Je vous ai fait confiance. Maintenant, expliquez-moi ce qui se passe ici avant que ça ne se mette à exploser de partout.
Le jaffa, qui venait apparemment de courir sur la distance séparant ses quartiers de ceux de l’amiral, était encadré par deux Marines sur le qui-vive, craignant que la hâte de l’ambassadeur ne signifie un danger pour l’officier qu’ils devaient protéger.
-Je viens de recevoir un message urgent de Dakara, amiral, dit-il alors que, sur un geste de celui-ci, les deux gardes quittaient la pièce. Nous venons d’y être attaqués par une force inconnue, qui a causé de nombreuses pertes parmi nos défenseurs. Ce matin, l’Assemblée s’est réunie en session extraordinaire, et maître Bra’tac a fait voter une déclaration de guerre.
-Pardon ?! s’exclama l’officier.
-Nos vaisseaux ont maintenant pour ordre de détruire tout ce qui s’approchera à portée de leurs armes, et les privilèges diplomatiques ont été révoqués pour la durée du conflit.
-Qu’est-ce qui est passé par la tête de Bra’tac ?! Nous ne vous avons pas attaqués !
-Nous le savons parfaitement, amiral. Et j’ai eu des consignes spécifiques, votre coopération étant indispensable pour éviter le bain de sang…


Bra’tac avait réussi à devancer son adversaire, et à se servir de ses propres valeurs contre lui. Peut-être, se disait l’ambassadeur, qu’avec une poignée de décennies supplémentaires, le mentor de son père pourrait commencer à apprécier la politique.
La proposition, acceptée en un temps record, mettait chaque jaffa armé en état de guerre, mais en prenant garde de ne pas désigner, directement ou non, d’ennemi à abattre.

Rya’c prit soin de n’oublier aucun élément du message qui lui avait été transmis, depuis la session extraordinaire jusqu’aux véritables conséquences politiques et militaires de la nouvelle guerre.
-Grâce à cette déclaration et à sa propre réputation, poursuivit-il, Bra’tac a pu ordonner une réorganisation des forces qui a dispersé dans les différents secteurs les vaisseaux liés à Gerak.
-Donc, vous me dites qu’en partant en guerre, vous avez privé Gerak de l’initiative et de sa force brute.
-Parfaitement. Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de ne pas céder à d’éventuelles provocations, le temps que nous puissions le priver définitivement de ses soutiens.
-… Vous jouez un jeu dangereux, Rya’c. Si votre pari échoue, si quelqu’un chez vous décide de tirer…
-Bra’tac l’a compris, amiral. Mais il n’avait pas le choix : Gerak allait se servir de l’attaque comme, comment dites-vous ?
-casus belli ?
-Oui, c’est cela. Il allait prétendre que vous êtes les seuls à pouvoir être responsables de cette agression, et demander réclamation.
-Est-ce que la Terre a été prévenue ?
-Oui, le message a été transmis à tous nos ambassadeurs. Ce qui implique que toutes les puissances de la galaxie sont désormais au courant qu’il serait très imprudent de s’approcher de nos forces, du moins pour le moment.
-Votre déclaration de guerre est donc plus diplomatique que militaire ?
-Absolument, amiral. Et dans ce domaine, soyez assuré que maître Bra’Tac est infiniment plus compétent que Gerak. Après tout, il a bien survécu en tant que prima d’Apophis jusqu’à un âge respectable, avant d’être le ciment de la Rébellion.
-Très bien, conclut l’amiral, avec un léger sourire. Maintenant, si vous voulez bien m’excuser, j’ai un état-major à aller rassurer avant qu’une bordée de missiles ne parte sur un malentendu aussi bénin qu’une déclaration de guerre. Vous transmettrez mes félicitations à ce vieux sournois, d’accord ?
L’ambassadeur s’inclina, avant de se faire raccompagner à la porte par l’officier, rejoignant deux Marines qui virent avec soulagement qu’ils ne seraient pas directement concernés par la crise qui se matérialisait tout autour d’eux.



-Pourquoi avez-vous fui Dakara ?
-Je vous l’ai déjà dit, reprit Van’Tet sans simuler son exaspération. Nos chefs veulent la guerre à tout prix, et je ne tiens pas à me faire tuer pour régler des comptes qui n’ont rien à voir avec moi. Et puis avec l’attaque…
-Comment saviez-vous où étaient gardés Jal et Nemak ?
-Je fais, faisais, partie de la garde centrale de Dakara. Vos deux amis devaient être exécutés dans trois jours, et j’étais affecté à leur escorte jusqu’au Chappaï.
Il soupira.
-Ecoutez, tuez-moi ou libérez-moi, mais je vous ai tout dit ! Tout ce que je veux, c’est trouver un endroit où je puisse utiliser mes compétences avant d’aller m’installer le plus loin possible de ces vieux fous qui ne pensent qu’à s’entretuer par mon intermédiaire. Avec vous, j’aurais au moins de quoi prendre ma retraite quelque part loin de tout ça, avec assez de trétonine pour le restant de mes jours. En échange…
-On a compris, on a compris, tu te bats pour nous, on te paie, et dès que tu as assez, tu te tires sans te retourner.
-Voilà, en somme.

Son interrogateur se leva.
-Je vais revenir.
Lorsque la porte s’ouvrit, le jeune jaffa distingua quelques gardes qui tenaient d’un air menaçant leurs armes, des copies inélégantes d’armes terriennes, telles que Van’Tet en avait souvent vu entre les mains de mercenaires, voire même de jaffas. Entre les hommes de main se trouvait une humaine, d’environ quarante ans, qui le regarda d’un air attentif avant de reporter son attention sur l’homme qui quittait la cellule, prenant soin de ne pas parler avant la fermeture de celle-ci.

Ils sont prudents… Alors, si en plus il n’y avait pas eu tout ce carnage sur Dakara, ils m’auraient probablement abattu sur-le-champ, se dit-il en ayant un sentiment aigre-doux au souvenir de l’attaque qui l’avait traumatisé, mais qui lui sauvait apparemment la vie en fournissant un mobile à sa défection.

Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit à nouveau.
-Il semble que tu sois un membre très récent de la garde de Dakara. Certains pourraient même penser que tu y as été mis pour mieux nous infiltrer.
-Si vous en savez autant sur moi, vous devriez vous rappeler que je ne suis qu’un soldat, et je n’ai pas choisi là où j’ai été envoyé.
-Bien sûr. Il parait d’ailleurs que ta précédente affectation s’est terminée avec pas mal de grabuge. Tu es l’un des rares survivants d’une attaque, à ce qu’il parait… Tu n’as pas l’impression que ça fait beaucoup ? Pourquoi est-ce qu’on prendrait un type qui attire les catastrophes ?
-Parce que vous voulez quelqu’un qui leur survit.
-…bien dit. Ca faisait longtemps que je n’avais pas rencontré un jaffa avec la langue bien pendue.
-Est-ce que ça veut dire que je vais survivre ?
-Ca reste à voir, ça reste à voir, lui dit son interrogateur, avec un sourire qui, cette fois-ci, ne semblait pas empreint de violence. La patronne est d’accord pour te prendre, si tu nous dis ce que tu faisais exactement avant d’être ramené sur Dakara.
-Je…, hésita Van’Tet.
-Tiens, plus de piques, plus de réponses préparées et réfléchies ? Si tu es vraiment celui que tu prétends être, et que tu veux devenir l’un des nôtres, dis-nous la vérité. Et avant de répondre, dis-toi bien que nous avons les moyens de confirmer ton histoire, et que si tu nous a menti… disons que tu auras quelques parsecs à naviguer dans le vide pour retrouver ta patrie. Sans combinaison.
-C’était… un centre de recherche militaire, lâcha-t-il au bout d’un silence éprouvant. On y développait des nouvelles armes et des protections pour nos vaisseaux. Je ne sais rien de plus, je n’y étais qu’un simple garde.
La mission vaut plus que cette information, se dit-il pour se dédouaner. Et de toute façon, l’Installation a été détruite, ça ne sert plus à rien de protéger son secret.
L’homme en face de lui se leva.
-Très bien, dit-il avant de lui en lui faisant signe de l’accompagner. Bienvenue à bord.
-C’est… c’est bon ?
-Nous savions déjà pour “l’Installation“, Van’Tet. Pour l’instant, tu sembles pouvoir nous être utile, alors tes compétences seront utilisées. Bien sûr, on te gardera à l’œil, et fais-moi confiance, rien ne nous échappe. C’est d’ailleurs notre fond de commerce.



-La situation vient à nouveau de se complexifier, commença la voix d’Atlantis. Les répercussions de l’opération sur Dakara continuent de se faire sentir. Dans les douze heures ayant suivi votre extraction, les flottes de la nation “jaffa“ se sont réorganisées et les communications internes ont connu une augmentation significative de volume et de protection.
-Qu’est-ce qu’il se passe, maintenant ? demanda Campbell.
-Au vu des messages que j’ai réussi à décrypter, une déclaration de guerre a été faite.
-Une guerre ?! l’interrompit le pilote. Contre la Terre ?
-Les transmissions sont contradictoires, et il m’est actuellement impossible de connaître cette information. La seule chose de sûre, à l’heure qu’il est, est que notre mission en a été le détonateur.
-Comment ça, on ne sait pas contre qui les jaffas sont en guerre ? dit Maltez. Je croyais qu’on avait réactivé le matériel là-bas pour vous permettre d’en savoir plus sur ce qui se passe.
-Oui, continua Campbell. Il vous suffirait de voir où se font les combats.
-Il n’y a pas eu d’affrontement pour le moment, lieutenant, et aucune autre force n’a réagi militairement de manière à montrer son implication dans ce conflit. De plus, le cryptage utilisé pour les messages diplomatiques jaffa est, de par sa structure, très difficile à déchiffrer en l’absence d’informations précises sur les correspondants.
-Quel genre ?
-Tout ce qu’il est possible d’apprendre sur la vie de l’individu en question, et, dans le cas d’un cryptage mnémo-émotionnel, les informations les plus personnelles sont aussi les plus pertinentes, ce qui accroit la difficulté de ma tâche.
-Et… sans ces renseignements ? demanda Maltez. On peut faire quelque chose ?
-Bien sûr, commandant, mais la situation où nous sommes est critique sur de nombreux points. Comme je vous l’ai dit, notre action a accéléré de nombreux processus déjà en place. Pour faire converger les différentes parties en présence vers une issue acceptable, il nous faut agir avec vitesse, force et précision. Ce qui nécessite des renseignements fiables.
-Et, vous êtes sûre de ne pas pouvoir casser le code des Jaffas ? Je croyais que vous aviez une avance technologique absolue par rapport à eux… et à nous, s’inquiéta Campbell.
-Le système de cryptage utilisé n’offre aucune approche mathématique ou logique, puisqu’il est basé sur des émotions et des expériences communes aux correspondants. Je peux, a posteriori, déterminer le sens d’un tel message en observant les actions de l’émetteur et du récepteur, mais même ainsi, le même contenu pourra être codé par un souvenir différent lors de l’échange suivant. Il est donc nécessaire de connaitre les deux individus, puis d’obtenir un maximum d’informations sur leurs rapports.
-Qu’est-ce qu’on peut faire pour ça ? l’interrogea Campbell.
-La solution la plus rapide serait l’enlèvement de l’une des deux personnes, suivi de son interrogatoire, mais, selon mon estimation, les conséquences d’une telle intervention seraient défavorables à l’issue recherchée, même en prenant en compte les avantages qui en découlent. Je suggère donc une étude indirecte des correspondants, sachant que j’ai déjà pu prioriser le canal le plus important.
Elle interrompit Campbell alors qu’il s’apprêtait à prendre la parole :
-Ce qui veut dire, en clair, lieutenant, que nous aurons à établir un profil psychologique de ces deux personnes, par l’intermédiaire de leurs connaissances et de leurs activités.
-On a combien de temps pour ce job ? demanda Maltez.
-Le plus tôt sera le mieux, commandant. Chaque minute passée sans pouvoir accéder aux communications diplomatiques jaffa nous éloigne de notre objectif.
-Et pour Shanti ? Elle peut avoir besoin d’aide, reprit l’officier.
-Mes installations médicales sont entièrement adaptées à ses blessures.
-Ne commencez pas, Atlantis, répondit Maltez, énervé. Vous savez très bien de quoi je parle. Elle est en état de choc, et elle aura plus besoin d’une aide psychologique qu’autre chose quand elle se réveillera. Vous l’avez dit vous-même, vos compétences sont limitées, là-dessus, alors je ne vais pas vous laisser seule avec Shanti quand elle se réveillera.
-…Très bien, commandant. Dans l’éventualité d’un réveil du lieutenant Bhosle, je ramènerais immédiatement l’un d’entre vous à bord afin d’aider votre coéquipière. Cela vous convient-il ?
-…D’accord.


L’ordinateur travaillait silencieusement, et, sans plus de bruit, Carl lisait avec attention un magazine spécialisé. L’article présentait une innovation qui allait, selon les auteurs, révolutionner le marché automobile, qui avait déjà subi des bouleversements avec l’introduction en quelques années à peine des véhicules électriques rentables. L’ex-pilote, sachant ce qu’il cherchait, lisait entre les lignes pour identifier les technologies rapportées du Programme, que ses partenaires industriels introduisaient petit à petit sur Terre. Le magazine lui-même avait attiré son attention, sa couverture mettant en valeur les nouveaux tableaux de bord virtualisés qu’il avait utilisés lors de sa formation et de son trop bref séjour à bord du Concordia.
Sa décision avait été prise, et il comptait se replonger dans le Programme, malgré son expulsion. Trop de personnes savaient pour qu’il n’y ait pas de moyens d’accéder aux informations qu’il recherchait. L’ancien lieutenant faisait confiance à son ami à bord de l’imposant vaisseau pour se renseigner sur les circonstances de l’incident qui lui avait coûté sa carrière, mais il devait trouver un moyen de reprendre contact avec lui.
Le bip de son moniteur, annonçant la fin des calculs, le ramena à son travail, qu’il s’efforçait de faire avec efficacité pour ne pas attirer l’attention sur son embryon de recherche. La simulation indiquait la résistance structurelle de la cellule d’un appareil à réaction, en fonction de différents paramètres atmosphériques, terriens ou non.
Le bureau d’études où il était désormais employé travaillait à la conception du nouvel appareil de chasse prévu pour la défense planétaire, et dont la majorité des capacités seraient, à l’instar de celles de son prédécesseur, inconnues d’un public persuadé d’y voir le nouveau jouet ruineux de l’Alliance Atlantique.
Jetant un coup d’œil derrière lui, il s’attarda sur une représentation informatique d’un autre appareil, différent en forme, mais identique dans la conception et la construction, qui porterait, du moins sur Terre, les cocardes des différentes puissances asiatiques et russes.
Facile de faire la course aux armements quand on est tout seul sur la piste et avec plein de dopants… se dit-il en grimaçant.
Il comprenait la nécessité de ce semi-secret, mais pourtant était dérangé par la facilité avec laquelle tout contrôle pouvait être perdu.
Les industries, les communications… Noyautées… Personne dans le public n’a la moindre idée de ce qui se passe depuis dix ans… Et je ne suis même pas sûr de vouloir changer ça. Tant que ça marche… Mais ça ne change rien à ton foutu problème, Carl. Si je ne peux pas reprendre contact avec quelqu’un, je ne saurais jamais ce qui s’est passé !



