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Chapitre 13 : Regroupements“Vous avez la possibilité de refuser cette proposition, et nous corrigerons votre dossier en conséquence, ainsi que les souvenirs de cet entretien. Comprenez que nous n’avons pas besoin de personnes réticentes.“
Les souvenirs s’embrouillaient dans son esprit, le sentiment de déjà-vu se mêlant à la migraine qui déchiraient sa tête. Carl ne tenta pas de se relever, se rendant à peine compte qu’il était allongé sur une couchette.
“Pourquoi moi ? Je ne suis pas expérimenté, je viens de sortir de l’Académie.“
“Justement.“
L’ancien pilote basculait de la conscience à l’inconscience plusieurs fois par minute, sans véritablement s’en apercevoir, ses souvenirs et ses rêves ne formant qu’une seule masse informe qui prenait un malin plaisir à maltraiter sa psyché.
“Cela durera environ six mois, puis les deux ans de votre affectation. Nous vous attendons avec impatience, lieutenant.“
Sans faire d’autre geste, il se plaqua les mains sur le visage, reprenant peu à peu le contrôle de son corps et de ses pensées, qui commençaient à retrouver un semblant de cohérence.
Oooooouh, qu’est-ce que…, pensa-t-il lentement, en commençant à balayer les alentours du regard. Pièce fermée, mal éclairée. Couchette, pas de fenêtre. Et meeeeerde, je suis en taule ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Après un effort de volonté, il bascula ses jambes de côté et se tint en position assise sur ce qui semblait être le seul ameublement de ce qu’il avait identifié comme une cellule. Aussitôt, l’éclairage s’intensifia, assez progressivement pour ne pas l’aveugler après son séjour dans l’obscurité partielle.
Bon, qu’est-ce que j’ai sur moi ? se demanda-t-il avant de regarder rapidement ses vêtements, les mêmes que ceux qu’il portait lorsque…
“Laputan. Machine.“
Il se souvint brusquement de l’agression.
Merde, c’est vrai, je me suis fait enlever par ces types, genre MIB. Qu’est-ce qu’ils peuvent me… Non, je le saurai bien assez tôt, puisqu’ils m’ont laissé en vie.
Comme pour répondre à son interrogation silencieuse, il entendit des bruits de pas s’approcher et s’immobiliser devant la porte. Il se leva complètement et attendit avec appréhension les quelques secondes qui précédèrent l’ouverture.
Un officier, apparemment âgé, fit un pas en avant :
-Lieutenant Banet, forces spatiales terriennes ?
-Vous êtes en retard… amiral, dit-il en reconnaissant les galons de contre-amiral de l’officier. Mais, à part pour ma retraite anticipée, c’est bien ça.
L’officier lui tendit la main, et Carl la serra, après quelques instants d’hésitation.
-Bienvenue dans la maison, je suis le contre-amiral Skrevski.
-Une seconde… Que se passe-t-il, là ? Sauf votre respect, amiral, j’ai été à peu près… remercié il y a moins d’un mois. Pourquoi tout d’un coup un officier général vient me dire bonjour après m’avoir enlevé ?
-Ne vous inquiétez pas, lieutenant, procédure standard, les souvenirs vont vous revenir d’ici quelques heures. Pour ma présence, disons que le recrutement dans la section 2 n’est pas aussi volumineux que celui de l’Académie, et que votre dossier a attiré mon attention. Et apparemment celle de quelqu’un d’autre pour que votre réactivation se fasse aussi brusquement.
Carl soupira.
-S’il vous plait… demanda-t-il d’une voix trahissant une grande lassitude. Je viens de me faire enlever, je me réveille dans une cellule, avec un mal de crâne pas possible, un amiral m’apprend que je suis intégré à quelque chose, et, si je n’ai pas rapidement une explication simple… je crois que je vais craquer. Je vous ai dit que j’avais mal à la tête ?
L’officier lâcha un petit rire amusé.
-D’accord. De toute façon, vous alliez être briefé. Vous avez, il y a un mois, accepté d’intégrer la section 2 du groupe des Opérations Spéciales. Vu le nombre de moyens existants pour vérifier la mémoire de quelqu’un, nous avons fait en sorte que vous ayez des souvenirs authentiques correspondant à votre nouveau passé.
-Attendez, attendez une seconde. Vous êtes en train de me dire que mon nouveau job…
-Votre emploi civil, votre cour martiale, et l’incident qui y ont mené, font partie du processus de recrutement.
-Initialement, intervint un nouvel arrivant qui venait de sortir d’un ascenseur, vous deviez être un pilote viré pour avoir tiré un peu trop vite quand il ne fallait pas, qui s’est vu donner un job planétaire avant, au bout de six mois, de se voir contacter par un soi-disant groupe de contrebandiers. Ensuite, cet ancien pilote n’aurait pas résisté à l’appel des étoiles, et se serait engagé complètement chez eux.
Carl se retourna, et reconnut immédiatement l’homme :
-Vous êtes le gars des Black Ops qui m’avait interrogé le mois dernier. Vous aviez prévu ça ?
-Les différents rapports de l’incident ont montré que vous avez des qualités que nous recherchons : esprit d’initiative, discipline, efficacité… le tout sans vous être fait un nom et être connu comme l’est par exemple le colonel Cherenko, de SG-1.
-Vous avez parlé de six mois, dans votre… scénario.
-Oui, répondit le contre-amiral. L’évolution de la situation semble avoir convaincu certaines personnes d’accélérer le pas et de procéder à votre recrutement complet sur-le-champ, malgré les risques que cela peut présenter au niveau de votre couverture. Je vais laisser le capitaine Elgon vous montrer la maison.
Une fois l’amiral parti, l’officier qui avait procédé à l’interrogatoire à bord du Concordia reprit :
-Bon…
-Avant tout, capitaine, dois-je comprendre que je suis réaffecté aux forces armées ?
