Effet Papillon ~ Tome II

Rufus Shinra
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Chapitre 13 : Regroupements

“Vous avez la possibilité de refuser cette proposition, et nous corrigerons votre dossier en conséquence, ainsi que les souvenirs de cet entretien. Comprenez que nous n’avons pas besoin de personnes réticentes.“

Les souvenirs s’embrouillaient dans son esprit, le sentiment de déjà-vu se mêlant à la migraine qui déchiraient sa tête. Carl ne tenta pas de se relever, se rendant à peine compte qu’il était allongé sur une couchette.

“Pourquoi moi ? Je ne suis pas expérimenté, je viens de sortir de l’Académie.“
“Justement.“


L’ancien pilote basculait de la conscience à l’inconscience plusieurs fois par minute, sans véritablement s’en apercevoir, ses souvenirs et ses rêves ne formant qu’une seule masse informe qui prenait un malin plaisir à maltraiter sa psyché.

“Cela durera environ six mois, puis les deux ans de votre affectation. Nous vous attendons avec impatience, lieutenant.“

Sans faire d’autre geste, il se plaqua les mains sur le visage, reprenant peu à peu le contrôle de son corps et de ses pensées, qui commençaient à retrouver un semblant de cohérence.
Oooooouh, qu’est-ce que…, pensa-t-il lentement, en commençant à balayer les alentours du regard. Pièce fermée, mal éclairée. Couchette, pas de fenêtre. Et meeeeerde, je suis en taule ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ?
Après un effort de volonté, il bascula ses jambes de côté et se tint en position assise sur ce qui semblait être le seul ameublement de ce qu’il avait identifié comme une cellule. Aussitôt, l’éclairage s’intensifia, assez progressivement pour ne pas l’aveugler après son séjour dans l’obscurité partielle.
Bon, qu’est-ce que j’ai sur moi ? se demanda-t-il avant de regarder rapidement ses vêtements, les mêmes que ceux qu’il portait lorsque…

“Laputan. Machine.“

Il se souvint brusquement de l’agression.
Merde, c’est vrai, je me suis fait enlever par ces types, genre MIB. Qu’est-ce qu’ils peuvent me… Non, je le saurai bien assez tôt, puisqu’ils m’ont laissé en vie.

Comme pour répondre à son interrogation silencieuse, il entendit des bruits de pas s’approcher et s’immobiliser devant la porte. Il se leva complètement et attendit avec appréhension les quelques secondes qui précédèrent l’ouverture.
Un officier, apparemment âgé, fit un pas en avant :
-Lieutenant Banet, forces spatiales terriennes ?
-Vous êtes en retard… amiral, dit-il en reconnaissant les galons de contre-amiral de l’officier. Mais, à part pour ma retraite anticipée, c’est bien ça.
L’officier lui tendit la main, et Carl la serra, après quelques instants d’hésitation.
-Bienvenue dans la maison, je suis le contre-amiral Skrevski.
-Une seconde… Que se passe-t-il, là ? Sauf votre respect, amiral, j’ai été à peu près… remercié il y a moins d’un mois. Pourquoi tout d’un coup un officier général vient me dire bonjour après m’avoir enlevé ?
-Ne vous inquiétez pas, lieutenant, procédure standard, les souvenirs vont vous revenir d’ici quelques heures. Pour ma présence, disons que le recrutement dans la section 2 n’est pas aussi volumineux que celui de l’Académie, et que votre dossier a attiré mon attention. Et apparemment celle de quelqu’un d’autre pour que votre réactivation se fasse aussi brusquement.
Carl soupira.
-S’il vous plait… demanda-t-il d’une voix trahissant une grande lassitude. Je viens de me faire enlever, je me réveille dans une cellule, avec un mal de crâne pas possible, un amiral m’apprend que je suis intégré à quelque chose, et, si je n’ai pas rapidement une explication simple… je crois que je vais craquer. Je vous ai dit que j’avais mal à la tête ?
L’officier lâcha un petit rire amusé.
-D’accord. De toute façon, vous alliez être briefé. Vous avez, il y a un mois, accepté d’intégrer la section 2 du groupe des Opérations Spéciales. Vu le nombre de moyens existants pour vérifier la mémoire de quelqu’un, nous avons fait en sorte que vous ayez des souvenirs authentiques correspondant à votre nouveau passé.
-Attendez, attendez une seconde. Vous êtes en train de me dire que mon nouveau job…
-Votre emploi civil, votre cour martiale, et l’incident qui y ont mené, font partie du processus de recrutement.
-Initialement, intervint un nouvel arrivant qui venait de sortir d’un ascenseur, vous deviez être un pilote viré pour avoir tiré un peu trop vite quand il ne fallait pas, qui s’est vu donner un job planétaire avant, au bout de six mois, de se voir contacter par un soi-disant groupe de contrebandiers. Ensuite, cet ancien pilote n’aurait pas résisté à l’appel des étoiles, et se serait engagé complètement chez eux.
Carl se retourna, et reconnut immédiatement l’homme :
-Vous êtes le gars des Black Ops qui m’avait interrogé le mois dernier. Vous aviez prévu ça ?
-Les différents rapports de l’incident ont montré que vous avez des qualités que nous recherchons : esprit d’initiative, discipline, efficacité… le tout sans vous être fait un nom et être connu comme l’est par exemple le colonel Cherenko, de SG-1.
-Vous avez parlé de six mois, dans votre… scénario.
-Oui, répondit le contre-amiral. L’évolution de la situation semble avoir convaincu certaines personnes d’accélérer le pas et de procéder à votre recrutement complet sur-le-champ, malgré les risques que cela peut présenter au niveau de votre couverture. Je vais laisser le capitaine Elgon vous montrer la maison.

Une fois l’amiral parti, l’officier qui avait procédé à l’interrogatoire à bord du Concordia reprit :
-Bon…
-Avant tout, capitaine, dois-je comprendre que je suis réaffecté aux forces armées ?
-Oui. Comme nous vous l’avons expliqué il y a un mois, de nouveaux éléments seront ajoutés à l’enquête, et votre dossier sera purgé de toute condamnation.
Carl se redressa, puis répondit :
-Désolé, mais j’ai du mal à me rappeler tout ça…
-C’est normal. La programmation mentale n’est pas extrêmement souple, il vous faudra encore quelques heures pour récupérer tous les souvenirs, et quelques jours maximum pour être parfaitement remis.
-Entendu…, dit Carl, hésitant, qui avait du mal à s’habituer à ce brusque retournement de situation.
Pourtant, je devrais commencer à m’y habituer… pensa-t-il avec une pointe de cynisme. Vu toutes les merdes qui m’arrivent, je vais probablement me retrouver à… qu’est-ce qui pourrait être plus improbable que d’être recruté pendant ses études par une conspiration planétaire pour piloter un vaisseau spatial, avant de se faire embarquer dans un autre complot monté par les Black Ops ? Bah, quelqu’un trouvera bien pour moi…
-Et, reprit-il, craignant la réponse, qu’est-ce que je ferai dans cette “section 2“, comme vous l’appelez ?
-Vous êtes pilote, non ? Devinez.

A ce moment-là, Carl ne savait pas s’il devait être heureux de se voir promettre à nouveau un cockpit, ou bien être inquiet, par pur bon sens.

La cible était percée de multiples impacts, que l’instructeur, un mercenaire comme lui, regardait attentivement. L’homme se tourna vers la responsable de la salle d’entraînement, en lui tendant la feuille déchirée :
-Suessi, je crois que c’est bon pour le nouveau.
La femme opina du chef avant de s’adresser au jeune jaffa :
-Bon, il semblerait que tu puisses te rendre utile, tout compte fait. Suis-moi.
Van’Tet obtempéra et sortit, suivant les pas de celle qu’il avait identifié comme l’un des piliers de l’organisation qu’il avait pour mission d’infiltrer.
-Tu te débrouilles plus que bien, si c’est la première fois que tu tires avec cette arme, lui dit-elle une fois qu’ils furent dans les couloirs. Déjà été au feu ?
-Quand ma base a été attaquée, puis à Dakara, mais pas de bataille rangée, si c’est ce que vous voulez dire.
-Bah, la maison ne fait pas dans les combats glorieux ou le fair-play. Tu as survécu à des coups durs, tu manie ton arme correctement, ça me va parfaitement. Considère que tu es engagé.
-Merci, répondit-il sincèrement.
-On verra si tu me remercieras après tes prochaines missions. Enfin, autant que tu fasses le tour du propriétaire. Tu trouveras au pont de ravitaillement le bureau d’intendance. C’est là que tu récupères ta solde. Paiement périodique minimal, et primes à chaque mission. Si tu es efficace, on pensera à te prendre, et tu gagneras de quoi prendre ta retraite bien assez tôt. Aussi, que ce soit clair, c’est pas une œuvre de charité, donc les seules choses qu’on t’offre, c’est ta couchette et ton arme. Pour tout le reste, on le paie cher, donc il faut le rentabiliser… et la maison ne fait pas crédit à un nouveau, bien sûr. Pour le reste, si tu préfères bosser avec quelqu’un en particulier, vous venez me voir, et je verrai si on peut vous mettre en équipe. Ta solde reste dans nos coffres jusqu’à ce que tu nous quittes, et tu n’as pas le droit de retirer plus que ce qu’on te dit entretemps : on en a marre d’attirer l’attention sur nous à cause de saoûlards qui perdent des fortunes au jeu à chaque planète où on s’arrête.
-Et il doit y avoir moins de déserteurs.
-T’es malin, c’est bien… tant que tu te sers de ta tête pour nous… Justement, à propos des désertions, des disparitions et autres, on est simples : tu es en retard après une permission, tu désertes, tu disparais, j’en sais rien, on garde tout ton fric et on fait passer le mot un peu partout que tu es un lâcheur. Si en plus, tu présentes un danger, n’importe lequel, on te retrouve, et on te largue en hyperespace, sans combinaison.
-…D’accord.
-Parfait, ça m’énerverait de devoir te virer avant que tu nous ais rapporté quoi que ce soit.
-Si tu as des infos quelconques sur un boulot qui se présente, sur un danger pour nous, tu vas voir Hénor, au pont de commandement. Tu trouveras rapidement son bureau, c’est le seul où tu ne te feras pas tirer dessus par les gardes. Tu le trouves, tu lui expliques ce que tu sais, et si, après coup, ça nous a été utile, on te file une prime en proportion. Côté discipline, c’est simple aussi. Tu merdes, soit on te vire en gardant ta solde, soit on te vire dans l’hyper, selon l’humeur de la personne que tu auras emmerdé.
Elle indiqua une porte devant lui :
-Voilà le bureau de l’intendant, dis-lui que tu as passé les tests et qu’il ouvre ton compte, dit-elle avant de repartir.
-Vous n’êtes pas sensé lui confirmer ça ? demanda-t-il, hésitant.
-Tu es encore en vie, c’est une confirmation en soi, répondit-elle sans se retourner.

Avec appréhension, le jaffa entra dans la salle.

-Alors ?
La femme aux cheveux noirs de jais semblait porter son regard sur une série d’objets précieux posés sans délicatesse sur un présentoir, mais son assistante se savait observée attentivement. Vala Mal Doran n’avait pas monté son organisation sans une forte dose de paranoïa appliquée, et Suessi ne l’ignorait pas, son expérience lui indiquant que derrière la femme excentrique se cachait une fine stratège, dont les plans de secours, à défaut d’être élégants s’avéraient toujours particulièrement efficaces.
-On a vérifié son histoire et ses contacts sur Dakara. Ca colle, mais… c’est un espion, j’en suis certaine. Un jaffa comme lui n’aurait jamais trahi, même après ce qu’il s’est passé.
-Oui, je pense la même chose.
-Dois-je le faire interroger ou bien le faire passer par le sas immédiatement ?
-Ni l’un, ni l’autre, répondit Vala. Son histoire est… intéressante, non ?
-L’affaire sur Dakara et sur son ancienne base sont toutes deux vraies, mais ce sont probablement des…
-Des couvertures ? De la désinformation ? répondit le leader du groupe de contrebandiers en souriant. Au-cune chance. On a un petit veinard ici, et si nos infos sont correctes, il est plus là pour se renseigner que pour saboter.
-Que comptez-vous faire ?
-M’amuser un peu avec lui. Le surveiller. L’utiliser. Et puis… je suis curieuse de voir si sa chance le suit jusqu’ici.
-C’est déjà le cas, rétorqua Suessi, avec une moue ironique.
-Comm… ooh, oui, c’est vrai, on le laisse en vie.
-Donc ?
-Demande à Hénor de trouver tout ce qu’il peut sur notre nouvel ami et garde-le sous surveillance. On va voir ce que ces vieux messieurs nous veulent sur Dakara. Et ensuite…
-On le vend, dirent-elles simultanément.



Rien dans la pièce ne permettait de suivre le cours du temps. La jeune femme, allongée dans ses quartiers, regardait pensivement le plafond immaculé, sans entendre d’autre son que les battements de son propre cœur. De temps à autre, elle fermait brusquement les yeux, en réflexe aux images qui parvenaient à s’imposer par intermittence, aussi violentes que les souvenirs auxquels elles s’accrochaient.
Chacun des flashs était plus facilement écarté que le précédent, mais ils revenaient, lui rappelant ce qui était arrivé. Elle se retourna dans son lit, faisant face à un petit meuble sur lequel était posée une photo. Celle-ci n’avait jamais été prise, mais correspondait parfaitement à l’image que la jeune femme se faisait de sa famille, si celle-ci n’avait pas été meurtrie après l’attentat lui ayant coûté sa mère. Atlantis lui avait créé ce cadre peu avant la mission fatidique, affirmant que les implants dont le dernier membre de SG-22 était équipé permettraient à celle-ci de figer le souvenir de son choix.
Maintenant, l’image ne lui inspirait plus que des pensées ironiques, entrecoupées de quelques souvenirs, bien réels, qui n’avaient pas besoin de magie scientifique pour rester au croisement de toutes ses pensées.
Elle fixa le cadre, qui, sans un bruit, commença à s’élever, transporté par les forces générées par ses colonies de nanomachines, et se remit sur le dos, sans plus prêter attention à l’objet en lévitation, dont la structure était à chaque seconde plus sollicitée. Celui-ci émit un léger son, et Shanti soupira profondément, avant de ramener d’une pensée le cadre sur son support.

Votre présence est requise en salle de briefing, lieutenant Bhosle, lui souffla Atlantis.
Sans un mot, elle se leva et s’approcha de la porte automatique. La jeune femme s’immobilisa un instant dans le couloir, puis reprit son chemin, sans faire le moindre bruit dans les coursives absolument silencieuses de la frégate multimillénaire. Le chemin à prendre était désormais instinctif, et il ne lui fallut que quelques minutes pour arriver à sa destination, où elle vit ses deux coéquipiers déjà présents.
Elle répondit brièvement aux quelques questions de ceux-ci sur son rétablissement, puis Atlantis les interrompit :
-Les différents avant-postes qui ont été réactivés couvrent actuellement l’ensemble des zones cruciales du conflit en préparation. Cependant, une opportunité vient de se présenter dans les dernières transmissions que j’ai pu intercepter. Une colonie Ancienne a récemment connu une activité anormale. Mes informations à ce propos restent vagues à cause du système de protection dont disposait la colonie et qui, selon toute probabilité, est encore en service.
-On parle de quoi, comme sécurité ? demanda Campbell.
-Un simple brouillage des scanners longue portée, l’occulteur n’est, a priori, pas activé, pour de simples raisons de consommation énergétique.
-Et, que doit-on faire une fois là-bas ?
-Une simple opération de reconnaissance. Ce n’est pas problématique que de telles ruines soient découvertes, mais je préfère éviter que des technologies trop cruciales ne commencent à en être extraites dans cette situation. Donc, je vous indiquerai aussi l’emplacement des brouilleurs, pour qu’ils puissent être détruits, leur utilisation militaire pourrait bouleverser l’équilibre stratégique en faveur de la faction qui s’en emparerait.
-Dans combien de temps partons-nous ? demanda Shanti posément.
-Cinq journées terriennes, répondit l’I.A. Je veux être sûre que votre rétablissement soit correct, et, à présent que vous êtes de nouveau consciente, vous êtes en mesure de poursuivre votre entraînement.
Shanti prit quelques secondes pour répondre :
-Très bien.
Sans un mot de plus, elle se leva et sortit de la salle de briefing.

-Merde… souffla Campbell.
-Oui, confirma Maltez. Elle s’en est prit plein la figure, sur Dakara.
-Pas besoin de me le rappeler, répondit le pilote, qui revoyait la scène d’apocalypse qui avait Shanti pour centre. Qu’est-ce qu’on fait, commandant ?
-J’en sais rien, Tom. Elle ne veut pas parler, elle s’isole… on ne peut pas la forcer à s’ouvrir non plus, conclut-il avant de tourner son regard vers le plafond. Et vous, Atlantis, vous n’avez aucune idée pour l’aider ?
-Je n’ai pas de formation psychologique humaine, commandant. Tout ce que je pouvais faire a été fait pour aider le lieutenant Bhosle. Cependant, son état émotionnel me semble suffisamment stable pour les tâches qu’elle aura à accomplir.
-C’est quoi, stable ?! s’énerva Campbell. Elle est en train de craquer !
-Selon mes observations, lieutenant, reprit Atlantis, elle présente certaines difficultés à admettre ce qu’il s’est passé lors de sa dernière mission, ce en quoi vous n’avez apparemment pas eu de problème.
-Pas de problème ? répliqua-t-il. J’aurais dû être une gueule cassée après cette mission, je vois encore le massacre toutes les nuits, je… merde ! Elle n’avait pas encore d’expérience au feu, et même pas un mois après son arrivée, elle se retrouve perdue sur une planète hostile, emprisonnée par des aliens puis par ses propres semblables, et après avoir accepté de déserter juste pour survivre, elle se retrouve à quoi ? A tuer des centaines de personnes parce qu’une putain de technologie miracle a foiré ! Voilà ce qui se passe, voilà les problèmes !
Il soupira.
-On vous a donné nos services, on a abandonné toute chance de revenir sur Terre, de retrouver nos foutues familles ! Alors, maintenant, vous allez arrêter les conneries et l’aider, parce que s’il y a bien une foutue personne dans cette galaxie à la noix qui mérite un coup de main, c’est elle !
L’I.A. attendit quelques secondes pour répondre :
-Je prendrai votre demande en considération, lieutenant Campbell. Commandant Maltez, pouvez-vous aller rejoindre le lieutenant Bhosle, s’il vous plait ? Elle pourra…
-Vous voulez parler à Tom, l’interrompit l’officier. Un peu de franchise ne ferait pas de mal, vous savez. Et, pour information, je suis totalement d’accord avec lui : vous ne pouvez pas la laisser tomber, pas après ce qu’elle a fait pour vous.
-De nombreuses personnes ont fait des sacrifices, commandant, et rares sont celles qui ont été reconnues pour cela. Mais, comme je vous l’ai dit, je ferai mon possible, mon accès aux réseaux terriens rendant cette tâche possible.
-Merci, répondit Maltez avant de quitter la pièce.

-Lieutenant, j’aurais une question à vous poser.
-Allez-y, lâcha Campbell. Après tout, je ne vais pas y échapper…
-Que représente le lieutenant Bhosle pour vous ?
Après quelques instants de silence, le pilote demanda :
-Comment ça ?
-Vos réactions à son égard sont, et ce depuis votre incarcération, disproportionnées à celles qui existent habituellement entre membres d’une même unité. Cela, tant d’un point de vue comportemental que physiologique, comme le prouve l’augmentation récente de votre rythme cardiaque, le diamètre de vos pupilles et les zones d’activité de votre cerveau.
-Qu’est-ce que…
-Vous et le commandant Maltez m’avez clairement fixé un objectif comme prix de la poursuite de votre coopération, et je suis prête à le payer. L’une de mes tâches premières est la planification stratégique, or, pour cela, j’ai besoin d’informations.
-…
-Votre relation émotionnelle avec le lieutenant Bhosle est une information de première importance, puisque vous constituez un élément non négligeable de son environnement immédiat. Ignorer un tel élément serait une erreur stratégique majeure pour toute action en vue de l’objectif désiré. J’ai donc besoin d’une réponse claire de votre part afin de déterminer mon plan d’action éventuel.