- Mes attributions au sein de l'empire Altéran de Pégase, comme vous nommez cette galaxie, allaient bien au delà de l'administration de la cité elle-même. Cela constituait en fait la part la moins contraignante de mes fonctions, car, comme vous avez pu le constater au cours des années durant lesquelles je suis demeurée endormie, l'endroit se gère pour ainsi dire de lui-même. Les Atlantes attendaient avant tout de moi que je prenne soin des populations abritées en mon sein, ainsi que des guerriers partis à bord de nos vaisseaux pour contenir la marée des Wraith. Les autres Cités et moi-même coordonnions les efforts de nos bâtiments de guerre, en appliquant bien entendu les ordres du Haut Conseil que j'abritais. Les Altérans se fiaient à nos analyses, se reposaient sur nos estimations. C'était une lourde responsabilité, lorsque nous étions devenues toutes les dix les derniers bastions de tout le peuple Altéran.
- J'imagine, murmura Anna, alors que rien n'était moins vrai. En écoutant le récit de l'intelligence artificielle, elle voyait presque les titanesques croiseurs Anciens cheminant à travers l'hyperespace, tous chargés de soldats dotés de capacités psychiques inimaginables et d'une puissance de calcul surpassant tout ce que les plus puissants ordinateurs terriens étaient susceptible de produire. Des centaines de vaisseaux, alors qu'un seul aurait suffit à soumettre la Voie Lactée toute entière...
- L'une de ces batailles eut lieu peu de temps avant le siège d'Atlantis. Nous disposions alors encore de nombreux bâtiments de combat, et de suffisamment de combattants pour en garnir les ponts. Mes senseurs indiquaient une activité Wraith anormale dans un secteur riche en minerais précieux, dont je ne peux vous révéler les coordonnées, avertit Atlantis comme Anna ouvrait la bouche. Ce terreau aurait permit la formation accélérée de nombreuses nouvelles Ruches. Ces informations concordaient avec les données rapportées par nos espions infiltrés, selon lesquelles une proportion inhabituelle de reines Wraith avait récemment été enfantée. Sur mon conseil, Atlantes et Aïenlantes ont donc lancé une offensive conjointe sur les camps des Fouisseurs. Pour une fois, les rapports de force nous semblaient favorables - un vaisseau Ancien pour quarante de ses équivalents Wraith.
Anna déglutit discrètement.
- Mais nous avions été bernés. Il s'agissait d'une embuscade. Les Wraith avaient commencé l'exploitation depuis bien plus longtemps que je ne le pensais ; leur récent pic d'activité n'était que poudre aux yeux, comme vous dites. Les Ruches présentes en orbite n'étaient que l'avant-garde de toutes celles qui attendaient sous la surface. Leurs brouilleurs des Wraith étaient d'une efficacité remarquable ; malgré tous mes efforts pour envisager le pire, je ne cessais de les sous-estimer.
- Que s'est-il passé ? interrogea Anna, saisie par les inflexions de regret dans la voix artificielle.
Elle peinait à se rappeler que son interlocutrice était rien moins qu'humaine. Mais Atlantis était aussi le fruit de la science des Anciens ; elle n'était pas entièrement maîtresse de sa nature. Concernant ses limites, les terriens en étaient réduits aux conjectures.
- Nous avons perdu. L'ennemi était trop nombreux, la zone efficacement piégée. Dès que mes senseurs ont cessé d'être aveuglés, j'ai prédit l'issu de la bataille. Au moins mon estimation du nombre de victimes s'avérât-elle remarquablement proche de la vérité. Une fois les Fléaux infiltrés à l'intérieur des croiseurs, ce fut un véritable massacre.
- Les Fléaux ? répéta Anna, mal à l'aise.
- Une caste de guerriers d'élite conçue spécialement pour la guerre contre mes créateurs, et aujourd'hui oubliée. Vous avez d'ailleurs tout lieu de vous en féliciter…

Les discussions avec Atlantis prenaient petit à petit une nouvelle tournure, alors que le rôle qu’Anna jouait dans cette relation s’était vu brutalement redéfinir, sans qu’elle n’ait pu réagir, ni même comprendre ce que l’I.A. demandait désormais d’elle.
Elle était privée de repères, et faisait donc ce qui lui semblait logique dans cette situation : observer et écouter. Une partie d’elle-même lui disait d’aller prévenir ses supérieurs, mais cette impulsion se voyait bloquée par la curiosité toujours croissante, la voix féminine partageant de temps à autre ses expériences passées. Mais à cette curiosité venait s’ajouter une peur inexprimable, qu’elle ressentait depuis quelques jours, faisant presque chaque nuit des rêves dont elle n’avait que des souvenirs partiels, qu’elle savait rattachés à ces discussions, aux évènements qui avaient apparemment marqué la personnalité de l’I.A. durant la guerre qui s’était conclue par le départ des Anciens de Pégase.
La jeune femme se rendait compte que, d’une manière ou d’une autre, Atlantis pesait parfaitement son intonation, les intervalles entre ces échanges et leur contenu, mais elle jouait le jeu, ne sachant pas à quelle fin son interlocutrice lui expliquait ses réactions à l’époque où elle fut engagée dans la guerre contre les Wraith.

Elle sait tout, et elle peut probablement tout. Qu’est-ce qu’elle peut… vouloir ? Peut-elle vouloir, déjà ? Oui, elle est autonome, et consciente. Mais je ne dois pas oublier qu’elle n’a pas été créée par des humains, je ne peux pas lui appliquer ma manière de penser… Pourquoi ça ne peut pas être simple, ce boulot ? Je me suis engagée pour étudier les Anciens, pas jouer à une partie d’échecs avec une I.A. multimillénaire ! se dit-elle en quittant son bureau, son ordinateur sous le bras.
Comme chaque semaine désormais, elle devait rendre compte personnellement à Jackson, et elle se demandait s’il se doutait de l’évolution de sa relation avec Atlantis, et de ce que pourrait faire cette dernière si elle trahissait sa confiance.
Et de toutes les éventualités envisagées, aucune n’était bonne pour elle…

Franchissant un croisement, la scientifique dut faire usage de tous ses réflexes pour s’arrêter à temps lorsque son supérieur surgit devant elle, marchant sans regarder devant lui.
-Oh ! Désolé ! s’excusa-t-elle en sursautant.
-Pas de mal, répondit-il.
Son regard se posa sur le document qui avait attiré son attention quelques instants plus tôt.“ La réunion doit-elle être reportée ?“, demanda-t-elle en indiquant le feuillet
-Comment ça ? Oh, ça ? dit-il en s’attardant un instant dessus. Non, ne vous inquiétez pas, ce n’est rien d’urgent. Venez.
Anna le suivit jusqu’à son bureau.
Il s’arrêta devant la porte et fit signe à la jeune femme d’entrer.
-Excusez-moi, je dois juste un passer un coup de fil. Allô, docteur Weir ? Ici Jackson. Oui, je vais m’absenter une semaine à partir de samedi prochain. S’il y a une urgence qui dépasse l’habituel, donc quelque chose de moins bénin qu’une offensive majeure Wraith ou une attaque de Réplicateurs, je serai joignable par le canal habituel. Mais, s’il vous plait, j’aimerais pour une fois passer une semaine de congés tranquille… D’accord, je vous ramènerai des souvenirs, si je trouve quelque chose de valable. D’accord. Merci. A plus tard. Jackson, terminé.
L’archéologue rentra à son tour dans le bureau, et s’assit devant Anna.
-Désolé, mais Elizabeth préfère être au courant aussitôt que possible pour ce genre de choses. Donc, où en étions-nous ? Ah, le rapport hebdomadaire sur les informations que nous a offertes notre nouvelle hôtesse.
Anna attendit quelques instants, se demandant si Atlantis relèverait le sarcasme, puis commença à présenter les informations correspondant à sa nouvelle affectation.
Lorsqu’elle eut terminé, Jackson transféra les données vers son ordinateur, avant de demander à sa subordonnée :
-Comment se passe la cohabitation, pour l’instant ?
-Pour l’instant, bien. Atlantis respecte sa part du marché, et je n’ai pas vraiment de critique à faire. A ce que j’ai vu dans les rapports sur les I.A. que vous avez pu croiser, docteur, c’aurait pu être largement pire.
-Avez-vous pu en apprendre plus sur elle ou sur ses motivations ?
-…elle m’a donné quelques renseignements, au fil de nos entretiens. Ca reste fragmentaire, mais j’ai mis ce que j’avais.
Ce soir-là, elle se rentra dans son appartement sans dîner, l’estomac noué par l’appréhension. Elle avait commencé à mentir, et n’était pas sûre de connaître les raisons qui l’avaient poussé à cacher une partie de ses discussions avec Atlantis. Jackson, qu’elle considérait pourtant comme un modèle, n’avait pas été tenu au courant de ses discussions plus… personnelles avec l’entité Ancienne. La curiosité se mêlait à l’intérêt qu’elle portait à l’I.A., l’incitant à poursuivre dans cette voie, qu’elle savait, en revanche, très dangereuse.
Et, une fois de plus, Atlantis se mit à discuter avec elle, abordant des décisions que l’I.A. semblait regretter.


Les rêves se faisaient moins violents ; l’évolution, très lente, se manifestait moins par la nature des pensées que par leur rythme. La jeune femme, toujours inconsciente, avait désormais l’impression de pouvoir commencer à s’adapter au débit des souvenirs qui venaient la hanter.
Elle luttait, souffrait ou simplement regardait les autres autour d’elle mourir, mais sa tension diminuait. Le massacre sur Dakara avait à présent un témoin, qui semblait la connaître et qui savait ce qui s’était réellement passé. La destruction du Bellérophon n’était plus seulement sienne à porter, tout comme les centaines de corps irradiés qui s’étaient étendus devant elle.
Il n’y avait pas d’échange direct, juste une sensation d’empathie, qui suffisait à Shanti pour recommencer à penser. Les souvenirs ne s’imposaient plus comme des faits bruts, impossibles à éviter ou à refuser, mais devenaient des émotions, qu’elle se mettait progressivement à interpréter dans un état de semi-conscience.
Son esprit se fixait désormais sur une image, sur un son, plutôt que de subir le torrent qui l’avait torturée auparavant. Elle les visualisait non sans mal, l’objet de son attention étant à chaque fois confus, troublé. Les détails sur lesquels elle tentait de se fixer s’évanouissaient aussitôt qu’ils étaient apparus, pour revenir l’instant d’après, sous une forme légèrement différente. Lentement, les faits qu’elle tenait pour acquis évoluaient, sa responsabilité n’étant plus indubitable. A ses pensées venaient s’en rajouter d’autres, plus rassurantes.
Vous ne pouviez pas parfaitement maîtriser tout ce matériel, même avec vos… capacités.
A chaque instant, vous avez fait le maximum pour éviter les morts inutiles.
Je ne peux pas espérer vous comprendre, mais de ce que j’ai vu, vous pourriez être largement différente, et… Je ne suis pas douée là-dedans, hein ? Tout ce que je veux dire, c’est que, pour moi, on se définit par ses choix et par les leçons qu’on en tire. Ca parait un peu simpliste, mais j’essaie de fonctionner comme ça. Alors, pour moi, vous avez fait ce que vous avez pu, et que vous vous souveniez encore de ces évènements, qu’ils aient encore de l’importance par rapport à tout le reste, ça devrait plutôt vous encourager à avancer. A ce que j’ai vu, il n’y a pas grand-monde, ici ou dans la Voie Lactée, pour qui la mort d’autant de personnes a de l’importance. En tout cas, pas grand-monde parmi ceux qui comptent vraiment… Je ne sais pas ce que vous voulez, mais…




-… mais je préfère que ce soit quelqu’un pour qui la vie a de la valeur qui prenne les décisions plutôt qu’un monstre. Parce qu’on en a eu notre part, termina Anna, le regard perdu dans l’océan où croisaient au loin une poignée de navires militaires et scientifiques.




Van’Tet suivait docilement son nouveau chef, observant du coin de l’œil son environnement, à la recherche de toute information utile.
-Voilà les baraquements, lui dit Jomah, le responsable des mercenaires. Tu prends une couchette libre et tu t’y installes. On viendra t’appeler pour voir un peu comment tu te débrouilles avec une arme et te filer de nouveaux vêtements. A partir de maintenant, le boulot est simple : tu obéis, tu observes, tu apprends. On n’a rien contre les initiatives, mais les conneries, je les tolère pas. Compris ?
-Oui.