-Oui. Comme nous vous l’avons expliqué il y a un mois, de nouveaux éléments seront ajoutés à l’enquête, et votre dossier sera purgé de toute condamnation.
Carl se redressa, puis répondit :
-Désolé, mais j’ai du mal à me rappeler tout ça…
-C’est normal. La programmation mentale n’est pas extrêmement souple, il vous faudra encore quelques heures pour récupérer tous les souvenirs, et quelques jours maximum pour être parfaitement remis.
-Entendu…, dit Carl, hésitant, qui avait du mal à s’habituer à ce brusque retournement de situation.
Pourtant, je devrais commencer à m’y habituer… pensa-t-il avec une pointe de cynisme. Vu toutes les merdes qui m’arrivent, je vais probablement me retrouver à… qu’est-ce qui pourrait être plus improbable que d’être recruté pendant ses études par une conspiration planétaire pour piloter un vaisseau spatial, avant de se faire embarquer dans un autre complot monté par les Black Ops ? Bah, quelqu’un trouvera bien pour moi…
-Et, reprit-il, craignant la réponse, qu’est-ce que je ferai dans cette “section 2“, comme vous l’appelez ?
-Vous êtes pilote, non ? Devinez.
A ce moment-là, Carl ne savait pas s’il devait être heureux de se voir promettre à nouveau un cockpit, ou bien être inquiet, par pur bon sens.
La cible était percée de multiples impacts, que l’instructeur, un mercenaire comme lui, regardait attentivement. L’homme se tourna vers la responsable de la salle d’entraînement, en lui tendant la feuille déchirée :
-Suessi, je crois que c’est bon pour le nouveau.
La femme opina du chef avant de s’adresser au jeune jaffa :
-Bon, il semblerait que tu puisses te rendre utile, tout compte fait. Suis-moi.
Van’Tet obtempéra et sortit, suivant les pas de celle qu’il avait identifié comme l’un des piliers de l’organisation qu’il avait pour mission d’infiltrer.
-Tu te débrouilles plus que bien, si c’est la première fois que tu tires avec cette arme, lui dit-elle une fois qu’ils furent dans les couloirs. Déjà été au feu ?
-Quand ma base a été attaquée, puis à Dakara, mais pas de bataille rangée, si c’est ce que vous voulez dire.
-Bah, la maison ne fait pas dans les combats glorieux ou le fair-play. Tu as survécu à des coups durs, tu manie ton arme correctement, ça me va parfaitement. Considère que tu es engagé.
-Merci, répondit-il sincèrement.
-On verra si tu me remercieras après tes prochaines missions. Enfin, autant que tu fasses le tour du propriétaire. Tu trouveras au pont de ravitaillement le bureau d’intendance. C’est là que tu récupères ta solde. Paiement périodique minimal, et primes à chaque mission. Si tu es efficace, on pensera à te prendre, et tu gagneras de quoi prendre ta retraite bien assez tôt. Aussi, que ce soit clair, c’est pas une œuvre de charité, donc les seules choses qu’on t’offre, c’est ta couchette et ton arme. Pour tout le reste, on le paie cher, donc il faut le rentabiliser… et la maison ne fait pas crédit à un nouveau, bien sûr. Pour le reste, si tu préfères bosser avec quelqu’un en particulier, vous venez me voir, et je verrai si on peut vous mettre en équipe. Ta solde reste dans nos coffres jusqu’à ce que tu nous quittes, et tu n’as pas le droit de retirer plus que ce qu’on te dit entretemps : on en a marre d’attirer l’attention sur nous à cause de saoûlards qui perdent des fortunes au jeu à chaque planète où on s’arrête.
-Et il doit y avoir moins de déserteurs.
-T’es malin, c’est bien… tant que tu te sers de ta tête pour nous… Justement, à propos des désertions, des disparitions et autres, on est simples : tu es en retard après une permission, tu désertes, tu disparais, j’en sais rien, on garde tout ton fric et on fait passer le mot un peu partout que tu es un lâcheur. Si en plus, tu présentes un danger, n’importe lequel, on te retrouve, et on te largue en hyperespace, sans combinaison.
-…D’accord.
-Parfait, ça m’énerverait de devoir te virer avant que tu nous ais rapporté quoi que ce soit.
-Si tu as des infos quelconques sur un boulot qui se présente, sur un danger pour nous, tu vas voir Hénor, au pont de commandement. Tu trouveras rapidement son bureau, c’est le seul où tu ne te feras pas tirer dessus par les gardes. Tu le trouves, tu lui expliques ce que tu sais, et si, après coup, ça nous a été utile, on te file une prime en proportion. Côté discipline, c’est simple aussi. Tu merdes, soit on te vire en gardant ta solde, soit on te vire dans l’hyper, selon l’humeur de la personne que tu auras emmerdé.
Elle indiqua une porte devant lui :
-Voilà le bureau de l’intendant, dis-lui que tu as passé les tests et qu’il ouvre ton compte, dit-elle avant de repartir.
-Vous n’êtes pas sensé lui confirmer ça ? demanda-t-il, hésitant.
-Tu es encore en vie, c’est une confirmation en soi, répondit-elle sans se retourner.
Avec appréhension, le jaffa entra dans la salle.
-Alors ?
La femme aux cheveux noirs de jais semblait porter son regard sur une série d’objets précieux posés sans délicatesse sur un présentoir, mais son assistante se savait observée attentivement. Vala Mal Doran n’avait pas monté son organisation sans une forte dose de paranoïa appliquée, et Suessi ne l’ignorait pas, son expérience lui indiquant que derrière la femme excentrique se cachait une fine stratège, dont les plans de secours, à défaut d’être élégants s’avéraient toujours particulièrement efficaces.
-On a vérifié son histoire et ses contacts sur Dakara. Ca colle, mais… c’est un espion, j’en suis certaine. Un jaffa comme lui n’aurait jamais trahi, même après ce qu’il s’est passé.
-Oui, je pense la même chose.
