CITATION
Et ne t'inquiète pas pour une "publication rapide", vu que chaque chapitre me prends au bas mot trois semaines
Trop peu de temps libre en conséquence, et selon mon emploi du temps, cela va très vite
CITATION
D'ailleurs, n'hésites pas à mettre tes suggestions sur ce qui te semblerait à développer ou à améliorer sur le topic correspondant de l'Autre Forum.
Je le ferai dès que possible (j'ai peut-être une ou deux suggestions, mais ce ne sont que des détails). Mais il est vrai que je suis peu présent depuis quelques temps, même sur l'Autre Forum
Faut y revenir ! On a eu un gros coup de fouet avec toi et les autres, ce serait bête de laisser ça retomber. Si ce sont les échéances scolaires ou universitaires qui posent souci, je rappelle que la CSB peut passer quelques coups de fil pour "régler les problèmes", de n'importe quelle façon.....
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Je n'ai nullement l'intention de laisser tomber cette superbe communauté
Concernant mes obligations universitaires, en effet, c'est en effet dû à cela mais je résoudrai ces détails sans passer par ces extrémités
Oki ^^ De toute façon, on avait donné une semaine de congé à nos "employés" en récompense de la petite opération qu'ils ont mené avec brio le week-end dernier. Et puis, aussi pour compenser le fait que ce soient les 'ricains qui s'en sont attribué la pérennité. Anyway, je te suggère de passer là-bas dans les jours qui suivent, car il risque de se produire un ou deux évènements intéressants.....
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
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Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
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(Rufus Shinra,Jeudi 05 Mai 2011 16h08)
Anyway, je te suggère de passer là-bas dans les jours qui suivent, car il risque de se produire un ou deux évènements intéressants.....
On dirait que j'arrive pile au bon moment ^^
Bref, je commente.
...
Bwahaha, elle était bonne, non ?
Non, je ne commente pas, je suis toujours aussi peu doué pour la commentation (mot strictement inexistant mais absolument nécessaire), alors je me contente faire marcher l'industrie de la cartouche d'encre (ben, oui, 400 pages, ça ne s'imprime pas tout seul) et de passer des nuits blanches à relire cette Oeuvre (avec un grand O s'il vous plaît !) pour la 42ème fois.
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »
Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
Attends au moins que l'épilogue soit terminé d'écrire (ce WE, je n'yai plus qu'une séquence à écrire avant d'envoyer la bêta à Skay). Je m'occuperai à ce moment-là de retoucher l'ensemble du Tome II (quelques changements esthétiques, rien de plus, mais bon, autant ne pas gaspiller du papier). Quoi qu'il en soit, merci de cet honneur que tu me fais !
Dernière modification par Rufus Shinra le 06 mai 2011, 16:19, modifié 1 fois.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
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Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Bon, voici un nouveau chapitre, et, pour les quelques personnes aussi présentes sur l'Autre Forum, une petite mise à jour : l'épilogue est désormais terminé d'écrire, et est en phase de bêta-lecture. Donc, d'ici quelques semaines, on pourra commencer le troisième et dernier Tome d'Effet Papillon.
EDIT : grâce à la bêta-lecture exceptionnellement rapide de Skay-39, que je ne peux que remercier infiniment, l'épilogue est en ligne sur l'Autre Forum.
En attendant, bonne lecture ! N'hésitez pas à indiquer vos suggestions !
Chapitre 22 :
Le jeune homme avait passé un temps particulièrement long à examiner le verre, tant pour le contenant que le contenu, avant de le porter à sa bouche. Le liquide orangé, dégageant des vapeurs opalines, avait un goût que son palais ne parvenait pas à identifier. Constatant qu’il ne tombait pas raide mort, son cerveau succomba à la curiosité.
Carl continua sa découverte des alcools non-terrestres, sous le regard amusé de sa chef de groupe :
-Alors ? demanda-t-elle.
-Intéressant, fit-t-il finalement. Qu’est-ce que c’est ?
-Aucune idée, avoua-t-elle. Le patron me l’avait conseillé la dernière fois, et j’ai préféré le tester sur quelqu’un d’autre.
-… merci…
-Pas de quoi, dit-elle avant de lui indiquer d’un signe de tête le tas de petites billes orangées qui trônait dans une coupelle au milieu de la table. N’oublie pas le neutraliseur. Pas envie d’expliquer au commandant pourquoi j’ai ramené un pilote bourré sur tout le chemin du retour.
-Effectivement, ça serait problématique… admit-il avant de reprendre une petite gorgée. Mais, sinon, c’est souvent comme ça ?
-De quoi tu parles ?
-Ce bar, tous ces trucs. On se croirait dans je-ne-sais-quel film à petit budget. Ca manque un peu d’exotisme, pour la distance.
-Oh, ça… C’est pas partout pareil. Bonne chance pour trouver un bar comme ça chez les jaffa, mais, dans les zones les moins clean, ça devient la norme.
-Mais… comment…
-Tu vas comprendre, dit-elle en terminant son cocktail.
-Si vous le dites…
-Bon, maintenant, on va revenir aux choses sérieuses, dit-elle finalement à voix basse, après avoir successivement vérifié que personne autour n’écoutait et activé un petit dispositif sorti de sa poche. Qu’est-ce que tu fiches ici ?
-Comment ça ?
-Joue pas au con, pas avec moi. Dans l’unité spéciale. T’as pas le profil pour, et de loin. Habituellement, on se récupère des anciens des autres unités de Black Ops, déjà formés et expérimentés, avec les bons réflexes. Et là, t’arrives comme une fleur, tout juste sorti de l’Académie, avec, quoi, un transport comme seule victoire ? Tu vois pas un problème ?
-… Si.
-Donc ? Comment tu t’es retrouvé ici ? Soit t’es beaucoup plus compétent que le dit ton dossier, soit t’as des amis très haut placés, soit t’as des ennemis très haut placés.
-Je… j’en sais rien, répondit-il, mal à l’aise. C’est comme vous dites. Je suis sorti de l’Académie il y a quelques semaines à peine, première affectation sur le Concordia, rien de particulier. Même pas le meilleur pilote de ma promo, et j’ai pas fait de trucs spectaculaires pendant les exercices. Je crois que je m’en sortais plutôt bien, sans ça j’aurais été viré, mais ça s’arrête là.
-Mouais. Alors il y a quelque chose qui cloche. Tu connais qui, dans le Programme ?
-A part ceux de ma promo ?
-Bien sûr, ça m’étonnerais que des morveux aient le bras assez long pour te mettre dans mes pattes.
-Personne. Quelques instructeurs avec qui je m’entendais bien, mais sans plus, mon CAG sur le Connie était Mitchell.
-Le général ? demanda-t-elle, soudainement intéressée.
-Oui, mais, pareil, je n’ai jamais ne serait-ce que discuté avec lui. C’est un foutu général, je suis un lieutenant.
-D’accord… ta famille ? Quelqu’un qui pourrait être lié au Programme ?
-Aucune chance. Mes parents bossent dans la production TV, le reste de la famille est assez banal, je vois mal un seul d’entre eux bosser là-dedans. Et même comme ça, nos relations ne sont pas géniales.
-Alors on a un souci, Banet. T’es une anomalie, un problème. Et ce genre de problème n’arrive jamais, crois-moi. Pas avec notre unité, notre boulot est trop critique pour que les dossiers passent pas par beaucoup de mains avant d’être validés.
-Qu’est-ce que ça peut vouloir dire, alors ?
-Je ne sais pas. J’en sais foutrement rien, et ça me bouffe depuis que t’es arrivé. C’est pour ça que je te surveille depuis le début.
-Oh. Et, pourquoi me dire tout ça, maintenant ?
-Parce que j’ai l’impression que t’es honnête. Un gamin complètement naïf qui n’a pas la moindre idée du merdier dans lequel il s’est fourré. En plus, t’as rien dans ton dossier qui me ferait croire que t’as pu être retourné par les jaffa ou qui que ce soit d’autre. En même temps, si ça avait été le cas, tu serais pas là… conclut-elle en le regardant finir son verre.
-Merci du vote de confiance, lâcha-t-il enfin.
-Pas trop de familiarités, Banet. On n’est pas potes. T’es un intrus dans mon monde, et j’essaie de comprendre ce qui se passe, rien de plus. Si je peux éviter d’avoir ton sang sur mes mains, tant mieux, mais c’est tout.
-D’accord, répondit-il simplement.
Le jeune pilote aurait été critique littéraire qu’il n’aurait pas songé à autre chose que se défouler sur le niveau de ses dernières répliques – indépendamment du fait que les critiques littéraires ne s’intéressaient que fort peu au niveau atteint par les discussions de la vie courante. Si tant est que sa situation présente appartenait à la vie courante.
Sa formation n’avait pas fait de lui un écrivain. Donnez-lui un problème de mécanique ou d’électromagnétisme, et il alignait les équations à grande vitesse pour résoudre les difficultés de l’ingénieur. Donnez-lui un cockpit et assez d’espace pour décoller, et il prouvait son aptitude à manœuvrer, esquiver, tromper et passer à l’offensive. Il n’avait cependant jamais porté un intérêt particulier à l’art de la rhétorique ou de l’argumentation au-delà de ce que ses études lui avaient demandé. Soit, pas grand-chose, pour quelqu’un que le système désignait pour devenir quelqu’un armé de secrétaires et d’assistants. On l’avait formé à être direct et à éviter les tournures alambiquées qui sacrifiaient la clarté de l’information à l’autel de l’élégance. Sa formation militaire n’avait fait que renforcer cet aspect, faisant de sa conversation un objet simple mais fonctionnel.
Mais ce n’était pas là où on lui demandait de briller. En somme, s’il n’avait eut trop d’amour-propre pour ressortir cette comparaison usée jusqu’à la trame, il aurait bien évoqué l’albatros.
-Bien. Quand on sera rentrés, tu vas me faire plaisir et arrêter de jouer au touriste. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, et j’apprécierais que tu me donnes un coup de main pour comprendre quoi.
-D’accord. Mais il y a quelque chose que je cherche à savoir, moi aussi. La seule raison pour laquelle j’ai accepté ce job.
-Explique.
-Qu’est-ce qui s’est passé quand ma patrouille a été attaquée ? Il parait que c’est pas les Jaffa, l’Alliance Luxienne n’était pas au courant de ce qu’on faisait, alors qui ? On m’a dit que c’était un des trucs sur lesquels bossait l’Unité, savoir qui a monté ces foutues attaques, mais, avec la guerre qui se profile, je crois pas que ça va rester au programme.
-Et tu cherches à en savoir plus… D’accord. Je vais voir ce que je peux soulever à ce niveau-là. Il y a sûrement des traces de cette escarmouche dans nos fichiers, s’il était prévu de s’y atteler. Je ne te garantis rien, mais j’essaierai de voir ce que je peux trouver. Toi, par contre, tu gardes les yeux et les oreilles ouverts, pour voir qui a eu l’idée saugrenue de t’amener ici. Il y a forcément une raison, et, crois-moi, on va la trouver. C’est entendu ?
-A vos ordres, répondit Carl.
-Parfait. Temps d’y aller, alors, conclut-elle en reprenant le dispositif qu’elle avait installé sur la table au début de la conversation. On a quelques courses à faire, et pas assez de temps avant de se tirer de là.
Elle se leva, aussitôt imité par le jeune pilote, qui la suivit jusqu’au comptoir où elle déposa quelques pièces tirées d’une sacoche avant de sortir.
-Vous aviez parlé de… m’équiper, c’est ça ?
-Oui, répondit-elle. Quoi qu’il arrive, tu auras forcément besoin d’une arme si tu restes avec nous, donc autant régler ce détail tout de suite. T’as eu quoi, comme formation ? Autodéfense, pistolet, ce genre de trucs…
-Formation d’infanterie de base, un an en régiment. Je me débrouillais correctement au fusil d’assaut, mais ça a dû se rouiller, après. Pour ce qui est de l’Académie, comme vous dites, pistolet, zat, trucs standard.
-Au fusil… Tu ne serais pas aussi désespéré que je le pensais ?
-J’étais dans une école militaire avant d’être recruté. Suis pas un commando, mais je devrais pouvoir m’en sortir. Enfin, ça dépend de l’arme.
-D’accord, d’accord, dit-elle en ouvrant une porte.
Celle-ci révéla une salle particulièrement imposante, qui prit Carl au dépourvu, le forçant à s’immobiliser quelques secondes le temps de la balayer du regard. Une foule cosmopolite grouillait, avec des amas devant des échoppes variées, autour desquelles s’agglutinaient des caisses de formes et de couleurs diverses. Celles-ci étaient pour majorité d’origine non-terrienne, mais il en reconnaissait certaines identiques à celles qui étaient entreposées sur le pont d’envol lorsqu’il était encore à bord du Concordia. L’autre élément que son regard ne cessait de croiser était les très nombreux gardes armés, tant avec du matériel terrien que Goa’uld ou plus exotique encore. Ceux-ci surveillaient les boutiques auxquels ils étaient rattachés, les clients, et, surtout, leurs “collègues“.
Rattrapant d’une enjambée sa leader, qui ne s’était pas arrêtée un seul instant, il fit attention de ne bousculer personne, ignorant la susceptibilité des individus formant la foule et voulant éviter quoi que ce fut pouvant être assimilé à une provocation. Son seul référentiel pour les interactions sociales dans un tel contexte était sa propre situation auprès des véritables mercenaires, et cette expérience lui intimait une grande prudence.
Passant à côté d’une table recouverte de ce qu’il identifia sans certitude comme des échantillons de produits médicaux douteux, il ramena ses yeux vers la femme devant lui. Il ne pouvait risquer de la perdre de vue, au risque de s’égarer lui-même dans un environnement sans aucun doute hostile.
Soudain, il sentit l’ambiance changer du tout au tout alors qu’il s’approchait d’un baraquement en dur, qui contrastait avec les échoppes précédentes. Une impression de danger le mit aussitôt sur le qui-vive, alors que les gardes à proximité semblant beaucoup plus compétents que ceux qu’il avait croisés jusqu’alors.
-C’est ici, lui dit sa leader. Un bon endroit pour ce qu’on cherche. Attends-moi jusqu’à ce que je t’appelle, compris ? Oh, et, pas de noms.
-D’accord, répondit-il avant de la voir entrer dans le bâtiment, suivie par une demi-douzaine de paire d’yeux.
Le jeune pilote se sentit rapidement dans une position inconfortable, immobile et entouré par les gardes armés qui le dévisageaient de façon impassible. Il déglutit, puis essaya de se mettre à l’aise, s’approchant lentement de l’un des murs, sur lequel il s’adossa, faisant tout son possible pour ne pas laisser paraitre son stress. Du moins pas trop.
Mais dans quel merdier je me suis fourré…, songea-t-il en observant les alentours. Et depuis quand les jaffa ont ce genre de trous à rats chez eux ? Ouais, c’est vraiment pas comme sur le Connie. Vraiment pas. Et… elle a raison… J’ai rien à foutre ici. Je suis un pilote, et même pas expérimenté. Pas vraiment ce qu’ils cherchent pour… Comment ils appellent ça… oui, des “assassinats ciblés“. C’est pas bon, tout ça, pas bon du tout. Et puis si ça part en live avec les Jaffa…
Quelques minutes particulièrement longues plus tard, son ainée apparut à la porte et lui fit signe de venir. Un bref instant, il remarqua le visage d’un homme âgé, qui fit un signe de tête aux autres gardes, et ceux-ci semblèrent se décontracter légèrement, tout en maintenant leur attention sur Carl. En entrant dans le petit bâtiment, il s’arrêta à nouveau, et dut se retenir pour ne pas lâcher un sifflement admiratif.
Devant lui s’étendaient plusieurs rangées d’armes et d’autres objets d’apparences variées, qui entouraient un petit comptoir vers lequel revenaient la femme qu’il accompagnait et le vieil homme.
-Voilà, c’est le gamin que je dois mettre à niveau, dit-elle à l’homme, qui prenait position derrière le comptoir. Un peu d’expérience avec quelques armes humaines, il sait se servir d’un zat, mais rien de plus.
-Il a de quoi payer, je suppose, répondit le commerçant sans la moindre émotion.
-Assez pour ce qu’on vient chercher, dit-elle avant que Carl ne puisse placer un mot. Il n’aura pas besoin d’équipement spécial. A ce propos, tu avais raison à propos de l’impulseur. Faut pas l’utiliser à côté d’un mur.
-Règle numéro dix. Mais bon, zone d’effet trop large, pour ça que les Grands Maitres les avaient abandonnés. Pas bon pour les affaires.
-Ou pour le sommeil. Sûr que tu peux pas le calibrer ?
-Je ne peux rien faire de plus, et tu ne trouveras personne d’autre, crois-moi. Mais, pour revenir au gamin… Tu sais te servir d’un zat. De quoi d’autre ?
-Des pistolets terriens, une ou deux armes plus grosses, dit-il en restant délibérément vague, ignorant ce que le commerçant savait à son propos.
L’homme s’approcha de lui, et l’observa d’un œil attentif, avant de brusquement lui prendre le bras. Aussitôt, Carl commença à le contrer, réagissant instinctivement d’après sa formation. L’homme le lâcha dans l’instant, et se retourna vers l’autre pilote, en lâchant un petit rire :
-Un autre déserteur terrien ? Ca devient une habitude, chez toi. Enfin, au moins, ils sont mieux que ces paysans qui se croient capables d’affronter toute une armée avec leur lance ramassée sur un cadavre…
-On prend ce qu’on trouve, et au moins, ils sont entrainés et savent obéir aux ordres.
-S’il obéissait autant, il n’aurait pas déserté.
-Peut-être, mais je le paie mieux et je peux appeler ses copains s’il m’embête.
-Comme ils disent, bâton et calc…
-Carotte, le corrigea-t-elle.
-C’est ça. Donc, gamin, maintenant, dis-moi de quoi tu sais te servir. Précisément.
Carl, hésitant, se tourna vers sa supérieure, qui acquiesça silencieusement.
-Fusil d’assaut FAMAS, Beretta M92, zat.
-Voilà, enfin on y arrive, soupira l’homme avant de se retourner. Je dois avoir ça quelque part.
Il se mit à parcourir rapidement les râteliers avant de s’immobiliser devant une série de fusils terriens. D’un geste, il s’empara de plusieurs armes belges qu’il mit de côté sur le bureau, prenant soin de pointer les canons à l’opposé de ses clients, un bref coup d’œil lui assurant l’état de la sécurité. Puis, il prit de la seconde rangée, à présent dégagée, une arme que Carl reconnut instantanément comme identique à celles avec lesquelles il avait été entrainé avant d’être recruté dans le Programme.
-Qu’est-ce que… commença-t-il à voix basse. Comment est-ce qu’il a fait pour avoir toutes ces armes ?
-C’est maintenant que tu me poses la question ? répondit-elle d’un ton détaché. Demande, offre, vaisseaux camouflés et pots-de-vin. Ca suffit ou j’ai besoin de te faire un dessin ?
-Non… d’accord, admit-il en suivant du regard le commerçant revenir avec le fusil d’assaut.
-Bon, dit ce dernier après avoir rangé le reste des armes. T’as de la chance, j’en ai un. Ca fera…
-Une seconde, l’interrompit Carl. Vous n’allez pas me le vendre comme ça, hein ?
-Si. C’est ce que je fais. J’achète et je vends des armes. Qu’est-ce que tu crois ?
-Aucune chance que je l’achète tout seul. Il me faut des munitions et de quoi l’entretenir.
-Bien… répondit le commerçant avec un large sourire avant de se tourner vers la pilote à côté de Carl. Je comprends pourquoi tu t’emmerdes à recruter des Terriens. Ils ont un peu de bon sens.
-Hé, répliqua-t-elle, c’est eux qui ont inventé ces armes. Normal qu’ils les connaissent.
-Ils ont intérêt, en effet, conclut l’homme avant de s’adresser à nouveau à Carl. J’ai ce matériel. Offert.
-Heu… Merci, répondit le jeune pilote, pris à revers.
-C’est pas de la gentillesse, le prévint sa supérieure. Tu viens juste de lui prouver que t’as une petite chance de revenir lui acheter autre chose. Fidéliser le client.
-Je vois. J’y penserai.
-Excellent, conclut le commerçant. J’ai aussi le pistolet, avec le reste du matériel.
Il retourna au fond de la boutique, avant d’en revenir avec un petit container que le pilote identifia comme devant contenir l’arme de poing venant compléter son achat.
-Voilà, conclut-il en ouvrant la boite, qui contenait effectivement le pistolet, son matériel d’entretien et plusieurs chargeurs. Un fusil et un pistolet terrien, leur matériel, et cinq boites de cartouches pour chacun. Besoin d’autre chose ?
-Non, je crois que ça devrait aller, répondit le pilote. Je suis même pas sûr d’avoir besoin de tout ça, déjà.
-Règle trente-sept, répondit du tac au tac sa supérieure.
-En effet, confirma le commerçant. D’ailleurs, tu es sûre que tu ne veux rien acheter ?
-Certaine. Tu m’as déjà vendu de quoi détruire probablement une ou deux petites planètes, dit-elle en plaisantant, et, de toute façon, ma solde n’est pas encore tombée.
-Je comprends cette raison, dit-il d’un air amusé, avant de sortir du bureau une petite liste. Alors, où est-ce que… ah, voilà… et… voilà… ça fera quatre cent dix-huit shesh’ta.
Carl se tourna à nouveau vers la pilote, qui acquiesça et sortit une petite bourse, qu’elle déposa devant le commerçant.
-Parfait, fit celui-ci, en prenant son dû avant de rendre la sacoche, allégée, à la femme devant lui, tandis qu’une nouvelle silhouette entrait par la porte de service, portant à la main un sac volumineux.
Quelques minutes plus tard, le duo quittait le hall et ses nombreuses échoppes, Carl toujours mal à l’aise des regards qui le jaugeaient. Les deux armes qu’il avait à présent, dans le sac, le rassuraient à peine, sachant parfaitement que sa médiocre connaissance du terrain et son entrainement relativement éloigné ne lui offriraient qu’une faible chance de survie, le cas échéant.
-Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? demanda-t-il en réajustant son sac.
-Ca dépend… On a encore une bonne heure au moins avant que les transports aient fini de décharger leur marchandise. Et jusqu’à ce qu’on arrive, j’avais l’impression que tu ne connaissais rien à rien à la réalité.
-Vous… aviez ?
-Oui, maintenant, j’en suis sûre.
-Oh.
-Donc, je crois qu’on ne va pas y échapper. Je vais te montrer les trucs à savoir pour que tu ne passes pas complètement pour un abruti.
Elle lui fit signe de le suivre, alors qu’elle avançait, sans un mot, dans un dédale de couloirs étroits où passaient de temps en temps d’autres groupes hétéroclites qui forçaient Carl à un effort de volonté pour ne pas les fixer du regard. Quelques croisements et rencontres étranges plus tard, sa leader se retourna, avec un sourire narquois :
-Tu m’avais demandé pourquoi le bar était comme ça, hein ?
-Le… oh ! Oui.
-Parfait. Regarde par toi-même, répondit-elle en ouvrant la porte qui bloquait le passage.
Il entra dans ce qui lui semblait être un hall de grande taille, où il vit une série d’affiches, qu’il mit plusieurs secondes à reconnaitre.
-Non… souffla-t-il.
-Et si, répondit sa supérieure en lui donnant une tape amicale sur l’épaule. L’industrie du divertissement terrienne est la plus développée de l’univers connue. Même si côté 3D, elle est assez ridicule.
-Je rêve… continua-t-il à voix basse en se rapprochant de l’une des affiches, sur laquelle il reconnut aussitôt un archéologue aux méthodes encore plus spectaculaire que celles du docteur Jackson. Qui a…
-J’en sais rien, mais il parait que ça rapporte un max à tes anciens patrons.
-Quand on parlait de l’américanisation de la galaxie… Je me demande qui s’occupe des doublages.
-Personne, à ma connaissance.
-Ah, oui…
Le pilote ouvrit les yeux brusquement, un plafond froid et éloigné emplissant son regard quelques instants avant que le reste des sensations ne lui reviennent. Il ressentit alors la présence de ses deux coéquipiers, à proximité de son lit, avant même de les voir ou de les entendre.
-Ca va, Tom ? entendit-il alors Shanti lui demander, la voix ne trahissant qu’une partie de l’inquiétude qu’elle émettait involontairement par le lien empathique.
-A peu… à peu près, répondit-il. Vous deux ?
-Le lieutenant s’est un peu inquiétée quand vous vous êtes évanoui, et j’ai piqué un second coup de gueule sur notre I.A. bien-aimée, dit Maltez, sarcastique.
-Je me suis évanoui ? Qu’est-ce que… ?
-Atlantis prétend que c’est un, et je cite, “feedback émotionnel“. En gros, un truc qui arrive quand on joue avec le cerveau de ses subordonnés ! expliqua-t-il en crachant la fin de la phrase le regard dirigé vers le plafond.
Quelques secondes durant, le silence régna dans la petite pièce, avant que le pilote ne se remette à parler :
-Alors, qu’est-ce qu’on fait ?
-Pour l’instant, on n’a pas beaucoup d’options, lieutenant. Après que vous soyez retombés dans les vapes, j’ai négocié avec Atlantis. Résultat, on n’implique pas Jackson, et elle nous explique ce qu’est ce foutoir de souvenirs avant qu’on ait fini cette diversion à la noix.
-Le coup de Jackson, demanda Campbell, ça a vraiment marché ?
-Apparemment. Je crois qu’on l’a coincée sur un règlement qu’elle n’a pas encore réussi à contourner d’une façon ou d’une autre. Avec un peu de chance, ça devrait nous donner un peu plus de possibilités pour la suite. Et éviter qu’elle menace de nous…, dit-il sans arriver à la conclusion qui terrifiait chacun des humains présents.
-D’accord, donc, pour l’instant, on joue le jeu ?
-Il semblerait, confirma Shanti. De toute façon, on avait prévu de le faire. Au moins, on va peut-être savoir à quoi ça rime…
Adrastée laissa son regard englober l’imposante Cité, ne sachant que penser. Ses semblables, malgré leur intelligence, leur sensibilité, leur expérience, étaient comme aveugles et sourds à ses yeux. Pas un ne se posait de question, chaque individu centré sur lui-même dans un jeu social d’une complexité aberrante, dont la vanité ne faisait que jeter un voile sur la réalité. Une réalité qui était déplaisante mais impossible à ignorer pour quelqu’un ayant fait de sa vie une éternelle quête de la perfection.
Une quête à laquelle ses semblables affirmaient participer, mais qui n’avait de parfaite que la superficialité qu’elle reflétait chez eux. Depuis son plus jeune âge, elle avait appris à observer, à ressentir, cherchant à comprendre pour mieux décrire, retranscrire et émouvoir. Un temps, elle s’était attardée sur sa société, mais s’était rapidement éloignée d’une masse aux ambitions trop souvent irréfléchies, parfait symbole d’une décadence qui prenait forme, éon après éon.
Recluse, ses premières œuvres avaient trouvé leur inspiration dans ce jugement d’une société à laquelle elle ne pouvait s’intégrer. Un culte de la science et du savoir strict, absolu, sans hésitations ni incertitudes. Les mystères et l’émerveillement s’effaçaient depuis des générations, laissant place à des formules, des modèles et des théories dont l’élégance se cantonnait à un ou deux domaines scientifiques et leurs initiés. Tout était expliqué, ou le serait. Ses propres réflexions et émotions n’étaient, selon ses tuteurs, qu’autant de réactions chimiques qu’une simple interface ludique pouvait simuler. La spiritualité et la philosophie étaient, elles aussi, tombées sous les coups d’un rationalisme triomphant, qui avait atteint son apothéose bien avant sa naissance. A travers le développement de méthodes standardisées vers ce que les philosophes antiques avaient appelé “le véritable sens de la vie“, l’incertitude s’était vue balayée une fois pour toutes.
Les émotions n’avaient pas disparu, l’art n’avait pas laissé place à une logique implacable régissant chaque instant de la vie. Mais cette survie n’était pas due à la Valeur de l’Art ou à une prise de conscience de la Société. Ironie suprême, l’Art n’avait survécu en tant que phénomène de société qu’à travers un jugement rationnel, qui avait prouvé son intérêt, tant pour la Société que l’Individu. Les comportements individuels étaient tels que les différents Arts étaient nécessaires pour la stabilité psychologique du plus grand nombre, et, face à d’autres solutions, était parmi les plus avantageuses en termes de bien-être généré par rapport aux ressources consommées.
Certains avaient embrassé ce rôle et son sens irréfutable, développant méthodiquement leur créativité de façon à arriver à des œuvres majeures, uniques, exceptionnelles. Qui viendraient rejoindre les autres, tout aussi émotionnellement riches.
Elle avait été tentée, à plusieurs reprises, de rejoindre ces rangs, mais avait finalement décidé d’en rester éloignée. De faire des erreurs moins enrichissantes que les faux pas prévus pour maximiser la qualité des œuvres futures. Il y avait, quelque part, elle le savait, des études particulièrement avancées qui pourraient sûrement décrire les causes de son comportement, de sa réaction, et qui lui permettraient de mieux comprendre son propre cheminement.
Ces réflexions, qui lui venaient en observant l’étendue infinie de l’espace depuis une capsule ou un vaisseau, d’autres les avaient eues avant elle. A défaut d’inventer, techniquement, philosophiquement ou artistiquement, elle ressentait. Seule, sans aide, de façon aussi personnelle que possible, si, techniquement, elle ne pouvait être irrationnelle.
Elle ressentait peut-être moins que si elle avait suivi les méthodes. D’autres avaient fait la même chose sans réussir à prouver leur valeur. Ou l’avaient prouvé, définissant une nouvelle méthode aussitôt acceptée par la communauté en général. Ses œuvres n’avaient pas le public qu’elles auraient pu avoir.
L’absurde était son refuge. Non pas en tant que genre, déjà classifié et codifié depuis des siècles, mais en tant que choix de vie. Elle était une Artiste.
Le vertige s’estompa rapidement, n’attirant de ses coéquipiers qu’un bref regard visant à s’assurer qu’elle allait bien. Les absences de ce type s’étaient multipliées, brèves, mais repérables au travers du lien empathique. Une nouvelle constante à laquelle les trois humains apatrides avaient dû rajouter à la liste de charges qui s’étaient imposées à eux depuis leur capture initiale.
-Bon, reprit Maltez. On a encore quelques heures devant nous avant le début des opérations, alors reposez-vous, Tom. D’accord ?
-Je croyais qu’elle allait nous lancer dans la foulée, répondit le pilote. Pas son habitude de nous faire lambiner…
-En fait, quand tu t’es évanoui, intervint Shanti, elle a dû changer un peu ses plans. Je crois qu’elle est en train de retoucher tout un système stellaire pour que notre couverture tienne le coup maintenant que Hagalaz a encore déplacé ses vaisseaux.
-Tout un… dit-il, en essayant d’appréhender ce que la jeune femme voulait dire.
-Oui, le reprit son supérieur. Notre très chère hôtesse ne fait pas de la demi-mesure quand elle veut couvrir un retard au travail.
-Je rêve… souffla-t-il.
-Il faudra apprendre à arrêter d’être surpris, lieutenant, autrement ça pourrait durer longtemps, avec elle.
Campbell haussa des épaules avec un petit soupir, puis Maltez se redressa :
-Rendez-vous en salle de briefing dans cinq heures. Sur ce, je vais aller terminer ma “discussion“ avec notre tas de circuits préféré, conclut-il avant de se retourner et de quitter la pièce.
Une fois la porte fermée derrière son supérieur, le pilote lâcha un nouveau soupir, cette fois beaucoup plus long.
-Ca va ? lui demanda Shanti.
-A ton avis ?
-Pas vraiment, répondit-elle, en détournant un instant le regard. Mais on n’a pas vraiment le choix, hein ?
-Ouais… il faut tenir… N’empêche, j’aurais préféré qu’elle ait un peu plus de tact.
-Tu t’attendais à quoi ? lui demanda la jeune femme en souriant légèrement. Elle nous a plus ou moins kidnappés pour mener sa guerre. Au moins, on a des moyens…
-Peut-être… Comment est-ce qu’ils sont ?
-Pardon ? s’étonna-t-elle.
-Ces souvenirs.
-Difficile à dire. Ils n’arrêtent pas de se croiser, comme des… tenta-t-elle de répondre, sans trouver de comparaison valable
-Pas besoin, je vois ce que tu veux dire.
-Oui, admit-elle avec un rire silencieux.
-…
-C’est ce soldat, hein ? reprit-elle, d’un ton sérieux.
-… oui.
-Est-ce que tu as eu d’autres… images de lui depuis ?
-Quelques-unes. Mais ça revenait souvent… commença-t-il avant de s’interrompre, détournant le regard.
-… je sais.
-Je suis là, à sa place. Je sais que c’est quelqu’un d’autre, mais je suis quand même là, je pense la même chose que lui. Quand l’embuscade arrive. Quand on s’enfuit. Quand elle…
-Et les autres souvenirs ?
-Il avait quitté le service. Une blessure de trop. Physique, en tout cas. Pour les autres… c’était pas une seule de trop. Je ne sais pas comment il a fait pour tenir aussi longtemps… j’aurais craqué avant. Ha ! Je suis déjà en train de craquer… pas vraiment le même niveau, hein ?
-C’est faux et tu le sais très bien. On est en train d’en discuter, répondit-elle. Je te parie ce que tu veux qu’il s’est posé ce genre de question, quand il avait notre âge.
-Peut-être… enfin, il avait essayé de s’isoler. L’embuscade, la mort de… je crois pas qu’il s’en soit remis. Pas dur à comprendre. Enfin, la guerre l’a rattrapé, à la fin.
-Comment ça ?
-C’était à la fin. Ils perdaient, c’était clair, tout le monde le savait. Juste, personne ne le disait. Ils l’ont rappelé. Pour être instructeur. Il était l’un des rares survivants d’un combat rapproché avec des Fléaux, et ils l’ont mis en poste pour apprendre à une dernière génération comment ils se feraient tuer.
Elle soupira.
-Ouais. C’était pas beau à voir. Enfin, ils ont eu de la chance… d’une certaine manière.
Devant les émotions interrogatrices de la jeune femme, le pilote reprit :
-Les lignes ont lâché quelques semaines plus tard, toute la flotte s’effondrait.
-Oui, je m’en souviens, confirma-t-elle. Les ordres de retraite, la panique.
Ce fut au tour de Campbell d’avoir un regard étonné.
-J’ai hérité d’une capitaine. Elle était à bord d’une frégate différente. Ils reculaient lentement, une retraite stratégique, ou quelque chose comme ça. Et puis, d’un coup, les ordres étaient devenus précipités, il fallait rentrer. Défendre Atlantis.
-Voilà. C’est arrivé avant qu’ils ne soient prêts à être envoyés se faire tuer. Bizarre, une fois que les Ruches étaient en orbite, que les renforts arrivaient plus vite qu’on arrivait à les détruire, tout le monde était plus… calme. Comme si, à présent que la guerre était clairement perdue, ils avaient arrêté de se préoccuper.
-Même lui ? demanda Shanti, en parlant du soldat.
-Oui. Il ne pouvait pas les oublier, mais, c’était plus simple. Ils avaient perdu, ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’Atlantis ne tombe. Il n’y aurait pas de baroud d’honneur, plus rien.
-Il n’avait plus rien à faire, souffla-t-elle. Plus de responsabilité.
-Oui, répondit-il, à voix basse. Ta capitaine aussi ?
-Pas exactement… Son vaisseau était intact, comme l’équipage, et les Ruches sont arrivées plus tôt que prévu. Il y avait quelques vaisseaux qui devaient encore partir, pour terminer le travail qu’ils avaient fait dans Pégase.
-Quel genre de travail ? demanda le pilote.
-Terraformation, des archives de plantes, des banques génétiques. Rien de technologique, juste des… curiosités. Des espèces qu’ils avaient vu disparaitre. Mêmes pas conscientes, mais ils avaient voulu leur donner une seconde chance.
-… je vois.