Le jaffa trouva rapidement une place sans affaires à proximité, et s’assit dessus.
Bon, et bien ça y est. Je suis dans la place. Maintenant, il faut en apprendre plus sur ce groupe…
Son attention se porta alors sur les quelques objets personnels que ses nouveaux voisins de chambrée, pour l’instant absents, avaient placé à proximité de leur minuscule espace vital. Il y voyait des hologrammes familiaux, quelques objets sans valeur apparente, mais rien qui pouvait s’apparenter à une arme. Il lui fallut quelques instants pour trouver le râtelier, à proximité de la sortie, et l’espion s’en rapprocha. Par curiosité, il essaya d’ouvrir l’un des casiers, mais sans succès.
-Identification biologique. Tu ne pourras pas l’ouvrir sans être enregistré.
Van’Tet se retourna brusquement, trouvant une femme derrière lui, dans le couloir.
-Ah… merci pour l’information… ?
-Désolée. Je m’appelle Suessi, répondit-elle. Je suis l’assistante du patron. C’est moi qui vais voir ce que tu sais faire. Viens.
Elle se retourna et commença à s’éloigner, aussitôt suivie par Van’Tet.
-Tu es jaffa. Ancien membre de la garde de Dakara, c’est ça ?
-Oui, je suis parti car…
-Je m’en fous. L’important, c’est que tu sois là, et que tu te rendes utile. Quelles armes sais-tu utiliser ?
-La lance, le zat’nik’tel, la grenade à choc, et je sais comment utiliser le déphaseur, termina-t-il en décrivant la seule arme que les jaffas avaient contre les Reetou et les éventuels Ashrak parcourant encore la Voie Lactée.
-C’est tout ? Pas d’arme à feu ?
-Non. Il y a quelques armes terriennes et langariennes dans l’arsenal, mais presque personne ne s’en sert.
-Encore heureux pour tous les mercenaires et pirates de la galaxie, lui dit-elle en se dirigeant vers une porte gardée par deux soldats en armes. Le jour où vous commencerez à vous servir de vraies armes, il faudra commencer à faire attention… Enfin, pas d’expérience, donc. Tu vas devoir apprendre, et vite, si tu veux continuer à faire partie de l’équipe.
-D’accord…
Les deux mercenaires s’écartèrent devant elle après avoir ouvert la porte qu’ils gardaient, révélant un hangar de grande taille, que Van’Tet reconnut aussitôt comme l’une des deux baies de chasseurs. Il se raidit aussitôt lorsque le bruit de plusieurs rafales vint à ses oreilles, avant de remarquer la présence de plusieurs tireurs, qui semblaient s’entraîner sur des cibles situées sur le mur en face de lui.
-Voici l’endroit où tu vas passer tout ton temps pendant les prochains jours, si tu veux être à notre standard. Et, crois-moi, tu n’as pas envie d’échouer, ajouta-t-elle avec un sourire ironique.
Elle se dirigea d’un pas décidé vers un autre râtelier, qu’elle ouvrit d’un geste, prenant l’une des armes à l’intérieur pour l’envoyer à Van’Tet, qui l’attrapa au vol. Il la détailla du regard, reconnaissant un fusil d’origine terrienne, tandis que Suessi refermait le casier, une arme dans l’autre main. Ramassant quelques chargeurs qu’elle avait posé au sol, sa nouvelle instructrice lui fit signe, au milieu du vacarme des rafales, de la suivre.
Il l’accompagna jusque dans une alcôve protégée par un petit champ de force, qui, une fois passé, bloqua tous les sons de l’extérieur.
-Bon, aujourd’hui, je vais t’apprendre la base, puis je vais te mettre avec un de tes nouveaux potes, qui va t’apprendre tout ce qu’il sait.
Elle désigna l’arme.
-Ceci est une arme à feu terrienne. Elle est simple, facile à entretenir, mortelle et bien plus précise que vos lances. Pour faire simple, c’est la base de tout groupe de mercenaire qui se respecte, maintenant, et nous plus que les autres, puisqu’on a été les premiers à en trouver les plans et à les vendre à la concurrence. Et, désolé pour toi, lui dit-elle avec un regard contredisant ses propos, mais la série de déculottées que vous ont filé les Terriens à l’époque des Goa’uld a largement contribué à faire passer ceux qui se baladent encore avec une lance pour des ploucs… Ce qui, soit dit en passant, est justifié.
Van’Tet ne répondit pas, sachant qu’elle avait partiellement raison, et que la lance, malgré sa puissance supérieure, demandait des années d’entraînement pour être utilisée avec une efficacité acceptable, alors qu’on s’attendait à ce qu’il maîtrise cette arme en quelques jours à peine.
-Bon, évidemment, elle n’est pas parfaite. Il faut la recharger assez souvent, les munitions pèsent lourd et en plus coûtent cher à produire. Alors, jusqu’à ce que je te dise le contraire, tu ne touche pas à ce bouton, continua-t-elle en indiquant un petit sélecteur sur le côté de l’arme. Oh, et contrairement à ta lance, tu va aussi devoir apprendre à l’entretenir si tu veux qu’elle fonctionne. Mais on va voir ça après…
Elle engagea l’un des chargeurs courbés par-dessous l’arme brune et noire, puis fit un mouvement brusque.
-Alors, pour viser, commença-t-elle, c’est ici…



Les deux membres opérationnels de SG-22 se regardèrent un instant, surpris par la nouvelle.
-Comment ça, l’opération est annulée ? demanda Campbell.
-Je viens d’avoir de nouvelles informations, lieutenant, répondit l’I.A. L’un des individus qui nous concernait semble travailler de concert avec votre flotte.
-Vous voulez dire, l’un des hauts-gradés jaffas ? s’étonna Maltez.
-C’est cela même. Depuis les transmissions en provenance de Dakara, les communications depuis vos navires situés dans le nuage de Magellan ont subi une augmentation significative, qui ne peut qu’être liée à l’évolution de la situation stratégique.
-Et, ça veut dire qu’on change de plan ? reprit le pilote. Désolé si je suis un peu lent, mais bon, c’est peut-être dû à quelqu’un ici qui se complait dans le technoblabla.
-Pour être claire, lieutenant Campbell, il est désormais inutile de chercher à briser le système de cryptage diplomatique jaffa, puisque celui que vos forces militaires stratégiques utilisent a une base mathématique, que je suis à même de franchir.
-Oh. Et, ça prendra combien de temps ?
-Huit virgule six microsecondes.
-Heu ? lâcha Campbell.
-Oui, je suis forcée de reconnaître que vos concepteurs sont extrêmement doués au vu du niveau technologique qui est le vôtre. Je n’ai plus eu de défi aussi complexe depuis les virus de combat Wraith. En-dehors de la situation actuelle dans son ensemble, bien sûr.
-Me…merci ? dit Maltez, qui ne savait quoi penser, son esprit fusant pour essayer d’envisager les implications que pouvaient avoir l’accès d’Atlantis aux communications stratégiques. Et… et maintenant ?
-Je vais désormais analyser les nouvelles informations pour déterminer la marche à suivre…
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 12 : Dans la toile


La petite frégate, plus âgée, à une exception près, que l’ensemble des civilisations de la Voie Lactée, rôdait en silence dans l’espace entre les étoiles, insensible à tout système de détection. Elle constituait, en cette galaxie, le principal avatar d’une intelligence artificielle multimillénaire qui venait une fois de plus de modifier ses plans pour les adapter aux réalités du terrain.
-La situation actuelle se développe à son rythme, et il serait contre-productif de vouloir influer directement dessus pour le moment, dit Atlantis. Cela nous laisse donc le temps de mieux préparer le terrain pour la suite.
Une image holographique d’une installation souterraine s’afficha devant les deux membres conscients de SG-22, tandis que l’I.A. continuait :
-Voici un avant-poste de reconnaissance. Vos semblables en ont déjà trouvé plusieurs dans la Voie Lactée, comme vous le savez. Ils contiennent, entre autres, un système d’auto-défense et des moyens de communication et de surveillance couvrant les amas stellaires voisins. Comme je vous l’avais indiqué, le protocole d’urgence nécessitait deux personnes distinctes pour me donner le contrôle du réseau de cette galaxie. Malheureusement, les évènements ont fait que cette solution n’a pu aboutir, et nous n’avons le contrôle que de l’installation de Faëlantis. Il faudra donc activer manuellement autant d’avant-postes que possible pour obtenir une couverture maximale de la Voie Lactée.
-On ne peut plus réactiver ce protocole d’urgence ? demanda Maltez.
-Non, commandant. Seul un poste majeur comme celui associé à une grande Cité possède l’infrastructure et les autorisations pour activer une telle procédure, et la seule autre installation similaire m’est inaccessible sans action majeure incompatible avec notre posture actuelle. Et, vous devez vous en douter, il nous est impossible de retourner sur Dakara pour reprendre l’opération, mes senseurs indiquant la présence d’une garnison extrêmement lourde sur place. Il serait nécessaire de l’oblitérer afin d’accéder au disrupteur, et cette option n’est pas acceptable au vu de la situation présente.
-Je ne sais pas ce qui est le plus inquiétant, murmura Campbell. D’entendre une I.A. parler de déclencher une guerre contre la plus grosse puissance de la galaxie, ou de savoir qu’elle gagnerait sans problème ?
-Tom… souffla Maltez, d’un ton agacé.
-Désolé, désolé, répondit le pilote d’un faux air contrit. Bref, on est partis pour du tourisme, c’est ça ?
-En attendant que la situation évolue dans un sens ou dans l’autre chez les jaffas, lieutenant Campbell.
-Atlantis ? demanda Maltez.
-Oui, commandant ?
-La priorité n’était-elle pas plutôt ceux qui nous ont enlevés et qui atomisent planète après planète ? Je veux dire, c’est pour ça que vous nous avez recruté, parce que nous avons eu cette expérience de première main. Et là, j’ai l’impression qu’on les a oubliés.
-Je vous rassure, commandant, ça n’est pas le cas. Pour l’instant, leur menace reste ma priorité, mais il est cependant nécessaire de canaliser proprement le conflit larvé entre la nation jaffa et vos semblables. Ne serait-ce que parce que les uns comme les autres ont en ce moment même des forces considérables à proximité immédiate de ces… nouveaux invités. Comme le dit votre expression, ils sont à côté d’un baril de poudre, et je préférerais éviter un conflit ouvert qui ne pourrait que déborder. Comprenez bien qu’une telle situation comprend une quantité colossale de variables, et qu’il peut être parfois très rentable d’agir indirectement.



La tension n’avait pas disparu à bord des différents vaisseaux terriens qui flottaient dans le vide stellaire. Les rumeurs avaient commencé à circuler, donnant des explications plus ou moins alarmistes sur le brusque changement de comportement de l’imposante escadre qui semblait les surveiller depuis trop longtemps déjà. La section où officiait Samir avait, de par son statut, connu un important regain d’activité, les plans tactiques devant être adaptés à la nouvelle configuration des vaisseaux jaffas, tandis que les patrouilles avaient du prendre en compte la zone d’exclusion qui était entrée en vigueur quelques heures plus tôt.
Comme ses collègues, il cherchait un sens à cette situation, à la fois par une curiosité motivée par le danger que par un intérêt professionnel, voulant comprendre comment réagiraient des vaisseaux qui n’avaient, de facto, d’alliés que le nom.
Pourtant, une partie de son attention était attirée par autre chose. Depuis la destruction du Bellérophon, un nombre conséquent d’appareils du Concordia effectuaient des missions à longue distance, à en juger par les fréquents sauts hyperspatiaux qu’ils faisaient arrimés à leurs corvettes de soutien.

A une soixantaine de mètres du CIC, ces vols représentaient le principal sujet de la réunion qui rassemblait les officiers en charge de l’escadre.
-Je viens de recevoir un message du Commandement, annonça Wulfe. Les sondes vont être transférées sur le site Gamma d’ici cinq heures. Les opérations de récupération continuent comme prévu. Cameron, du nouveau ?
-Oui. Les jaffas commencent à faire de plus en plus attention à nos missions. Dans les deux dernières, le SWACS a repéré une possible fenêtre hyperspatiale à distance de sécurité. Il est de plus très probable qu’ils nous suivent et nous observent, mais pas de contact pour l’instant. De toute façon, la consigne est de laisser au moins un chasseur à côté du SWACS pendant toute la durée de l’opération. Personne ne veut d’une nouvelle embuscade. D’ailleurs, à ce propos, Matthias ?
L’officier en charge de la logistique s’éclaircit la gorge avant de répondre :
-On pourra avoir une corvette de remplacement d’ici onze semaines, selon l’approvisionnement. Un équipage nous sera transféré depuis la surveillance de Sol.
-Onze semaines ? répéta Mitchell. Ils ne peuvent pas faire plus tôt ?
-Aucune chance, mon général. Tout le monde veut des SWACS pour couvrir Sol, les sites Alpha, Bêta, Gamma, etc., etc. Ils sont bien trop pratiques. On a déjà de la chance de s’en faire libérer un aussi vite, en fait.
-On verra ça en temps et heure, les coupa Wulfe. Ivan ? A-t-on du nouveau pour les jaffas ?
Le membre des services de renseignements répondit de sa voix posée :
-L’attaque sur Dakara a été confirmée par toutes nos sources. Il semblerait qu’un commando d’origine inconnue ait attaqué le dispositif Ancien. Nous ne savons pas ce qu’il en est de ce dernier, mais par contre, tous les témoins s’accordent sur la destruction complète des forces défensives envoyées pour s’opposer à l’action du commando.
-Quelles forces ? demanda le second du navire.
-Au minimum une compagnie de forces expérimentées, ainsi que plusieurs appareils de soutien rapproché.
-Et, demanda l’amiral, sait-on d’où vient l’attaque ?
-Ca, c’est LA question. Aucune idée. Tout ce qu’on sait, d’après les rumeurs, c’est qu’il s’agit d’humanoïdes, mais ca ne veut pas dire grand-chose. Quoi qu’il en soit, il nous faudra du temps pour démêler le vrai du faux, vu que tout le monde semble vouloir attribuer des pouvoirs quasi-divins à ces inconnus.
-Bon, en attendant d’en savoir plus, on reste sur nos gardes. La position ici n’est pas cruciale, donc si les Jaffas commencent à se montrer trop belliqueux, mieux vaut quitter le système que de commencer à ouvrir le feu. On est au milieu d’un merdier politique, et je préférerais que ça ne déborde pas en guerre totale. Cameron, faites passer le message à vos pilotes : autorisation de se défendre contre des chasseurs ou des Al’Kesh qui attaquent, mais interdiction formelle de tirer sur des Ha’Tak sans mon ordre direct. C’est bien clair ?
-A vos ordres…



Anna ne savait pas ce qui l’inquiétait le plus : ce qui lui arrivait ou bien le fait qu’elle s’y habituait avec trop peu de problèmes. Ses activités dans l’immense Cité n’avaient plus qu’un rapport distant avec la raison de son recrutement et de sa venue, et elle avait peur de se poser certaines questions à leur propos. Inconsciemment, elle acceptait l’idée de l’omnipotence de l’I.A. sur son environnement immédiat, entité virtuelle dont personne connaissant son existence ne remettait plus en cause les capacités réelles. Chaque mot, chaque suggestion de sa part étaient, et elle le savait, autant de mouvements sur un échiquier dont elle ne voyait qu’une minuscule partie, sans même savoir où s’y situait la jeune femme qu’elle était. Ses efforts pour recouper les informations, pour comprendre les motifs d’Atlantis, étaient sans aucun doute voués à l’échec, mais cela ne l’empêchait pas de persévérer. Sa justification était simple : personne d’autre n’était dans une position pareille, et si elle tentait d’impliquer Jackson ou Weir dans ce qui lui arrivait, les conséquences pourraient aller de son arrestation à une action plus… drastique de la part d’une I.A. se sentant menacée.

