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Acte 4.On dit souvent de James Bond qu’il est l’espion le plus célèbre du monde. Dans une optique équivalente, le portail des étoiles est un secret d’Etat à la mode. A l’occasion de soirées mondaines, il n’est pas rare d’entendre « J’ai investi une dizaine de milliards dans l’étude de la technologie Goule, mais, chut, c’est top secret ». Les plus grands journalistes se vantent par le biais de phrases comme « Si vous saviez combien on me paie pour que je me taise à propos de la WXZ ». Un jour, Cameron Michelin a raconté au docteur Levant qu’il était allé voir un ancien frère d’arme, hospitalisé, et que celui-ci s’était révélé au courant pour l’attaque d’Annuairebis en Antarctique. Le docteur Levant lui a répondu que cela ne le choquait pas outre mesure, étant donné que même sa boulangère et son charcutier avaient eu vent de l’affaire.
A l’avenir, le secret sera révélé de façon officielle, et un vieux gardien de phare Ecossais s’en trouvera fort surpris. Mais son étonnement sera plus grand encore lorsqu’il se révélera être la seule personne sur Terre qui n’était pas déjà au courant.
Un chargé d’enquête du Pentagone, auquel on avait confié la recherche de « la fuite », présenta son rapport final en ces termes : « Il n’y a aucune fuite dans nos services. Quelqu’un a simplement oublié de fermer le robinet ».
Chaparde luttait pour conserver un ton calme et pédagogue.
-Ronon ? dit il.
-Rrrr ?
-Vous rappelez vous ce dont nous avions convenu avant de revenir dans ce village ? Nous étions tombés d’accord sur le fait qu’il valait mieux adopter une approche amicale envers Ergo, feindre de ne rien savoir à son sujet, et l’interroger d’une manière subtile.
-Rrrr, acquiesça Ronon.
-Il me semble que vous avez commis une légère faute vis-à-vis de ce plan.
-Rrrr ?
-Oh, dit Chaparde en haussant les épaules, ce n’est qu’une impression. Mais peut être Rodney et Teyla ont-ils une idée plus précise de la nature de l’erreur ?
-C’est peut être, proposa McCain, le fait d’avoir défoncé la porte de son laboratoire ?
-A moins, essaya Teyla, que cela réside dans le fait d’avoir asséné à Ergo un violent coup de poing dans le nez ?
-Réflexion faite, reprit Chaparde, tenir en ce moment même Ergo au dessus du sol par les pieds pourrait également nuire à notre tactique.
-Rrrr…
-Il dit qu’il y est allé à l’instinct, traduisit Teyla.
-Cela me rappelle notre rencontre avec « le petit peuple des mines », se souvint McCain. Eux aussi étaient adeptes de ce genre de stratégie. Je fus même tenté de classer leur mascotte, sorte de hamster allaité à la bière, comme la seule forme de vie intelligente sur leur planète.
-Pourriez-vous dire à votre ami de me lâcher, s’il vous plait ? demanda Ergo.
-Lâchez-le, Ronon, ordonna Chaparde.
-Aïe ! dit Ergo en se recevant sur le crâne.
-Je crois que vous avez deux ou trois choses à expliquer, « fermier », ajouta Chaparde.
