Bon avec un jour de retard et une bêta lecture perfectible, voici le nouveau chapitre. Avant dernier de la "série égyptienne". On approche du but ...
Chapitre 11 : Une histoire ancienne
Côte égyptienne – Lundi 17 avril 2013 dans la soirée
Le petit taxi noir et jaune avait cessé sa route un peu avant El-Alamein. La nuit tombant sur le paysage égyptien, le groupe avait collectivement pris la décision de bivouaquer le long de la côte à quelques dizaines de kilomètres au nord du célèbre lieu de bataille de la seconde guerre mondiale. Le soleil disparaissait peu à peu derrière l’horizon. Et la méditerranée, s’agitant avec douceur, prenait des teintes orangées. La vision n‘en était que plus idyllique pour les quatre échappés d’Alexandrie.
Les trois militaires se tenaient droit face à la géante masse d’eau qui s’étendait à perte de vue. Salif, l’archéologue, était resté en retrait. Préférant consigner dans un bloc-notes ses réflexions les plus diverses et variées. Sur la plage, Antoine fixait des yeux ce qui lui semblait être la direction des îles grecques, dont Santorin faisait partie. Le mythe de Platon se trouvait être juste. L’Atlantide, une cité probablement du même acabit qu’Atlantis avait élue demeure dans cette contrée. Antoine savait bien que les 3600 ans le séparant de cette merveille n’étaient rien sur l’échelle géologique de la Terre. C’était comme si elle s’était éteinte hier.
- Je ne vois pas pourquoi tu es si impressionné.
Kanbeï avait réussi à casser la léthargie du pilote de chasse qui était maintenant intrigué par la parole de son ami nippon.
-Je le vois bien Antoine. Tu dévores des yeux un endroit qui n’existe plus.
-Et ?!? Je ne te suis pas trop.
-Ce que je veux dire c’est que c’est de l’histoire ancienne. N’y voit pas quelque chose de mystique.
-Je sais. Ne t’inquiète pas, loin de moi l’idée d’ériger cette civilisation comme un nouvel Olympe. Tu me connais. J’ai suffisamment d’égo pour ne pas avoir à me raccrocher à une divinité.
-Oh ça je l’ai bien vu. Tu fais toujours l’inverse de ce qu’on te dit de faire.
-Oui oh ça va !
Cette remarque provoqua un mini fou-rire dans le groupe. Il fallait bien avouer qu’Antoine était têtu comme une mule. Il avait beau douter comme tout le monde, quand l’enjeu lui paraissait trop important, il n’hésitait pas à foncer. Quitte à en assumer les responsabilités derrière. Mais Kanbeï se moquait un peu de la charité. Lui aussi n’était pas facile à vivre. Souvent très froid, discret et en retrait. Sa fermeté et son cynisme en avait rebuté plus d’un. Et à vrai dire le fier japonais n’en avait rien à faire. Sa seule préoccupation était son honneur et sa dignité. Il voulait bien passer pour un fou ou un Tyran. Tant qu’on le respectait il n’en éprouvait aucune peine.
Une chose que Damien ne se serait jamais permis. Sa gentillesse et sa candeur étaient ses principales qualités. On disait même en Afghanistan qu’il avait eu de la pitié et de la sympathie pour ses ennemis. Un mélange de résignation et de solidarité. Des vertus que ses parents, catholiques pratiquants, lui avaient inculquées. Pourtant, l’homme avec l’âge n’avait plus aucune croyance. Signe de la décadence de la société diront certains, ou de son évolution répondront d’autres. En tout cas il n’avait pas à se plaindre de ses deux supérieurs. Ces derniers étaient bien différents de ses anciens supérieurs. On aurait pu dire qu’ils étaient éclairés, sages ou bien encore naïfs. Ils ne travaillaient ensemble que depuis la veille et pourtant les choses marchaient plutôt bien. Si on mettait de côté l’attentat en Allemagne, l’attaque des wraiths et autres mésaventures. Tout un programme.
-Vous vous rendez compte quand même lieutenants ? Franchement combien d’hommes pourront raconter ça à leurs enfants ?
-Ça ?
répliqua le lieutenant Antoine Estienne.
-Bah tout ce qu’on a vécu depuis une semaine. Qui l’aurait imaginé ? Pas moi en tout cas.
souffla le sergent.
-C’est vrai que ce n’est pas commun.
dit Antoine.
-On pourrait en écrire un livre ?
-Oui peut-être.
répondit sournoisement Kanbeï Le jour ou la CIA révélera qu’elle a assassinée Kennedy on pourra l’envisager.
-Ah ! Je vois. Tant pis. Moi ce livre je l’aurait bien appelé … L’Odyssée !
-L’Odyssée ? Déjà pris !
nota Antoine.
-Ah. Alors, imaginons … La Porte des Etoiles : L’Odyssée de la Terre !
Antoine et Kanbeï regardèrent sans rien dire le sergent avant de détourner leur regard. Ils ne purent pas s’empêcher de rigoler dans leur barbe.
-Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?
Protesta le sergent.
-C’est juste que ce n’est pas très bon comme titre.
répondit poliment Antoine.
-C’est le pire titre que j’ai entendu !
lança hypocritement Kanbeï.
Damien était déçu et ne goûtait peu à la taquinerie de ses supérieurs. La discussion s’arrêta sur cette plaisanterie. Il faisait maintenant nuit et chacun se décida à se répartir une des nombreuses couvertures que le sergent Delcourt avait déniché dans la journée. Les nuits étaient froides et la voiture très inconfortable. Le temps étant au beau, une nuit à la belle étoile se faisait de plus en plus désirer.