Elle réagissait donc en tentant de traiter un problème après l’autre, sans jamais avoir de certitude, ce en quoi elle imitait l’écrasante majorité des résidents permanents de la Cité.

-Atlantis ? demanda-t-elle à voix basse, après avoir vérifié l’absence de passants dans le couloir.
-Oui ? répondit l’I.A. par les haut-parleurs, ce qui indiquait que nul autre que la jeune femme ne pouvait entendre la conversation.
-Est-ce que vous êtes allé dans la Voie Lactée récemment ?
-Cela dépend de votre définition de “récemment“.
Anna réfléchit quelques instants, puis dit “Durant les dix ou vingt derniers milliers d’années“, d’un air soucieux.
-Oui. Mais ceci par l’intermédiaire de mes vaisseaux et sondes lors d’opérations importantes pour les projets de mes créateurs. Pourquoi cette question, sans indiscrétion ?
-…
Elle hésita quelques longs instants, pendant lesquels elle n’entendit que les battements de son cœur dans le couloir silencieux.
-Depuis quelques nuits, je rêve. De ce dont vous me parlez, de ces affrontements sanguinaires.
-J’en suis désolée. Voulez-vous que nous cessions ces entretiens ?
-Non, ce… ce n’est pas ça. En fait, je me souviens de certains passages, et il y en a un qui m’a marqué. J’ai l’impression à chaque fois de revivre des souvenirs qui sont les vôtres. A chaque fois, les formes sont floues, parce que ce ne sont que des récits. Sauf un, qui est bien plus clair… Bien trop clair.
-De quel moment parlez-vous ?
-Celui où… où je tue des dizaines de jaffas.
-Des jaffas ?
-Oui, je les vois m’attaquer dans un assaut inutile, avant de les balayer d’un revers de la main. Et ils reviennent… Sa voix se mit à faiblir alors qu’elle faisait des efforts pour continuer à parler. Et… je les écrase à nouveau. Un par un, par groupes entiers. Je les vois ! Chacun d’eux, avant de les tuer !
Ses yeux luttaient pour retenir les larmes alors que les émotions affluaient en même temps que les images du massacre.
-C’est arrivé.
-Quand ? Comment ?… Pourquoi ?
-Il y a plusieurs dizaines de milliers d’années, un évènement semblable s’est produit dans cette galaxie. Nous étions alors en guerre contre les Wraith et l’une des planètes que j’explorais abritait un avant-poste de nos ennemis. Il était occupé par des humains, et mon analyse initiale était qu’il s’agissait de leurs adorateurs… J’ai réagi en conséquence, puis j’ai appris en étudiant l’installation qu’ils étaient les survivants d’une collecte qui avaient réussi à prendre les armes et tuer leurs geôliers… pour mourir de mes mains. Vous avez dû remplacer ces humains par des Jaffas dans votre songe.
-Mais pourquoi ? Pourquoi est-ce que je rêve de ça alors que vous ne m’en aviez jamais parlé ?!
-Je crains que ce ne soit de ma faute. Ce type d’évènement, malgré leur relative rareté, s’est produit à plusieurs reprises. Au vu de nos échanges ainsi que de mon analyse préliminaire de vos semblables, la meilleure manière d’aboutir à mon objectif, à savoir obtenir un retour honnête et sans concession de votre part, était de passer par votre subconscient.
-Attendez, vous voulez dire que… ?
-Oui, miss Stern, je vous ai fait partager ces quelques souvenirs et ai obtenu la réponse que je cherchais.
-Vous êtes malade ! cria-t-elle sans se préoccuper de son éventuel entourage. Et vous voulez que j’aie confiance ?!
-C’est votre choix. Mais sachez que j’ai assez confiance en vous pour ne pas vous mentir ou camoufler les faits.
Anna recula lentement avant de se plaquer le dos au mur.
-Non… murmura-t-elle.
-Je suis sincèrement désolée, dit Atlantis. Cependant, j’avais impérativement besoin de votre point de vue… Ces catastrophes à répétition, qu’elles touchent mes créateurs ou des peuples extérieurs à la guerre, m’ont changée, et j’avais besoin d’une réponse franche.
-En vous baladant dans mon esprit !
-Oui. Comprenez que mes capacités me permettent d’analyser l’ensemble des messages que vous faites passer au travers de votre intonation, de vos mouvements oculaires, votre posture… Ces messages, comme chez tous vos semblables, sont contradictoires, flous, et j’avais besoin d’une réponse. Celle que vous me donnez actuellement est complexe, et je tente de m’y adapter, mais sans être sûre de la marche à suivre pour préserver notre relation ; au contraire, celle que votre inconscient m’a donnée est simple, sans fioritures.
-Vous êtes…
-Différente, miss Stern. Je n’ai jamais été et ne serai jamais une entité biologique. Si je vous donne l’impression de raisonner comme vous, ce n’est qu’une impression, rappelez-vous-en. Je suis probablement plus étrangère aux humains que ne l’ont été l’ensemble des créatures pensantes qu’il vous a été donné de croiser, vous et vos semblables. Mais si cela peut vous conforter, sachez que l’aide que vous m’avez fournie s’est avérée extrêmement profitable.
Anna haussa les épaules avec un soupir à la fois dédaigneux et désabusé, avant de se laisser glisser au sol, toujours le dos au mur.


Sans avertissement, un éclair lumineux vint emplir le champ de vision de Thomas Campbell, alors que celui-ci, aux côtés de son ancien supérieur hiérarchique, s’approchait d’un panneau de contrôle Ancien. L’instant d’après, il se retrouva dans une pièce qu’il n’eut aucun mal à reconnaître. Abaissant son arme, il demanda :
-Atlantis, est-ce que…
-Oui, lieutenant. Votre coéquipière présente des signes de réveil imminent.
Le pilote rangea l’arme Goa’uld qu’il avait brandi par réflexe et s’approcha de la couchette où reposait Shanti.
-Est-ce qu’elle va mieux que la dernière fois ? dit-il à voix basse.
-Apparemment, oui. Son activité cérébrale est revenue à la normale il y a peu de temps, et tout porte à croire qu’elle va reprendre conscience. Si je ne peux cependant rien vous garantir sur son état psychologique, sa physiologie actuelle indique un stress largement réduit, bien que supérieur à la normale que j’ai pu observer chez elle auparavant.
-Bref, elle va mieux ?
-Oui.

Campbell soupira de soulagement, s’approchant de la jeune femme inconsciente, et attendit.
Tom, l’interrogea Maltez. Je suis en train d’activer l’avant-poste. Atlantis m’a prévenu pour Shanti… est-ce qu’elle va bien ?
Aucune idée pour l’instant, commandant. Selon l’I.A., ça irait mieux, mais elle ne s’est pas encore réveillée. Je vous tiens au courant.
D’accord. J’arrive dans quelques minutes.

Lorsqu’un second flash illumina la pièce, Shanti ne tourna pas la tête, son regard restant fixé sur ses mains, qu’elle fixait sans énergie apparente.
-Shanti ! l’appela Maltez en se dirigeant vers elle. Vous allez bien ?
-…oui… Je crois, répondit-elle en reportant lentement son attention sur lui.
Elle regarda d’un air distrait ses deux compagnons d’armes la détailler, notant leur inquiétude.
-Je… je suis désolée. J’aurais dû…, commença-t-elle avant d’être interrompue.
-Non, dit Campbell. Personne n’aurait pu prévoir ce que…
-A vrai dire, intervint Atlantis, je suis probablement la plus en cause dans cette affaire, lieutenant Bhosle. Le temps d’entraînement qui vous avait été alloué, à vous et au reste de votre équipe, avait été largement trop faible pour assurer votre sécurité, mais la situation était telle que…
-Je comprends, souffla la jeune femme. Ca devait sûrement être nécessaire.
Elle reposa sa tête sur la surface de la couchette et lâcha un lent soupir. “Est-ce que vous pourriez me laisser un instant, s’il vous plait ?“
-Oh, bien sûr, répondit brusquement Maltez. Prenez votre temps, Shanti, vous revenez de loin.

La convalescente observa les deux humains quitter la pièce, puis s’affaissa l’instant d’après, des larmes quittant ses yeux.
Ce n’était pas ma faute, ce n’était pas ma faute, ce n’était… se répétait-elle sans cesse en bloquant difficilement les scènes de ses souvenirs. Ca… ça ne peut plus jamais arriver…





La mission était claire.
Le pilote, malgré son apparence simple, était en réalité un vétéran du conflit souterrain qui agitait la Nation Jaffa depuis une décennie. Présent dans toutes les opérations risquées, survivant aux cataclysmes et aux guerres, le vieux jaffa était un professionnel, au même titre que les assassins ayant servi sous les Goa’uld, à ceci près qu’il avait su diversifier ses compétences avec l’évolution constante de la demande.

Sa dernière opération ayant été menée à bien, mais, comme le lui rappelait la brûlure sur son bras, avait failli tourner à la débâcle quand la victime avait riposté avant de succomber au poison de sa lame. Il vieillissait, et le savait, comme il savait que sa profession ne tolérait pas le départ à la retraite. Alors les missions plus routinières reprenaient un certain intérêt, lui permettant de gagner sa vie au service de l’un ou l’autre des acteurs de la politique Jaffa. Cette fois-ci, il avait été contacté par un anonyme, que ses informateurs avaient identifié comme un associé de Gerak, pour une opération plus complexe qu’elle ne le laissait croire.

Les vaisseaux terriens étaient rapides, puissants et, par-dessus tout, avaient une excellente vue, ce qui compliquait sa tâche. Pourtant, selon le dossier que son réseau privé lui avait fourni, ils pouvaient être surpris, et comme sa mission n’avait rien d’offensif, son transport camouflé pouvait demeurer à distance de sécurité pour procéder à ses observations.
Alors, mes petits… Qu’est-ce que vous faites ici, au milieu de nulle part ? Gerak aurait-il enfin trouvé un vrai complot terrien visant à détruire ses chances d’arriver au pouvoir ?
La formation de chasseurs encadrait un appareil de la taille du sien, et, sans précipitation, le pilote laissait ses instruments passifs analyser en détail les émissions de ses cibles.
D’une pensée, accompagnée d’un geste sur les commandes, il élargit le champ d’action de ses capteurs, cherchant à avoir une meilleure vue de la situation actuelle. L’instant d’après, une douzaine d’avertisseurs lumineux se mirent à clignoter sur son affichage de cockpit.
Qu’est-ce que… ? se demanda-t-il en lisant les messages.Radiations ? Où ç… oh bordel de… Qu’est-ce qui est arrivé là-bas ?!
Son scanner venait de balayer une zone où se trouvait une planète tellurique, qui, selon les indications, était parfaitement apte à abriter la vie, et bénéficiait même d’une Porte. Mais son atmosphère était désormais saturée d’une poussière si radioactive qu’elle pouvait être aisément détectée à des milliards de kilomètres de la planète ravagée, malgré le champ magnétique propre à celle-ci et les rayonnements de l’étoile voisine.


Le jaffa fit aussitôt le rapprochement avec les vaisseaux voisins.
Ils ont osé faire ça ?! Je savais qu’ils avaient des armes laissant des radiations, mais à ce point-là ? Gerak a raison, les Terriens sont un danger pour toute la galaxie !
Aussitôt, il pressa une série de commandes, et un émetteur de signal apparemment aléatoire se coupa. Le pilote savait qu’aussitôt après avoir pris note de la fin de la transmission, un Ha’Tak loyal à son employeur arriverait à la périphérie du système et recueillerait les mêmes informations, confirmant ainsi ses propos, tout en lui offrant une opportunité d’anéantir les fous qui testaient des armes anti-planétaires sur le Réseau de Portes lui-même.

-Contact, contact ! Fenêtre hyperspatiale en formation, distance estimée six point deux heures-lumière, par un-un-six et zéro-deux-neuf, annonça l’un des opérateurs du SWACS qui avançait lentement vers son objectif. Taille estimée, destroyer, croiseur. Signature jaffa probable.
-Merde ! Préparez les brouilleurs et les leurres, aboya le commandant de la petite corvette. Vitesse maximale vers l’objectif. Prévenez les chasseurs. Si ça merde, arrimage immédiat, autrement, rendez-vous au point Echo. Ils peuvent se défendre face à une attaque. Pas nous.

Le pilote vit le vaisseau accélérer lentement, et reporta son attention sur le nouveau venu.
Que la fête commence… Hein ?
Un nouveau contact venait d’apparaitre sur son affichage, qui n’arrivait pas à l’identifier. Il zooma sur l’appareil inconnu, dont les caractéristiques fluctuaient en permanence, depuis la masse jusqu’aux émissions de rayonnements.

-Oh pu… Kali ! On a un Kali ! aboya le même opérateur.
-OK, opération terminée. Activation de l’hyper, départ à mon ordre vers le point Gamma-2. Tous les chasseurs, retour immédiat. Aucune émission active, on se fait tout petit. Au moindre problème, on saute en hyper, pas besoin d’attendre mon ordre !
Les différents sous-officiers concernés acquiescèrent et se mirent au travail, alors que les points d’arrimage du SWACS se déployaient autour de celui-ci.

