Eric Trappier, nouveau PDG de Dassault Aviation
Le Monde.fr | 18.12.2012 à 13h16
Fin du suspens. Le conseil d'administration de Dassault Aviation a choisi, mardi 18 décembre, Eric Trappier, plutôt que Loïk Segalen, pour succéder à Charles Edelstenne à la tête de l'avionneur, le 9 janvier 2013.
C'est finalement le directeur général international qui a eu la préférence face au directeur général en charge des affaires économiques et sociales.
C'est donc le commercial, celui qui est chargé notamment de vendre les Rafale, qui a été retenu. Agé de 52 ans, M. Trappier est un pur produit Dassault où il a fait toute sa carrière. Entré dans le groupe en 1984, à l'âge de 24 ans, après avoir été diplômé de l'Institut national des télécoms, il commence par être ingénieur au bureau d'études, passage obligé pour tout débutant.
Trois ans plus tard, il intègre la direction technique internationale, où il participe à la vente de l'Atlantique, un avion de patrouilleur maritimes.
Il subira ainsi sa première déconvenue dans un appel d'offres militaire. La vente était quasi signée avec la Corée du Sud quand un coup de fil de la Maison Blanche à la Maison Bleue, résidence du président coréen à Séoul, a infléchi la signature au profit des Américains. Il s'occupait principalement des questions techniques et n'était pas le vendeur.
OSMOSE AVEC M. EDELSTENNE
Arrivé à la direction générale internationale en 1991, il sera la cheville ouvrière de la vente, sept ans plus tard, aux Emirats des Mirages 2000-9 sous la direction de M. Edelstenne.
C'est de là que naîtra sa complicité avec son patron. Les deux hommes, depuis, ne se quittent pas. Ils partagent la même passion pour le golf. L'osmose est totale dans les salons internationaux que ce soit à Dubaï, Singapour ou au Bourget. L'un n'est jamais sans l'autre.
D'ailleurs, M. Trappier connaît si bien Charles Edelstenne qu'il peut anticiper ses réactions. Il a également l'oreille de Serge Dassault.
Responsable des contrats exports, il n'a pour l'instant engrangé aucun succès pour le Rafale, que ce soit au Brésil ou dans les Emirats.
Depuis le début de l'année, il mène les négociations avec l'Inde. Ce sera le premier dossier sur lequel il sera jugé. Du succès de la vente de ces 126 Rafale aux Indiens dépendra son autorité future face à un Charles Edelstenne qui restera dans l'ombre pendant plusieurs mois.
CITATION
Dassault Aviation : les trois défis du nouveau PDG Eric Trappier
Le nouveau PDG de Dassault Aviation Eric Trappier DR
Michel Cabirol | 18/12/2012, 13:33
C'est Eric Trappier qui a été nommé PDG de Dassault Aviation à compter du 9 janvier 2013. Il devra faire face à trois grands défis : le pemier contrat export du Rafale, le lancement du Falcon SMS - l'avion d'affaires d'entrée de gamme des avions d'affaires - et améliorer la relation entre Dassault Aviation et Thales.
Et c'est Eric Trappier, qui succèdera à compter du 9 janvier 2013 à l'historique et emblématique PDG de Dassault Aviation, Charles Edelstenne. L'actuel directeur général en charge de l'international a gagné son duel face au directeur général chargé des affaires économiques et sociales, Loïk Segalen, qui est toutefois nommé directeur général délégué. Pour autant, le nouveau patron de Dassault Aviation devra composer avec l'homme de confiance de Serge Dassault, contraint de se retirer car rattrapé par son âge. Il fêtera ses 75 ans, le 9 janvier 2013. Qu'on se le dise, Charles Edelstenne - en pleine forme - ne renoncera pas du jour au lendemain à s'occuper des affaires de Dassault Aviation et n'est pas prêt de consacrer tout son temps sur les greens de golf. Il y veillera du rond-point des Champs-Elysées, lieu historique de la maison Dassault où est logée la holding Groupe industriel Marcel Dassault (GIMD). Un bureau l'attend et surtout il garde la confiance de Serge Dassault, qui s'est toujours appuyé sur lui pour diriger le groupe.
