L'âge des gymnastes fait (encore) polémique
Le Monde.fr | 29.04.2010 à 15h04
Si les athlètes ont pris l'habitude de récupérer des médailles à la suite d'un contrôle positif d'un de leurs adversaires, quand il s'agit de gymnastique, la triche prend (parfois) un autre visage. On ne parle plus ici de testostérone ou d'EPO mais tout simplement de falsification d'identité. Ainsi, le Comité international olympique (CIO) a annoncé, mercredi 28 avril, qu'il retirait à la Chine sa médaille de bronze par équipes des Jeux olympiques de Sydney en 2000 pour avoir aligné Dong Fangxiao, alors âgée de 14 ans au lieu de 16 comme le prévoit le règlement. Dix ans après, le bronze revient donc aux Américaines, quatrièmes de la compétition.
Ce n'est pas la première fois que les gymnastes chinoises sont montrées du doigt. En 2008, quelques jours seulement après la fin des Jeux de Pékin, la double championne olympique He Kexin (par équipe et aux barres asymétriques) se retrouvait au cœur d'une polémique similaire. Dans son édition du 27 juillet 2008, le New York Times affirmait en effet que la jeune fille, ainsi que deux de ses coéquipières (Jiang Yuyuan et Yang Yilin), n'étaient âgées que de 14 ans. Si le passeport de Kexin indique qu'elle est née le 1er janvier 1992, et donc éligible pour les Jeux, certains documents jettent le trouble. Des inscriptions à des compétitions antérieures montrent en effet qu'elle aurait 13 ans en 2007, donc 14 en 2008. Quelques mois plus tard, après enquête, la Fédération internationale de gymnastique (FIG) blanchit les athlètes chinoises et leurs responsables.
"MA CROISSANCE A TOUT CHANGÉ"
Cette pratique de falsifications sur l'âge s'est développée au milieu des années 1980, lorsque la FIG a décidé de faire passer l'âge minimal pour participer aux JO de 14 à 15 ans. En 1997, l'instance fédérale va plus loin en élevant l'âge à 16 ans. Objectif ? Préserver l'intégrité physique des jeunes gymnastes encore en pleine croissance. Mais pour comprendre pourquoi cette nouvelle règle pose problème, il suffit de remonter quelques décennies en arrière. En 1976, Nadia Comaneci, l'une des seules gymnastes restées dans les mémoires collectives, devient la star des Jeux de Montréal en remportant l'or au concours général, aux barres asymétriques et à la poutre. Elle parvient surtout à obtenir la note maximale de 10, devenant ainsi la première gymnaste à réaliser cette performance aux Jeux olympiques. Seulement voilà, la petite fée de Montréal n'a alors que 14 ans. Pas de problème, à l'époque, mais impossible aujourd'hui.
Et pourtant, c'est un fait, les gymnastes féminines atteignent souvent leur meilleur niveau entre 14 et 15 ans. "Lors des championnats d'Europe juniors, j'étais presque meilleure, ou au moins aussi forte qu'aux Jeux d'Athènes, observe Emilie Le Pennec, championne olympique en 2004. Peut-être pas aux barres asymétriques, où je remporte l'or, mais, sur les autres agrès, c'est certain". Et pour preuve, entre 14 et 18 ans, la Bretonne n'ajoute aucune difficulté au sol et au saut de cheval. "Après les Jeux, ma croissance a tout changé, se souvient l'ancienne gymnaste. Avec 10 centimètres et 10 kilos en plus, j'ai connu les blessures à répétition. J'ai eu énormément de mal à m'adapter à mon nouveau corps. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles je n'ai pas participé aux JO de Pékin." La première championne olympique française de la discipline l'avoue sans détour : à 14 ans, "les gymnastes sont plus petites, plus légères et ont une capacité à enchaîner les entraînement bien plus importante".
Mais attention, pas question pour elle de remettre en question cette limite d'âge. "A 16 ans, ou plus, les gymnastes gèrent plus facilement le stress des compétitions, explique-t-elle. Si la limite était restée fixée à 14 ans, il aurait déjà fallu être au top à 10 ans, et donc commencer encore plus tôt. Ce n'est plus possible. Et puis il y a de plus en plus d'exceptions." Pas besoin d'aller chercher bien loin. En France, Isabelle Severino est l'une des rares gymnastes à avoir pris part à deux éditions des JO. Après s'être classée treizième à Atlanta, en 1996, elle se qualifie, à 24 ans, pour les Jeux olympiques d'Athènes, où elle termine sixième par équipes puis devient, en 2005, championne d'Europe au sol. Sans oublier bien sûr Oksana Chusovitina, l'Allemande d'origine ouzbek, qui était encore sur les praticables de Pékin, à plus de 33 ans, après être devenue championne du monde au sol en 1991, sous les couleurs de l'URSS.
Des exceptions qui confirment la règle. Après plus de dix ans passés sur les agrès, à raison de trente heures d'entraînement pas semaine, une carrière de gymnaste ne dure au plus haut niveau que quelques années, rarement guère plus d'une olympiade.
CITATION
\Le comité olympique chinois ne conteste pas la décision
Le comité olympique chinois (COC) a déclaré jeudi qu'il acceptait la décision de priver ses gymnastes de la médaille de bronze par équipe des Jeux de Sydney en 2000 car l'un de ses représentantes n'avait pas l'âge minimum requis. "Le comité olympique chinois s'est toujours engagé à respecter le principe du fair play en sport et a toujours ordonné à ses athlètes et ses officiels de se conformer aux règles des fédérations internationales compétentes", indique le communiqué du COC, diffusé par l'agence Chine Nouvelle. "Le COC en a tiré une leçon et s'efforcera d'éviter que de tels incidents se reproduisent à l'avenir", poursuit le texte[/font].