Tapis dans leurs ensembles de couvertures et de tissus en tout genre, les trois hommes, rejoints par Salif, s’endormirent en moins de temps qu’il ne fallut pas pour le dire. Dans peu de temps, si tout se passait bien, ils seraient dans un lit bien chaud.
Champs Elysées, Paris – 1h30 du matin – Mardi 18 avril 2013
Elle sentait les palpitations monter jusque dans sa poitrine. Les pulsations des basses de la musique, d’une boite de nuit très sélecte, se répercutaient comme des décharges dans tout son corps. Le rythme effréné des bits la forçait à se déhancher de manière aguicheuse au milieu d’une foule compacte. L’odeur des gens, de l’alcool et la proximité des corps alliés au son très fort et à une lumière agressive faisait entrer Mariannes en légère transe. Le DJ qui régalait la salle ce soir-là était Paul Kalkbrenner, une pointure dans le monde des DJs. Pour rien au monde Mariannes n’aurait raté ce spectacle. D’autant qu’elle avait remarqué la présence de ce jeune homme à ses côtés depuis une bonne heure. Une présence qui ne la gênait pas du tout bien au contraire. Elle était la bienvenue.
Mariannes ne sentit pas tout de suite son téléphone portable sonner. Il se trouvait dans un vestiaire de la boite de nuit. Au milieu d’une chanson des plus déchainées, un membre du personnel de la boite de nuit vint la prévenir que son téléphone sonnait continuellement depuis plusieurs dizaines de minutes. La concierge avait pensé qu’une chose de grave avait pu avoir lieu. Elle avait décroché et connaissait donc la raison de l’appel. Raison que tentait de faire comprendre un membre de la sécurité à Mariannes. L’homme lui attrapa le bras et lui glissa à l’oreille qu’une femme du nom de Mireille demandait la présence obligatoire de la jeune scientifique. La raison évoquée était une urgence liée à son travail. La jeune prodige en question n’avait que peu goûté à cette nouvelle inattendue. Elle expliqua brièvement et vulgairement à l’homme de la sécurité qu’elle n’avait que faire de cet imprévu et qu’on n’avait pas à se mêler de ses affaires. Résigné, l’homme repartit bredouille.
Alors que la nuit se continuait sous des auspices toujours plus torrides, la musique s’éteignit brusquement. Suivi par l’éclairage qui fut remplacé par celui de sécurité. L’alarme anti-incendie ne mit que quelques centièmes de secondes, imperceptibles pour l’homme, pour fonctionner et ramener à la réalité tout le petit monde de la piste de danse. Dans un chaos digne des plus grands naufrages marins, les personnes présentes se ruèrent sur les sorties de secours. Une fois sur le parvis des policiers leurs demandèrent de se disperser dans les plus brefs délais.
Mariannes, au milieu d’un groupe, s’arrêta sur le parvis pour allumer une cigarette avant d’entendre son nom. Elle remarqua alors aussitôt une femme se tenant debout près d’une voiture garée en double file dans la plus belle avenue du monde. Mariannes LeBlanc fut prise de stupeur en distinguant la silhouette parfaite de sa responsable. Hortense Riveron, toujours impeccable dans son tailleur, fixait des yeux la jeune blondinette. Comme une maman attendant ses enfants à l’école. Comprenant qu’elle n’avait pas le choix, la prometteuse scientifique alla à la rencontre de l’énarque. Dans son dos, son ex futur partenaire décida de tenter une dernière fois sa chance.
-Eh ! Tu ne m’as même pas dit ton nom ! Moi c’est Vincent ! Et toi ?
-Pas la peine Vincent, nous ne nous reverrons pas. Ce fut une bonne soirée. Rentre bien !
-Quoi mais !
-Mariannes dépêchez-vous s’il vous plait nous n’avons pas tout notre temps.
Prévint Hortense
-Quoi ? Eh mais vous êtes qui vous ?
demanda le prétendant.
Hortense qui détestait ce genre de dandys n’avait pas de temps à perdre avec lui. Elle attrapa le bras de Mariannes et repartit à sa voiture. Passablement éméché, Vincent revint à la hauteur des deux femmes et s’en pris à Hortense.
-Eh qu’est-ce que vous allez lui faire ? Laissez la tranquille !
Le dragueur avait dépassé le seuil de tolérance d’Hortense. La journée avait été dure et les enjeux étaient trop grands pour se permettre de perdre dix minutes à raisonner le jeune homme. Elle pencha alors sa tête tout en cherchant un objet dans son sac. L’homme qui voulait l’impressionner se colla à elle. La dévisageant tout en l’insultant pendant que Mariannes qui connaissait trop bien celle qui portait le nom de code « Mireille » était déjà parti s’asseoir dans la berline. Le chauffeur, Jérôme Cahors, lui referma la porte avant de s’adresser à son chef.
-Madame, vous avez besoin d’aide ?
Sans prendre la peine de répondre, l’énarque releva la tête et asséna un violent coup de Taser, qu’elle venait de sortir de son sac, dans l’abdomen de son agresseur. Vincent, pris de nombreuses convulsions, s’écroula sur le parvis.
-Non c’est bon lieutenant. Allez en route !