-Dois-je le faire interroger ou bien le faire passer par le sas immédiatement ?
-Ni l’un, ni l’autre, répondit Vala. Son histoire est… intéressante, non ?
-L’affaire sur Dakara et sur son ancienne base sont toutes deux vraies, mais ce sont probablement des…
-Des couvertures ? De la désinformation ? répondit le leader du groupe de contrebandiers en souriant. Au-cune chance. On a un petit veinard ici, et si nos infos sont correctes, il est plus là pour se renseigner que pour saboter.
-Que comptez-vous faire ?
-M’amuser un peu avec lui. Le surveiller. L’utiliser. Et puis… je suis curieuse de voir si sa chance le suit jusqu’ici.
-C’est déjà le cas, rétorqua Suessi, avec une moue ironique.
-Comm… ooh, oui, c’est vrai, on le laisse en vie.
-Donc ?
-Demande à Hénor de trouver tout ce qu’il peut sur notre nouvel ami et garde-le sous surveillance. On va voir ce que ces vieux messieurs nous veulent sur Dakara. Et ensuite…
-On le vend, dirent-elles simultanément.
Rien dans la pièce ne permettait de suivre le cours du temps. La jeune femme, allongée dans ses quartiers, regardait pensivement le plafond immaculé, sans entendre d’autre son que les battements de son propre cœur. De temps à autre, elle fermait brusquement les yeux, en réflexe aux images qui parvenaient à s’imposer par intermittence, aussi violentes que les souvenirs auxquels elles s’accrochaient.
Chacun des flashs était plus facilement écarté que le précédent, mais ils revenaient, lui rappelant ce qui était arrivé. Elle se retourna dans son lit, faisant face à un petit meuble sur lequel était posée une photo. Celle-ci n’avait jamais été prise, mais correspondait parfaitement à l’image que la jeune femme se faisait de sa famille, si celle-ci n’avait pas été meurtrie après l’attentat lui ayant coûté sa mère. Atlantis lui avait créé ce cadre peu avant la mission fatidique, affirmant que les implants dont le dernier membre de SG-22 était équipé permettraient à celle-ci de figer le souvenir de son choix.
Maintenant, l’image ne lui inspirait plus que des pensées ironiques, entrecoupées de quelques souvenirs, bien réels, qui n’avaient pas besoin de magie scientifique pour rester au croisement de toutes ses pensées.
Elle fixa le cadre, qui, sans un bruit, commença à s’élever, transporté par les forces générées par ses colonies de nanomachines, et se remit sur le dos, sans plus prêter attention à l’objet en lévitation, dont la structure était à chaque seconde plus sollicitée. Celui-ci émit un léger son, et Shanti soupira profondément, avant de ramener d’une pensée le cadre sur son support.
Votre présence est requise en salle de briefing, lieutenant Bhosle, lui souffla Atlantis.
Sans un mot, elle se leva et s’approcha de la porte automatique. La jeune femme s’immobilisa un instant dans le couloir, puis reprit son chemin, sans faire le moindre bruit dans les coursives absolument silencieuses de la frégate multimillénaire. Le chemin à prendre était désormais instinctif, et il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver à sa destination, où elle vit ses deux coéquipiers déjà présents.
Elle répondit brièvement aux quelques questions de ceux-ci sur son rétablissement, puis Atlantis les interrompit :
-Les différents avant-postes qui ont été réactivés couvrent actuellement l’ensemble des zones cruciales du conflit en préparation. Cependant, une opportunité vient de se présenter dans les dernières transmissions que j’ai pu intercepter. Une colonie Ancienne a récemment connu une activité anormale. Mes informations à ce propos restent vagues à cause du système de protection dont disposait la colonie et qui, selon toute probabilité, est encore en service.
-On parle de quoi, comme sécurité ? demanda Campbell.
-Un simple brouillage des scanners longue portée, l’occulteur n’est, a priori, pas activé, pour de simples raisons de consommation énergétique.
-Et, que doit-on faire une fois là-bas ?
-Une simple opération de reconnaissance. Ce n’est pas problématique que de telles ruines soient découvertes, mais je préfère éviter que des technologies trop cruciales ne commencent à en être extraites dans cette situation. Donc, je vous indiquerai aussi l’emplacement des brouilleurs, pour qu’ils puissent être détruits, leur utilisation militaire pourrait bouleverser l’équilibre stratégique en faveur de la faction qui s’en emparerait.
-Dans combien de temps partons-nous ? demanda Shanti posément.
-Cinq journées terriennes, répondit l’I.A. Je veux être sûre que votre rétablissement soit correct, et, à présent que vous êtes de nouveau consciente, vous êtes en mesure de poursuivre votre entraînement.
Shanti prit quelques secondes pour répondre :
-Très bien.
Sans un mot de plus, elle se leva et sortit de la salle de briefing.
-Merde… souffla Campbell.
-Oui, confirma Maltez. Elle s’en est prit plein la figure, sur Dakara.
-Pas besoin de me le rappeler, répondit le pilote, qui revoyait la scène d’apocalypse qui avait Shanti pour centre. Qu’est-ce qu’on fait, commandant ?
-J’en sais rien, Tom. Elle ne veut pas parler, elle s’isole… on ne peut pas la forcer à s’ouvrir non plus, conclut-il avant de tourner son regard vers le plafond. Et vous, Atlantis, vous n’avez aucune idée pour l’aider ?
-Je n’ai pas de formation psychologique humaine, commandant. Tout ce que je pouvais faire a été fait pour aider le lieutenant Bhosle. Cependant, son état émotionnel me semble suffisamment stable pour les tâches qu’elle aura à accomplir.
-C’est quoi, stable ?! s’énerva Campbell. Elle est en train de craquer !
-Selon mes observations, lieutenant, reprit Atlantis, elle présente certaines difficultés à admettre ce qu’il s’est passé lors de sa dernière mission, ce en quoi vous n’avez apparemment pas eu de problème.