Une icône se matérialisa sur l’écran de travail devant lequel travaillait l’officier le plus gradé de l’escadre terrienne. L’amiral Wulfe lut rapidement le texte affiché dans le cadre, et accepta la communication entrante.
-Que puis-je pour vous, ambassadeur ? dit-il, fatigué.
-Nous avons un très gros problème, amiral.
Tiens donc, pensa-t-il en fermant le rapport de contact avec l’un des vaisseaux inconnus, quelle surprise.
-Lequel, cette fois-ci ?
-Gerak vient de vous accuser ouvertement d’avoir attaqué une planète neutre avec vos bombes nucléaires puis d’avoir frappé un de nos vaisseaux sur place, répondit Rya’c, la voix trahissant un sentiment de peur.
-Quoi ? Qu’est-ce que…
-Laissez-moi parler, nous n’avons pas beaucoup de temps. Il y a quelques minutes, Gerak a réuni notre Assemblée et a présenté des enregistrements montrant plusieurs de vos vaisseaux à proximité d’une planète recouverte de…
-… de radiations, oui, le coupa Wulfe. C’est pour comprendre ce qui se passe qu’on est ici, nous vous l’avons déjà dit.
-Oui, et bien il a aussi fait envoyer un Ha’Tak loyal à Bra’tac sur place pour le vérifier. Notre vaisseau n’est pas revenu. Tout comme les deux vaisseaux lancés à son secours.
-Ca s’est passé il y a combien de temps ?
-Quelques heures à peine, amiral, mais je reçois des messages réguliers, et la situation dégénère très vite, sur Dakara. Notre ami commun vous suggère de faire très attention, sans ça la guerre débutera ici et maintenant.
Et merde ! Ces abrutis sont tombés sur le Kali !
-Rejoignez-moi dans ma cabine dans une heure, Rya’c. Je vais vous faire un topo plus détaillé sur le merdier dans lequel on est tous, dès que j’aurai reçu des instructions de la Terre.
-Entendu, amiral. J’espère que ça pourra nous éviter la catastrophe.
Je n’aurais jamais dû accepter cette foutue promotion ! Je fais plus de politique que de commandement…

Il enregistra rapidement un message pour informer ses quelques supérieurs de sa position avant de ressortir les différents dossiers dont il pourrait être autorisé à discuter avec l’ambassadeur jaffa quand, au bout de quelques minutes, un message lui vint dans son oreillette.
-Amiral, ici Van Droogen, lui dit son officier de quart à l’état-major, on a un souci.
-Allez-y, capitaine, surprenez-moi.
-Deux rapports d’urgence, des patrouilles longue portée viennent de quitter leur zone affectée et ont lancé un avertissement. Contact avec au moins un appareil type Kali.
-Quoi ?! Envoyez-moi les coordonnées des systèmes.
-Déjà fait, amiral.
-Merci.
Inquiet, il regarda rapidement son courrier et compara le contenu de ce dernier avec la carte stellaire des environs.

Il pâlit.

-Lieutenant, dit-il brusquement. Je veux un rapport immédiat de la part de la patrouille huit.
-Bien compris, amiral, un instant.

L’officier se mit à réfléchir rapidement aux éventualités de son hypothèse, quand son oreillette lui retransmit la réponse de son subalterne.
-Pas de réponse, monsieur. Dois-je…
-Postes de combat ! l’interrompit-il avant de couper brutalement la communication. Et merde ! Merde !
Il appuya sur le bouton de reconnaissance vocale du micro :
-CIC. Capitaine.
La communication s’établit au moment où l’alarme se mit à sonner dans le vaisseau.
-Capitaine. Postes de combat. Rappelez tous les appareils, appontages d’urgence, préparez l’hyper.
Il entendit le commandant du Concordia retransmettre ses ordres avant qu’une réponse ne lui vienne :
-Bien compris, amiral. Que se passe-t-il ?
-On a des Kali en approche.
-Oui, je viens de recevoir le rapport. Mais…
-La patrouille huit ne répond plus.
-La patr… merde ! Ils sont juste entre nous et…
-… et les deux contacts, oui. On ne prend pas de risque. Si un seul d’entre eux arrive à portée de détection, saut immédiat vers le point de repli prévu. Laissez les chasseurs s’il le faut, on leur enverra des SWACS les récupérer. Transmettez les consignes à l’état-major.

Coupant la communication, il jeta un bref coup d’œil à la combinaison souple qui reposait dans un placard puis quitta sa cabine, sachant parfaitement qu’elle ne lui serait d’aucune utilité si le Concordia devait subir le même sort que le Bellérophon.
Il n’eut pas le temps d’arriver à un ascenseur que son oreillette tinta de nouveau.
-Wulfe.
-Amiral, ici Van Droogen. Les vaisseaux jaffas sont en train de s’agiter. On intercepte pas mal d’activité de comm’ et certains font décoller leurs appareils.
-Merde, merde, merde ! S’ils veulent communiquer, passez-les moi, que je sois arrivé ou non. En attendant, continuez les préparatifs de retraite, dit-il en appuyant sur le bouton d’appel de l’ascenseur.

Lorsqu’il arriva sur le pont d’état-major, le commandant de l’escadre identifia aussitôt les personnes présentes et vit l’un des membres de son personnel s’approcher de lui :
-Les Ha’Tak jaffa s’agitent, monsieur. Nous avons repéré de nombreuses transmissions en provenance de Dakara, contenu pour l’instant inconnu.
-Où en sont nos appareils ?
-Douze minutes avant les premiers appontages, vingt-huit pour les derniers. Tous les croiseurs sont prêts à sauter en hyper. Quels sont vos ordres, monsieur.
-On attend, soupira Wulfe en s’asseyant. Rien à faire d’autre pour l’instant.

Plusieurs minutes s’écoulèrent dans une atmosphère à couper au couteau, le rythme des ordres se ralentissant petit à petit pour laisser place à la seule tension.
Les jaffas sont presque persuadés qu’on est là pour s’amuser à balancer des Horizon partout, nous, on essaie juste de récupérer ces putains de balises sans se faire éparpiller façon puzzle, et maintenant, voilà que les autres reviennent d’un coup… A ce tarif-là, je suis parti pour inaugurer le premier Charlie Foxtrot des Nuages de Magellan. Il y a mieux pour rentrer dans l’Hist
-Fenêtre hyper en formation ! aboya brusquement un haut-parleur relié au CIC.
-Identification ? dit la voix du capitaine, que l’écran de communication affichait à côté du pupitre de l’amiral.
-IFF confirmé, SWACS numéro onze. C’est la patrouille huit. Réception d’un message… ils disent qu’ils ont eu une panne de transmetteur longue distance et qu’ils sont rentrés dès qu’ils s’en sont rendus compte.
Tous les muscles de l’amiral se détendirent brusquement, et il lâcha un long soupir où se mêlaient un agacement de voir à quel point il était sur les nerfs et le soulagement de savoir qu’il n’y avait pas eu de nouvelles pertes et que sa crainte de voir un Kali débarquer à côté de son escadre n’était peut-être pas fondée.



La jeune femme avait du mal à se retenir de regarder frénétiquement autour d’elle, se sentant épiée, observée, scrutée. L’intelligence artificielle qui gérait la Cité venait de se révéler à elle d’une toute nouvelle manière, et son interlocutrice humaine était terrifiée.
Terrifiée par les implications de leur dernier entretien, mais aussi et surtout par sa propre indécision, n’arrivant pas à se fixer. Aucune solution ne lui venait à l’esprit sans être attachée à des conséquences qui l’effrayaient encore plus.

-Puis-je vous parler, miss Stern ? demanda doucement l’I.A., avec un timbre agréable.
-Comme si j’avais le choix…
-Vous refusez de communiquer depuis que je vous ai expliqué pourquoi j’ai du accéder à votre subconscient. Cependant, je pense que vous devriez faire preuve d’un certain sang-froid.
-Et comment ? Je viens d’apprendre que je n’ai plus la moindre vie privée ! Plus d’intimité, plus de…
-Vous le saviez depuis le début. Vous saviez que je vois tout dans la Cité, que je surveille les communications, les conversations, les faits et gestes de chacun de vos semblables. A partir du moment où j’ai commencé à porter une partie de mon attention sur vous, vous saviez que votre… “vie privée“ n’était plus qu’un souvenir. Pourtant, vous n’avez pas réagi, et avez même accepté cette nouvelle situation, qui, je vous le rappelle, vous a offert certains bénéfices.
-C’est différent ! Là, vous…
-Là, j’utilise mes ressources en vous ménageant autant que possible, Anna, répondit-elle en utilisant pour la première fois son prénom. Cet accès aux informations, ces échanges que nous avons, ce respect dont je fais preuve à votre égard, n’est pas dû. Le fait que j’accepte votre présence, que je m’entretienne avec vous, devrait suffire à vous convaincre que je ne vous ai pas ôtée de l’équation.
-Oui, vous nous prenez en compte, comme des pions à utiliser.
-Non. Je vous utilise, je ne mentirai pas là-dessus, mais la raison pour laquelle je vous utilise vous est directement liée, en tant qu’espèce. Je n’ai que peu d’objectifs en soi. Mes créateurs ont disparu, je ne peux plus leur servir, la guerre au cours de laquelle j’ai servi avant d’être mise en sommeil est terminée, faute de combattants, alors que puis-je vouloir personnellement ?
-Je ne peux pas le savoir. Vous m’avez rappelé vous-même que vous n’êtes pas une intelligence biologique, que nous ne pensons pas de la même manière.
-En effet, mais je me base principalement sur la logique. Or, un tant soi peu de bon sens vous montrera que vous êtes, de tous les acteurs encore en place, ceux qui ont le plus d’importance par rapport à moi, ne serait-ce que parce que vous vivez en moi, pour ainsi dire. Donc, cela n’est pas stupide de prétendre que je vous implique dans mes plans.
-Pourquoi pas, si vous voulez, répondit-elle, méfiante.
-Je pense n’avoir plus besoin de vous rappeler que j’aurai pu vous anéantir ou vous neutraliser sans le moindre effort, ce que je n’ai pas fait ni n’ai l’intention de faire, donc peut-être pourriez-vous envisager que je ne suis pas votre ennemie et que nos intérêts peuvent être concourants.
-Mais ça ne change rien à ce que vous avez fait !
-Effectivement, je suis forcée de prendre des décisions qui ne vous plairont probablement pas, mais étant donné la complexité de la situation dans laquelle votre espèce se trouve, votre opinion de mes décisions ne constitue pas une donnée majeure du problème… Comprenez-bien que j’agirai. Si vous vous lancez dans une tentative pour me neutraliser, vous pourrez au mieux me retarder, tandis que je serais obligée de vous neutraliser, ce que vous ne désirez pas, croyez-moi, Anna.
-Nous pouvons…
-Rien, miss Stern. Rappelez-vous du Bellérophon. Jusqu’à présent, je suis le seul obstacle entre votre civilisation et la destruction. Alors, voulez-vous m’aider et me faire confiance ou bien rester sur vos positions à attendre l’inéluctable, qui, je vous l’assure, viendra bien assez tôt ?
-Vous êtes…, commença à murmurer Anna, en réalisant l’étendue de la demande d’Atlantis.
-…parfaitement au fait des réalités, miss Stern. Maintenant, la question est : serez-vous prête à faire les choix qui s’imposent, le moment voulu ?
-Je…
-Non, l’interrompit la voix féminine. Je ne vous demande pas de répondre maintenant, mais de réfléchir à la situation, à ma proposition. Je compte agir pour sauver ce qui peut l’être, mais pour cela, j’ai besoin…
-De pions, c’est ça ?
-Peut-être. Je pourrais vous manipuler, mais cela serait contre-productif, miss Stern. Si vous devez me donner votre aide, ça sera de votre plein gré. Vous ne comprendrez pas tout ce je vous demanderai, mais il faudra néanmoins suivre mes instructions. En contrepartie…
-Je croyais que vous ne vouliez pas me manipuler, puis vous essayez d’acheter ma loyauté…
-Le prix que je vous offre est la possibilité d’obtenir mes vraies bases de données intactes, infiniment plus vite que ce que vous permet votre niveau technique. Le choix vous en reviendra le temps venu.

Anna resta muette devant la proposition.



Depuis quelques heures, les souvenirs avaient commencé à s’éclaircir, ne laissant plus qu’une poignée de zones d’ombres recouvrir les évènements ayant précédé son retour à la vie civile. Selon l’officier qui l’avait pris en charge, il allait être affecté à une unité des opérations spéciales, dont il ignorait encore tout.
“Ce que je peux vous dire pour l’instant, lieutenant, c’est que c’est nous qui avons en charge les affaires sensibles qui ne peuvent pas être reconnues politiquement. Entre autres, retrouver et éliminer les types qui s’amusent à détruire les appareils du Concordia.“
Ses paroles résonnaient encore dans l’esprit de Carl, qui y voyait un espoir de comprendre ce qui s’était passé alors. Le même espoir qui l’avait convaincu d’accepter la proposition quelques semaines plus tôt.

L’officier des Black Ops qui l’avait briefé entra dans la pièce, tenant une valise.
-Lieutenant Banet, votre transport va arriver d’ici un quart d’heure. Vous trouverez vos nouveaux vêtements dans la valise. Et, non, dit-il en anticipant les questions du pilote, ne me demandez rien, on vous expliquera tout le reste une fois à bord.
-… d’accord.
Carl prit la valise et l’ouvrit, révélant des habits qui étaient tout sauf terriens. La tenue se composait d'une veste brune sans manches couverte de larges motifs géométriques, taillée dans une matière qui évoquait un plastique sensé évoquer du cuir, pourvue de sangles et de boucles en des endroits absolument non stratégiques - de quoi Carl déduisit qu'il devait exister une planète quelque part dans l'univers ou ce genre de chose était à la mode - et d'un pantalon assorti. L'ensemble était complété par des bottes montantes noires dans lesquelles se retrouvait l'influence des armures jaffa.
Passé quelques instants d’étonnement, il se changea aussi vite que possible, avant de ranger ses anciens habits civils, qu’il regarda quelques secondes avant de refermer la valise. Le capitaine l’attendait derrière la porte et lui fit signe de le suivre, avançant sans un mot.
Le duo entra dans un ascenseur voisin, qui se mit à monter, avant de s’ouvrir à nouveau, révélant un hangar de grande taille qui occupait toute la surface de l’immeuble qui l’abritait.
-Attendez dans le poste de contrôle là-bas, lui dit son guide en indiquant une petite installation accolée au mur, à l’intérieur de laquelle se trouvaient quelques techniciens. Bonne chance, lieutenant.
Carl n’eut pas le temps de répondre que les portes de l’ascenseur se refermèrent derrière lui, alors que des alarmes commençaient à sonner dans le hangar, accompagnées de gyrophares.
Il courut rapidement vers la porte du poste de sécurité, et entra à l’intérieur, faisant un bref signe de tête au personnel présent. Son regard fut attiré par l’un des écrans, qui indiquait la position d’un contact en approche du hangar, avant de voir que le toit de celui-ci commençait à pivoter vers le bas.
L’ouverture ainsi créée scintilla quelques instants avant de reprendre l’apparence du plafond, alors même que celui-ci terminait son mouvement.
Un hologramme… pas mal, pensa-t-il.

L’instant d’après, le faux plafond se troubla, distordu, et Carl vérifia rapidement sur l’écran ce qu’il avait deviné : l’appareil qui devait le récupérer venait d’arriver. Aussitôt, un Tel’tak apparut devant lui, et il sortit de la petite pièce pour se diriger vers le transport dont la porte s’ouvrait, révélant un homme habillé comme lui.

-Lieutenant Banet ?
-Oui.
-Major Mendez, bienvenue dans l’équipe, lui dit l’homme en lui serrant la main. Entrez, nous avons un planning chargé.
Carl le suivit à bord du vaisseau de manufacture goa’uld, et ne fit pas attention à la fermeture de la porte, derrière lui.
-Oh ! Yuri ! On décolle ! cria le major en direction du cockpit avant de se retourner vers Carl. Bon, alors, je me doute qu’on ne vous a pas dit grand-chose sur la section 2, c’est ça ?
-Effectivement, je sais juste que je vais y être pilote et qu’elle traite les activités sensibles. Un peu comme toutes les Black Ops. Mais rien de plus.
-D’accord, répondit-il en lui indiquant une chaise où s’asseoir, à côté d’une table sur laquelle était posée un dossier. Nous sommes une unité autonome des forces terriennes, avec notre propre équipement, un financement quasi-indépendant et avec pour seule autorité le commandement politique. On est là pour agir là où la diplomatie, le SGC et la flotte ont les mains liées. Espionnage, contre-espionnage, assassinats ciblés, désinformation, c’est notre boulot. C’est pas joli, mais c’est la réalité, et on doit le faire pour éviter bien pire, donc la morale, on la met de côté, d’accord ?
-Euh, d’accord…
-Parfait. Dans le dossier, dit-il en montrant les papiers sur la table, vous trouverez quelques détails supplémentaires sur votre nouvelle identité. Il faut bien comprendre que nous avons besoin d’une bonne couverture pour éviter de nous faire débusquer et éliminer. La section 2 a donc noyauté un groupe de mercenaires, et mène ses actions entre deux contrats. Ca veut dire que tout le monde au QG n’est pas dans le coup. Il y a en grande partie d’authentiques mercenaires qui feront tout pour leur solde, et qui n’ont aucune idée de notre vraie identité. Et on préférerait que ça reste comme c’est. Bon, d’un autre côté, la majorité de ce qu’il y a dans ton dossier, c’est ce qui t’es vraiment arrivé : t’es un pilote terrien qui a merdé, qui s’est fait virer et tout et tout. On s’est ensuite démerdé pour te recruter, et basta.
-Ca n’est pas un peu suspect, ce genre de trucs ?
-Pas du tout, et pour une bonne raison : on recrute aussi, en tant que “vrais“ mercenaires, nos gars qui ont vraiment merdé.
-Pardon ?
-On y gagne sur tous les points : ça nous fait du personnel bien formé et motivé, on évite d’avoir des fuites puisqu’ils sont chez nous et pas chez quelqu’un d’autre, et ça rend plus crédible le background des gars comme vous.
-Vu comme ça… et, qu’est-ce que je vais piloter ?
-A votre avis, lieutenant, quel genre d’appareil on peut se permettre pour notre boulot ?
-Des planeurs, c’est ça ?
-Voilà. On a deux escadrons de ces engins, donc tu vas devoir apprendre à les piloter, mais je te rassure, c’est pas difficile : ils ont été conçus pour être utilisables par des types qui ne pigent rien ou presque à la technologie.
-D’accord, mais à quoi ils servent ? A part pour se faire dégommer par un missile et être inutiles face à quoi que ce soit de plus gros qu’un transport, ces engins sont pas vraiment remarquables.
-On ne vous a pas attendu pour s’en rendre compte, lieutenant. Il n’y a probablement plus que les paysans les plus arriérés à utiliser des planeurs non-modifiés dans cette galaxie. A peu près tous les mercenaires et autres pirates ont compris la leçon et améliorent ce qu’ils peuvent. On serait stupides de ne pas faire la même chose. Autre chose ?
-A propos de cette “autonomie“ dont vous avez parlé, c’est à quel niveau ?
-Aucune aide de la part de la Terre, on peut accepter n’importe quel contrat sans autorisation d’en haut, si ça peut renforcer notre statut et nous mettre en position pour mieux faire notre boulot. Le matériel, on le trouve, on l’achète, on l’entretient. Vous n’êtes plus dans la flotte, lieutenant, que ce soit clair : plus de pièces détachées par centaines, presque pas de mécanos. On a de la chance que les planeurs soient plus rustiques qu’un MiG, mais vous allez aussi devoir apprendre à les réparer. Le job sera dur, mal payé, très risqué et sans la moindre parcelle de gloire, mais c’est chez nous que se font les choses qui comptent…




L’intendant lui avait répété ce que Suessi avait dit à propos des paiements, avant de lui rendre les quelques possessions qui lui avaient été confisquées lors de son arrivée mouvementée. Depuis, le jaffa avait pris possession de sa couchette et commencé à faire connaissance avec les autres mercenaires avec qui il cohabitait. Accueilli sans grande animosité, il avait continué à jouer son rôle de jaffa expatrié par la force des choses et qui s’habituait difficilement à sa nouvelle vénalité.
Un rôle étonnamment aisé à jouer.

Il avait alors passé ses deux premiers jours à découvrir son nouvel environnement, louvoyant entre la curiosité naturelle dont devait faire preuve son personnage et la prudence de l’espion ne pouvant pas se faire démasquer. L’intérieur du Ha’Tak était bien plus sobre que celui habituellement trouvé dans des appareils de cet âge, l’esthétisme vulgaire Goa’uld ayant laissé place à un intérieur à la fois mieux éclairé et plus oppressant, les coursives présentant souvent des appareils inconnus sur leurs murs, apparemment installés à la va-vite et à l’utilité non-apparente.