Base aérienne 117 – Paris – 2h30 du matin
Dumarchais n’avait guère apprécié la désinvolture de la jeune scientifique. Hortense Riveron avait peut-être instauré une relation spéciale avec la jeune femme qui portait ses fruits. Mais lui ne pourrait le supporter. Ses hommes à lui le respectaient et ne commettaient pas d’impairs. Ils avaient plutôt intérêt.
Passé ce petit moment d’exaspération, le général reprit la situation en main. Mariannes venait d’arriver dans le PC et s’était assise sur un fauteuil de bureau près de la table de commande. Un militaire lui avait donné une veste et elle était maintenant entourée de Dumarchais, Riveron et Marin.
-Bon ! Mademoiselle LeBlanc nous avons un imprévu de taille. D’où cette extraction peu commune.
-C’est bon j’ai compris, venez en fait. Les méchants aliens sont de retours ?
-Pas exactement,
repris l’officier. Nous n’avons pas de menaces en vue si je puis dire. Nous avons par contre un problème technique sur les bras.
-Quel genre ?
-Colonel ?
-Oui mon général ! Alors, mademoiselle comme vous le voyez sur ces images, nous avons une liste de sites potentiels en Egypte de l’ouest ou seraient tombés des débris nous intéressant. Ces débris proviendraient sans nul doute de l’explosion du volcan de l’île de Santorin il y a plus de 3000 ans.
-Attendez je vous arrête tout de suite,
Mariannes s’adressant au général. Ce sont des volcanologues qu’il vous faut.
-Mademoiselle laissez le colonel terminer je vous prie,
renchérit l’impatient général.
-Merci général. Si nous avons besoin autant de vous que de volcanologues et d’experts en balistiques, c’est parce que nous pensons que l’île de Santorin était le siège d’une cité de type Atlantis.
La jeune femme se tut et lança un regard à Hortense. Celle-ci d’un léger signe de la tête sembla accréditer les dire de l’officier des transmissions. Le colonel François Marin continua son topo.
-Les débris en question sont des pièces de cette cité. Mais nos experts ont besoin de plus de détails techniques sur la structure de la cité et son probable mode d’alimentation en énergie.
-Géothermie,
répondit Mariannes.
-Oui c’est ce que nous croyons, mais la structure de l’édifice et les réseaux d’énergies ont pu influer sur les effets de l’explosion. Et ainsi modifier les trajectoires. Nous avons besoin d’avoir une délimitation assez précise.
- Pourquoi cherchez-vous des débris ? Ce qui vous intéresse c’est Santorin non ?
-Pas vraiment, des centaines de fouilles ont été effectuées sur l’île depuis des dizaines d’années. L’explosion a fait son travail, il n’y a plus rien là-bas,
fit remarquer Hortense.
-Et donc vous voulez que je vous renseigne sur Atlantis ?
-Vous êtes une des seules scientifiques de ce niveau en France à en savoir autant sur Atlantis. Et je tiens à préciser qu’aucune aide extérieure est envisageable,
conclut Hortense.
-Très bien. Alors je vais avoir besoin d’un poste informatique de bonne puissance ainsi que de ces logiciels.
La jeune prodige griffonna le nom d’une dizaine de logiciels de pointe lui étant nécessaire. Marin prit la note et assura qu’il lui faudrait peu de temps pour les avoir. Hortense soulagée s’en alla faire son rapport à Patrick De Beaune. Le général Alexandre Dumarchais, resta à seconder ses troupes une dernière fois avant d’aller se reposer quelques minutes.
-Général !
-Oui Mariannes ?
-S’il n’y a plus de traces à Santorin, d’où sortez-vous ces infos et ces photographies ?
-Nous avons une équipe de reconnaissance sur zone. Ce sont eux qui sont en route vers le site. Le temps joue contre nous, notre équipe est sûrement recherchée par des groupuscules terroristes. Alors il nous faut ces coordonnées le plus vite possible.
-Bien général.
Mariannes fit pivoter son siège et tourna le dos au général pour se mettre à pianoter sur un ordinateur. Se mettant ainsi directement au travail. Derrière elle, Dumarchais s’approcha pour venir se tenir juste derrière son dossier. Il posa ses mains sur les frêles épaules de Mariannes qui s’arrêta brusquement. Il se baissa et lui chuchota :
-Ah au fait. Dans l’équipe en question y a votre copain Antoine.
S’arrêtant sur ces paroles, il se redressa et partit vers ses quartiers pour trouver un peu de sommeil. En étant sûr que ses paroles feraient effet sur la jeune chercheuse.
Côte égyptienne – Mardi 18 avril 2013 dans la nuit
Antoine emmitouflé dans son amas de couvertures se retournait sans cesse. Malgré la fatigue il avait le sommeil agité. N’importe qui aurait supposé que les derniers faits marquants le travailleraient. Mais rien de tout ça ne semblait troubler l’imaginaire du pilote de chasse.
Une lumière froide et éblouissante lui gâchait la vue. Ses paupières ne pouvaient déterminer avec certitude l’endroit où il se trouvait. Seuls des sons renseignaient Antoine sur le lieu où il se trouvait. Quelqu’un accouchait, les cris étaient forts et stridents. Les murmures aussi. Dans une langue qui n’était pas la sienne mais qu’il croyait reconnaitre.