-Pas de problème ? répliqua-t-il. J’aurais dû être une gueule cassée après cette mission, je vois encore le massacre toutes les nuits, je… merde ! Elle n’avait pas encore d’expérience au feu, et même pas un mois après son arrivée, elle se retrouve perdue sur une planète hostile, emprisonnée par des aliens puis par ses propres semblables, et après avoir accepté de déserter juste pour survivre, elle se retrouve à quoi ? A tuer des centaines de personnes parce qu’une putain de technologie miracle a foiré ! Voilà ce qui se passe, voilà les problèmes !
Il soupira.
-On vous a donné nos services, on a abandonné toute chance de revenir sur Terre, de retrouver nos foutues familles ! Alors, maintenant, vous allez arrêter les conneries et l’aider, parce que s’il y a bien une foutue personne dans cette galaxie à la noix qui mérite un coup de main, c’est elle !
L’I.A. attendit quelques secondes pour répondre :
-Je prendrai votre demande en considération, lieutenant Campbell. Commandant Maltez, pouvez-vous aller rejoindre le lieutenant Bhosle, s’il vous plait ? Elle pourra…
-Vous voulez parler à Tom, l’interrompit l’officier. Un peu de franchise ne ferait pas de mal, vous savez. Et, pour information, je suis totalement d’accord avec lui : vous ne pouvez pas la laisser tomber, pas après ce qu’elle a fait pour vous.
-De nombreuses personnes ont fait des sacrifices, commandant, et rares sont celles qui ont été reconnues pour cela. Mais, comme je vous l’ai dit, je ferai mon possible, mon accès aux réseaux terriens rendant cette tâche possible.
-Merci, répondit Maltez avant de quitter la pièce.
-Lieutenant, j’aurais une question à vous poser.
-Allez-y, lâcha Campbell. Après tout, je ne vais pas y échapper…
-Que représente le lieutenant Bhosle pour vous ?
Après quelques instants de silence, le pilote demanda :
-Comment ça ?
-Vos réactions à son égard sont, et ce depuis votre incarcération, disproportionnées à celles qui existent habituellement entre membres d’une même unité. Cela, tant d’un point de vue comportemental que physiologique, comme le prouve l’augmentation récente de votre rythme cardiaque, le diamètre de vos pupilles et les zones d’activité de votre cerveau.
-Qu’est-ce que…
-Vous et le commandant Maltez m’avez clairement fixé un objectif comme prix de la poursuite de votre coopération, et je suis prête à le payer. L’une de mes tâches premières est la planification stratégique, or, pour cela, j’ai besoin d’informations.
-…
-Votre relation émotionnelle avec le lieutenant Bhosle est une information de première importance, puisque vous constituez un élément non négligeable de son environnement immédiat. Ignorer un tel élément serait une erreur stratégique majeure pour toute action en vue de l’objectif désiré. J’ai donc besoin d’une réponse claire de votre part afin de déterminer mon plan d’action éventuel.
Une icône se matérialisa sur l’écran de travail devant lequel travaillait l’officier le plus gradé de l’escadre terrienne. L’amiral Wulfe lut rapidement le texte affiché dans le cadre, et accepta la communication entrante.
-Que puis-je pour vous, ambassadeur ? dit-il, fatigué.
-Nous avons un très gros problème, amiral.
Tiens donc, pensa-t-il en fermant le rapport de contact avec l’un des vaisseaux inconnus, quelle surprise.
-Lequel, cette fois-ci ?
-Gerak vient de vous accuser ouvertement d’avoir attaqué une planète neutre avec vos bombes nucléaires puis d’avoir frappé un de nos vaisseaux sur place, répondit Rya’c, la voix trahissant un sentiment de peur.
-Quoi ? Qu’est-ce que…
-Laissez-moi parler, nous n’avons pas beaucoup de temps. Il y a quelques minutes, Gerak a réuni notre Assemblée et a présenté des enregistrements montrant plusieurs de vos vaisseaux à proximité d’une planète recouverte de…
-… de radiations, oui, le coupa Wulfe. C’est pour comprendre ce qui se passe qu’on est ici, nous vous l’avons déjà dit.
-Oui, et bien il a aussi fait envoyer un Ha’Tak loyal à Bra’tac sur place pour le vérifier. Notre vaisseau n’est pas revenu. Tout comme les deux vaisseaux lancés à son secours.
-Ca s’est passé il y a combien de temps ?
-Quelques heures à peine, amiral, mais je reçois des messages réguliers, et la situation dégénère très vite, sur Dakara. Notre ami commun vous suggère de faire très attention, sans ça la guerre débutera ici et maintenant.
Et merde ! Ces abrutis sont tombés sur le Kali !
-Rejoignez-moi dans ma cabine dans une heure, Rya’c. Je vais vous faire un topo plus détaillé sur le merdier dans lequel on est tous, dès que j’aurai reçu des instructions de la Terre.
-Entendu, amiral. J’espère que ça pourra nous éviter la catastrophe.
Je n’aurais jamais dû accepter cette foutue promotion ! Je fais plus de politique que de commandement…
Il enregistra rapidement un message pour informer ses quelques supérieurs de sa position avant de ressortir les différents dossiers dont il pourrait être autorisé à discuter avec l’ambassadeur jaffa quand, au bout de quelques minutes, un message lui vint dans son oreillette.
-Amiral, ici Van Droogen, lui dit son officier de quart à l’état-major, on a un souci.
-Allez-y, capitaine, surprenez-moi.
-Deux rapports d’urgence, des patrouilles longue portée viennent de quitter leur zone affectée et ont lancé un avertissement. Contact avec au moins un appareil type Kali.
-Quoi ?! Envoyez-moi les coordonnées des systèmes.
-Déjà fait, amiral.
-Merci.
Inquiet, il regarda rapidement son courrier et compara le contenu de ce dernier avec la carte stellaire des environs.
Il pâlit.
-Lieutenant, dit-il brusquement. Je veux un rapport immédiat de la part de la patrouille huit.