Jomah, son supérieur hiérarchique direct, vint à sa rencontre alors qu’il revenait du mess, où il n’avait mangé que légèrement, ne sachant pas encore le prix de chacun des services dont il pourrait avoir besoin à bord.
-Van’Tet ! Viens ici ! aboya-t-il en accompagnant ses mots de gestes.
Le jaffa obéit, et se rapprocha de l’homme.
-Bien, tu as de la chance, on t’a trouvé un premier job, pour voir ce que tu vaux. Un truc simple, pas payé grand-chose, mais si tu fais pas le con, elle te reprendra.
-Elle ?
Jomah lui donna une tape sur le haut du crâne.
-Là, tu vois, tu fais le con. Tu poses des questions. T’es pas payé pour poser des questions. Compris ?
-Oui, désolé. Qu’est-ce que… commença-t-il à dire avant de s’interrompre.
-Parfait, t’as compris du premier coup ! Retrouve-moi devant le hangar principal au second appel, demain, avec ton arme et ton matériel. Prévois une dizaine de jours de provisions.
-Bien.
Vif, mais docile, pensa son chef en souriant. On pourra faire quelque chose de lui.

Le jaffa retourna alors dans ses quartiers, n’ayant pas à simuler le mélange d’excitation et d’appréhension qu’avait causé cette nouvelle. Ses premières constatations indiquaient que la structure organisationnelle était particulièrement compartimentée et que les informations qu’il cherchait étaient hors de sa portée, au vu de son statut actuel. Sa formation avait alors repris le dessus, son mentor lui ayant martelé que si la mort était un prix qu’il fallait savoir payer, il fallait le faire avec discernement. Ses premiers jours avaient vu ses illusions détruites méthodiquement, le vieux jaffa reprenant point par point les récits des anciens guerriers qui faisaient partie des traditions, pour mieux les briser, montrant que leurs sacrifices étaient bien souvent inutiles, coûtant à leurs camps des chefs expérimentés, pour un simple moment de gloire sans conséquence tactique ou stratégique.
Ronger son frein faisait partie de la voie qu’il avait choisie, et Van’Tet avait accepté qu’il n’aurait d’utilité que s’il survivait pour infiltrer correctement sa cible. Ainsi, sans un mot, il se posa sur sa couchette et commença à démonter son arme, reproduisant les gestes qui avaient occupé l’immense majorité de son bref entraînement.
Quelques jours à peine, et je peux tuer une escouade entière de mes frères… pensa-t-il en regardant l’arme brune et noire. Comment Gerak peut-il rester aveugle ? Il veut attaquer des êtres qui font la guerre pour… détruire leur ennemi. Pour l’annihiler, alors qu’il réfléchit encore avec l’honneur… Abrutis… Nous aurions dû comprendre dès le premier jour, et changer nos méthodes. Et maintenant, malgré tout ce qui est arrivé, de simples mercenaires font de meilleures troupes que nous, qui nous battons depuis des millénaires.
Sans un mot, il reprit le nettoyage du canon, exécutant la tâche répétitive.


A une centaine de mètres, et plusieurs niveaux plus loin, Vala Mal’Doran se préparait aussi, sous le regard de son officier des renseignements, qui concentrait l’ensemble de son attention sur les notes qu’il avait apporté pour son rapport.
-Le jaffa, commença Hénor, ne fait pas d’efforts particuliers pour se socialiser. Au contraire, il se débrouille très bien pour se fondre dans son environnement.
-Normal, pour un espion, non ?
-Au vu de ce qu’on a appris sur son âge, il fait preuve soit d’un talent inné, soit d’expérience sur le terrain. Je pencherais pour la seconde hypothèse.
-Chanceux, expérimenté… murmura la femme. Est-ce que tu as trouvé ce qu’il cherche ?
-Pas encore. Il a été assez malin pour ne pas agir précipitamment. J’ai l’un de mes agents qui s’occupe de démêler son passé. Si tout se passe bien, on devrait savoir pour quelle faction précise il travaille.
-Si tout se passe bien ? répondit Vala d’un air amusé. Quand est-ce que tout s’est bien passé, depuis que tu es arrivé, Hénor ?
-Désolé. C’est vrai, “les plans se font toujours abattre par le premier tir“, je l’avais oublié un instant.
-On ne survit pas dans les affaires sans plan B, acquiesça-t-elle. Enfin, continue à voir de ton côté, moi, je vais profiter de cette opportunité pour observer plus avant notre nouveau venu…
-Il vous accompagne ?!
-Oui, répondit-elle avec son sourire niais qui avait poussé ses premiers adversaires à la sous-estimer. Rien de tel que l’isolement et la promiscuité pour en apprendre plus sur quelqu’un.
-Ce n’est pas prudent, Vala…
-Je n’ai pas construit tout ça en étant prudente, Hénor. Maintenant…
-Très bien. Nous ne vous dérangerons qu’en cas d’urgence grave, dit-il en se retirant.
-D’accord. Tiens la boutique pendant mon absence.

Lorsque son lieutenant fut reparti, elle reprit ses préparatifs, l’expérience lui ayant appris à préparer elle-même son paquetage, en plus de toujours avoir un plan B.
Toujours, pensa-t-elle en laissant son regard s’attarder sur une caisse scellée où reposait son “Plan B“.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Désolé des deux semaines de retard, mais j'ai été pris par ma vie IRL. Donc, voici les deux chapitres suivants du Tome II (qui touche à sa fin, d'ailleurs, ne me restant plus que le dernier chapitre (26) à terminer et l'épilogue à écrire). En espérant que vous y trouviez de l'intérêt :

Chapitre 14 : Engrenages

Le jeune jaffa avait été pris au dépourvu lorsque la femme aux cheveux noirs de jais s’était jointe au groupe de mercenaires qu’il accompagnait. Celle qui dirigeait toute l’organisation où il s’était infiltré était arrivée dans l’une des salles de transfert, portant un sac à dos semblable à ceux de ses troupes et des vêtements qui ne l’auraient pas surpris… chez des terriens. Attachée en bandoulière, une arme automatique que Van’Tet ne reconnaissait pas rappelait à quiconque pourrait l’oublier que cette femme n’était pas quelqu’un que l’on désirait avoir pour ennemi.
-Tout est prêt, Jomah ? demanda-t-elle en arborant un sourire prédateur qui contredisait et renforçait simultanément le message transmis par l’arme.
-Oui, répondit-il.
-C’est parti ! dit Vala d’un ton qui détonait par rapport à l’ambiance générale.
Jomah se retourna vers la troupe et pointa une demi-douzaine de mercenaires, parmi lesquels Van’Tet :
-Vous, avec moi, le second groupe nous suit à mon signal.
Sans attendre de réponse, il avança vers les marquages au sol indiquant la présence des anneaux de transport, passant autour d'une pile de sacs de transport. Van’Tet, à la limite de la zone couverte par les anneaux, plaqua ses bras le long du corps, son arme tenue vers le bas.
Quelques instants plus tard, les artefacts de téléportation surgirent de leur emplacement de stockage pour former un tube discontinu autour de la petite troupe, avant de faire disparaitre celle-ci dans un éclair de lumière.

Van’Tet détestait particulièrement les anneaux de transport pour une raison précise, et il ne fut que conforté dans son opinion par ce nouveau déplacement. Pendant de trop nombreuses secondes, il fut, comme le reste la masse de mercenaires près de lui, incapable de bouger, alors même qu’il s’était rematérialisé dans un endroit potentiellement hostile.
Une fois les anneaux retournés dans leur logement, il brandit son arme à l’horizontale, avant de lire son erreur sur le regard des autres, qui hésitaient entre la pitié et l’énervement, avec toutes les nuances d’ironie entre les deux. Il tenait son arme à projectiles comme il aurait tenu sa lance, près de ses hanches, dans une posture inconfortable. Il se corrigea, maudissant autant l’apparition d’engins aussi différents qu’efficaces que l’endoctrinement qui visait à faire de lui le maître d’une arme qui ne brillait que face à elle-même.

Sa pensée suivante fut pour le paysage autour de lui, une plage qui s’étendait à perte de vue, seconde moitié d’un tableau complété par un océan dont le vacarme lui emplissait les oreilles. Ne prêtant rapidement plus attention aux mouvements des animaux qui apparemment considéraient la mer de sable comme leur foyer, il chercha des yeux un quelconque signe de présence.

Au coin du regard, il vit Jomah sortir un appareil de l'un des grands sacs arrivés peu de temps après le groupe, pour le scruter attentivement avant de reporter son attention sur la petite arme qu’il tenait dans l’autre main. De la taille d’un Zat’n’ktel, mais aux formes bien moins vicieuses quoiqu’aussi élégantes, elle était, comme il l’avait vu la semaine précédente, aussi dangereuse que les grandes aux mains d’un tireur chevronné.

Ce que Jomah était sans l’ombre d’un doute.

-Personne ici, murmura-t-il avant de se tourner vers l’un des mercenaires, un colosse portant sur le dos un objet de la taille d’une lance jaffa, mais aux formes similaires au fusil de Van’Tet. Enrek ! Va entrer l’adresse. Les autres, en position autour des anneaux.
Le jeune jaffa ne discuta pas, se dirigeant vers la zone d’arrivée, seul endroit pouvant servir d’accès aux troupes d’une éventuelle embuscade. Ce faisant, il entendit derrière lui le bruit caractéristique de l’activation progressive de la Porte, qui laissa place au vacarme final témoignant du vortex récemment formé.

-Nous passons la Porte, entendit-il dire Jomah dans son communicateur. Vous pouvez venir… Oh, vous autres, dit-il alors d’une voix plus forte. Revenez, c’est bon !

Obéissant, Van’Tet se rapprocha alors qu’Enrek manipulait ce qu’il reconnut comme une grenade à choc. La lançant avec une délicatesse surprenante pour sa carrure, le géant reprit son arme des deux mains, avant de faire un signe de tête à Jomah.

-En avant. Bousillez tout ce qui est armé ou qui a l’air méchant, ordonna-t-il en faisant signe au groupe d’avancer dans le mur bleuté.
Suivant l’ensemble des mercenaires, l’espion se retrouva, quelques nausées plus tard, de l’autre côté du vortex, son entraînement reprenant le dessus et lui intimant de rechercher des adversaires. Au bout de quelques instants, son inconscient remarqua un élément anormal, qu’il identifia rapidement. Il était seul au niveau de la Porte qui illuminait la pénombre.
Son regard balaya rapidement ses alentours, et il retrouva aussitôt ses camarades, qui étaient tous accroupis à quelques mètres, derrière des abris naturels, recherchant eux aussi d’éventuelles cibles. Il se mit à courir vers un rocher plus gros que ses voisins, s’abritant derrière tout en maudissant une nouvelle fois ses maîtres d’armes, qui lui avaient inculqué les mêmes réflexes qui avaient mené à leur mort tant de ses frères depuis que les Terriens étaient arrivés, avec leurs armes et leur vision cynique de la guerre.

Jomah les ayant rejoints, il sortit une nouvelle fois son appareil, laissant Enrek ramasser la grenade usagée. Guidés par son appareil, les mercenaires vérifièrent l’identité de chacune des formes de vie voisines, immobilisées par l’impulsion de la sphère goa’uld.

N’ayant trouvé qu’une poignée d’animaux assommés ou tués par l’influx nerveux projeté par la grenade, ils se regroupèrent à nouveau près de la Porte, maintenue ouverte par l’un des mercenaires, qui gardait son bras à moitié enfoncé dans l’étendue apparemment liquide. Van'Tet laissa son regard trainer sur un quadrupède trapu au pelage ras, dont le cou s'achevait apparemment sur une énorme paire de mandibules, avant de se reporter sur sa tâche.

Après un nouvel appel, le second groupe traversa la Porte en portant les sacs. Quelques instants plus tard, le vortex se referma, laissant la semi-obscurité du crépuscule reprendre ses droits.

-Alors ? demanda Vala, d’une voix légère.
-Rien dans les parages, madame.
-Ca fait combien de fois que je te le dis, Jomah ? Tu m’appelle “Vala“, pas de ce “madame“. Tu me donnes l’impression d’être une vieille qui a oublié de prendre sa retraite, avec toutes ces politesses. Tu ne me trouves pas comme ça, dis ? demanda-t-elle avec une voix joueuse.
-Vous n’êtes pas vieille. Et pour ce qui est de la retraite, vous savez ce que j’en pense, depuis Praster 11.
-Voilà ! C’est ça le Jomah que j’ai recruté sur Adoxis, un taré qui vient emmerder ceux qu’il ne faut pas et qui s’en sort toujours. Et puis, c’était Praster 9, pas 11, et en plus, ça compte pas.
-Ah bon ? répliqua le mercenaire. Je croyais pourtant qu’après ce qui était arrivé avec cette bande de fermiers…
-On avait promis de ne plus parler de ça, répondit-elle en jetant des regards inquiets aux alentours. Personne n’aurait pu prévoir ce qu’ils allaient faire avec leurs sacs de farine et ce vieux Tel’Tak !
-N’empêche que le plan parfait, je m’en suis souvenu…
-Rien. Du. Tout. Et de toute façon, là, on se repose dans un coin pommé, qui n’intéresse personne et on ne nous a pas vus arriver. Alors, bon, qu’est-ce qui pourrait bien se pass…
Vala s’interrompit en se rendant compte de ce qu’elle venait de dire, et croisa le regard de ses mercenaires, apparemment beaucoup plus tendus. Y compris Van’Tet, qui savait que certaines phrases ne se prononçaient jamais, sous peine d’attirer les foudres d’une ironie que même les jaffas avaient appris à respecter.
-Tu ne pouvais pas t’en empêcher… Vala ? dit Jomah, en parlant à peine plus fort que le bruit du vent qui avait été, pendant quelques secondes, le seul son audible à proximité. Je te préviens, quand on va se retrouver dans la merde, ne compte pas sur moi pour oublier de te dire “Je t’avais prévenue“.
-Bah, répondit-elle en haussant les épaules, ça fera autant d’histoires de plus à raconter autour d’un verre !
Sans attendre de réponse, elle réajusta son sac à dos et avança, allumant sa lampe-torche pour s’éclairer, alors que le chef de l'équipe interpellait l'un des soldats :
-T'as pris quoi comme matériel ?
-Tout le matériel spécial.
-Tout ?
-Tout. On part en "vacances", pas à l'assaut d'une forteresse. On va quand même pas laisser des trucs au hasard…
-Non, trop risqué, répondit Jomah, rassuré par la prévoyance de son subordonné, comme lui vétéran d'opérations catastrophiques. Tu as eu raison, on en aura sûrement besoin.

Van’Tet attira l’attention de son voisin et chuchota :
-Qu’est-ce qu’…
-C’est Jomah, lui répondit le mercenaire hébridan tout aussi bas. Côté coups foireux, il s’y connait. Aucune idée de ce qu’il a fait avec la patronne, mais c’est le seul type ici qui peut lui parler comme ça.
-Ils sont… ? demanda Van’Tet avec la curiosité propre à son nouveau rôle, curiosité qui n’était en aucun cas feinte.
-Eux ? Ensemble ? répondit l’autre avec un rire étouffé. Aucune chance, crois-moi là-dessus !

Sans un mot, Van’Tet continua la marche, se demandant une fois encore si ce groupe pouvait vraiment être ce que ses supérieurs avaient suggéré.



Thomas Campbell, lui, était submergé par les questions, aussi biens existentielles que pratiques, depuis sa défection, sans que sa situation à ce niveau n’ait pu s’arranger en quoi que ce soit depuis cet évènement. Il se demandait comment l’avenir se présentait pour lui et les deux autres exilés de SG-22, tout en continuant l’entraînement auquel le soumettait Atlantis. Le parcours du combattant ne ressemblait en rien à ce que pouvaient subir des recrues sur Terre, pour la simple raison que les obstacles étaient plus souvent constitués de champs de force et d'impulsions invisibles que de parois et autres ponts de corde. Toute personne sans les perceptions améliorées offertes à SG-22 n'aurait vu qu'une pièce presque vide, et se serait, au mieux, gravement blessée en entrant sans précaution dans une zone à gravité quintuplée.

Dosant approximativement les forces à exercer sur son environnement, il réalisa un mouvement dont les différentes composantes étaient une injure mortelle à la mécanique newtonienne, tout en pensant aux derniers jours. Et simultanément, était aussi bien émerveillé qu’effrayé par sa capacité récente à partager plusieurs fils de pensée en parallèle, réagissant aux situations fournies par la salle d’entraînement sans pour autant s’arrêter de réfléchir.

Ce qu’Atlantis avait fait aux trois humains les avait, il le savait, changés infiniment plus que l’I.A. ne l’avait laissé entendre. Leurs capacités au combat n’étaient que la partie émergée d’un iceberg dont il cherchait encore les contours.

Le pilote ne s’était jamais senti aussi proche des Goa’uld, comprenant enfin leur relation face avec au reste de le Voie Lactée. Détenteurs d’une technologie que nul ou presque assimilait à autre chose que de la magie, ils avaient embrassé cet aspect que leur prêtaient les… mortels. Il savait qu’il ne tomberait pas dans leurs travers, sa relation face à cette technologie tenant plus de la peur que de l’arrogance, mais craignait la manière dont ces pouvoirs le changeraient, en tant qu’être humain.

Si tant est qu’il en soit encore un… n’osait-il compléter.

-Il nous faudrait un Yoda, se dit-il. Quelqu’un pour nous rappeler de ne pas tomber dans le Côté Obscur de… de je ne sais pas quoi. Avec Atlantis… elle pourrait sûrement continuer à nous utiliser dans ce cas.
-Non, lieutenant, intervint silencieusement la voix de l’I.A. Il est préférable à tous les niveaux que vous et vos collègues puissiez conserver l’ensemble de votre personnalité, critères de décision moraux y compris. Je ne suis pas entièrement cynique, vous savez. Juste en grande partie.
J’en doute, mais bon… dit-il avant de reporter toute son attention sur la salle d’entraînement, où venaient d’apparaitre plusieurs figures menaçantes, autant de machines qui semblaient vouloir couvrir tous ses chemins de fuite.

Les robots, d'apparence vaguement humanoïde, étaient parfaitement noirs, ne reflétant aucun rayonnement électromagnétique habituellement présent dans la nature ou dans les systèmes d'illumination courants. La présence de réserves thermiques internes leur empêchait d'émettre de la chaleur, leur coque externe demeurant à la même température que l'extérieur, et seul le contraste entre leur forme et l'arrière-plan les distinguaient de celui-ci. Campbell savait qu'ils pouvaient se rendre invisible à volonté, mais l'I.A. avait déjà testé leur capacité de réaction face à une telle menace plusieurs jours auparavant, et les machines se dévoilaient à présent dans leur forme naturelle. La coque lisse, sans angle ni ouverture visible, abritait, il le savait, des armes de tous formats, tandis que le déplacement sur jambes n'était destiné qu'à allouer plus d'énergie aux systèmes de combat, le vol n'étant littéralement qu'un jeu d'enfant pour les concepteurs du robot.

L'androïde fit un brusque mouvement que même les récepteurs supplémentaires dans la rétine de Campbell eurent peine à décomposer. Le bras se fendit en deux en plein geste, projetant deux disques de métal au fil brillant, qui fusèrent vers le militaire en suivant des trajectoires complexes. Il se concentra brièvement sur les ondes de surpression créées par les projectiles – exercice plus aisé que le suivi visuel simultané des cibles - tout en laissant ses implants analyser leurs mouvements, et opta pour la solution suggéré, saturant leurs propulseurs MHD. A peine avait-il initié la manœuvre, cependant que son inutilité fut flagrante, les impulsions électromagnétiques dirigées se voyaient neutraliser par les systèmes de protection passifs de la frégate. Changeant de stratégie, il recourut à des gradients gravitationnels localisés pour faire se rejoindre la trajectoire des deux engins, esquivant distraitement deux tirs lancés par l'adversaire de Shanti, quelques mètres plus loin. Une zone de brouillage fluctuante qui s'était dressée entre lui et l'un des disques le contraignit à accroitre sa concentration, tandis qu'un soudain déplacement de la gravité sous ses pieds l'obligeait à diviser son attention. Les deux disques convergèrent vers un point de collision, mais, au dernier instant, les systèmes de guerre électronique de l'androïde eurent un coup de chance, et brouillèrent une fraction de seconde ses nanites. Celles-ci, désynchronisées, ne purent assurer l'intégrité du champ, qui ne fit que se frôler les armes, sans les endommager. Aussitôt modifié le chiffrage de son réseau neuronal, le lieutenant opta pour une solution plus directe, et fit chauffer les disques par un simple flux de particules. Les alliages supraconducteurs de leurs propulseurs perdirent aussitôt leurs propriétés, causant un réchauffement soudain, qui alla en s'aggravant. La puissance phénoménale qui passait jusqu'alors sans résistance dans les électrodes de sustentation induisit un afflux de chaleur, causant une brusque dilatation de la structure-même des deux disques. Les projectiles se percutèrent violemment, le vacarme de l'explosion résonnant sur quelques mètres avant d'être neutralisé par les protections internes.