Il n’eut pas le temps de réfléchir au trop plein de questions qui lui encombraient l’esprit. Un flash d’une extrême douleur le changea d’endroit. Ses yeux retrouvaient leur emploi. Son esprit, lui, était éveillé comme jamais il ne l’avait senti. Il pouvait comprendre la femme qui se trouvait adossée à cet arbre. Lui-même était assis contre cette personne qui se reposait au milieu de cette clairière verdoyante et vide de toute construction de la main de l’homme. Il le sentait. Il le sentait trop bien. C’était sa mère. Elle lui parlait par son esprit, lui imposant de ne pas s’éloigner. Mais il ne l’écouta pas et préféra aller jouer avec ce qu’il reconnaissait comme étant un petit frère. Une nouvelle coupure apparue.
Antoine était entouré d’un groupe de personnes. Tous blotti les uns contre les autres dans un petit habitacle. Soudain l’un des côtés s’ouvrit. Laissant apparaître un faisceau bleu. Ce faisceau intriguait Antoine. Il voulait le toucher. Mais sa main fut brusquement happée. Happée par cette même femme. Il senti trop bien la violente claque qui lui frappa le visage. Et il se rappellerait dès lors trop bien du sermon lui interdisant de toucher l’horizon des évènements quand la connexion n’était pas dans le bon sens. Se retournant alors, il distingua derrière le vaisseau une salle majestueuse. Sa mère lui indiqua alors que ce serait sa maison à ELLE. Mais il ne put pas s’empêcher de penser à celui qui était resté sur l’ancienne planète. Son frère qu’il avait définitivement perdu.
Une maison qu’il parcourait maintenant en courant. Antoine était troublé, il ne pouvait se fixer sur des repères. Il n’était pas maître de ses mouvements. Seulement spectateur. Et pourtant il ressentait tout. Il ressentait sa personne. Et l’autre personne. Mais il ne la voyait pas. Il n’aperçut qu’un reflet. Un infime reflet dans une vitre ou s’abattait une pluie diluvienne. Il mémorisa alors jusqu’à la fin de ses jours ce visage. C’était une femme d’une beauté qui lui paraissait irréelle. La personne recouvrit sa chevelure blonde d’une coiffe particulière. Et Antoine sentait que les mains de la femme étaient les siennes. Une porte s’ouvrit alors. Antoine, dans ce corps divin, se présenta devant une rangée d’hommes et de femmes qui lui adressèrent compliments sur compliments. Avant de lui remettre une stèle de pierre qui attestait de la fin de son parcours d’apprentis commandant.
Mais la vision qui suivi ne lui fit pas plaisir. Des officiers en blanc criaient des ordres à tout va. Et Antoine, assis sur son siège, pouvait sentir les secousses alors que des informations techniques lui arrivaient de toute part. Il s’avança alors et observa l’hologramme qui représentait une multitude de points de couleur devant lui. Derrière lui ses hommes se tuent. Ils étaient consternés. Et Antoine ne put pas s’empêcher de pleurer. Il sentait tellement fort ce sentiment de culpabilité. Ce sentiment d’échec, de peur, de tristesse. S’en était fini, il l’avait compris. La guerre serait maintenant perdue. Et il ne pouvait s’enlever de l’idée qu’il en était peut-être le responsable.
Un étrange sentiment d’apaisement se fit jour. Beaucoup de temps avait passé. Il se trouvait toujours dans le corps de la femme. Il parcourait lentement les couloirs d’une cité majestueuse. Sentant le poids de la vieillesse sur ses épaules. Il était serein. ELLE était sereine. Il n’avait jamais été aussi proche d’elle. Ne faisant presque qu’un. La femme posa délicatement sa main sur son ventre épais qui hébergeait deux futurs bébés. Puis elle posa son autre main sur l’épaule d’un homme. Ce dernier la dévorait du regard. Elle ne pensait pas à lui mais à ses futurs enfants. Elle était sereine. Plus rien n’arriverait maintenant. Le danger était loin, le passé lui avait appris que le futur serait meilleur.
Toujours avec ce même sentiment de plénitude, la femme, qui n’était plus enceinte depuis peu, s’allongea dans l’herbe. Elle se caressa les cheveux. Ces derniers flottaient, balancés par le faible vent chaud qui surplombait la colline où elle se trouvait. Devant elle la vue était magnifique. Et Antoine, toujours spectateur, profitait de cet instant avec bonheur. La mer semblait venir se jeter dans ses pieds. Son regard fut alors attiré par un point lumineux au loin. Seul un reflet laissait deviner l’existence de Théra. Antoine chercha alors à comprendre sa situation dans une pensée irrationnelle commune au monde des rêves. Le flash fut trop fort, trop rapide, trop dévastateur …
-Haaa !
Antoine s’était relevé comme un seul homme. Les jambes allongées, le torse bien droit. Son cœur battait très fort et très vitre. Des gouttelettes de sueurs parcouraient son visage fatigué et poussiéreux. Ses yeux étaient endoloris. Il n’arrivait pas à les ouvrir correctement à cause du soleil. L’étoile était maintenant très haute dans le ciel et inondait cette face de la Terre d’un flot de radiation. La mer, elle, était resplendissante. Et surtout très calme. Ce qui rassura Antoine qui était resté sur une vision apocalyptique. Il retrouvait ses sens alors qu’il entendit son nom dans son dos.
-Ça va Antoine ?
-Kanbeï ! Ouais ça va. Un … un mauvais rêve.
-Hmm. Reposé quand même ?
-Ouais ouais,
dit-il de manière confuse. Il … il est quelle heure ? J’ai dormi longtemps ?
-Il est plus de 11 heures. Tu as du dormir une petite dizaine d’heures.
-Ok c’est largement suffisant. Allez topo topo ! On perd pas de temps ! On perd pas de temps !
Répéta-t-il en tapant dans ses mains.