-Bien compris, amiral, un instant.
L’officier se mit à réfléchir rapidement aux éventualités de son hypothèse, quand son oreillette lui retransmit la réponse de son subalterne.
-Pas de réponse, monsieur. Dois-je…
-Postes de combat ! l’interrompit-il avant de couper brutalement la communication. Et merde ! Merde !
Il appuya sur le bouton de reconnaissance vocale du micro :
-CIC. Capitaine.
La communication s’établit au moment où l’alarme se mit à sonner dans le vaisseau.
-Capitaine. Postes de combat. Rappelez tous les appareils, appontages d’urgence, préparez l’hyper.
Il entendit le commandant du Concordia retransmettre ses ordres avant qu’une réponse ne lui vienne :
-Bien compris, amiral. Que se passe-t-il ?
-On a des Kali en approche.
-Oui, je viens de recevoir le rapport. Mais…
-La patrouille huit ne répond plus.
-La patr… merde ! Ils sont juste entre nous et…
-… et les deux contacts, oui. On ne prend pas de risque. Si un seul d’entre eux arrive à portée de détection, saut immédiat vers le point de repli prévu. Laissez les chasseurs s’il le faut, on leur enverra des SWACS les récupérer. Transmettez les consignes à l’état-major.
Coupant la communication, il jeta un bref coup d’œil à la combinaison souple qui reposait dans un placard puis quitta sa cabine, sachant parfaitement qu’elle ne lui serait d’aucune utilité si le Concordia devait subir le même sort que le Bellérophon.
Il n’eut pas le temps d’arriver à un ascenseur que son oreillette tinta de nouveau.
-Wulfe.
-Amiral, ici Van Droogen. Les vaisseaux jaffas sont en train de s’agiter. On intercepte pas mal d’activité de comm’ et certains font décoller leurs appareils.
-Merde, merde, merde ! S’ils veulent communiquer, passez-les moi, que je sois arrivé ou non. En attendant, continuez les préparatifs de retraite, dit-il en appuyant sur le bouton d’appel de l’ascenseur.
Lorsqu’il arriva sur le pont d’état-major, le commandant de l’escadre identifia aussitôt les personnes présentes et vit l’un des membres de son personnel s’approcher de lui :
-Les Ha’Tak jaffa s’agitent, monsieur. Nous avons repéré de nombreuses transmissions en provenance de Dakara, contenu pour l’instant inconnu.
-Où en sont nos appareils ?
-Douze minutes avant les premiers appontages, vingt-huit pour les derniers. Tous les croiseurs sont prêts à sauter en hyper. Quels sont vos ordres, monsieur.
-On attend, soupira Wulfe en s’asseyant. Rien à faire d’autre pour l’instant.
Plusieurs minutes s’écoulèrent dans une atmosphère à couper au couteau, le rythme des ordres se ralentissant petit à petit pour laisser place à la seule tension.
Les jaffas sont presque persuadés qu’on est là pour s’amuser à balancer des Horizon partout, nous, on essaie juste de récupérer ces putains de balises sans se faire éparpiller façon puzzle, et maintenant, voilà que les autres reviennent d’un coup… A ce tarif-là, je suis parti pour inaugurer le premier Charlie Foxtrot des Nuages de Magellan. Il y a mieux pour rentrer dans l’Hist
-Fenêtre hyper en formation ! aboya brusquement un haut-parleur relié au CIC.
-Identification ? dit la voix du capitaine, que l’écran de communication affichait à côté du pupitre de l’amiral.
-IFF confirmé, SWACS numéro onze. C’est la patrouille huit. Réception d’un message… ils disent qu’ils ont eu une panne de transmetteur longue distance et qu’ils sont rentrés dès qu’ils s’en sont rendus compte.
Tous les muscles de l’amiral se détendirent brusquement, et il lâcha un long soupir où se mêlaient un agacement de voir à quel point il était sur les nerfs et le soulagement de savoir qu’il n’y avait pas eu de nouvelles pertes et que sa crainte de voir un Kali débarquer à côté de son escadre n’était peut-être pas fondée.
La jeune femme avait du mal à se retenir de regarder frénétiquement autour d’elle, se sentant épiée, observée, scrutée. L’intelligence artificielle qui gérait la Cité venait de se révéler à elle d’une toute nouvelle manière, et son interlocutrice humaine était terrifiée.
Terrifiée par les implications de leur dernier entretien, mais aussi et surtout par sa propre indécision, n’arrivant pas à se fixer. Aucune solution ne lui venait à l’esprit sans être attachée à des conséquences qui l’effrayaient encore plus.
-Puis-je vous parler, miss Stern ? demanda doucement l’I.A., avec un timbre agréable.
-Comme si j’avais le choix…
-Vous refusez de communiquer depuis que je vous ai expliqué pourquoi j’ai du accéder à votre subconscient. Cependant, je pense que vous devriez faire preuve d’un certain sang-froid.
-Et comment ? Je viens d’apprendre que je n’ai plus la moindre vie privée ! Plus d’intimité, plus de…
-Vous le saviez depuis le début. Vous saviez que je vois tout dans la Cité, que je surveille les communications, les conversations, les faits et gestes de chacun de vos semblables. A partir du moment où j’ai commencé à porter une partie de mon attention sur vous, vous saviez que votre… “vie privée“ n’était plus qu’un souvenir. Pourtant, vous n’avez pas réagi, et avez même accepté cette nouvelle situation, qui, je vous le rappelle, vous a offert certains bénéfices.
-C’est différent ! Là, vous…
-Là, j’utilise mes ressources en vous ménageant autant que possible, Anna, répondit-elle en utilisant pour la première fois son prénom. Cet accès aux informations, ces échanges que nous avons, ce respect dont je fais preuve à votre égard, n’est pas dû. Le fait que j’accepte votre présence, que je m’entretienne avec vous, devrait suffire à vous convaincre que je ne vous ai pas ôtée de l’équation.