Dans un coin de son esprit, il eut un rapport succinct de l'engagement, commenté par l'I.A., qui le félicitait pour sa vitesse de réaction.




Sans apparemment faire le moindre geste, Shanti détourna les projectiles lancés par les automates d’entrainement, avant de les neutraliser d’une pensée. Les machines, dont les systèmes d'autoprotection énergétiques auraient fait pâlir de jalousie un guerrier d'Anubis, étaient réglées pour fournir à leur adversaire une cible combinant aussi bien des capacités de combat rapproché qu'à distance. A aucun moment pourtant, son regard ne s’était posé sur ces drones de combat, restant dans le vague. Focalisée sur elle-même, la jeune femme cherchait davantage à contrôler ses réactions qu’à suivre le planning prévu des exercices.

-Lieutenant, intervint Atlantis. J’ai remarqué que vos actions au cours de ces dernières séances présentent des défauts en termes d’efficience. Avez-vous un problème de configuration de vos implants ?
-Que dois-je améliorer ? demanda la jeune femme, dont le visage restait neutre.
-Votre dépense énergétique par cible est d’environ vingt-huit pour cent supérieure à celles de vos collègues. La même tendance se manifeste au niveau de la capacité cognitive affectée au traitement des menaces. Il semble donc que la calibration de vos systèmes d’autodéfense ne soit pas optimale.
-
-Ou bien que les actions que vous entreprenez ne le soient pas.
-
-Lieutenant, vous utilisez vos générateurs de champs pour compenser une partie de la chute que vous avez induite chez vos cibles. A plusieurs reprises, lorsque je vous ai mise face à des réplicants, vous avez mené des attaques nerveuses totalement inadaptées : aussi bien les risques d’échec que l’énergie consommée et la concentration requise sont considérablement plus élevées que lors d’une action plus conventionnelle.
-Je sais.
-Alors, j’espère que vous ne mettrez pas vos collègues et la mission en danger le moment venu.

En face d’elle, un androïde simulant la majorité des fonctions vitales d’un humanoïde s’effondra, son système nerveux assailli d’informations contradictoires projetées par Shanti durant les quelques fractions de seconde qu’avait duré sa conversation avec l’I.A.

Cette dernière, parmi des millions de tâches en parallèle, parcourut le rapport d’état de la machine sophistiquée, prédisant une inconscience de plusieurs heures, sans séquelles physiques.

Elle eut l’esquisse de l’équivalent virtuel d’un sourire.


La jeune femme, continuant sa progression, accorda un regard fugace au pantin tombé au sol, les membres tremblants. Pendant quelques instants, elle vit en surimpression un visage sur la figure de l’androïde vaincu. Une face qu’elle avait entraperçue, et qui était désormais figée dans ses souvenirs, son propriétaire l’ayant regardé dans les yeux au moment de mourir, quelques instants après avoir poussé hors de danger un jaffa près de lui.

Le regard n’avait exprimé, au contraire de tant d’autres, ni haine ni terreur, mais une résignation face à l’orbe de plasma qui allait le désintégrer. Ce jaffa anonyme avait accepté en ses derniers instants ce qui allait lui arriver, et avait réussi, sans qu’elle ne comprenne comment, à fixer les yeux du démon qu’elle avait alors été, malgré la distance et les projectiles aveuglants.

Après coup, elle avait lu dans ce regard celui d’un guerrier dont la mort est partie intégrante de l’existence, davantage curieux des techniques de la jeune femme qu’autre chose. Ces yeux l’avaient poursuivie pendant ce qui lui avait paru une éternité, toujours présents dans son sommeil agité jusqu’au moment où elle les avait à leur tour acceptés. Elle avait tué, telle une divinité vengeresse, des dizaines de personnes. Mais ce regard lui avait prouvé que, au-delà des moyens fournis par Atlantis, des armes fournies par le SGC, elle ne savait rien du combat.

Elle avait décidé d’apprendre, de comprendre ce qui se trouvait derrière ce visage qu’elle avait littéralement réduit en poussière.




La falaise, abrupte, offrait une série de parcours, tant verticaux qu’horizontaux, que savaient apprécier les nombreux habitants de la Cité. Anna Stern faisait partie de ces individus, marchant à son rythme le long de la paroi rocheuse, sur une corniche suffisamment large pour permettre à plusieurs personnes de passer côte à côte.

La masse continentale, initialement peu explorée, était devenue l’un des attraits principaux de la vie sur Atlantis pour une population dont la vie dans la Cité avait tendance à émousser sa capacité à s’émerveiller. La routine s’installait, quelque soit le milieu, et la base de Pégase n’échappait pas à la règle, malgré son quotidien de miracles techniques et scientifiques.

Ainsi, les voyages sur le continent étaient devenus une réponse à la banalité que pouvaient devenir après des années sur place les téléporteurs, les expériences sur l’Ascension, la civilisation Ancienne. Pour Anna, ces quelques heures de marche étaient moins destinées à chasser la routine qu’à briser le rythme improbablement élevé des évènements qu’elle vivait depuis sa prise de contact avec l’I.A.

Elle avait rejoint l’un des groupes de randonnée, spécifiquement composé de personnes aux fonctions et postes distincts, replongeant brusquement dans les conversations et les activités socialisantes que sa rencontre avait mis de côté.
Anna avait délibérément laissé son oreillette dans son logement, ne pouvant plus être contactée que par la radio emportée par les randonneurs, et ne regrettait absolument pas sa décision. Celle-ci lui avait en effet offert une tranquillité qu’elle avait presque oubliée depuis ses premiers échanges avec Atlantis.
Mais ce calme n’était qu’apparent, son esprit occupé par la proposition qui lui avait été faite la veille.

Elle a prouvé qu’on était à sa merci, mais elle veut que je l’aide. Activement. Autant me demander de trahir tout le monde ici… se dit-elle en regardant un instant le groupe qui avançait devant elle. Enfin, trahir, si elle me demandait d’agir contre nos intérêts… Non, Sheppard ne fera pas cette distinction s’il apprend que je bosse avec Atlantis au-delà de ce qui est prévu.

…Elle contrôle comme elle veut tous les systèmes de communication, de surveillance. Il faut être clair, Sheppard ne saura rien, si jamais j’accepte. Le docteur Jackson, peut-être, et encore… Merde ! Je pense déjà comme si j’avais accepté son offre !


Anna soupira, maudissant l’I.A. de l’avoir choisie, elle, pour avoir un tel choix à faire.

La vraie question, c’est “Est-ce que je peux lui faire confiance ?“. Elle me dit que nous allons nous faire anéantir par cette civilisation, mais en quoi mon aide pourrait changer quoi que ce soit à ses plans ? Je ne peux même pas dénoncer ses intentions, elle m’en empêcherait aussitôt, et mon poste n’a pas assez d’influence ici ou ailleurs pour faire changer les choses. Non, elle a forcément un plan, qui doit m’impliquer d’une manière ou d’une autre. Quel genre de stratégie peut avoir besoin d’une humaine sans compétence technique, aux connaissances limitées et à l’influence quasi-nulle ? Il faut que je le sache, à tout prix, sans ça elle nous manipulera du début à la fin. Mais en même temps, si jamais elle a raison, si ceux qui ont détruit le Bellérophon nous attaquent à nouveau, Atlantis ne sera qu’un problème mineur…

Deux heures plus tard, sa décision était prise, aussi ferme qu’elle pouvait l’être entre ses doutes, ses propres mensonges et les illusions dont elle se berçait pour éviter de sombrer dans la panique.



L’appontage s’était déroulé sans incident, et Carl avait suivi le major Mendez à l’extérieur du transport, pénétrant dans le hangar du Ha’Tak sur lequel il venait d’arriver, au milieu du vide interstellaire. Pendant quelques instants, le jeune homme balaya du regard l’ensemble de la salle, à l’architecture aussi peu fonctionnelle qu’impressionnante. Puis, l’officier s’éclaircit la gorge, le rappelant à son attention :
-La sortie est par là, dit-il en indiquant la paroi opposée au champ de force qui séparait le hangar du vide. Vous me suivez, et pas un mot avant que je ne vous le dise.
Carl acquiesça en silence et suivit son supérieur. Le duo traversa un sas avant d’arriver dans un couloir à la décoration typique d’un vaisseau d’origine Goa’uld. Le pilote s’étonna de l’absence de modifications à ce style caractéristique des anciens ennemis de sa planète, avant de s’attarder sur les individus qu’il croisait, s’efforçant de ne pas réagir face à la brusque diversité d’espèces qui semblaient parcourir les entrailles du vaisseau, les humains n’y ayant qu’une majorité au mieux relative. Les Unas se voyaient remplacer par des créatures qu'il n'avait jamais vu, dont l'anatomie apparemment reptilienne ne les empêchait pas de se déplacer de manière rapide dans la coursive, transportant sur leur épine dorsale un appareil de respiration autonome. Retenant difficilement un soubresaut face à la scène, Carl prit soin de garder un visage aussi figé que possible, fixant son regard sur le plafond, ignorant autant que possible les multiples fantasmes d'exobiologistes qui habitaient l'intérieur du vaisseau.

Seconde après seconde, le silence imposé devenait plus difficile à respecter, le terrien sentant sa curiosité exploser face à ce spectacle bigarré où, pour la première fois de sa vie, il arrivait à envisager ce qu’était la galaxie dans laquelle vivotait inconsciemment la Terre.
A son grand soulagement, il fut amené dans une salle de transport, où l’officier effectua une série de manipulations sur l’un des panneaux, avant de lui faire signe de prendre place au centre des anneaux au sol. Rejoignant la recrue, le major lui montra son bracelet :
-Système d’identification biométrique chiffré. Tout le monde en porte un pour s’identifier, dit-il avant d’être interrompu par le flash ayant suivi l’arrivée des anneaux.
-Celui que nous vous fournirons vous donnera accès aux ponts réservés à la section des Black Ops… Bienvenue à bord, lieutenant.

Devant lui s’étalait une série de coursives aux parois nettes, qui transpiraient l’efficience comme seuls savaient le faire des navires de guerre fabriqués sur Terre. Le contraste le désorienta quelques instants, le faisant douter d’être encore sur le vaisseau chaotique. Il fut cependant tiré hors de son étonnement par le mouvement de l’officier, qui lui faisait signe de le suivre.
-Voici le pont d’opérations, où vous recevrez les briefings des opérations spéciales. Toutes les autres salles sont interdites d’accès sauf autorisation directe du colonel Mellen, le commandant de ce vaisseau. Aucun manquement aux règles ne sera toléré. Est-ce bien compris, lieutenant ?
-Oui, monsieur.
-Parfait. Restez ici, je reviens, répondit-il en se dirigeant vers l’une des portes, qui s’ouvrit sur son passage.

Quelques dizaines de secondes plus tard, il ressortit, tenant dans la main un bracelet identique à celui qu’il avait montré à Carl :
-Mettez-le, il est programmé pour vous donner accès aux zones communes, à vos quartiers et aux hangars. En plus d’ici, bien sûr. Vous saurez vous servir des anneaux de transport, j’espère.
-Oui, répondit Carl en repensant à l’un des troncs communs de la formation de l’Académie, apprenant à tous les élèves les connaissances de base nécessaires pour survivre en-dehors du SGC ou d’un vaisseau.



Malgré un métabolisme leur permettant théoriquement de prolonger leur entraînement sur des dizaines d'heures, les membres de SG-22 avaient besoin de s'interrompre régulièrement. Ce faisant, ils préservaient ce qu'Atlantis jugeait de manière dépassionnée comme leur point faible : leur esprit. Si les améliorations qu'elle leur avait fournies étaient conçues pour ne pas obliger leur possesseur à réapprendre à se servir de son corps, la transition en restait néanmoins éprouvante.

Ainsi, les exercices auxquels Atlantis soumettait l'ancienne équipe SG tenaient plus de la réhabilitation fonctionnelle que d'une formation paramilitaire. L'I.A. désirait travailler avec un groupe fonctionnel, et calibrait l'entrainement de ses membres de manière à rendre naturels des actes qui appartenaient auparavant pour eux au domaine de l'impossible. Ses observations du trio lui avait confirmé l'importance psychologique des périodes de repos régulières, et elle avait agi en conséquence, réintroduisant le sommeil dans le cycle de vie de l'équipe peu après son arrivée à bord de la frégate.

Cependant, l'introduction de ce nouveau paramètre n'avait pas suffi à arriver aux résultats requis par l'entité Ancienne, celle-ci se rendant compte que de lourdes modifications étaient nécessaires dans l'environnement de vie du navire. En effet, ce que l'équipage originel du vaisseau avait pu concevoir comme des systèmes de détente et de divertissement n'était en aucun cas adapté au nouveau groupe qui en parcourait les coursives.

Un fiasco spectaculaire et meurtrier plus tard, il fut décidé que le moral des trois terriens était d'une priorité suffisamment élevée pour justifier l'allocation d'un temps de calcul et d'énergie du générateur. Ceux-ci furent aussitôt utilisés pour étudier et copier une partie des installations que les humains avaient apportées sur la Cité Ancienne.

Le résultat ne fut pas celui espéré, ses hôtes accédant bien aux livres et fichiers informatiques mis à leur disposition, mais sans pour autant revenir à un niveau de stress comparable à celui de la population d'Atlantis. L'I.A. avait alors décidé de ralentir le rythme des opérations et de donner à l'équipe sa ressource la plus précieuse : du temps.

-Lieutenant Bhosle, pourrais-je avoir un instant ? demanda Atlantis à la jeune femme à la démarche lente et presque mécanique.
-Oui ?
-Il y a un changement d'objectif pour l'opération à venir. Je vais vous demander une tâche précise qu'il vous faudra exécuter à la lettre.
-Laquelle ? répondit-elle, intriguée.
-La véritable raison de votre déploiement, à savoir…
-Une seconde, l'interrompit Shanti. Vous nous avez menti pendant le briefing ?
-Effectivement, lieutenant, parce ce que je vais vous demander pourrait sembler, aux yeux de vos collègues, être une trahison qu'ils ne pourraient cautionner. Vous, cependant, avez eu une expérience différente…
-Dakara ?
-Ne ramenez pas tout à cet incident, lieutenant. L'expérience dont je parle est celle que vous avez eu en captivité. Vous savez, bien mieux que vos collègues, ce qu'étaient vos geôliers. Vous serez donc à même de comprendre que certaines actions sont nécessaires pour préserver ce qui peut l'être. Et ce que je vais demander de vous est nécessaire, malgré ce que vous pourrez penser.
-Et qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?
-Obtenir des informations d'une source pour ainsi dire unique, du moins dans l'état de mes connaissances actuelles.

Shanti s'immobilisa dans le couloir, et leva la tête au plafond en attendant la suite. Seuls les cloisons insonorisées et une discrète manipulation des nanomachines de ses collègues les empêchèrent d'entendre l'exclamation de la jeune femme à la fin de ce second briefing.

-Pas question ! poursuivit-elle aussitôt après la dite-exclamation.
-Ces renseignements sont cruciaux, lieutenant. Ils concernent l'un des domaines sur lequel je n'ai que très peu d'informations, et où l'expérience personnelle a plus de valeur que toutes les théories imaginables, comme s'en sont rendus compte mes créateurs. Or, croyez-moi, si nous voulons pouvoir arriver à nos objectifs, cette expérience sera cruciale.




Quelques heures plus tard, Van’Tet fut désigné par Jomah pour accompagner, avec quelques autres mercenaires, Vala jusqu’à la Porte. Le camp de base avait été installé, et son groupe croisa une paire de mercenaires en train d'installer sur son trépied une arme massive, que le jaffa n'avait jamais vu.

D’un pas assuré, la meneuse de l'expédition conduisit le groupe dans l’aube naissante, regardant régulièrement un dispositif qu’elle tenait en main, tandis que le jaffa remarquait que son sourire avait quitté le registre de l’exagération pour devenir bien plus franc. Simultanément, il voyait le regard de ses compagnons d’armes se poser régulièrement sur lui, lui faisant sentir avec plus ou moins de subtilité qu’il était l’intrus ici, présent dans un rôle apparemment réservé à des soldats bien plus expérimentés et avec plus d’ancienneté que lui dans la petite organisation.

Le paysage prenait forme autour de lui, révélant l’immensité du massif montagneux au pied duquel le campement avait été installé. La série de pics rocheux abritait une mince bande de végétation qui laissait rapidement place à une savane aride s’étendant à perte de vue. Van’Tet prit quelques instants pour admirer la scène, qui contrastait avec tout ce que sa vie auprès de ses semblables lui avait amené. Car si les Goa’uld, et par extension les Jaffa, avaient privilégié des planètes où le climat près de la Porte facilitait l’installation, il n’en demeurait pas moins que le Réseau amenait à des lieux autrement plus variés que ceux choisis et cartographiés par les faux dieux.

Un coup de coude le fit sortir de sa rêverie, et il reprit sa place dans l’escorte, avançant dans l’air froid et sec vers le canyon où logeait la Porte, où ils arrivèrent en une dizaine de minutes.
Les gardes se postèrent dans des positions défensives, deux par deux, et se mirent à attendre, tandis que Vala s’était, elle, assise sur un rocher. Le Jaffa, en la voyant regarder à nouveau le même appareil qui avait accaparé son attention tout le long du trajet, demanda à son voisin.

-Qu’est que ce système ? Un capteur, une arme ?
-Hmm, de quoi ? répondit l’autre avant de suivre le regard du jaffa vers l’objet de sa question. Ah, non, juste une montre.
-Une quoi ? Ca montre quoi ? demanda Van’Tet, ne comprenant pas.
-Une montre, tout court. Une horloge portable. Pour connaitre l’heure.

Van’Tet resta silencieux quelques instants, le temps de faire la liste de l’ensemble des absurdités liées à un tel concept.

-Mais, à quoi ça peut lui servir ? A chaque fois qu’elle franchit le ChappaÏ, ça… Je veux dire, ça n’a aucun sens, tout le monde sait que la seule heure qui compte, c’est celle de l’étoile au-dessus de nous.
-Tu te doutes vraiment de rien… T’as vraiment cru que la patronne viendrait se poser dans un trou pommé comme ça, sans raison ?
-… Elle attend quelqu’un. Un rendez-vous à un moment précis.
-Voilà, tu commences à comprendre. Pas trop tôt !
-Vous savez qui elle doit voir ?
-Plutôt, oui ! répondit le mercenaire avec un semblant d’ironie.

Ce n’est pas possible ! se dit-il. Elle va me livrer elle-même son contact, le commanditaire de ses opérations, aussi peu de temps après mon arrivée ! Personne ne me croira quand je rentrerai ! C’est, c’est trop beau pour être vrai ! Il faut que j’en sois sûr !

-Et, demanda-t-il en essayant de cacher son excitation, ce… contact, vous le connaissez ?
-Un, tu me tutoies si tu veux pas te prendre un coup de crosse. Deux, bien sûr que je le connais. Tout le monde le connait, c’t’une pointure de chez pointure.

Un client de très haut niveau, probablement politique, qui se déplace personnellement chez des mercenaires ! Il faut que je sache ce qui se prépare ! se dit Van’Tet en réalisant l’occasion qui se présentait à lui, qu’un espion n’avait, avec de la chance, qu’une fois dans sa carrière : être présent dans les coulisses de l’Histoire, et s’en rendre compte pour tout transmettre à ses supérieurs.

Imperceptiblement, il rapprocha sa main de son poignard, prêt à neutraliser son camarade si jamais il devait prendre la fuite avec ses informations. L’éventualité qu’un décideur haut placé reconnaisse un espion comme lui était faible, mais il ne pouvait pas prendre un quelconque risque dans sa situation, il ne le savait que trop bien.

Le son caractéristique d’un chevron le tira de ses pensées de planification, et tous ses muscles se tendirent, le jaffa regardant avec appréhension l’artefact commencer à s’activer. Son attention basculait chaque instant entre la Porte et la meneuse du groupe de mercenaires, dont l’impatience était de plus en plus visible.

Puis, le dernier chevron se verrouilla, et Van’Tet serra son arme contre lui lorsque la surface bleutée se stabilisa au bout de quelques instants. Il attendit, sans un mot, l’arrivée du voyageur, sentant son propre cœur battre la chamade.