Il se leva et partit vers la voiture, accompagné de Kanbeï, les mains dans les poches. Antoine ne put s’empêcher de s’arrêter un instant et de regarder une dernière fois la mer derrière lui. Kanbeï l’observa sans rien dire. Antoine s’en rendu compte et reprit la marche jusqu’à la voiture ou se trouvait l’archéologue Salif Al-Kaoutari et le sergent Damien Delcourt.
-Bonjour lieutenant Estienne
dit Salif.
-Mon lieutenant !
Qu’accompagna Delcourt d’un salut militaire qu’Antoine lui rendit à peine.
Le lieutenant Estienne s’empara d’un thermos posé sur le toit du taxi. Il l’ouvrit pour sentir la mixture à l’intérieur.
Du café ! Génial ! se dit-il. Cette boisson fabuleuse surpassait tous les anabolisants du monde selon Antoine. Il pourrait accomplir la journée sans problème. Mais le café était froid, ce qui le rendait indigeste pour le pilote.
- Sergent, je ne vais quand même pas boire du café froid ! Vous avez une cafetière ?
-Pas besoin mon lieutenant. Versez-le directement dans la tasse en métal là-bas et posez là sur le toit de la voiture. Il sera vite très chaud.
-Hmm pas bête.
Fit remarquer Antoine avec son index. Alors ou en est-on ? Damien, vous d’abord !
-Eh ben j’ai réussi ce matin à voler une parabole à El-Alamein …
-Vous avez été à El-Alamein ? Sans mon accord ?
-Chacun son tour …
chuchota Kanbeï
-Soit. Bon peu importe. Qu’en est-il ?
-Et bien,
reprit Damien, avec Mr Al-Kaoutari on a pu parler avec des habitants. Et personne n’est au courant de quoi que ce soit. Il n’y a pas d’agitation dans le secteur.
-C’est une bonne chose, mais on doit rester prudent. Quoi d’autre ?
-Avec la parabole donc, le lieutenant et moi on a pu établir une connexion satellite avec le général Dumarchais.
-Parfait ! Et ils ont trouvé ce qu’on cherchait ?
-Oui.
répondit Kanbeï qui fit signe à Salif d’amener la carte. Je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils ont réussi à définir une zone à peu près précise.
-À peu près ?
-Trop d’incertitudes selon eux. Il y avait beaucoup de lieux possibles. On a dû faire un choix avec Salif.
-Très bien. Salif vous connaissez ce lieu ?
-Oui j’y suis allé en 1998 pour des fouilles sur la campagne d’Egypte de Napoléon. On se doutait qu’il y avait des restes largement plus anciens enfouis. Mais notre budget nous a poussés à laisser de côté le site temporairement. Au final nous n’y sommes jamais revenus. Et je ne crois pas qu’il y ait d’autres équipes sur ce site depuis.
-Ok alors tentons notre chance. Et Kanbeï, pour ce qui est du billet de retour ?
-Ça se prépare …
Mer méditerranée –BPC Dixmude – mardi 18 avril 2013 vers midi
Karmen se rendait au mess des officiers. Son heure de passage était bientôt terminée. Elle devait se dépêcher pour accrocher ce service. Le prochain était dans une heure. Mais la faim n’attendrait pas. En sillonnant l’étrave du bâtiment de projection et de commandement, elle repensa à la soirée de la veille. Ce qui devait être une simple soirée pour apprendre à se connaitre avait fini en concours de boisson. Un marsouin ayant ramené quelques précieux sésames qui n’avaient pas survécus à la soirée. Karmen était fière. Elle avait tenu la dragée haute à plusieurs soldats bourrés de testostérone. Il faut dire qu’elle avait été bien éduquée comme toute brestoise qui se respecte.
Elle franchit tout juste le sas menant au réfectoire qu’une annonce se fit entendre dans les hauts parleurs.
« Le lieutenant de vaisseau Karmen Le Guelen est demandé d’urgence au Centre d’Opération. Je répète, le lieutenant de vaisseau Karmen Le Guelen est demandé d’urgence au Centre d’Opération. »
Karmen fut la première surprise d’entendre son nom. Que pouvait-elle avoir fait ? Une fois passée la légère gêne d’avoir été nommée devant une salle de plusieurs dizaines de personnes, elle se rendit en marche forcée jusqu’au poste de commande du vaisseau qu’elle commençait tout juste à connaître. Elle se demandait toujours pourquoi. À cause de la soirée d’hier soir ? À cause de la bataille d’Ouessant ? Un transfert vers la France ? Non on n’appelle pas quelqu’un dans tout le bâtiment pour ce genre de choses. Elle arriva au niveau du CO, aussi appelé CIC sur les navires américains. Elle se présenta selon les normes militaires en vigueur dans la marine. En face d’elle le commandant du bateau avait la mine circonspecte. Il lui adressa à peine la parole et lui donna un message classé confidentiel. Le chef du navire s’écarta et montra un poste de liaison dans la pièce.
-Je me suis permis de faire établir la connexion. Ça vous fera gagner du temps. Maintenant vous direz aux gens de Paris que je n’aime pas beaucoup me faire court-circuiter de la sorte. Alors n’oubliez pas, quoi qu’ils vous disent, je reste le commandant de ce navire et je me réserve toute intervention dans le but de garantir la sécurité de mes hommes.
-Je … heu …
-Allez ! Pas le temps pour ça, ils vous attendent depuis déjà un quart d’heure.
