Planète Eldrun, [no avaliable adress] – 2 Aout 2021, 03h : 47 U.R
Le monde d'Eldrun se trouve au cœur du noyau galactique. La concentration d'étoiles et de nuages de gaz y est si dense que la nuit est semblable au jour, éblouie par une infinité de nuances multicolores. Plongé dans la lumière turquoise de Myria, la déesse du Jour, et bercé par celle ses frères et sœurs la nuit, Eldrun était un monde béni des dieux, exempt de ténèbres. L'heure était enfin venue pour les Furlings de retrouver la douce chaleur de leur terre natale, après plus d'un millier de cycles passés en exil.
Depuis la
Grande Trahison, qui faillit mener leur race toute entière à la destruction, la vie avait peu à peu repris sa place à la surface d'Eldrun. Les mers avaient été jadis asséchées et la terre vitrifiée, faisant de ce monde un désert de mort. Il fallut un millier de cycles pour que les pluies remettent les océans dans leur lit et que quelques plantes, parmi les plus robustes, parviennent à percer la croûte stérile emprisonnant la terre et s'épanouissent à nouveau sous la douce lumière de Myria.
Les arches émergèrent du sous-espace. Neuf vaisseaux-monde transportaient à eux seuls l'ensemble du peuple Furling, c'est à dire environ deux millions d'individus. Ne trouvant pas de planète adaptée à leurs conditions de vie, les Furlings avaient été contraints à l'errance et étaient devenus un peuple de nomades, habitué à vivre en permanence dans l'espace. Leurs ressources, ils les trouvaient dans les astéroïdes ou les puisaient au cœur des nuages stellaires, là où naissent les étoiles. Après tant de générations, la terre natale n'était plus qu'un doux souvenir, dont les seules traces tangibles étaient les images ou les échantillons stockés dans les archives de leurs vaisseaux.
Kaorl se tenait dans la salle de contrôle de l'un des treize appareils de combat qui escortaient les arches. Placée au centre du vaisseau, cette salle était protégée par une enceinte blindée et adjointe d'un bouclier anti-IEM. Parfaitement sphérique, elle permettait, par l'intermédiaire des écrans recouvrant ses parois de voir à 360° tout ce qui se passait autour de l'appareil. Son astronef, le
Prophet, était parti en éclaireur sur place deux heures avant l'arrivée de la flotte pour vérifier l'absence totale de présence ennemie dans le système. Cette mesure résultait de sa propre initiative. Bien qu'il ressentait plus que tout autre le désir de fouler le sol de la terre natale et de s'abreuver de la lumière de Myra, il devait garder les idées claires et s'assurer avant tout chose de la sécurité de son peuple.
Sur Othalla, sa colère l'avait poussé à l'imprudence, en déclarant à la flotte que le retour dans la Voie Lactée était sans danger. Les douze autres Dominarques et les neuf Guides n'attendaient que cela pour s'y précipiter tête baissée. Seuls son charisme hors du commun et la réputation dont il jouissait parmi ses pairs lui avaient permis de les convaincre de retarder le départ de quelques jours. Ce qu'il avait trouvé sur les autres mondes asgards, en particulier sur Halla, avait fini par le faire céder. Une terrible malédiction semblait s'être abattue sur le peuple Asgard.
Parvenu dans la Voie Lactée, sa voix ne fut plus entendue. À mesure que la flotte se rapprochait d'Eldrun, les Furlings devenaient de plus en plus hystériques, et même si lui même ressentait également ce sentiment, il était l'un des rares, avec Narwaz, à le maîtriser. Il avait eu pour projet de vérifier les systèmes de Dakara, Vis Uban et Avalon, mais ses pairs ne lui en avaient pas laissé le temps, fonçant droit sur le noyau galactique. Pour y parvenir suffisamment de temps avant eux, il avait dû pousser les moteurs de son appareil au maximum. Résultat, aucune trace d'Anciens, d'Asgards, de Nox ou d'aucune autre espèce intelligente. Les Furlings pouvaient à nouveau fouler le sol de la Terre Promise.