Puis, à quelques mètres de lui, un homme finit enfin par sortir du vortex, portant une tenue verte sombre que l’espion reconnut immédiatement comme étant terrienne, comme devait l’être l’arme qu’il portait dans le dos, aux côtés d’un large sac. Le jaffa n’eut pas le temps de détailler le visage de l’homme qu’un mouvement rapide attira son regard.

Son cerveau ne crut pas ce que ses yeux lui annonçaient, et ce ne fut que quand Vala eut fini de se jeter dans les bras de l’homme que Van’Tet put commencer à admettre ce dont il venait d’être témoin. La femme aux cheveux noirs de jais, qui dirigeait apparemment d’une main de fer un groupe de mercenaires inquiétant Bra’tac lui-même, venait de courir comme une dératée vers le nouvel arrivant et se comportait à présent de manière plus excentrique que toutes les adolescentes qu’il avait vu sur sa planète natale.

-Vala ? grommela l’homme en faisant des efforts visibles pour ne pas tomber sous le nouveau poids suspendu à son cou, laissant tomber des mains les sacs qu’il portait.
-Oui ? répondit-elle d’une voix joyeuse.
-Ce n’est pas que je ne suis pas content de te revoir… bien au contraire… mais…
-Oui ?
-Sans vouloir insinuer… que tu es étouffante… je commence… à avoir… du mal… à… respirer.

En prenant une moue réticente, elle lâcha prise avant de conclure, un sourire carnassier aux lèvres :
-Mais ne crois pas que tu vas m’échapper, Daniel. Les ruines passent après, c’est compris ?
-Comme s’il pouvait en être autrement…, répondit-il avant de l’embrasser.

Van’Tet, en entendant le prénom, eut un second choc.

Il venait de se rendre compte de l’identité de l’arrivant, qui, s’il n’était apparemment pas là pour affaires, était cependant ce que le mercenaire, qui avait un rictus ironique en regardant Vala aider Jackson avec l’un de ses sacs, lui avait décrit.

Une pointure.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Deux chapitres sont postés d'affilée, donc, si vous arrivez ici par le lien de "dernier post", remontez au-dessus pour le chapitre 14, merchi ! ^_^

Merchi à Skay pour sa bêta-lecture et à Mat pour ses conseils et remarques qui m'ont permis de revoir d'un œil plus neuf cette fic.





Chapitre 15 : Confidences

Le jaffa était tiraillé, devant prendre une décision aux conséquences qu’il savait colossales. La présence de Daniel Jackson sur cette planète isolée était une preuve irréfutable de l’association entre la Terre et le groupe de mercenaires. L’information-même qui avait justifié son infiltration, et dont dépendrait la position de Bra’tac et de ses partisans. Mais en même temps, le comportement de la femme aux cheveux noir de jais était de nature à l’intriguer. Celle qui lui avait semblé à première vue professionnelle, qui ne pouvait que l’être au vu de son activité, avait révélé une autre facette d’elle-même depuis le début de la mission.

Son comportement, qu’il ne pouvait qualifier autrement qu’adolescent, était, semble-t-il, connu et accepté par ses troupes, qui ne lui en tenaient pas rigueur, là où des troupes jaffa auraient probablement agi pour maintenir une structure de commandement crédible.
Plus exactement, on se serait battus jusqu’à ce que le plus vieux, le plus malin, et certainement pas le plus compétent, prenne la tête, se corrigea-t-il.

Peut-être plus attentivement encore surveillait-il le terrien, dont il ne pouvait se permettre de négliger la réputation. Même si celle-ci devait être exagérée et amplifiée par les esprits crédules, peu de personnes vivantes avaient, selon les rumeurs et les récits, été tuées plusieurs fois, s’étaient opposées à Anubis en personne et, en tout et pour tout, étaient les fondations d’une puissance galactique émergente.

Sans même compter le vaisseau qui, à en croire les rapports de contacts contemporains à la chute des Goa’uld, portait son nom.

Feu son mentor lui avait résumé la situation plus simplement, en abordant ces individus autour de qui l’Histoire semblait se tisser : les Grands Maîtres n’offraient pas sans raison une prime à la capture suffisant à financer une flotte entière.

La prudence était donc de mise, face à l’archéologue que les mercenaires surarmés observaient, leurs regards témoignant du mélange de crainte et de respect qu’il leur inspirait. Van’Tet, lui, était submergé par la curiosité envers le duo qui avançait devant lui, cherchant à clarifier leur relation qui lui semblait de moins en moins professionnelle, si tant est qu’elle l’ait été depuis l’arrivée de Jackson.

Il prit alors la décision d’attendre au moins le retour au camp pour partir ou non faire son rapport en urgence… sans remarquer le regard de Jomah, qui le surveillait lui-même, prêt à parer à toute action de sabotage qu’il pourrait tenter. Vala lui avait dit de le tenir à l’œil, et il n’était pas homme à lui désobéir.

Le trajet du retour se déroula sans encombre, excentricités de Vala mises à part, auxquelles Jackson réagissait par un regard désespéré envers les mercenaires autour de lui. Regards qui semblaient n’attirer qu’une sympathie particulièrement distante de leur part, alors que Van’Tet essayait sans succès de décrypter les non-dits qui fusaient apparemment entre les soldats et le docteur. En arrivant au camp, Van’Tet remarqua immédiatement les regards nerveux qui venaient du groupe resté pour garder les tentes. Inquiet, il chercha autour de lui une explication à ce malaise, mais sans en voir d’autre que le duo qui était dans une discussion animée apparemment sans rapport avec la crise politique majeure qui justifiait la présence de l’espion.

Vala fit un signe de tête à Jomah, qui répondit par un geste court, auquel elle acquiesça. Le bras droit regarda un instant sa supérieure s’éloigner avec Jackson, puis se tourna vers le groupe :
-Terminez de vous installer et allez dormir, on repart dans six heures.

Le jaffa se dirigea vers la tente où il logeait, et y fut rejoint par ses deux colocataires. Alors que ceux-ci achevaient de ranger leurs affaires, Van’Tet leur demanda :
-Qu’y a-t-il exactement, entre eux deux ?
-Entre la patronne et Jackson ? demanda l’un des hommes.
-Qui d’autre ?
-Bah, ça remonte à avant que j’arrive. Elle prend des vacances, il la rejoint, ils prennent du bon temps. Franchement, j’en ai rien à cirer, tant qu’elle me paie le même tarif.
-Ouais, enfin, intervint l’autre, bon temps, bon temps, d’habitude…
-Bravo… tu vas effrayer le gosse, maintenant.
-Hé, il a bien le droit de savoir.
-Pas besoin. Soit il s’en sort, et il aura compris tout seul, soit…
-Qu’est-ce que… commença Van’Tet.
-En gros, répondit le second homme, ce genre de “vacances“, elles commencent bien, et elles se terminent mal. Pourquoi tu crois qu’on a pris autant d’équipement ? Pour aller cueillir des champignons ?
-Comment est-ce que ça “se termine mal“ ? hésita le jaffa, peu sûr de la manière d’interpréter les propos.
-Aucune idée, on le saura quand ça nous tombera dans la gueule. Mais ça loupe presque jamais. Toujours une merde, un truc pas possible qui se passe, et on essaie de pas y laisser la peau.
-Mais alors, pourquoi…
-J’en sais rien. Elle doit aimer ce genre de coups foireux, ou alors c’est Jackson qui les aime. J’en sais rien et j’m’en fous. Tant qu’elle paie d’avance les primes de risque, je fais ce qu’il faut pour survivre, et voilà.
Une initiation, se dit-il, à moitié convaincu par sa pensée. Ils doivent vouloir faire paniquer les nouveaux avec leurs histoires.
-Et, que faut-il faire ? demanda-t-il, voulant voir où est-ce que la situation allait le mener.
-T’obéis à Jomah, tu joues pas au héros, tu gardes ton arme prête.
-Bon, intervint le second mercenaire. Maintenant, vous fermez vos gueules, tous les deux. Je voudrais dormir.
Van’Tet obtempéra, prenant la décision de remettre de quelques heures sa fuite et son retour sur Dakara.


-Ca faisait combien de temps ? demanda Daniel quelques heures plus tard.
-Selon votre calendrier affreusement compliqué, trois mois et douze jours, répondit Vala avec un sourire qu’elle réservait à son archéologue favori. Quoi de neuf, depuis ?
-Comme d’habitude, toute la Voie Lactée en danger, Mac Kay qui joue au con, et une ou deux nouvelles têtes là où je bosse.
-Atlantis ?
Jackson sursauta un instant, donnant un léger coup de coude à Vala par inadvertance.
-Désolé. Pourrais-tu éviter d’utiliser ce nom ? Je sais que tu en as eu les coordonnées avec le coup du Prométhée, mais, bon, c’est quand même sensé rester secret. Merci d’ailleurs pour avoir gardé ça pour toi.
-A quoi ça va me servir ? Personne n’a ce qu’il faut pour y aller…, répondit-elle en se référant aux hyperpropulseurs asgard qui seuls permettaient le trajet. Enfin, nouvelles têtes, tu disais ?
Il soupira, avant de répondre, “Oui, une certaine personne, très douée, et qu’on aimerait bien cerner.“
-Tu parles de moi, là ! répliqua-t-elle en lui donnant un petit coup entre les côtes.
-Hé !
-Donc ? poursuivit-elle avec un regard faussement inquisiteur.
-Non, même pas. Enfin, je n’ai pas trop envie de parler d’elle, surtout maintenant.
-D’accord, dit Vala, avec un léger rire. Ca me fait penser, tu aurais dû être là il y a quelques dizaines de jours. On s’est fait une virée du côté d’une prison serrakin.
-Pas pour le tourisme, si ?
-Pas vraiment. Un de mes hommes s’était fait avoir en amenant une cargaison d’armes dans une de nos caches. On est donc allés le sortir discrètement. J’étais restée sur les côtés avec l’armure Kull, pour donner un coup de main si ça tournait mal. Je n’ai pas arrêté de penser à toi.
-On se demande pourquoi, murmura Jackson en se souvenant de sa première rencontre, pour le moins particulière, avec la femme aux cheveux noirs de jais. Ça s’est bien terminé ?
-Comme d’habitude.
-Aïe, grimaça-t-il. A ce point ?
-Exactement. Je suis sûr que tu aurais adoré être là !
-Peut-être… après tout, ça pourrait même être reposant, d'un certain point de vue…
-Bon, reprit-elle avec un sourire. On a une journée chargée, aujourd’hui.

Elle se leva et se dirigea vers ses vêtements.


-Quelles conditions désirez-vous m’imposer, mademoiselle Stern ?
-Attendez un instant, répondit Anna, sur la défensive. Je n’ai pas encore dit que j’acceptais.
-En effet, mais votre posture, ainsi que de nombreux signes physiologiques que j’ai pu suivre depuis votre retour indiquent une prise de décision de votre part. De plus, votre peur semble plus être liée à une incertitude qu’à une menace claire. Ce que, à en croire vos propos, je pourrais représenter dans l’éventualité de votre refus. Ce qui, soit dit en passant, est une hypothèse erronée.
-Et là, vous enfoncez le clou en me rappelant que vous savez tout ou presque de ce que je fais… et de ce que je pense, conclut-elle en détournant le regard.
-Affirmatif. Mais votre coopération est suffisamment importante pour laisser place à des… aménagements. C’est pourquoi je vous demande les conditions que vous désirez y mettre.

Anna se figea quelques instants, puis releva la tête :
-Je veux avoir des précisions sur ce qu’il se passe vraiment. Sur ce à quoi va servir mon travail. Et je veux pouvoir me retirer de vos projets si je le désire.
-Tant que vous gardez le silence sur ceux-ci, cela ne me gène en rien.
-Je ne me tairai pas si ça met la Terre et les habitants de cette Cité en danger.
-S’il vous plait, soyez logique. Supposons que je mette votre planète en danger, ce qui serait bien au contraire contre-productif, pensez-vous réellement que je vous laisserais vous en rendre compte ? Voire même que je vous laisserais mettre mes plans en péril, si mince soit-il ? Vous comprenez bien que vous faire cette dernière promesse équivaudrait à vous insulter par un mensonge sans la moindre utilité. Bien sûr, ce mensonge soulagerait partiellement votre conscience, mais ce que je vous demande, c’est un investissement complet.
-Et, pour mes autres demandes ?
-Elles seront, dans la mesure du possible, accordées. Au cours du temps, puisque votre ignorance de certains des aspects de mes plans font partie de ceux-ci.

Anna déglutit, puis, lentement, acquiesça.

-Entendu. Je n’ai pas confiance en vous, Atlantis, vous me manipulez sans retenue, mais, il y a quelque chose qui me dit de jouer le jeu. C’est peut-être vous, comme quand vous avez agi sur mon sommeil, ou bien ma curiosité, je n’en sais rien.
Elle eut un petit rire.
-C’est ce qu’a du se dire Pandore… J’ouvre la boite.
-Vous pariez l’ensemble de votre espèce sur la base de votre intuition. Une qualité qui aurait été bien utile à mes créateurs durant leur déclin.
-Ca ne sera pas une qualité si je perds.
-En effet. Mais, rassurez-vous, je n’ai pas l’habitude de jouer pour perdre.
-Très rassurant…

Elle posa son ordinateur sur la table voisine et l’alluma, avant de demander :
-Sur quoi je vais devoir travailler ?
-J’ai mis à votre disposition l’ensemble des fichiers de données que je possède sur ces anciens protégés de mes créateurs. Il faudra que vous vous familiarisiez avec leur histoire et leur structure civilisationnelle. Ils s’étendent à présent sur une bonne part de leur galaxie, de manière clairsemée. J’ai déjà les données brutes, et une bonne partie de leurs interprétations logiques. Ce qui m’intéresse ici, ce sont vos impressions, vos idées.
-Et, pourquoi ? demanda Anna en s’attendant à la réponse qui allait venir.
-Je ne peux vous le dire, cela influencerait de manière irréversible votre analyse.


-Ho ! Debout !
Van’Tet se réveilla brusquement, et eut besoin de quelques instants pour se rappeler les évènements qui l’avaient conduit à dormir quelques heures à peine sous une tente posée à même le sol rugueux. Au bout de quelques secondes, son entrainement reprit le dessus, le tirant du sac de couchage sur lequel il s’était allongé.
-Allez, tout le monde en place, annonça Jomah. On a de la marche devant nous.
Le campement redoubla d’activité, alors que l’expédition se préparait hâtivement, les mercenaires désignés pour accompagner Vala préparant leurs paquetages.

Le jaffa, voyant que l’ensemble du groupe avait changé, se rapprocha de l’un des soldats :
-Hé ! dit-il en jouant tant bien que mal son rôle. Pourquoi est-ce que je suis avec vous ? Les autres peuvent dormir, garder le camp, je ne comprends pas.
La décision, si ses causes lui échappaient, n’était pas pour lui déplaire, signifiant qu’il pourrait affiner ses renseignements alarmants mais encore superficiels.
-T’es le nouveau, hein ?
-Oui.
-On fait tous notre premier job avec la patronne. Elle veut savoir c’qu’on a dans le ventre. Si tu merdes pas, que tu fais ton job correctement, tu le sentiras dans les primes et les boulots.
-Et… aurais-tu des conseils pour ne pas… merder ?
-Fais quelque chose, et fais-le bien. Tu obéis rapidement, elle apprécie, tu improvises et ça marche, elle apprécie, tu donnes un ordre à Jomah, il te casse la gueule, mais elle apprécie si c’est valable. Un conseil d’ami, elle aime ceux qui ont du culot. C’est comme ça qu’elle a reprit notre groupe, et c’est comme ça qu’elle nous enrichit.
-… D’accord ? hésita Van’Tet, qui ne savait quoi répondre.
-Ecoute, on va faire comme ça : tu restes avec moi, je t’apprends les trucs à savoir ici, et toi, tu ne passes pas pour un abruti. Enfin, pas plus que le nouveau standard.
Le jaffa regarda d’un air étonné le mercenaire à la carrure imposante, qui le toisait du regard.
-C’est “merci“, le mot que tu cherches, reprit celui-ci.
-Oh, oui, merci.
-De rien, on a toujours besoin de quelqu’un pour surveiller ses arrières, surtout dans ce genre de mission.
L’espion ne souleva pas la dernière remarque, l’attribuant au bizutage dont il devait être la victime.
-Au fait, continua le soldat, moi, c’est Ottar. Toi ?
-Van’Tet.

Il vit la mercenaire arriver quelques minutes plus tard, accompagnée de Jackson, qui portait comme elle son arme en bandoulière.

-On y va ! dit Vala en faisant signe à son escorte d’avancer, avant de se tourner vers Jackson. Des ruines comme tu les aimes. Anciennes, dans tous les sens du terme, avec plein de runes illisibles et que personne n’a visité depuis très longtemps… Je m’en suis assurée.
-Assurée… comment ?
-Celui qui nous a vendu l’info n’est toujours pas sorti de sa cellule. Pas avant deux bonnes semaines.
-… Je sais que je suis sensé m’indigner, mais je n’y arrive pas.
-Comme quoi, même le légendaire Daniel Jackson est corruptible. Il suffit juste de le payer avec ce qu’il aime.
-Pas un mot, d’accord ? Sans ça, Jack se foutrait de moi pendant des années. Déjà que quand il a appris pour nous deux, il s’est déchaîné, alors là…
Il haussa les yeux au ciel.
-Héééé ! répondit Vala. Il est sympa ! Il m’a même envoyé une maquette de votre vaisseau en souvenir de notre rencontre.
-Oui… celui dont les vidéos des caméras de surveillance du CIC ont fait le tour du SGC, titrées “Daniel se fait draguer par un super-soldat zombie“. Dois-je rappeler que c’est Jack qui a commandité ce coup ? On a eu de la chance qu’elle ne se retrouve pas sur Internet, celle-là. Donc, oui, Jack est quelqu’un de “sympa“, que je ne remercierai jamais assez pour m’avoir évité les ennuis administratifs que tu aurais normalement dû me causer, mais j’ai suffisamment subi son humour pour deux ou trois vies…



La planète rouge avait accueilli des sondes toujours plus nombreuses, la cartographiant depuis la surface ou l’orbite et renvoyant suffisamment d’informations sur Terre pour rendre techniquement faisable un voyage habité vers l’astre désert. Pourtant, les agences spatiales des différentes puissances n’en avaient rien fait, malgré une direction politique voyant d’un œil plus que favorable le développement de technologies spatiales purement terriennes.

La raison n’était pas financière, technologique ou encore astronomique, mais humaine.

Une expédition de ce type confinerait son équipage, forcément très limité, dans un environnement l’étant tout autant. Qui plus est, chacun de ses membres serait, comme tout astronaute, fortement sollicité pour des tâches complexes demandant aussi bien de la réflexion que de la dextérité. Des expériences avaient été faites avec des équipes de volontaires répartis en groupes totalisant les compétences requises pour le voyage.

Chacune des capsules, restées sur Terre, avait été mise dans des conditions identiques à celles du voyage. Les véhicules spatiaux, tenus dans une double coque elle-même plongée dans une large piscine sans lumière, avaient simulé l’environnement spatial profondément hostile, où la moindre avarie était potentiellement mortelle. Les ordinateurs gérant la simulation devaient, à partir d’un certain moment, générer aléatoirement des pannes, aux solutions existantes ou non, que l’équipage devrait résoudre avec l’aide d’ingénieurs éloignés de plusieurs minutes-lumière.

La majorité des huit “missions“ put arriver à sa destination, un décor de la planète rouge ayant nécessité des mois de travail pour demeurer fidèles aux informations officiellement connues de celle-ci. Mais toutes, les unes après les autres, subirent des incidents plus ou moins graves, culminant avec la tragédie de la dernière. Un ingénieur système, lentement poussé à bout par ce qu’un collègue ayant vécu dans une culture, dans un environnement différent, jugeait comme de l’humour destiné à maintenir une atmosphère vivable, avait finalement lâché sous la pression.

Le lendemain, l’astronaute canadien se noyait dans sa combinaison à présent défectueuse, alors qu’il effectuait une sortie pour réparer l’un des panneaux solaires, mettant fin aux ambitions martiennes des agences spatiales concernées.


Depuis plusieurs jours, Atlantis avait assigné une part toujours croissante de ses ressources à l’analyse des rapports de ces missions virtuelles, et aux innombrables articles et documents qui en avaient découlé.

Elle se rendait à présent compte qu’elle n’avait pas analysé tous les paramètres, qu’elle allait devoir changer la situation avant d’arriver à ce point limite apparemment imprévisible où les groupes commençaient à se déchirer. Surtout quand les cas étudiés en détail différaient de celui qu’elle surveillait sur plusieurs points particuliers. Le premier était une population de trois individus, face aux huit des missions documentées, qui pouvaient en plus contacter périodiquement leur planète. Le second était un stress considérablement plus élevé, dû aux évènements récents.