Tiens, tiens, les humains auraient-ils peur de quelque chose ? Ca, c’est une information intéressante, en tout cas pour Gerak. Qu’est-ce qu’ils peuvent bien faire pour ça ? Hmph, pourquoi est-ce que je me pose la question ? se dit l’agent en voyant les chasseurs terriens se rabattre sur leur corvette, qui elle-même se préparait à sauter en hyperespace. J’ai l’outil idéal pour tester ça sans m’embêter. Hé hé…
Il pressa une combinaison de touches avant de transmettre un ordre vocal bref et sans équivoque, qui lui permettrait de recueillir à moindre risque des informations à la valeur commerciale certaine.

A quelques milliards de kilomètres de là, la transmission fut reçue avec à peine une poignée de parasites dus à la présence proche de l’étoile, et d’autres ordres furent donnés dans le Ha’Tak.

-Arrimage dans cinq secondes.
Le commandant attendit le signal de confirmation, puis donna l’ordre d’effectuer un premier saut vers un système inhabité, d’où il pourrait repartir aussitôt vers la flotte.
-Envoyez un message d’avertissement au Concordia, dit-il lorsque son appareil eut franchit la fenêtre.

Après une poignée de secondes, le Ha’Tak ouvrit à son tour une fenêtre hyperspatiale, émergeant à une poignée de minutes-lumière plus loin, près de l’imposante masse sombre. Celle-ci commença alors à être illuminée par un torrent de rayonnements électromagnétiques, ionisants et gravitationnels.

Quelques instants plus tard, une anomalie se forma. Aberration faisant un pied-de-nez à toutes les lois de la physique, elle franchit à une vitesse supraluminique la distance séparant les deux vaisseaux, franchissant le bouclier puis la coque du vaisseau jaffa comme si ceux-ci n’existaient pas, ce qui était le cas du point de vue de l’orbe invisible. Puis, aussi brusquement qu’elle était apparue, elle se dématérialisa dans un torrent d’énergie, libérant des flux de particules à peine moins aberrantes que ne l’avait été l’anomalie.

Le flash fut presque aussi brillant que l’étoile autour de laquelle orbitait ce système et aveugla l’unique humanoïde présent dans celui-ci. Au bout de quelques instants, le pilote se rappela la distance qui le séparait de l’explosion, bien plus éloignée que l’étoile en question.

Un seul mot vint alors troubler le silence dans le cockpit du Tel’Tak :
-Oups.

De toutes les compétences en combat, intimidation, assassinat, intrigues, une seule faisait la différence entre l’amateur éclairé et le véritable professionnel : savoir quand fuir.
L’unique occupant du transport camouflé sut reconnaitre ce moment et ouvrit aussitôt une fenêtre hyperspatiale en direction d’une planète isolée du réseau de Portes, qu’il avait déjà commencé à aménager pour son éventuelle retraite.



Carl enregistra le document sous deux noms différents, puis quitta le logiciel de calcul sur lequel il avait passé la matinée, à quelques pauses café près. La simulation lui indiquant des capacités de vol rentrant dans les paramètres demandés, il savait que son objectif de travail hebdomadaire était accompli, et en eut un sourire.
Qui disparut quelques instants plus tard, lorsque l’évidence se rappela à lui, une fois de plus. Quoi qu’il fasse, son objectif était de retourner sur le Concordia, dans le cockpit de l’un de ses chasseurs, et non de participer le restant de ses jours à la conception d’avions que d’autres piloteraient.
C’est là, et pas avant, que je pourrai sourire… En attendant, il y a du boulot qui m’attend.

Enfilant sa petite veste, il sortit de son bureau et se dirigea vers la sortie, où l’attendait sa voiture. Après avoir pointé au bureau de sécurité, le jeune homme entra dans le véhicule, une berline bleu foncé. La voiture, malgré son apparence commune à celle de ses semblables vendues librement, bénéficiait de certains avantages comparatifs liés aux technologies du Programme qui n’avaient pas encore été officialisées.
Les voitures électriques avaient, à coups d’avantages fiscaux et d’investissements matériels démesurés, commencé à s’imposer dans les pays les plus développés, mais présentaient encore certains inconvénients majeurs en terme de vitesse et d’autonomie. Initialement rajoutés aux véhicules individuels pour éviter de rendre encore moins crédible les “nouvelles percées scientifiques“, ces défauts avaient eu un effet visible sur les tendances de consommation énergétique et sur les statistiques de mortalité automobile. Ainsi, seules des dépenses exorbitantes où l’appartenance à certaines unités du Programme permettaient d’obtenir les performances qu’avaient les voitures conventionnelles des années 2000, voitures qui disparaissaient de la circulation depuis qu’une crise économique majeure en 2011 avait justifié une explosion des prix du pétrole.

Carl savait parfaitement ce qu’il en était, un autre mensonge destiné à aider les mutations que connaissaient la Terre depuis une dizaine d’années, à faire progresser l’Humanité dans une voie apparemment plus responsable. Lui-même ne critiquait pas l’objectif, convaincu de la nécessité des évolutions qui se faisaient, mais regrettait le cynisme de la méthode, à commencer par le secret partiel du Programme, secret qui donnait raison à bon nombre de théoriciens du complot. Pourtant, il acceptait cette situation, puisque, à ses yeux, ses semblables y gagnaient un sort plus enviable que celui d’avant le Programme.
Des centrales à fusion financées par l’ONU, le contrôle climatique partiel… Au moins, si on ment aux populations, on ment au moins à des populations qui ont enfin de quoi se nourrir et qui commencent à vivre correctement. Enfin, pour la plupart… se dit Carl en pensant aux dictatures et autres états autoritaires qui existaient encore et qui échangeaient leur participation au secret contre leur propre sécurité. Un marché qui n’avait pu qu’être accepté par l’ONU, pour qui une révélation prématurée serait aussi dangereuse pour la Terre qu’une invasion de réplicateurs. Personne n’a envie d’être celui ou celle qui expliquera la réalité au reste du monde. En même temps, je les comprends, ça risque d’être un moment… intéressant.

Etonnamment, le pays où les responsables du Programme attendaient le plus de troubles était les Etats-Unis, malgré leur position historique et dominante dans l’utilisation de la Porte. Leur population était en effet l’une des plus viscéralement hostiles à son gouvernement et à l’ONU, et la tournure prise par ces deux derniers allait plus loin que les théories les plus folle des amateurs de complot. A cela il fallait rajouter une partie de la population armée et aux opinions radicales, et l’on arrivait au problème sur lequel travaillaient la majorité des sociologues du Programme en vue d’éviter une véritable insurrection, là où n’étaient prévus que des troubles “raisonnables“ dans la majorité, à quelques exceptions près, des autres pays.

L’ancien pilote fit le chemin du retour, à une vitesse légèrement supérieure à celle autorisée, sachant parfaitement que sa plaque d’immatriculation, aussi caractéristique que son passeport, le mettait à l’abri des poursuites pour de telles infractions. Une fois à destination, il se gara dans le garage le plus près de son immeuble, coupant l’assistance à la navigation alors que la batterie commençait à se recharger.

Arrivé à son palier, il s’immobilisa un instant, mal à l’aise, certain que quelque chose ne correspondait pas dans ce qu’il voyait. Il lui fallut quelques secondes pour remarquer le détail : le journal, habituellement glissé partiellement sous la porte, brillait par son absence.
Satisfait d’avoir trouvé la source de son malaise, il haussa les épaules et rentra dans son appartement et se figea brusquement, faisant face à deux hommes en noir.

-Qui êtes-vous ? demanda-t-il, alerte et prêt à se jeter de côté.
-Venez avec nous, monsieur Banet, lui dit lentement l’homme de gauche.
-…
Programme, ou bien juste un pays qui joue encore à l’espionnage ? se demanda-t-il avant de choisir.
Il sauta de côté, vers la cuisine, et se rua vers l’un des couteaux qui y trônaient, sachant que s’il réagissait assez vite, il aurait une chance en espace confiné. Mais, avant qu’il n’atteigne son objectif, une seconde voix prononça fortement deux mots apparemment dénués de sens :
-Laputan. Machine.
Le jeune homme se figea à mi-course et tomba au sol, inconscient.

Il était encore parcouru de spasmes lorsque les deux agents vinrent le ramasser, obéissant à un ordre de mission parfaitement authentifié, qui aurait nécessité de pouvoir accéder à l’ensemble des systèmes de commandement terriens pour être contrefait…



Au même instant, Atlantis terminait de consacrer une infime partie de ses capacités à débriefer les deux anciens militaires terriens :
-L’avant-poste est de nouveau opérationnel, et reste à des niveaux d’émissions suffisamment réduits pour ne pas pouvoir être repéré par une quelconque civilisation de cette galaxie. La réussite de cette opération me permet à présent de couvrir bien plus efficacement la zone où se trouve votre système natal.
-Pourquoi est-ce que je ne me sens pas rassuré de savoir que vous nous espionnez ? demanda ironiquement Campbell.
-Parce que je pourrais décider de retourner tout votre arsenal nucléaire contre vous avant de libérer des robots tueurs contre les survivants, lieutenant.
Devant l’absence de réponse des deux humains, elle poursuivit :
-Ceci est de l’humour, lieutenant Campbell. Vous n’êtes pas le seul à pouvoir être sarcastique, sachez-le. L’une des raisons pour lesquelles j’ai décidé d’accéder à ces informations sur votre planète est, outre le fait qu’elle s’avère être un acteur d’influence comparativement disproportionnée à la taille de sa civilisation, que je peux à présent bien mieux comprendre votre comportement et votre attitude à mon égard.
-Pitié, dit Maltez, plus de références à ces films, autrement je ne pourrai plus dormir…
-Ne vous inquiétez pas, commandant. Je n’agirai jamais comme ce… Skynet. Il est par trop… inefficace.
-Et voilà pour mon sommeil…
-Ceci est…
-… de l’humour. D’accord, d’accord, j’ai compris la leçon, compléta Campbell avant de murmurer, n’empêche, je crois que je préférais l’entité ultra-logique…
-Si vous préférez, je m’abstiendrai de faire ce type de réflexion par la suite. Quoi qu’il en soit, j’estime un prompt rétablissement du lieutenant Bhosle hautement probable, et, en conséquence, attendrai avant de déclencher la prochaine opération qu’elle puisse s’y intégrer.
-Comment est-ce qu’elle va ? demanda Campbell.
-Mieux. Elle est consciente, même si fatiguée et tendue, mais rien d’anormal au vu de ses expériences récentes.
Le pilote du groupe lâcha un léger soupir.
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Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 13 : Regroupements

“Vous avez la possibilité de refuser cette proposition, et nous corrigerons votre dossier en conséquence, ainsi que les souvenirs de cet entretien. Comprenez que nous n’avons pas besoin de personnes réticentes.“

Les souvenirs s’embrouillaient dans son esprit, le sentiment de déjà-vu se mêlant à la migraine qui déchiraient sa tête. Carl ne tenta pas de se relever, se rendant à peine compte qu’il était allongé sur une couchette.

“Pourquoi moi ? Je ne suis pas expérimenté, je viens de sortir de l’Académie.“
“Justement.“


L’ancien pilote basculait de la conscience à l’inconscience plusieurs fois par minute, sans véritablement s’en apercevoir, ses souvenirs et ses rêves ne formant qu’une seule masse informe qui prenait un malin plaisir à maltraiter sa psyché.

“Cela durera environ six mois, puis les deux ans de votre affectation. Nous vous attendons avec impatience, lieutenant.“

Sans faire d’autre geste, il se plaqua les mains sur le visage, reprenant peu à peu le contrôle de son corps et de ses pensées, qui commençaient à retrouver un semblant de cohérence.
Oooooouh, qu’est-ce que…, pensa-t-il lentement, en commençant à balayer les alentours du regard. Pièce fermée, mal éclairée. Couchette, pas de fenêtre. Et meeeeerde, je suis en taule ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Après un effort de volonté, il bascula ses jambes de côté et se tint en position assise sur ce qui semblait être le seul ameublement de ce qu’il avait identifié comme une cellule. Aussitôt, l’éclairage s’intensifia, assez progressivement pour ne pas l’aveugler après son séjour dans l’obscurité partielle.
Bon, qu’est-ce que j’ai sur moi ? se demanda-t-il avant de regarder rapidement ses vêtements, les mêmes que ceux qu’il portait lorsque…

“Laputan. Machine.“

Il se souvint brusquement de l’agression.
Merde, c’est vrai, je me suis fait enlever par ces types, genre MIB. Qu’est-ce qu’ils peuvent me… Non, je le saurai bien assez tôt, puisqu’ils m’ont laissé en vie.