Karmen ne comprenait absolument pas ce qu’il se passait. Depuis quand un capitaine de vaisseau d’un navire se mettait au service d’un commando ? Et pourquoi Paris voulait lui parler ? Elle serait vite fixée. Elle s’assied au poste prévu pour elle. Un second maître était assis à ses côtés. C’était son poste et il n’attendait que de pouvoir le reprendre. L’accueil était pour le moins mitigé. Karmen enfila les lourds écouteurs du poste et prononça à voix haute son nom, matricule et le nom de ses anciens équipiers comme il était demandé sur le message transmis par le commandant.
-Lieutenant de vaisseau Le Guelen, je vous reçois 5/5. Ici le général Alexandre Dumarchais. Brigade des Forces Spéciales Terre.
-Mon général !
-Capitaine je m’excuse de cette mise en scène mais l’opération pour laquelle je requiers votre participation est top secrète. Avant de commencer, je dois savoir si vous acceptez la mission. Un accord de confidentialité sera …
-J’accepte ! L’interrompit-elle d’une voix ferme et déterminée.
-… Bien. Je n’en doutais pas. Passons aux choses sérieuses …
Région d’El-Alamein – Mardi 18 avril 2013 – vers 16h
La scène était plutôt cocasse. Les deux officiers haletant et suant torses nus au milieu d’un trou béant. Antoine se maudissait d’avoir un jour prononcé le dicton « la fonction l’emporte sur le grade ». Comme de fait, lui et Kanbeï n’étaient pas les plus utiles pour ce travail de fouilles. Ils étaient donc chargés de la basse œuvre. Armés de pelle à creuser de toutes leurs forces et le plus rapidement possible. Tête contre tête, ils se répartissaient tant bien que mal les endroits où creuser. La proximité leur faisant parfois s’entremêler leur pelle dans un fracas métallique. De là ils s’invectivaient à tour de rôle.
-Mais fais attention !
-Pas là, tu vois bien que j’y suis déjà !
Ils étaient guidés par Damien qui cherchait des fragments métalliques là où l’indiquait Salif qui parcourait le terrain avec son plan en long et en large.
Damien, en tant que sergent du génie savait se servir d’un détecteur de métaux qu’il avait lui-même bricolé. Il avait dit deux jours plutôt avant de monter dans le Transall pour l’Allemagne, « je sais faire deux choses : déminer et monter des ponts. » C’était donc logique qu’il soit celui qui ratisse le sol avec le détecteur. Indiquant là où creuser. Il ne cessait pas de s’excuser auprès de ses supérieurs. Leur demandant de creuser plus profond. Ce n’était pas de sa faute, c’était les instruments qui le lui indiquaient. Les deux lieutenants, de plus en plus exténués par la chaleur et l’effort s’irritaient très vite.
-Putain c’est bon on a compris sergent ! Arrêtez de vous excuser et dites-nous ou creuser !
-Oui mon lieutenant. Ben c’est encore un peu plus profond.
-Pff !
-Antoine on n’y arrivera pas. La zone est trop vaste.
-Je sais, mais Paris n’a pas pu affiner plus que ça. Et Salif n’a pas d’autres idées.
-Il nous faut revoir notre méthode.
-Tu as raison. Salif venez !
Le groupe se réunit près d’un rocher à quelques mètres de nombreux trous restés ouverts. Kanbeï se servit un grand coup d’eau pendant que Damien attendait discipliné la causerie du lieutenant Estienne. Ce dernier commença par récapituler certains points. L’épisode allemand, l’épisode d’Alexandrie. Tout ce qui s’était passé ces 48 dernières heures. Mais rien ne venait. Et personne dans le groupe n’avait de suggestion. Pour l’instant leur seule prise intéressante avait été un obus de 20 mm de la seconde guerre mondiale que Damien avait pris plaisir à désamorcer.
-Bon il ne faut pas se leurrer on est très mal parti. Si on ne trouve pas au moins un objet d’1 cm² de cette putain de cité on aura fait tout ça pour rien. Alors, une dernière fois, si vous avez des suggestions je suis preneur.
Mais un silence crispant fut la seule réponse qu’entendit Antoine. Aucun des membres du groupe n’avait de solution à ce qui semblait être un problème insoluble. C’était pire que chercher une aiguille dans une botte de foin. Kanbeï se débarbouilla légèrement le visage avec de l’eau avant de sursauter subitement. Il fixa un point du ciel avec son regard. Cette posture suscitait l’interrogation des autres membres du groupe. Antoine qui espérait bien une brillante idée de son ami tenta prudemment d’en savoir plus.
-Kanbeï, si t’as une idée c’est maintenant !
-Je suis pas sûr. Dis-moi, quand tu perds ton téléphone portable, comment tu fais pour le retrouver ?
-Pardon ?
reprit Antoine complètement perdu
-Tu demandes à quelqu’un de t’appeler pour entendre la sonnerie de ton portable non ? Enfin c’est ce que tout le monde fait !
-Heu oui d’accord mais à quoi ça … attends tu veux ?
-Oui tu m’as compris, il faut tenter de rentrer en communication avec la cité pour la retrouver !
La vulgaire explication de l’idée de Kanbeï ne prenait pas chez Salif et Damien. Ils étaient médusés sur ce plan qu’ils ne comprenaient pas. Damien fut gêné par sa réflexion mais ne put s’empêcher de la faire partager.
-Mais mon lieutenant. Je croyais que la cité était détruite ?
-Oui ça je sais, tout le monde le sait. Mais on ne sait pas dans quelles proportions elle a été détruite !