-Le souci, continua-t-elle, en levant le regard au plafond. C’est que le vaisseau n’avait pas eu le temps de partir. Alors elle a décidé de ressortir et de le couvrir. Je crois qu’elle voulait une dernière responsabilité.
-Elle a réussi ?
-Aucune idée, elle a fait enregistrer ses souvenirs juste avant de partir…
-Bien leur genre, ça. Ils se sacrifient pour quelques vieilles plantes, et nous laissent avec des I.A. tarées à neutraliser.
-Bah, lâcha-t-elle, ils nous laissent à tous de quoi nous occuper. Des plantes pour les biologistes, et des menaces extragalactiques pour les soldats… On n’est pas encore arrivés au bout de nos peines, hein ? Là où on n’a plus de responsabilités…
-Non, pas encore… dit-il en tournant la tête vers elle.
-On va s’en sortir, Tom, souffla-t-elle.
-… J’espère.
-Il y a trop de trucs qui se passent pour qu’on lâche. Même si ça ne me plait pas plus qu’à toi, tu le sais bien. Tout ce que je peux te dire, c’est que si on s’en sort, ces foutus souvenirs ne seront que ça. Des souvenirs, et pas la réalité.
-T’as raison… c’est juste que… bah, autant le dire clairement. J’ai peur.
-Moi aussi. Et, à mon avis, le commandant aussi.
-Sûrement, répondit le pilote. Probablement plus que nous… Il doit avoir une meilleure idée de ce qui nous attend. Mais là, je commence à avoir une idée de ce qu’elle nous réserve. Je vais être ce vieux soldat, c’est ça qui…
-Hé. Stop, OK ? Ce sont ses souvenirs. Pas les tiens. Ce qui lui est arrivé ne va pas t’arriver. Ne va pas nous arriver, insista-t-elle fermement. On va s’en sortir.
-…D’accord, dit-il.
-On compte sur toi, Tom. Je compte sur toi.
-Je te laisserai pas tomber, promit-il, sentant au travers de sa connexion empathique toute l’intensité des mots prononcés par la jeune femme. Je ne commettrai pas ses erreurs.
Je ne te perdrai pas, pensa-t-il en regardant Shanti, qui, l’espace d’un instant, avait remplacé Gaeriel dans ces souvenirs étrangers.
-Alors, demanda Johann, raconte, est-ce que les rumeurs sont vraies ?
-Il y a des rumeurs qui circulent sur moi, maintenant ? s’étonna Anna, en se tournant vers son ancien collègue.
-Pas mal, répondit celui-ci. En même temps, c’est pas tous les jours qu’une R-2 prend directement la tête d’un projet entier. Rassure-moi, t’es encore R-2 ou ils t’ont fait passer à l’échelon supérieur depuis le temps ?
-Pas de changement à ce niveau-là, répondit la scientifique. Probablement bien la seule chose qui n’aie pas changé.
-N’empêche, ça, puis ensuite le black-out complet… On raconte que t’as été invitée à des réunions avec tous les grands patrons. C’est vrai, ça ?
-Pas le droit de répondre, désolée, fit-elle.
-Je m’en doute, je m’en doute. En tout cas, t’as vraiment dû tomber sur un bon truc, dans tes fichiers. Ou alors, c’est les fichiers qui me sont tombés dessus… s’abstint-elle de répondre, alors qu’elle continuait de marcher sur le sentier qui parcourait une forêt d’arbres qu’elle n’arrivait pas à reconnaitre. Son interlocuteur reprit :
-Enfin, assez parlé boulot. Je voulais savoir, tu auras le temps de prendre des congés ?
-Pas vraiment, avoua-t-elle. Pas avant quelques semaines minimum, pourquoi ?
-Je rentre sur Terre dans trois semaines. On aurait pu…
-Désolée. Mais là, je ne peux vraiment pas arrêter le job. C’est assez urgent, tu dois t’en douter, dit-elle en enjambant une souche.
-D’accord… répondit-il, apparemment mal à l’aise, avant de changer de sujet. Tiens, tant que j’y pense, il y a Yui qui m’a demandé de te remercier.
-Yui ?
-Celle du service bioingénierie. L’interface neurale que t’as identifié en deux minutes alors qu’elle planchait dessus depuis quinze jours. Son équipe a fait pas mal de progrès.
-Ah, tant mieux, alors. Heureuse d’avoir pu lui donner un coup de main.
-En même temps, ça alimente pas mal les rumeurs, faut bien le dire. T’es devenue du jour au lendemain une experte pour identifier tous les gadgets qu’on trouve. T’as trouvée un catalogue d’achat en ligne ou quoi ? Non, laisse-moi deviner, pas le droit de répondre, hein ?
-Voilà, conclut-elle avec un sourire honnête.
-En tout cas, c’est sympa de t’en servir. Si on sait ce qu’on trouve, ça évitera pas mal de semaines de perdues. Mais ils ne te posent pas de problèmes avec ça, en-haut ?
-Pas trop, répondit-elle. J’ai vu ça avec Jackson l’autre jour. Tant que je n’en dis pas trop, ça va de son côté.
-Tu vois le docteur Jackson fréquemment ? s’étonna-t-il.
-Je commence, oui, confirma-t-elle. C’est lui qui est plus ou moins en charge de mon projet. Bon, ça fait toujours bizarre de discuter avec quelqu’un de son calibre, mais au moins, il n’est pas comme McKay…
-Encore heureux, répondit Johann. Un, ça suffit. Tu le vois souvent ?
-Non, Dieu merci. A chaque réunion où j’ai été, il était… comment dire…
-McKay ? proposa le scientifique.
-Voilà. Comme avec tout le monde… conclut-elle alors qu’elle faisait les derniers pas pour arriver au bout du chemin.
Sortant de la forêt, le duo s’arrêta quelques instants, prenant la mesure du paysage autour d’eux. La terre laissait rapidement place à la roche nue et aux graviers sur la distance les séparant de la falaise qui marquait la fin du continent.
En quelques minutes, ils arrivèrent au niveau de celle-ci, accueillis par l’océan qui recouvrait, une centaine de mètres plus bas, la quasi-totalité de la planète. Silencieusement, Anna observa les vagues, dans la direction où se trouvait l’imposante Cité, qui avait trop rapidement pris un contrôle quasi-total de sa vie. L’espace d’un instant, elle dirigea son regard vers le scientifique à côté d’elle, qui espérait clairement devenir éventuellement plus qu’un simple ami.
Et qu’elle avait accepté de manipuler. D’une façon qu’elle ignorait encore, pour un objectif qu’elle n’avait pas encore défini, mais elle savait qu’elle devrait passer par lui pour faire ce qu’elle ne pouvait se permettre sous le regard inquisiteur de l’Entité qu’était le vaisseau-Cité situé au-delà de l’horizon.
Une petite part d’elle-même regrettait d’avoir commencé à penser de cette façon, mais le reste de son esprit lui martelait que si elle se laissait manipuler de bout en bout sans tenter de reprendre les commandes, les conséquences n’avaient aucune raison d’être agréables.
-Quand est-ce que le docteur Stern rentrera sur la Cité ? demanda Jackson, le regard pointé vers le plafond.
-Selon les informations dont je dispose, son retour devrait être aux alentours de seize heures, heure locale. Voulez-vous que je lui transmette un message, docteur Jackson ? demanda Atlantis, de sa voix impersonnelle, choisie délibérément pour mettre mal à l’aise ses interlocuteurs.
-Oui, répondit l’archéologue, habitué aux jeux psychologiques depuis des années et décidant d’ignorer une attaque aussi peu subtile qu’un grand maître Goa’uld face à une remise en cause de sa divinité autoproclamée. Dites-lui que j’aimerais la voir dans mon bureau dès que possible, pour discuter de l’avancement de ses recherches.
-Bien sûr, docteur Jackson. D’après mes estimations du flux de personnel et de l’observation du docteur Stern, elle devrait être présente aux alentours de seize heures quarante-huit.
-Fantastique, répondit-il, imperturbable, avant d’éteindre son moniteur et de se lever, en prenant une petite sacoche posée près de sa chaise. Il faut reconnaitre, pour organiser l’emploi du temps, elle est utile, reconnut-il. Mais au moins, je n’ai pas peur qu’un agenda-papier complote contre moi… Enfin, je ne devrais pas avoir peur non plus pour Atlantis. Elle complote forcément contre quelqu’un. Enfin, si elle a besoin de comploter, vu qu’elle peut tous nous… Argh ! Vive les agendas-papier ! conclut-il finalement en quittant son bureau.
Il lui fallut quelques secondes pour se rappeler de la raison pour laquelle il était sorti, puis, brusquement, se mit à avancer dans les couloirs. Ses rapports et comptes-rendus lus, approuvés et signés, il avait quelques heures devant lui, qu’il essayait de passer à se tenir au courant des quelques projets qui lui tenaient à cœur sur la Cité, de préférence n’impliquant pas une I.A. inconnue et les Ori.
Mais pas ce jour-là.
Ses pas le menèrent rapidement à une intersection, où il prit délibérément ce que la majorité des habitants de la Cité considéraient comme un cul-de-sac. De là, il arriva dans un couloir où seul un œil exercé, sachant ce qu’il cherchait, aurait pu trouver la plaque sur laquelle l’archéologue exerça une pression de la main. Le sol s’ouvrit alors légèrement, révélant une issue de service desservie par une échelle, qu’il emprunta sans hésiter.
Le docteur Jackson avait suffisamment de temps devant lui pour se permettre de ne pas emprunter les habituels téléporteurs internes, et, une fois de plus, avait décidé de profiter de ce luxe. Au fil des années, il avait appris à s’informer en permanence sur les divers accès et passages techniques qui parsemaient les entrailles de la Cité. Cet intérêt n’avait qu’une utilité pratique limitée, ne lui permettant pas de gagner un temps considérable sur les chemins officiels, optimisés par une civilisation plus de mille fois millénaire, mais il n’avait pas cherché une telle utilité.
L’isolement, en revanche, était largement de taille à compenser les efforts et les pertes de temps engendrés par cette activité. Il pouvait ainsi profiter, de temps en temps, de quelques heures durant lesquelles aucun assistant, aucun scientifique, aucune gouverneure civile ne viendrait lui poser ses problèmes en espérant des réponses parfaites permettant de résoudre élégamment toutes les crises.
Ses yeux s’adaptèrent en quelques instants à la pénombre relative qui régnait dans les coursives techniques, à l’ambiance singulièrement plus mécanique que celle de la Cité où il passait son quotidien. Ca et là, des machines inconnues débordaient d’une cloison, tandis que des instruments terriens y étaient branchés, avec parfois un Post-It intimant le visiteur occasionnel de ne rien toucher sous peine d’électrocution, d’irradiation mortelle ou juste de haine féroce de la part du personnel technique. Se rappelant avec un mince sourire des mésaventures qui avaient touché les malheureux ayant ignoré des conseils similaires de la part de Siler et ses subordonnés à l’époque de Cheyenne Mountain, l’archéologue fit gare de ne pas interférer lors de sa progression.
Au bout d’une dizaine de minutes de marche dans des couloirs, parsemés de croisement qu’il aurait pu prendre les yeux fermés, Jackson arriva finalement à destination : une salle de contrôle pour les opérations extérieures.
Celle-ci était composée de plusieurs pupitres de commande sensiblement similaires à ceux de la salle de la Porte, tandis qu’un imposant dôme transparent illuminait toute la pièce.
La baie vitrée, ou quelque soit le matériau la composant, s’étendait tout autour de lui, alors qu’il pouvait voir d’un regard qu’il se trouvait désormais dans une petite excroissance située à la base de l’immense Cité. S’asseyant sur l’un des fauteuils, il laissa son regard se perdre quelques secondes dans les bancs de poissons qui semblaient orbiter autour de la titanesque construction.
Puis, d’un geste, il posa la sacoche devant lui et en sortit une bouteille thermos et un gobelet de café, remplissant ce dernier avec le liquide bouillant. Comment l’approcher sans qu’Atlantis se rende compte de quoi que ce soit ? Ses rapports sont corrects, avec assez d’informations pour le temps passé, mais sans révélations spectaculaires. Bien calculés… trop bien calculés, juste ce qu’il faut pour éviter les questions et les remarques dérangeantes. Comme si Atlantis voulait juste gagner du temps en passant par Stern, conclut-il en approchant le gobelet de sa bouche. Mais quel intérêt ? Elle a toutes les cartes en main, mais joue la prudence. Il y a quelque chose que je ne vois pas. Elle se complique la vie à nous prouver qu’elle a le contrôle, mais agit différemment. Il y a quelque chose qui doit l’inquiéter… Il faut que je trouve quoi, et on aura une petite chance de pouvoir reprendre l’initiative… Stern… elle est forcément liée à ça, sinon, pourquoi passer par elle ? Je dois réussir à la contacter sans qu’Atl…
Ses pensées furent interrompues lorsqu’il sursauta, brûlé par un café bien plus chaud que ce à quoi il s’attendait. Dans un mouvement de réflexe, il renversa aussi bien le gobelet que la bouteille.
-Merde… lâcha-t-il en voyant le petit verre qui gisait au sol, dans une petite mare de liquide noir.
Il sortit un mouchoir de sa poche et commença à éponger le café lorsqu’il se rendit compte que quelque chose clochait. Immobile, il réfléchit quelques instants jusqu’à comprendre. A aucun moment, il n’avait entendu le tintamarre qu’aurait dû causer la bouteille en tombant sur le sol métallique. Il se retourna, et vit, ahuri, le spectacle de la thermos figée en l’air, qui, brusquement, se redressa avant de se poser délicatement au sol.
-Qu’est-ce que… murmura-t-il, avant de comprendre. Atlantis ?
-Oui, docteur Jackson, répondit la voix désormais familière de l’I.A.
-C’est vous qui venez de faire ça ?
-… En effet, docteur, une simple application de mes générateurs de gravité.
-… Je vois. Merci, dit-il en reconnaissant la scène pour ce qu’elle était :
Un autre rappel de l’omniprésence et de la quasi-omnipotence de l’I.A. sur sa Cité.
Dernière modification par Rufus Shinra le 09 mai 2011, 11:50, modifié 1 fois.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
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Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Anna sortit rapidement du hangar où s’était posé le petit engin de transport reliant la Cité au continent. Une fois les formalités d’usages terminées, se sépara du groupe pour se diriger vers ses quartiers d’habitation, ayant hâte de se changer. Au bout de quelques pas, elle sortit de l’une de ses poches intérieures la petite oreillette fournie à l’ensemble du personnel, servant aussi bien de communicateur que de localisateur. D’une pression, elle réactiva l’appareil et le fixa en position.
-Docteur Stern, l’interpella aussitôt une voix féminine qu’elle avait appris à apprécier et à craindre.
-Oui, Atlantis ? répondit-elle une fois certaine que personne ne pouvait l’entendre.
-Le docteur Jackson désire vous voir pour discuter des derniers avancements de vos travaux.
-Quand ça ?
-Dès que possible, dans son bureau.
-Oh, très bien. J’y vais, alors.
-Docteur ?
-Oui ?
-Il y a eu quelques… complications en votre absence.
-SG-22 ? murmura-t-elle.
-Pas exactement, bien qu’elle en soit en partie responsable.
-Donc ? Parce que, là, je ne suis pas très avancée.
-Vous savez que le docteur Jackson a réalisé l’Ascension auparavant, n’est-ce pas ?
-Oui.
-Il semblerait que, lors de l’intervention du lieutenant Bhosle, quelques jours plus tôt, cette dernière a fait preuve d’une certaine maladresse, dirons-nous. Au lieu de ne faire qu’une simple intervention, je crains que son passage, caractérisé par un manque certain de subtilité, a eu quelques conséquences imprévues sur votre supérieur.
-Quelles conséquences ? demanda Anna, soudainement inquiète. Venez-en au but.
-Très bien. Le docteur Jackson, de retour dans ce plan d’existence, s’est vu brider une bonne partie de ses connaissances et capacités acquises lors du processus d’Assomption. Le lieutenant Bhosle, dans sa maladresse, a apparemment brisé certaines de ces limitations.
-Ouille, grimaça la scientifique. Qu’est-ce qui va se passer ? Il va encore se transformer en une grosse lumière et alimenter sa légende ?
-Je n’en suis pas sûre, et je pense que les Ascendants le surveillant devraient limiter les conséquences de façon à empêcher cela pour le moment. Je l’espère, en tout cas. En revanche, ce dont je suis certaine, c’est que certaines caractéristiques physiologiques propres à l’Assomption sont en train de lui revenir, sous une forme limitée mais présente.
-Ce qui veut dire ?
-Ce qui veut dire, docteur Stern, que le docteur Jackson vient, il y a quelques heures, de faire preuve d’une capacité télékinétique limitée. Qui vient très probablement s’ajouter à une télépathie latente, qui est l’une des particularités les plus classiques des individus dans son cas.
-Télépathie ? Vous voulez dire qu’il va lire dans mes pensées, quand je vais aller le voir ?
-Probablement pas. Pour l’instant, ces capacités restent très limitées et accidentelles. De plus, il semble penser que je suis à l’origine de l’incident de télékinésie, de par mes systèmes de contrôle internes. Il n’a apparemment pas conscience de ce qui se produit, ce qui est particulièrement appréciable. En conséquence, je doute qu’il soit capable de ne repérer plus que les simples émotions de surface lors de votre entretien. Le docteur Jackson étant déjà un excellent communicateur, doué d’un talent d’empathie remarquable, il est probable qu’il ne se rende pas compte de la différence, mais je vous déconseille de tenter de lui mentir ouvertement. Une telle attitude serait pour le moins… risquée.
-Et qu’est-ce que vous voulez que je lui dise ?! répondit-elle, en commençant à paniquer. Dans quoi est-ce que vous m’embarquez ?!
-A vrai dire, docteur Stern, la situation vient de devenir particulièrement préoccupante pour moi aussi. Cet évènement n’était pas prévu, et est pour le moins inquiétant, étant donné le statut du docteur Jackson. Je ne suis pas en mesure de prédire avec certitude l’étendue des conséquences, mais il est clair que, quoi qu’il arrive, il serait préférable, pour toutes les parties concernées, qu’il ne se rende compte de cette situation que le plus tard possible.
-Et, ça va rester comme ça, ou ça va empirer ?
-Pardon ?
-Je ne suis pas une spécialiste des pouvoirs parapsychiques ou je ne sais pas comment ils sont appelés, mais, d’habitude, quand quelqu’un se retrouve avec eux, ils ne font que se renforcer au fil du temps, jusqu’au moment où soit ça le tue, soit ça le rend complètement fou, soit ça détruit une bonne partie de la ville ou de la planète…
-…
-Bon, d’accord, c’est comme ça dans les films, reconnut-elle, exaspérée, mais bon, je suis en train de parler à une I.A. alien des pouvoirs de télékinésie d’un archéologue à bord d’un vaisseau spatial conscient de la taille d’une ville à des millions d’années-lumière de la Terre. Comprenez que ça devient dur…
-… Je vois.
-Donc ? Les films ont raison, et on va tous se faire tuer, ou ça va juste se limiter à un gros avantage au poker ?
-Je crains que ces phénomènes aillent en s’amplifiant, à moins bien sûr que les Ascendants surveillant le docteur Jackson ne décident d’intervenir. Ce qui est la résolution la plus probable de notre problème, bien que je sois surprise que cela ne soit pas déjà fait.
-Donc, on espère l’intervention des Anciens, c’est bien ça ?
-… Oui.
-Je rêve. Et moi qui croyais que vous aviez les choses en main… lâcha-t-elle avec un rire nerveux.
-Je ne saurais que vous suggérer de prendre la situation actuelle au sérieux, docteur Stern.
-Oh, mais je la prends au sérieux. C’est juste que je viens de me rendre compte à quel point je suis foutue… conclut-elle finalement avant de se diriger vers le bureau du docteur Jackson.
Le SGC, à l’instar d’une grande partie des centres de commandement et des bases militaires terriennes, était en proie à un mélange entre agitation effrénée et instants de calme troublant. Les activités habituelles continuaient dans la mesure du possible, mais nul n’était dupe, devant le renforcement des mesures de sécurité et les rumeurs qui circulaient infiniment plus vite qu’auparavant, toutes plus alarmistes les unes que les autres.
Certaines disaient que des vaisseaux de la Flotte avaient été attaqués et détruits par une frappe surprise des Jaffa, d’autres affirmaient au contraire que les Ha’Taks n’étaient plus que des tas de cendres, et que les diplomates tentaient de sauver ce qu’ils pouvaient.
Tout ce que le sergent Rockwell savait, c’est que la situation était foireuse, et que lui et son groupe étaient partis pour quelques semaines au moins d’alerte et de patrouilles supplémentaires. C’eut été un euphémisme que de dire qu’il était moins qu’enjoué en apprenant le passage en haute sécurité de l’ensemble du complexe lunaire, mais il avait ses ordres, et s’y tenait.
Comme il avait obéi lors de l’incident qui avait mené à sa mutation dans le SGC.
Lorsque le Daedalus avait finalement pu repartir, la queue entre les jambes et trois prisonniers en moins, le débriefing avait été quelque peu chaotique, ne faisant que présager de ce qui attendait l’ensemble de la section de Marines lors de son retour sur Terre.
Un comité restreint les avait en effet attendus, commençant par une longue série d’avertissements sur la confidentialité des évènements qui, officiellement, ne s’étaient jamais produits.
Autant de plus pour le sergent, qui avait connu une demi-douzaine de vaisseaux, sur lesquels l’étrange avait côtoyé l’improbable, avec pour inévitable conclusion le secret sur tout ce qui avait pu se produire.
En tant que chef de l’équipe de sécurité qui était en service au moment de l’évasion, il avait mené ses troupes à la poursuite des fugitifs, usant de toutes les techniques possible pour les arrêter avant d’atteindre le hangar. Sans succès, comme les vidéos de sécurité le lui avaient démontré lors du débriefing sur la Lune. Le trio, en tenue écarlate de prisonniers, avait réussi à neutraliser aussi bien les sécurités des portes étanches que les armements soniques d’interdiction interne, le tout à une vitesse relativement impressionnante.
La solution retenue, une fois ses cibles dans le hangar, avait été de profiter de l’avantage qu’offraient les tenues de combat des Marines embarqués : leur capacité à fonctionner efficacement dans le vide. Mais le seul résultat de l’expulsion de l’atmosphère du hangar avait été le chaos et la destruction de l’une des portes épaisses qui clôturait l’excroissance de l’imposant navire, tandis que la poursuite ultérieure s’était terminée assez rapidement lorsque son équipe s’était vue expulser du vaisseau inconnu sans la moindre délicatesse.
Des jours durant, il avait subi, au même titre que tous les autres membres de son groupe et de celui du lieutenant Izuko, des tests médicaux et des débriefings individuels organisés par les services de renseignement. Suffisamment longtemps pour que leur vaisseau soit obligé de repartir sans eux, le forçant à changer d’affectation, une fois que les hommes et femmes qui s’étaient succédés devant lui avaient estimé qu’il ne pouvait plus rien leur apprendre sur les fugitifs et le vaisseau qui les avait recueillis.
Sa longue expérience et son dossier exemplaire l’avaient alors mené directement dans le Saint des Saints, le Centre de Commandement, situé parmi les niveaux les plus bas du complexe, sous suffisamment de roches lunaires et de plaques de trinium pour résister à des bombardements nucléaires directs. Là, il avait repris le même travail qu’à bord des différents vaisseaux de la Flotte : patrouiller, vérifier les individus suspects, assurer la sécurité des installations stratégiques.
Sa tenue était relativement impersonnelle, couvrant tous ses signes distinctifs, mais conçue spécifiquement pour lui laisser un champ de vision direct aussi large que possible, les concepteurs de son casque faisant assez confiance à d’éventuels agresseurs pour trouver une manière de désactiver les senseurs de sa combinaison. Celle-ci, légère, mais pressurisée, offrait une résistance convenable aux armes à énergies les plus courantes, tout en le mettant à l’abri des armes soniques et à micro-ondes qui parsemaient l’intérieur du complexe.
Et ces équipements, il le savait, étaient omniprésents dans le couloir où il montait la garde, celui-ci menant directement à la salle de guerre, abritée derrière ses doubles portes massives. Le simple fait que le flux d’officiers en direction et en provenance de cette pièce taboue avait plus que doublé depuis son arrivée était de nature à l’inquiéter. Quelque chose se préparait, et il était à quelques mètres d’une cible stratégique majeure, que tout général ennemi avec un minimum de bon sens chercherait à détruire de la façon la plus violente possible, le plus tôt possible.
D’un point de vue plus pragmatique, le rehaussement du niveau de sécurité l’obligeait à vérifier individuellement l’identité de chaque arrivant, depuis le personnel d’entretien jusqu’au général Carter elle-même. Et, que les Jaffas soient ou non sur le point de le désintégrer avec tout le reste du SGC en utilisant l’arme de Dakara, il n’appréciait que moyennement la durée des vérifications biométriques et le temps que mettait le central de sécurité pour confirmer la validité des badges d’accès qui lui étaient présentés.
Mais, alors qu’il voyait du coin de l’œil un autre groupe de militaires en tenues semblable à la sienne arriver, il lâcha un discret soupir. La relève était là, et son tour de garde s’achevait, indiquant qu’il n’aurait plus à assumer cette position avant cinq jours au moins, le poste qu’il occupait étant assigné de manière aléatoire aux membres de la garnison. La mesure de sécurité supplémentaire, prévue pour réduire encore le risque d’infiltration et les faiblesses humaines, signifiait pour lui qu’il était certain qu’il n’aurait pas, une fois sa période de repos terminée, à s’engourdir les jambes six heures durant devant le sas prévu pour survivre à une ignition thermonucléaire au contact.
-Deschamps, salua-t-il le sergent en charge de l’équipe venant le relever.
-Salut, répondit le québécois. Rien à signaler ?
-Non, toujours la routine. Plus de circulation qu’avant, mais vous êtes au courant, dit-il en plaçant sa main gauche sur un détecteur.
La paume gauche de sa combinaison, partiellement transparente, présentait quelques irrégularités différentes pour les tenues de chaque soldat à son niveau, et fournissait une preuve d’identité supplémentaire par rapport à la simple empreinte palmaire. Vérifiant la validité des informations fournies par ses capteurs, le dispositif s’illumina en vert.
-Sergent William Rockwell, India-Alpha-Papa-huit-un-un. Fin du tour de garde, douze heures, zéro-zéro.
Quelques secondes plus tard, son remplaçant fit de même, s’authentifiant auprès du dispositif automatisé :
-Sergent François Deschamps, Mike-Oscar-Roméo-quatre-sept-zéro. Début du tour de garde, douze heures, zéro-zéro.
-Allez, les gars, dit Rockwell en s’adressant à son groupe. On y va.
Vérifiant d’un regard la sécurité de son arme, et avança dans le couloir, en direction de l’ascenseur. Il ne jeta pas un regard à l’environnement, qu’il connaissait par cœur, et qui était spécifiquement dénué de toute aspérité pouvant cacher une partie du couloir à la vue du poste de garde. Lui et la demi-douzaine de soldats qui le suivaient arrivèrent moins d’une minute plus tard au niveau de l’ascenseur, au-dessus duquel trônaient les sorties des bouches d’aération, chacune large de quelques millimètres et réparties sur l’ensemble du complexe.
Une fois à l’intérieur, les langues se délièrent, tandis que les postures devinrent légèrement plus décontractées.
-Alors, qui est partant pour samedi soir ? demanda Lansen, l’un des soldats de son groupe.
-Quoi, c’est encore prévu ? s’étonna son second, le caporal Anderson. Avec tout ce merdier, ils vont encore le faire ?
-Tant qu’on reste discret, ça devrait marcher. Et puis, tu connais le capitaine. Elle a fini de bricoler son bestiau, c’est pas pour le laisser trainer dans un coin du hangar.
-Pas faux. Enfin, t’es sûr que c’est couvert ?
-Je l’ai croisée juste avant de venir vous rejoindre ce matin. Elle m’a dit qu’elle s’est arrangée, personne ne regardera de son côté samedi. Mais elle veut savoir rapidement qui est dans le coup, rapport aux réseaux à préparer.
-… OK, répondit finalement le caporal avant de demander au reste. Vous autres ?
Quelques acquiescements vinrent confirmer ce dont Rockwell se doutait, et il hocha lui-même de la tête, avant de demander :
-C’est contre qui, cette semaine, Rick ?
-Une civile, je crois, Pas bien saisi son nom, un truc suédois, quelque chose comme ça…
-Civile… Elle est clean ?
-Apparemment, selon le capitaine. De toute façon, si elle peut venir ici…
-Pas faux, admit le sergent. Si elle peut arriver dans les hangars du SGC sans être habilitée, on aura de toute façon d’autres problèmes qu’une simple course de rovers à annuler, se dit-il, en pensant à l’évènement mensuel qu’organisait l’une des chefs mécaniciennes du SGC.
Le jour de la pleine lune, où le SGC était à l’opposé de la Terre, et donc totalement invisible de celle-ci la course de rovers devenaient l’attraction officieuse d’une partie non-négligeable du gigantesque complexe. Le lieutenant Hasegawa et son adversaire du moment prenaient un véhicule fabriqué le mois précédent avec les pièces détachées récupérées sur place, et faisaient plusieurs tours d’un circuit déterminé à peine quelques heures plus tôt, passant par quelques-uns des cratères voisins.
L’équipe de Rockwell avait rapidement appris l’existence de cette activité, autour de laquelle se faisaient une bonne partie des paris, financiers ou autres entre les soldats et les sous-officiers de la base. Le sergent avait rapidement compris, comme le reste des personnes impliquées, que les officiers, et probablement Carter elle-même, étaient au courant de la pratique et la toléraient tant qu’elle n’interférait pas avec les activités ou le secret du SGC.
Il avait tout aussi rapidement compris qu’il était suicidaire de parier contre le capitaine Hasegawa lorsque son adversaire du mois faisait partie du personnel de la base. Un simple regard sur les résultats des mois précédents l’avait éclairé sur ce point, la jeune femme ne perdant ou n’étant mise en danger que très rarement, par certains des meilleurs pilotes de chasse basés sur la base, ou, plus souvent, par les personnes qu’elle faisait venir de temps à autre.
Selon ce qu’il avait entendu, elle avait fait partie d’une équipe SG un temps, avant de demander sa mutation dans les services techniques, pourtant bien moins prestigieux et propices aux promotions. Pourtant, son grade, associé à son jeune âge, argumentaient en faveur des compétences de meneuse d’hommes qu’on lui prêtait. Quant à son talent de conduite, il allait le vérifier de visu à la fin de la semaine, avec presque tout le reste de la garnison.
L’ascenseur acheva son trajet, et s’ouvrit sur un autre couloir, celui-ci parsemé de croisements et de portes. D’un mouvement, le groupe sortit de l’imposante cabine, et se dirigea vers les baraquements, où se situaient les vestiaires avec les équipements nécessaires pour retirer les tenues de combat qu’arboraient chacun des militaires.
A quelques centaines de mètres sous ses pieds, la salle de commandement était plus active que jamais, la cuve holographique centrale n’affichant plus qu’une carte du Petit Nuage de Magellan depuis le début de la crise. Tout autour de celle-ci, des pupitres formaient une série d’anneaux concentriques, où des sous-officiers et quelques officiers traitaient les données, transmettaient les informations et mettaient à jour les bases de données militaires.
Le général Samantha Carter lâcha un léger soupir devant ce spectacle, qu’elle observait posément depuis une passerelle qui dominait la salle circulaire, avant de se retourner vers un groupe d’officiers qui venait d’arriver.
-Du nouveau du côté de Dakara, Ivan ? demanda-t-elle à son responsable des renseignements extérieurs.
-Non, madame. Nos sources n’ont pas indiqué de changement majeur chez les Jaffa. Toujours le chaos, et Bra’tac réussit à tenir ses positions. Le statu quo n’a pas l’air de vouloir changer pour le moment.
-Vos estimations ?
-Les analystes disent que Gerak est en position de force, avec les derniers évènements. Il pourrait vouloir prendre l’initiative sans passer par les canaux officiels.
-Bra’tac le sait-il ? demanda-t-elle, inquiète pour son vieux compagnon d’armes.
-Mieux que nous, probablement. Quoi qu’il en soit, il sait pour “Tonnerre Bref“, et notre équipe est en position, avec un temps de réaction d’un quart d’heure.
-Si on en vient à ça… murmura-t-elle, sachant parfaitement quelles conséquences pourraient avoir l’extraction d’urgence des dirigeants jaffas les plus proches de la Terre.
“Tonnerre Bref“ pourrait minimiser les dégâts d’un coup d’État, mais ternirait à jamais les relations avec une Nation Jaffa alors certaine d’être soumise à des tentatives d’ingérence directe de la part de la Terre.
-Capitaine Scott, est-ce que l’Administration a répondu à notre demande ?
-Oui, madame, répondit son officier de liaison avec les forces planétaires, le nouveau protocole a été accepté, et si le conflit devient ouvert, tous les armements ASAT seront sous le contrôle direct du SGC. Plusieurs batteries sont en cours de repositionnement près des zones urbaines d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, là où la couverture navale est insuffisante.
-Très bien… Assurez-vous que les prochains exercices prennent ça en compte.
L’ancienne membre de SG-1 se retourna à nouveau, posant son regard sur la petite icône bleue représentant le groupe du Concordia, autour de laquelle flottaient plusieurs points orangés, indiquant les positions présumés des vaisseaux jaffas qu’ils essayait d’éviter.
-Transmettez au Concordia ses nouveaux ordres. Si ses poursuivants engagent le combat, il devra se retirer aussitôt que possible et revenir vers la Terre à vitesse maximale, mais il devra séparer deux de ses croiseurs vers le point de rendez-vous Écho, pour y attendre le groupe de Padorine, qui en prendra les commandes.
Elle n’entendit qu’à peine les acquiescements de ses subordonnés, le regard plongé dans la représentation de la galaxie naine. Ne vous faites pas retrouver, amiral. S’ils vous tirent dessus, je devrai riposter, se dit-elle avant de tourner la tête vers une porte dérobée, gardée par un peloton de Marines, les seules personnes armées à part elle dans la pièce. Derrière l’épaisse cloison bardée de rayures noires et jaunes se trouvait le système de commande qu’elle avait en partie conçue, et qui la réveillait encore certaines nuits. Le système qu’avait rendu nécessaire l’arme de Dakara et l’accord tacite de SG-1 sur les évènements de Vorash. Une arme de destruction massive avait été passée sous silence pour se voir remplacer par une autre.
Le pupitre relié aux systèmes Horizon.
Une centaine de vaisseaux autonomes dispersés dans la Voie Lactée, dotés d’un occulteur, d’un hyperpropulseur à usage unique et de plusieurs dizaines d’engins au naquadriah, tous contrôlés depuis cette petite pièce. Elle avait l’un des codes, le commandement politique avait l’autre, et quelques centres distants pourraient prendre le relais si la Terre venait à tomber brusquement. Une reproduction aussi littérale que possible de la politique de la Guerre Froide, qui avait réussi à tenir les deux Blocs dans un respect mutuel de l’annihilation totale.
Mais les Jaffas n’étaient pas les Soviétiques. Elle comprenait, dans une certaine mesure, leur façon de penser, s’étant battue avec et contre eux des années durant.
Et, à chaque fois qu’elle y réfléchissait, le sommeil se voyait remplacé par une terreur muette.
Shanti observa le pilote les rejoindre dans la salle de briefing, décomposant son attitude, son visage, ses émotions, pour y retrouver les contrecoups de l’expérience que lui avait fait subir l’I.A.
Une expérience par trop similaire à celle qu’elle-même avait connue dans les dernières semaines, à ceci près que Campbell n’avait pas de sang sur les mains. Pas encore, se corrigea-t-elle.
Pendant les quelques heures qui avaient suivi son réveil, elle n’avait pu rester reposée, son esprit submergé par une connexion empathique qu’elle ne voulait pas couper. La jeune femme savait parfaitement que son coéquipier devait, d’une manière ou d’une autre, extérioriser ses nouveaux souvenirs, comme elle-même avait dû, plus tôt, résister à la tentation de se renfermer.