Comme pour répondre à son interrogation silencieuse, il entendit des bruits de pas s’approcher et s’immobiliser devant la porte. Il se leva complètement et attendit avec appréhension les quelques secondes qui précédèrent l’ouverture.
Un officier, apparemment âgé, fit un pas en avant :
-Lieutenant Banet, forces spatiales terriennes ?
-Vous êtes en retard… amiral, dit-il en reconnaissant les galons de contre-amiral de l’officier. Mais, à part pour ma retraite anticipée, c’est bien ça.
L’officier lui tendit la main, et Carl la serra, après quelques instants d’hésitation.
-Bienvenue dans la maison, je suis le contre-amiral Skrevski.
-Une seconde… Que se passe-t-il, là ? Sauf votre respect, amiral, j’ai été à peu près… remercié il y a moins d’un mois. Pourquoi tout d’un coup un officier général vient me dire bonjour après m’avoir enlevé ?
-Ne vous inquiétez pas, lieutenant, procédure standard, les souvenirs vont vous revenir d’ici quelques heures. Pour ma présence, disons que le recrutement dans la section 2 n’est pas aussi volumineux que celui de l’Académie, et que votre dossier a attiré mon attention. Et apparemment celle de quelqu’un d’autre pour que votre réactivation se fasse aussi brusquement.
Carl soupira.
-S’il vous plait… demanda-t-il d’une voix trahissant une grande lassitude. Je viens de me faire enlever, je me réveille dans une cellule, avec un mal de crâne pas possible, un amiral m’apprend que je suis intégré à quelque chose, et, si je n’ai pas rapidement une explication simple… je crois que je vais craquer. Je vous ai dit que j’avais mal à la tête ?
L’officier lâcha un petit rire amusé.
-D’accord. De toute façon, vous alliez être briefé. Vous avez, il y a un mois, accepté d’intégrer la section 2 du groupe des Opérations Spéciales. Vu le nombre de moyens existants pour vérifier la mémoire de quelqu’un, nous avons fait en sorte que vous ayez des souvenirs authentiques correspondant à votre nouveau passé.
-Attendez, attendez une seconde. Vous êtes en train de me dire que mon nouveau job…
-Votre emploi civil, votre cour martiale, et l’incident qui y ont mené, font partie du processus de recrutement.
-Initialement, intervint un nouvel arrivant qui venait de sortir d’un ascenseur, vous deviez être un pilote viré pour avoir tiré un peu trop vite quand il ne fallait pas, qui s’est vu donner un job planétaire avant, au bout de six mois, de se voir contacter par un soi-disant groupe de contrebandiers. Ensuite, cet ancien pilote n’aurait pas résisté à l’appel des étoiles, et se serait engagé complètement chez eux.
Carl se retourna, et reconnut immédiatement l’homme :
-Vous êtes le gars des Black Ops qui m’avait interrogé le mois dernier. Vous aviez prévu ça ?
-Les différents rapports de l’incident ont montré que vous avez des qualités que nous recherchons : esprit d’initiative, discipline, efficacité… le tout sans vous être fait un nom et être connu comme l’est par exemple le colonel Cherenko, de SG-1.
-Vous avez parlé de six mois, dans votre… scénario.
-Oui, répondit le contre-amiral. L’évolution de la situation semble avoir convaincu certaines personnes d’accélérer le pas et de procéder à votre recrutement complet sur-le-champ, malgré les risques que cela peut présenter au niveau de votre couverture. Je vais laisser le capitaine Elgon vous montrer la maison.

Une fois l’amiral parti, l’officier qui avait procédé à l’interrogatoire à bord du Concordia reprit :
-Bon…
-Avant tout, capitaine, dois-je comprendre que je suis réaffecté aux forces armées ?
-Oui. Comme nous vous l’avons expliqué il y a un mois, de nouveaux éléments seront ajoutés à l’enquête, et votre dossier sera purgé de toute condamnation.
Carl se redressa, puis répondit :
-Désolé, mais j’ai du mal à me rappeler tout ça…
-C’est normal. La programmation mentale n’est pas extrêmement souple, il vous faudra encore quelques heures pour récupérer tous les souvenirs, et quelques jours maximum pour être parfaitement remis.
-Entendu…, dit Carl, hésitant, qui avait du mal à s’habituer à ce brusque retournement de situation.
Pourtant, je devrais commencer à m’y habituer… pensa-t-il avec une pointe de cynisme. Vu toutes les merdes qui m’arrivent, je vais probablement me retrouver à… qu’est-ce qui pourrait être plus improbable que d’être recruté pendant ses études par une conspiration planétaire pour piloter un vaisseau spatial, avant de se faire embarquer dans un autre complot monté par les Black Ops ? Bah, quelqu’un trouvera bien pour moi…
-Et, reprit-il, craignant la réponse, qu’est-ce que je ferai dans cette “section 2“, comme vous l’appelez ?
-Vous êtes pilote, non ? Devinez.

A ce moment-là, Carl ne savait pas s’il devait être heureux de se voir promettre à nouveau un cockpit, ou bien être inquiet, par pur bon sens.

La cible était percée de multiples impacts, que l’instructeur, un mercenaire comme lui, regardait attentivement. L’homme se tourna vers la responsable de la salle d’entraînement, en lui tendant la feuille déchirée :
-Suessi, je crois que c’est bon pour le nouveau.
La femme opina du chef avant de s’adresser au jeune jaffa :
-Bon, il semblerait que tu puisses te rendre utile, tout compte fait. Suis-moi.
Van’Tet obtempéra et sortit, suivant les pas de celle qu’il avait identifié comme l’un des piliers de l’organisation qu’il avait pour mission d’infiltrer.
-Tu te débrouilles plus que bien, si c’est la première fois que tu tires avec cette arme, lui dit-elle une fois qu’ils furent dans les couloirs. Déjà été au feu ?
-Quand ma base a été attaquée, puis à Dakara, mais pas de bataille rangée, si c’est ce que vous voulez dire.
-Bah, la maison ne fait pas dans les combats glorieux ou le fair-play. Tu as survécu à des coups durs, tu manie ton arme correctement, ça me va parfaitement. Considère que tu es engagé.
-Merci, répondit-il sincèrement.
-On verra si tu me remercieras après tes prochaines missions. Enfin, autant que tu fasses le tour du propriétaire. Tu trouveras au pont de ravitaillement le bureau d’intendance. C’est là que tu récupères ta solde. Paiement périodique minimal, et primes à chaque mission. Si tu es efficace, on pensera à te prendre, et tu gagneras de quoi prendre ta retraite bien assez tôt. Aussi, que ce soit clair, c’est pas une œuvre de charité, donc les seules choses qu’on t’offre, c’est ta couchette et ton arme. Pour tout le reste, on le paie cher, donc il faut le rentabiliser… et la maison ne fait pas crédit à un nouveau, bien sûr. Pour le reste, si tu préfères bosser avec quelqu’un en particulier, vous venez me voir, et je verrai si on peut vous mettre en équipe. Ta solde reste dans nos coffres jusqu’à ce que tu nous quittes, et tu n’as pas le droit de retirer plus que ce qu’on te dit entretemps : on en a marre d’attirer l’attention sur nous à cause de saoûlards qui perdent des fortunes au jeu à chaque planète où on s’arrête.
-Et il doit y avoir moins de déserteurs.
-T’es malin, c’est bien… tant que tu te sers de ta tête pour nous… Justement, à propos des désertions, des disparitions et autres, on est simples : tu es en retard après une permission, tu désertes, tu disparais, j’en sais rien, on garde tout ton fric et on fait passer le mot un peu partout que tu es un lâcheur. Si en plus, tu présentes un danger, n’importe lequel, on te retrouve, et on te largue en hyperespace, sans combinaison.
-…D’accord.
-Parfait, ça m’énerverait de devoir te virer avant que tu nous ais rapporté quoi que ce soit.
-Si tu as des infos quelconques sur un boulot qui se présente, sur un danger pour nous, tu vas voir Hénor, au pont de commandement. Tu trouveras rapidement son bureau, c’est le seul où tu ne te feras pas tirer dessus par les gardes. Tu le trouves, tu lui expliques ce que tu sais, et si, après coup, ça nous a été utile, on te file une prime en proportion. Côté discipline, c’est simple aussi. Tu merdes, soit on te vire en gardant ta solde, soit on te vire dans l’hyper, selon l’humeur de la personne que tu auras emmerdé.
Elle indiqua une porte devant lui :
-Voilà le bureau de l’intendant, dis-lui que tu as passé les tests et qu’il ouvre ton compte, dit-elle avant de repartir.
-Vous n’êtes pas sensé lui confirmer ça ? demanda-t-il, hésitant.
-Tu es encore en vie, c’est une confirmation en soi, répondit-elle sans se retourner.

Avec appréhension, le jaffa entra dans la salle.

-Alors ?
La femme aux cheveux noirs de jais semblait porter son regard sur une série d’objets précieux posés sans délicatesse sur un présentoir, mais son assistante se savait observée attentivement. Vala Mal Doran n’avait pas monté son organisation sans une forte dose de paranoïa appliquée, et Suessi ne l’ignorait pas, son expérience lui indiquant que derrière la femme excentrique se cachait une fine stratège, dont les plans de secours, à défaut d’être élégants s’avéraient toujours particulièrement efficaces.
-On a vérifié son histoire et ses contacts sur Dakara. Ca colle, mais… c’est un espion, j’en suis certaine. Un jaffa comme lui n’aurait jamais trahi, même après ce qu’il s’est passé.
-Oui, je pense la même chose.
-Dois-je le faire interroger ou bien le faire passer par le sas immédiatement ?
-Ni l’un, ni l’autre, répondit Vala. Son histoire est… intéressante, non ?
-L’affaire sur Dakara et sur son ancienne base sont toutes deux vraies, mais ce sont probablement des…
-Des couvertures ? De la désinformation ? répondit le leader du groupe de contrebandiers en souriant. Au-cune chance. On a un petit veinard ici, et si nos infos sont correctes, il est plus là pour se renseigner que pour saboter.
-Que comptez-vous faire ?
-M’amuser un peu avec lui. Le surveiller. L’utiliser. Et puis… je suis curieuse de voir si sa chance le suit jusqu’ici.
-C’est déjà le cas, rétorqua Suessi, avec une moue ironique.
-Comm… ooh, oui, c’est vrai, on le laisse en vie.
-Donc ?
-Demande à Hénor de trouver tout ce qu’il peut sur notre nouvel ami et garde-le sous surveillance. On va voir ce que ces vieux messieurs nous veulent sur Dakara. Et ensuite…
-On le vend, dirent-elles simultanément.



Rien dans la pièce ne permettait de suivre le cours du temps. La jeune femme, allongée dans ses quartiers, regardait pensivement le plafond immaculé, sans entendre d’autre son que les battements de son propre cœur. De temps à autre, elle fermait brusquement les yeux, en réflexe aux images qui parvenaient à s’imposer par intermittence, aussi violentes que les souvenirs auxquels elles s’accrochaient.
Chacun des flashs était plus facilement écarté que le précédent, mais ils revenaient, lui rappelant ce qui était arrivé. Elle se retourna dans son lit, faisant face à un petit meuble sur lequel était posée une photo. Celle-ci n’avait jamais été prise, mais correspondait parfaitement à l’image que la jeune femme se faisait de sa famille, si celle-ci n’avait pas été meurtrie après l’attentat lui ayant coûté sa mère. Atlantis lui avait créé ce cadre peu avant la mission fatidique, affirmant que les implants dont le dernier membre de SG-22 était équipé permettraient à celle-ci de figer le souvenir de son choix.
Maintenant, l’image ne lui inspirait plus que des pensées ironiques, entrecoupées de quelques souvenirs, bien réels, qui n’avaient pas besoin de magie scientifique pour rester au croisement de toutes ses pensées.
Elle fixa le cadre, qui, sans un bruit, commença à s’élever, transporté par les forces générées par ses colonies de nanomachines, et se remit sur le dos, sans plus prêter attention à l’objet en lévitation, dont la structure était à chaque seconde plus sollicitée. Celui-ci émit un léger son, et Shanti soupira profondément, avant de ramener d’une pensée le cadre sur son support.

Votre présence est requise en salle de briefing, lieutenant Bhosle, lui souffla Atlantis.
Sans un mot, elle se leva et s’approcha de la porte automatique. La jeune femme s’immobilisa un instant dans le couloir, puis reprit son chemin, sans faire le moindre bruit dans les coursives absolument silencieuses de la frégate multimillénaire. Le chemin à prendre était désormais instinctif, et il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver à sa destination, où elle vit ses deux coéquipiers déjà présents.
Elle répondit brièvement aux quelques questions de ceux-ci sur son rétablissement, puis Atlantis les interrompit :
-Les différents avant-postes qui ont été réactivés couvrent actuellement l’ensemble des zones cruciales du conflit en préparation. Cependant, une opportunité vient de se présenter dans les dernières transmissions que j’ai pu intercepter. Une colonie Ancienne a récemment connu une activité anormale. Mes informations à ce propos restent vagues à cause du système de protection dont disposait la colonie et qui, selon toute probabilité, est encore en service.
-On parle de quoi, comme sécurité ? demanda Campbell.
-Un simple brouillage des scanners longue portée, l’occulteur n’est, a priori, pas activé, pour de simples raisons de consommation énergétique.
-Et, que doit-on faire une fois là-bas ?
-Une simple opération de reconnaissance. Ce n’est pas problématique que de telles ruines soient découvertes, mais je préfère éviter que des technologies trop cruciales ne commencent à en être extraites dans cette situation. Donc, je vous indiquerai aussi l’emplacement des brouilleurs, pour qu’ils puissent être détruits, leur utilisation militaire pourrait bouleverser l’équilibre stratégique en faveur de la faction qui s’en emparerait.
-Dans combien de temps partons-nous ? demanda Shanti posément.
-Cinq journées terriennes, répondit l’I.A. Je veux être sûre que votre rétablissement soit correct, et, à présent que vous êtes de nouveau consciente, vous êtes en mesure de poursuivre votre entraînement.
Shanti prit quelques secondes pour répondre :
-Très bien.
Sans un mot de plus, elle se leva et sortit de la salle de briefing.

-Merde… souffla Campbell.
-Oui, confirma Maltez. Elle s’en est prit plein la figure, sur Dakara.
-Pas besoin de me le rappeler, répondit le pilote, qui revoyait la scène d’apocalypse qui avait Shanti pour centre. Qu’est-ce qu’on fait, commandant ?
-J’en sais rien, Tom. Elle ne veut pas parler, elle s’isole… on ne peut pas la forcer à s’ouvrir non plus, conclut-il avant de tourner son regard vers le plafond. Et vous, Atlantis, vous n’avez aucune idée pour l’aider ?
-Je n’ai pas de formation psychologique humaine, commandant. Tout ce que je pouvais faire a été fait pour aider le lieutenant Bhosle. Cependant, son état émotionnel me semble suffisamment stable pour les tâches qu’elle aura à accomplir.
-C’est quoi, stable ?! s’énerva Campbell. Elle est en train de craquer !
-Selon mes observations, lieutenant, reprit Atlantis, elle présente certaines difficultés à admettre ce qu’il s’est passé lors de sa dernière mission, ce en quoi vous n’avez apparemment pas eu de problème.
-Pas de problème ? répliqua-t-il. J’aurais dû être une gueule cassée après cette mission, je vois encore le massacre toutes les nuits, je… merde ! Elle n’avait pas encore d’expérience au feu, et même pas un mois après son arrivée, elle se retrouve perdue sur une planète hostile, emprisonnée par des aliens puis par ses propres semblables, et après avoir accepté de déserter juste pour survivre, elle se retrouve à quoi ? A tuer des centaines de personnes parce qu’une putain de technologie miracle a foiré ! Voilà ce qui se passe, voilà les problèmes !
Il soupira.
-On vous a donné nos services, on a abandonné toute chance de revenir sur Terre, de retrouver nos foutues familles ! Alors, maintenant, vous allez arrêter les conneries et l’aider, parce que s’il y a bien une foutue personne dans cette galaxie à la noix qui mérite un coup de main, c’est elle !
L’I.A. attendit quelques secondes pour répondre :
-Je prendrai votre demande en considération, lieutenant Campbell. Commandant Maltez, pouvez-vous aller rejoindre le lieutenant Bhosle, s’il vous plait ? Elle pourra…
-Vous voulez parler à Tom, l’interrompit l’officier. Un peu de franchise ne ferait pas de mal, vous savez. Et, pour information, je suis totalement d’accord avec lui : vous ne pouvez pas la laisser tomber, pas après ce qu’elle a fait pour vous.
-De nombreuses personnes ont fait des sacrifices, commandant, et rares sont celles qui ont été reconnues pour cela. Mais, comme je vous l’ai dit, je ferai mon possible, mon accès aux réseaux terriens rendant cette tâche possible.
-Merci, répondit Maltez avant de quitter la pièce.