Les Neuf arches s'approchèrent lentement de la planète, suivies de près par leur escorte armée. À son grand soulagement, les navigateurs conservaient encore assez de bon sens pour ne pas faire brûler les appareils en précipitant la rentrée dans l'atmosphère. Narwaz s'approcha de lui et murmura :
- Kaorl, les hommes s'impatientent... Ils se demandent pourquoi tu nous forces à être les derniers arrivés. Certains disent même que tu n'es pas un vrai Furling si tu ne ressens pas l'appel de la terre consumer ton cœur.
- Ah oui ? Et toi, qu'en penses-tu Narwaz ?
- Je pense que tu ne songes qu'à la sécurité de notre peuple, mais de grâce laisse-nous y aller. Il n'y a plus de danger maintenant.
Pendant un instant, Kaorl garda le silence, en proie à un violent conflit intérieur. Narwaz contempla, anxieux, le visage de son chef de guerre. Finalement, les chaînes se brisèrent en lui, et les mots qui furent prononcés étaient comme un cri de liberté enfermé dans un murmure :
- Allez-y.
Il ne fallut qu'une demi-seconde à Narwaz pour se retourner et hurler ses directives au navigateur. Kaorl frissonna. Malgré la totale insonorisation, il lui sembla entendre les moteurs de son appareil rugir de bonheur tandis que sur les écrans de contrôle grandissait de plus en plus vite l'image d'Eldrun. Bientôt le ciel multicolore disparut, remplacé par l'immense sphère bleue-grise. Les autres appareils étaient déjà au sol, le Prophet fut le dernier à atterrir. Sans même avoir à grossir l'image, il vit la masse noire de ses semblables se déverser des neufs arches. Avant même de les voir, il imaginait les Furlings se rouler dans la poussière du monde béni, respirer son air brûlant et s'abreuver de sa lumière. L'appareil s'immobilisa. Manquant ainsi à toute règle protocolaire, les membres d'équipage présents dans la salle partirent en courant. Seul Narwaz s'arrêta sur le pas de la porte et prit la peine de tourner son visage vers lui. Kaorl émit alors un bref signal sonore qui pour son espèce équivalait à un hochement de tête. Il se retrouva seul.
Kaorl s'approcha de la console centrale et éteint un à un tous les appareils. Puis il sortit lentement de la salle et verrouilla le sas. Ses pas résonnèrent dans les couloirs vides de l'astronef. Puis ils accélérèrent. Incapable de se contrôler, le guerrier fonça comme une flèche à travers les coursives, plus vite qu'aucun membre de son équipage, ni même qu'aucun autre Furling ne l'aurait pu. S'il ne s'était pas attardé au poste de contrôle, il aurait pu dépasser les autres sans difficulté. Enfin, après une minute d'éternité absolue il parvint au sas principal. Là, il ralentit.
Puis s'arrêta.
La porte était grande ouverte. Myria était certainement presque à son zénith, car la limite entre l'ombre et la lumière sur le sol du sas était plus nette que l'horizon. Il déverrouilla son exo-armure, et s'extirpa lentement de la carapace de métal. Comme un humain salive devant un festin, sa peau de marbre frémissait, impatiente de se nourrir des rayonnements turquoises de l'étoile. Il contempla pendant une seconde le métal qui étincelait à ses pieds, tandis que son propre corps était encore plongé dans l'ombre. Le désir fantastique qui l'animait se changea en extase : Kaorl fit un pas en avant et se noya dans la lumière.
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Voilà, un petit chapitre sur les Furlings. J'ai hésité à l'écrire, car il ne représente pas un grand intérêt scénaristique (tout cela aurait pu être résumé par la suite). Pour quelque temps j'ai décidé d'alterner un chapitre humain / un chapitre furling. Je suis resté volontairement très évasif sur leur apparence et le design de leurs vaisseaux, mais tout sera décrit (et illustré) avec plus de précision plus tard.
On apprend quelques trucs, mais pas grand chose de décisif, sinon que les furlings sont assez différents des humains physiologiquement.
J'attends vos commentaires ^^ (et excusez le style assez littéraire du chapitre, je me suis un peu défoulé)