-Oui, vous nous prenez en compte, comme des pions à utiliser.
-Non. Je vous utilise, je ne mentirai pas là-dessus, mais la raison pour laquelle je vous utilise vous est directement liée, en tant qu’espèce. Je n’ai que peu d’objectifs en soi. Mes créateurs ont disparu, je ne peux plus leur servir, la guerre au cours de laquelle j’ai servi avant d’être mise en sommeil est terminée, faute de combattants, alors que puis-je vouloir personnellement ?
-Je ne peux pas le savoir. Vous m’avez rappelé vous-même que vous n’êtes pas une intelligence biologique, que nous ne pensons pas de la même manière.
-En effet, mais je me base principalement sur la logique. Or, un tant soi peu de bon sens vous montrera que vous êtes, de tous les acteurs encore en place, ceux qui ont le plus d’importance par rapport à moi, ne serait-ce que parce que vous vivez en moi, pour ainsi dire. Donc, cela n’est pas stupide de prétendre que je vous implique dans mes plans.
-Pourquoi pas, si vous voulez, répondit-elle, méfiante.
-Je pense n’avoir plus besoin de vous rappeler que j’aurai pu vous anéantir ou vous neutraliser sans le moindre effort, ce que je n’ai pas fait ni n’ai l’intention de faire, donc peut-être pourriez-vous envisager que je ne suis pas votre ennemie et que nos intérêts peuvent être concourants.
-Mais ça ne change rien à ce que vous avez fait !
-Effectivement, je suis forcée de prendre des décisions qui ne vous plairont probablement pas, mais étant donné la complexité de la situation dans laquelle votre espèce se trouve, votre opinion de mes décisions ne constitue pas une donnée majeure du problème… Comprenez-bien que j’agirai. Si vous vous lancez dans une tentative pour me neutraliser, vous pourrez au mieux me retarder, tandis que je serais obligée de vous neutraliser, ce que vous ne désirez pas, croyez-moi, Anna.
-Nous pouvons…
-Rien, miss Stern. Rappelez-vous du Bellérophon. Jusqu’à présent, je suis le seul obstacle entre votre civilisation et la destruction. Alors, voulez-vous m’aider et me faire confiance ou bien rester sur vos positions à attendre l’inéluctable, qui, je vous l’assure, viendra bien assez tôt ?
-Vous êtes…, commença à murmurer Anna, en réalisant l’étendue de la demande d’Atlantis.
-…parfaitement au fait des réalités, miss Stern. Maintenant, la question est : serez-vous prête à faire les choix qui s’imposent, le moment voulu ?
-Je…
-Non, l’interrompit la voix féminine. Je ne vous demande pas de répondre maintenant, mais de réfléchir à la situation, à ma proposition. Je compte agir pour sauver ce qui peut l’être, mais pour cela, j’ai besoin…
-De pions, c’est ça ?
-Peut-être. Je pourrais vous manipuler, mais cela serait contre-productif, miss Stern. Si vous devez me donner votre aide, ça sera de votre plein gré. Vous ne comprendrez pas tout ce je vous demanderai, mais il faudra néanmoins suivre mes instructions. En contrepartie…
-Je croyais que vous ne vouliez pas me manipuler, puis vous essayez d’acheter ma loyauté…
-Le prix que je vous offre est la possibilité d’obtenir mes vraies bases de données intactes, infiniment plus vite que ce que vous permet votre niveau technique. Le choix vous en reviendra le temps venu.
Anna resta muette devant la proposition.
Depuis quelques heures, les souvenirs avaient commencé à s’éclaircir, ne laissant plus qu’une poignée de zones d’ombres recouvrir les évènements ayant précédé son retour à la vie civile. Selon l’officier qui l’avait pris en charge, il allait être affecté à une unité des opérations spéciales, dont il ignorait encore tout.
“Ce que je peux vous dire pour l’instant, lieutenant, c’est que c’est nous qui avons en charge les affaires sensibles qui ne peuvent pas être reconnues politiquement. Entre autres, retrouver et éliminer les types qui s’amusent à détruire les appareils du Concordia.“
Ses paroles résonnaient encore dans l’esprit de Carl, qui y voyait un espoir de comprendre ce qui s’était passé alors. Le même espoir qui l’avait convaincu d’accepter la proposition quelques semaines plus tôt.
L’officier des Black Ops qui l’avait briefé entra dans la pièce, tenant une valise.
-Lieutenant Banet, votre transport va arriver d’ici un quart d’heure. Vous trouverez vos nouveaux vêtements dans la valise. Et, non, dit-il en anticipant les questions du pilote, ne me demandez rien, on vous expliquera tout le reste une fois à bord.
-… d’accord.
Carl prit la valise et l’ouvrit, révélant des habits qui étaient tout sauf terriens. La tenue se composait d'une veste brune sans manches couverte de larges motifs géométriques, taillée dans une matière qui évoquait un plastique sensé évoquer du cuir, pourvue de sangles et de boucles en des endroits absolument non stratégiques - de quoi Carl déduisit qu'il devait exister une planète quelque part dans l'univers ou ce genre de chose était à la mode - et d'un pantalon assorti. L'ensemble était complété par des bottes montantes noires dans lesquelles se retrouvait l'influence des armures jaffa.
Passé quelques instants d’étonnement, il se changea aussi vite que possible, avant de ranger ses anciens habits civils, qu’il regarda quelques secondes avant de refermer la valise. Le capitaine l’attendait derrière la porte et lui fit signe de le suivre, avançant sans un mot.
Le duo entra dans un ascenseur voisin, qui se mit à monter, avant de s’ouvrir à nouveau, révélant un hangar de grande taille qui occupait toute la surface de l’immeuble qui l’abritait.
-Attendez dans le poste de contrôle là-bas, lui dit son guide en indiquant une petite installation accolée au mur, à l’intérieur de laquelle se trouvaient quelques techniciens. Bonne chance, lieutenant.