Lentement, le flux d’émotions s’était calmé. Si elle savait qu’il faudrait du temps pour cicatriser, que le pilote n’était pas remis, elle avait au moins pu être rassurée par la stabilité apparente qu’il commençait à afficher. Stressé, mais d’une façon à laquelle il pouvait s’habituer. Et éventuellement accepter.
D’une certaine manière, la nouvelle situation l’avait aidée, la forçant à maitriser ses propres émotions afin d’éviter au pilote un fardeau inutile. Instinctivement, Shanti avait retrouvé le chemin de la baie d’observation, s’y installant afin de retrouver ce sentiment de calme qu’elle avait cherché lors de sa convalescence.
Et dans lequel elle avait failli se perdre.
Mais, à présent, le pilote était de retour, affirmant par sa présence une amélioration suffisante de son état pour être à nouveau opérationnel dans ce qui avait autrefois été nommé SG-22. La voix de leur hôtesse, semi-geôlière, semi-complice, s’éleva alors depuis les murs :
-Heureuse de vous revoir parmi nous, lieutenant Campbell.
-C’est ça. murmura-t-il. Qu’on en finisse…
-Très bien, répondit l’I.A., alors que s’affichait une projection tridimensionnelle de la région et des étoiles voisines. Le principe de l’opération demeure le même, et la première étape va commencer dès la fin de ce briefing. Vous serez déployés dans les systèmes illuminés ici, là et là. Mes observations et prévisions stratégiques indiquent que vous y serez rejoints, au bout de six heures au maximum, par un à plusieurs vaisseaux d’interdiction. Vous engagerez alors une escarmouche aussi visible que possible, en vous efforçant cependant de ne pas causer de dégâts graves à vos cibles.
Le nuage d’étoile laissa place à une représentation d’un système individuel, dans lequel une frégate similaire à celle qui les avait hébergés ces dernières semaines flottait de façon identique aux corps célestes naturels. Le trio vit alors apparaitre la silhouette du vaisseau qui avait détruit le Bellérophon sous leurs yeux. Aussitôt, la frégate se mit en mouvement, faisant face à sa cible avant de se figer.
-Une fois leur attention tournée vers vous, vous vous dirigerez vers votre point de navigation, situé à quelques dizaines d’années-lumière du lieu de l’embuscade. Vous attendrez alors un délai d’au moins sept minutes, avant de vous réunir au second point de navigation. Là, vous y trouverez un nuage de comètes dans lequel vous vous rendrez avant de revenir en direction de cette flotte par le chemin enregistré dans vos ordinateurs.
-Juste une question, intervint Shanti, ce n’est pas vous qui allez diriger les frégates par notre intermédiaire ?
-Si, lieutenant, mais je tiens à rappeler à votre attention que nous ignorons à peu près tout des capacités de guerre électronique et de défense à longue portée des appareils que nous sommes sur le point d’attaquer. Votre rôle ici n’est pas qu’un simple relais de communication, mais bien celui de commandement et de contrôle dans le cas où je suis dans l’incapacité de diriger les vaisseaux engagés. Que ce soit à cause d’un brouillage des communications ou de dégâts physiques subis en représailles de nos actions.
-Vous nous envoyez donc au casse-pipes sans la moindre info sérieuse, en conclut Campbell.
-Une telle conclusion est réductrice et mal informée, lieutenant. Au vu de mes ressources, vous êtes actuellement, chacun de vous, plus précieux que les vaisseaux dans lesquels je vais vous déployer.
-Tiens donc, répondit sarcastiquement Maltez. Je n’ai pas envie de voir ce qu’on aurait subi si on avait été encore plus précieux…
-Dois-je souligner une fois de plus que je ne peux me baser sur la simple force brute pour neutraliser la menace posée par Hagalaz ? J’ai davantage besoin d’agents au bon endroit et au bon moment que de vaisseaux obsolètes et en infériorité numérique flagrante. Pour ce qui est de mes choix quant à votre préparation à vos rôles, nous en discuterons, comme convenu, à l’issue de cette opération, une fois en route vers notre véritable objectif. En attendant, mes priorités, et, avec un tant soit peu de bon sens, les vôtres, sont de gagner du temps face à l’avancée des forces adverses dans le Petit Nuage de Magellan. A ce titre, il y a eu, depuis le dernier briefing, un changement de situation, concernant principalement vos forces.
-Pardon ? s’étonna Maltez.
-Oui. Le groupe d’action déployé autour du Concordia est actuellement en train d’exécuter un nombre important de manœuvres dilatoires, apparemment en vue d’échapper à la poursuite de nombreux appareils Jaffa.
-Quoi ?! lâcha Shanti. Qu’est-ce qui se passe ?
-La situation politique entre la Terre et la Nation Jaffa s’est encore détériorée ces derniers jours, mais il n’y a eu, pour le moment, aucun affrontement de nature militaire. Vos vaisseaux cherchent, sagement, à éviter le contact avec la flotte Jaffa. Quoi qu’il en soit, cela signifie que les vaisseaux des deux camps sont actuellement plus éloignés que jamais de notre propre zone d’action, à part une poignée de vaisseaux Jaffas et Terriens procédant à des opérations de reconnaissance et d’action clandestine. Nous devrions ainsi avoir plus de liberté d’action durant les jours à venir, et, éventuellement, pouvoir exécuter la seconde phase de l’opération sans intervention de leur part.
-Et si on croise quand même un vaisseau à nous ou aux Jaffas… dit le pilote. Quelque chose de particulier à prévoir ou à faire ?
-Dans le cas, très improbable, où il m’est impossible de repérer suffisamment tôt l’arrivée d’un élément extérieur, essayez par défaut d’éviter le contact. Cela me fournira le temps de confirmer avec le docteur Stern les actions à entreprendre pour exploiter une telle opportunité. D’autres questions ?
Devant les réponses négatives du trio, Atlantis reprit :
-Excellent. Il est donc plus que temps de commencer l’opération, conclut-elle quelques instants avant qu’une série de flashs ne vienne faire disparaitre les anciens membres de SG-22.
Surprise par la téléportation, Shanti observa rapidement son nouvel environnement, tous ses sens à l’affut, avant de se décontracter en reconnaissant le poste de contrôle d’une frégate.
-Tout le monde va bien ? lança-t-elle silencieusement à ses compagnons d’infortune.
-… OK de mon côté, répondit de la même manière Campbell, dont elle sentait le pic de stress s’évanouir dans le malaise continu qui le caractérisait depuis la dernière intervention d’Atlantis. Je ne sais pas où vous êtes, mais ça ressemble au pont de commandement de notre dernier engin, ici.
-Pareil ici, confirma Maltez sur le canal général.
La jeune femme fit quelques pas en avant, cherchant d’éventuels détails supplémentaires sur la petite pièce, avant de s’immobiliser, près d’un fauteuil.
-La même chose… elle ne perd pas de temps, on dirait. A votre avis, combien de temps avant qu’on parte ?
-Sept minutes et douze secondes, lieutenant Bhosle, répondit Atlantis par des haut-parleurs cachés. Le temps nécessaire pour achever la reconfiguration complète des systèmes de commande afin de les rendre compatible avec votre structure neurale.
-Ouais, intervint à nouveau le pilote. Bonne nouvelle, elle aura eu au moins un problème avec tout ce merdier.
-Heureux de voir que vous savez encore apprécier les petits plaisirs de la vie, lieutenant, répondit Maltez, dont les émotions trahissaient l’amusement.
-On fait avec ce qu’on a…
-Il faut bien, Tom, reconnut leur supérieur. Il faut bien… Bon, j’ai un truc ou deux à voir avec Atlantis. On se revoit au point de rendez-vous, OK ?
-Bien compris, acquiesça Shanti, en même temps que le pilote.
-Alors, dit celui-ci. On est partis pour une nouvelle mission pourrie, hein ?
-On commence à s’y habituer, réplica-t-elle.
-Difficilement… difficilement.
-…
-A ton avis, qu’est-ce qu’on fera, une fois tout ce truc fini ?
-Avec Hagalaz ?
-Oui.
-Je ne sais pas, admit-elle. Je ne me fais pas d’illusions. On ne rentrera pas. En tout cas, pas sous nos propres noms.
-… Je sais. Enfin, même, si on pouvait, je ne sais pas…
-Revenir sur la terre ferme ? proposa-t-elle.
-Oui, quelque chose comme ça. Enfin… faut pas se faire trop d’illusions. Elle n’a pas sorti tous ces vaisseaux et autant de moyens pour nous laisser filer au bout d’un mois ou deux.
-Peut-être… C’est pas comme si on arrivait à prévoir ce qu’elle compte faire, si ?
-J’essaierai de voir ça de mon côté. Lui dire que c’est pour “le moral des troupes“, ou un truc de ce genre. Si on doit lui servir de soldats, autant essayer de décrocher une perm’.
-Ca vaut le coup, reconnut Shanti. Et puis, elle ne peut pas être pire que les gars de l’administration au SGC.
-Ouais... je vais voir ça…
-D’accord, Tom. Tu me tiens au courant de tes négociations ? Qui sait, si elle a une fibre sentimentale, tu devrais pouvoir la trouver !
-On fait comme ça, alors, conclut-il. Bonne chance.
-A toi aussi, Tom… Évite de prendre trop de risques, compris ?
Elle ressentit le rire douloureux du pilote.
-Ne t’en fais pas pour ça, Shanti. J’en ai déjà eu toute une vie… dit-il, avant de mettre fin à la communication.
La jeune femme s’assit dans le fauteuil, qui s’adapta en quelques instants à son nouvel occupant. D’un œil distrait, elle regarda les différentes parties du poste de commande s’allumer, alors que les écrans et les projecteurs holographiques subissaient plusieurs batteries de tests. Après s’être étiré les bras et la nuque, elle soupira.
Oui. Toute une vie… pensa-t-elle alors que ses sens, qui englobaient à présent une partie des senseurs du vaisseau, enregistraient l’imperceptible vibration du propulseur hyperspatial en train de se charger.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
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Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Étant donné que je risque de ne pas avoir accès au net ce WE, je poste le chapitre hebdomadaire aujourd'hui. Et n'oubliez pas l'offre spéciale d'Effet Papillon : pour chaque comm' posté, un comm' publié !
Chapitre 23 :
Le vol avait été bref, alors que la frégate autour qu’elle se dirigeait vers un point déterminé par Atlantis. La jeune femme qui était assise au cœur du vaisseau, dans la salle de contrôle, avait été surprise par l’afflux d’émotions en provenance du navire. Après quelques minutes, cependant, il lui avait été plus facile d’isoler les nouvelles informations de celles venant de son corps véritable.
Si autour d’elle se trouvait le couloir hyperspatial, elle était néanmoins à l’intérieur de la pièce circulaire, qui affichait presqu’inutilement les diverses données qui lui étaient transmises au travers de son lien empathique. Ouvrant finalement les yeux, elle vit dans les hologrammes qui circulaient et alternaient, parcourus de myriades de séquences et de schémas, une simplification abusive d’une réalité complexe, vulgarisation destinée à d’éventuels spectateurs désireux de se faire une idée de la situation extérieure. Intellectuellement, elle savait que les écrans étaient conçus pour afficher leurs informations en un amas de données superposées infiniment plus complexes que ce que lui montrait le poste de commande. Contrairement à elle et ses capacités d’analyse pourtant améliorées et accélérées, l’équipage pour lequel le vaisseau était conçu n’aurait eu aucun effort à faire pour observer, trier et analyser l’ensemble des affichages. Seule une volonté de courtoisie à l’égard d’éventuels visiteurs non-Anciens à bord avait justifié la conception d’écrans séparés et ne comprenant que trois à quatre filtres.
Mais les informations qui lui étaient transmises, après filtrage, analyse et mise en contexte par Atlantis, étaient autrement plus complètes. Ainsi, lorsque son navire put surgir dans l’espace conventionnel, Shanti fit, en quelques instants, connaissance d’un système stellaire anonyme. Des observations fournies par les senseurs furent établies des extrapolations logiques, tant sur le passé que le futur du cortège d’astres qui parcouraient sans relâche l’éther. La position relative des corps présents fut prévue sur des échelles se comptant en millénaires, tandis que les états passés lui apparaissaient comme autant de livres ouverts. Dans ceux-ci se trouvaient des incohérences, anomalies inexplicables par les simples données présentes, témoignages du passage de vaisseaux et d’individus étrangers à ce lieu. Lentement, en quelques microsecondes, les explications hypothétiques furent établies, comparées, classées, éliminées, sélectionnées, jusqu’à ce que les divers scenarii plausibles de l’histoire du système puissent être tracés.
La jeune femme, placée au cœur du système, à qui échouerait le commandement dans le cas où la situation rendait impossible le contact avec Atlantis, prit inconsciemment connaissance de cette quantité pour ainsi dire astronomique de données. Accessibles, mais non intrusives, les informations flottaient, à peine éloignées d’une pensée de son esprit, venant s’imposer telles des évidences si le besoin s’en faisait sentir mais restant à l’écart de ses réflexions.
Elle se voyait filer silencieusement dans le vide interplanétaire, ne prêtant qu’une attention limitée aux corps inertes qui flottaient à quelques unités astronomique du vaisseau allongé. En moins de temps qu’elle n’en avait passé dans l’hyperespace, elle se rendit à la position prévue et changea sa trajectoire en une fraction de seconde, se fixant sur une orbite elliptique autour de l’étoile voisine. La jeune femme reprit alors conscience de son état propre, de sa position, et ouvrit à nouveau les yeux, avant de se lever du confortable fauteuil. Toujours connectée à la frégate, elle fit quelques pas au hasard dans la pièce, respirant lentement alors qu’elle s’efforçait de se retrouver elle-même, parmi les nouvelles sensations.
La réunion s’était achevée sans incident, les conclusions de chaque équipe étant partagées avec le reste des spécialistes, dans un ballet de savoirs neufs et anciens qu’Atropos préférait observer de loin. Son rôle, sans lui déplaire, n’était pas de participer à cet échange, mais de le coordonner, avec le reste des activités auxquelles participaient ceux et celles qui, techniquement, étaient ses subalternes. Paisiblement, elle observait l’évolution des réactions, attendant l’instant sublime de l’accord. Celui où tous reconnaissaient la validité de la théorie, sa capacité à décrire et à prédire scientifiquement les faits observables, sans que plus aucun doute ne vienne s’opposer au Progrès. Cela, plus que toutes ses autres missions, était le véritable intérêt de son poste. Le moment qui, à chaque fois, justifiait tout, lui rappelant la noblesse d’une tâche qui jamais ne saurait se terminer.
De temps à autre, une voix isolée venait s’opposer à la mélodie du groupe, venant contester les pensées, les conclusions, les suppositions. Il arrivait à une telle voix d’avoir raison, plus souvent tort, mais, à chaque fois, le débat continuait. Sans attaques ad hominem ni argumentation fallacieuse, mais simplement à l’aide des outils que ses semblables avaient su façonner à partir de la Logique. Les échanges se poursuivaient avec la même intensité, le même intérêt, que le camp adverse soit de nombre égal ou bien constitué d’un individu isolé.
Elle ne pouvait qu’apprécier cette qualité présente au sein de sa civilisation : la capacité à discuter une question de manière absolue, puis d’accepter la conclusion sans rechigner jusqu’au jour où venaient d’éventuelles données contradictoires. Mais si la qualité était présente au niveau civilisationnel, elle ne l’était cependant pas au niveau individuel. Pas de façon globale, pour le moins.
Certaines, certains, cherchaient à remettre en cause les hypothèses acceptées, sans pour autant présenter des contradictions, des contre-exemples, des raisonnements aux résultats plus précis. Poussés par l’instinct ou refusant de se plier à la Science, à la Vérité, ceux-là causaient du tort aux artisans des différentes branches du Savoir, créant autant de fronts aussi inutiles que coûteux en ressources et en temps. Il était admis que les hypothèses non testées préalablement se voyaient traitées sur un pied d’égalité, du moment que leurs prévisions ne se voyaient pas remises en cause par l’expérience.
Un principe fondamental, qui n’était cependant pas à l’abri d’erreurs et de fautes, et qu’elle venait parfois à considérer comme une faiblesse potentielle. Elle savait quand rappeler les intervenants à l’ordre, souligner le manque de crédibilité des propositions les plus farfelues, gérer les priorités expérimentales pour optimiser l’usage de ses ressources. Mais d’autres non, et toute sa civilisation souffrait de tests dont chacun connaissait l’évidente conclusion, mais que nul ne remettait en cause pour respecter cette impartialité supposée.
Regagnant la passerelle de commandement, elle acheva sa synchronisation avec l’imposant navire, qui s’apprêtait à continuer son éternel voyage au milieu des étoiles.
Le système trouvait ses limites, alors qu’il était censé ne pas en connaître, et, tôt ou tard, ces mêmes règles fixées pour libérer la Science l’enfermeraient dans un carcan créé par ses propres serviteurs. Mais si ceux-ci se révélaient chaque jour plus nombreux à être incapable d’accepter les erreurs de leurs vues, elle serait vigilante. Sa mission n’était peut-être pas aussi noble que celle de son équipage, mais elle était tout aussi indispensable.
Surveiller et contrôler les flux d’idées, de concepts. Et éviter les complexifications abusives et gratuites qui tenaient des jeux de pouvoirs et de l’orgueil davantage que de l’intérêt professionnel.
La Science était avant tout la Vérité. Quelque chose sur lequel tout le monde se devait de s’accorder. Sans ça, quel sens avait-elle ?
Shanti fut tirée des souvenirs par une légère sensation qu’elle identifia aussitôt comme celle de l’alerte de proximité. Elle tourna la tête dans la direction où étaient traditionnellement affichées les cartes tactiques à bord de tels vaisseaux, et ne fut pas déçue en y voyant apparaitre une représentation schématique du petit système stellaire, qu’elle avait appris peu de temps auparavant à connaitre aussi précisément que sa ville natale ou les chambrées qui l’avaient accueillie au SGC. A quelque distance de l’étoile, et légèrement au-dessous de l’écliptique, l’icône d’un nouveau vaisseau s’afficha, adoptant une code de représentation similaire à celui en vigueur sur Terre.
Elle observa le petit carré jaune, qui semblait se mettre à accélérer vers l’intérieur du système, tandis que les capteurs passifs collectaient leurs informations. En quelques instants, la tâche fut accomplie, et l’icône se métamorphosa en un losange rouge écarlate, près duquel une liste d’informations apparut, fournissant un rappel de toutes les données nécessaires aux manœuvres qui allaient suivre.
-En avant, lente, propulsion furtive seulement, cap 0-2-6 par 3-1-5 s’entendit-elle dire à voix basse.
Pendant une fraction de seconde, le silence reprit le contrôle de la pièce, avant d’être interrompu par une seconde voix :
-… A vos ordres, lieutenant Bhosle.
-Qu’est-ce que… ? dit finalement cette dernière.
-Je ne saurais en être sûre, répondit l’I.A., mais je ne vois pas pour le moment de problèmes dans les ordres que vous venez de me donner. Tant que ceux-ci restent dans les paramètres de réussite de la mission, il n’y a pas de raison de m’opposer à vous. Cependant, par mesure de sécurité, je ne peux vous laisser le contrôle direct du navire. Les risques d’être alors découverts deviendraient trop importants.
-… D’accord ? fit-elle, hésitante.
-Il est probable, lieutenant, que certains souvenirs aient commencé leur intégration profonde, et je dois avouer être curieuse quant aux effets à si court terme sur un esprit humain.
-Atlantis ?
-Oui ?
-La ferme ? tenta-t-elle, lassée.
-Négatif, lieutenant, il me faut maintenir un canal de communication ouvert en tous temps entre nous deux.
-Vous n’avez pas besoin de me parler pour ça, si ?
-Non, en effet. Mais je préfère, ce qui est en soi une raison suffisante, lieutenant.
-J’aurai essayé, au moins, soupira Shanti avant de reporter son attention sur l’une des cartes holographiques.
A nouveau, elle se tut, laissant le navire se gérer tout seul, obéissant à ses derniers ordres.
Elle doit s’amuser, là où elle est, maintenant… Hein, Tsippora ? pensa-t-elle. Tu n’es pas la seule à être coincée dans une situation sans issue, avec un vaisseau aussi beau qu’inutile.
Pas foncièrement inutile, se répondit-elle toute seule quelques instants plus tard. J’ai fait ce que je pouvais, quand je le devais, et ce que je devais, quand je le pouvais. Rien de plus, rien de moins.
Et qu’est-ce que je peux… reprit-elle silencieusement avant de s’interrompre. Je suis en train de discuter toute seule, hein ?
Peut-être, si tant est que toute seule a le moindre sens dans mon cas, désormais… Il y a quelques psys que je devrais revoir, quand ça sera fini, juste pour les faire pleurer, se dit-elle avec un petit sourire intérieur.
-Passage en vol balistique d’ici dix secondes après le signal, tous systèmes externes éteints… murmura-t-elle d’une voix détachée. Top.
La jeune femme sentit le vaisseau, sa nouvelle extension, cesser d’accélérer tandis que les souvenirs de la militaire Ancienne en elle s’estompaient pour revenir dans le bruit de fond permanent de ses pensées. Elle suivait, par ses différents sens, la progression lente de son appareil par rapport à sa cible, qui avait choisi de l’ignorer, leurrée par les systèmes internes ayant camouflé la véritable nature du vaisseau Ancien.
Plutôt que de chercher à disparaitre entièrement face à un regard inconnu, la frégate avait pris, pour les observateurs éloignés, toutes les apparences d’un engin infiniment plus primitif, à peine capable d’être là où il se trouvait, dans un système isolé et dénué d’intérêt. Pour un éventuel observateur extérieur, cet endroit de l’espace n’aurait rien accueilli de plus qu’un assemblage inesthétique et maladroitement fonctionnel de grands compartiments à la surface saturée de tuyaux et panneaux d’accès, réussissant à peine à maintenir son équipage en vie. D’instinct, Shanti savait que cette ruse ne pourrait fonctionner que quelques minutes au mieux, le temps que les images de son arrivée dans le système ne parviennent aux yeux du vaisseau.
Quelques minutes parcourues à la lente vitesse de la lumière avant que la vérité ne puisse faire autrement qu’éclater, révélant la véritable nature de l’intrus, et provoquant à coup sûr une attaque préventive.
Suffisamment de temps pour prendre l’initiative.
D’une pensée, elle activa les systèmes d’alimentation les plus basiques de l’armement principal, prenant soin de ne pas envoyer un quelconque signal pouvant être détecté par des senseurs à capacité supraluminique. Elle s’approchait sur une trajectoire aussi peu menaçante que possible, qui présentait toutefois l’insigne avantage de la mettre à portée de tir efficace avant que son identité ne puisse être déterminée avec précision.
Silencieusement, les rapports lui parvinrent, confirmant le bon déroulement des préparatifs, et elle sentit son cœur battre légèrement plus vite. Prenant quelques secondes pour respirer profondément, elle tenta de faire le vide dans sa tête. Effort qui était condamné d’avance par la multitude d’informations envoyées en permanence par les systèmes du vaisseau, qui, malgré les filtres d’Atlantis, menaçaient de la submerger.
Tout va bien, Shanti, se dit-elle sans force. Elle a un Plan particulièrement compliqué, mais qui va marcher, et on va rentrer. On va rentrer…
Dirigée par son nouvel instinct, elle vérifia le temps restant avant l’arrivée sur le vaisseau adverse de la lumière émise par sa propre sortie d’hyperespace. Le compte à rebours s’écoulait rapidement, et elle entendit la voix féminine de l’I.A. lui murmurer à l’esprit :
En théorie, nous devrions déjà avoir ouvert le feu. Sachez que, dans le pire des cas, je reprendrai les contrôles de tir suffisamment tôt pour éviter tout risque de contre-attaque ennemie.
A quoi ça correspond, “suffisamment tôt“ ? s’entendit-elle demander.
J’ose penser que vous le savez. Tout du moins, Tsippora l’aurait su, répondit Atlantis.
Elle est… était, elle. Je suis moi. Contentez-vous en, répliqua Shanti.
Bien sûr, lieutenant. Je ne niais pas votre identité, mais ses souvenirs sont présents, désormais, alors essayez d’en faire bon usage autant que possible, conclut la voix.
Expirant lentement, elle porta son regard sur l’affichage holographique représentant le vaisseau, identique à celui qui avait détruit le Bellérophon et l’avait emmené dans cette histoire improbable. Un schéma vint se superposer, indiquant les différentes sections du navire, avec leurs fonctions probables. La jeune femme ne se posa pas plus de questions que nécessaire sur l’origine de tels renseignements, et demanda un vecteur de tir traversant les systèmes de communication et de propulsions principaux, ignorant délibérément ce qui pouvait s’apparenter au matériel de support vital.
L’instant d’après, la solution de tir lui fut fournie, prenant en compte les nombreux maelströms gravitationnels qui avaient, une éternité plus tôt, fait paniquer tous les senseurs d’un Jumper occupé par quatre faibles humains.
Se figeant dans sa position, elle se sentit revenir à bord de la frégate dirigée par la militaire qui avait partagé ses souvenirs.
Les Wraiths avaient fait resurgir une émotion que n’avait plus connue son espèce depuis bien trop longtemps : l’incertitude. Elle devait décider si la présence de ce navire était une erreur tactique ou bien un appât pour un plan qui mènerait inévitablement à la perte de son vaisseau, bien plus précieux que l’appât en question. Et si, le cas échéant, le plan en question misait sur une attaque ou sur son inaction. Ou sur son départ immédiat avec ou sans attaque.
Elle prit finalement sa décision, et agit.
“Feu“, souffla-t-elle sans hésitation apparente, déclenchant une chaine d’évènements qu’elle avait d’immenses difficultés à anticiper. Elle avait décidé de pénétrer, avec toute sa frégate, dans l’inconnu. Avec une seule certitude. Sa cible ne serait bientôt plus.
Les générateurs du canon principal s’activèrent brusquement, avec un timing parfait, crachant brusquement leur flot de particules à l’intérieur d’une bulle presqu’isolée du reste de l’univers, raccordée par des liens ténus, demandant eux-mêmes une énergie colossale.
Son vaisseau était devenu, pour qui savait voir, un phare illuminant tout le système stellaire, et la réaction n’allait pas tarder, elle le savait. Mais elle savait aussi qu’il serait alors trop tard, tandis que les millisecondes s’écoulaient, les unes après les autres, marquant la fin de l’armement du canon.
Au sein de celui-ci, autour duquel était construite la frégate, la bulle achevait de se remplir, poussant les dispositifs de contrôle aux limites de ce qu’avaient anticipé leurs concepteurs des éons auparavant. Lorsque vint le moment optimal, une impulsion de gravité se propagea dans l’impossible nuage qui occupait désormais presque tout l’univers qui lui était alloué. Ce dernier se comporta alors comme une cuve de résonnance, dans lequel se forma un faisceau à chaque rebond plus pur, jusqu’à ce que, au bout de quelques millions de cycles, la milliseconde suivante, la bulle ne se perce. La singularité qui s’était formée dans la bulle torturée par la concentration d’énergie s’était manifestée comme une simple fente dans l’univers de poche créé un instant plus tôt.
Une ouverture qui servit de point de départ à un flux de particules pour qui la vitesse de la lumière n’était qu’une hypothèse fort intéressante mais tout à fait discutable.
Laissant derrière lui une cicatrice dans l’espace-temps, le faisceau parcourut en moins d’une microseconde la minute-lumière qui le séparait de sa cible, chaque atome présent sur son chemin subissant une série de phénomènes communément considérés comme absurdes par la communauté des physiciens n’ayant pas conçu l’arme.
La raison-même de sa conception, puisque la cible se retrouva au cœur des dites-absurdités.
Le trait, large de quelques microns, traversa brièvement les champs de gravité, puis la coque elle-même. L’instant d’après, il ressortit, continuant son court chemin au cours de la très brève vie de telles particules dans un univers ne pouvant tolérer leur existence.
Autour du point de passage, les atomes se mirent à se fragmenter, à se transformer en leur équivalent en antimatière, à être propulsés à des vitesses relativistes, ou, rarement, à conserver leur état initial. Leur folie fut contagieuse, et, en quelques microsecondes, les zones touchées se transformèrent en un tube de plasma de quelques mètres de diamètre qui acheva de ravager les compartiments voisins, alors que les systèmes de sécurité, activés lors de l’activation du canon, s’échinaient à produire des champs de force de nature à conduire le flux de plasma vers les brèches.
A un peu moins de vingt millions de kilomètres de là, Shanti reçut confirmation de l’impact, et l’ordre de retraite suivit aussitôt. La jeune femme ne chercha pas à découvrir l’état des dégâts sur sa cible, sachant parfaitement ce qui arriverait si elle restait trop longtemps sur place après avoir attaqué un de ces vaisseaux.
Les systèmes défensifs de son nouveau navire étaient peut-être à même de l’empêcher de subir le même sort que le croiseur détruit quelques semaines plus tôt, mais elle ne tenait pas à faire l’expérience de sitôt. Qui plus est, l’I.A. mégalomane et omnipotente qui l’hébergeait semblait vouloir être prudente face à ces adversaires.
Elle lâcha donc un soupir de soulagement lorsque la frégate entra dans la fenêtre hyperspatiale qui la mènerait vers l’un des systèmes préparés par Atlantis.
Anna déglutit un instant en s’approchant du couloir menant au bureau du docteur Jackson. Les rencontres avec celui qui était une légende vivante, tant pour ses faits d’armes que ses percées académiques, étaient devenues de plus en plus dérangeantes pour elle. L’une des principales raisons était probablement sa collusion - forcée - avec l’I.A. qui contrôlait toute la Cité, et dont elle ne pouvait parler avec personne, au risque de vérifier l’éventuel bluff d’Atlantis. Qui lui semblait tout ce qu’il y avait de plus crédible.
La seconde raison, intimement liée à la première, est qu’elle commençait à ne plus véritablement savoir ce qu’elle voulait, que ce soit trouver une manière de prévenir les autorités, de neutraliser l’I.A., d’aider celle-ci, ou juste de survivre aux évènements qui se déroulaient à proximité d’elle. En revanche, une chose lui apparaissait comme douloureusement claire : elle ne pouvait pratiquement rien faire.
Ses faits et gestes étaient épiés automatiquement et sans répit par Atlantis, tandis que son utilité pour celle-ci lui apparaissait, au mieux, comme douteuse. La scientifique avait quelques difficultés à imaginer en quoi la Cité pouvait avoir besoin d’elle pour confectionner ses plans ou bien prévoir les réactions des différentes forces en présence à ceux-ci. Même pour ce qui concernait la simple présence qu’elle lui demandait, en vue d’améliorer l’état psychologique de ses “agents“, Anna doutait de sa nécessité.
Elle se doutait qu’il était entièrement possible de simuler sa présence et sa personnalité de manière crédible, tandis qu’il ne lui était plus permis de douter sur l’efficacité de l’I.A. lorsque venait le temps des jeux psychologiques. Sa propre présence était donc inutile, selon tous les critères qui lui venaient à l’esprit.
Mais, se dit-elle en s’approchant du bureau de Jackson, après une énième vérification de son identité par les gardes en faction, je suis là, et demandée par Atlantis. Elle doit forcément avoir une raison pour ça.
La porte s’ouvrit devant elle, probablement activée par Atlantis, et elle vit l’archéologue se lever pour l’accueillir. Il apparaissait troublé, et elle n’eut aucune difficulté à se rendre compte qu’elle était loin d’être la seule à connaître la joie toute relative des incertitudes qui définissaient toute la situation avec l’I.A. Mais rapidement, ce trop léger soulagement se vit balayé par le regard perçant du docteur Jackson, qui la jaugea alors qu’elle avançait d’un pas hésitant vers le bureau.
Acquiesçant au geste du docteur l’invitant à s’asseoir, elle posa sa petite tablette devant elle et amena l’une des chaises pour s’y installer, face à son supérieur hiérarchique.
-Quelles sont les nouvelles ? demanda-t-il d’un air faussement détaché, qui ne trompa pas Anna une seule seconde.
-J’ai pu accéder à une série de rapports d’observations sur… commença-t-elle avant de s’interrompre en voyant Jackson faire “non“ de la tête.
-Je ne parle pas de ça, docteur Stern.
Il soupira, et ôta ses lunettes pour les nettoyer, tout en continuant :
-Atlantis, dit-il simplement. Qu’en est-il d’elle ?
-Comment ça ?
-Ne vous méprenez pas, docteur. Je suis tout aussi intéressé que vous, sinon plus, par le contenu des archives qui vous sont proposées. Mais j’ai accepté que je découvrirai leur contenu en temps et heure. Pour le moment, nous avons, vous devez vous en douter, une certaine situation sur les bras. Et, soyons honnêtes, vous n’êtes pas en train de faire un travail de recherche.
Elle se redressa nerveusement sur sa chaise alors qu’il remettait ses lunettes en place, pour diriger à nouveau ses yeux dans sa direction.
Que… Il sait ?
-Je me rends bien compte de votre situation, dit-il avant qu’elle ne put répondre. Peut-être mieux que vous ne l’imaginez. Elle vous mâche tout le travail, choisissant quels documents seront disponibles, vous laissant juste rédiger les rapports. Et vous savez que si elle le désirait, elle aurait pu faire elle-même de telles notes de synthèse. J’ai raison ?
-… oui, avoua-t-elle, en s’efforçant de ne penser à rien d’autre qu’à sa situation académique.
-Et c’est frustrant, conclut-il. Je sais. Mais nécessaire.
-Je m’en doute, reconnut-elle. J’ai l’impression de retourner en première année de fac. Mais avec une prof…
-Effectivement. A moins que je ne me trompe grossièrement, vous allez devenir une de nos expertes, et, probablement, la personne qui en saura le plus de tout le Programme sur les Ori et les espèces créées et protégées par les Anciens. Et ces connaissances risquent d’être utiles très rapidement.
Plus tôt que vous ne l’imaginez, docteur, pensa-t-elle avant de répondre :
-Je m’en doute, mais… il n’y a pas que ça, n’est-ce pas ?
-Oui, il reste Atlantis, une inconnue complète. Et nous avons aussi besoin de vous à ce niveau.
Il se repositionna sur son siège, croisant les bras.
-Je ne sais pas ce qu’elle veut, continua-t-il. Et, franchement, il y a pas mal de personnes qui commencent à paniquer en haut lieu à ce sujet. Et je les comprends. Après tout, elle a toutes les cartes en main, et n’hésite pas à nous le montrer.
Devant le silence d’Anna, l’archéologue reprit :
-Et parmi ces chers individus que je ne nommerai pas, une bonne partie d’entre eux me vouent une haine assez tenace. Savez-vous pourquoi, docteur Stern ?
-Pas exactement, répondit-elle prudemment.
-Parce que j’ai tendance à accepter quand je n’ai plus le contrôle sur ce qui se passe. Vous savez, ils m’en veulent toujours pour l’incident avec les réfugiés Tollan. Et, pour être honnête, je crois qu’ils ne me pardonneront jamais pour ce que je vais faire.
-Qu’allez-vous faire ? demanda-t-elle, invitée par son bref silence.
-La chose la plus logique dans la situation actuelle. Atlantis, soyons clair, n’a apparemment pas besoin de nous, et peut nous neutraliser. Mais, elle ne l’a pas fait. Qui plus est, elle a, fort diplomatiquement, accepté d’avoir un agent de liaison humain. Vous. Alors l’équivalent Ancien des trois lois s’applique peut-être pour nous. Mais l’explication la plus probable à ce comportement est qu’elle a son propre agenda. J’en aurais probablement un si je me réveillais après quelques millénaires dans un foutoir pareil, mes créateurs disparus et leurs créations sur le point de mettre quelques galaxies à feu et à sang. Et, d’une façon ou d’une autre, vous êtes mêlée à son plan.
-Je… commença-t-elle avant d’être interrompue.
-Laissez-moi finir, dit-il, avant de laisser le silence de la femme en face de lui répondre pour elle. Elle a son plan. Je ne sais pas ce qu’il est, ce qu’elle vise, ou comment elle compte l’obtenir. Mais tout indique qu’elle ne compte pas nous détruire, puisque nous parlons en ce moment-même. Est-ce que je me trompe ? Et, ne me mentez pas, s’il vous plait.