-Vous avez piètre opinion de moi, n’est ce pas ? dit Ergo en se relevant et en s’épongeant le nez avec un mouchoir. Mais croyez-vous que les choses soient aussi simples ? Autrefois, il y a si longtemps, j’étais le guérisseur de ma tribu. Grâce aux plantes dont j’avais la connaissance, j’apaisais les maux de mes semblables. Lorsque les Vamps ont fait une récolte, j’ai été capturé. L’un d’eux a commencé de se nourrir de moi, mais s’est presque immédiatement arrêté. Il avait senti une force en moi. Une force de compassion envers mon prochain, doublée d’une grande curiosité envers les secrets du vivant. Au lieu de me prendre des années, ils m’en ont fait don. Ils m’ont également implanté quelque chose dans le corps, un appareil leur permettant de me localiser. Puis ils m’ont relâché. Je ne suis pas un coureur, et les Vamps ne me chassent pas. Mais partout où je vais, ils font des récoltes, plus gourmandes qu’à leur habitude. Les peuples touchés ne s’en relèvent jamais. Je suis le seul qu’ils épargnent, et qu’ils rajeunissent. Je n’ai jamais eu le courage de me suicider, alors j’ai fini par faire la seule chose que je savais faire : soigner les gens et leurs cultures. J’ai fini par avoir tant d’années d’expérience derrière moi que mon art a atteint des sommets. Partout où j’officiais, la population décuplait en un rien de temps, au point de survivre aux récoltes des Vamps. J’en ai tiré quelque consolation, jusqu’à ce que je réalise que c’était exactement ce que les Vamps attendaient de moi. Ils ne m’ont jamais donné d’ordre, pas plus qu’ils n’ordonnent aux coureurs de courir. Lorsqu’un Vamp se nourrit de quelqu’un, il connait cette personne mieux qu’elle ne se connait elle-même. C’est là l’horrible paradoxe de ma vie, passée à apaiser, guérir, nourrir autrui, mais tout cela sur une route menant à un abattoir. En une occasion, j’ai demandé aux Vamps de me prévenir de leur arrivée, et ils m’ont donné un disque qui clignote lorsqu’ils sont en chemin. J’ai voulu mettre en garde le peuple dont je m’occupais, sans toutefois expliquer comment j’avais eu ce disque, et cela ne leur a pas semblé un argument convaincant. Alors je leur ai tout dit, et ils m’ont mis en cage pour me punir d’avoir profité des vies prises par les Vamps. Mais ils n’ont pas fui. Ils étaient trop occupés à me haïr. Les Vamps sont venus et moi seul ai survécu, une fois encore. J’ai fini par accepter ma vie telle qu’elle était.
-Quelle triste histoire, dit Teyla.
-Rrrr, commenta Ronon en entendant par là qu’un arrachage de tête serait une bonne conclusion à cette prose.
-A ce propos, reprit Ergo sans attendre la traduction, mon disque clignote en ce moment.
-Un vaisseau ruche arriverait ? réagit Chaparde.
-Il est sans doute déjà en orbite, dit Ergo.
En orbite, il n’y avait encore rien, mais une fenêtre d’hyperespace vint donner raison à Ergo avec à peine plus d’une minute de retard. A son bord, une reine Vamp trônait dans une grande salle. Un étrange sentiment l’envahit. Il lui sembla qu’on l’observait, et que l’on attendait quelque chose d’elle. Elle finit par dire « Bien, bien, bien. Tout se déroule selon nos plans ». Malgré la flagrante inutilité de la phrase, cela eut pour effet d’atténuer la mystérieuse sensation. Après un temps, elle usa de sa télépathie pour ordonner le déploiement des dards. Des centaines de Vamps se précipitèrent vers les appareils de récolte, et le vaisseau ruche vomit le plus terrifiant des essaims. Deux minutes après, un Vamp mâle de type intellectuel fit irruption dans la salle royale.
-Nous comptons deux cent trente quatre morts et dix blessés à ce stade de l’opération, ma reine, déclara t’il.
-De quelle sorte de résistance s’agit il ? s’inquiéta la reine.
-Je vous demande pardon ? s’étonna le Vamp. Nous ne rencontrons aucune résistance, du moins pour le moment.
-Alors pourquoi ces décès ?
-Ma reine, soupira le Vamp le plus respectueusement qu’il put, comme je vous l’ai déjà dit en maintes occasions, une mesure devrait être prise par votre grandeur. Ou bien vous inspirez à nos soldats un rien moins d’allégresse, ou bien vous ordonnez l’installation de rampes sur les passerelles des astrodromes.
Le son strident des dards envahit l’atmosphère de la planète d’Ergo. Mais quatre personnes étaient bien décidées à contrarier les plans des Vamps. Normalement, cela devrait compter pour des nèfles, mais là nous parlons de héros.