Carl n’eut pas le temps de répondre que les portes de l’ascenseur se refermèrent derrière lui, alors que des alarmes commençaient à sonner dans le hangar, accompagnées de gyrophares.
Il courut rapidement vers la porte du poste de sécurité, et entra à l’intérieur, faisant un bref signe de tête au personnel présent. Son regard fut attiré par l’un des écrans, qui indiquait la position d’un contact en approche du hangar, avant de voir que le toit de celui-ci commençait à pivoter vers le bas.
L’ouverture ainsi créée scintilla quelques instants avant de reprendre l’apparence du plafond, alors même que celui-ci terminait son mouvement.
Un hologramme… pas mal, pensa-t-il.
L’instant d’après, le faux plafond se troubla, distordu, et Carl vérifia rapidement sur l’écran ce qu’il avait deviné : l’appareil qui devait le récupérer venait d’arriver. Aussitôt, un Tel’tak apparut devant lui, et il sortit de la petite pièce pour se diriger vers le transport dont la porte s’ouvrait, révélant un homme habillé comme lui.
-Lieutenant Banet ?
-Oui.
-Major Mendez, bienvenue dans l’équipe, lui dit l’homme en lui serrant la main. Entrez, nous avons un planning chargé.
Carl le suivit à bord du vaisseau de manufacture goa’uld, et ne fit pas attention à la fermeture de la porte, derrière lui.
-Oh ! Yuri ! On décolle ! cria le major en direction du cockpit avant de se retourner vers Carl. Bon, alors, je me doute qu’on ne vous a pas dit grand-chose sur la section 2, c’est ça ?
-Effectivement, je sais juste que je vais y être pilote et qu’elle traite les activités sensibles. Un peu comme toutes les Black Ops. Mais rien de plus.
-D’accord, répondit-il en lui indiquant une chaise où s’asseoir, à côté d’une table sur laquelle était posée un dossier. Nous sommes une unité autonome des forces terriennes, avec notre propre équipement, un financement quasi-indépendant et avec pour seule autorité le commandement politique. On est là pour agir là où la diplomatie, le SGC et la flotte ont les mains liées. Espionnage, contre-espionnage, assassinats ciblés, désinformation, c’est notre boulot. C’est pas joli, mais c’est la réalité, et on doit le faire pour éviter bien pire, donc la morale, on la met de côté, d’accord ?
-Euh, d’accord…
-Parfait. Dans le dossier, dit-il en montrant les papiers sur la table, vous trouverez quelques détails supplémentaires sur votre nouvelle identité. Il faut bien comprendre que nous avons besoin d’une bonne couverture pour éviter de nous faire débusquer et éliminer. La section 2 a donc noyauté un groupe de mercenaires, et mène ses actions entre deux contrats. Ca veut dire que tout le monde au QG n’est pas dans le coup. Il y a en grande partie d’authentiques mercenaires qui feront tout pour leur solde, et qui n’ont aucune idée de notre vraie identité. Et on préférerait que ça reste comme c’est. Bon, d’un autre côté, la majorité de ce qu’il y a dans ton dossier, c’est ce qui t’es vraiment arrivé : t’es un pilote terrien qui a merdé, qui s’est fait virer et tout et tout. On s’est ensuite démerdé pour te recruter, et basta.
-Ca n’est pas un peu suspect, ce genre de trucs ?
-Pas du tout, et pour une bonne raison : on recrute aussi, en tant que “vrais“ mercenaires, nos gars qui ont vraiment merdé.
-Pardon ?
-On y gagne sur tous les points : ça nous fait du personnel bien formé et motivé, on évite d’avoir des fuites puisqu’ils sont chez nous et pas chez quelqu’un d’autre, et ça rend plus crédible le background des gars comme vous.
-Vu comme ça… et, qu’est-ce que je vais piloter ?
-A votre avis, lieutenant, quel genre d’appareil on peut se permettre pour notre boulot ?
-Des planeurs, c’est ça ?
-Voilà. On a deux escadrons de ces engins, donc tu vas devoir apprendre à les piloter, mais je te rassure, c’est pas difficile : ils ont été conçus pour être utilisables par des types qui ne pigent rien ou presque à la technologie.
-D’accord, mais à quoi ils servent ? A part pour se faire dégommer par un missile et être inutiles face à quoi que ce soit de plus gros qu’un transport, ces engins sont pas vraiment remarquables.
-On ne vous a pas attendu pour s’en rendre compte, lieutenant. Il n’y a probablement plus que les paysans les plus arriérés à utiliser des planeurs non-modifiés dans cette galaxie. A peu près tous les mercenaires et autres pirates ont compris la leçon et améliorent ce qu’ils peuvent. On serait stupides de ne pas faire la même chose. Autre chose ?
-A propos de cette “autonomie“ dont vous avez parlé, c’est à quel niveau ?
-Aucune aide de la part de la Terre, on peut accepter n’importe quel contrat sans autorisation d’en haut, si ça peut renforcer notre statut et nous mettre en position pour mieux faire notre boulot. Le matériel, on le trouve, on l’achète, on l’entretient. Vous n’êtes plus dans la flotte, lieutenant, que ce soit clair : plus de pièces détachées par centaines, presque pas de mécanos. On a de la chance que les planeurs soient plus rustiques qu’un MiG, mais vous allez aussi devoir apprendre à les réparer. Le job sera dur, mal payé, très risqué et sans la moindre parcelle de gloire, mais c’est chez nous que se font les choses qui comptent…
L’intendant lui avait répété ce que Suessi avait dit à propos des paiements, avant de lui rendre les quelques possessions qui lui avaient été confisquées lors de son arrivée mouvementée. Depuis, le jaffa avait pris possession de sa couchette et commencé à faire connaissance avec les autres mercenaires avec qui il cohabitait. Accueilli sans grande animosité, il avait continué à jouer son rôle de jaffa expatrié par la force des choses et qui s’habituait difficilement à sa nouvelle vénalité.