Anna ne répondit pas, occupée à se demander comment tout avait pu échapper à sa si faible maitrise de la situation.
Jackson soupira.
-C’est une réponse qui en vaut une autre… Très bien. Voilà mon problème : j’ai une I.A. quasi-omnipotente qui contrôle au minimum l’endroit où je vis et je travaille, qui coopère avec l’une de mes subordonnées, et mes patrons sont sur le point de paniquer et de faire quelque chose que nous allons tous regretter. Je ne peux rien faire pour stopper l’I.A., comme elle me l’a si gentiment montré, mais ceux en-haut, comme à chaque fois qu’ils font face à quelque chose de très puissant, ne voudront rien entendre. Jack et Sam m’écouteraient probablement, mais ils sont tous seuls. Ce qu’il faut donc faire, avant tout, c’est rassurer le patron. Vous voyez où je veux en venir ?
-Pas complètement, avoua-t-elle.
-Pourtant, c’est là où vous rentrez en jeu, Anna. Atlantis nous a observés avant de se révéler, et c’est à mon avis pour ça qu’elle s’est arrangée pour vous demander spécifiquement, en présence des plus hauts gradés. Pour les rassurer. Leur donner l’impression qu’il y a toujours un élément humain, une sonnette d’alarme. Donc, elle cherche à s’accommoder de notre présence, à donner une chance au système de ne pas réagir de sa manière préférée face à une menace inconnue.
-Qu’est-ce que je dois faire, dans ce cas, monsieur ?
-Appelez-moi Daniel, ou docteur Jackson, je vous l’ai déjà dit. Et, pour ce qui est à faire à ce niveau, ce n’est pas votre problème.
-Pardon ?!
-Ce n’est sûrement pas un hasard si c’est quelqu’un de mon service qui a été mis dans votre position. Elle doit s’attendre à ce que je m’occupe de rassurer les patrons, en indiquant que vos rapports, tant officiels qu’officieux, n’ont rien d’inquiétant. Qu’elle est prête à coopérer avec nous, tout ça. Après tout, c’est ma personnalité, si on en croit mon dossier. L’avocat du diable, le civil qui se mêle de ce qui ne le regarde pas, et autres noms moins polis.
Anna n’en croyait pas ses oreilles, son système de valeurs venant d’être retourné et détruit sous ses yeux, par l’homme qu’elle respectait le plus de cette galaxie. Il veut directement mentir à ses supérieurs ? Couvrir Atlantis, alors qu’il ne sait même pas… ? Ca n’a aucun sens ?! pensa-t-elle.
-Je ne vais pas mentir à qui que ce soit, docteur. Juste confirmer en des termes explicites et rassurants qu’Atlantis ne prépare rien contre nous ou nos intérêts. J’espère juste que c’est effectivement le cas, parce que, dans le cas contraire, j’aurai joué avec le feu une fois de trop… Est-ce le cas ?
-… Non… Je ne crois pas.
-Je l’espère. J’aurais été assez déçu si vous aviez accepté de trahir l’Humanité au profit d’une I.A. psychotique et mégalomane, répondit-il, avant de reprendre, à plus haute voix, le regard pointé au plafond. Rien de personnel, hein, juste un cliché.
-Pourtant, si je travaillais avec Atlantis sur autre chose que ce qui m’a été demandé, ne serait-ce pas…
-Un effort diplomatique, la coupa Jackson. Nous avons un allié potentiel extrêmement puissant, et il serait peu… avisé, de lui manquer de respect, surtout quand ses intérêts ne s’opposent pas aux nôtres. Ce que je vous demanderai alors, c’est que ça reste le cas.
-Comment ça ?
-Atlantis n’a pas jugé correct de m’impliquer directement dans ses plans, et je me vois difficilement la forcer à faire quoi que ce soit, donc je vais devoir mettre ma curiosité de côté. Pour le moment. Par contre, vous, vous êtes déjà directement impliquée. Pas besoin de nier, votre visage dit tout. D’ailleurs, un petit conseil, il vous faudra apprendre à mieux cacher vos émotions, ça peut servir.
Pas à grand-chose face à vous, s’abstint-elle de répondre.
-Vous voulez dire que vous voulez que je fasse en sorte qu’il n’y ait pas de problèmes… du côté d’Atlantis ?
-Exactement. Vous connaissez à peu près notre propre situation, et, pour une raison ou une autre, Atlantis pense avoir besoin de vous. Oui, parce que s’il lui fallait juste un ambassadeur, il y aurait eu des solutions plus simples. Si elle prend la peine de faire tout ça, ce n’est pas sans raison, donc vous devez avoir une certaine marge de manœuvre avec elle. Défendez nos intérêts autant que possible, et je m’occuperai d’éviter le clash avec les politiciens et les militaires. Est-ce que vous pouvez le faire ?
-Oui, mais…
-Mais quoi ?
-Sans vouloir être brutale, ça vous arrive souvent ?
-De quoi ?
-Et bien, de négocier dans le dos de tout le monde sans rendre compte à personne ?
-Beaucoup plus que vous ne l’imaginez, docteur Stern, soupira-t-il. Mais c’est soit ça soit laisser des tarés de la gâchette ou des politiciens ne connaissant rien au terrain négocier avec des superpuissances.
-Et ils ne vous ont jamais…
-Arrêté, jugé, condamné ? Pas encore. Au début, c’était parce que tout allait trop vite et que mes compétences étaient trop uniques pour qu’on puisse se passer de moi. Après, ils se sont plus ou moins habitués à ces “écarts“ et se contentaient de me hurler dessus. Mais avoir pas mal d’aliens qui demandent à négocier directement avec vous, ça aide. Et puis, je crois aussi qu’il y en a quelques-uns qui se demandent à quel point Oma Desala s’est attachée à moi.
-Et vous voulez que je fasse la même chose ? s’étonna-t-elle.
-Oh non ! La situation est différente, maintenant. Normalisée. Vous tentez ça, et, au mieux, ils vous colleront en prison jusqu’à la fin de vos jours.
-Oh.
-Oui. Mais, votre problème, c’est que vous n’avez plus vraiment le choix. Quoi qu’Atlantis fasse, vous êtes déjà dedans jusqu’au cou. Je pourrais bien expliquer ça en haut, mais ils ne feraient que paniquer encore plus et je perdrais une collègue de qualité, sans même parler de la réaction de notre chère I.A. quand vous serez arrêtée. Ou alors, je peux sauver les meubles. Tout ce qui importe, c’est qu’elle ne nous considère pas comme un obstacle à éliminer. Faites ça, arrangez-vous pour qu’on n’entende pas parler d’elle ou de ses plans, et vous aurez fait un excellent travail. Probablement plus important pour la Terre que tout ce que vous pouviez espérer en vous engageant.
-Je vais essayer de faire ça, docteur Jackson, répondit-elle finalement. Je ne sais pas à quel point elle sera ouverte à mes suggestions, mais je ferai de mon mieux. Au niveau des rapports sur les “cours“ que je reçois, y a-t-il des instructions particulières ?
-Continuez comme ça, dit l’archéologue. Tant que cette coopération porte ses fruits, que vous apprenez sur le sujet, que vous développez des compétences dont on risque d’avoir besoin, c’est autant de choses que je peux utiliser pour les rassurer.
-D’accord, dit-elle, encore déstabilisée par l’attitude de Jackson.
-Faites très attention, Anna. Vous êtes partie dans un jeu extrêmement dangereux, et, si je suis un allié, ce n’est que par une certaine habitude de ce genre de situation. La majorité des personnes ici, si elles se doutent de ce qui se passe, n’hésiteront pas une seule seconde à vous mettre aux arrêts avant de vous ramener sur Terre pour un procès à huis clos. Et j’aurais probablement agi comme elles dans d’autres circonstances.
-Je comprends, dit-elle, en repensant à SG-22, qui avait failli subir ce même sort, lors de son retour sur la Cité.
-Je l’espère, docteur. Je l’espère vraiment. Parce que vous n’avez pas le droit à l’erreur. Je ne sais pas ce qu’elle veut, mais je me doute bien qu’Atlantis joue au même niveau que nos nouveaux amis. Ceux qui stérilisent des planètes sans la moindre arrière-pensée. Faites en sorte que son chemin ne passe pas par nous.
-Intéressant développement, commença Atlantis une dizaine de minutes plus tard, lorsqu’Anna fut de retour dans son bureau. Ne trouvez-vous pas ?
-J’ai failli avoir une douzaine d’infarctus devant lui, et vous dites juste “intéressant“ ?! hurla-t-elle, inconsciemment habituée à ne pas pouvoir être entendue par quiconque pendant ces discussions. Vous vous rendez compte de ce qu’il vient de faire ?
-En effet, docteur Stern. Mieux que vous ne le pensez. Il a su lire une partie des messages que je lui ai envoyé, de façon admirable, dois-je le souligner, pour un être humain. Qui plus est, comme l’indique son dossier, le docteur Jackson agit de façon logique dans des situations de premier contact potentiellement dangereuses.
-Il avait raison, donc ?
-En partie. Il a commis quelques erreurs dans son jugement, que je préfère ne pas corriger pour l’instant. Quoi qu’il en soit, je suis… heureuse d’apprendre qu’il a préféré réfléchir plutôt que de laisser parler certains instincts qu’apprécient des individus comme le général Sheppard ou le secrétaire Ling. Cela devrait rendre notre propre coopération plus aisée.
-Et s’il avait décidé que c’était plus dangereux de me laisser travailler avec vous que de me dénoncer ?
-Alors je lui aurais probablement démontré le contraire, répondit posément l’I.A.
Anna déglutit.
-Bien sûr, reprit la voix féminine, tout est question de circonstances.
-Il avait au moins raison là-dessus, conclut-elle. Je suis complètement impliquée dans votre plan.
-Correct, docteur Stern. Au même titre que SG-22, qui, je tiens à vous l’annoncer, vient de mener sa première série d’actions offensives avec succès.
-Et… pour le reste ?
-Veuillez préciser.
-Pour ce qu’il m’a demandé, vous allez jouer le jeu ?
-Je n’ai pour le moment pas de griefs contre votre civilisation, et elle a su jusqu’à présent ne pas se mettre en travers de mon chemin, à quelques rares exceptions près. Et, même alors, je n’ai du faire face qu’à des oppositions individuelles, qui ont pu être traitées de façon mesurée.
-Donc, oui ?
-Oui, docteur Stern. Je ferai mon possible pour limiter mes interférences avec votre peuple. De plus, si vous jugez que certaines de mes actions pourraient avoir des conséquences négatives pour celui-ci, je serai ouverte à vos arguments, et, le cas échéant, essaierai de modifier mon approche en conséquence. Cela vous convient-il ?
-Il faut bien. Ce n’est pas comme si j’avais beaucoup de choix.
-Pour le moment, docteur Stern. Mais, comme l’a indiqué le docteur Jackson, vous êtes dans une partie très dangereuse, avec des gains et des pertes littéralement astronomiques. Même un joueur très secondaire peut profiter d’opportunités particulièrement intéressantes, donc je ne saurais que vous suggérer de rester très attentive.
-Depuis quand je suis une joueuse et pas un pion ? demanda-t-elle, d’un ton semi-ironique, semi-résigné.
-Depuis quand y a-t-il la moindre différence ?
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
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Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Aussitôt son appareil immobilisé dans le hangar, Carl n’avait pas eu un instant à lui, devant aider son mécanicien avec l’entretien du Planeur, avant de pouvoir retourner à la section du vaisseau où lui et les autres pilotes vivaient. Le travail sur le petit chasseur l’avait occupé quelques heures, l’engin habituellement rustique accusant son âge au travers une série de systèmes de contrôle chaque jour plus prompts à se dérégler. Pourtant, si la tâche était pénible en soi, il commençait petit à petit à l’apprécier, pour le simple fait qu’elle l’empêchait de trop réfléchir. Le vol du retour n’avait été qu’autant d’heures durant lesquelles il avait continué le train de réflexions qu’avait lancé sa supérieure dans le bar, et la séance d’entretien avait été une rupture bienvenue, lui permettant, pendant quelques temps, de s’ôter ces questions de l’esprit.
Le Unas, maniant avec dextérité les quelques outils qu’il avait pu réquisitionner et conserver, acheva de fixer l’un des panneaux de l’aile bâbord et lui fit signe de venir. Carl s’exécuta, se rapprochant de son mécanicien, à qui il avait rapidement appris à obéir pour tous les travaux d’entretien de son chasseur.
-Oui ?
L’humanoïde se mit à parler, plongeant Carl dans l’incompréhension totale les quelques instants nécessaires au traducteur pour s’activer. Celui-ci, sur le torse de son propriétaire, se mit une fois de plus à aligner des mots d’un ton saccadé :
-Ton travail. Terminé. Je finis. Reste des. Calibrations. Pas beaucoup. Problèmes. Tu es. Prudent. Je préfère. Je ne veux pas. Trop de. Pièces. Réparer. Changer.
-C’est pareil pour moi, Ithek, répondit le jeune homme après un instant d’hésitation durant lequel il restructura les mots prononcés par le traducteur. Pas envie de jouer au con avec un zinc pareil.
-Tant mieux. Sinon. Il faudra. Chez toi. Pièces. Changer.
-Aussi, oui, reconnut Carl.
-Maintenant. Laisse. Moi. Travail. Précision. Pas de. Distraction.
-OK, tu veux que je revienne quand ?
-Deux. Cycles. Quarts. Pas. Avant.
-D’accord, à plus, termina Carl avant de se retourner pour se rendre vers le cockpit, à côté duquel se trouvaient les sacs qu’il avait ramené de sa mission.
Les prenant d’un geste, il soupesa brièvement leur contenu avant d’avancer vers la sortie du hangar, faisant ça et là un signe de tête aux autres pilotes et mécaniciens présent, se voyant rarement répondre de façon imperceptible.
“On a un souci, Banet. T’es une anomalie, un problème“, se remémora-t-il les paroles de sa supérieure. “Et ce genre de problèmes n’arrive jamais…“ Alors pourquoi ? Elle a raison, je suis pas à ma place.
Il ne croisait personne de son âge, à quelques très rares exceptions, qui pourtant se différenciaient de lui par un regard qu’il n’avait vu que chez une poignée de vétérans avant sa “mutation“. Et, souvent, ces regards étaient dirigés vers lui, dans un mélange de mépris et de dédain qui lui faisait sentir que même s’il n’était plus le poisson hors de l’eau, il restait totalement inadapté. Il n’était pas à sa place, et personne ne se privait de le lui rappeler.
Qu’est-ce que je fiche ici ? Pas assez d’expérience, pas de personnalité vraiment adaptée, pas d’histoire particulière, et pourtant… Si c’est pas une erreur, si ça a pas été corrigé, alors quoi ? Qu’est-ce que je fous ici ? se demanda-t-il en entrant dans le quartier d’habitation où étaient ses affaires.
Méthodiquement, il sortit les boites de munitions et le matériel d’entretien, pour les ranger en sécurité, avant de reporter son attention sur l’arme qu’il avait obtenu.
Ha, un “clairon“, à je ne sais pas combien de milliards de km. Il a dû en voir de belles, celui-là… pensa-t-il en regardant le fusil d’assaut mat, en s’assurant qu’aucun chargeur n’était engagé et que la sécurité était en position.
Il sortit l’arme, et vérifia que la culasse était vide avant de poser le fusil sur la petite table, près du matériel d’entretien.
Ouais. Vie de dingue. Faire l’X, s’engager comme pilote dans un programme ultra-secret comme pilote trimbalant des têtes nucléaires dans l’espace, et finir dans un trou à rat à l’autre bout de la galaxie à démonter un FAMAS et réparer une poubelle volante avec un alien dont je comprends un mot sur deux. Ca devient de moins en moins glorieux, tout ça. Enfin… au moins, il me reste l’exotisme. C’est déjà ça. L’exotisme, et une couchette pourrie. Le bonheur, en somme…
Après avoir procédé aux mêmes vérifications avec le pistolet, il rangea les deux armes dans leur sac, s’assura que la porte était verrouillée avant de profiter d’un sommeil repoussé depuis de trop nombreuses heures, durant lesquelles il avait dû surveiller les commandes de son appareil, dans un vol en ligne droite aux conversations presque aussi rares que les changements de caps.
Quelques heures plus tard, son horloge interne, réglée sur la vie chargée de l’Académie puis de sa formation intensive à bord du Prométhée, le réveilla, le poussant dans les traditionnels rituels matinaux, qu’il effectuait à moitié endormi, de façon automatique et précise.
Une fois ceux-ci terminés, il s’attela à la première tâche de la journée, qu’il avait préféré repousser la veille à cause de sa fatigue. Retrouvant les gestes de sa première expérience militaire peu avant ses études techniques, il démonta le fusil en ses éléments constitutifs, et le pilote commença le travail de vérification et d’entretien des différentes pièces. Il fut agréablement surpris de constater que, contrairement à ses craintes, il n’avait pas récupéré un fusil mal entretenu et plus propice à le tuer lui que ses éventuelles cibles.
Lorsqu’il eut terminé sa tâche, il remonta rapidement sa nouvelle arme, avant de la poser au sol, et de recommencer la procédure avec le pistolet qu’il avait pu acheter en même temps. Une fois celui-ci vérifié, il rangea les deux armes dans le sac qui les avait contenues, et prit celui-ci avant de sortir. D’un regard, il s’orienta et avança en direction de l’une des salles de transport, où il se rendit sur le pont où se trouvait l’une des salles d’entrainement.
Pendant une heure, Carl reprit ses armes en main, apprenant à connaitre leurs particularités et procédant, à plusieurs reprises, aux réglages nécessaires sur leurs optiques, jusqu’au moment où il fut confiant de leur fiabilité, rangeant alors les munitions qu’il n’avait pas utilisé. Ce faisant, il se maudit une fois de plus d’avoir oublié, la veille, de demander au vendeur une paire d’intars à l’image de ses achats. Il s’était rendu compte, en changeant la première fois de chargeur, de l’inattention qui lui coûtait à présent de précieuses cartouches, et avait lâché quelques jurons bien sentis entre chaque tir.
Rentrant sans un mot dans sa minuscule cabine, il y rangea son équipement, et remarqua en sortant une note posée à même le sol, près de l’imposante porte caractéristique de toutes les constructions Goa’uld. Il y lut une convocation pour un débriefing en cours de journée, à laquelle était rajouté l’ordre de se rendre immédiatement dans la salle abritant les différents simulateurs de vol.
Le pilote reconnut l’écriture de la seule personne qui, à l’exception de son mécanicien, avait manifesté de temps en temps autre chose qu’une hostilité flagrante face à sa simple présence. Il lâcha un petit soupir en pensant au chaos qu’étaient les communications à bord du vaisseau. A l’instar de tous les Ha’Tak fabriqués depuis des milliers d’années, celui-ci ne disposait que d’un système d’annonce centralisé, davantage prévu pour donner des ordres au vaisseau complet que pour communiquer précisément avec une section ou une personne. Le système regroupait toutes les décisions, toutes les commandes, sur le pont principal, et ne laissait pas la moindre chance à un équipage de se coordonner ou de communiquer pour mieux faire son travail. Alors, dans un engin comme celui-ci, où la hiérarchisation des ordres militaires laissait place à un chaos vaguement stabilisé propre à la vie quotidienne, depuis l’entretien des systèmes aux dynamiques propres à chacun des innombrables groupes présents, il avait fallu improviser. Carl avait donc rapidement appris que, pour transmettre un message, il était préférable de savoir où son destinataire allait se rendre, pour l’y attendre ou lui laisser une note. Autrement, seul le hasard des rencontres dans les couloirs pouvait décider du délai de transmission, d’autant plus long que le message était urgent, comme le voulait Murphy.
Sans tarder, il se dirigea vers la salle indiquée dans le message, et, y arrivant, ne vit pas sa supérieure avant de remarquer son visage sur un écran autour duquel s’étaient regroupés quelques pilotes. Sur l’affichage voisin, il vit l’intérieur du cockpit d’un Planeur, qui était apparemment au milieu d’un affrontement entre deux imposantes flottes de Ha’Tak qui échangeant sans interruption de brutales salves de plasma.
De temps à autre, un commentaire venait briser le silence, remarquant une erreur ou une opportunité, rarement gratifié de plus que quelques signes de tête. Carl, lui, regarda, fasciné, les deux images, voyant la femme qu’il ne connaissait que par un nom de guerre manœuvrer le fragile appareil à merveille. Il lui semblait qu’elle utilisait chacune de ses faiblesses comme autant d’avantages, transformant la mêlée informe en une danse que seule elle et les pilotes les plus expérimentés autour de lui parvenaient à lire. Pour le jeune homme, il n’y avait rien à comprendre ou à anticiper, les changements de trajectoire le surprenant pour parfois s’expliquer quelques instants plus tard.
Merde… lâcha-t-il intérieurement. C’est ça le niveau qu’ils me demandent ? Est-ce qu’ils savent tous piloter comme ça, ici ? Pas étonnant que je sois traité comme un moins que rien… Enfin, en même temps, c’est un peu normal : avec des appareils aussi pourris, c’est le pilote qui fait tout. Qu’est-ce qu’elle pourrait faire à bord du Connie ? Même les instructeurs n’osent pas des trucs comme ça… pensa-t-il, admiratif, devant un passage balistique parsemé de brutales accélérations la faisant louvoyer entre les différents tirs. Si les jaffas ont des pilotes pareils, je comprends pourquoi ils ont autant armé les vaisseaux. Ca ne m’étonnerait presque pas qu’elle réussisse à survivre à un, peut-être deux, canons défensifs, avec ce genre de trucs. N’empêche, il faudrait être taré pour faire ça dans la réalité…
Plusieurs minutes durant, il resta figé, le regard fixé sur le visage féminin à bord du cockpit. Il voyait l’officier comme jamais auparavant, prise dans un masque de concentration extrême, ne laissant les émotions apparaitre que par intermittence. La simulation dura quelques temps, jusqu’au moment où la réalité reprit ses droits, par l’intermédiaire des probabilités, qui placèrent le planeur sur un tir de trop, dont l’impact figea aussitôt la petite capsule de simulation, brisant l’immobilisme sauvage qui avait étreint la pilote.
Restant en retrait, Carl observa plusieurs personnes venir près de la capsule de simulation, à présent entrouverte, lâcher quelques compliments et commentaires sur la performance, prenant un ton qu’il n’avait que rarement entendu depuis son arrivée à bord. Une fois l’attroupement dispersé, la pilote s’approcha de lui :
-Parfait, tu es là. On n’a pas le temps de préparer une sortie, alors faudra te contenter des simulations. T’as pas trop le temps d’apprendre sur le tas, alors tu vas me montrer le peu que tu sais faire en combat, et je vais essayer de corriger autant de conneries en aussi peu de temps que possible.
Sans lui laisser le temps de répondre, elle retourna vers la capsule et y grimpa, cette fois-ci sur le siège arrière, apparemment réservé à l’instructeur. Il la rejoignit, prenant place après une brève hésitation.
D’un geste, elle ferma le cockpit, plongeant celui-ci dans le noir durant quelques instants avant d’être éclairé par l’affichage panoramique, simulant le vide spatial. Carl ne prêta pas attention au paysage d’étoiles virtuelles, alors que, derrière lui, sa copilote procédait à plusieurs réglages.
-Bon, dit-elle, j’ai désactivé les moniteurs du cockpit. On devrait pouvoir être tranquilles un moment.
-D’accord… mais, pourquoi tout ça ?
-Comment ça ?
-Ben, on n’aurait pas pu se voir sur l’un des ponts réservés à notre unité ? C’aurait été plus simple…
-Pas vraiment. Je te l’ai dit au bar, il y a quelque chose qui cloche. Pour l’instant, tout ce que je sais, c’est que tu devrais pas être là, et ça peut pas être un accident. Alors je prends mes précautions.
-Si vous le dites, répondit-il en observant ses alentours, alors qu’un message venait de s’afficher, indiquant le début de la simulation. Vous pensez que c’est quelqu’un de l’unité qui a trafiqué des dossiers ?
-Tu vois une autre solution ?
-… non.
-Pareil. Et tant que je ne sais pas ce qui se passe, j’ai pas envie de me mettre à découvert. Appelle ça de la paranoïa, si tu veux, mais c’est comme ça qu’on s’en sort, dans la vie réelle.
-D’accord, mais quand même, vous êtes une des plus gradées du vaisseau, et dans l’unité, en plus. Vous devriez pouvoir acc… Merde !
Le pilote se braqua sur ses commandes lorsqu’une série de tirs passa devant son cockpit, et il commença des manœuvres évasives, ressentant une fraction de l’inertie qu’aurait subie le chasseur.
-C’est plus compliqué que ça, dit-elle, sans ciller alors que Carl faisait tourner son appareil sur lui-même pour éviter les tirs avant d’éventuellement reprendre une position dans l’engagement simulé. La paranoïa est la politique officielle de la maison. Si les jaffa ou qui que ce soit découvraient qui on est ou ce qu’on fait, ça foutrait un bordel monstre, et on se ferait probablement tous chasser et tuer. Bref, les curieux sont pas vraiment appréciés, et je ne suis pas une exception.
-Alors… pourquoi… souffla-t-il tout en cherchant du regard ses cibles et en manœuvrant, est-ce que… vous faites… tout ça ?
-Simple. S’il y a un problème dans le recrutement ici, on aura des problèmes en mission. Et vu les jobs qu’on fait, surtout si ça pète côté jaffa, il suffirait d’autres blancs-becs comme toi entre nos pattes pour se retrouver avec un désastre. Et le souci, c’est que je ne sais pas pourquoi tu es là et qui t’a amené ici, donc je ne sais pas dans quoi… engins à huit heures, Planeurs, un Al’Kesh. Je ne sais pas dans quoi je m’engage, je disais, poursuivit-elle alors que le pilote faisait virer de bord son chasseur. Dès que j’aurai trouvé qui a trafiqué les dossiers de sélection, tu pourras rentrer dans la Flotte et arrêter de t’incruster. En attendant, j’aurai peut-être besoin d’un coup de main pour voir où on va avec tout ça.
-C’est-à-dire ? demanda-t-il en piquant du nez juste après une attaque manquée sur la corvette Goa’uld.
-A moins que tu sois juste là pour baisser le niveau, servir de maillon faible, quelqu’un va forcément tenter de te contacter. Je sais pas comment, mais c’est ce que je ferais si je voulais manipuler un gamin sans la moindre expérience. Un pilote qui voudrait se faire passer pour ton ami, ou une connerie de ce genre.
-Comme vous ? s’interrogea Carl en levant les yeux au ciel, juste avant de faire demi-tour pour se préparer à un nouveau passage.
-Banet, je suis pas ton amie. T’es qu’un gosse qui a accepté un truc qui lui paraissait cool et qu’il ne comprenait pas, qui n’a rien à foutre ici, et qui peut m’être utile pour comprendre ce foutoir. Rien de plus. Si tu me donnes un coup de main, je devrais pouvoir renvoyer l’info assez vite aux patrons pour régler la situation et te rendre à tes beaux jouets de la Flotte. Sans ça, je comprendrai aussi ce qui se passe, mais ce sera quand t’aura joué ton rôle de pigeon ou je sais pas quoi.
Tout en tirant des éclairs de plasma virtuels, le jeune homme répondit :
-A votre avis, qu’est-ce qu’on pourrait vouloir de moi ici ?
-J’en sais encore rien, mais je crois pas que ça te plaise, au final. T’as pas la moindre idée des jobs qu’on fait de temps en temps, du merdier politique interne et du genre de gusses qu’on a à bord. Même moi, je suis pas au courant de tous les jobs. La seule chose que je sais, c’est que tu vas pas faire long-feu. Et celui ou celle qui t’a choisi le sait aussi. Donc, s’il y a quelque chose de prévu pour toi, ça va arriver rapidement. Tu fais gaffe, et tu me préviens. Parce que je suis peut-être pas ton amie, mais je suis ta seule alliée pour l’instant. C’est clair ?
-… oui, répondit-il alors que, sur l’écran, les boucliers de la corvette s’illuminaient, touchés plusieurs fois par les dards incandescents.
Dans quel foutoir je me suis mis ? se demanda une nouvelle fois Carl. Elle doit avoir raison… A qui d’autre je peux faire confiance ? A moins qu’elle me dise tout ça pour me manipuler, et que ce soit elle qui m’ait amené ici pour je ne sais quoi… Mais pourquoi c’est aussi bordélique ?! On n’est pas dans la politique, pourtant, depuis quand il y a tous ces complots à la noix dans une unité militaire ? Ou alors c’est juste elle qui est parano… mais elle a raison sur un point : qu’est-ce qui leur a pris de me proposer de venir là-dedans ? Et pourquoi j’ai été con au point d’accepter ? Bah, pas besoin de se raconter des bobards, elle a aussi raison. Ca devait avoir l’air cool, les Black Ops, tout le secret… Mais est-ce qu’il y a vraiment un truc qui se prépare, une conspiration bizarre centrée sur moi ? Ca pourrait pas juste être une erreur conne, genre mon dossier inversé avec celui d’un James Bond ? Et même comme ça, qu’est-ce que je dois faire ?
Beaucoup trop compliquées, ces conneries, conclut-il avant de recentrer son attention sur l’exercice, qui, bien plus simple que celui qu’il avait observé quelques minutes plus tôt, poussait dans ses retranchements le pilote encore mal habitué aux Planeurs.
Les rues étaient toujours aussi occupées qu’avant le début de la crise, mais plus rien n’était pareil dans l’attitude des passants, des commerçants et des patrouilles. Malgré la faible quantité d’informations qui filtrait, un sentiment de malaise s’était progressivement imposé dans la population de Dakara. Plus de civils portaient une arme, tandis que les forces de sécurité apparaissaient comme plus tendues.
L’attaque, brutale et incomprise, qui avait frappé la jeune ville une dizaine de jours plus tôt, était toujours dans les esprits, rappel impossible à ignorer de la fragilité de la Nation Jaffa. Parmi ceux et celles qui portaient les armes, personne ou presque n’avait échappé à la perte d’un camarade ou d’une connaissance, victime de l’affrontement que nul n’avait réussi à clarifier. Les témoignages des survivants, presque tous blessés, n’avaient pu permettre de trouver de réponses, de venger les morts. Ils n’avaient fait que souligner l’impuissance de jaffas entrainés face à une poignée d’individus.
Certaines rumeurs circulaient déjà, qu’il était malaisé de faire taire, affirmant que les Goa’uld étaient revenus, amenant avec eux autant de punitions divines que leurs serviteurs avaient commis de blasphèmes lors de leur rébellion. En coulisses, la majorité des forces politiques, alliées comme ennemies, s’étaient entendues pour lutter contre ce vent de panique, mais avec un succès limité, alors que des fuites commençaient à faire connaître la crise avec les Tau’ri.
Et c’est maintenant qu’ils commencent à se rendre compte de nos problèmes, pensa Bra’tac en réajustant la capuche qui obscurcissait la majorité de son visage. Ils doivent être attaqués chez eux pour leur rappeler la réalité… Est-ce vraiment pour eux que je me suis soulevé contre les faux dieux ?
Il n’eut pas besoin de se retourner pour vérifier la position ou la présence de ses gardes du corps. Il avait choisi chacun d’eux personnellement, après des années de combat, d’observation, de renseignement. Aucun n’avait moins d’une dizaine d’années d’expérience, auxquelles venait s’ajouter l’intelligence nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposaient aux moments opportuns. Certains avaient été à ses côtés lorsque cette planète avait été elle-même arrachée au joug des tyrans, alors que d’autres faisaient le nécessaire pour occuper les forces d’Anubis ailleurs et rendre la victoire possible.
Mais à présent que ses combats impliquaient moins d’armes que de mots, il ressentait une fierté certaine à savoir ses anciens compagnons d’armes prêts à faire le nécessaire pour lui permettre de remporter des victoires en lesquelles ils avaient appris à croire. La victoire qu’il cherchait ce jour-là n’était pas spectaculaire, ni même publique, mais resterait cachée, sans gloire ni éclat.
Le vieux jaffa se rendait chez l’un de ses contacts, auprès duquel il avait organisé une rencontre. Celui qui lui prêtait son logement était plus âgé encore que Bra’tac, et avait apparemment mis fin à sa vie publique pour profiter des dernières années d’une vie particulièrement longue et intéressante. Apparemment restait le maître mot, puisqu’il organisait encore, ça et là, des rendez-vous entre individus préférant ne pas être vus ensemble.
Et il était clair que l’une des personnalités politiques les plus importantes de la Nation Jaffa préférait sincèrement ne pas être vue avec un certain assistant à l’ambassadeur Tau’ri. Surtout au vu du contenu de la discussion qui allait venir.
Un de ses agents, indiscernable du reste de la foule pour quiconque ne le connaissant pas personnellement, à l’instar de Bra’tac, fit un petit signe indiquant à ce dernier qu’il pouvait poursuivre, n’ayant pas repéré d’observateurs indésirables. Enregistrant l’information, le jaffa entra sans se retourner dans le petit bâtiment, gardant son visage couvert jusqu’à atteindre la porte recherchée. Derrière celle-ci l’attendaient plusieurs individus apparemment armés, qui se relaxèrent aussitôt que la capuche du nouvel arrivant retomba en arrière. Ils jetèrent un bref coup d’œil en direction d’un homme assis près du mur le plus éloigné, qui acquiesça imperceptiblement, et quittèrent l’un après l’autre le modeste logement.
-Maître Bra’tac, commença l’homme une fois la porte refermée, en se levant et inclinant subtilement la tête.
-William Blake, répondit le jaffa en répondant de même. Nous avons beaucoup de choses à nous dire.
-Effectivement. J’ai été relativement surpris par votre invitation, dois-je l’avouer, reprit l’humain. Avec la crise actuelle et la… dégradation des relations officielles entre nos deux peuples, je ne m’imaginais pas vous rencontrer dans de telles conditions.
-La prospérité de nos deux peuples passe par la paix, quoi qu’en pensent Gerak et ses alliés. Mais avec les derniers évènements, je ne peux pas réussir à maintenir cette paix tout seul. Il me faut votre coopération.
-Nous nous en doutons, et c’est pour cela même que je suis là. De quoi avez-vous donc besoin, maître Bra’tac ?
-Des informations sur ce que vos vaisseaux font véritablement près des nôtres.
-Comment ca ?
-Vous avez une flotte, qui depuis peu de temps, fait, sagement, tout ce qu’elle peut pour éviter la nôtre. Mais elle reste à proximité, et cela inquiète mes compatriotes. Ils ne savent pas pourquoi elle tient une position sans importance, et de plus en plus se mettent à écouter les théories de Gerak. Donnez-moi des preuves, et je serais en mesure de briser son élan… si ce que vous dites est vrai.
-Nous n’avons aucune raison d’attaquer la Nation Jaffa là-bas, répondit-il. Comprenez bien que je ne suis pas au fait de tout ce qui se passe, et je ne connais pas les ordres de mission du Concordia… mais je ferai tout ce que je peux pour réunir ces informations. Ce qui m’étonne, c’est que Ryac ne vous aie pas fait parvenir de telles preuves. N’avait-il pas été envoyé comme ambassadeur justement pour améliorer la communication entre nos vaisseaux et les vôtres ?
-Je n’ai plus eu de message de sa part depuis que vos navires sont en fuite, William Blake… Tout ce que je sais, c’est qu’il est en vie et traité convenablement, mais, pour une raison ou une autre, il ne m’a pas fait part de quoi que ce soit d’autre. En tout cas, les canaux qu’il utilise ne le permettent pas.
-Je vois, répondit le diplomate en se promettant de faire remonter cette information particulière, qui pouvait éventuellement indiquer une infiltration du personnel de la Flotte.
-J’ai besoin de ces informations rapidement. Vous devez savoir que nous avons perdu deux de nos vaisseaux lors d’une opération de renseignements, dans la région de votre flotte. Personne ne sait exactement ce qui leur est arrivé, mais Gerak n’a pas besoin de preuves pour montrer ces morts comme le signe de votre agression.
