Bon, le premier point à comprendre est que cette série est devenue un mème majeur par la faute de 4chan, d'où la facilité qu'elle a eu de s'emparer du net. Ce forum (qui n'est pas safe du tout pour le boulot ou les établissements scolaires, croyez-moi) est considéré comme une usine à mèmes... et le repaire d'Anonymous - le nom Anonymous venant directement des membres non loggés sur 4chan, au passage. Originellement, un blog féministe avait balancé une critique cinglante de la nouvelle série MLP (il faut comprendre qu'il s'agit là de la 4ème série en une vingtaine d'années), affirmant qu'elle était raciste, rabaissant les femmes dans la société, etc.
Pour le fun, quelques membres de ce forum ont voulu voir ce qu'il en était pour mieux se moquer du machin... et ont en fait apprécié la série.
Pourquoi ? Pourquoi diantre des gars de 15-30 ans, en majorité hétéros et pas foncièrement plus étranges que les autres, se mettraient-ils à apprécier une série parlant de poneys pastels dans un pays magique ? La réponse tient en majorité en un nom : Lauren Faust. L'un des esprits créatifs derrière la série "Les supernanas" (Powerpuff Girls en VO), Faust était une fan de MLP depuis son enfance et s'est vu confier la direction d'une nouvelle série par Hasbro. Son ambition, tout ce qu'il y a de plus officielle, a alors été de créer une série de qualité, qui saurait sortir des clichés habituels ou tout du moins les détourner et les utiliser adroitement pour obtenir un produit fini que les parents pourraient apprécier regarder avec leurs enfants. Une dessin animé ne prenant pas son public pour une population de débiles légers, ce que font malheureusement beaucoup de dessins animés, et particulièrement ceux "destinés aux filles".
Pour cela, elle a fait un nouveau design (elle a fait elle-même le chara-design des personnages principaux) fondamentalement différent des séries précédentes, se rapprochant du style japonais par rapport aux générations précédentes. Ensuite, l'équipe a réalisé un univers riche et cohérent, laissant beaucoup de place à des mécanismes sous-jacents, invisibles, mais aisés à développer si nécessaire. En gros, la meilleure comparaison serait avec l'univers de Harry Potter, où l'on voit une partie du système, avec beaucoup plus laissé en arrière-plan mais facilement utilisable par la suite.
Ensuite, et c'est ce qui a attiré les premiers bronies, on a les personnages. Les six personnages principaux sont, en terme de maturité, de jeunes adultes, dans un environnement de type "petite bourgade de campagne aux US" version fantasy. Six personnages féminins, qui ont chacune un emploi à responsabilités et surtout, six personnages qui sont encore en train de se développer individuellement. La majorité de la série est constituée d'épisodes que l'on appelle "Slice of Life", tranche de vie, dans le sens où il n'y a pas forcément de trucs épiques, de méta-histoire, mais que l'on suit les personnages dans leur vie et leurs expériences.
Et les individus changent au cours du temps, ont des qualités et des défauts qui apparaissent au fil des épisodes, venant très vite pulvériser les clichés que l'on peut initialement attacher à toutes les six. Donc on a une de ces très rares séries où les personnages paraissent réellement vivants aux spectateurs, apprenant de leurs erreurs et de leurs réussites de manière fluide et crédible, cette expérience ce manifestant dans leur comportement et leur attitude plutôt que dans des dialogues placés de façon à délibérément rappeler tel ou tel épisode passé. Le tout avec une brochette d'excellentes actrices vocales qui font un job fantastique, en contraste avec ceux des versions françaises (et ce, pour la quasi-totalité des films d'animation traduits en VF).
Enfin, la série est clairement destinée aux deux publics, puisque, comme les grands films d'animation de type Pixar ou Dreamworks, il y a très souvent un deuxième degré de lecture avec des références geek, des doubles-sens et autres bonus qui ne seront compréhensibles que par des personnes ayant un large bagage culturel.
En gros, une série mettant en scène des personnages féminins forts, non rattachés à des hommes pour les soutenir, et ce de manière crédible en évitant d'en faire des garçons manqués.
Après, il y a les bronies, nom officiel des fans de MLP. Comme dit plus tôt, ça a commencé sur 4chan, d'abord sous la forme d'une campagne de troll généralisée où l'on avait tendance à balancer du poney juste pour emmerder son monde, et puis ensuite, le fandom a commencé à s'établir de façon plus créative, avec les habituelles fanfics et fanarts (et on a bien évidemment de tout, comme pour les autres fandoms, avec ce qu'il y a de bon et de... moins bon). Mais ça ne s'est pas arrêté là puisque le fandom, basé en immense majorité sur internet, s'est avéré tellement vocal qu'il a commencé à avoir de l'influence sur l'équipe de la série elle-même. Les mèmes faits de tous les côtés, les personnages de background avec un nombre disproportionnés de dans, ils se sont retrouvés à être intégrés dans la série. En parallèle, les références geek n'ont fait qu'augmenter, tout en maintenant le niveau de qualité qui avait fait le succès initial.
A présent, bah c'est devenu plus que viral mais complètement pandémique, avec un volume de créations de fans en quatre ans supérieur à celui cumulés de Star Wars, Superman et Doctor Who pour l'ensemble de leurs existences. Les comics officiels sont encore plus tournés vers le fandom 15-30 ans, des figurines sont faites spécialement en réponse aux mèmes et il y a à présent une vingtaine de conventions prévues, dont quatre ou cinq en Europe.
C'est devenu complètement dingue, totalement et absolument imprévisible il y a trois ans et demi, mais ça marche, et ça représente l'idéal à atteindre pour une série, avec une équipe créatrice faisant de la qualité, un fandom très créatif et des producteurs qui savent écouter le fandom.
Voilà, j'espère que j'ai été relativement clair et pas trop chiant.
Si vous voulez avoir plus d'informations sur le genre de personnes bizarres que sont les bronies, il y a eu une étude statistique réalisée avec plus de dix mille participants, pour pouvoir établir des profils en fonction de l'âge, le niveau d'éducation, le type de personnalité, etc. :
http://herdcensus.com/2013%20STATE%20OF%20...RD%20REPORT.pdf
Mais, ouais. La série en VO est bien. Il faut juste la regarder avec un esprit ouvert et lui laisser sa chance.