-C’est-à-dire ?
relança Antoine
-Et bien c’est-à-dire qu’on a retrouvé une porte fonctionnelle dans votre pays ! Ou plutôt non, les wraiths l’ont trouvé. Et c’est ça qui est intéressant !
-Kanbeï j’ai cru comprendre que les wraiths ont scannés la planète en cherchant un signal bien précis émit par la porte.
-Et c’est exactement ce que nous allons faire.
-Avec quoi veux-tu scanner ?
-Pas scanner, légère différence, on va communiquer avec. Mais le résultat est le même, l’objectif est d’écouter une réponse et de trianguler cette réponse.
-La cité elle parle ?
-Non la ferme sergent !
lâcha sèchement le nippon Antoine, tu vois là où je veux en venir hein ?
-Tu espère avoir un débris de taille assez significative et encore actif. Tu veux grosso-modo le rallumer et rentrer en contact, du moins électroniquement parlant. Ça d’accord. Mais par contre comment veux-tu l’appeler.
Et comme seule réponse, le japonais avec un grand sourire, leva son index droit vers le ciel.
Base aérienne 117 – Paris – 17h30
Le colonel Marin avait reçu l’ordre de Dumarchais d’exaucer la demande du lieutenant Takeukhi. Et avec l’aide de Mariannes qui connaissait très bien le satellite, il prenait le contrôle du dernier né des satellites français de renseignement militaire. Ce dernier était déjà sur zone et avait participé à la nuit de recherches passée sur les trajectoires des potentiels débris de Théra suite à sa désintégration. Hadès4, spécialement conçu pour résister aux décharges électromagnétiques avait vu le jour après la première attaque wraith en 2009. La deuxième attaque, en 2013, avait montré tout son potentiel.
Kanbeï a distance, grâce à la connexion satellite qu’il avait établi avec l’aide du sergent Delcourt, donnait son expertise informatique pour l’établissement du message et de son calibrage. François Marin et Mariannes LeBlanc relayait les ordres électroniques du japonais. Après avoir résolu quelques problèmes techniques en lien avec l’émetteur du satellite il advint qu’il y avait un problème. Pour bien fonctionner le plan nécessitait l’emploi de la dimension sub spatiale. Sans cela il paraissait impossible d’avoir un signal assez puissant pour arriver jusqu’à un quelconque morceau enfouis. Mais cela avait un coup. Le risque de surtension du satellite était très élevé, pour ne pas dire certain. L’opération altérerait sans aucun doute la machine spatiale.
Face à ce problème, le général Dumarchais demanda le temps de prévenir le premier ministre. La perte d’un satellite aussi perfectionné avait un coup non négligeable. Ce n’était pas l’avis de Patrick De Beaune qui faisait une intrusion soudaine dans le PC. Et par de la même interrompait l’action en cours. Hortense, qui n’avait pas été prévenue, voulu faire rempart et s’occuper de l’homme politique. Mais il n’eut que faire des mots de l’énarque et se dirigea droit vers Alexandre.
-Général Dumarchais donnez-moi toutes vos informations !
-Monsieur nous sommes sur une opération en cours. J’aurai bientôt ce que vous demandez.
-Pas le temps ! Il me faut ce que vous savez maintenant et vous venez avec moi !
-Pardon ?
s’offusqua le militaire Je vous dis que nous y sommes presque. Vous pourrez faire de moi un bouc émissaire dès que ce sera terminé. Mais …
-Pas la peine d’attendre ! Vous serez mon bouc émissaire dès maintenant ! Le CIS se réunit à 18h précise. La réunion vient de commencer. Les Chinois passent à l’offensive. Ils demandent un vote du conseil de sécurité. Le secrétaire général n’a pas pu leur refuser. Si nous voulons garder la porte c’est notre dernier espoir. J’ai votre dernier rapport sur la mission en Egypte, tenez.
dit-il en balançant le dossier dans les mains d’Alexandre On balance tout et on espère que ça passe.
-Balancer tout ? Mais mes hommes sont toujours sur le terrain. Ce rapport signera leur arrêt de mort.
-Pas le choix désolé. J’ai eu le premier ministre, il ne changera plus d’avis. L’Opération Tobruk est approuvée. Notre groupe aéronaval s’apprête à lancer la mission de sauvetage. Le Quai d’Orsay s’est arrangé, les égyptiens vont fermer les yeux jusqu’à minuit. Leur ciel nous est acquis. Mais passé ce délai l’espace aérien égyptien redeviendra un enfer. Que vos hommes soient à l’heure général ! Ou ils ne partiront pas de ce foutu pays.
-Bien monsieur. Mais d’abord j’ai besoin de votre permission.
-Pour quoi ?
-Nous devons effectuer une opération qui risque d’endommager un de nos satellites. Mais il est capital de …
-Faites le je m’en fous ! Laissez vos hommes s’en charger j’ai besoin de vous au conseil !
Région d’El-Alamein – Mardi 18 avril 2013 – vers 19h
Les coups de pelle étaient incisifs. Incisifs et réguliers. La vitesse d’enchainement impressionnait Salif qui restait un peu en retrait à examiner la carte. Le plan de Kanbeï avait marché à la perfection. Si ce n’était que le satellite avait rendu l’âme. Mais ils avaient ce qu’ils voulaient. Un emplacement précis ou creuser. Les trois miliaires piochaient au fond de leurs forces pour extraire la plus grande quantité de terre possible. Le sol n’était pas rocailleux, mais l’artéfact ou ce que l’on pensait être un artéfact avait été localisé à plusieurs mètres de profondeurs. Sachant la réunion du CIS déjà commencée et surtout l’opération pour les extraire elle aussi commencée, les militaires français mettaient les bouchées doubles. Si le gouvernement français avait rendu publique leur localisation, leur temps serait compté.