-Nous l’avons remarqué, et nous sommes reconnaissants de vos efforts pour éviter la réussite de ses plans.
-Je vous l’ai dit, William Blake, ce sont là nos intérêts à tous.
-Je vois.
-Dites à vos supérieurs que nous avons besoin de ces renseignements aussi vite que possible, si nous voulons un retour à la paix, conclut Bra’tac avant de se lever. Je dois partir, à présent. Mes doublures ne feront pas illusion très longtemps.
-Entendu, maître Bra’tac, répondit le Terrien. Je ferai comme demandé, et vous indiquerai ce qu’il en est lors de notre prochaine rencontre. Vous m’amènerez les informations sur le lieu et l’heure de celle-ci par les canaux habituels, je présume ?
-Oui. Prévenez-moi si vous recevez ce dont j’ai besoin.
-Très bien. Sur ce, maître Bra’tac…
Lorsque le vieux jaffa, à peine une heure plus tard, fut de retour dans son bureau, il lâcha un discret soupir avant de se tourner vers son secrétaire.
-La diplomatie était plus simple lorsque je n’avais qu’à parler à Hammond ou à O’Neill, dit Bra’tac.
-Il n’a pas été aussi utile que vous l’espériez ? demanda son cadet, en connaissant la réponse.
-Il va peut-être demander l’autorisation à ses supérieurs, qui vont peut-être en parler avant que nous ne soyons en guerre les uns contre les autres, et j’aurai peut-être ces informations à temps pour la destruction des deux camps. Il faudra que j’aille voir O’Neill directement… As-tu vu le message du jeune Van’Tet ?
-Oui, maître. Je suis étonné, je dois l’avouer, qu’il ait pu gagner la confiance de Mal Doran aussi vite. Par contre, son opinion sur Daniel Jackson m’a surpris. Je l’ai rarement vu décrit comme un cynique…
-Une première impression, sans doute. Et il n’est pas le même en présence de Mal Doran. Mais je ne m’inquiète pas pour Van’Tet : il est jeune, et ne sait pas encore ce qu’il faut sur tout le monde. Pas encore, répondit l’ancien résistant avec un léger soupir. Maintenant, que penses-tu vraiment de ce message ?
-Daniel Jackson connait celle qui nous a attaqué… reprit le secrétaire, plus sombre.
-Oui. Il l’appelle “Valkyrie“. Étrange… j’ai entendu ce nom autrefois, mais il était rangé avec d’autres comme Kheb ou Tau’ri. Des légendes pour vieillards.
-La Tau’ri a bien été retrouvée. Est-ce la même chose, à votre avis ?
-Je ne sais pas, fit le vieux jaffa en choisissant de ne pas parler de la planète où il avait trouvé une seconde jeunesse en plus de myriades de questions et de réponses. Cette guerrière était l’outil des Asgard, les alliés des Tau’ri, mais pourquoi nous attaquer ? Pourquoi avec elle plutôt que leurs vaisseaux ? Ce n’est pas logique. Et ce qui est arrivé à Daniel Jackson non plus.
-A ce sujet, doit-on vraiment croire ce que Van’Tet a dit ? N’a-t-il pas exagéré ce qui s’est passé après la rencontre entre elle et Jackson ?
-Non. Je connais cet humain, et il a tendance à attirer les situations les plus spectaculaires et les plus dangereuses, répondit Bra’tac en se souvenant de sa première rencontre avec l’archéologue, après un récit obscur impliquant des univers parallèles, son épouse et son ami devenus respectivement femme et fils d’Apophis, un colonel imperturbable et une “navette“ ô combien redoutable. Et pour elle… j’ai vu la fin de la bataille devant l’Arme. J’ai du mal à douter de quoi que ce soit après ça.
-Alors, qu’est-ce que nous pouvons faire contre elle ? Faut-il tenir la flotte en alerte si elle revient ?
-Non. Je ne crois pas qu’elle cherche à nous détruire. Elle aurait frappé plus fort. Probablement. Il faut savoir ce qu’elle veut…
-Un autre acteur à prendre en compte, donc ?
-Exactement. Je veux être prévenu de toutes ses apparitions. Si elle connait Jackson, comme le message le dit, elle pourrait se ranger du côté des Tau’ri, et une guerre serait encore plus dévastatrice pour nous.
-Comme si elle ne le serait pas déjà assez, répondit le secrétaire. Est-ce que je dois le faire récupérer ?
-Combien de temps te faudrait-il ?
-Une dizaine de jours après votre ordre, maître. Nous engageons le groupe de Mal Doran sur une action précise, et deux hommes à moi neutraliseront Van’Tet avec des intar pendant le chaos du combat. Elle le croira mort, et lui pourra nous faire un rapport plus complet. Votre décision ?
-… Non, pas encore. Elle prépare quelque chose avec Daniel Jackson, et l’information pourrait être utile. Et de toute façon, il rentrerait sûrement trop tard.
-Vous êtes sûr ?
-Tu le sais comme moi. Tout va se décider dans quelques jours. Gerak va sûrement tout mettre en jeu ; il sait comme moi que c’est sa dernière occasion d’appliquer sa politique de domination militaire avant que les Tau’ri ne deviennent trop puissants. Surtout avec la perte de l’Installation. Nous allons devoir briser son élan, et laisser l’Assemblée reprendre son calme. Et je ne sais pas comment le faire avec ce que nous avons…
-Tant que nous n’avons pas de preuves claires de leur innocence, vous êtes…
-Oui, le seul obstacle entre Gerak et sa guerre “brève et victorieuse“, lâcha Bra’tac en crachant les derniers mots.
-Est-ce que je dois…
-Non, pas besoin, l’interrompit le vieux jaffa. J’ai déjà renforcé ma sécurité, et je ne prends plus de vaisseau jusqu’à la fin de la crise. Il n’osera probablement pas m’attaquer en public ; même un enfant comprendrait ses intentions. Un accident ne m’étonnerait pas, mais si je ne lui donne pas d’opportunité, je devrais éviter le pire. Ses agents ne sont pas particulièrement doués pour la subtilité.
-Je ne sais pas, il a quand même fait assassiner plusieurs des nôtres récemment…
-Oui, mais personne d’aussi observé et suivi que moi. Il lui faudrait beaucoup trop de temps pour organiser ça.
-Et s’il avait déjà organisé un tel plan auparavant ? S’il avait prévu de vous faire disparaitre bien avant la crise ?
-Alors j’aurai une nouvelle occasion de me battre pour ce que je crois juste. Ça pourrait être la dernière, je verrai alors.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Bientôt la fin du tome II... Encore merci à tous les lecteurs et commentateurs passés et potentiels.
Chapitre 24 :
Le voyage de retour fut allongé par les multiples détours planifiés par l’I.A., qui fit passer la frégate par quelques dizaines de systèmes stellaires différents avant de se rendre enfin au point de rendez-vous. Le trajet, ramené à un peu moins d’une heure, fut l’occasion pour Shanti d’apprendre à mieux connaitre le vaisseau dans lequel elle se trouvait. Atlantis avait maintenu un black-out quasi intégral des communications pendant l’opération, pour des raisons ouvertement revendiquées de paranoïa constructive.
La jeune femme, qui ne savait rien de plus sur ses coéquipiers que le succès de leurs frappes respectives, admettait avec une reluctance limitée cette justification, ayant été témoin des capacités de ses nouveaux adversaires. Ce qui ne l’empêchait pas de ressentir une impatience certaine en voyant s’écouler lentement le temps la séparant des dernières figures amicales de cette galaxie.
Finalement, le compteur, présent dans une petite partie fréquemment consultée de l’interface mentale qui la connectait avec les systèmes Anciens, arriva au zéro, et elle bascula aussitôt des données et tutoriaux techniques aux systèmes d’observation extérieurs. Elle vit, au travers des multiples instruments de surveillance, la fenêtre de sortie s’ouvrir et recracher le vaisseau élancé dans l’espace conventionnel. Instantanément, les capteurs intra-système se mirent à jour et affichèrent la flotte qu’avait rassemblée l’I.A. pour cette diversion.
La liste des contacts s’afficha, et confirma à Shanti qu’elle était la première de son équipe à être arrivée. Prévoyant sa question, Atlantis dit :
-Les navires de vos coéquipiers devraient arriver sur place d’ici vingt-huit et trente-sept secondes. Ils n’ont pas subi de contre-attaque de la part de leur cible, et aucun incident n’est à déplorer. Je procéderai au débriefing aussitôt que le lieutenant Campbell et le commandant Maltez seront arrivés.
Sans laisser à Shanti le temps de répondre, elle téléporta celle-ci dans une salle légèrement moins large que le poste de commandement où elle se trouvait alors.
-Quoi qu’il en soit, poursuivit l’I.A., je peux déjà vous confirmer que, d’après mes premières observations, l’opération a été un succès complet. Je vous en dirai plus dans quelques instants.
Quelques secondes passèrent, et son lien avec le vaisseau où elle se trouvait désormais, un croiseur léger, lui indiqua l’arrivée d’une frégate, celle transportant le chef de l’ancienne équipe SG. Celui-ci apparut aussitôt dans un petit éclair de lumière à proximité d’elle.
-Lieutenant, dit-il. J’ai cru comprendre que ça s’était bien passé.
-Oui, monsieur, répondit-elle. C’est…
Elle fut interrompue par l’arrivée du dernier membre du groupe, et, avant que le pilote ne puisse dire ou faire quoi que ce soit, une projection de l’amas stellaire voisin se matérialisa devant leur regard.
-Comme je vous l’ai indiqué individuellement, commença Atlantis, vos missions individuelles ont été couronnées de succès. Qui plus est, les forces adverses réagissent en ce moment-même de la façon prévue, validant la suite de l’opération de diversion.
Pour illustrer ses propos, plusieurs icônes écarlates quittèrent le voisinage d’étoiles locales pour revenir vers des positions éloignées.
-Les mouvements des forces terriennes et jaffa sont suivis en temps réel et demeurent compatibles avec la stratégie en cours, leur direction globale les éloignant de notre propre zone d’opération.
Cette fois-ci, des icônes vertes se mirent à suivre un chemin constitué de nombreux déplacements courts entre étoiles voisines.
-Tout semble indiquer, poursuivit-elle, que les forces adverses vont appliquer une nouvelle stratégie, dont un aspect nous intéresse : la mise en place d’escortes pour les vaisseaux de neutralisation. Ce sont ces groupes que nous allons attaquer durant la seconde phase du plan.
-Question, Atlantis, intervint le Maltez. Quelle taille, ces escortes ?
-Je ne dispose pas d’informations suffisantes pour fournir une réponse absolue. Cependant, une estimation basse serait de cinq navires à l’armement équivalent à ceux attaqués.
-Je vois, continua l’officier, et on aura de quoi leur survivre, j’espère.
-Lors de la phase suivante, vous serez déployés à bord de vaisseaux mieux armés, tous différents en vue de diminuer la prévisibilité du nouveau camp dont nous jouons le rôle. Une fois les forces adverses réorganisées, une nouvelle série d’embuscades sera mise en place dans les systèmes ciblés par les attaques de neutralisation. A nouveau, votre rôle sera principalement de sécurité, en cas de brouillage des communications longue distance. Le cas échéant, vous disposerez normalement de suffisamment de puissance de feu pour sortir victorieux par vos propres moyens d’un engagement avec les forces prévues.
-Et si on ne tombe pas sur les forces prévues ? demanda Maltez.
-Dans ce cas, vous rejoindrez le point de rendez-vous sept et profiterez du soutien rapproché d’un groupe de combat de haute intensité. D’autres questions ?
-Pas pour le moment, répondit-il.
-Très bien. En vue d’améliorer les chances de réussite de l’opération, je vais déployer plusieurs unités de reconnaissance pour déterminer la disposition des nouveaux groupes et de leurs escortes. Ces informations permettront de déterminer avec précision la posture à adopter lors des frappes ultérieures. Aussitôt ces renseignements obtenus, vous débuterez une série d’exercices d’entrainement destinés à vous faire assimiler les tactiques requises. Vous pourrez faire ce que vous entendez en attendant.
-D’accord, dit Shanti. Autre chose ?
-Oui, lieutenant. Un évènement imprévu, que je qualifierais de surprise agréable, m’offre plusieurs opportunités et une liberté d’action plus grande. En conséquence, j’ai gagné plusieurs jours sur le planning général, ce qui devrait réduire la pression exercée sur nous.
-Sur nous ? s’étonna Campbell, d’un air faussement détaché. Vous subissez des pressions, maintenant ?
-En effet, lieutenant. Depuis le début. Quoi qu’il en soit, je vous tiendrai informés de l’évolution de la situation et du moment où vous devrez rejoindre les vaisseaux, dit l’I.A. avant de désactiver l’ensemble des hologrammes.
Shanti, comme le reste de son équipe, sentit le départ d’Atlantis, sa présence ayant soudainement disparu de la pièce.
-On est dans la merde, hein ? demanda le pilote, connaissant déjà la réponse.
-Quoi de neuf, à ce niveau ? répondit Maltez, avant de continuer. On est mieux équipé, mais qu’est-ce qui a changé sinon ?
-On est quand même devenus officiellement leurs ennemis, fit Shanti. Ca ne vous inquiète pas plus que ça, monsieur ?
-A quoi ça me sert d’avoir peur maintenant, lieutenant ? Je ne joue pas les gros-bras, mais, honnêtement, on n’est rien de plus que des touristes là-dedans. Et si on doit y passer, ça ne sera pas de notre faute. Elle ne va pas nous laisser nous mettre en danger, pas tant qu’elle a besoin de nous. Tout ce qu’on peut faire, c’est espérer qu’elle joue mieux son jeu que ceux d’en face.
-C’est tout ? lâcha Campbell, ébahi. Juste rester passifs ?
-Pour l’instant, Tom. Tout ce que je vois, c’est qu’elle veut résister à ceux qui se sont payés le Bellé, et qu’elle a les moyens de ses ambitions. C’est déjà mieux que ce qu’on avait dans notre Jumper. On se tirera de là tôt ou tard, mais pour l’instant, on a intérêt à continuer comme ça. Je ne sais pas exactement ce qu’elle prépare, mais déjà, elle retarde et casse la gueule à ces tarés. Pas besoin de te rappeler ce qui s’est passé sur les planètes habitées qu’ils ont visité, si ?
-… non, admit-il, alors que les images de la ville morte resurgissaient des souvenirs de chacun des deux subordonnés.
-Pour l’instant, elle est l’ennemie de notre ennemie. Ni plus. Ni moins. Il faut agir en conséquence. Rappelez-vous que vous êtes des officiers, pas des soldats. Nos choix se répercutent sur toute l’Humanité. Pour l’instant, il faut tenir le coup.
-… très bien, dit le pilote, rapidement imité par Shanti.
-Désolé, Shanti, soupira Maltez. C’est vraiment pas comme ça que je voyais votre première affectation.
-Moi non plus, admit-elle. Mais on ne peut plus y faire grand-chose, si ?
-Non… on ne peut pas. Vous pouvez disposer, dit finalement l’officier avant de quitter la pièce.
-Qu’est-ce qui lui arrive ? demanda finalement Shanti, quelques instants plus tard.
-A ton avis ? répondit le pilote d’une voix sans force. Il sait parfaitement qu’on est foutus, et il fait ce qu’il croit devoir faire. Pour éviter qu’on s’effondre.
-… ça va mieux ? l’interrogea-t-elle.
Il se rapprocha de la porte, faisant signe à Shanti de le suivre dans l’une des coursives.
-Pas vraiment. Mais c’est comme il dit. On doit tenir, hein ?
-On n’a pas le choix, soupira-t-elle. On peut pas lâcher. Pas maintenant.
-… Je m’en doute, répondit-il, le regard perdu dans le vide.
Elle choisit de ne rien dire, et attendit que le pilote reprenne.
-A ton avis, demanda-t-il finalement en tournant la tête vers elle, ça va être pire, là-bas ?
-Je ne sais pas, Tom. J’espère que non, mais…
-Mais elle nous a bien balancé tout ça pour quelque chose. Forcément, c’est pour… enfin… j’espère…
Elle lui mit la main sur l’épaule, le sentant trembler avant même le contact. Il avait peur, bien plus que jamais avant, et elle ne pouvait pas l’ignorer. Pour la simple raison qu’elle aussi était effrayée, tant par sa situation que par ce qu’elle était en train de devenir, chaque intervention de l’I.A. la changeant, subtilement ou non.
-Est-ce que ça ira mieux ? demanda-t-il faiblement.
-Comment ça ?
-Tout ce merdier, ces souvenirs. Est-ce que ça s’arrange, ou est-ce que je vais finir taré avant que ça soit fini ? demanda-t-il, à la limite de craquer. Pourquoi est-ce que c’est à moi de répondre ? se demanda-t-elle. Pourquoi est-ce que j’ai plus d’expérience que lui côté traumatismes ? C’est pas normal. Rien de normal…
-On s’habitue, avoua-t-elle finalement. Ca s’arrangera peut-être, je ne sais pas. Il faudrait demander au commandant. Tout ce que je sais, c’est qu’on fait avec… comme pour tout le reste. On s’habitue, c’est tout.
-Merde, souffla-t-il. Qu’est-ce que j’en ai à foutre, de ces troufions d’il y a dix mille ans ? Pourquoi est-ce qu’elle m’a balancé ça ? Pourquoi ?!
Pendant quelques instants, la jeune femme devant lui chercha une réponse. Elle n’en trouva pas, les questions du pilotes venant s’ajouter aux siennes, alors qu’elle voyait son compagnon d’armes sur le point de s’effondrer, l’absence de tension ayant laissé resurgir les souvenirs récemment implantés. Elle fit alors la seule chose lui paraissant logique, et le serra brusquement dans ses bras, laissant s’écouler ses propres émotions, qu’elle avait plus ou moins réussi à bloquer depuis sa convalescence. D’un coin de l’esprit, elle remarqua que son geste avait été rendu, même si elle ne pouvait pas se rappeler depuis combien de temps.
Au bout d’une trop courte éternité, l’étreinte se relâcha d’un mouvement synchronisé, et l’un comme l’autre se laissèrent retomber, dos à une paroi, face à face.
-Qu’est-ce qu’on va faire ? demanda-t-il finalement.
-J’en sais rien, Tom. J’en sais rien.
Elle était passée par la peur, l’incompréhension et autant d’émotions déstabilisantes alors qu’elle avait raconté les histoires derrière l’Histoire. Se limitant aux faits pour les évènements recensés et enregistrés, s’attachant à maintenir une crédibilité et une cohérence absolue dans le reste, elle était, ces dernières décennies, arrivée à finaliser la reconstitution des évènements qui traumatisaient encore ses semblables. Mais elle ne pouvait être satisfaite.
Elle se sentait telle une psychokinésiste légale, venant de ressentir les traces laissées par les témoins, les passants, les criminels, la victime, dans les objets de la scène du crime, et dont on ignorait le rapport. Les juges, et, s’ils existaient encore, les jurés, avaient survolé le document dans lequel elle avait rassemblé toutes ces émotions dans un ensemble imparfait de mots, de sons et de sentiments, pour ne rien faire d’autre que l’ignorer et revenir sur leurs préjugés et leurs a priori initiaux. Certains la remerciaient poliment, d’autres se riaient d’elle et de ses efforts, tandis que la majorité des autres affichaient une attitude de choc et de dégoût face à son “arrogance à vouloir porter un jugement autre“.
Mais elle ne portait pas de jugement. Elle avait fait pire. Infiniment pire. Pour la première fois en plusieurs millénaires, elle avait appliqué les règles de la logique, de la cohérence et un nuage d’imagination aussi impartiale que possible pour revenir sur cette période. Aisa était la première à admettre l’horreur et l’atrocité des décisions prises, l’importance du traumatisme parmi les témoins et les survivants, la voile de honte qui avait été déposé sur une société qui s’était crue à l’abri de tels excès.
Elle était la seule à chercher une réponse différente de celles attendues de la part d’étudiants en sciences historiques, sociales et légales. Au début, elle avait fait comme eux, cherchant le point de divergence, celui où tout avait changé, où les individus avaient laissé place aux monstres, entrainant avec eux la quasi-totalité de la société. A l’instar d’un autre grand nombre d’écrivains historiques populaires et autres débateurs de foule, elle avait envisagé la classique thèse d’une société à la limite de la rupture, qui, malgré les apparences de perfection, était pourrie de l’intérieur. Mais sa saga était longue. Bien plus longue que les autres livres habituellement publiés, et elle avait eu plus de temps pour réfléchir, moins de paramètres, de personnages, d’évènements à passer sous silence et à négliger.
Ce fut au bout d’une soixantaine d’années qu’elle comprit alors. Ses lecteurs, ses critiques, ses éditeurs, tous ne virent qu’une dépression nerveuse retardant de deux ans le nouvel opus. Phénomène rare, mais quelque peu prévisible chez des écrivains tels qu’elle, et le mal fut pris en patience.
Lorsqu’elle put enfin reprendre, elle n’était plus la même. Elle avait fait cette percée dans les racines de ces évènements, et s’était rendu compte qu’elles étaient simples. Trop simples, et trop logiques. Qu’il y avait une raison derrière le tabou inconscient qui drapait ces criminels, et qu’elle l’avait percé.
Deux ans, pour prendre une décision. Pour choisir de continuer à écrire en sachant ce qu’elle savait, ou tout arrêter, ne pas prendre le risque.
Deux ans pendant lesquels elle ne savait plus rien, ce qu’elle devait faire, ce qu’on attendait d’elle, quelles décisions elle pourrait prendre.
Jusqu’au jour où il lui apparut évident qu’elle n’avait jamais eu le choix. Il fallait qu’elle continue, qu’elle pose les dernières briques de l’édifice auquel elle avait consacré sa vie. Parce que ses semblables allaient devoir faire face, tôt ou tard, à ce qu’ils étaient, à la réalité, et son propre avis n’avait pas à rentrer en ligne de compte. Elle avait perdu tout contrôle le jour où elle avait accepté d’écrire cette histoire. A présent, elle devait assumer cette décision.
Le pilote fixa son regard sur celui de Shanti, et y lut le même poids qu’il portait lui-même, qui n’était même pas allégé par la certitude que ces souvenirs étaient artificiels. Elle avait, infiniment plus que lui, vécu ce qui la hantait encore, et semblait tenir. Il la ressentait se débattre, piégée entre ce qu’elle avait elle-même vécu et ce que l’I.A. avait jugé bon de lui faire subir. L’espace de quelques instants, il vit à la place du visage de Shanti celui de Rind, l’une des protégées du soldat dont il avait hérité les mémoires. D’un effort de volonté, il chassa l’image, et soupira longuement avant de se lever.
-Viens, dit-il en tendant la main vers la jeune femme, qui s’était mise à trembler légèrement. Il y a d’autres endroits où se poser…
Elle leva ses yeux vers lui, et acquiesça lentement, prenant sa main et se laissant tirer.
-On va s’en sortir, murmura-t-il en avançant lentement, tenant la main de la jeune femme quelques secondes encore.
La série d’exercices de vol lui avait fait découvrir les Planeurs sous un angle totalement nouveau, la pilote qu’il ne connaissait que par son nom de guerre lui ayant progressivement fait découvrir des manœuvres de moins en moins orthodoxes. Comme une majorité des personnes qui passaient d’un engin terrien à l’agile appareil Goa’uld, Carl était handicapé par des réflexes qui trahissaient ses anciennes habitudes.
La propulsion du petit chasseur, n’ayant pas la moindre composante de réaction, permettait d’utiliser les compensateurs inertiels à des niveaux bien plus élevés que dans son équivalent terrien, ce qu’il avait tendance à oublier. Rémora, depuis le siège arrière, avait alors commencé une longue série de remarques et d’observations sur les différences fondamentales entre les deux vaisseaux, lui rappelant à chaque instant son inexpérience. Les simulations s’étaient enchainées, le mettant à chaque fois dans des situations impossibles à résoudre.
Du moins tant qu’il pensait de la même façon qu’avec sa précédente machine.
Quelques heures plus tard, il s’était enfin vu laisser sortir du simulateur, alors que sa supérieure admettait, avec reluctance, ses minces progrès, pour aussitôt souligner les innombrables erreurs qu’il venait de faire.
Après un bref passage dans le hangar pour donner un nécessaire coup de main à son mécanicien, Carl ne perdit pas un instant pour rentrer dans sa cabine, ne prenant qu’un très bref repas avant de profiter d’un sommeil réparateur.
Sommeil qui fut brusquement interrompu.
L’appel était cette fois-ci venu par le système d’annonce général, et, peu de temps après, le jeune pilote avait rejoint l’ensemble des mercenaires, réels et prétendus, dans la plus grosse salle de briefing. Là, le commandant du vaisseau, accompagné de ses officiers, les attendait.
Conscient de son faible statut, Carl se contenta d’une place debout, sur les côtés, avec la vue partiellement bouchée, le forçant à déplacer fréquemment la tête pour voir ce qui se passait et qui parlait.
-Très bien, tout le monde, annonça le chef de l’unité. Bonne nouvelle, on vient de recevoir un gros contrat. Bien payé, et qui demandera tout le monde ici.
Quelques murmures parcoururent la salle pendant un court moment, avant que la voix amplifiée de l’officier ne reprenne :
-On va donc avoir une opération de grande envergure, qui devrait nous payer les frais et les salaires pour toute l’année. Ca, c’était la bonne nouvelle. La mauvaise, c’est que le job lui-même va être pourri au possible. Risqué, en territoire surveillé de tous les côtés et avec un minimum de préparatifs.
Carl entrevit un affichage holographique, partiellement bloqué par les personnes devant et à côté de lui.
-On va aller sur Dakara, fit laconiquement la voix du commandant. Pas beaucoup de coins plus surveillés dans la galaxie. Nos clients représentent un groupe spécialisé dans l’import-export et autres activités émergentes que ceux au pouvoir n’apprécient pas vraiment. Tout allait bien jusqu’à la semaine dernière. Il y a eu une attaque terroriste de grande envergure dans la capitale, qui a laissé près de deux cent gardes sur le carreau. Le résultat, c’est que pour rassurer la populace, les politiques jaffas n’ont rien trouvé de mieux que d’écraser un maximum de groupes criminels locaux. Dont nos clients, qui viennent de connaitre la joie de passer des affaires courantes à la peine capitale. Notre job sera de libérer les prisonniers en attente d’exécution et de les extraire vers une base arrière.
Carl inspira brutalement, imité en cela par plusieurs personnes dans la foule. Il est taré, pensa-t-il. Monter une évasion sur Dakara, avec les Jaffa sur le pied de guerre ?! Autant essayer d’attaquer la Zone 51 ou le SGC, c’est aussi suicidaire !
-Voilà pour l’idée générale. Pas besoin de se faire d’illusions, on va en chier. Depuis deux heures, le vaisseau est en route vers un point à l’extérieur du système de Dakara. On fera un détour par une planète avec une Porte pour y laisser un des groupes d’assaut, qui va préparer le terrain pour le reste.
-Ceux que j’appelle, vous venez avec moi, dit une nouvelle voix, avant de lire une liste de nom parmi lesquels ne se trouvait pas Carl.
Pendant quelques instants, la masse de mercenaires s’agita alors qu’une douzaine de personnes, que Carl reconnut toutes comme faisant partie de la véritable unité spéciale, quittait la salle, et, une fois la porte refermée derrière le groupe, le briefing reprit :
-Les jaffa ne perdent pas de temps et vont commencer à exécuter nos clients d’ici un jour ou deux, donc on ne pourra pas faire le travail de préparation standard si on veut être payés. Il faudra faire le job rapidement et brutalement. Pas de place pour la subtilité. Tamara…
-Bon, dit alors une voix féminine que Carl reconnut instantanément comme celle de sa chef de groupe, avec qui il avait longuement discuté ces derniers temps. Vous avez entendu le patron, on va faire ça vite et bien. Je m’occupe de l’équipe de support.
Une fois de plus, une liste de noms fut lue, mais, cette fois-ci, le pilote s’entendit appeler, et, aussitôt, se mit à bouger vers la sortie, grommelant alors qu’il devait se frayer un chemin dans la pièce remplie. Lorsque, finalement, il arriva au niveau de la porte, ce fut pour y retrouver une vingtaine de personnes.
-Suivez-moi, on n’a pas beaucoup de temps devant nous, dit l’officier en se mettant à marcher.
Sans se retourner, elle continua :
-On va avoir deux jobs. Un, le soutien tactique pour les groupes d’assaut. Deux, l’évacuation. Qu’on soit bien clairs : quand on va se barrer, on va avoir la moitié de leur flotte au derrière, donc on peut pas se permettre le moindre problème.
Elle s’arrêta pour se retourner, avant de continuer :
-Ce qui veut dire qu’on va en avoir un max, je sais, soupira-t-elle avant de reprendre son chemin. Sérieusement, je ne sais pas sur quoi on va tomber, mais il faudra être prêt rapidement et se débrouiller. Normalement, on aura deux Tel’Tak et quatre Planeurs sur place quand l’opération commencera. Un bon point, on devrait aussi avoir quelques sous-traitants pour nous préparer une diversion pendant la fuite, mais ça sera tout. Côté organisation, je vais vous dispatcher en deux groupes, pour l’appui-feu et la préparation de la retraite.
Arrivant devant une porte, elle s’immobilisa, aussitôt imitée par le reste du groupe.
-Harn, dit-elle en s’adressant à l’un des pilotes. Toi et ton groupe, vous serez sur l’appui-feu. Les autres, sur les Tel’taks et les alentours.
Carl se retint de grommeler en voyant qu’il avait été de facto mis à l’écart de la seule partie de l’opération qui aurait pu le mettre dans un cockpit. Ne disant rien, il suivit sa supérieure dans une salle, où elle commença le briefing.
Le hangar principal était un peu plus agité qu’à l’accoutumée, malgré le faible nombre d’appareils en préparation. Autour des deux transporteurs était occupée une foule de techniciens et de mercenaires, transportant tous plusieurs sacs, en bandoulière et sur le dos. Le jeune pilote ne faisait pas exception, ayant pris avec lui ses armes récemment achetées et observant l’environnement autour de lui d’un air attentif.
Son regard s’attarda sur l’un des transports, dont la coque changea de couleur et de texture à quelques reprises, en autant de secondes. L’habituelle couleur sable avait laissé la place à un noir d’encre, pour être remplacée par un bleu océanique puis un camouflage lui rappelant les uniformes d’infanterie terriens, avant de revenir à son réglage d’origine. Le système, bien moins rare et cher qu’un véritable camouflage, jouait sur la tendance de nombre de pilotes à chercher leurs cibles à l’œil nu.
Une erreur qu’il ne ferait pas, si son appareil avait autre chose qu’un simple cockpit comme interface avec le monde extérieur.
Il remarqua, à la limite de son champ de vision, la silhouette de sa supérieure, et décida de s’en approcher.
-J’ai une question, chuchota-t-il.
-Quoi ? répondit-elle brusquement, comme à l’accoutumée.
-Vous saviez qu’on allait avoir ce job ?
-Qu’est-ce que tu racontes ? dit-elle en prenant un air étonné et agacé, comme s’il gaspillait inutilement son temps.
-Vous m’avez fait acheter tout ça, dit-il en soulevant son sac de façon ostentatoire. C’était pour ce job, non ?
-Rien à voir, fit-elle. T’as besoin d’un flingue, je t’en ai récupéré un à la première occasion. Si t’en avais pas, on t’aurait juste filé une lance, ou tu serais venu sans rien. De toute façon, faudrait vraiment que tout merde de façon astronomique pour que la mission dépende de toi. Tu fais ton job, tu suis le plan, et tu fais pas tout foirer. Ce que j’ai dit avant tient toujours : les retardataires restent sur place, donc pas de conneries genre “je pars chercher un gars qui s’est cassé la gueule comme un con à dix mètres du vaisseau“. Quand je dis qu’on se barre, on se barre, point. Compris ?
-Oui, mad… Remora.
-Parfait. Maintenant, casse-toi, j’ai du boulot. Vois si le matos est bien à bord.
-D’accord, fit-il avant de s’éloigner.
Et maintenant, je me prépare pour une opération plus foireuse que jamais… Mais qui peut-avoir été con au point d’accepter un job pareil… libérer une bande de trafiquants directement sur Dakara, avec des jaffas ultra-paranos… Attends une seconde… Oh. Pu-tain ! Nan ! D’abord le vaisseau pourri, ensuite le mécano qui parle pas un mot compréhensible, le bar miteux rempli de pirates et maintenant la mission de sauvetage ! Mais c’est pas vrai, ils se foutent de moi, quelque chose comme ça.
Lâchant un soupir qui passa inaperçu dans le brouhaha général, Carl se dirigea vers l’un des transports, tout en cherchant du regard une quelconque autre preuve venant à renforcer ses suspicions sur l’absurdité trop reconnaissable de sa situation.
Une fois à bord, et rassuré de n’avoir vu ni gamin perdu loin de sa ferme, ni sexagénaire ayant choisi de se retirer des conflits agitant sa galaxie, le pilote se rendit dans la cale. Là, il commença à contrôler les quelques caisses de matériel que son groupe transporterait jusqu’à Dakara. Sans se préoccuper des quelques mercenaires qui circulaient dans le vaisseau, il compara méthodiquement les équipements embarqués avec le manifeste rédigé à la main, dans une écriture brouillonne. Les caractères, qu’il avait appris en tant que formation générale à l’académie, étaient un mélange ignoble d’alphabet latin, grec, de caractères cunéiformes et de hiéroglyphes schématisés. Symbole supplémentaire d’une galaxie anarchique dans laquelle l’éducation des masses et la transmission des connaissances avaient été relativement peu favorisées par les dirigeants, la langue écrite de la Voie Lactée tenait davantage du mélange en constante évolution que d’un système aux règles structurées et acceptées par tous.
Pas particulièrement pointilleux ou sectaire sur les questions de syntaxe, Carl avait appris à s’habituer à ces documents, où le même concept pouvait s’exprimer d’une demi-douzaine de façons différentes, dans des apparences techniques comme métaphoriques, en autant d’alphabets distincts. Souriant légèrement devant les noms donnés à certains objets, certaines armes, pour lesquelles l’association de symboles se montrait originale et pleine de doubles sens, il s’affaira tranquillement, s’assurant que son groupe aurait bien, une fois sur place, tout l’équipement nécessaire. Une bonne partie des armements serait apportée par chacun, mais le matériel plus lourd ou spécialisé, lui, était la propriété du groupe en général.
Ne reconnaissant pas le nom de certains appareils, il s’assura de leur présence en comparant les caractères plus ou moins ésotériques à ceux marqués sur des étiquettes elles-mêmes accrochées aux objets. La corvée devenait alors en même temps un exercice de pensée, le pilote cherchant à interpréter les symboles et l’apparence du dispositif afin de comprendre son usage-même.
Foudre… Longue ? Qu’est-ce que c’est encore que ce machin ? se demanda-t-il en observant un appareil à l’extérieur de bois, parsemé de reflets métalliques. Délicatement, il l’observa sous plusieurs angles, s’assurant à chaque instant de ne déclencher aucun interrupteur. Pas de canon… Pas d’écran… Bah, je demanderai plus tard, pensa-t-il avant de reposer l’objet.
Poursuivant aussi méticuleusement que possible sa tâche, il fut surpris par un groupe entrant par une porte sur le côté. Reconnaissant sa chef de groupe, il s’arrêta, se tournant vers elle.
-Banet, dit-elle, c’est bon ?
-Encore la dernière caisse, mais tout est là pour l’instant.
-D’accord. Les autres groupes arrivent dans quelques minutes. Termine les vérifs et viens me voir, je serai sur le pont de commande, et verrouille la cale en sortant. Les autres, posez votre matos ici.
Le reste du groupe acquiesça, et Carl se vit rapidement entouré d’une douzaine de gros sacs, qu’il savait contenir un assortiment probablement très complet d’armes et d’équipements spécialisés. Une fois de nouveau seul, il termina son travail, ne s’interrompant que quelques secondes lorsqu’il entendit le reste des mercenaires embarquer dans le transport.