Il fallait agir vite, mais sans précipitation, conclut-elle en regardant le groupe manger –activité désormais quasi inutile mais psychologiquement stabilisatrice– dans un silence de mort, échangeant moins de mots que la veille, et, selon toute probabilité, plus que le lendemain.

Shanti n’était pas dérangée par le silence qui régnait au sein de la salle prévue pour un équipage bien plus nombreux que ses occupants actuels. Elle ne le remarquait quasiment pas, occupée à réfléchir à sa dernière discussion avec l’I.A., lorsque cette dernière lui avait indiqué le vrai motif de la mission qui l’attendait. La jeune femme avait écouté les explications d’Atlantis et finalement accepté de ne rien dire à ses deux collègues, avec qui elle parlait de moins en moins, les sujets de discussion s’épuisant à vue d’œil.

Elle avait peur. Peur de ses émotions, qui, plus que jamais, passaient d’un extrême à l’autre, et qu’elle s’efforçait de cacher derrière une attitude neutre, froide, aussi bien dans son comportement que dans son lien empathique. Elle perdait pied, depuis son réveil, depuis ses rêves, depuis Dakara, depuis l’évasion, depuis sa capture, depuis… depuis toujours.

Ses motivations lui avaient à chaque fois paru évidentes, un futur qu’elle construisait, pour elle-même ou pour les autres. Il pouvait être à long terme, comme lors de ses études académiques puis militaires, ou bien à court terme, lors de son évasion ou de la mission sur Dakara. Mais elle n’avait jamais, ou presque, agi pour l’instant-même. Les propos d’Atlantis lui avaient alors fait comprendre ouvertement qu’elle ne créait plus ce futur, qu’elle n’avait de contrôle que sur l’instant présent.

Et, sans un hypothétique avenir plus doux, elle avait peur. Peur de ces créatures qui l’avaient capturée, peur de ses semblables qui la voyait, avec raison, comme une menace, peur de l’I.A. qui la manipulait sans se cacher, peur des deux hommes en face d’elle dont elle ne comprenait pas les émotions.

Peur d’elle-même, meurtrière de masse, prête à mentir à ses coéquipiers qui l’avaient sauvée sur Dakara.

Peur de cette peur, et de ce qu’elle engendrerait dans son esprit.

Effrayée, elle mâcha lentement sa nourriture, dans un silence de mort, sans que son visage ou que son lien empathique ne trahissent en rien son état d’esprit.



La végétation, bien que présente, était suffisamment clairsemée pour n’offrir aucun obstacle visuel au groupe qui avançait au rythme régulier caractérisant les unités militaires rodées. Ainsi, le docteur Jackson put avoir un premier aperçu des ruines bien avant d’arriver à leur position.
-Est-ce que quelqu’un est allé voir ce qu’il y avait là-bas ? demanda-t-il à Vala.
-Non. Ca va être une surprise pour tout le monde ! Tout ce que je sais, c’est ce que celui qui m’a vendu l’information savait. Il avait pris quelques clichés des ruines, et ça ressemble assez à ce qui te plait pour que je t’appelle.
-D’acc… attends, tu veux me dire que tu as des photos des ruines ?!
-Depuis le début.
-Tu n’aurais pas pu me les envoyer ? Comment veux-tu que je fasse un travail correct sans toutes les informations.
-…Danny, arrête de te faire des illusions. Tu es ridicule et tu le sais.
-Pardon ?
-Ecoute, je suis déjà passée sur Terre.
-Et ?
-Et, Vala dit-elle, dans un ton où commençait à transparaitre de l’agacement, je me suis renseignée sur les archéologues. Tu sais, pour savoir ce qui ferait plaisir à un certain homme que j’adore !
-Oh.
-Oui, tu vois ce que je veux dire ? Si tu voulais faire un “travail correct“, tu serais arrivé avec une trentaine de personnes, et plein de matériel. Et tu viens avec quoi, une arme et un demi-sac d’outils ! Alors, maintenant, tu vas me faire plaisir, arrêter un instant de te prendre au sérieux et… profiter… de… ces… vacances !
-Hé ! Si j’ai pris cette arme, c’est que j’en aurai sûrement besoin !
Elle le prit par les épaules et le força à la regarder dans les yeux :
-Vacances. On est là pour décompresser, alors on avance. Tu vas jeter un œil à ce tas de pierres, tu vas insister pour me montrer des trucs dont je me contrefiche totalement. Moi, je vais gérer la sécurité, à moitié dévaster tes ruines, et on va passer une semaine géniale.
-Comme d’habitude ? lâcha-t-il finalement.
-Comme d’habitude.
-D’accord, mais cette fois-ci, n’oublie pas les détecteurs anti-Reetou.
-Pourquoi ? On n’en a presque pas eu besoin la dernière fois.
-Presque, c’est le mot.
-Tss, fit-elle en lâchant sa prise pour reprendre la marche.


Une demi-heure plus tard, la troupe arriva finalement à proximité des vestiges dont Daniel confirma rapidement la nature Ancienne. Caméra en main, il se rapprocha du seul bâtiment ayant une forme identifiable et se mit à observer de près sa surface, tandis que Vala donnait silencieusement leurs ordres à ses mercenaires, qui se dispersèrent en petits groupes autour de la zone.

Daniel feuilletait rapidement un livre particulièrement imposant au titre tenant sur trois lignes, rempli de très petits caractères séparés par bien peu d'espaces, et dont les illustrations, tristes à mourir, représentaient des symboles Anciens et d'autres que Vala ne su identifier. Quelqu'un s'était cependant occupé de décorer l'ouvrage ; ses marges étaient saturées d'annotations rédigées d'une écriture serrée, en vert, rouge, bleu et noir, et même au crayon ; des passages étaient barrés, corrigés, entourés, et des flèches courraient entre les lignes, slalomant autour de symboles tracés à la main et affreusement peu ressemblants. Des petits carrés de papier jaune ainsi que des pages quadrillées, porteurs d'autres ajouts manuscrits et tenus par des trombones, doublaient l'épaisseur du livre.
-Je vois que tu es toujours aussi organisé, commenta la mercenaire, malgré tout impressionnée.
-Ce truc est affreusement mal fichu, répliqua le docteur Jackson. C'est bourré d'erreurs et d'approximations.
-Et qui est le triste auteur de ce pavé ?
-Moi, il y a cinq ans.

Le docteur Jackson déposa précautionneusement quelques gouttelettes d'un liquide brun rouille sur une pierre blanche dépourvue d'inscriptions, patienta un temps apparemment bien défini, puis vaporisa quelques millilitres d'un liquide argenté translucide. Il appliqua ensuite sur la zone traitée une bandelette de papier grise, la secoua et observa le résultat.
-Voila pour les chimistes et les sceptiques, commenta-t-il quelques secondes plus tard. Ces ruines sont définitivement Anciennes.
-Donc tu n'étais pas juste en train de faire l'intéressant ?" insinua Vala.
L'archéologue l'ignora.
-Tu vois les petits points mauves, au dessus de cette ligne ? Cette pierre est de celle qui constitue tous les édifices Altérans. Nous avons mis du temps avant de parvenir à la différencier d'une roche normale - c'est à dire, mis à part le fait que les temples Anciens durent des millions d'années. L'unique distinction réside dans un champ magnétique infime au sein de chaque atome de carbone. Il s'agit probablement d'un symptôme de la manipulation plutôt que de l'explication véritable, mais c'est tout ce que nous avons. Nous ignorons d'où il provient, et personne ne comprend comment cela les rend plus résistant, mais c'est le cas.

-Donc, intéressant ? demanda-t-elle en reportant son attention sur Daniel, qui rangeait la bandelette dans un sac hermétique.
-Hmm ? Je crois que tu devras doubler la prime de ton informateur… ce qui ne veut pas dire que j’approuve son traitement, que ce soit clair.
-Bien sûr, bien sûr ! Qu’est-ce que tu as trouvé pour dire ça ? dit-elle en se rapprochant de lui.
-Ca ressemble aux quelques avant-postes qu’on a trouvé ces dernières années, mais avec des choses que je n’avais pas encore vu avant.
-Un intérêt… professionnel, donc ?
Il soupira.
-Combien ?
-Tout de suite les grands mots ! A t’écouter, on croirait que je suis vénale !
-C’est vrai, qu’est-ce que je dis… Après tout, ce qui est arrivé aux ruines de P2C-171 n’avait absolument rien à voir avec un retard de paiement.
-Rien du tout, et il n’y a aucune chance que ça se reproduise ici. Aucune !
-Je vois. Combien, donc ?
-Pas besoin de s’embarrasser avec ces détails, Danny. J’enverrai ça à Jack. Préviens-le, c’est tout ce que je te demande.
-Entendu…, dit-il, d’une voix lasse.
-Bon, reprit-elle avec son sourire aussi carnassier qu’infantile. Qu’est-ce qu’il y a là-dedans ?
-A première vue, on dirait un centre de communications, en plus de l’avant-poste.
-Attend, je plaisantais, là. On est arrivés il y a quelques minutes, et tu peux déjà me dire ce que sont ces vieilles ruines ?
-Comme quoi, on n’a pas forcément besoin de trente personnes et de matériel d’excavation lourd pour faire un travail correct, répondit-il, sarcastique.
-On voit l’expert, dit-elle d’un même ton.
-Bon, d’accord, en fait, tu vois ces runes, sur le mur là-bas ?
-Oui, qu’est-ce qu’elles veulent dire ?
-Hmm… “Centre de communications“.
-Oh, lâcha-t-elle en jetant un coup d’œil au mur susnommé, puis à Daniel, avant d’avoir une expression universellement connue comme signifiant “J’aurais dû le voir venir“.
-Oui.
-… Bon, dit-elle après quelques instants de silence gêné, je vais voir où en sont les autres, et je reviens, s’il n’y a pas déjà eu une catastrophe.
-D’accord, répondit l’archéologue, dont l’attention se focalisait sur le bâtiment en face de lui.



Le jaffa était à l’affut de toute conversation, de tout geste, pouvant lui révéler la véritable nature de la mission que Vala avait entreprise sur cette planète isolée. Ces… “vacances“… lui apparaissaient à présent comme un nom de code pour un type d’opération particulièrement sensible, au vu de la troupe qui accompagnait cette femme dont il ne doutait pas de la compétence militaire.

La présence d’une véritable légende vivante ne faisait que renforcer son opinion, et il était à présent certain qu’au-delà des apparences se tramait quelque chose de bien plus sinistre. Après tout, ni une mercenaire de haut vol, ni un humain ayant défait nombre de Grands Maîtres ne pouvaient avoir un tel comportement. Ils jouaient la comédie, forçant Van’Tet à déterminer si leur Plan mettait en danger sa nation et, le cas échéant, à prévenir ses supérieurs puis tenter de neutraliser l’opération.

Une telle tâche lui serait sans aucun doute fatale, l’espion ne se faisant que peu d’illusions sur le talent de ses éventuels adversaires. Il avait accepté l’issue, et, suivant les préceptes de son mentor, s’efforçait de préparer le combat à venir pour assurer le succès de sa mission.

Heure après heure, il mémorisait la configuration du terrain autour des ruines que le Terrien faisait semblant d’étudier entre deux discussions avec Vala, auxquelles il ne pouvait assister, le duo restant éloigné des soldats qui surveillaient attentivement les alentours.

Comme les autres, il patrouillait autour des bâtiments en mauvais état qui fournissaient le motif apparent du déplacement, mais son esprit était occupé à la tâche à laquelle il avait été formé pour sa mission dans l’Installation : observer, interpréter, préparer. Il devait agir sans précipitation, ne jamais oublier qu’il était loin d’avoir l’expérience et l’instinct pour faire des plans à la fois fiables et détaillés, tout en collectant les informations nécessaires pour savoir s’il devait ou non agir.

Je n’ai pas le droit à l’erreur, se dit-il en s’efforçant de ne pas laisser transparaitre ses craintes. Je dois savoir ce que les Terriens préparent, sans ça…

Faisant appel à ses connaissances sur les relations entre la Terre et Dakara, il se mit à réfléchir aux raisons expliquant cette rencontre. De tels mercenaires étaient, selon lui, un outil intéressant pour qui voulait frapper son ennemi sans que celui-ci ne puisse remonter au commanditaire. Mais les Terriens avaient de nombreux ennemis, déclarés ou non, qui pouvaient être la cible de cette troupe.

A moins que… un instant ! Pourquoi lui ? Pourquoi les Terriens ont envoyé une célébrité pareille pour une opération de ce genre ? Il est trop connu, trop haut placé. Ca veut dire que… que ces mercenaires veulent des garanties ! Ils veulent traiter avec les chefs, et ça, ça veut forcément dire une opération majeure !

Il observa Vala se diriger vers sa patrouille, et parler à Jomah, qui dirigeait le petit détachement :
-Jomah, tu envoie un message au camp, pour le vaisseau : Daniel est d’accord pour payer. Conditions habituelles, on envoie la facture à O’Neill, tout ça.
-D’accord, patronne. Je crois que je connais un intendant chez nous qui va apprécier les rentrées.
Le second se tourna vers Van’Tet et son voisin :
-Van’, Ottar, vous continuez la ronde, je vous rejoins dès que c’est fait.
Il partit d’un pas rapide vers le lieu où avaient été posés l’ensemble des sacs, et Van’Tet demanda :
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Hé, j’crois que la patronne vient une fois de plus de rentabiliser son voyage. Et le nôtre.
-Comment ça ?
-Simple, entre le pourcentage des bénefs faits pendant la sortie et la grosse prime de risque, tu vas avoir une jolie surprise chez l’intendant, en rentrant.
-Prime de risque ? Pourquoi ?
-Je ne sais pas encore, on verra.
-… D’accord.

C’est ça ! Elle vient de signer pour une mission importante. Et pourquoi ce “une fois de plus“… à quelle point est-elle liée aux Terriens ? Est-ce que Bra’tac se doute de tout ça ? Dans quoi est-ce que je me suis mis ? se demandait Van’Tet en reprenant la marche.

Le jaffa était à présent certain que les informations qu’il pourrait récupérer dans les jours à venir seraient d’une importance capitale pour sa nation et, s’il y survivait, pour son propre avenir. Il commença donc à élaborer son plan. Et si la première étape de celui-ci impliquait sans nul doute d’obtenir autant de détails que possible sur le projet mené par Jackson et Vala, il était crucial de préparer des moyens de communication ou, le cas échéant, de fuite. Le tout sans attirer l’attention des autres mercenaires.

Il allait être très occupé, une fois revenu au camp principal.



Plus rien n’était comme avant.

Les visages autrefois familiers lui inspiraient maintenant peur et appréhension, alors qu’elle avait consciemment signé un pacte, sans savoir avec qui. Depuis l’instant où elle avait accepté de ne pas transmettre toutes les informations à ses supérieurs, elle voyait chaque soldat, chaque visiteur, comme une menace, comme le visage de celui ou celle qui l’accuserait de trahison.

Et qui aurait raison.

L’environnement exotique et accueillant de la Cité était à présent une prison, où elle jouait à cache-cache avec ses semblables, les mensonges et les omissions venant prendre la place des relations de travail et d’amitié qu’elle avait formé avec difficulté.

Mais sa rencontre avec l’I.A. l’avait changée, lui donnant une personne à qui parler, plus réceptive que les humains. Anna savait, intellectuellement, que cette attitude était destinée à favoriser le contact, qu’Atlantis la manipulait, mais elle ne pouvait plus s’en passer. Solitaire de nature, la scientifique se voyait proposer une relation qu’elle n’avait jamais su établir auprès de ses semblables, et l’I.A. acceptait les conditions qui la rassuraient et lui permettaient de se convaincre d’avoir fait le bon choix.

Elle comprenait, dans les grandes lignes, comment elle en était venue, en une dizaine de jours à peine, à s’associer avec une entité pouvant mettre en danger tout ce qu’elle connaissait.

Mais elle ne resterait pas les bras croisés. Même si l’accord ne lui avait pas été imposé, qu’elle l’avait choisi, sa conscience lui dictait d’être active, de faire ce qu’elle pouvait pour s’assurer les meilleures chances dans la partie d’échecs où elle n’était rien de plus qu’une pièce.

Regardant le plafond de sa chambre, allongée dans le lit, Anna passait en revue ce qu’elle savait de sa situation.
Je veux préparer quelque chose pour faire face à qui ? Une I.A. infiniment plus vieille, intelligente et expérimentée que moi. Sheppard se fera un plaisir de m’éliminer si jamais qui que ce soit apprend pour mon accord avec Atlantis. En plus, elle sait exactement tout ce qui se dit, se fait et se prépare dans la Cité, et y est omnipotente. Qu’est-ce que je peux faire ? Rien. Atlantis me l’a suffisamment expliqué, et nous l’a prouvé…

Elle se leva et se dirigea vers la fenêtre qui donnait sur les ténèbres nocturnes, posant son regard sur l’océan. Celui-ci était éclairé par la Cité, révélant les vagues se brisant sur ses flancs.

Je ne peux rien faire pour l’instant, autant être franche, jouer le jeu, et saisir ma chance si elle se présente.

Elle prit une forte inspiration, profitant de l’air marin, avant de lâcher un profond soupir puis de revenir vers son lit pour s’y allonger sans un bruit. Ses pensées au moment de sombrer dans le sommeil furent, une fois de plus, pour Atlantis, s’étonnant de la vitesse à laquelle elle avait accepté la présence de cette entité l’espionnant jour et nuit, sans échappatoire.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 16 : Nouvelle donne

Contrairement à la poignée de vaisseaux terriens dans laquelle il avait navigué, le Ha’Tak ne présentait aucune logique apparente dans son agencement intérieur. Les formes symétriques de sa coque abritaient en effet une architecture chaotique et dépourvue de tout sens commun pour le jeune pilote expatrié. Le pont de commandement était à une extrémité, éloigné de tout et exposé aux tirs, comme ses instructeurs le lui avaient souligné. La salle des générateurs occupait une partie considérable de la section centrale et n’était séparée du vide que par une épaisseur de coque ridicule en comparaison de l’importance qu’elle avait à bord. Les hangars principaux étaient casés à proximité de celle-ci, entourés par les dépôts de munitions et de naquadah liquide destiné aux Planeurs embarqués.

Mais la connaissance de Carl se limitait aux faiblesses du vaisseau, faiblesses que sa formation lui avait appris à exploiter. Pour tout le reste, depuis les logements jusqu’aux cales, il naviguait pour ainsi dire dans le brouillard, se perdant régulièrement les premiers jours dans des couloirs identiques. Il y avait dans cette situation une certaine ironie, lorsque l'on savait que les murs du vaisseaux étaient littéralement couverts de toutes sortes d'indications utiles sur les chemins à suivre pour se rendre à peu prêt partout - pour qui, bien sûr, pratiquait le hiéroglyphe Goa’uld.

Mais si son arrivée ressemblait de ce aspect à celle à bord du Concordia, elle différait cependant fortement en un point particulier : le reste de l’équipage n’avait aucune patience pour le nouveau.

L’unité d’opérations spéciales qu’il venait d’intégrer n’était qu’un noyau particulièrement camouflé au sein de ce groupe de mercenaires, dont les règles étaient, comme il s’en apercevait brutalement, particulièrement différentes de celles de sa précédente affectation.

La structure hiérarchique stricte et les tâches cloisonnées se voyaient remplacer par un chaos cohérent où il ne parvenait pas à déterminer sa place. Dans son briefing introductif, un officier, sous la même couverture, lui avait fait comprendre qu’en temps que nouveau sans la moindre expérience ou réputation, il était, dans les faits, au plus bas de l’échelle sociale du bord. Et qu’il ne pourrait compter que sur lui-même pour être accepté. Il s’était vu donner une liste de noms, correspondant aux personnes qu’il ne pouvait pas se permettre de se mettre à dos, avant d’être libéré.

Et la liste était longue.

En une poignée de cycles de vie, qui n’avaient aucune raison d’être synchronisés avec les journées terrestres, il n’avait pas eu un instant à lui, occupé à suivre une formation accélérée ou à faire un quelconque travail pénible auquel lui donnait droit sa récente arrivée. A bord, les techniciens étaient bien moins nombreux que dans les vaisseaux et installations humaines, et il voyait fréquemment des mercenaires en train de travailler sur tel ou tel circuit d’une cloison pour la simple raison que nul autre n’était disponible pour faire le travail.