-Lieutenant, j’aurais une question à vous poser.
-Allez-y, lâcha Campbell. Après tout, je ne vais pas y échapper…
-Que représente le lieutenant Bhosle pour vous ?
Après quelques instants de silence, le pilote demanda :
-Comment ça ?
-Vos réactions à son égard sont, et ce depuis votre incarcération, disproportionnées à celles qui existent habituellement entre membres d’une même unité. Cela, tant d’un point de vue comportemental que physiologique, comme le prouve l’augmentation récente de votre rythme cardiaque, le diamètre de vos pupilles et les zones d’activité de votre cerveau.
-Qu’est-ce que…
-Vous et le commandant Maltez m’avez clairement fixé un objectif comme prix de la poursuite de votre coopération, et je suis prête à le payer. L’une de mes tâches premières est la planification stratégique, or, pour cela, j’ai besoin d’informations.
-…
-Votre relation émotionnelle avec le lieutenant Bhosle est une information de première importance, puisque vous constituez un élément non négligeable de son environnement immédiat. Ignorer un tel élément serait une erreur stratégique majeure pour toute action en vue de l’objectif désiré. J’ai donc besoin d’une réponse claire de votre part afin de déterminer mon plan d’action éventuel.


Une icône se matérialisa sur l’écran de travail devant lequel travaillait l’officier le plus gradé de l’escadre terrienne. L’amiral Wulfe lut rapidement le texte affiché dans le cadre, et accepta la communication entrante.
-Que puis-je pour vous, ambassadeur ? dit-il, fatigué.
-Nous avons un très gros problème, amiral.
Tiens donc, pensa-t-il en fermant le rapport de contact avec l’un des vaisseaux inconnus, quelle surprise.
-Lequel, cette fois-ci ?
-Gerak vient de vous accuser ouvertement d’avoir attaqué une planète neutre avec vos bombes nucléaires puis d’avoir frappé un de nos vaisseaux sur place, répondit Rya’c, la voix trahissant un sentiment de peur.
-Quoi ? Qu’est-ce que…
-Laissez-moi parler, nous n’avons pas beaucoup de temps. Il y a quelques minutes, Gerak a réuni notre Assemblée et a présenté des enregistrements montrant plusieurs de vos vaisseaux à proximité d’une planète recouverte de…
-… de radiations, oui, le coupa Wulfe. C’est pour comprendre ce qui se passe qu’on est ici, nous vous l’avons déjà dit.
-Oui, et bien il a aussi fait envoyer un Ha’Tak loyal à Bra’tac sur place pour le vérifier. Notre vaisseau n’est pas revenu. Tout comme les deux vaisseaux lancés à son secours.
-Ca s’est passé il y a combien de temps ?
-Quelques heures à peine, amiral, mais je reçois des messages réguliers, et la situation dégénère très vite, sur Dakara. Notre ami commun vous suggère de faire très attention, sans ça la guerre débutera ici et maintenant.
Et merde ! Ces abrutis sont tombés sur le Kali !
-Rejoignez-moi dans ma cabine dans une heure, Rya’c. Je vais vous faire un topo plus détaillé sur le merdier dans lequel on est tous, dès que j’aurai reçu des instructions de la Terre.
-Entendu, amiral. J’espère que ça pourra nous éviter la catastrophe.
Je n’aurais jamais dû accepter cette foutue promotion ! Je fais plus de politique que de commandement…

Il enregistra rapidement un message pour informer ses quelques supérieurs de sa position avant de ressortir les différents dossiers dont il pourrait être autorisé à discuter avec l’ambassadeur jaffa quand, au bout de quelques minutes, un message lui vint dans son oreillette.
-Amiral, ici Van Droogen, lui dit son officier de quart à l’état-major, on a un souci.
-Allez-y, capitaine, surprenez-moi.
-Deux rapports d’urgence, des patrouilles longue portée viennent de quitter leur zone affectée et ont lancé un avertissement. Contact avec au moins un appareil type Kali.
-Quoi ?! Envoyez-moi les coordonnées des systèmes.
-Déjà fait, amiral.
-Merci.
Inquiet, il regarda rapidement son courrier et compara le contenu de ce dernier avec la carte stellaire des environs.

Il pâlit.

-Lieutenant, dit-il brusquement. Je veux un rapport immédiat de la part de la patrouille huit.
-Bien compris, amiral, un instant.

L’officier se mit à réfléchir rapidement aux éventualités de son hypothèse, quand son oreillette lui retransmit la réponse de son subalterne.
-Pas de réponse, monsieur. Dois-je…
-Postes de combat ! l’interrompit-il avant de couper brutalement la communication. Et merde ! Merde !
Il appuya sur le bouton de reconnaissance vocale du micro :
-CIC. Capitaine.
La communication s’établit au moment où l’alarme se mit à sonner dans le vaisseau.
-Capitaine. Postes de combat. Rappelez tous les appareils, appontages d’urgence, préparez l’hyper.
Il entendit le commandant du Concordia retransmettre ses ordres avant qu’une réponse ne lui vienne :
-Bien compris, amiral. Que se passe-t-il ?
-On a des Kali en approche.
-Oui, je viens de recevoir le rapport. Mais…
-La patrouille huit ne répond plus.
-La patr… merde ! Ils sont juste entre nous et…
-… et les deux contacts, oui. On ne prend pas de risque. Si un seul d’entre eux arrive à portée de détection, saut immédiat vers le point de repli prévu. Laissez les chasseurs s’il le faut, on leur enverra des SWACS les récupérer. Transmettez les consignes à l’état-major.

Coupant la communication, il jeta un bref coup d’œil à la combinaison souple qui reposait dans un placard puis quitta sa cabine, sachant parfaitement qu’elle ne lui serait d’aucune utilité si le Concordia devait subir le même sort que le Bellérophon.
Il n’eut pas le temps d’arriver à un ascenseur que son oreillette tinta de nouveau.
-Wulfe.
-Amiral, ici Van Droogen. Les vaisseaux jaffas sont en train de s’agiter. On intercepte pas mal d’activité de comm’ et certains font décoller leurs appareils.
-Merde, merde, merde ! S’ils veulent communiquer, passez-les moi, que je sois arrivé ou non. En attendant, continuez les préparatifs de retraite, dit-il en appuyant sur le bouton d’appel de l’ascenseur.

Lorsqu’il arriva sur le pont d’état-major, le commandant de l’escadre identifia aussitôt les personnes présentes et vit l’un des membres de son personnel s’approcher de lui :
-Les Ha’Tak jaffa s’agitent, monsieur. Nous avons repéré de nombreuses transmissions en provenance de Dakara, contenu pour l’instant inconnu.
-Où en sont nos appareils ?
-Douze minutes avant les premiers appontages, vingt-huit pour les derniers. Tous les croiseurs sont prêts à sauter en hyper. Quels sont vos ordres, monsieur.
-On attend, soupira Wulfe en s’asseyant. Rien à faire d’autre pour l’instant.

Plusieurs minutes s’écoulèrent dans une atmosphère à couper au couteau, le rythme des ordres se ralentissant petit à petit pour laisser place à la seule tension.
Les jaffas sont presque persuadés qu’on est là pour s’amuser à balancer des Horizon partout, nous, on essaie juste de récupérer ces putains de balises sans se faire éparpiller façon puzzle, et maintenant, voilà que les autres reviennent d’un coup… A ce tarif-là, je suis parti pour inaugurer le premier Charlie Foxtrot des Nuages de Magellan. Il y a mieux pour rentrer dans l’Hist
-Fenêtre hyper en formation ! aboya brusquement un haut-parleur relié au CIC.
-Identification ? dit la voix du capitaine, que l’écran de communication affichait à côté du pupitre de l’amiral.
-IFF confirmé, SWACS numéro onze. C’est la patrouille huit. Réception d’un message… ils disent qu’ils ont eu une panne de transmetteur longue distance et qu’ils sont rentrés dès qu’ils s’en sont rendus compte.
Tous les muscles de l’amiral se détendirent brusquement, et il lâcha un long soupir où se mêlaient un agacement de voir à quel point il était sur les nerfs et le soulagement de savoir qu’il n’y avait pas eu de nouvelles pertes et que sa crainte de voir un Kali débarquer à côté de son escadre n’était peut-être pas fondée.



La jeune femme avait du mal à se retenir de regarder frénétiquement autour d’elle, se sentant épiée, observée, scrutée. L’intelligence artificielle qui gérait la Cité venait de se révéler à elle d’une toute nouvelle manière, et son interlocutrice humaine était terrifiée.
Terrifiée par les implications de leur dernier entretien, mais aussi et surtout par sa propre indécision, n’arrivant pas à se fixer. Aucune solution ne lui venait à l’esprit sans être attachée à des conséquences qui l’effrayaient encore plus.

-Puis-je vous parler, miss Stern ? demanda doucement l’I.A., avec un timbre agréable.
-Comme si j’avais le choix…
-Vous refusez de communiquer depuis que je vous ai expliqué pourquoi j’ai du accéder à votre subconscient. Cependant, je pense que vous devriez faire preuve d’un certain sang-froid.
-Et comment ? Je viens d’apprendre que je n’ai plus la moindre vie privée ! Plus d’intimité, plus de…
-Vous le saviez depuis le début. Vous saviez que je vois tout dans la Cité, que je surveille les communications, les conversations, les faits et gestes de chacun de vos semblables. A partir du moment où j’ai commencé à porter une partie de mon attention sur vous, vous saviez que votre… “vie privée“ n’était plus qu’un souvenir. Pourtant, vous n’avez pas réagi, et avez même accepté cette nouvelle situation, qui, je vous le rappelle, vous a offert certains bénéfices.
-C’est différent ! Là, vous…
-Là, j’utilise mes ressources en vous ménageant autant que possible, Anna, répondit-elle en utilisant pour la première fois son prénom. Cet accès aux informations, ces échanges que nous avons, ce respect dont je fais preuve à votre égard, n’est pas dû. Le fait que j’accepte votre présence, que je m’entretienne avec vous, devrait suffire à vous convaincre que je ne vous ai pas ôtée de l’équation.
-Oui, vous nous prenez en compte, comme des pions à utiliser.
-Non. Je vous utilise, je ne mentirai pas là-dessus, mais la raison pour laquelle je vous utilise vous est directement liée, en tant qu’espèce. Je n’ai que peu d’objectifs en soi. Mes créateurs ont disparu, je ne peux plus leur servir, la guerre au cours de laquelle j’ai servi avant d’être mise en sommeil est terminée, faute de combattants, alors que puis-je vouloir personnellement ?
-Je ne peux pas le savoir. Vous m’avez rappelé vous-même que vous n’êtes pas une intelligence biologique, que nous ne pensons pas de la même manière.
-En effet, mais je me base principalement sur la logique. Or, un tant soi peu de bon sens vous montrera que vous êtes, de tous les acteurs encore en place, ceux qui ont le plus d’importance par rapport à moi, ne serait-ce que parce que vous vivez en moi, pour ainsi dire. Donc, cela n’est pas stupide de prétendre que je vous implique dans mes plans.
-Pourquoi pas, si vous voulez, répondit-elle, méfiante.
-Je pense n’avoir plus besoin de vous rappeler que j’aurai pu vous anéantir ou vous neutraliser sans le moindre effort, ce que je n’ai pas fait ni n’ai l’intention de faire, donc peut-être pourriez-vous envisager que je ne suis pas votre ennemie et que nos intérêts peuvent être concourants.
-Mais ça ne change rien à ce que vous avez fait !
-Effectivement, je suis forcée de prendre des décisions qui ne vous plairont probablement pas, mais étant donné la complexité de la situation dans laquelle votre espèce se trouve, votre opinion de mes décisions ne constitue pas une donnée majeure du problème… Comprenez-bien que j’agirai. Si vous vous lancez dans une tentative pour me neutraliser, vous pourrez au mieux me retarder, tandis que je serais obligée de vous neutraliser, ce que vous ne désirez pas, croyez-moi, Anna.
-Nous pouvons…
-Rien, miss Stern. Rappelez-vous du Bellérophon. Jusqu’à présent, je suis le seul obstacle entre votre civilisation et la destruction. Alors, voulez-vous m’aider et me faire confiance ou bien rester sur vos positions à attendre l’inéluctable, qui, je vous l’assure, viendra bien assez tôt ?
-Vous êtes…, commença à murmurer Anna, en réalisant l’étendue de la demande d’Atlantis.
-…parfaitement au fait des réalités, miss Stern. Maintenant, la question est : serez-vous prête à faire les choix qui s’imposent, le moment voulu ?
-Je…
-Non, l’interrompit la voix féminine. Je ne vous demande pas de répondre maintenant, mais de réfléchir à la situation, à ma proposition. Je compte agir pour sauver ce qui peut l’être, mais pour cela, j’ai besoin…
-De pions, c’est ça ?
-Peut-être. Je pourrais vous manipuler, mais cela serait contre-productif, miss Stern. Si vous devez me donner votre aide, ça sera de votre plein gré. Vous ne comprendrez pas tout ce je vous demanderai, mais il faudra néanmoins suivre mes instructions. En contrepartie…
-Je croyais que vous ne vouliez pas me manipuler, puis vous essayez d’acheter ma loyauté…
-Le prix que je vous offre est la possibilité d’obtenir mes vraies bases de données intactes, infiniment plus vite que ce que vous permet votre niveau technique. Le choix vous en reviendra le temps venu.