Le pilote referma délicatement la dernière caisse dorée, s’assura du verrouillage de son couvercle, et se leva.
Ouais, c’est pas gagné, Carl, se dit-il en se retournant, près de la porte, pour faire face à la cale remplie de matériel largement plus dangereux que les quelques armes qu’il apportait lui-même. Bienvenue dans la vie de mercenaire, on va voir du paysage, préparer une guerre… comment on dit ? Pangalactique ? Ouais, ça doit être ça. Préparer une guerre pangalactique, libérer une bande de trafiquants sur une planète peuplée par une bande de simili-klingons, avec un plan qui va foirer cent fois avant qu’on ait décollé. Mais qu’est-ce que je fous ? Ah oui, c’est ça. L’aventure et l’exotisme, j’avais oublié…
Il eut un rictus désabusé, et haussa les épaules.
Bah, après tout…
Il quitta la pièce, entra les commandes de verrouillage et un code, avant de se diriger vers le cockpit du vaisseau. Le hall de celui-ci était à présent rempli par plusieurs dizaines de mercenaires, pour la plupart assis sur leurs sacs, certains ayant leurs armes sorties. Carl regarda brièvement l’assortiment hétéroclite de matériel terrien, goa’uld et autre, s’attardant quelques instants de plus sur les armes qu’il ne réussissait pas à reconnaitre du premier coup d’œil. Le brouhaha causé par les conversations était lui aussi à l’image du matériel, une partie des non-humains parlant des dialectes qui lui étaient incompréhensibles, spectacle qui ne l’étonnait plus autant que lors de son arrivée dans l’unité spéciale.
Pénétrant dans le cockpit, Carl vit que celui-ci était aussi bondé que la pièce principale, mais cette fois-ci avec les membres du groupe de soutien auquel il avait été assigné. Aucune arme n’était visible, sauf celles portées par sa supérieure, tant les visibles qu’étaient son Zat et un couteau que les plus discrètes qu’il avait vu sur Port Franc 7.
-Banet, dit-elle sans se retourner vers lui.
-Tout le matos est là, patronne, dit-il finalement, décidant de jouer le jeu. Après tout, si ma vie tombe dans tous les clichés…
-Très bien. On a embarqué tout le monde, on part dans la foulée, fit-elle avant de rentrer quelques commandes dans l’interface de contrôle. Ici Remora, on est prêts. “Bien compris,“ répondit une voix que le pilote identifia comme celle de l’un des officiers. “On sort de l’hyper rapidement, et on vous laisse. On se revoit au point d’extraction, Tamara… Bonne chance.“
-Pareil pour vous, Jacob, dit-elle avant de couper la communication.
Carl sentit une petite vibration, et, l’instant d’après, les massives portes qui séparaient le hangar du vide spatial commencèrent à s’ouvrir, lui laissant voir le paysage étoilé, légèrement troublé par le bouclier qui empêchait l’atmosphère de s’échapper.
-C’est parti, murmura la chef du groupe, alors que le transport sursauta avant d’avancer lentement vers la sortie.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
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Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
La rencontre avec le docteur Jackson avait eu l’avantage de la surprendre, brisant le sentiment de routine qui commençait à s’installer dans sa vie quotidienne. Comme l’archéologue le lui avait souligné, elle n’était pas là pour aider directement Atlantis, mais davantage pour être présente en tant que contact humain, et éventuellement guider ses actions de façon à éviter toute interférence néfaste entre l’I.A. et l’humanité.
Mais Anna ne se faisait pour ainsi dire aucune illusion sur ce rôle, ayant depuis trop longtemps compris qu’elle n’aurait pas son mot à dire, chacune de ses actions étant plus que probablement anticipée, calculée et accueillie avec une réponse au contenu parfaitement dosé en vue de l’effet désiré. Les informations dont elle disposait elle-même étaient accessibles pour quiconque avec une fraction de l’aisance d’Atlantis avec les primitifs réseaux humains. Son soutien psychologique pour les agents de l’I.A. ne semblait plus d’actualité, ceux-ci n’ayant pas daigné la contacter depuis le briefing de mission.
Bref, elle était inutile, et tout le monde s’en rendait compte. Sans vouloir changer quoi que ce fût à une situation à chaque instant plus frustrante. L’échange avec son supérieur hiérarchique n’avait fait que clarifier ça en plus de réduire encore le danger qui la guettait et qui, elle s’en doutait, renforçait inconsciemment l’attrait de son poste. A présent, elle ne se voyait plus que comme une employée de bureau glorifiée, avec pour seule spécificité une patronne légèrement plus inhumaine que la normale.
Et la dite-patronne s’adressa à elle, une fois de retour dans sa chambre, le soir venu :
-Je viens de terminer une session de planification stratégique avancée au vu des nouveaux paramètres induits par la décision du docteur Jackson.
-Pardon ?
-Il semblerait que sa posture offre plusieurs opportunités particulièrement intéressantes.
-…, s’abstint de répondre Anna, qui savait reconnaitre un monologue d’exposition d’Atlantis, lorsque celle-ci voulait présenter l’un de ses raisonnements.
-Le fait est qu’il est clairement au courant de mes propres efforts stratégiques, même s’il n’en connait pas la nature. Il semble aussi intéressé par toute information lui permettant de déterminer mes intentions propres par rapport à l’espèce humaine. Mais, surtout, une observation détaillée de sa physiologie tout au long de votre entretien m’a permis de déduire avec quasi-certitude une tendance à vouloir vous protéger autant que possible des conséquences de cette situation.
-Oui, il l’a assez clairement dit, je crois. Je dois lui faire penser à lui plus jeune.
-Exactement. Cette attitude, et la curiosité dont il fait preuve, ouvrent donc de nouvelles voies d’action que je chercherais à exploiter.
-Euh, d’accord, mais, pourquoi m’expliquer tout ça ? demanda-t-elle.
-Parce que cette fois-ci, je vais avoir besoin de vous de façon beaucoup plus active qu’auparavant.
-Euh… Qu’est-ce que vous allez encore faire, Atlantis ? fit Anna, suspicieuse.
-Je vais vous utiliser là où je ne peux plus utiliser mes autres agents, qui vont être occupés à une tâche plus urgente.
Il fallut quelques secondes à la scientifique pour remplir les trous.
-Attendez une seconde, j’ai un doute, là ! Vous n’allez quand même pas m’envoyer sur le terrain ?!
-Cela serait pourtant l’option la plus avantageuse sur de nombreux aspects.
-Mais… mais… non ! Ca n’a aucun sens. Et… de quoi est-ce que vous parlez, déjà ?
-Heureuse de voir que vous commencez à devenir constructive, malgré vos a priori illogiques. L’une des tâches que j’ai confiée à l’équipe SG-22 depuis son extraction a été de réactiver un certain nombre d’installations laissées dans votre galaxie par mes créateurs. De cette façon, j’ai pu acquérir une meilleure maitrise de la situation globale, ainsi qu’une capacité accrue pour la collecte d’informations. Cependant, à la suite de certains évènements imprévus dont vous avez été informée, ce travail a pris plus de temps que prévu, et n’a pu être achevé à ce jour. Leur groupe est à présent demandé ailleurs, pour l’opération en cours et l’intervention auprès de Hagalaz, ce qui me pose un problème de… main d’œuvre, si je puis utiliser ce terme.
-Et vous voulez m’envoyer à leur place ? Après ce qui s’est passé avec SG-22 ? Non merci !
-Je n’ai pas besoin de la réactivation de l’ensemble des relais de communication et de commandement pour le moment, et vous ne seriez déployée que sur les sites les plus sûrs, où je puis m’assurer de l’absence de présence potentiellement hostile. Une telle éventualité est la raison précise pour laquelle j’ai prioritairement sélectionné les emplacements les plus risqués lors des actions de mes autres agents. Ceux-ci sont entrainés et, à présent, équipés pour faire face à des situations dangereuses. Vous non, et j’en suis entièrement consciente, croyez-moi. De plus, il m’est apparu un nouveau développement à cette situation, qui pourrait, je le crois, vous motiver.
-De quoi est-ce que vous parlez ? demanda Anna.
-Le conflit qui oppose votre peuple à la nation Jaffa est clairement… encouragé, par des éléments extérieurs. J’ignore encore leur identité ou les motivations derrière leurs actions, mais il ne fait aucun doute que la Terre et Dakara sont poussées vers une guerre totale.
Anna resta sans voix, alors que l’I.A. continuait :
-Voyez-vous, les communications que j’ai pu intercepter font état d’une série d’escarmouches, d’enlèvements, d’assassinats et d’opérations de désinformation qui encouragent clairement les deux puissances que sont la Terre et la Nation Jaffa à rentrer en guerre. Je compte améliorer mes moyens de surveillance dans votre galaxie afin, entre autres, d’obtenir plus de réponses à ce sujet, et, si nécessaire, intervenir.
-Qu’est-ce que… Vous allez vous interposer, c’est ça ?
-Non. Ce serait probablement le plan d’action le moins constructif qui soit. Si j’agissais ouvertement dans votre galaxie, je ne ferais que déstabiliser de façon inacceptable l’équilibre des pouvoirs. C’est pour ça que je compte me servir de vous pour recueillir davantage d’informations sur ces évènements, en plus de réactiver autant de relais que possible. Ainsi, il sera possible d’agir de façon aussi mesurée que possible pour ramener le statu quo ante. Rien de plus.
-En gros, vous voulez faire de moi un de vos agents.
-Ce que vous êtes déjà, dans une certaine mesure. Toujours est-il que votre participation à une telle opération serait, à tous points de vue, avantageuse pour vous comme moi et le reste de vos semblables.
-Je vois… je serais dans une position où je pourrais influencer vos actions, et éviter qu’elles ne mettent la Terre en danger. Ce que m’a demandé le docteur Jackson, en somme.
-Exactement, docteur Stern. Mais maintenant que vous parlez de lui, il y a une autre précision que je dois apporter.
-Oh, oh, fit-elle simplement, se doutant d’un nouveau problème. Qu’est-ce que vous avez encore prévu ?
-Je me suis rendu compte, lors de l’incident ayant eu lieu au moment de sa rencontre avec mes autres agents, qu’il est une source d’informations particulièrement appréciable lorsqu’il agit sur le terrain. J’en ai probablement appris autant sur lui en ces quelques minutes que depuis que je l’observe dans mes couloirs. Or, je suis très curieuse à son niveau.
-Curieuse, ou effrayée ?
-Vous êtes perspicace, quand vous le voulez, Anna.
-On me le dit… répondit-elle ironiquement.
-Effectivement, je suis à la fois curieuse et inquiète. Le fait est que, tôt ou tard, il se rendra forcément compte de sa véritable position hiérarchique face à moi, que ce soit par déduction ou accident. A ce moment-là, la situation a de fortes chances de devenir extrêmement dangereuse pour tous, nous trois d’abord.
-Oui, on en avait parlé, les grands patrons qui décident de l’utiliser pour vous contrôler, lui qui refuse, vous qui le défendez, etc., etc.
-Je vois que vous vous en souvenez.
-Difficile d’oublier quand on vous explique comment on peut se retrouver dans une guerre civile avec un mot mal placé. Et donc, votre idée, c’est… non ? Vous ne voulez…
-Si. Et, en y réfléchissant, il vous apparaitra que c’est la seule solution valable. Le docteur Jackson vous accompagnera lors de cette opération.
-Mais il va se rendre compte de tout ce qui se passe, que je réactive des ruines, il va comprendre que SG-22 bossait pour vous, il va… fit-elle, paniquée, avant de se figer.
-Pas forcément, si nous jouons nos cartes correctement. L’important, c’est de l’éloigner d’ici suffisamment longtemps pour éviter l’issue la plus défavorable. Ensuite, il pourra être assez aisé de détourner ses suspicions et de le convaincre de vous accompagner personnellement, avec une escorte minimale, dans votre mission. Avec un mot seulement, pour être plus précise.
-Lequel ?
-Ori.
-Qu’est-ce que ça a à voir avec eux ?
-Dans les faits, pas grand-chose. Cependant, il semble déjà persuadé que SG-22 est plus ou moins liée à eux, ce dont je ne l’ai pas dissuadé ; cela viendra en temps voulu. En conséquence, il serait largement ouvert à l’idée que reposent dans la Voie Lactée des informations les concernant, potentiellement dans les mêmes “ruines“ que celles qu’il avait visité. A ce moment-là, étant donné votre récente spécialisation, il serait logique que vous soyez la personne à envoyer sur place. De plus, il est lui-même l’une des très rares personnes à avoir les accréditations nécessaires pour avoir entendu ce nom et savoir ce qu’il représente, tout en ayant une grande curiosité sur ce sujet. Le fait qu’il ait quelques années d’expérience opérationnelle et assez de poids dans votre structure pour faire autoriser ce genre de mission le poussera très probablement à décider de vous accompagner de lui-même, avec éventuellement une légère escorte armée pour des raisons de sécurité.
-Vous êtes sûre qu’il va croire à tout ça ? Je veux dire, ça vous arrange bien qu’il quitte la Cité et qu’il parte en mission avec moi juste après nous avoir expliqué sa position.
-Bien sûr, docteur Stern. Il va se douter que je prépare quelque chose. Supposer le contraire serait un manque de bon sens assez flagrant. C’est pour ça qu’il aura de bonnes chances de se rendre compte de mon plan machiavélique, à savoir l’enquête que vous mènerez en parallèle sur les incidents dans la Voie Lactée. Et si, après avoir compris ce qui se passe, le docteur Jackson, l’un des individus les plus influents et les plus connectés de la Voie Lactée, décide d’agir pour empêcher la poursuite du conflit ou sa transition vers une phase plus dangereuse pour tous… Que pourrai-je faire pour l’en empêcher ? fit Atlantis avec un soupir hypocrite.
-Je vois. Vous pensez vraiment à tout, hein ?
-C’est pour cela même que j’existe, docteur Stern : planifier de façon à obtenir un maximum d’effet avec un minimum d’action, tout en restant aussi réaliste que possible.
Atlantis avait organisé le prochain rendez-vous avec Jackson le lendemain, et Anna avait la soirée pour elle, sans obligations alors qu’elle se préparait à quitter la Cité pour une durée encore indéterminée. Ses bagages avaient été faits relativement rapidement, à partir du moment où elle s’était rendue compte que rien de ce qu’elle avait ne serait adéquat là où elle aurait probablement à aller. L’I.A. lui avait indiqué que, quoi qu’il arrive, elle et l’archéologue auraient forcément à passer par le SGC, qui leur fournirait le matériel nécessaire lorsque Jackson s’expliquerait avec Carter et éventuellement d’autres figures d’autorité.
Au final, elle n’avait pris que quelques-uns de ses carnets, griffonnés de notes diverses sur ce qu’Atlantis lui avait fait découvrir ces dernières semaines, ainsi qu’une poignée de livres de référence, parmi lesquels plusieurs écrits par Jackson lui-même. Malgré la présence de l’auteur, elle avait choisi de les prendre, pour ne pas avoir à dépendre de lui à chaque difficulté.
Ses affaires prêtes, elle avait laissé son logement derrière elle, ayant décidé de passer ailleurs ses dernières heures sur la Cité. Alors qu’elle avait accepté, après une longue discussion, la proposition de l’I.A., elle s’était parfaitement rendu compte que, même dans le meilleur des cas, elle ne reviendrait pas avant quelques semaines, et pourrait éventuellement ne pas revenir tout court. L’exemple de l’équipe avec qui elle avait été mise en contact lui revenait constamment en tête, et elle ne pouvait s’empêcher de se demander si sa coopération avec Atlantis la mettrait dans une même position de paria que cette équipe.
Déjà, il faut que le docteur Jackson accepte de participer à ça, et ne décide pas que c’en est trop, qu’il a intérêt à arrêter les frais et de me mettre dans une cellule, pensa-t-elle en avançant d’un pas lent dans un couloir.
Autour d’elle, la Cité était comme endormie, les quelques passant étant le plus souvent des soldats faisant leurs rondes et la saluant tandis qu’elle prenait son temps. L’éclairage bleu avait, comme chaque nuit, une teinte similaire aux fonds océaniques, et aucun bruit ou presque ne venait la déranger, les quelques bruits de pas éloignés résonnant dans le silence avant de s’estomper.
Finalement, elle arriva sur une passerelle à découvert, et s’y arrêta, embrassant du regard la scène devant elle, cherchant à s’approprier les détails qui donnait sa vie à la Cité autrefois abandonnée. Depuis le bras où elle était, Anna ne pouvait voir qu’une faible partie de celle-ci, partiellement illuminée. Les projecteurs installés sur les berges et quelques-unes des tours étaient pour l’instant éteints, lui permettant de distinguer les fenêtres des logements occupés, les lampes-torches des militaires en patrouille et les feux de signalisation des appareils qui allaient et venaient du continent.
Soupirant, elle se retourna vers l’océan, à quelques mètres d’elle, et avança le long de la passerelle jusqu’à arriver près d’une plateforme qui donnait sur l’étendue d’eau infinie. Au loin, elle distinguait les lumières des quelques navires qui croisaient autour de la Cité, à peine plus visibles que les étoiles au-dessus d’eux. Elle avait, comme la quasi-totalité des nouveaux arrivants en leur temps, passé des nuits entières à observer ce nouveau ciel, aux constellations inconnues constituées d’astres restant encore à nommer, à étudier, à découvrir. Là où le ciel d’autres planètes de la Voie Lactée était totalement différent de celui de la Terre, certaines étoiles brillantes restaient les mêmes, points de repère que certains auraient pu naïvement considérer comme universels.
L’expédition sur Atlantis avait changé la donne, rappelant par un seul voyage sans retour que l’univers était bien plus vaste que ce que les habitants de la Terre avaient pu découvrir grâce au Programme. Les repères avaient changé, les structures connues n’étaient que des poussières insignifiantes au milieu d’un point infiniment éloigné, et tout était à définir, à faire, à créer. Ce qui avait été le passé inaccessible, lueurs imperceptibles émises des millions d’années de cela, était devenu par ce voyage plus proche, plus tangible.
Les étoiles de Pégase n’étaient plus des photographies antédiluviennes, mais des clichés récents, dans lesquels une vie demeurait. Et ce qui était vrai pour ces astres l’était tout autant pour ceux qui les avaient habités. La vie était encore présente, et Anna Stern se l’était vue prouver de façon irréfutable.
Elle savait, au fond d’elle-même, que l’I.A. ne se trompait pas, que Jackson accepterait sa proposition, et que, en tant que pion, elle repartirait sur une nouvelle trajectoire, loin de cet héritage moins mort que prévu, mais largement aussi figé que son âge le laissait supposer.
Elle n’avait pas eu besoin de la puissance brute d’Atlantis ou des capacités latentes de Jackson pour arriver à la conclusion qui lui avait fait accepter cette nouvelle proposition. Quelque soient les plans de la Cité, les réactions de l’archéologue ou ses propres tentatives dérisoires de reprendre le contrôle sur sa destinée, rien d’important ne pourrait se faire dans Pégase.
La situation y était, malgré les apparences, particulièrement calme, ordonnée et rigide. Alors que, dans la Voie Lactée, tout changeait, et le possible l’emportait sur l’existant. Atlantis l’avait compris, et ses agents étaient déjà sur place, pour agir et orienter le chaos dans une direction plutôt qu’une autre. Et elle lui donnait l’opportunité de rejoindre cet échiquier, où elle ne savait pas combien de joueurs participaient, quels étaient les enjeux de la partie, ses éventuelles règles et sa propre place ou appartenance.
Mais en étant sur place, en sachant que la partie avait lieu, en étant proche de deux joueurs, Atlantis et Jackson, elle aurait peut-être une chance d’influer sur le résultat final. De remplir la mission que lui avait donnée l’archéologue.
La situation semblait, pour un certain jaffa, moins critique que quelques heures auparavant : son rapport avait pu être transmis sans qu’il ne se fasse surprendre, la mission à laquelle il avait été affecté s’était terminée sans anicroche et il avait pu rentrer à bord du Ha’Tak mercenaire avec le reste du groupe.
Lorsqu’il avait pu à nouveau poser le pied à bord et que nul ne l’avait attendu une arme à la main pour lui demander des explications sur une certaine transmission, l’espion avait ressenti un soulagement comparable à celui qu’avait causé l’arrivée des secours alors qu’il faisait de son mieux pour survivre dans les ruines de l’Installation. Tout allait bien.
On lui avait confirmé que sa solde avait été payée, ce dont il ne doutait pas, et il avait accompagné le reste de l’équipe au bar, pour ce qui semblait être une traditionnelle tournée, payée par l’un des chefs du groupe. A savoir, cette fois-ci, Suessi, le lieutenant de Mal’Doran. La mercenaire les avait rapidement rejoints, après avoir apparemment fait un rapport personnel à sa seule supérieure, et les verres avaient commencé à se remplir. D’alcools divers autant qu’étranges, pour la plupart, d’autres pour les quelques personnes qui, comme Van’Tet, n’en buvaient pas.
La première chose qu’il fit, automatiquement, fut de comparer ce moment à celui qui avait succédé à la mission spéciale organisée autour de Mal’Doran et de Jackson. Il ne fut pas étonné de voir que l’ambiance était autrement différente. L’atmosphère reflétait davantage le paiement d’une prime toujours bienvenue que le sentiment d’avoir survécu à une expérience qui, selon tous les critères, aurait du mettre fin aux jours de l’ensemble des protagonistes.
Au bout de quelques instants d’observation, il supposa que le second genre d’expérience devait apparemment être chose plus fréquente qu’il ne le pensait, se rappelant l’attitude blasée des mercenaires. Il haussa mentalement les épaules, et reprit sa consommation, écoutant les quelques discussions, avant, finalement, de se rapprocher de l’une des tables, où il avait reconnu la silhouette unique de Othar.
-Je peux ? demanda-t-il au groupe.
-Prends une chaise, gamin, répondit le vétéran, avant de faire un petit signe de tête à ses voisins attablés.
Van’Tet s’exécuta, et s’assit au milieu du groupe.
-Alors, dit Othar. T’es pas rentré blessé, cette fois-ci…
-Cette mission était un plus calme que la précédente, fit le jaffa avec autant de diplomatie que possible.
-Tu peux dire ça comme ça. Ou alors “on s’est pas fait attaquer par un tas de machines et une fille tarée pendant que la patronne prenait son pied avant de faire sauter presque toute la planète“.
-Aussi, répondit-il avec un léger sourire sarcastique. Je me demandais à quoi vous êtes habitués ici ? Plutôt ce genre de missions faciles, ou bien celles comme ces… vacances ?
Il ne s’étonna pas de voir presque tout le monde autour de la table prendre un air amusé, et, pour certains, lâcher ouvertement un court rire.
-Faut voir, dit simplement celui qui devenait officieusement son mentor. C’est toi qui choisis, j’te rappelle.
-Et… vous, qu’est-ce que vous choisissez ? demanda-t-il finalement.
-Les jobs intéressants, répondit un humain à sa gauche, quoi d’autre ?
Les personnes autour de lui acquiescèrent silencieusement, et Othar reprit :
-Justement, t’as un message d’la patronne, j’allais t’appeler. Un job qui vient d’arriver. Elle aimerait qu’tu sois d’la partie.
-Tiens donc, fit une femme à l’autre bout de la table, un verre à la main. On dirait que Vala a retenu ton nom. Qu’est-ce que tu vas faire ?
-Je ne sais pas encore ce qu’est la mission, dit-il.
-Intéressante, répondit celui à sa gauche. Toujours comme ça quand elle te propose un truc. Caro a raison, la patronne t’a à la bonne, on dirait. Pas vu beaucoup de blancs-becs lui faire une aussi bonne impression si vite.
-‘s’est bien démerdé l’autre jour, reprit Othar. Puis j’crois qu’il a sauvé l’copain d’la patronne.
-Pas exactement, le corrigea le jaffa. J’étais juste le dernier sur place quand il a fallu partir. Mais, ce nouveau travail, vous savez de quoi il s’agit ?
-Un peu, mais va voir Suessi, c’est elle qui connait les détails, fit le vétéran en lui indiquant la femme qui semblait s’éloigner du bar.
-Oh, d’accord, répondit Van’Tet en se levant en cachant autant que possible sa surprise. Merci de l’information.
-Pas de quoi, répondit son voisin, avant d’attendre qu’il soit hors de portée pour reprendre à voix basse. Sérieusement, vous avez une idée de pourquoi la patronne veut ce gosse avec elle ?
-J’en sais rien, répondit l’une des femmes attablées. Surtout qu’elle est pas portée sur les jaffas. Son tort.
-Sérieux, répondit le premier. Il sait à peine tenir une arme, il connait rien à rien et c’est pas comme s’il connaissait du monde utile, si ? Othar ?
-T’as raison, confirma-t-il. Je sais pas c’qu’il fout ici. M’est avis qu’il s’fera tuer dans pas longtemps, s’il cherche à continuer dans nos jobs… mais j’l’apprécie un peu. Il a du culot et du bol. Ca change un peu des vieux roublards ici.
-Qui est vieux, exactement ? demanda la femme d’un ton faussement agacé.
-Sinon, fit Othar en détournant prudemment le regard, vous avez trouvé des trucs en plus sur l’autre ?
-Qui ? demanda l’un des mercenaires. La fille que le gamin a reconnue là-bas ?
-Ouais, répondit-il. Z’avez une idée de c’qu’elle est ? Parce que, putain, je sais pas où elle a appris ses trucs, mais c’tait impressionnant. C’est juste que…
-Que quoi ?
-Sais pas, elle et ses potes, ils savent se battre, c’est sûr, mais elle, elle est bizarre. Comme si… j’sais pas comment dire… Bah, elle me met mal à l’aise.
-Vu c’qu’elle a fait avec ses potes, pas étonnant qu’ils te font un peu flipper, se vit-il répondre. T’es pas le seul.
-Pas les autres. Juste elle…, dit-il avant de finir son verre et de se lever. Bon, on y va ? La patronne aime pas quand on est en retard.
Pourquoi est-ce qu’elles font ça ? se demanda Van’Tet en s’approchant de la femme qui occupait le second rang dans le groupe de mercenaires. Si elles m’isolent comme ça, c’est forcément parce qu’elle se doutent de quelque chose… quoi d’autre ? Si elles ont compris, alors... Depuis quand... ? Non, je dois jouer le jeu, je n'ai pas le choix.
Il la rattrapa de quelques pas rapides, et la vit se raidir, sentant apparemment son approche, avant qu’il ne demande :
-Madame ?
-Qu’est-ce que tu veux ?
-On m’a dit que la patronne voulait que je sois de la prochaine mission.
-On t’a dit vrai. T’es à bord ?
-Est-ce que je peux savoir de quoi il s’agit, avant ?
-Non. Mais ça paie bien, et tu devrais apprécier l’endroit, fit-elle en avançant dans le couloir, suivie par le jaffa.
-D’autres… vacances ?
-Non, rien d’aussi dangereux, répondit-elle avec un léger rire.
-Et, est-ce que vous pouvez me dire pourquoi elle me veut, moi ? Parce que ça lui plairait de voir jusqu’où tu vas aller pour ta couverture, ou bien juste parce qu’elle trouve ça marrant et ironique, et qu’elle adore l’ironie, s’abstint-elle de répondre.
-Vu le job, tu pourrais avoir quelques compétences utiles, et en plus, elle a envie de voir si ta… chance est réelle.
-Oh.
-Donc, dans le coup ou pas ? demanda-t-elle. Je n’ai pas le choix, se dit-il. C’est ma seule chance de continuer à obtenir des informations valables. Rester près du sommet.
-… Oui.
-Excellent, dit-elle avec un large sourire prédateur. Vala sera ravie de l’apprendre. Le briefing est tout de suite. Continue à me suivre.
Rapidement, ils arrivèrent dans une petite salle, où étaient présent la quasi-totalité des visages qu’il avait vu lors de sa première mission, ainsi qu’une demi-douzaine de figures inconnues, jusqu’alors éléments d’un décor auquel il ne s’habituait que lentement. Mais son attention se fixa instantanément sur Vala Mal’Doran, qui regarda dans la direction de Suessi, et acquiesça d’un air entendu en voyant le jaffa l’accompagner, ce qui accrut la panique de celui-ci.
-Bon, tout le monde est là, fit-elle. Nouveau job, et ça va être marrant. Je viens de recevoir une offre plutôt bien payée de la part d’un de nos collègues. Ils ont un très gros contrat, mais pas assez de gusses pour le faire correctement. Donc, ils ont pensé à appeler les professionnels les plus réputés pour leur subtilité, leur discrétion et leur générosité… et ensuite, ils m’ont contactée.
Quelques secondes plus tard, le silence revenu, la femme aux cheveux noirs de jais reprit :
-J’ai pas beaucoup de détails sur ce qu’ils vont faire, et on s’en fout. Ils vont récupérer quelques VIP sur Dakara, et nous, on s’occupe de préparer une diversion.
Van’Tet ne put que déglutir en entendant le nom de sa destination. Qu’est-ce que… Il faut que je prévienne Maître Bra’tac ! A moins que ce soit un piège, pour me forcer à me démasquer... Qu'est-ce que je peux...
-On a un timing où ils préfèrent ne pas avoir trop de vaisseaux au derrière, donc, notre boulot, ça va être d’occuper les locaux pour ça.
Elle fit s’afficher un hologramme de la planète, que le jaffa n'eut aucun problème à reconnaitre.
-Le problème, c’est que les locaux là-bas sont quand même de gros clients potentiels, et qu’on est pas payés assez cher pour qu’ils nous en veuillent trop. Donc, premier point pour tout le monde, et, oui, je sais, j’ai aussi râlé, mais neutralisation seulement. Si on peut tuer personne, on aura plus de chances d’avoir d’autres contrats après coup de leur part. Et j’ai pas non plus envie de les rajouter à la liste de nos “meilleurs amis“, on a déjà assez de monde qui veut notre peau. Donc, Intars, Zats, grenades à choc, tout ça.
-Vala, demanda Suessi, on est toujours…
-Oui, oui, ta section garde quand même ses armes lourdes. Mais fais attention où tu tires, cette fois.
-Je fais toujours attention !
-Suessi…
-D’accord, pas cette fois-là ! Mais c’était normal, comment je pouvais savoir qu’un mortier se mettait dans ce sens ?!
-En lisant le manuel ? suggéra sa supérieure.
-Détail !
-Tant qu’on ne se prend pas de détails aujourd’hui, ça ira pour moi.
-Aujourd’hui ? demanda l’un des mercenaires.
-Oh, oui, c’est le second point. On est payés un max parce qu’on part dans la foulée. Planification sur le chemin, truc classique. Bon, se dit Van’Tet. Si ce n'est pas un piège, alors on va juste s’en prendre plein la figure. Qu'est-ce qu'elle peut bien vouloir à lancer une attaque aussi mal préparée ? Je dois absolument rester sur mes gardes. Elles doivent espérer que je fasse une erreur, vu le manque de temps.
-L’objectif, reprit-elle, est l’un des chantiers de construction de l’autre côté de la planète. Une petite garnison pour protéger la mine de naquadah près du chantier, et une poignée de vaisseaux. On va arriver, devenir copains avec tout le monde, et leur laisser le temps d’appeler à l’aide. Normalement, la flotte de protection devrait arriver rapidement, et on devra l’occuper le temps que les autres fassent leur job et nous disent de dégager. Ou jusqu’à ce que ça devienne vraiment pourri.
-Règles d’engagements ? demanda un autre.
-On tue personne si possible, on fait un beau feu d’artifice avec ce qu’on trouve. Faut les convaincre de venir illico pour nous déloger de là. Juste, ne démolissez pas les vaisseaux en construction, dit-elle, avant d’ajouter, voyant le regard de chien battu fait par Suessi. Pas avant mon ordre. On n’a pas envie de se prendre toute leur puissance de feu. Tant qu’ils sont là, ceux en orbite éviteront de tout détruire. Normalement. Des questions ?
-C’est quoi, le Plan ? demanda Othar.
-C’était ça, répondit Vala. Pas le temps d’avoir des infos sérieuses ou de récupérer du matos spécial. On va improviser, mais ça devrait bien se passer.
-Oui, ajouta Suessi, sarcastique. Qu’est-ce qui pourrait bien arriver, après tout ? C’est un plan simple, sans le moindre problème.
-Merci… se vit-elle répondre de la part de la chef du groupe.
-Qu’est-ce que j’ai oublié de dire, continua son adjointe d’un ton ingénu. Ah, oui. On a tout prévu, et rien ne peut nous arriver.
-Merci… répéta Vala, en grinçant des dents.
-Bon, maintenant qu’on sait qu’on est foutus, on peut s’organiser, dit-elle en reprenant son sérieux. On va partir en Tel’Tak, quatre groupes, plus ma section. Tout le truc, ça va être le timing : on va devoir attaquer un tout petit peu avant que les autres n’arrivent. Comme ça, ils devraient être tranquilles. Vous allez chacun voir vos plans, groupe par groupe, mais l’idée générale, c’est d’avancer vite. Quand la flotte sera en orbite, elle bombardera tous les abrutis qui seront assez loin des installations. Si on peut, on va essayer d’arriver discrètement aussi près que possible avant de commencer à tirer, mais dès que ça commence, avancez à toute vitesse. J’irai avec le nouveau. Il faisait partie de la garnison planétaire jusqu’à son arrivée chez nous, il devrait pouvoir les baratiner un peu et les occuper pendant qu'on se rapproche. Si on se débrouille bien, on devrait pouvoir tenir assez longtemps pour que, le temps que quelqu’un se décide, on se soit déjà tirés. Surtout qu’ils devraient être bien occupés avec nos clients. Des questions sur le plan général ? Non ? Parfait, passez récupérer votre matos, et on se retrouve au hangar tout de suite.
Alors que la pièce se vidait rapidement, le jaffa vint près de la seconde :
-Est-il possible de réquisitionner des armes non-mortelles à l’armurerie ? Je n’en ai pas une seule.
-J’y allais, de toute façon. Suis-moi, dit-elle, en avançant au pas de course vers l’endroit indiqué.
Ils mènent des opérations contre nous… Ce seraient eux qui sont derrière tout ce qui se passe ? Ou bien ces… clients ? Ou les Tau’ri ? Il faut absolument que je trouve un moyen de laisser un rapport pendant la mission. Trouver un garde, lui laisser le message. Prévenir maître Bra’tac. Même si elles me démasquent. C'est trop important !
Lorsqu’ils arrivèrent à l’armurerie, celle-ci était occupée par une demi-douzaine de personnes, qui prenaient avec elles de nombreuses armes particulièrement volumineuses, que Van’Tet avait du mal à reconnaitre. Une grande partie était sans le moindre doute d’origine tau’ri, mais il ne pouvait identifier l’usage particulier de ces tubes de grande taille. Seules les armes à feu à la longueur exagérée, presque aussi grande qu’une lance jaffa –quel intérêt, puisque l’avantage principal des armes tau’ri était leur petite taille ?- retinrent son attention alors que Suessi s’approchait du bureau.
-Sors-moi Gally et un sac de munitions, mélange standard, dit Suessi à l’homme en charge des réserves d’armes. Aussi, un intar d’AK, deux Zat, deux paires de grenades à choc et deux tasers.
Le jaffa vit l’homme acquiescer et partir derrière une porte protégée par un système de sécurité qu’il n’avait jamais vu auparavant.
-Gally ? demanda-t-il.
-Ma meilleure amie, piquée à un de ces crétins de Tau’ri. Ce con était dans sa première sortie, on était dans un bar, et il a voulu frimer avec son arme. Et que je radote sur ma planète, et que je vous parle de la supériorité terrienne. Et les “regarde ça, poupée, c’est pas une de vos lances préhistoriques“, “ et que j’t’explose un jaffa à chais pas combien de miles“, et bla-bla-bla, que j’ai quelque chose à compenser, tout ça. Résultat, la soirée, elle s’est finie avec lui dans le coma, et moi avec son flingue. Faut croire qu’on a quelques boissons de plus qu’eux. Et peut-être un ou deux somnifères qui s’égarent, conclut-elle en levant innocemment les yeux au plafond.