Forcément, Eric Trappier va certainement souffrir de la comparaison par rapport à la très forte personnalité de Charles Edelstenne au début de son mandat. Il parcourt une petite partie du monde car seuls quelques pays peuvent s'offrir le Rafale. De préférence au Moyen-Orient et en Asie. Il est d'ailleurs un des très bons connaisseurs de l'Inde, qui négocie l'achat de 126 Rafale, et de ses rouages lents, très lents. Une vraie école de la patience que le médiéviste qu'il est maîtrise parfaitement.
Le premier contrat export du Rafale
Le défi prioritaire pour le nouveau PDG est la signature du premier contrat à l'export pour le Rafale. Ce qui donnerait un grand bol d'oxygène à toute la filière industrielle de l'aéronautique militaire française - notamment aux bureaux d'études du Team Rafale (Dassault Aviation, Thales et Safran) et du missilier MBDA -, qui commence sérieusement à tirer sur la corde. A ce jour, tous les indicateurs sont au vert pour la signature au premier semestre 2013 d'un contrat en Inde, qui est en négociations exclusives avec l'avionneur depuis le début de l'année en vue d'acquérir 126 Rafale. L'avion tricolore intéresse aussi plusieurs autres pays comme les Emirats arabes unis (60 Rafale), le Qatar (24), le Koweït (28), le Brésil (36) et la Malaisie (18). Un contrat en Inde pourrait débloquer toute une série de négociations serrées, notamment au Brésil.
Le lancement du SMS
Deuxième défi, le lancement du Falcon SMS (Super Mid Size), le programme d'entrée de gamme des avions d'affaires Falcon, qui pourrait être présenté aux clients au printemps 2013, soit au salon de l'aviation d'affaires ABACE à Shanghai (16-18 avril), soit à celui de Genève EBACE (21-23 mai). Le printemps dernier, le programme est entré dans la phase la plus élevée de son développement. La conception détaillée de l'avion, qui sera motorisé par Safran, est figée. Le premier vol est prévu en 2014. Au-delà du SMS, le nouveau patron devra accompagner la reprise du marché d'aviation d'affaires, qui frémit notamment grâce aux milliardaires chinois déjà "addict" au 7X. Au premier semestre, Dassault Aviation avait enregistré des prises de commandes pour 25 Falcon (contre 22 au premier semestre 2011). L'an dernier, le solde de commandes fermes net des annulations est redevenu positif de 36 Falcon, contre un solde négatif de 9 Falcon en 2010. Pour autant, cette timide reprise des ventes ne permet pas de maintenir le carnet de commandes à ses niveaux actuels, estime-t-on en interne. Dassault Aviation livre (34 Falcon au premier semestre 2012) beaucoup plus qu'il n'enregistre de commandes.
Améliorer la relation entre Dassault et Thales
Enfin, il devra gérer au quotidien la relation entre Dassault Aviation et Thales et au-delà avec DCNS. Notamment il devra instaurer une relation de confiance avec le futur PDG de Thales, qui doit être nommé ce jeudi, sauf si l'Etat et l'avionneur ne parviennent pas à un accord, et avec les salariés du groupe aujourd'hui dans une relation de défiance complète avec Luc Vigneron. Il en va de l'investissement de Dassault Aviation car la situation de Thales se dégrade. Ainsi, la valeur de l'action est passée de plus de 40 euros il y a cinq ans à 27 euros (- 30 %), soit une capitalisation qui s'est effondrée passant de 8 milliards d'euros à 5 milliards d'euros. Le résultat net s'était élevé à plus de 800 millions d'euros en 2007 (contre 500 millions en 2011 après deux années de pertes : 200 millions en 2009 et 100 millions en 2010). Enfin, le chiffre d'affaires stagne depuis quatre ans, aux alentours de 13 milliards d'euros, malgré chaque année, une ou deux très grosse commande... Le chiffre d'affaires était passé de 6 milliards à 12 milliards au cours des huit dernières années avant l'arrivée de Luc Vigneron.