Jetant un coup d’œil sur le plan griffonné sur un carnet, le jeune pilote tourna dans la direction qu’il espérait être la bonne, marchant d’un pas rapide pour ne pas laisser l’impression qu’il puisse être inactif. Les premiers jours lui avaient appris à ne plus commettre cette erreur. Carl évita un groupe qui avançait dans la direction opposée, ses membres occupés dans une discussion d’où il dénotait des tensions qui, à la moindre erreur, pouvaient être relâchées sur lui. Finalement, il arriva à sa destination, le hangar de maintenance, un endroit dont il ignorait jusqu’à peu l’existence, et où une autre de ses illusions s’était vue broyer.

Plusieurs planeurs étaient posés à même le sol, tandis que s’affairaient autour d’eux une foule bigarrée qu’il allait rejoindre. L’appareil, pour lequel il n’avait reçu qu’une formation superficielle lors de son séjour lunaire, était souvent la cible du mépris général à bord du Concordia, mais constituait à présent son seul accès à l’espace. Un accès qui était loin d’être assuré, et pour lequel on lui avait expliqué qu’il devrait suer. Son jeune âge et son inexpérience quasi-complète en termes de matériel non-Terrien avait fait de sa formation de pilote une quantité négligeable pour les vétérans qui constituaient la quasi-totalité des mercenaires. Sans réputation ni compétence particulière, il ne présentait donc que peu d’intérêt pour le groupe en général et les mécaniciens en particulier, dont la priorité était de rendre fonctionnels les appareils de ceux qui rapportaient régulièrement l’argent de la paie.

Le système était fondamentalement différent de celui auquel il était habitué, mais ses supérieurs, qui organisaient des opérations de renseignement et d’action ne pouvant en aucun cas être rattachées à la Terre, lui avaient clairement dit de faire avec. En effet, un groupe privé ne pouvait pas, sauf réussite exceptionnelle, arriver à un niveau d’organisation aussi efficient et complet que les forces militaires, pour la simple question des frais d’entretien. La couverture étant la priorité absolue, il allait devoir s’adapter aux nouvelles conditions, sans faire de vagues. Ses compétences, lui avait-on expliqué ouvertement, étaient moins importantes que le maintien des apparences.

Surtout quand l’absence de matériel terrien les rendait en grande partie inutiles, quelque soit le niveau de performance du matériel sur lequel il avait été formé.

-T’es là ! Ramène ton cul, gamin, on a du boulot pour toi ! l’interpella un mécanicien.
Il obéit sans broncher, sachant qu’il était venu pour cette raison précise.
-Bonne nouvelle, on a enfin un planeur pour toi. Il vole et il tire presque quand tu veux.
-Merci, dit-il sans la moindre ironie, se rendant compte que les deux qualités énoncées n’étaient pas assurées d’avance.
-Bon, j’ai vu le patron, dit-il en désignant de la tête le chef-mécanicien, un jaffa expatrié à l’âge incertain qui avait la haute main sur toutes les activités techniques du bord. Il te laisse huit cycles pour réparer le bazar avant de récupérer les pièces pour les autres.
-Mais, je croyais qu’il volait ?
-Je t’ai dit qu’il volait, j’ai pas précisé pour combien de temps, ni si tu pouvais respirer dedans.
-…
-Bon, écoute, je suis sympa, alors on va faire comme ça : t’es pas le seul nouveau ici. On a un p’tit gars qui vient d’arriver. ‘parait qu’il se débrouille côté planeurs, mais je vais pas le laisser foutre en l’air celui de quelqu’un d’utile si c’est que de la frime. Tu vas bosser avec lui. Si tu peux voler dans huit cycles, je te le laisse, qu’il fasse les conneries chez toi et que t’aie quelqu’un pour t’aider. Sinon, faudra que tu trouves quelque chose à faire pour justifier ta paie, l’as. Allez, au boulot !
Il revint vers un planeur éventré, sans attendre la réponse du jeune homme, indiquant d’un geste un autre appareil au fond du hangar.

S’approchant de son appareil flambant usagé, il distingua une silhouette qui s’affairait derrière l’une des ailes, et s’avança pour rencontrer celui dont dépendrait tout son avenir dans cet environnement auquel il s’adaptait avec difficulté.

-Salut, dit-il en contournant l’aile, avant de se faire accueillir par un grognement.
Il se figea.

Logique. C’était trop beau.

Le Unas devant lui se releva et avança vers lui. Carl lutta pour réprimer un mouvement de recul instinctif, quand son nouveau mécanicien pointa un bras vers lui et qu’une voix synthétique sortit d’un appareil sur son torse, légèrement désynchronisée avec ses paroles, incompréhensibles pour le jeune pilote.

-Nous sommes. Equipe. Tu échoues. J’échoue. J’ordonne. Tu écoutes. Tu fais. Le planeur sera. Réparé. Es-tu. D’accord. ?.
Le rythme saccadé du traducteur lui rappela sa vie avant le Programme, la machine connaissant les mêmes problèmes d’élocution que les systèmes d’annonce automatiques. Un instant de nostalgie après, il répondit :
-D’accord. Tu me dis ce que je dois faire, et on répare cet engin de malheur.
-Très bien. Je répare le. Stabilisateur. De l’aile. Gauche. Tu feras la. Même chose. Sur l’aile. Droite.
-Compris. Au fait, moi, c’est Carl. Tu t’appelles comment ?
-Ithek.


Lorsque son mécanicien lui tourna le dos pour reprendre son travail, Carl leva un instant les yeux en l’air.
Dommage que j’ai pas pris Unas LV2 l’année dernière. J’aurais pu me la jouer Han et Chewbacca. Enfin, le style en moins.
Il reporta son regard sur le planeur délabré.
Si c’est ça, mon Falcon, je suis vraiment mal barré. Enfin, je vais voir ce qu’il a dans le ventre… Littéralement…



-Daniel…
-Hmm ? répondit l’archéologue, sans détourner la tête du mur devant lui.
-Tu peux me dire ce que tu trouves de si fascinant, là ? Parce que tout ce que je vois, c’est un tas de cailloux empilés proprement, et j’aimerais savoir en quoi ils me font de la concurrence.
-J’aurais envie de répondre qu’ils sont un peu plus calmes, mais tu risquerais de mal le prendre.
-Je risquerais.
-Donc, je vais une fois de plus faire preuve de sagesse et dire que l’intérêt n’est que professionnel, conclut-il en se retournant.
-Bon, grand sage, sérieusement ?
-Sérieusement ? J’ai un certain… intérêt pour les vestiges Anciens, tu devrais le savoir, depuis le temps.
-Je sais, mais pourquoi ceux-là en particulier ?
Daniel soupira et posa au sol son appareil photo et son PDA.
-Comment ça ?
-Tu passes plus de temps que d’habitude dessus. Il doit y avoir quelque chose de spécial, non ?
-Qu’il faudrait que tu saches avant que Jack ne paie, c’est ça ?
-Non. Enfin, pas uniquement.
-Concrètement, je ne sais pas s’il y a vraiment quelque chose de nouveau. C’est juste… en fait, certaines indications ici font référence à des informations que j’ai eu… là-bas.
-Des infos que tu ne peux pas me passer, bien sûr.
-Bien sûr, dit-il en sortant un livre de son sac.
-Fantastique, répondit-elle, lassée. Et, sinon, ça parle de quoi, ce charabia sur le mur ?
-Ca, c’est juste un panneau d’avertissement. “Accès interdit aux personnes non-autorisées“, ce genre d’euphémismes qu’affectionnent les administrations depuis des millénaires.
-Donc, pas de découverte qui va changer tout l’équilibre des pouvoirs ?
-Non, dit-il en cherchant une page dans son ouvrage.
-Pas non plus de trésor enfoui ?
-Pas que je sache, fit-il, accroupi, en comparant une photo dans le livre avec le mur en face de lui.
-Et pas de piège qui va s’activer et nous mettre en danger de mort dans un instant ?
-Je ne répondrai pas à cette question, Vala. Je suis prudent et responsable, moi.
-Très bien.
Elle inspira profondément et avança lentement vers l’archéologue avant de se mettre entre lui et le mur, se baissant pour croiser son regard :
-Alors, tu as une heure, Daniel Jackson. Ensuite, s’il n’y a pas eu de catastrophe assez spectaculaire pour égayer cette journée, je vais prendre les choses en main personnellement.
-C’est-à-dire ? répondit-il en levant un sourcil d’une manière qui aurait fait la fierté de son frère d’arme Jaffa.
-C’est-à-dire, lâcha-t-elle avec un sourire que n’importe quelle créature mâle de cette galaxie et d’autres aurait perçu avec raison comme un signe de danger imminent, que nous allons nous promener, visiter un peu les environs. Et. Profiter. De. Ces. Vacances.
Il ferma son livre.
-Je n’ai pas le choix, hein ?
-T’as tout compris, fit-elle en changeant de rictus, son sourire devenant cette fois-ci particulièrement engageant.
Ce que Daniel, connaissant son interlocutrice, trouvait bien plus inquiétant.



Une fois le camp installé, les soldats qui y demeuraient patrouillaient la zone, assurant la sécurité de leur base maigrement équipée. Cette tâche était considérée différemment selon les individus. Les recrues récentes avaient tendance à perdre rapidement de leur concentration, ne distinguant rien de suspect sur leur chemin à la surface d’une planète dont l’expédition devait représenter la majorité des habitants. Les vétérans, eux, étaient sur le qui-vive, leur expérience leur intimant de craindre ce calme qui ne pouvait qu’annoncer le pire à trop court terme. Van’Tet, lui, ne prêtait qu’une attention toute superficielle à son environnement, mais restait néanmoins particulièrement stressé, cherchant à s’organiser pour réussir à transmettre ses informations.

Personne n’est laissé seul. La réserve d’armes est surveillée, et presque tout le monde est sur ses gardes, jour et nuit. Si je tente de m’enfuir, ils me rattraperont à coup sûr. Il faut quelque chose pour les occuper, le temps que j’atteigne la Porte. Une diversion…

La veille au soir, il avait jeté un bref coup d’œil au matériel que ses colocataires avaient avec eux, et déduit qu’il aurait besoin de matériel supplémentaire, quelque soit son plan. Et pour cela, il devrait attendre d’être en poste au niveau du petit stock de matériel tenu à proximité des tentes.

Toute la difficulté était d’avoir un plan d’ici-là.


La porte coulissa sans un bruit, ouvrant l’accès à la salle d’observation. La jeune femme qui y était présente, distingua parfaitement le courant d’air provoqué par le changement survenu l’instant plus tôt, mais resta immobile, sans laisser transparaitre sa perception du nouvel arrivant, qu’elle avait identifié avant qu’il entre dans la pièce.

-Salut, dit cordialement Campbell. Quoi de neuf ?
-Rien, répondit Shanti après un silence de quelques secondes.

Le pilote traversa d’un pas lent la pièce immaculée. Celle-ci avait, en guise de parois, une imposante baie vitrée qui rappelait sans cesse au militaire qu’il avait quitté l’abri de la coque massive. Ne prêtant qu’un regard détaché vers le vide interstellaire qui l’entourait, il vint s’asseoir près de la jeune femme.

-C’est calme, dit-il laconiquement.
Après quelques secondes sans réponse, il reprit :
-C’est bizarre, quand même…
Nouveau silence, qu’interrompit cette fois Shanti :
-De quoi ?
-Tout. Tout ce qui nous arrive depuis le coup du Bellérophon. J’ai eu ma part de trucs étranges, le commandant aussi, mais ça… tout ça…
-Peut-être.
-Pas très loquace, hein ?
-…
-Ca aussi, ça me… je ne sais pas comment dire. Me manque ? Tu étais hésitante, aussi pro que possible, mais tu cherchais tes marques. Maintenant, tu n’alignes plus trois mots.
Elle lâcha un très léger soupir.
-On est tous sur les nerfs, Shanti, continua-t-il. Tous, et ça doit être foutrement dur pour toi. Je veux dire, tu n’avais rien pour te préparer à tout ce qui est arrivé… Comme si on pouvait s’y préparer… Enfin, ce que je veux dire, c’est que tu ne peux pas te renfermer comme ça. Tu vas craquer, si tu gardes tout pour toi.
-Et qu’est-ce que je devrais faire, selon toi ? dit-elle après un nouveau silence.
Il tourna sa tête vers elle :
-Je ne sais pas. Peut-être parler. Ou bien…
-Ou bien faire comme avant ? Comme si les choses étaient normales ? murmura-t-elle d’une voix faible.
-… pourquoi pas.
-Je… ne peux pas.
-Je sais.

Pendant plusieurs minutes, ils restèrent ainsi, sans bouger, ni parler, jusqu’à ce que le silence soit à nouveau brisé.
-Merci, souffla Shanti.
-Pour quoi ?
-Dakara. Atlantis m’a expliqué ce qui serait arrivé si tu n’étais pas venu à ce moment-là. Je me serais… consumée.
-On est une équipe, Shanti.
-J’ai failli te tuer, comme tous les autres, là-bas.
-Ca n’est pas ta faute.
-Bien sûr que… commença-t-elle avant d’être interrompue lorsque Campbell la prit par les épaules.
-Non. Atlantis nous a envoyé au feu avant d’avoir pu nous former complètement, avec du matos prévu pour les Anciens, pas pour nous. La même chose me serait arrivée, à ta place.
-Tu n’en crois pas un mot.

Elle avait prononcé la dernière phrase comme une évidence, et, devant le regard surpris du pilote, expliqua :
-On ressent chacun une partie des émotions des autres, Thomas. Tu te dis que mon manque d’expérience à joué, tout comme mes sentiments sur tout ce qu’il se passe.
-Ca a peut-être joué, Shanti, mais on aurait très facilement pu perdre le contrôle, moi, ou bien le commandant.
-Mais vous ne l’avez pas fait, répondit-elle en se levant.

D’un pas décidé, elle avança vers la porte, avant de se retourner et de croiser le regard de son coéquipier, qui ne savait plus quoi dire.
-Merci quand même, dit-elle avec un sourire triste.



-Alors, du neuf ?
-En fait, oui, répondit Daniel. Je crois que l’installation est encore alimentée, et j’ai trouvé une interface de contrôle.
-Catastrophe, ou pas catastrophe ?
-Rien, mais…
-Mais je m’en fiche ! Tu auras tout ton temps après pour voir ton interface. Moi, dans une semaine, je dois finaliser la vente de produits culturels de luxe terriens fabriqués sur Veonas-11.
-Tes clients sont au courant pour la dernière précision ?
-Non.
-Et… est-ce qu’ils savent au moins à quoi doivent ressembler ces… “produits culturels“ ?
-Non plus.
-Et… tu n’as pas un tant soit peu honte de les arnaquer ainsi ?
-Absolument pas. Et puis, ce n’est pas une arnaque, puisqu’ils seront contents de ce qu’ils vont acheter.
-Mais pourquoi est-ce que je reste avec toi ? demanda l’archéologue en rangeant finalement tout son matériel.
-Parce que je suis la seule personne sur deux galaxies qui représente un quelconque défi pouvant rendre ta vie intéressante, et qu’on est faits l’un pour l’autre, même si tu as mis le temps pour le reconnaitre.
-Dit comme ça…
-Et puis, à part moi, tu serais avec qui ? Cette Sarah, qui passe encore plus de temps que toi le nez dans ses bouquins ?
-Hé ! Il n’y a plus rien entre elle et moi !
-On dit ça. N’empêche, tu dois être attiré par son côté “j’ai été l’hôte d’un Grand Maître“. Ca doit avoir ses… avantages.
-Tu peux parler, miss “je reprends le rôle de Qetesh dès que j’atterris sur une planète isolée“, répliqua-t-il avec un sourire narquois.
-Au moins, j’ai une vie en-dehors des livres et des ruines.
-Qu’est-ce que je dois comprendre, là ?
-Ce n’est pas contre toi, Danny. Toi, tu fais quelque chose, contrairement à elle. Enfin, si, elle essaie de me piquer ma proie.
-Tu exagères…
-Et bien invite-là à nouveau dans une de nos sorties, comme l’autre fois, quand ces ruines étaient si importantes qu’il fallait absolument qu’elle les voie sur-le-champ.
-Ohhhhh non, je ne referais plus cette erreur. Tout simplement parce que Jack me l’a formellement interdit depuis qu’il a dû s’expliquer avec la moitié de la galaxie pour ce qui s’est passé.
-C’est toi qui exagères, maintenant, dit-elle en prenant un air blasé.
-D’accord, alors, la prochaine fois, c’est toi qui iras expliquer aux Jaffas pourquoi il y a une nova sur leur principale route commerciale.
-C’était pas ma faute !... et elle m’avait traitée de “surexcitée, dingue de la gâchette“.
-… Rien à ajouter, votre Honneur.
-Tu aurais dû me soutenir, sur ce coup-là.
-Permets-moi d’en douter…
-Hé, même tes collègues étaient d’accord avec moi !
-Mes… collègues ? demanda-t-il, étonné.
-Oui, j’ai reçu un message, deux jours plus tard. Docteur Mac quelque chose. Il disait qu’il comprenait parfaitement ma situation et que j’avais raison.
-… Je vais le tuer, soupira Daniel en se couvrant le visage avec ses mains.



Il avait un Plan. Discutable, basé sur un trop grand nombre d’hypothèses confirmées par trop peu de faits, mais un Plan quand même. Il allait provoquer un accident qui obligerait une partie du groupe à revenir au vaisseau en urgence. Si, comme il l’espérait, le vaisseau en question était suffisamment loin de la planète où il se trouvait, la Porte serait la seule solution. Il ne lui restait plus qu’à justifier son départ avec le groupe, et il pourrait le neutraliser par surprise une fois à destination.

Il lui restait encore quelques détails à mettre au point, comme la nature de l’accident, la manière d’être sûr de partir avec les autres vers la Porte, et comment neutraliser en quelques secondes un groupe de mercenaires expérimentés, bien armés, et apparemment paranoïaques. Mais, en tout et pour tout, c’était son meilleur Plan.







Il avait failli s’étouffer lorsque l’un de ses supérieurs, à la sortie du simulateur, lui avait dit de but en blanc qu’il devrait tout simplement réapprendre à piloter, entre deux commentaires sur les efforts qu’il aurait à faire pour gagner sa paie. Le jeune pilote avait pourtant rempli l’ensemble des objectifs de la mission qui lui avait été présentée, en appliquant toutes les règles qu’il avait appris durant ses années de formation. Il se vit alors expliquer qu’il s’agissait précisément du problème.

Ignorant délibérément des cibles sous prétexte qu’elles avaient émis un signal de reddition, ou préférant attendre une meilleure opportunité plutôt que d’ouvrir le feu à proximité d’appareils civils, il avait échoué dans le véritable but de la simulation. Il faisait l’erreur de se comporter avec “fair-play“, et, selon l’officier, mettait tout le monde en danger.

Ses leçons suivantes l’avaient pris au dépourvu, représentant selon ses tuteurs des enregistrements de cas réels, rencontrés lors d’opérations au fil des ans. Contrairement à cette première simulation, il se faisait abattre ou causait la perte d’un ailier parce que tel ennemi n’avait pas ses scrupules. Il s’était fait tirer dessus au milieu d’appareils civils, avait vu un appareil endommagé quitter le combat avant de revenir le détruire, un autre faire semblant de perdre le contrôle pour mieux le laisser approcher. Petit à petit, il comprenait ce que son chef d’escadrille, membre comme lui du groupe d’opérations spéciales, lui avait expliqué le premier jour.

Les scrupules, c’est bon pour les soldats et les civils, se rappela-t-il, et tu n’es ni l’un ni l’autre, juste un mercenaire.

Regardant dans l’écran du simulateur le vaisseau qu’il était sensé escorter au cœur d’une zone dangereuse, il se rappela brutalement de ses patrouilles à bord des appareils terriens. Depuis qu’il était arrivé à bord du Ha’Tak mercenaire, il n’avait pu décoller ou piloter quoi que ce soit d’autre que l’outil d’entrainement, son appareil restant cloué au sol pour des raisons qu’il commençait enfin à comprendre. En effet, Ithek, son mécanicien, ayant besoin d’une seconde paire de bras pour réparer l’épave qui lui avait été attribuée comme chasseur, lui expliquait avec le rythme saccadé de son traducteur la fonction de telle ou telle pièce.

Mais il n’avait pas avancé en quoi que ce soit dans ce qui l’avait décidé à adopter cette nouvelle vie : comprendre ce qui lui était arrivé lors de l’embuscade tenue à sa patrouille. Il se rendait à présent compte qu’il avait dû inconsciemment imaginer le contraire de ce qu’était cette unité particulière. En lieu et place de missions spectaculaires et dangereuses avec des prototypes équipés du meilleur matériel que la Terre pouvait fournir, il allait devoir mener des vols probablement tout aussi répétitifs qu’auparavant, à bord d’une épave partiellement réparée, pour avoir peut-être la chance de glaner quelques informations sur le dessous des évènements.