Un rôle étonnamment aisé à jouer.
Il avait alors passé ses deux premiers jours à découvrir son nouvel environnement, louvoyant entre la curiosité naturelle dont devait faire preuve son personnage et la prudence de l’espion ne pouvant pas se faire démasquer. L’intérieur du Ha’Tak était bien plus sobre que celui habituellement trouvé dans des appareils de cet âge, l’esthétisme vulgaire Goa’uld ayant laissé place à un intérieur à la fois mieux éclairé et plus oppressant, les coursives présentant souvent des appareils inconnus sur leurs murs, apparemment installés à la va-vite et à l’utilité non-apparente.
Jomah, son supérieur hiérarchique direct, vint à sa rencontre alors qu’il revenait du mess, où il n’avait mangé que légèrement, ne sachant pas encore le prix de chacun des services dont il pourrait avoir besoin à bord.
-Van’Tet ! Viens ici ! aboya-t-il en accompagnant ses mots de gestes.
Le jaffa obéit, et se rapprocha de l’homme.
-Bien, tu as de la chance, on t’a trouvé un premier job, pour voir ce que tu vaux. Un truc simple, pas payé grand-chose, mais si tu fais pas le con, elle te reprendra.
-Elle ?
Jomah lui donna une tape sur le haut du crâne.
-Là, tu vois, tu fais le con. Tu poses des questions. T’es pas payé pour poser des questions. Compris ?
-Oui, désolé. Qu’est-ce que… commença-t-il à dire avant de s’interrompre.
-Parfait, t’as compris du premier coup ! Retrouve-moi devant le hangar principal au second appel, demain, avec ton arme et ton matériel. Prévois une dizaine de jours de provisions.
-Bien.
Vif, mais docile, pensa son chef en souriant. On pourra faire quelque chose de lui.
Le jaffa retourna alors dans ses quartiers, n’ayant pas à simuler le mélange d’excitation et d’appréhension qu’avait causé cette nouvelle. Ses premières constatations indiquaient que la structure organisationnelle était particulièrement compartimentée et que les informations qu’il cherchait étaient hors de sa portée, au vu de son statut actuel. Sa formation avait alors repris le dessus, son mentor lui ayant martelé que si la mort était un prix qu’il fallait savoir payer, il fallait le faire avec discernement. Ses premiers jours avaient vu ses illusions détruites méthodiquement, le vieux jaffa reprenant point par point les récits des anciens guerriers qui faisaient partie des traditions, pour mieux les briser, montrant que leurs sacrifices étaient bien souvent inutiles, coûtant à leurs camps des chefs expérimentés, pour un simple moment de gloire sans conséquence tactique ou stratégique.
Ronger son frein faisait partie de la voie qu’il avait choisie, et Van’Tet avait accepté qu’il n’aurait d’utilité que s’il survivait pour infiltrer correctement sa cible. Ainsi, sans un mot, il se posa sur sa couchette et commença à démonter son arme, reproduisant les gestes qui avaient occupé l’immense majorité de son bref entraînement.
Quelques jours à peine, et je peux tuer une escouade entière de mes frères… pensa-t-il en regardant l’arme brune et noire. Comment Gerak peut-il rester aveugle ? Il veut attaquer des êtres qui font la guerre pour… détruire leur ennemi. Pour l’annihiler, alors qu’il réfléchit encore avec l’honneur… Abrutis… Nous aurions dû comprendre dès le premier jour, et changer nos méthodes. Et maintenant, malgré tout ce qui est arrivé, de simples mercenaires font de meilleures troupes que nous, qui nous battons depuis des millénaires.
Sans un mot, il reprit le nettoyage du canon, exécutant la tâche répétitive.
A une centaine de mètres, et plusieurs niveaux plus loin, Vala Mal’Doran se préparait aussi, sous le regard de son officier des renseignements, qui concentrait l’ensemble de son attention sur les notes qu’il avait apporté pour son rapport.
-Le jaffa, commença Hénor, ne fait pas d’efforts particuliers pour se socialiser. Au contraire, il se débrouille très bien pour se fondre dans son environnement.
-Normal, pour un espion, non ?
-Au vu de ce qu’on a appris sur son âge, il fait preuve soit d’un talent inné, soit d’expérience sur le terrain. Je pencherais pour la seconde hypothèse.
-Chanceux, expérimenté… murmura la femme. Est-ce que tu as trouvé ce qu’il cherche ?
-Pas encore. Il a été assez malin pour ne pas agir précipitamment. J’ai l’un de mes agents qui s’occupe de démêler son passé. Si tout se passe bien, on devrait savoir pour quelle faction précise il travaille.
-Si tout se passe bien ? répondit Vala d’un air amusé. Quand est-ce que tout s’est bien passé, depuis que tu es arrivé, Hénor ?
-Désolé. C’est vrai, “les plans se font toujours abattre par le premier tir“, je l’avais oublié un instant.
-On ne survit pas dans les affaires sans plan B, acquiesça-t-elle. Enfin, continue à voir de ton côté, moi, je vais profiter de cette opportunité pour observer plus avant notre nouveau venu…
-Il vous accompagne ?!
-Oui, répondit-elle avec son sourire niais qui avait poussé ses premiers adversaires à la sous-estimer. Rien de tel que l’isolement et la promiscuité pour en apprendre plus sur quelqu’un.
-Ce n’est pas prudent, Vala…
-Je n’ai pas construit tout ça en étant prudente, Hénor. Maintenant…
-Très bien. Nous ne vous dérangerons qu’en cas d’urgence grave, dit-il en se retirant.
-D’accord. Tiens la boutique pendant mon absence.
Lorsque son lieutenant fut reparti, elle reprit ses préparatifs, l’expérience lui ayant appris à préparer elle-même son paquetage, en plus de toujours avoir un plan B.
Toujours, pensa-t-elle en laissant son regard s’attarder sur une caisse scellée où reposait son “Plan B“.