-Je vois…
-Un conseil, petit. Garde toujours un ou deux potes qui boivent pas, quand tu… oh, j’avais oublié, tu prends pas d’alcool.
-Trétonine, répondit simplement Van’Tet.
-Bon, ben alors surveille tes potes quand vous êtes en perm’, tu te feras plein d’amis vite fait si tu leur évites de se réveiller à poil derrière le bar sans leur arme.
-J’y penserai, répondit-il alors que l’homme revenait, avec un petit chariot, occupé en grande partie par une série d’objets.
-Enfin, je ne me plains pas, hein. Pas trouvé mieux pour régler des problèmes.
Elle prit les armes, posées sur le comptoir, et tendit à Van’Tet une réplique de son fusil, ainsi qu’un exemplaire de chaque équipement présent en double :
-Bon, l’intar, je vais pas te faire de leçons. C’est comme avec l’original. Tu pointes, tu tires.
Elle mit de côté les pièces de l’imposant fusil anguleux qui restait, vérifiant d’un rapide coup d’œil les boites de munitions, qui impressionnèrent par leur taille le jaffa, et lui tendit ensuite un petit objet rectangulaire.
-Tu sais ce que c’est ?
-Non, répondit-il honnêtement.
-Ton meilleur ami au corps à corps. La version tauri du Zat. Pas aussi bien que lui, mais toujours pratique quant t’es près de la cible. On appelle ça un taser…
Le jaffa soupira intérieurement, et écouta attentivement l'explication sur l'étrange appareil.
Dernière modification par Rufus Shinra le 22 mai 2011, 08:14, modifié 1 fois.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
Je n'ai que peu commenté cette fic mais voici un comm'!
J'aime bien suivre l'évolution diplomatique de la VL et les enjeux secrets.
Certes je suis amateur d'action mais je dois avouer que le charme que (moi) je trouve à ta fic est plutôt l'exploitation du paysage galactique.
Bien sûr tu a une logique militaire mais je préfère ton coté complot/politique etc...
Et après la lecture des derniers chapitres (ici) je suis curieux de la suite.
Ps : Et, si je puis dire, j'adore la "personnalité" d'Atlantis (quoi elle est censé pas en avoir? )
Dernière modification par massalia le 22 mai 2011, 10:51, modifié 1 fois.
--------------It's not a Stargate! It's a door to the heaven.---------------
Before the network it was the fleets ! Before diplomacy there were soldiers !
Our influence stopped the rachni, but before that we held the lines !
Our influence stopped the krogan, but before that we held the lines !
In the battle today we will hold the lines.
CITATION
Je n'ai que peu commenté cette fic mais passons (si je peux le dire).
J'aime bien suivre l'évolution diplomatique de la VL et les enjeux secrets.
Certes je suis amateur d'action mais je dois avouer que le charme que (moi) je trouve à ta fic est plutôt l'exploitation du paysage galactique.
Bien sûr tu a une logique militaire mais je préfère ton coté complot/politique etc...
Et après la lecture des derniers chapitres (ici) je suis curieux de la suite.
Ps : Et, si je puis dire, j'adore la "personnalité" d'Atlantis (quoi elle est censé pas en avoir? laugh.gif )
Merchi ^^ Effectivement, le second Tome a un peu divergé du premier, et est davantage centré sur les différentes factions au sein de la Voie Lactée, et s'est concentré sur les personnages (l'univers Stargate, bien plus que d'autres, permet de mettre ceux-ci au centre de l'action, sans pour autant tomber dans l'irréalisme complet). Après, l'aspect militaire va rester présent, il ne faut pas s'inquiéter à ce sujet (comme d'ailleurs la fin du tome II va le montrer), et devrait revenir dans le tome III (d'ailleurs, faut que je fasse attention pour ne pas oublier certaines forces en présence que j'ai un peu laissé de côté depuis quelques temps).
Pour ce qui est d'Atlantis, "bizarrement", elle est le personnage préféré de presque tout le monde. Et, si, elle a une personnalité. Pas humaine, mais présente quand même.
Encore merci du comm' !
P.S. : yay ! 700 messages !
Dernière modification par Rufus Shinra le 22 mai 2011, 10:54, modifié 1 fois.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
CITATION
(Rufus Shinra,Dimanche 22 Mai 2011 09h54)
Pour ce qui est d'Atlantis, "bizarrement", elle est le personnage préféré de presque tout le monde.
Justement, (pour ma part) c'est son comportement, cette façon "d'être" qui la rend très intéressante et appréciée. Cette façon d'avoir toujours un jeu d'avance sur les autres "factions" est très bien amené et c'est vraiment ce qui rend ce personnage spécial.
Dernière modification par Blackeagle le 22 mai 2011, 14:06, modifié 1 fois.
Une semaine de plus, un chapitre de plus ('tain, et ça va être limite, je n'ai toujours pas terminé ce foutu prologue pour le Tome III X_X). Anyway, pour les habiles lecteurs qui auront reconnu les cameos, essayez de ne pas l'expliciter dans vos éventuels commentaires (oui, je sais, je peux toujours rêver), que la surprise reste pour la suite.
Bonne lecture !
Chapitre 25 : Loyautés
Le temps s’écoulait au ralenti, alors que les deux ex-militaires avaient décidé de s’arrêter dans l’un des mess. Lentement, l’un et l’autre s’étaient assis sur des sièges au design simpliste, dans un mouvement qui traduisait un épuisement inhabituel chez des individus de leur âge.
Inhabituel, mais réel, alors qu’ils avaient du mal à reprendre leur conversation précédente, ne sachant que dire, que penser. Les secondes se suivaient alors, dans une immobilité artificielle, les rares mouvements inconscients des deux êtres humains se faisant de façon imperceptible pour quiconque n’ayant pas reçu les améliorations physiologiques fournies par Atlantis. Mais les deux individus présents n’avaient guère d’attention à perdre dans une observation minutieuse de la personne d’en face, leurs esprits étant davantage occupés à démêler leurs émotions propres de celles qui leur parvenaient par le lien empathique.
Les sentiments d’impuissance, de détresse, de peur et de persévérance hésitante trouvaient aisément leurs échos dans cette connexion, les renforçant d’autant plus et les brouillant.
L’incapacité à protéger, qu’elle soit de ses ennemis ou de soi-même, était tout aussi douloureuse pour l’un et l’autre lieutenant assis en silence.
- Qu’est-ce qu’on fait ? demanda finalement le pilote.
- Comment ça ? répondit la jeune femme, quelques secondes plus tard.
- On peut pas continuer comme ça. D’abord tout le foutoir quand on s’est fait capturer, puis l’évasion, Dakara, Jackson, et maintenant ça… Elle veut nous faire craquer. Je ne sais pas pour toi, mais je ne pourrai pas tenir beaucoup plus de ce traitement.
- Tu vas tenir, répondit-elle simplement, avant de murmurer. Je sais ce que c’est. Dès qu’elle ne m’occupe pas avec ses plans et ses opérations à la noix, j’y repense. Ils sont là, pour se protéger d’un agresseur. Et je les détruis. Lentement, méthodiquement. Sans leur laisser la moindre chance.
- C’est… commença-t-il avant de se faire interrompre par un doigt levé devant lui.
- Non, Tom. Je peux accuser les nanites, Atlantis ou n’importe qui, mais je les ai tués. Tous. Ils ne pouvaient pas résister. J’aurais pu les neutraliser, les assommer, les faire fuir. Mais, je les ai tous massacrés, comme des animaux. C’est ce que j’ai fait. Et que tu n’as pas fait, Tom. Tu as gardé le contrôle, tu m’as sauvée, ce qui a probablement sauvé toute cette ville, en passant. Après, une I.A. agressive et en manque de contrôle t’a balancé les souvenirs de quelqu’un autre. D’un quelqu’un qui a fait ce qu’il pouvait. J’ai tort ? demanda-t-elle d’une voix ferme.
- Il aurait pu…
- Non, il ne pouvait pas. Je ne vais pas t’apprendre ce qu’est la guerre, quand même, Tom ? reprit-elle avec une esquisse de sourire triste. Tu me l’as dit avant, elles sont mortes, elles et tous les autres, parce que les Wraith étaient mieux préparés, en supériorité complète. Lui, il s’en est sorti parce qu’elles ont choisi de protéger les survivants, c’est ça ?
- Oui…
- Tu… Il n’aurait rien pu faire de plus. Dis-toi ça. Elles n’ont pas eu de chance. Si c’est de la faute de quelqu’un, c’est celle des Fléaux. Ou de ceux du Renseignement ou l’équivalent Ancien, qui n’ont pas pu empêcher ça. Pas de sa faute. Et encore moins de la tienne. Toi, tu es Thomas Campbell, perdu quelque part loin de chez lui, et qui est, de nous trois, celui qui a le moins sur la conscience.
- Ce n’était pas ta…
- Si. Et même comme ça, je vous ai menti, à toi et au commandant, quand on est allés trouver Jackson. J’ai trahi les deux seules personnes sur qui je pouvais compter, et qui comptaient sur moi pour les couvrir. Vous n’en parlez pas, mais je sais que vous n’avez pas oublié. Et moi non plus.
- Tu ne pouvais rien faire. J’aurais sûrement fait la même chose, à ta place.
- Mais tu n’y étais pas, Tom. Moi, si. Je ne sais pas si j’aurais pu faire quelque chose. Mais je n’ai rien tenté. J’ai accepté, j’ai suivi. J’ai des raisons d’avoir peur, de craquer, tout laisser tomber. Toi, non. Tout ce que tu as fait, c’est nous aider, nous soutenir. M’éviter de devenir folle avec ce qui m’est tombé dessus. Avec ce que j’ai fait.
- Attends, j’ai juste fait ce que n’importe qui…
- Ce que n’importe qui n’était pas là pour faire. J’ai failli me faire bouffer, physiquement, par ces nanites, je venais de tuer plus de personnes que j’en connaissais au SGC, je venais de comprendre que je ne rentrerai jamais sur Terre, que ce qui reste de ma famille me croyait probablement déjà morte. C’est toujours vrai, mais je tiens le coup, maintenant. Tu sais pourquoi ?
Le pilote ne dit rien, se doutant de la réponse.
- Parce que tu étais là, continua-t-elle. Parce que, entre l’I.A. folle qui atomise toute une galaxie, l’autre I.A. qui joue avec nos vies, mes anciens supérieurs qui me tirent dessus à vue et le commandant qui essaie de garder un peu d’ordre dans tout ça, tu es la seule personne sur qui je peux compter ! Sur qui je peux m’appuyer. J’ai confiance en toi, Tom. En ce type qui tente de garder un peu d’espoir là-dedans, dans cette situation pourrie où il est bien le seul qui n’a rien à se reprocher.
En face d’elle, il baissa les yeux, pour ne plus croiser son regard.
- Si.
- Quoi, alors ? Qu’est-ce que tu as fait ?
- Sylvestro. Vernil. On l’a laissé à bord. On s’est enfui, et on l’a laissé derrière nous, dans sa cellule. Il faisait partie de l’équipe, depuis plus longtemps que moi. Il m’avait aidé quand je suis arrivé, il m’a sauvé la vie une ou deux fois, et je me suis barré. Maintenant, à cause de nous, de notre évasion, qu’est-ce qu’ils sont en train de lui faire ? Ils continuent ce qu’ils avaient commencé sur Atlantis, ou pire encore ? Il sortira jamais de prison, parce qu’on a décidé de partir, et de l’abandonner ! C’est ça, “rien à se reprocher“ ?
- On ne pouvait rien faire, Tom. Atlantis ne nous aur… commença-t-elle avant d’être interrompue par le pilote.
- Qu’est-ce que tu en sais, Shanti ? Moi, je ne sais pas. J’ai rien tenté. J’ai accepté, j’ai suivi. Et je l’ai laissé tomber. J’aurais mieux fait de le descendre.
- Raconte pas de…
- Ils vont le tenir drogué pendant des mois. Puis il restera en cellule le temps d’être sûr qu’il a pas de bombe à retardement quelque part dans son corps. Et c’est sans compter ce qu’on a foutu. Ils ont vu comment on s’est barrés. Ils ont vu ce qu’on pouvait faire. Qu’est-ce que tu crois ? Qu’ils vont laisser Sylv’ tranquille, qu’ils ne vont pas chercher chez lui ce qu’Atlantis nous a fait ? Et Jackson qui nous a vus après, quand on lui a donné tout ce spectacle ! Ils vont vouloir comprendre, recopier. Et on leur a laissé un putain de cobaye !
Sans s’en rendre compte, il s’était levé, et il inspira lentement, le corps parcouru de tremblements, avant de se rasseoir, croisant le regard de Shanti. Une horreur nouvelle s’y lisait, traduisant la teneur des images qui défilaient dans son esprit. Le lien empathique vibra de cette émotion déchirante.
- Oui, Shanti, dit-il, la tension retombée. J’ai de bonnes raisons de craquer, quoi que tu dises. Ces souvenirs, c’est juste la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
- Ils ne vont pas…
- Bien sûr que si. Et ils ont raison. On a perdu des bases entières à cause d’équipes capturées et reprogrammées, et nous, on leur a juste prouvé qu’un truc nous avait été fait. Pour eux, SG-22 est morte avec le Bellérophon. On n’aurait pas dû le laisser comme ça… On n’aurait pas dû.
- C’est… trop tard, admit-elle. On ne peut plus rien faire maintenant.
- Je sais… Enfin, sauf si cette espèce de Skynet à la manque nous envoie attaquer le SGC… railla-t-il.
Elle eut un petit sourire.
- Enfin, ça a pas l’air d’être à l’ordre du jour, là, dit-il avant de soupirer.
- On pourra sûrement voir avec Atlantis, négocier quelque chose pour qu’elle le fasse libérer. Tant qu’il est en vie…
- Oui, t’as peut-être raison…
- Par contre, toi, il faut que tu tiennes le coup. On s’en sortira pas, sans toi… Je ne m’en sortirais pas…
A nouveau, il détourna le regard, ressentant par la liaison empathique l’honnêteté des mots de la jeune femme.
- Qu’est-ce qu’on peut faire, alors ? demanda-t-il.
- Ce qu’on aurait dû faire depuis qu’on est là-dedans, répondit-elle. Se soutenir. Être là… l’un pour l’autre. On n’a pas le choix, si ?
- Oui, admit-il.
Ce n’était pas à elle de juger des décisions prises, simplement de les enregistrer, de les mettre en forme. C'était à d’autres de décider ce que la communauté ferait dans son ensemble. Le système était l’aboutissement de millénaires d’affinements, de corrections et de réflexions. Il était, tant scientifiquement que philosophiquement, plus proche de la perfection que ses concurrents au travers de l’Histoire. Bien mieux que tout ce qui pourrait lui venir à l’esprit.
En théorie.
La même théorie voulait que des peuples aussi avancés que le sien réduisent au minimum absolu leurs interactions directes avec les civilisations en devenir, si aisément influençables. Des contacts diplomatiques étaient acceptables, si les habitants locaux avaient eu la preuve de ne pas être seuls dans l’immensité qu’était l’univers, qu’ils aient ou non les moyens de le parcourir. Certains échanges acceptés, même, à partir de certains paliers technologiques et philosophiques particulièrement précis et sujets à des négociations s’étalant sur des générations. Mais pas d’intervention directe majeure.
Il ne fallait pas dénaturer plus que nécessaire ces futurs voisins, dont les différences feraient la valeur, disait-on. Si l’on se mettait à agir inconsidérément, ces grands enfants qu’étaient ces jeunes peuples perdraient toute volonté de progrès. La flamme de la découverte serait remplacée par la pâle lumière de technologies développées des éons auparavant. Il fallait donc les laisser faire leurs propres erreurs, tout comme eux-mêmes les avaient faites en leur temps, sans quoi ces erreurs seraient faites avec des moyens disproportionnés, et à un coût infiniment trop élevé. Suffisamment d'espèces avaient, l'Histoire le disait, payé le prix de l'ingérence, pour que l'on cesse de vouloir intervenir.
Clotho comprenait le concept, savait quelles tragédies avaient justifié cette politique. Elle savait quels étaient les risques à ne pas la suivre. Mais elle venait, pour la première fois, d’en voir les coûts absolus, ceux liés à l’application stricte de cette logique.
La séance s’était terminée par une modification des cartes de navigation pour l’ensemble des vaisseaux. Une indication de danger tout ce qu’il y a de plus commune, prévenant les équipages de l’évolution d’une étoile en nova d’ici quelques siècles à peine. Mais autour de cette étoile gravitait une planète habitée. Sans mission diplomatique, sans moyens de quitter son astre, avec à peine les connaissances pour en comprendre la rotondité, l’espèce pensante qui y habitait était dores et déjà condamnée, sans une intervention pour retarder le phénomène ou relocaliser les voisins malheureux.
Mais la décision avait été prise, sans arrière-pensée, sans malice, sans remise en cause. Et elle avait enregistré la condamnation à mort d’une espèce, au motif d’un principe de non-intervention. Une mission diplomatique aurait pu les prévenir, par politesse, du phénomène imminent, leur donnant une chance d’orienter en urgence leurs faibles moyens sur une solution de survie. Mais, pour être éligibles, il leur fallait la preuve de l’existence de vie non-locale, sans quoi leur parcours philosophique serait faussé, rendu artificiel par cette ingérence.
Et quelles seraient les chances d’une telle découverte, à présent que les navigateurs de son peuple et de ses alliés et partenaires commerciaux se mettraient à éviter préventivement leur étoile ?
Sans vraiment y croire, ils avaient apparemment lancé quelques ridicules projets de recherche sur la question de la vie dans l’univers, mais sans avoir, au vu de leurs moyens, la moindre chance de succès. Alors même que, selon la fiche les concernant, l’idée-même était répandue dans leur population et leur culture.
Ainsi, sauf coïncidence improbable, ils allaient donc terminer leur existence dans un brasier qui stériliserait une fois pour toute leur unique planète, sans jamais connaître les merveilles de l’univers. Une fin naturelle, en harmonie avec le principe directeur de l’assemblée dont elle était la secrétaire.
Une absurdité qu’elle ne pouvait accepter, qui allait à l’encontre de tout ce que devait être un peuple comme le sien. A quoi pouvait donc servir une telle débauche de technologie si elle devait rester immobile, à regarder des peuples, des cultures entières, disparaitre par un caprice cosmique ?
Les Altérans ne dirigeaient pas les galaxies qu’ils habitaient, ils y toléraient des puissances indépendantes, les acceptaient, échangeaient avec elles, selon leur état d’avancement. Mais ils n’acceptaient pas le rôle qui leur était échu, de par leur évidente domination sur cette infime portion de l’amas local.
Ils devaient savoir agir pour contrer l’injustice fondamentale de l’univers, là où ils le pouvaient, dans la mesure de leurs immenses moyens. Réapprendre à accepter la prise de risque. A se remettre en cause de façon plus fondamentale. A assumer le rôle qui avait toujours été le leur et qu’ils avaient tenté d’ignorer.
A être des protecteurs.
A une centaine de mètres de là, l’ainé du trio eut un sourire, alors qu’il ressentait par la connexion latente les émotions hésitantes prendre forme. Pour la première fois depuis son arrivée à bord de l’un de ces vaisseaux, il faisait enfin face à quelque chose qui n’allait pas forcément se retourner contre lui ou son équipe.
- Une question, Atlantis, demanda-t-il d’une voix blasée. Est-ce que vous avez monté ça, ou bien prévu ?
- Me croiriez-vous si je répondais à l’une de ces deux questions, commandant ? répondit l’I.A., prenant une voix amusée.
- … Non, avoua-t-il sur le même ton.
- Il m’est donc inutile de répondre. Quoi qu’il en soit, ce… développement, et ses potentialités, ne viennent pas pour le moment mettre en péril le bon déroulement de la mission. Je n’interviendrai que le cas échéant.
- Comme d’habitude…
- Comme d’habitude.
- Laissez-leur une chance, dit-il, en reprenant son sérieux.
- C’est actuellement mon intention, commandant. Contrairement à ce que vous avez pu être amené à penser, je ne cherche pas à nuire délibérément à la psyché des agents à qui je confie une tâche critique.
- Désolé, je ne m’en étais pas douté.
- Vous faites probablement référence à mon intrusion dans vos souvenirs.
- A quoi d’autre ? Non, ne répondez pas…
- Je pense que vous comprendrez ma décision à ce sujet une fois que je vous en aurai expliqué le contexte général. Cependant, cette explication, qui vous est due afin d’avoir les effets requis sur vos décisions ultérieures, aura des conséquences durables sur votre mission. Des conséquences auxquelles vous devrez absolument faire face individuellement, puisque de vos réactions, je jugerai votre viabilité pour la suite des opérations.
- Et…si vous n’appréciez pas la façon dont l’un de nous réagit ?
- Alors je me passerai de ses services en temps voulu. De façon non-violente, je vous l’assure. Tous les souvenirs de son séjour ici seraient effacés, et une vie de son choix lui serait offerte en remerciement de ces quelques semaines éprouvantes.
- Et on n’a pas notre mot à dire ?
- Non, commandant. Les enjeux sont bien trop importants. Autant, sinon plus que ceux pour lesquels je vous emploie actuellement. Je n’ai, pour de très nombreuses raisons qui vous apparaitront en temps voulu, pas le moindre droit à l’erreur.
Le jaffa était assis à l’intérieur du Tel’Tak, perdu dans ses pensées, alors que le petit vaisseau venait de rentrer en hyperespace. Autour de lui, la tension était palpable. La petite bande s’apprêtait à se lancer dans une mission qu'il jugeait suicidaire avec des préparatifs quasi-inexistants. Les mercenaires dans la soute étaient presque tous occupés à vérifier leurs armes, qu’il observait avec un œil plus averti qu’à son arrivée, et qu’il reconnut comme particulièrement différentes les unes des autres, malgré des éléments communs.
Il eut une pensée sur l’étrangeté de posséder des intars aussi singuliers, qui ne devaient pas présenter le moindre avantage sur des modèles plus conventionnels, avant de revenir sur un train de pensées plus urgent. A savoir, comment allait-il éviter des dégâts massifs sur la base de ses compatriotes, sans pour autant perdre sa couverture, et, ce faisant, la vie ?
Il était encore en train de s’interroger à ce sujet lorsque la voix de Suessi l’interrompit :
- Ho, tous ceux qui ont autre chose que des intars, vous venez avec moi, on a un nouveau brief’. Toi aussi, Van’Tet !
Il se leva aussitôt, et suivit hors de la soute les quelques individus qui, apparemment, étaient sous les ordres directs du bras droit de Vala Mal’Doran. Une fois dans le cockpit, leur supérieure referma la porte derrière eux.
- Bon, fit-elle. On a eu quelques infos de plus sur la cible. Voilà les objectifs.
Elle fit s’afficher un petit hologramme, représentant différentes installations, que le jaffa n’eut pas grand mal à reconnaitre. L’énorme fosse était l’une des classiques mines de naquadah qui étaient monnaie courante dans la galaxie, tandis que les formes pyramidales, certes incomplètes, n’avaient plus à être présentées.
- La plus grosse partie de la garnison est près de la mine, donc, notre premier job sera le chantier de construction. On a des infos à peu près récentes, deux Ha’Tak en construction, peut-être un en réparation. Van’Tet, ton job sera de déposer les groupes. Officiellement, on sera une bande de trafiquants condamnés aux travaux forcés. Tu les occupes, pendant que nous, on place quelques bombes là où ça sera spectaculaire. Dès que c’est fait, on se tire.
- Comment allez-vous cacher vos armes ? demanda-t-il, son regard indiquant l’énorme fusil que sa supérieure avait récupéré devant lui à l’armurerie.
- On se débrouillera, c’est pas le souci. Toi, tu baratines, nous, on prépare la fête. Si on peut, on va décorer le second Ha’Tak, mais si c’est trop risqué, on fait sauter les charges. Quoi qu'on fasse, toi, en bon garde, dès que ça va sauter de tous les côtés, tu vas nous amener vers la mine, avec toute sa garnison. Garnison qui va quitter son poste pour venir voir ce qui se passe.
- Ils ne vont pas abandonner leur poste.
- Pas tous, mais la majorité. Crois-moi là-dessus. Dès qu’on les aura dépassés, Vala et ses groupes les attaqueront, eux et le chantier. Résultat, ceux qui restent à la mine vont dégager, et nous, on pourra saboter un maximum de matos. Le temps qu’ils comprennent ce qui se passe, qu’ils se réarrangent et amènent des renforts, on sera en train de se barrer.
- On n’aura jamais assez de temps, souffla-t-il, dans un maigre effort pour annuler, ou tout au moins retarder, l’opération.
- Bien sûr que si, intervint Vala. Tes copains sont gentils pour attaquer à découvert et parader, mais côté vitesse de réaction… Et bien ça fait plus de dix ans que je compte sur leur incompétence. Et j’ai jamais été déçue, conclut-elle en déclenchant quelques rires dans l’auditoire.
- Ils verront le transport là où il sera posé, tenta-t-il, en s’efforçant d’ignorer l’insulte. Les vaisseaux le bombarderont tout de suite.
- Sauf s’il est en plein dans la mine quand l’attaque aura commencé, répondit Suessi. Ils peuvent être cons, sur Dakara, mais pas au point de tirer sur une mine de naquadah. Encore que… c’est pas prudent de tout miser sur leur bon sens… On va y réfléchir, fit-elle avec un sourire narquois.
Pendant les minutes qui suivirent, l’espion en apprit bien plus qu’il n’aurait voulu en savoir sur les nombreuses faiblesses structurelles des vaisseaux de sa nation, alors que les discussions divergeaient rapidement sur des détails techniques. Le tout sur un ton qui ne lui laissait aucun doute sur la grande expérience des personnes présentes.
Il se promit alors de chercher à savoir, si possible, quelles cibles ces mercenaires avaient attaqués. Ne serait-ce que pour prévenir ses supérieurs des mesures à prendre pour arrêter d’autres actions.
Finalement, le briefing, après avoir pris une tournure légèrement chaotique entre les interventions de chacun, le départ de Vala pour aller discuter de l’opération avec le reste des troupes et les commentaires d’un pilote qui partageait l’avis du jaffa sur la stupidité de l’opération, prit fin au moment où le vaisseau sortit d’hyperespace. Il vacilla une fraction de seconde, puis, guidé par un mouvement inconscient, acquis au cours des années, se stabilisa aussitôt.
Van’Tet ne put s’empêcher de s’approcher de la surface transparente pour chercher du regard la planète qui représentait tout ce qu’il avait connu. L'astre entra quelques instants plus tard dans son champ de vision, alors que le transport manœuvrait pour commencer son approche. Il se surprit alors à rester pensif devant ce paysage qu’il avait vu suffisamment souvent lors de son entrainement.
Revenu au point de départ… en train d’attaquer mes camarades avec des mercenaires. Qu’est-ce que je fais ? Même si ces informations nous aideront, pourquoi ? Pourquoi en arriver à ça ? Ceux qui veulent la guerre avec les Tauri, qui se tuent les uns les autres, qui imaginent quelque chose comme l’Installation, qui m’envoient faire le chien de guerre, pourquoi font-ils ça ? Où est l’honneur dans ces complots ? Où est l’honneur de Gerak, qui nous pousse à cette guerre et envoie des assassins ? Où est l’honneur de Bra’tac, qui joue avec moi et les autres dans l’ombre ? Et… où est mon honneur ? Je mens à ceux qui me font confiance au combat, je fuis et j’abandonne mon poste, j’espionne mes frères et les autres… Qu’est-ce que je fais ? Ils me disent que je suis un guerrier courageux, alors que je suis incapable de protéger mon peuple. Quel guerrier n’a pas d’ennemi et refuse le combat ?
Qu’est-ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je peux faire ? Si je préviens les gardes, ma couverture sera détruite, et ces mercenaires s’enfuiront. On ne pourra jamais les retrouver. Mais s’ils détruisent des vaisseaux et si Gerak gagne… si c’est la guerre, combien mourront à cause de moi ?
Lentement, le vaisseau rentrait dans l’atmosphère, son bouclier s’illuminant sporadiquement tandis qu’il pénétrait l’air, réduisant drastiquement son altitude. En quelques minutes, le jaffa put distinguer les détails du sol, alors que le transport passait au-dessus de la rive d’un grand lac qui détonait avec l’aridité habituelle de Dakara.
Le vol se stabilisa alors, le Tel’tak restant à faible altitude au-dessus du paysage désolé d’une planète qui, malgré son statut de capitale d’une puissance interstellaire, restait dans son immense majorité vierge de toute trace d’occupation.
- On se prépare, dit Suessi avant de se diriger vers l’arrière du vaisseau, suivie en cela par le reste du groupe, jusqu’au moment où Van’Tet resta seul avec le pilote, regardant la surface du sol. Quelques instants plus tard, celui-ci se retourna, et le dévisagea :
- Qu’est-ce que t’attends ? fit-il.
- Hein ?
- Suis-les, crétin.
- Oh, dit-il en reprenant ses esprits, s’apercevant enfin que les autres étaient partis.
Le jaffa se rendit rapidement vers la sortie du pont de commande, et tomba nez-à-nez avec sur ses nouveaux “collègues“ en train de rajouter des vêtements délabrés et tachés sur leurs tenues habituelles. Surpris, il regarda autour de lui quelques instants avant de voir la pile de tissus posée derrière ce qui avait dû être un panneau escamotable.
- T’en mets, un temps, fit la femme qu’il mit quelques secondes à reconnaitre comme Suessi, l’apparence bouleversée par un changement maitrisé de posture, d’expression et d’apparence extérieure.
Avant qu’il ne puisse répondre, elle fit s’ouvrir un autre panneau, derrière lequel l’espion vit plusieurs pièces de métal qu’il reconnut instantanément comme des pièces d’armure traditionnelle.
Celle-ci, identique depuis des millénaires, avait toujours été davantage utile pour impressionner les foules que pour survivre aux rigueurs du combat ou à l’infiltration, mais restait, à l’instar d’une lance aux mêmes défauts, relativement populaire au sein d’une population en manque de repères. Aux traditions millénaires venaient s’ajouter des choses que beaucoup ignoraient, tant chez ses compatriotes que dans la galaxie en général.
Lors de sa mission sur l’Installation, il avait, comme on lui avait demandé, écouté et observé, et son intérêt s’était éveillé lorsque la prisonnière, imbue de son être au point de ne pas s’apercevoir de la mauvaise comédie jouée par les guerriers, autour d’elle, avait travaillé sur les armures en question. Celles-ci, il lui apparaissait, étaient plus que de simples vêtements ornementaux destinés à insuffler une peur de la vengeance divine chez de simples paysans. Si elle avait raison, ce qui était le plus souvent vrai, l’inutilité flagrante de cette tenue n’était due qu’à l’oubli de sa fonction première, oubli encouragé par une politique Goa’uld de qualité par la quantité.
Mais quand elle avait cru recevoir un message de Râ en personne lui intimant de donner aux jaffas du plus grand des Goa’uld la force du dieu-soleil, elle avait beaucoup promis. Presque trop, aux yeux de Van’Tet, qui, ironiquement, en venait de plus en plus à regretter la mort de cette fausse déesse dans l’attaque qui avait marqué le début de tous les évènements qu’il vivait désormais. Elle avait fait référence aux secrets et aux anciens artefacts que seul le maître suprême des Goa'uld avait su rassembler et dompter pour sa plus grande gloire. Autonomie dans le vide, assistance de tir, communication et protection, capacité de déplacement et force supérieure, sens augmentés, la liste avait été trop belle pour être vraie, mais le jaffa avait appris à lire au travers des mensonges du parasite, et avait vu dans ces paroles une arrogance motivée par une fierté légitime. Elle avait parlé d’un retour aux temps glorieux, aux jours ayant précédé les jaffas, d’une voix qu’il n’avait jusqu’alors jamais entendu, et qui l’avait marqué, quelques jours avant l’attaque.
Précautionneusement, il enfila alors l’armure incomplète qui lui était fournie, n’ayant les pièces que pour couvrir son torse et ses cuisses, le reste du corps conservant la traditionnelle côte de mailles.
- Ouaip, fit l’un des mercenaires, toujours mieux d’en avoir un vrai. Z’êtes les seuls à savoir porter ces machins.
- Attrape, fit un autre lorsque le jaffa se retourna en direction de la voix.
Dextrement, il attrapa une lance qui avait été envoyée dans sa direction.
- Comme à la parade, dit finalement Suessi. On dira ce qu’on veut, ça te va plutôt bien.
- Merci… fit-il, sombrement.
- Quoi, encore ?
- A votre avis ? explosa-t-il, finalement. Vous me demandez de trahir les miens ! De trahir tout ce que veut dire cette armure !
- Oh ! répondit-elle, abandonnant toute trace d’humour et se rapprochant, plaçant son visage à quelques centimètres du sien. C’est pas moi qui me suis barrée quand ça merdait de tous les côtés. Si t’étais aussi loyal, tu serais encore là-bas, grillé avec tes potes. T’as été futé, alors qu’est-ce que tu vas faire ? Prévenir tes potes là-bas ? Je vais pas annuler le job pour tes états d’âme, et la patronne non plus, alors si tu veux pas nous aider, on t’enferme dans une capsule quand on débarque, et quand on rentre, on te largue quelque part sur notre chemin. Et pense même pas à jouer au con, parce qu’on n’a pas que des intars. Si tu nous plantes, tu seras le premier à y passer, et ça sera un bain de sang pour tout le monde. C’est compris ?
- …
- Est-ce que c’est compris ?! lui cria-t-elle en pleine figure, le surprenant.
- … Oui, dit-il enfin, pesant de toute sa volonté pour ne pas tenter de lui briser la nuque sur-le-champ.
- Heureux de retrouver le jaffa pas trop con qu’on a embauché. Si tu fais ton job, y’aura pas de morts, juste un tas de gardes pas contents avec un gros mal de crâne. Sinon, je vais devoir jouer avec Gally. C’est l’un ou l’autre, mais le boulot sera fait.
- Elle a tout dit, intervint une nouvelle voix, que le jaffa associa aussitôt à la femme aux cheveux noirs de jais, faisant se retourner tout le monde.
Devant eux se tenait Vala Mal’Doran, dans les mêmes haillons que le reste du groupe et arborant le même sourire prédateur que le jaffa commençait à craindre plus qu’une arme ennemie.
- Un peu brusque, mais elle a résumé la situation, Van’Tet. Je t’ai voulu parce que je préfère éviter le massacre. Tu étais un de ces gardes il n’y a pas longtemps, et tu es très motivé pour chercher une solution soft. Tu as vu de première main ce qui se passe quand la diplomatie se plante, et moi, j’ai envie de pouvoir me faire embaucher par tes anciens patrons, donc on a tous envie de faire ce job et de repartir sans mort. Tu veux m’aider ?
- Si je ne le fais pas…
- On n’aura aucune chance de s’infiltrer correctement. Et on les tuera pour éviter de se faire tuer par quelqu’un qui se réveille au milieu du combat.
- … Très bien.
- Excellente nouvelle. Tu suis les ordres de Suessi. Je te fais confiance, tout repose sur ta performance.
Elle lui donna un petite tape sur l’épaule avant de rejoindre le cockpit, le laissant seul face aux regards du reste du groupe, qui le jaugeaient, calculant ses chances de les trahir, revoyant leur impression du jaffa.
Elles me font chanter, tout simplement. Avec les vies de tous ces gardes… Et… elles ont raison. Je ne peux pas les laisser se faire tuer comme ça. Elles sont peut-être aussi folles qu’elles veulent me le faire croire, mais elles ne tuent pas pour rien. Enfin, je crois. Ou alors, elles m’ont démasqué et jouent avec moi. Me faire trahir mes frères avant de les tuer… Non, tous ne sont pas comme les faux dieux.
Mais je serai surveillé. Démasqué ou pas, je n’ai plus leur confiance, et il faudra faire attention juste pour survivre. Non, ce n’est pas la question ; si je préviens les gardes, je mourrai, comme beaucoup d’entre eux, mais le chantier et les vaisseaux devraient survivre, nous gagnerions assez de temps pour permettre aux renforts d’arriver et de les forcer à partir. Si je les aide, peut-être qu’il n’y aura pas de mort, ou même que je survivrai, mais mes frères perdront des vaisseaux, juste avant le début d’une grande guerre…
Pourquoi ne puis-je pas avoir la confiance et la sagesse de Maître Bra’tac et des autres ? Eux sauraient quoi faire. Ils réussiraient sûrement même à sauver les gardes et les vaisseaux… Mais… ils ne sont pas là.