Anna resta muette devant la proposition.



Depuis quelques heures, les souvenirs avaient commencé à s’éclaircir, ne laissant plus qu’une poignée de zones d’ombres recouvrir les évènements ayant précédé son retour à la vie civile. Selon l’officier qui l’avait pris en charge, il allait être affecté à une unité des opérations spéciales, dont il ignorait encore tout.
“Ce que je peux vous dire pour l’instant, lieutenant, c’est que c’est nous qui avons en charge les affaires sensibles qui ne peuvent pas être reconnues politiquement. Entre autres, retrouver et éliminer les types qui s’amusent à détruire les appareils du Concordia.“
Ses paroles résonnaient encore dans l’esprit de Carl, qui y voyait un espoir de comprendre ce qui s’était passé alors. Le même espoir qui l’avait convaincu d’accepter la proposition quelques semaines plus tôt.

L’officier des Black Ops qui l’avait briefé entra dans la pièce, tenant une valise.
-Lieutenant Banet, votre transport va arriver d’ici un quart d’heure. Vous trouverez vos nouveaux vêtements dans la valise. Et, non, dit-il en anticipant les questions du pilote, ne me demandez rien, on vous expliquera tout le reste une fois à bord.
-… d’accord.
Carl prit la valise et l’ouvrit, révélant des habits qui étaient tout sauf terriens. La tenue se composait d'une veste brune sans manches couverte de larges motifs géométriques, taillée dans une matière qui évoquait un plastique sensé évoquer du cuir, pourvue de sangles et de boucles en des endroits absolument non stratégiques - de quoi Carl déduisit qu'il devait exister une planète quelque part dans l'univers ou ce genre de chose était à la mode - et d'un pantalon assorti. L'ensemble était complété par des bottes montantes noires dans lesquelles se retrouvait l'influence des armures jaffa.
Passé quelques instants d’étonnement, il se changea aussi vite que possible, avant de ranger ses anciens habits civils, qu’il regarda quelques secondes avant de refermer la valise. Le capitaine l’attendait derrière la porte et lui fit signe de le suivre, avançant sans un mot.
Le duo entra dans un ascenseur voisin, qui se mit à monter, avant de s’ouvrir à nouveau, révélant un hangar de grande taille qui occupait toute la surface de l’immeuble qui l’abritait.
-Attendez dans le poste de contrôle là-bas, lui dit son guide en indiquant une petite installation accolée au mur, à l’intérieur de laquelle se trouvaient quelques techniciens. Bonne chance, lieutenant.
Carl n’eut pas le temps de répondre que les portes de l’ascenseur se refermèrent derrière lui, alors que des alarmes commençaient à sonner dans le hangar, accompagnées de gyrophares.
Il courut rapidement vers la porte du poste de sécurité, et entra à l’intérieur, faisant un bref signe de tête au personnel présent. Son regard fut attiré par l’un des écrans, qui indiquait la position d’un contact en approche du hangar, avant de voir que le toit de celui-ci commençait à pivoter vers le bas.
L’ouverture ainsi créée scintilla quelques instants avant de reprendre l’apparence du plafond, alors même que celui-ci terminait son mouvement.
Un hologramme… pas mal, pensa-t-il.

L’instant d’après, le faux plafond se troubla, distordu, et Carl vérifia rapidement sur l’écran ce qu’il avait deviné : l’appareil qui devait le récupérer venait d’arriver. Aussitôt, un Tel’tak apparut devant lui, et il sortit de la petite pièce pour se diriger vers le transport dont la porte s’ouvrait, révélant un homme habillé comme lui.

-Lieutenant Banet ?
-Oui.
-Major Mendez, bienvenue dans l’équipe, lui dit l’homme en lui serrant la main. Entrez, nous avons un planning chargé.
Carl le suivit à bord du vaisseau de manufacture goa’uld, et ne fit pas attention à la fermeture de la porte, derrière lui.
-Oh ! Yuri ! On décolle ! cria le major en direction du cockpit avant de se retourner vers Carl. Bon, alors, je me doute qu’on ne vous a pas dit grand-chose sur la section 2, c’est ça ?
-Effectivement, je sais juste que je vais y être pilote et qu’elle traite les activités sensibles. Un peu comme toutes les Black Ops. Mais rien de plus.
-D’accord, répondit-il en lui indiquant une chaise où s’asseoir, à côté d’une table sur laquelle était posée un dossier. Nous sommes une unité autonome des forces terriennes, avec notre propre équipement, un financement quasi-indépendant et avec pour seule autorité le commandement politique. On est là pour agir là où la diplomatie, le SGC et la flotte ont les mains liées. Espionnage, contre-espionnage, assassinats ciblés, désinformation, c’est notre boulot. C’est pas joli, mais c’est la réalité, et on doit le faire pour éviter bien pire, donc la morale, on la met de côté, d’accord ?
-Euh, d’accord…
-Parfait. Dans le dossier, dit-il en montrant les papiers sur la table, vous trouverez quelques détails supplémentaires sur votre nouvelle identité. Il faut bien comprendre que nous avons besoin d’une bonne couverture pour éviter de nous faire débusquer et éliminer. La section 2 a donc noyauté un groupe de mercenaires, et mène ses actions entre deux contrats. Ca veut dire que tout le monde au QG n’est pas dans le coup. Il y a en grande partie d’authentiques mercenaires qui feront tout pour leur solde, et qui n’ont aucune idée de notre vraie identité. Et on préférerait que ça reste comme c’est. Bon, d’un autre côté, la majorité de ce qu’il y a dans ton dossier, c’est ce qui t’es vraiment arrivé : t’es un pilote terrien qui a merdé, qui s’est fait virer et tout et tout. On s’est ensuite démerdé pour te recruter, et basta.
-Ca n’est pas un peu suspect, ce genre de trucs ?
-Pas du tout, et pour une bonne raison : on recrute aussi, en tant que “vrais“ mercenaires, nos gars qui ont vraiment merdé.
-Pardon ?
-On y gagne sur tous les points : ça nous fait du personnel bien formé et motivé, on évite d’avoir des fuites puisqu’ils sont chez nous et pas chez quelqu’un d’autre, et ça rend plus crédible le background des gars comme vous.
-Vu comme ça… et, qu’est-ce que je vais piloter ?
-A votre avis, lieutenant, quel genre d’appareil on peut se permettre pour notre boulot ?
-Des planeurs, c’est ça ?
-Voilà. On a deux escadrons de ces engins, donc tu vas devoir apprendre à les piloter, mais je te rassure, c’est pas difficile : ils ont été conçus pour être utilisables par des types qui ne pigent rien ou presque à la technologie.
-D’accord, mais à quoi ils servent ? A part pour se faire dégommer par un missile et être inutiles face à quoi que ce soit de plus gros qu’un transport, ces engins sont pas vraiment remarquables.
-On ne vous a pas attendu pour s’en rendre compte, lieutenant. Il n’y a probablement plus que les paysans les plus arriérés à utiliser des planeurs non-modifiés dans cette galaxie. A peu près tous les mercenaires et autres pirates ont compris la leçon et améliorent ce qu’ils peuvent. On serait stupides de ne pas faire la même chose. Autre chose ?
-A propos de cette “autonomie“ dont vous avez parlé, c’est à quel niveau ?
-Aucune aide de la part de la Terre, on peut accepter n’importe quel contrat sans autorisation d’en haut, si ça peut renforcer notre statut et nous mettre en position pour mieux faire notre boulot. Le matériel, on le trouve, on l’achète, on l’entretient. Vous n’êtes plus dans la flotte, lieutenant, que ce soit clair : plus de pièces détachées par centaines, presque pas de mécanos. On a de la chance que les planeurs soient plus rustiques qu’un MiG, mais vous allez aussi devoir apprendre à les réparer. Le job sera dur, mal payé, très risqué et sans la moindre parcelle de gloire, mais c’est chez nous que se font les choses qui comptent…




L’intendant lui avait répété ce que Suessi avait dit à propos des paiements, avant de lui rendre les quelques possessions qui lui avaient été confisquées lors de son arrivée mouvementée. Depuis, le jaffa avait pris possession de sa couchette et commencé à faire connaissance avec les autres mercenaires avec qui il cohabitait. Accueilli sans grande animosité, il avait continué à jouer son rôle de jaffa expatrié par la force des choses et qui s’habituait difficilement à sa nouvelle vénalité.
Un rôle étonnamment aisé à jouer.

Il avait alors passé ses deux premiers jours à découvrir son nouvel environnement, louvoyant entre la curiosité naturelle dont devait faire preuve son personnage et la prudence de l’espion ne pouvant pas se faire démasquer. L’intérieur du Ha’Tak était bien plus sobre que celui habituellement trouvé dans des appareils de cet âge, l’esthétisme vulgaire Goa’uld ayant laissé place à un intérieur à la fois mieux éclairé et plus oppressant, les coursives présentant souvent des appareils inconnus sur leurs murs, apparemment installés à la va-vite et à l’utilité non-apparente.

Jomah, son supérieur hiérarchique direct, vint à sa rencontre alors qu’il revenait du mess, où il n’avait mangé que légèrement, ne sachant pas encore le prix de chacun des services dont il pourrait avoir besoin à bord.
-Van’Tet ! Viens ici ! aboya-t-il en accompagnant ses mots de gestes.
Le jaffa obéit, et se rapprocha de l’homme.
-Bien, tu as de la chance, on t’a trouvé un premier job, pour voir ce que tu vaux. Un truc simple, pas payé grand-chose, mais si tu fais pas le con, elle te reprendra.
-Elle ?
Jomah lui donna une tape sur le haut du crâne.
-Là, tu vois, tu fais le con. Tu poses des questions. T’es pas payé pour poser des questions. Compris ?
-Oui, désolé. Qu’est-ce que… commença-t-il à dire avant de s’interrompre.
-Parfait, t’as compris du premier coup ! Retrouve-moi devant le hangar principal au second appel, demain, avec ton arme et ton matériel. Prévois une dizaine de jours de provisions.
-Bien.
Vif, mais docile, pensa son chef en souriant. On pourra faire quelque chose de lui.

Le jaffa retourna alors dans ses quartiers, n’ayant pas à simuler le mélange d’excitation et d’appréhension qu’avait causé cette nouvelle. Ses premières constatations indiquaient que la structure organisationnelle était particulièrement compartimentée et que les informations qu’il cherchait étaient hors de sa portée, au vu de son statut actuel. Sa formation avait alors repris le dessus, son mentor lui ayant martelé que si la mort était un prix qu’il fallait savoir payer, il fallait le faire avec discernement. Ses premiers jours avaient vu ses illusions détruites méthodiquement, le vieux jaffa reprenant point par point les récits des anciens guerriers qui faisaient partie des traditions, pour mieux les briser, montrant que leurs sacrifices étaient bien souvent inutiles, coûtant à leurs camps des chefs expérimentés, pour un simple moment de gloire sans conséquence tactique ou stratégique.
Ronger son frein faisait partie de la voie qu’il avait choisie, et Van’Tet avait accepté qu’il n’aurait d’utilité que s’il survivait pour infiltrer correctement sa cible. Ainsi, sans un mot, il se posa sur sa couchette et commença à démonter son arme, reproduisant les gestes qui avaient occupé l’immense majorité de son bref entraînement.
Quelques jours à peine, et je peux tuer une escouade entière de mes frères… pensa-t-il en regardant l’arme brune et noire. Comment Gerak peut-il rester aveugle ? Il veut attaquer des êtres qui font la guerre pour… détruire leur ennemi. Pour l’annihiler, alors qu’il réfléchit encore avec l’honneur… Abrutis… Nous aurions dû comprendre dès le premier jour, et changer nos méthodes. Et maintenant, malgré tout ce qui est arrivé, de simples mercenaires font de meilleures troupes que nous, qui nous battons depuis des millénaires.
Sans un mot, il reprit le nettoyage du canon, exécutant la tâche répétitive.


A une centaine de mètres, et plusieurs niveaux plus loin, Vala Mal’Doran se préparait aussi, sous le regard de son officier des renseignements, qui concentrait l’ensemble de son attention sur les notes qu’il avait apporté pour son rapport.
-Le jaffa, commença Hénor, ne fait pas d’efforts particuliers pour se socialiser. Au contraire, il se débrouille très bien pour se fondre dans son environnement.
-Normal, pour un espion, non ?
-Au vu de ce qu’on a appris sur son âge, il fait preuve soit d’un talent inné, soit d’expérience sur le terrain. Je pencherais pour la seconde hypothèse.
-Chanceux, expérimenté… murmura la femme. Est-ce que tu as trouvé ce qu’il cherche ?
-Pas encore. Il a été assez malin pour ne pas agir précipitamment. J’ai l’un de mes agents qui s’occupe de démêler son passé. Si tout se passe bien, on devrait savoir pour quelle faction précise il travaille.
-Si tout se passe bien ? répondit Vala d’un air amusé. Quand est-ce que tout s’est bien passé, depuis que tu es arrivé, Hénor ?
-Désolé. C’est vrai, “les plans se font toujours abattre par le premier tir“, je l’avais oublié un instant.
-On ne survit pas dans les affaires sans plan B, acquiesça-t-elle. Enfin, continue à voir de ton côté, moi, je vais profiter de cette opportunité pour observer plus avant notre nouveau venu…
-Il vous accompagne ?!
-Oui, répondit-elle avec son sourire niais qui avait poussé ses premiers adversaires à la sous-estimer. Rien de tel que l’isolement et la promiscuité pour en apprendre plus sur quelqu’un.
-Ce n’est pas prudent, Vala…
-Je n’ai pas construit tout ça en étant prudente, Hénor. Maintenant…
-Très bien. Nous ne vous dérangerons qu’en cas d’urgence grave, dit-il en se retirant.
-D’accord. Tiens la boutique pendant mon absence.

Lorsque son lieutenant fut reparti, elle reprit ses préparatifs, l’expérience lui ayant appris à préparer elle-même son paquetage, en plus de toujours avoir un plan B.
Toujours, pensa-t-elle en laissant son regard s’attarder sur une caisse scellée où reposait son “Plan B“.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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