Le résultat fut payant. Enfin ! Ils avaient leur graal. Un simple morceau de quelques centimètres. Noirci par l’explosion. Kanbeï ne put déterminer d’où venait et ce qu’était vraiment l’objet. Il le donna à l’archéologue pour que ce dernier l’examine. Le groupe faisait marche à toute allure vers la voiture. Salif les précédait en tenant l’objet bien haut avec ses mains. Cherchant la lumière du soleil qui se couchait pour décrypter des inscriptions sur le petit bout de technologie lantienne. Antoine était ravi. Quoi que puisse être l’objet, une datation et une analyse résiduelle permettraient de l’authentifier comme faisant partie de l’ancienne cité atlante Théra. Et puisque l’objet avait été réceptif au message subspatial, peut-être pouvait-il être connecté à une interface informatique. Peut-être renfermait-il des secrets fabuleux ? Antoine se prêtait à rêver après avoir accompli ce qu’il pensait être un travail de Titan.
Il observait Salif. L’archéologue était toujours à tenter de déchiffrer des symboles sur la pièce en la levant face au soleil pour l’éclairer le plus possible. Antoine regardait avec attention l’égyptien avec un large sourire. Les reflets du soleil se répercutaient sur l’artéfact. Le pilote de chasse ressentait certaines sensations visuelles qu’il aimait plus que tout à bord de son avion. Les reflets, les teintes, les lumières. Tout ce qui lui rappelait ses premières heures de vol en Russie.
L’éclaboussure de sang et la détonation lointaine le ramena vite à la réalité. Salif s’écroula par terre sans même crier. Le souffle coupé. Antoine fut paralysé l’espace d’un instant. Puis il voulut se précipiter vers l’égyptien mourant. Mais la peur lui fit faire le contraire et il se jeta à terre en se protégeant la tête avec ses mains. Toujours les yeux pointés sur le corps ensanglanté de l’archéologue.
Kanbeï avait fait de même dans le même laps de temps. Seul Damien n’était pas resté inactif. Malgré les appels désespérés du lieutenant japonais lui demandant de se mettre à couvert le sergent continua sa course à toute allure. Il entama un dérapage près de la voiture. Une balle se logea dans le parechocs à quelques centimètres de sa tête. Instinctivement il se traîna de l’autre côté de la provenance du tir. Près de la portière gauche, il agrippa la lanière de son énorme sac pour le faire tomber à terre. Tout en étant protégé par la carrosserie qui avait subi deux nouveaux impacts de balles de gros calibres, il dégoupilla trois grenades qu’il lança de toutes ses forces dans la direction de provenance des tirs.
-Fumigènes !
cria le sapeur du génie
Un mur de fumée, meilleure protection possible contre un sniper, s’érigea entre l’agresseur et les agressés. Dès l’écran en place les lieutenants Estienne et Takeukhi se projetèrent vers Al-Kaoutari gisant au sol. Toujours vivant, l’égyptien succombait lentement d’un tir en plein abdomen. Le taxi conduit par Delcourt se gara à proximité. Antoine et Kanbeï traînèrent le corps de l’égyptien jusque sur la banquette arrière en n’oubliant pas de ramasser l’artefact ancien. Dès qu’ils furent tous les deux assis, avec l’égyptien sur leurs genoux, Damien démarra pour profiter des dernières secondes de l’écran de fumée pour prendre de la distance. La voiture était déjà à quelques kilomètres quand il eut fini de se disperser. Le sniper n’avait que partiellement réussi son objectif. La présence de grenades fumigènes n’ayant pas été anticipée. Toutefois l’homme qui se relevait de sa position préférentielle ne perdait pas espoir. Perhan en aurai bientôt fini avec cette petite excursion.
De leur côté, les militaires français étaient sortis du champ visuel du serbe. Mais Salif avait succombé à sa blessure. Il reposait toujours entre les mains d’Antoine et Kanbeï. Ces derniers encaissaient le choc de la vue du corps. Dix minutes plutôt l’égyptien était debout et respirait. Et si cela avait été eux ? Et si Kanbeï n’avait pas donné l’artefact à Salif ? Aurait-ce été lui la cible ? Le nippon ne voulut pas y penser. Mourir de cette façon ne lui convenait pas. Être abattu comme du bétail n’était pas une mort des plus héroïques. Il changea alors de sujet en demandant au sergent de les emmener vers le plus proche village pour trouver un moyen de communication afin de rentrer en contact avec Paris. La destruction d’Hadès4 rendant la connexion satellite caduque.
Antoine lui était toujours resté sur la mort de Salif. Il l’avait vu. En direct. Et il ne pouvait s’enlever de l’esprit qu’il aurait pu être à sa place. Ou plus vraisemblablement son ami Kanbeï. Il lui adressa un regard que le japonais acquiesça.
Ils avaient évité la mort. Mais celle-ci était à leur poursuite …
La suite dans le prochain chapitre: Billet de retour ...
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"Sais-tu que Flaubert voulait écrire un roman sur le néant? S'il t'avait connue, on aurait eu un grand livre. Quel dommage."
-Jep Gambardella, La Grande Bellezza