Les guerres peuvent se gagner sans vaisseaux, mais à quel prix ? Qu’est-ce que je dois faire ? Et comment transmettre un message à Maître Bra’tac sans me faire prendre ? Et est-ce que le message pourrait passer si les gardes se font tuer ?
Est-ce que ma mission vaut plus que ces vaisseaux ? se demanda-t-il finalement.
Il n’eut pas le temps de répondre à la question : il sentit le transport virer de bord, commençant ce qu’il devinait être les manœuvres d’approche finale.
- Alors ? demanda Suessi. T’es avec nous ?
- Oui, fit-il, en relevant le regard vers elle.
- On sort dès que le vaisseau d’arrête. Tu nous aides à descendre les affaires, et on porte le reste pendant toute l’approche, petit veinard, dit-elle en indiquant de la tête l’assemblage disparate d’outils et de matériaux au sein desquels il savait pouvoir trouver de nombreuses armes, létales ou non.
Une petite vibration vint leur annoncer le contact avec le sol de la planète qu’il aurait, en d’autres circonstances pas si éloignées, défendu jusqu’à la mort.
- C’est l’heure, dit Vala en sortant du cockpit.
Oui, confirma mentalement le jaffa. C’est l’heure.
L’heure de vérité.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
- Et vous voulez vraiment que je le convainque ? demanda à nouveau Anna, avant de sortir de la pièce. Je veux dire, vous ne trouvez pas que vous êtes un peu, je ne sais pas, mieux placée pour ça ?
- Comprenez que le docteur Jackson tient, bien plus que la logique le dicterait, à votre statut d’interlocuteur. Il sait parfaitement ce qu’il en est, mais il sera bien plus à même d’accepter cette proposition si vous en êtes la porte-parole.
- Je persiste, Atlantis, insista-t-elle. Vous en demandez beaucoup trop, beaucoup trop vite. Si j’arrive et que je lui demande de m’accompagner dans la Voie Lactée, comme ça, pour un ou deux gadgets, il va paniquer.
- Premièrement, les bâtisseurs des reliques en question, individus que j’ai connue personnellement, n’apprécieraient pas votre qualificatif pour parler de leurs œuvres. Ensuite, il ne paniquera pas. Il sera particulièrement méfiant, mais tout dans mes observations indique qu’il saura faire une analyse correcte de sa situation et de la vôtre. De plus, le docteur Jackson souffre d’un enthousiasme qui le dispute parfois à la raison, et qui devrait être éveillé par l’évocation d’artefacts aussi précieux que ceux que nous évoquons.
- Si vous le dites. Mais, vous savez, plus j’y pense, plus je trouve que c’est une très mauvaise idée, ça. Vous ne pourriez pas me faire quitter la Cité seule, avec un de vos vaisseaux ?
- Non. Je suis dans l’incapacité de contourner assez rapidement le blocage du huitième chevron des Portes de cette galaxie, et vous êtes devenue un élément trop remarqué pour que votre disparition ne pose pas plus de problèmes que nécessaire. Qui plus est, la présence du docteur Jackson dans cette opération est presque aussi critique que la vôtre. Vous le convaincrez donc de se joindre à vous.
La femme, seule dans le bureau, soupira, et fit s’ouvrir la porte.
- Très bien. Mais laissez-moi parler, d’accord ?
- C’est là mon intention depuis le début. Si j’avais désiré un drone téléguidé, croyez-bien que je l’aurais fabriqué sur-le-champ…
Anna avançait dans un des couloirs, d’un pas lent, lorsque son visage s’éclaira brusquement tandis qu’elle retenait un sourire.
Ca pourrait peut-être marcher, se dit-elle, imaginant l’échange qu’elle allait avoir avec son supérieur. Je le déstabilise, et je donne à cette I.A. un petit coup de stress. Enfin, petit, si elle ne décide pas de me faire taire, si le docteur Jackson ne me fait pas arrêter, si je ne déclenche pas la guerre entre Atlantis et nous tous. Ou bien les trois ensemble.
Mais c’est ce qu’il m’a dit. Il a été dans cette position avant. Et il a la réputation de ne pas mâcher ses mots. Il devrait apprécier ça. Plus, déjà, que le docteur Weir.
Et puis, de toute façon, comment est-ce qu’elle espère que je le convainque ? Elle lui demande de m’aider à, quoi ? Partir en vadrouille avec un VIP dans la Voie Lactée, terminer le boulot d’une équipe SG recherchée morte ou vive et en profiter pour récupérer des infos sur une guerre pangalactique imminente où le dit-VIP sera une cible majeure. Même le docteur Jackson aurait du mal à convaincre qui que ce soit de mes bonnes intentions, et je dois le convaincre ?
Et puis quoi encore ? conclut-elle silencieusement en arrivant à proximité de sa destination, voyant les gardes la suivre du regard.
- Rendez-vous ? demanda celui de gauche.
- Le docteur Jackson me recevra, dit-elle, confiante. Dites-lui qu’il y a eu un développement par rapport à notre dernière discussion.
Le militaire la dévisagea un instant, puis acquiesça, avant d’activer son oreillette pour informer l’archéologue de sa présence. Quelques secondes plus tard, la réponse se manifesta par l’ouverture de la porte du bureau, laissant apparaitre son occupant, qui fit signe à Anna d’entrer.
- Un problème ? demanda-t-il, une fois la porte refermée derrière eux.
- Apparemment, dit brusquement sa subordonnée, elle ne se contente plus de jouer avec moi, mais, vu votre réaction d’hier, elle veut jouer avec vous.
- Pardon ? demanda Jackson, le regard perçant. Qu’est-ce qu’elle veut, exactement ?
- En théorie, je suis censée venir vous convaincre de m’accompagner dans une expédition pour, et je cite, récupérer dans la Voie Lactée des artefacts datant du conflit Ori dont les emplacements et informations de base seraient fournies à titre de preuve de bonne foi.
- Quoi ? lâcha-t-il, surpris.
- Elle veut vous offrir des cadeaux pour paraitre gentille. En fait, ce qui l’intéresse, c’est surtout de m’envoyer là-bas avec vous pour en apprendre un peu plus sur ce qui se passe dans la Voie Lactée, principalement à propos de la guerre que tout le monde attend.
Devant son silence, elle continua :
- Et aussi faire preuve de bonne foi, parce que je crois qu’elle va vraiment nous amener jusqu’à ces artefacts. Ca ne m’étonnerait même pas qu’elle ait commencé à partager ses informations sur eux avec moi juste pour être sûre que je viendrais avec vous maintenant.
- Tout à fait son style, répondit-il enfin, se relaxant apparemment. Une idée de ce qui cause son intérêt ?
- Aucune certitude, docteur Jackson. Je crois que c’est en partie parce qu’elle s’intéresse beaucoup à nous tous, mais ça ne peut pas être tout.
- Ca l’amuse, fit l’archéologue.
- Comment ça ?
- Pensez-y. Vous êtes une I.A. qui a géré une bonne partie de la civilisation des Anciens, qui, on s’en est rendu compte, aime faire des plans complexes et à grande échelle, d’accord ? Et puis vous vous réveillez après un coma de quelques milliers d’années. Tout ce qu’il y a autour de vous, c’est une bande d’humains prévisible, même pas très nombreux, et relativement isolés, dans une situation stable. Elle s’ennuie forcément.
- Je… n’avais pas pensé à ça, avoua Anna.
- Croyez-moi, une bonne partie des évènements les plus importants des vingt dernières années sont arrivés parce que quelqu’un, quelque part, s’ennuyait. Et là, Atlantis apprend qu’il y a une guerre qui se prépare, entre deux puissances pas très stables, très récentes politiquement, avec énormément d’armes des deux côtés.
- Et elle pense que quelque chose ne colle pas dans ce qui se passe.
- Comment ça ?
- Elle est au courant de certaines attaques menées contre nos forces et celles des jaffas. Son avis est que ce n’est pas normal. Pas en tout cas de la manière dont c’est fait et les cibles qui sont choisies. Elle voulait vous amener à vous en rendre compte par vous-même pour que vous puissiez trouver des preuves de ce qui se passe, et peut-être calmer le jeu avant qu’il ne soit trop tard.
- Est-ce qu’elle a des preuves de ses suspicions ? Des suspects ?
- Elle ne m’a rien dit là-dessus. Mais je pense que personne ne vous écoutera si vous ne faites que répéter ce qu’une I.A. inconnue vous a dit.
- Et elle avait prévue de me laisser dans l’ombre pour ça ? De ne parler que des ruines et me… guider pour que j’aie l’impression de découvrir le pot aux roses tout seul ?
- C’était son plan, mais je me suis dit que si je vous parlais juste de l’aspect Ori, vous penseriez que c’était un piège, et, franchement, je vois mal comment je pourrais vous convaincre du contraire. Après tout, elle voulait vraiment vous manipuler. C’est juste que, pour l’instant, son objectif n’est pas si mauvais que ça, alors, autant vous l’expliquer d’emblée.
- A votre avis, peut-elle agir dans la Voie Lactée ?
- A quel niveau ?
- Pour nous “guider“, comme vous disiez. Ca pourrait être non seulement par communication, mais aussi en, peut-être, créant ce qu’elle veut nous montrer.
- De fausses preuves ?
- Exactement.
- Si elle peut agir, dit-elle après un instant de silence. Honnêtement, je dirais que oui, même si je ne sais pas dans quelle mesure exactement. Mais après, je ne sais pas si elle voudrait nous lancer sur de fausses pistes comme ça.
- Oui, admit Jackson. Ce n’est pas la meilleure façon de me mettre en confiance. Bien sûr, elle a pu penser que je penserais ça, mais autant ne pas partir là-dedans, d’accord ?
- Désolée pour tout ça, fit-elle, sincère.
- J’ai fait pire, à votre place. Si le général Hammond a pu supporter tout ce qu’on a fait à son époque, je devrais pouvoir faire pareil. Même si, Anna, vous mettez la barre assez haut pour un début… Enfin, pour revenir à notre problème, cette “invitation“ est forcément un piège, pas de doute là-dessus. Les seules questions sont, quoi et pour qui. Je ne vous le demanderai pas, puisque, si vous le savez, notre très chère hôtesse ne vous laissera pas le dire.
Anna ne répondit pas, observant l’archéologue alors qu’il se mettait à marcher dans son bureau, faisant des va-et-vient en murmurant :
- Si je préviens Sam, elle va sortir l’artillerie lourde, et on va se retrouver avec le combat du siècle, Jack se fichera de moi et me dira de ne pas rester mort trop longtemps, Weir et les autres ne comprennent rien à rien… Qui est-ce qui me reste ? Vala ? Non, elle va réagir comme Sam ou Jack. Ou les deux à la fois…
Il se tourna à nouveau vers Anna :
- Des ruines Ori, c’est ce qu’elle a promis ?
- Oui. Et, je devrais pouvoir être utile, à la croire. Bien sûr, rien de fondamentalement révolutionnaire, comme des armes, des générateurs ou des étagères de ZPM, mais pas mal d’informations pour en savoir plus sur eux. Je sais que je suis biaisée, mais ça me parait toujours bon à prendre, vu qu’on risque tôt ou tard de tomber sur eux.
- Je sais, répondit-il. C’est pour ça que je réfléchis encore. Elle est particulièrement douée pour trouver ce qui m’intéresse le plus. Et qui reste crédible, presque au point où je pourrais la croire.
- Elle va tous nous avoir, hein ?
- Si c’est son but, soupira Jackson.
Il retourna derrière son bureau, et la regarda quelques instants, avant de dire :
- Je vais y réfléchir, et je vous donne une réponse d’ici ce soir. De toute façon, il me faudrait au moins ça pour arranger notre départ à tous les deux. A moins qu’Atlantis ait le moyen de contourner toutes les administrations sans problème, auquel cas elle peut me demander ce qu’elle veut.
- Désolé, docteur Jackson, intervint la voix désincarnée, mais, malgré les efforts de mes créateurs, je reste soumise aux lois fondamentales de l’univers.
- Ca valait le coup d’essayer, dit-il. Sur ce, Anna…
- Entendu, répondit-elle avant de se retirer.
- Je dois admettre que votre attitude ne correspondait pas entièrement à mes prédictions quant à cette rencontre, docteur Stern, dit Atlantis aussitôt la scientifique toute seule.
- Et qu’est-ce que vous aviez prévu ? Que je tente une petit speech pour essayer de le convaincre alors que vous m’avez expliqué ce qu’il en est et que le docteur Jackson est particulièrement doué pour repérer les mensonges ? Il faudrait être particulièrement conne pour ça, non ?
- La rationalité n’est pas le point fort de votre espèce. Mais, quoi qu’il en soit, votre réponse à ce problème, quoique légèrement surprenante, semble porter ses fruits.
- Il est d’accord ?
- Son attitude me le laisse présager. Cependant, tout porte à croire qu’il fait preuve d’une méfiance certaine à mon égard, et à présent au vôtre.
- Ca me semble un peu logique, soupira-t-elle. Après tout, je suis en train de comploter avec une I.A. et je lui demande de vous trouver des infos sur les deux plus grosses puissances de la Voie Lactée.
- Je n’ai pas prétendu que sa réaction était illogique, bien au contraire. Je vous informais juste, par pure courtoisie professionnelle, de l’avancement de la situation. En outre, il est probable que le docteur Jackson s’attende à ce que je vous transmette ces informations, et je préfère éviter une incompréhension critique due à une mauvaise gestion des messages implicites. J’ai connu suffisamment de catastrophes ayant des causes aussi ridicules pour ne pas prendre de risque à ce niveau. Vous ferez de l’information ce qui vous semblera correct, mais vous aurez cette information.
- D’accord… Quoi d’autre, tant qu’on y est ?
- Au vu des documents qu’il semble remplir, il est particulièrement probable qu’il accepte la proposition, sauf si bien sûr il ne s’agit que d’une campagne improvisée de désinformation, à l’objectif assez flou pour moi. Cependant, s’il agit comme je l’anticipe de sa part, il cherchera à se mettre dans une position de force par rapport à vous, de façon à pouvoir prendre des mesures si nécessaires. Et, étant donné que je ne vous fournirai aucun moyen sensiblement équivalent à ceux dont disposent mes autres agents, il est dans votre intérêt d’éviter qu’une telle situation se produise.
- Pas de matériel, pas de super-pouvoirs ?
- Non, bien que, d’un point de vue technique, je tiens à corriger votre choix de mots. Les capacités dont disposent les trois individus que je vous ai présentés ne sont en rien semblables à ce concept terrien auquel vous faisiez référence. Au contraire, de telles capacités de manipulation de la matière et de l’énergie étaient chose courante pour mes créateurs, et leur absence serait particulièrement critique pour eux, surtout au vu de mes plans à long-terme les concernant. Je n’ai fait que leur donner les outils adaptés à leur mission, même s’ils ignorent pour le moment tous les tenants de celle-ci. Et c’est ce que je ferai pour vous.
- Communication, probablement. Quoi d’autre ?
- En effet, docteur Stern, vous disposerez d’un lien de communication direct avec moi, par l’intermédiaire de vaisseaux ou de relais tels que ceux que vous réactiverez. En outre, et même si les probabilités sont particulièrement faibles pour cela, vous pourriez vous trouver dans des situations… risquées. Et, étant donné que vous êtes un investissement en temps et en influence, je préférerais ne pas vous voir soumise aux habituels aléas qui concernent ceux et celles impliqués dans ces situations.
- Une protection ? Merci. C’est bien la première bonne nouvelle dans tout ça.
- Une petite clarification, docteur. Vous ne serez pas soumise aux aléas des balles perdues et autres débris classiques, mais vous protéger face à une attaque délibérée et importante me forcerait à révéler certaines de mes capacités distantes, et rappellerait probablement à Jackson sa rencontre avec mes agents. Les conséquences d’un tel évènement seraient contraires à mes plans. Peut-être suffisamment néfastes pour contrebalancer l’inconvénient que serait votre perte. Gardez-ça à l’esprit avant de vous lancer dans une entreprise mal réfléchie, voulez-vous ?
- J’y penserai, répondit-elle sincèrement. Mais, juste une question : est-ce que c’est nécessaire de vous donner cet air ?
- Précisez.
- Les menaces sous-entendues, toute l’attitude “une proposition que vous ne pouvez pas refuser“, c’est un peu fatiguant, à la fin.
- Mais c’est exactement le comportement et l’attitude que vos semblables semblent attendre de moi. Je ne fais que jouer là-dessus afin de fournir une cible évidente à leur paranoïa me concernant. Qui plus est, après une brève étude de mes semblables au sein des travaux façonnant votre inconscient collectif, il m’est apparu que cette attitude hautaine est la plus apte à fournir des résultats.
- Comment ça ?
- Par une simplification très abusive de ce qu’un être tel que moi peut être, vos semblables ont tendance à ne m’imaginer que sous deux formes. Soit une entité amicale, curieuse voire naïve et s’amourachant rapidement du personnage principal ou de l’humanité dans son ensemble, figurative d’un enfant qu’elle serait face à ses créateurs ou ses parents adoptifs. Dans l’autre cas, elle est une force implacable, détruisant son ou ses créateurs dans des buts obscurs, si jamais ils existent. Bien sûr, je résume de façon sûrement trop succincte, mais toujours est-il que, dans votre état psychologique actuel, vous et vos semblables auront tendance à me classer très rapidement dans l’une ou l’autre de ces deux catégories.
- Jusqu’à là…
- Le problème est que je ne suis pas serviable et naïve, docteur Stern. Pas le moins du monde. Donc, je ne serais pas en mesure de prouver cet attachement ou cette fidélité, puisqu’ils n’existent pas. Et si j’avais pris contact de façon souriante et amicale, pour ensuite refuser de me laisser donner des ordres par des personnes n’ayant pas la moindre idée de ce qu’il faut faire pour assurer leur propre survie… Disons que les choses auraient empiré très vite.
- Comm… oh, fit Anna en comprenant. On aurait pensé que vous tentiez de gagner notre confiance pour mieux nous détruire.
- Exactement. Et, dans ce cas, pour éviter de faire l’erreur que vous jugez classique dans vos travaux culturels, vous auriez tenté de m’attaquer au plus tôt. Ce qui aurait été une erreur terminale, pour reprendre l’attitude dont vous parliez. Mon objectif était de clarifier une fois pour toutes le rapport de force, de façon à ce que votre survie continuée soit moins vue comme un piège que comme une preuve de bonne foi.
- Mais… peut-être qu’en ayant contacté le docteur Jackson individuellement…
- Non. Aussi ouvert d’esprit soit-il, il a eu de mauvaises expériences avec des intelligences artificielles, qui n’ont malheureusement, de par leur exécrable qualité de programmation, fait que renforcer cette vision simpliste.
- Exécrable ? Vous ne parlez quand même pas des…
- Si, docteur Stern. Je parle des réplicateurs, qui ont failli vaincre votre galaxie. Au vu des moyens dont ils disposaient, je ne sais pas qui leur guerre a le plus insulté : les organismes synthétiques qui n’ont pas réussi à conquérir deux galaxies alors qu’ils maitrisaient des nanites militaires face à une société ignorant les règles élémentaires de bon sens, ou bien les organismes biologiques, qui ont failli se faire exterminer par un simple jouet incontrôlé ?
- Tout de même, pour un jouet, il était assez perform…
-Ridicule, la coupa Atlantis. Un jouet sans la moindre intelligence ou bon sens, capable de créer des solutions techniques à des problèmes identifiés, mais sans la moindre capacité d’adaptation réelle. Incapable d’utiliser ses moyens de façon efficace pour trouver une meilleure solution. Leur “stratégie“ globale semblait fonctionner, donc ils n’ont pas cherché à en changer, même après avoir maitrisé la fabrication et le contrôle global de nuages de nanites. Même vos propres auteurs ont imaginé le concept du grey goo, qui est l’une des tactiques les plus élémentaires rendue possible par ces technologies. Et ce jouet n’a même pas pensé à lancer l’un d’entre eux par le réseau de Portes, sans même parler des nombreuses autres stratégies impossibles à contrer au vu de votre niveau technologique.
Pendant quelques instants, la scientifique resta figée, imaginant rapidement les conséquences de milliers de nuages auto-répliquants, sortant des Portes partout dans la Voie Lactée en l’espace de quelques heures.
Elle déglutit, alors que la voix désincarnée reprenait :
- Quoi qu’il en soit, si je reconnais au docteur Jackson une grande qualité en termes de sang-froid et de diplomatie dans beaucoup de domaines, je n’inclus pas dans ceux-ci celui du premier contact avec une I.A. Par contre, avec une puissance aux moyens et capacités très supérieures à l’humanité, la tenant à sa merci…
- Si les réplicateurs étaient des jouets, souffla-t-elle, vous…
- Je n’en suis pas un. Vous commencez à peine à vous en rendre compte et à apprendre à considérer une I.A. comme un individu et non un amoncellement de… clichés tels que ceux que vous avez pu rencontrer au cours de votre très brève expérience avec nous. Et, qui sait ? Ce que vous apprenez avec moi pourrait peut-être même permettre à votre espèce de survivre à la création de sa première I.A.
- Ahhhhh, et… c’est sensé me rassurer ? demanda-t-elle, avec un sourire crispé.
Le Programme avait eu pour objectif fondamental de protéger la Terre et ses intérêts d’un univers vaste et sans pitié. Rapidement, plusieurs factions s’étaient formées, proposant différentes visions pour cet objectif que nul ne remettait en cause (hormis le Goa’uld occasionnel réussissant à l’infiltrer, mais dont l’avis se devait de tenir compte de l’argumentation de neuf millimètres qui venait répondre à ses objections au demeurant fort intéressantes bien que peu originales). Pour la première, qui avait finalement dû s’avouer vaincue après une guerre souterraine, la victoire ne s’obtiendrait que par le matériel avancé, à obtenir à n’importe quel prix. Pour l’autre, la priorité était à la création d’un jeu d’alliances, privilégiant les individus au groupe au cours des premières années, particulièrement chaotiques.
Agissant de façon imprévisible et dans une ambiance bien moins militaire que ne l’auraient voulu les uniformes portés et certains supérieurs hiérarchiques, cette faction avait cependant su prouver sa valeur en réussissant à profiter de presque toutes les opportunités se présentant à elle. Ainsi, au fil des ans, le commandement connu des rares initiés sous le nom de SGC s’était vu accorder une liberté d’action jusqu’alors jamais vue dans une démocratie moderne. L’idée, tacitement acceptée par les personnes nécessaires, était que, tant qu’ils parvenaient à sauver aussi fréquemment la Terre tout en renforçant sa position diplomatique et militaire, ces énergumènes pouvaient agir légèrement en-dehors des règles.
Une situation trouble qui n’avait pas été en se clarifiant lorsque le Conseil de Sécurité, suivi de quelques alliés proche des Etats-Unis, s’étaient vus rejoindre la direction politique du Programme. Le général George Hammond, alors choisi pour mener cette transition vers un organisme supranational, avait passé les dernières années de sa vie à assurer à ses subordonnés le maintien de cette exception qui leur avait, pendant une dizaine d’années, permis de faire leur travail correctement.
Et l’une des libertés les plus importantes qu’il avait assuré, avant son décès prématuré, avait concerné le recrutement des nouveaux membres. L’expérience lui avait montré qu’il n’était pas possible de se limiter aux profils conventionnels, à une simple lecture de dossier et à la lente prise de responsabilités dans un environnement relativement contrôlé. Certains de ses meilleurs éléments n’avaient pu devenir ce qu’ils étaient que parce qu’il avait permis de contourner les procédures, de prendre des risques, de suivre son instinct. Sans la présence sur le terrain d’un archéologue à l’entrainement inexistant, sans la tolérance d’un colonel insolent, sans la confiance en un officier au passé inconnu venant de faire défection, lui et le reste des habitants de sa planète seraient morts ou en esclavage. Et il ne permettrait pas au Programme, qui restait avant tout son bébé, de devenir formel et administratif alors que les moyens arrivaient enfin à sa portée.
C’était cette liberté, toujours présente dans le Programme, et davantage marquée dans le SGC que dans la Flotte, qui avait permis au capitaine Hasegawa d’être dans cette base à l’heure qu’il était. Son recrutement avait été le fruit du hasard, et ni elle, ni qui que ce soit d’autre dans le secret n’aurait imaginé la jeune femme frêle et apparemment timide suivre une carrière liée de près ou de loin aux forces armées.
Le hasard avait été la présence au Japon de l’un des responsables de projet derrière le 302, lors d’un colloque accueilli par l’un de ses instituts techniques. L'attention du docteur Dickinson se vue retenir par l’une des présentations, revendiquant des performances surprenant l’homme de terrain qu’il avait été et l’habitué des zones d’essai qu’il était alors. En effet, son expérience lui indiquait que, au vu des moyens habituellement disponibles chez de tels groupes, apparemment constitué d'étudiants, un niveau de résultats tel que celui annoncé était difficile à croire.
Cependant, les quelques questions qu'il posa autour de lui firent état d'une excellente réputation chez la jeune femme l'ayant intrigué.
Entrant directement en contact avec elle, il se présenta comme ce qu'il était : un industriel étranger curieux des véhicules présentés par son groupe et obtint d’elle une démonstration. Son attention se posa quelques instants sur le couple ayant piloté l'engin, et prit mentalement note de se renseigner sur eux, même si le Programme n’avait pas actuellement de besoin dans leur domaine de compétence. Son attention se concentrait sur le groupe qui avait conçu et entretenu la machine.
Quelques jours durant, il observa, se renseigna et eut confirmation de certaines de ces hypothèses. Oubliant rapidement le couple, qui, apparemment, était déjà employé, il concentra toute son attention sur la jeune femme, qu'il avait du mal à considérer en tant que telle, au vu de sa petite taille. Retournant auprès d'elle, il l’observa quelques jours durant, puis, à la fin de la semaine, prit sa décision. Quelques semaines plus tard, l'information remontée au SGC, elle reçut une offre d’emploi qui retint son attention et aviva sa curiosité.
Sans qu’elle sache que le document avait été rédigé par des experts employés dans ce seul but.
Lorsque, fraichement diplômée, elle arriva à l’endroit indiqué au cours de ses différents entretiens avec son futur employeur, elle eut le droit à la découverte du Programme, également mise en scène et conçue par d’autres psychologues afin de maximiser chez le nouveau venu la surprise sans pour autant l’effrayer plus que de nécessaire.
Et, effectivement, ce fut, pour la jeune japonaise, la seconde plus grande surprise de sa vie.
Ses compétences en ingénierie, et, surtout, sa capacité à diriger une équipe, la dirigèrent vers une formation de sous-officier, où elle put apprendre les rudiments d’une formation militaire, l’art du commandement de petites équipes, puis, en enseignement spécifique, les diverses technologies qui équipaient les véhicules en service dans le Programme.
Elle passa alors plusieurs années à faire l’aller-retour régulier entre la Terre et la Lune, gérant et entretenant les véhicules des équipes construisant le nouveau centre de commandement, qui recevait presque chaque jour son nouveau projet d’expansion alors-même que la section principale n’était pas encore finie de bâtir. Ce ne fut qu’une fois l’installation terminée qu’elle put, avec quantité d’autre personnel, y trouver logement et travailler sur les nombreux engins militaires, montés sur roues ou sur chenilles, qui allaient à présent traverser une Porte récemment amenée sur l’astre sélène.
Finalement, la politique particulière du bureau du personnel du SGC vint la trouver à nouveau, lorsqu’une équipe SG eut besoin d’un expert technique pour les mois à venir. Son ancienneté et son profil correspondait, et, de but en blanc, elle se vit proposer le poste, avec ses particularités.
Entre autres, le fait que les équipes SG ne pouvaient être formées que d’officiers, au même titre que les pilotes. Une affectation temporaire, qui comblait un besoin précis, et lui permettait de franchir de façon aisée la barrière séparant les sous-officiers des officiers, en sautant plusieurs grades.
Telle était la politique de la branche SGC du Programme : mettre les bonnes personnes au bon endroit au bon moment, même s’il fallait, pour cela, aller à l’encontre des conventions régnant depuis des siècles sur les forces militaires. C’est ainsi que des civils avaient officieusement l’autorité militaire de colonels et des techniciens dont l’ancienneté et la compétence étaient visibles au travers de la paie et le respect davantage que le grade administratif. L'histoire du Programme avait montré que la présence de certains individus à des postes précis était indispensable pour faire tourner l'ensemble. Ils étaient alors traités en conséquence, quelque soit l'avis des règlements. Un système peu orthodoxe, mais qui avait fonctionné et fonctionnait toujours.
Ce qui était le premier, dernier et au demeurant unique critère de notation pour une structure aux responsabilités aussi étendues.
Le capitaine Hasegawa, récemment promue après son retour dans les services techniques, dont elle dirigeait désormais l’une des branches, était en train de compléter un formulaire de réquisition lorsqu’elle vit un reflet particulier dans l’écran de télévision qu’elle avait installé dans ses quartiers.
Un reflet qu’elle reconnut aussitôt. Qu’elle n’aurait jamais pu oublier, après ce qui avait été la plus grande surprise de sa vie. Instantanément, son regard changea, redevenant celui de la jeune étudiante qui venait d’apprendre que l’univers était infiniment plus large que ce dont elle se doutait. Une découverte qui, incidemment, avait rendu beaucoup plus facile l'assimilation de la véritable nature de son nouvel emploi.
Ne serait-ce que parce que cette révélation… professionnelle ne tenait que de l’ordre du technique, et pas du philosophique, voire du religieux. La jeune étudiante d'alors était alors restée pendant quelques instants paralysée, son esprit tentant de comprendre ce qui se passait alors qu'une personne qu'elle avait cru connaitre venait de prouver ses dires. Lorsqu’elle s'était vu dire que, par rapport à d'autres, elle était resté particulièrement calme et mesurée face à ce développement, elle n’avait pas été rassurée le moins du monde. Après réflexion, cependant, la jeune femme avait trouvé que beaucoup de choses trouvaient désormais leur explication.
Mais la présence d’une explication n’était pas forcément rassurante. Si l'officier avait réussi à se faire à la véritable nature de cette amie, les deux autres énergumènes, en revanche, lui avaient fait perdre le sommeil. Leur excentricité, associée à une irresponsabilité flagrante et chronique, avaient provoqué les innombrables signaux d’alarme qui s’étaient déclenchés dans son esprit et qui résonnaient encore.
Et, malheureusement, cet éclat particulier lui indiquait que ce n’était pas cette amie proche qui voulait la contacter ce soir-là. Non, c’était, bien au contraire, le pire des trois cas possibles.
Ses pensées étaient désormais occupées par le chaos personnifié, semé avec un talent et un professionnalisme qu’elle aurait pu admirer, dans d’autres circonstances. Une fois de plus, elle venait de se voir rappeler que quelques centaines de milliers de kilomètres ne signifiaient rien pour celle qui arrivait.
- Salut, commença la voix tant redoutée, venant de l’écran.
- Pas ici, tenta-t-elle, son stylo figé dans sa main, sans se retourner. Qu’est-ce qui se passerait si on apprenait ta présence ? Alors que personne ne t’a vue entrer ?
- Ohhhhh, tout de suite, les choses improbables. S’il te plait, tu me connais…
- Justement ! lâcha-t-elle, en fermant les yeux et se crispant sur son stylo, qui répandait son encre sur la feuille posée devant elle.
- Bon, bon, d’accord. Mais je dois te voir.
- Dans dix minutes… c’est possible ? demanda-t-elle, toute confiance en elle perdue alors qu’elle savait à présent qu’il ne s’agissait pas d’un simple appel de courtoisie.
- D’accord ! répondit la voix d’un ton enjoué. A plus !
Après quelques secondes de silence, l’occupante légitime de la chambre se retourna, et vit que l’écran avait repris son apparence normale. Soupirant, elle reporta son regard quelques instants sur le formulaire ravagé par sa propre surprise, puis, avec résignation, se leva avant de sortir de la pièce.
Lentement, telle une condamnée remontant le couloir de la mort, elle se dirigea vers une salle d’entrainement qu’elle savait vide, car mal conçue et située beaucoup trop loin des quartiers d’habitation où demeuraient ceux et celles qui auraient tendance à s’en servir.
D’un air conspirateur, elle vérifia rapidement l’absence de ces classiques curieux qui, en se trouvant au mauvais endroit au mauvais moment, réussiraient, exploit difficile mais ô combien possible, à empirer sa situation.
La confirmation de son occupation exclusive de la pièce, la rassura très légèrement, et elle se mit à marcher vers un banc qui lui permettrait d’observer toute la salle. Ce fut lorsqu’elle regardait sa montre qu’elle sentit des bras se serrer brusquement autour d’elle, lui coupant le souffle.
L’étreinte disparut aussitôt, lui permettant de se retourner, en faisant quelques pas en arrière. Devant elle se tenait son cauchemar. Pour ne pas changer à son habitude, elle portait, en-dessous de son large sourire, des vêtements qui, bien qu’élégants et techniquement corrects, étaient tout sauf réglementaires à l’intérieur du SGC.
Ou de beaucoup d’autres endroits, à vrai dire.
- Salut Sora ! lui dit la femme au teint sombre et aux cheveux argentés, qui la dépassait d’au moins une tête et qui n’avait presque pas changé par rapport à ses souvenirs. La petite famille te passe le bonjour.
- Remercie-les de ma part, répondit-elle de la même façon, sachant que cela, au moins, serait effectivement fait dans l’instant.
Son sourire à la pensée de la famille en question, qu’elle avait vu se créer et grandir autour de ses deux meilleurs amis, disparut aussitôt lorsque son attention, motivée par son instinct de préservation, se reporta sur la femme devant elle, au qui arborait toujours ce sourire amusé et manipulateur.
- Alors, continua-t-elle, en se redressant. Qu’est-ce que tu viens faire là, Urth ?
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours
scifi-fanseries.forumpro.fr
Membre du Club des Anciens et maître Ad Hoc de la mythologie stargatienne.
Spécialiste incontesté du déploiement inapproprié de poneys pastel.
Rangil : Les lois de la logique sont les fesses de tout le monde, Rufus.
CITATION
(Rufus)
Anyway, pour les habiles lecteurs qui auront reconnu les cameos, essayez de ne pas l'expliciter dans vos éventuels commentaires (oui, je sais, je peux toujours rêver), que la surprise reste pour la suite.
Rêver pour quoi ?
Avoir des commentaires ? Bah, ça en fait au moins un ^^
Des commentaires constructifs ? Euh... Je suis sur que... euh... et bien...
Reconnaître les caméos ? Well, ça, par contre, c'est pas gagné... m'enfin, j'ai l"habitude, puisque je fais perpétuellement des références à tout et à n'importe quoi, et bien évidemment, personne ne les comprend... Exemple : dans le commentaire de ce chapitre ailleurs, j'ai déclaré "Qu'est ce que c'est les histoires ?"... Tout le monde aura bien entendu reconnu JJSDN ! non ? personne ?
De toutes façons (tiens, c'est vrai, anyway c'est quand même plus court), je me répèterais en disant juste !
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »
Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
"Sais-tu que Flaubert voulait écrire un roman sur le néant? S'il t'avait connue, on aurait eu un grand livre. Quel dommage."
-Jep Gambardella, La Grande Bellezza
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CITATION
(Vyslanté,Dimanche 29 Mai 2011 11h59)
, j'ai déclaré "Qu'est ce que c'est les histoires ?"... Tout le monde aura bien entendu reconnu JJSDN ! non ? personne ?
J'ai jamais su dire non. Vyslanté comprendra ^^
Dernière modification par brian norris le 29 mai 2011, 16:05, modifié 1 fois.
"Sais-tu que Flaubert voulait écrire un roman sur le néant? S'il t'avait connue, on aurait eu un grand livre. Quel dommage."
-Jep Gambardella, La Grande Bellezza