Ou, pour être plus simple, le côté glamour des services secrets lui échappait après quinze heures de réparation et d’entrainement auxquels il ne pouvait échapper, par manque d’expérience et de relation dans la société que formait la compagnie de mercenaires noyautée par l’unité d’opérations spéciales.

Sortant de la capsule brune, dont l’intérieur reproduisait à l’identique les commandes d’un Planeur, il vit une femme appuyée sur une cloison, parlant avec son instructeur. Voyant ce dernier quitter la pièce, il se rapprocha de la nouvelle arrivante, qui lui faisait signe de venir la voir.

-Alors, lieutenant, l’acclimatation ? demanda celle qu’il avait reconnue comme l’un des officiers de renseignements de l’unité terrienne.
-Je m’adapte, major.
-Je vois ça, je vois ça. Le commandant est content de voir que vous mettez la main à la pâte sur votre chasseur.
-Je n’avais pas vraiment le choix, si ?
-Non, mais vous l’avez compris plus vite que la majorité de nos jeunes recrues. D’ailleurs, j’ai quelque chose pour vous. De quoi faire en sorte que vous soyez prêt pour votre première mission.
Elle lui tendit un bloc cristallin sur lequel avait été ajouté, de manière particulièrement inesthétique, un écran et un clavier d’origine Goa’uld, le tout étant à peine plus gros que sa main.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Bonne question. Un assistant de réparation Serrakin. Il compare la surface étudiée avec ses plans, signale les problèmes, et propose des corrections. Pas fiable à cent pour cent, mais ça devrait faire plaisir à votre mécano, et vous donner une chance d’être prêt.
-Merci beaucoup, répondit-il sincèrement.
-Ne vous en faites pas, lieutenant. Vous prouvez que vous faites ce qu’il faut pour maintenir notre couverture, et on s’arrange pour mettre les chances de votre côté. C’est le boulot des renseignements.
Il acquiesça, son regard faisant l’aller-retour entre sa bienfaitrice et l’appareil.
-Une dernière chose, dit-elle. Essayez d’éviter de vous faire voir avec cet engin pour l’instant. Il n’est pas enregistré, donc personne ne peut vous accuser de l’avoir volé, mais rien n’empêche non plus qu’une personne… pressée… se considère prioritaire pour un tel matériel.
-Entendu. Merci beaucoup.
-Bah, vous me remercierez moins quand vous aurez vu dans quoi vous vous êtes vraiment embarqués. Mais, en attendant, de rien, lieutenant.

Avec un clin d’œil, elle s’éloigna du jeune homme, qui, sans la quitter du regard, rangea aussi bien que possible le dispositif dans ses vêtements avant de prendre la direction opposée, se dirigeant vers la baie d’entretien.



Van’Tet avait observé de loin le retour du groupe mené par la femme aux cheveux noirs de jais, soulagé d’avoir pu terminer ses préparatifs quelques heures plus tôt. Il avait à présent de quoi générer une diversion, mais celle-ci ne pourrait être efficace qu’en présence d’une opportunité quelconque, qu’il se savait incapable de créer, en sa position actuelle. Prenant son mal en patience, il se rapprocha donc du couple de VIP, décidé à compléter au mieux ses informations avant de retourner sur Dakara.

Daniel Jackson était partagé, une partie de lui insistant pour ne pas perdre de temps et continuer l’étude de l’interface de commande qu’il avait trouvé dans les ruines, l’autre lui indiquant calmement qu’il était en très bonne compagnie et qu’il serait stupide de ne pas profiter de l’instant présent. Le compromis présenté par Vala, lui laissant quelques heures par jour pour continuer son travail avant de l’en éloigner pour des “instants privilégiés“, ainsi qu’elle les appelait, semblait lui convenir. Et, avantage supplémentaire, il ne pensait presque plus à l’I.A. ou au premier contact moins qu’idéal dont il avait été témoin quelques semaines plus tôt.
Il lui avait fallu quelques années pour accepter ses sentiments à l’égard de la femme qu’il accompagnait, dressant au début un bouclier de cynisme et de sérieux pour repousser ses avances. Ayant vu les différentes femmes qui avait occupé un tant soi peu d’importance dans sa vie être les victimes des parasites contre lesquels il avait lutté une décennie entière, il s’était créé un blocage, s’associant inconsciemment au sort connu par Sha’re. S’il avait fait le deuil de son épouse, il avait gardé une part de culpabilité, se comportant comme s’il était la cause de cette malédiction qui le suivait. Mais après l’incident du Prométhée, la mercenaire l’avait pour ainsi dire traqué, prenant contact avec lui aussi souvent que possible, alors qu’il était encore membre actif de SG-1. Il avait alors gardé son masque de sérieux face à elle, mais, lui comme les autres membres de l’équipe se rendaient compte que celui-ci se fissurait petit à petit sous les assauts répétés au fil des ans et des rencontres souvent explosives entre la mercenaire et le commando terrien. Pour autant, aucun de ses coéquipiers ne lui en avait fait part, ne sachant pas comment, eux, la seconde génération ayant remplacé tous les membres originels, pouvaient expliquer une telle chose à quelqu’un comme le docteur Jackson, véritable chef officieux du groupe.
Finalement, le hasard, les émotions, douze kilos de naquadriah et une course-poursuite effrénée dans les bas-fonds d’Hébrida eurent raison de ses dernières inhibitions.

Vala Mal’Doran, elle, oscillait entre l’ennui ferme en regardant son amant s’attarder sur des ruines dont la vente avait été conclue la veille, aux dires du message de son vaisseau, et une détente qu’elle ne trouvait qu’aux côtés de quelqu’un comme Daniel. Celui-ci était comme elle sur de nombreux aspects, et totalement différent sur d’autres, comme de nombreux aventuriers qu’elle avait rencontrés au cours de ses pérégrinations, mais seul l’archéologue de combat avait présenté la bonne sélection de ressemblances et de différences à ses yeux. Tant idéaliste que cynique à ses moments, doté d’un flegme nourri par des années de situations aussi absurdes que désastreuses, le quadragénaire était fait pour elle, et elle savait que, tôt ou tard, lui ou elle prendrait sa retraite et irait vivre chez l’autre. Ces pensées étaient habituellement accompagnées d’un sourire qu’elle associait à son innocence, état d’esprit qui avait pourtant été détruit et calciné par le Goa’uld qui s’était emparé d’elle des décennies auparavant, mais que son amant avait plus ou moins ramené. En effet, après l’avoir rencontré, elle avait commencé à avoir un comportement décalé, presque puéril, en repensant à celui qu’elle avait capturé à bord de ce vaisseau aux formes étranges. Et elle adorait pouvoir arborer ce sentiment d’adolescente attardée qui pouvait basculer d’une seconde à l’autre à celui de professionnalisme tactique sans le gêner en aucune manière et en sachant qu’elle pouvait compter sur lui pour réagir au quart de tour dans les coups durs. Si, en plus, il lui offrait un appui non négligeable pour maintenir sa relation “particulière“ avec les autorités terriennes, ça n’en n’était que mieux. La priorité pour divers renseignements et artefacts anciens qu’elle trouvait, associée à ses relations, avaient en effet réussi à convaincre qui de droit de regarder ailleurs lors de ses activités d’import/export, tant que celles-ci se limitaient à des produits non-critiques. Et elle savait apprécier les grincements de dents aussi stridents qu’inutiles des nombreux bureaucrates et militaires qui lui gardaient étrangement rancœur de son emprunt du Prométhée.

La realpolitik avait quelques aspects agréables.

Elle avait fait de l’indépendance sa valeur première, mais était heureuse d’avoir trouvé quelqu’un sur qui pouvoir s’appuyer et, surtout être elle-même, ce qu’elle avait failli perdre, entre la longue possession et sa carrière de mercenaire freelance.


-Sinon, où en est Jack, là ? dit la meneuse des mercenaires, alors que l’espion arrivait à portée de voix.
-La dernière fois, il était en Antarctique, à surveiller un petit projet qui lui tient à cœur.
-Comment ça ?
-Oh, juste un développement des techniques de modifications génétiques de Beckett. A mon avis, c’est moins le projet lui-même que le sujet qui attire son attention. Et puis qu’on le stocke dans la capsule de stase où il a passé quelques mois, ça doit faire jouer sa nostalgie.
-Pourquoi faire ça ?
-Ca dure depuis quelques années, Vala, et on a le problème de l’espérance de vie. Et en plus, ils ne sont pas sûrs de savoir ce que font exactement toutes ces modifications.
-Qu’est-ce que tu me racontes ? Vous êtes en train de préparer des mutants sans savoir ce que vous faites, c’est ça ? Et c’est moi la folle dingue ? demanda-t-elle en s’arrêtant de marcher.
-Si, si, ils savent ce qu’ils font, c’est juste que c’est des technologies Anciennes, et, bon, on n’est pas parfaitement sûrs et certains de tout. Et puis, il faut prendre en compte les différences biologiques, c’est pas comme si on travaillait sur un être humain.
-Et donc, tout ce machin incompréhensible intéresse Jack ? Le Jack qu’on connait tous les deux, celui qui appelle à l’aide au moindre problème technique ?
-Tu n’es pas honnête, Vala, il ne réagit pas tout le temps comme ça.
-Oui, ça lui arrive aussi de vider son chargeur dans le problème technique.
-… Bon, je dois admettre que tu cernes bien le personnage, mais, oui, il passe de temps en temps là-bas pour se tenir au courant. Enfin… Ah, si, j’ai failli oublier, j’ai un message de sa part pour toi.
-Tiens ?
-Bon, je passe l’humour subtil et délicat sur nous deux, mais il voudrait juste que la prochaine fois que tu viens récupérer de la contrebande, tu arrêtes de traumatiser tous les fermiers du voisinage.

Elle prit un regard ingénu, et Daniel soupira.

-Vraiment, reprit-il. Je suis d’accord avec lui, c’est très amusant, sûrement, mais tu ne lui facilites pas la vie. Il doit étouffer les affaires, trouver une explication logique à balancer à la presse. Et puis, j’ai vu les photos de tes “œuvres“.
-Il faut bien atterrir quelque part, se défendit Vala.
-Oui, mais pourquoi dans le seul champ à dix kilomètres à la ronde, alors qu’il y a des clairières juste à côté, des prairies… et que ton vaisseau a un système de camouflage ?
Elle ne répondit pas, préférant garder un large sourire.
-C’est bien ce que je pensais. Je n’aurais jamais dû te faire regarder X-Files, jamais.



Anna soutenait sa tête de deux doigts en L, le pouce déformant sa joue gauche et l’index étirant le sourcil vers le haut en une mimique intriguée. La jeune femme restait immobile, absorbée par son travail, n’était le majeur de son autre main qui appuyait régulièrement sur la même touche de son clavier, faisant défiler les rapports fournis par Atlantis. Bien que consciente de la vanité de la chose, elle tâchait d’imaginer l’usage qu’Atlantis pourrait bien faire de son analyse de ces situations. Sans grand succès.

- Tu sais que si la porte s’active maintenant, tu resteras bloquée comme ça ?
- Quoi ? balbutia la jeune-femme, se redressant et cherchant le propriétaire de la voix.

Instinctivement, elle baissa à demi l’écran de son ordinateur, geste qui ne pouvait avoir échappé à son interlocuteur. Bien qu’ayant noté l’absence de ressemblance avec le timbre féminin et inexplicablement étranger d’Atlantis, elle s’aperçut qu’elle ne s’était pas attendu à découvrir un individu en chair et en os. La jeune doctoresse écarquilla les yeux, effarée.
- C’est une alternative au coup de vent qui coince les grimaces sur les visages. Encore à l’étude.
- Johann ? fit-elle, incrédule. Mais… qu’est-ce qui est arrivé à…
- Ah, ça ? fit le professeur d’un ton nonchalant en passant une main dans sa chevelure. Et bien, il y a une semaine, j’étais en train d’examiner avec toute la prudence qui s’imposait un petit appareil atlante qui ressemblait drôlement à un miroir de poche, et, tout à coup, un rayon de lumière en est sortit sans prévenir. Quand je me suis regardé dans la glace, j’étais comme ça.

Anna secoua la tête, fascinée. Les cheveux de son ancien coéquipier, autrefois mi-longs et hâtivement peignés, étaient désormais courts et, en quelque sorte, ouvragés. Ils prenaient racines bas sur son front, en un point dans son souvenir imberbe, et dessinaient un triangle épais qui descendait jusqu’à l’arrière du crâne. Deux lignes de cheveux ras séparaient cette coiffe des tempes, où de nombreuses mèches tressées selon un entremêlement qui aurait prit des heures à réaliser à la main s’étaient assemblées en une forme s’approchant d’une sorte de disque. Anna ne pouvait en être sûre, mais elle aurait également juré avoir déjà vu cette coiffure qui ornait ses tempes. Finalement, elle reporta son attention sur la teinte de cheveux, qui, selon ses souvenirs, était à présent bien plus claire qu’auparavant.
- Une semaine, répétât-elle presque timidement, compatissante.
- Ne m’en parle pas, soupira l’autre, affichant un abattement que l’on devinait exagéré. Je suppose qu’il s’agit d’un genre de coiffeuse express pour Ancien pressé. J’ai tout essayé, les peignes, les shampoings, même les ciseaux. Ce truc revient systématiquement en place – note, les ciseaux ont été efficaces, mais je vais appeler ça le plan Z, je crois.
- Et bien, ça ne manque pas d’élégance, quand on fait abstraction de… du…
Incapable de se retenir, la jeune-femme éclata de rire. Elle fut émerveillée de voir comme un simple accès d’hilarité pouvait dissiper la tension qui avait élu domicile de manière quasi-permanente au creux de son estomac. Elle avait soudain la merveilleuse sensation de mieux respirer.
- C’est ça, rigole, ignoble. Les autres ne s’en privent pas. Il y avait même une longue tresse à l’arrière, avant, mais dieu merci elle a cassé dès que j’ai essayé de la regarder de plus prêt. Je suppose que les atlantes avaient les cheveux plus solides que nous. Heureusement, parce que je ne vois pas ce qui aurait pu être pire que ça.
- Il y a bien quelque chose…
- Quoi ? fit l’autre, méfiant soudain.
- Et bien, j’ai examiné les images d’archive des atlantes dans la Salle de l’Hologramme (cet endroit, bien que ne constituant en réalité que l’une des très nombreuses pièces de la Cité recourant à la technologie holographique, avait acquis de manière irréversible le titre susmentionné lorsque les premiers membres de l’expédition y avaient découvert l’improbable piège que représentait Pégase)… Et si je me souviens bien de ce que j’y ai vu… C’est une coiffure féminine.
Un long silence accueillit cette information.
- Fais-moi plaisir, Anna, dit enfin Johann très lentement. Ne parles de ça à personne. Jamais. Même si la survie de la cité en dépend.
- Juré, répondit la jeune femme en souriant spontanément.

Le professeur soupira et s’assit à sa table. Il lui parla de l'appareil d'enregistrement holographique qu'elle l'avait aidé à faire fonctionner, expliqua qu'il leur faisait gagner beaucoup de temps dans le scan des artefacts et que les entreprises sur Terre en étaient déjà amoureuses. Anna réalisa combien cela était différent des discussions avec Atlantis. Elle était choquée d'être interrompue, félicitée, moquée. Elle nota mentalement de repenser à cela plus tard.
- Et toi ? reprit-il. Sur quoi est-ce que tu travailles en ce moment ?

Immédiatement, Anna senti une vive tension l’envahir. Instinctivement, elle posa une main sur l’écran à demi baissé de son ordinateur, le protégeant d’un coup d’œil indiscret.

Johann recula, l’air mi-amusé, mi-vexé.
- Oh, je me doute bien que c’est secret-défense, ne t’en fais pas. Je n’essayais pas de te soutirer des infos. C’était juste pour faire la conversation.
- Bien sûr, balbutia Anna, mortifiée. Ce n’était pas…

Ne sachant comment finir cette phrase, elle se tût. Quelques secondes d’un silence gênant s’installèrent, puis Johann reprit finalement la parole, manifestement dans le seul but de le combler.
- Sacrée Cité, fit-il tâchant à nouveau d’ébouriffer ses cheveux. Décidément pleine de surprises.
Anna songea aux données cryptées, à l’intelligence artificielle qui interagissait avec le haut commandement dans le dos des habitants et se liait avec elle dans le dos de ce même haut-commandement.

Puis, elle comprit.

Je ne peux rien faire dans la Cité ! Par contre, quelqu’un d’autre, en-dehors… Bien sûr ! Ca… ça pourrait marcher !

Elle referma complètement l’écran, faisant confiance à l’I.A. pour les aspects de sécurité, et se leva.

-Je vais essayer de voir ce que je peux trouver sur ce machin. Qu’en penses-tu ? dit-elle honnêtement.
-Merci, répondit-il tout aussi sincèrement. Mais, et ton boulot ultra-confidentiel ?

Allez, c’est une opportunité en or ! se dit-elle en luttant contre la tension qui se frayait un chemin en elle.

-Mon boulot, comme tu dis, n’est pas urgent à la minute, ou en tout cas, on ne m’a rien dit à ce sujet, dit-elle à la fois pour Johann que pour Atlantis. Ecoute, j’ai une idée. Si ton… problème revient à chaque fois malgré tous tes efforts, il doit être causé par quelque chose, non ?
-Jusqu’à là, c’est logique.
-Je me dis, si on s’éloigne de la Cité, par exemple sur le continent, peut-être que ça va éliminer les effets.
-“On“ ? demanda-t-il en haussant les sourcils.
Zut, c’est vrai, je n’ai aucune raison de…
-Il… il ne faudrait pas qu’il… arrive un… problème… C’est un artefact inconnu, après tout… Non ? hésita-t-elle maladroitement.
-Oui, bien sûr, dit-il d’un air amusé, en se pinçant les lèvres. Je pourrais peut-être voir ce souci avec quelqu’un de la sécurité. Helen, par exemple, on dit que c’est une excellente infirmière.
-Non ! réagit-elle brusquement, craignant de voir s’étouffer dans l’œuf son premier plan crédible pour agir sans passer par Atlantis. Il faut… quelqu’un qui connait bien… les artefacts Anciens.
Je suis pathétique… pensa-t-elle en s’entendant parler. Une vraie collégienne.
-D’accord, on tente cette… expérience… ce week-end, alors ? dit-il en ayant visiblement autant de mal à s’empêcher de rire qu’Anna elle-même quelques minutes plus tôt. Je t’envoie un mail pour qu’on s’organise.

Reculant d’un air aussi gracieux qu’exagéré – et ridicule, au vu de sa coiffure –, il se dirigea à tâtons vers la porte, tandis qu’Anna, se sentant rougir comme une pivoine, ouvrait de nouveau l’écran de son ordinateur et tentait de prendre un air concentré devant l’un des rapports.

Elle remercia le ciel, Atlantis, et tout ce qui pouvait exister comme divinités, de l’isolation acoustique qui était la seule chose la protégeant de l’hilarité qui ne pouvait que secouer le scientifique derrière la porte fermée. Puis, toujours rouge écarlate, elle se mit le visage dans la paume d’une main, avant de lever un doigt en tremblant vers le plafond.

-Pas. Un. Mot.




Ni elle ni Campbell n’avaient abordé leur brève discussion, mais la jeune femme n’avait de cesse d’y repenser, se demandant ce qu’elle devait faire à la lumière des propos du pilote. Il avait très probablement raison, elle n’en doutait pas, mais plus le temps passait, plus elle avait du mal à trouver quoi dire. Lorsqu’elle voyait ses deux coéquipiers, elle ne parvenait pas à dire quelque chose qui ne lui paraisse pas artificiel. Les phrases lui venaient, mais elle ne pouvait s’empêcher de vouloir anticiper les réactions, de dérouler la conversation suivant des chemins prédéfinis.

Les mots de Campbell n’avaient pas changé son attitude elle-même, mais lui avaient permis de réaliser consciemment ce qui lui arrivait. Elle avait perdu toute spontanéité.

Pas perdue, abandonnée. Je l’ai mise de côté, parce que la dernière fois que j’ai réagi instinctivement, j’ai détruit, j’ai anéanti, se dit-elle, en fixant son regard sur une étoile lointaine, dans l’obscurité de la salle d’observation aux lumières éteintes. Tom devrait comprendre, pourtant, il a failli mourir à cause de moi, sur Dakara. Si je perds le contrôle, qui est-ce que je vais blesser, tuer, cette fois ?

Les images de la place ravagée revenaient encore se superposer au paysage vide, dans un contraste qui lui donnait la nausée. Pendant quelques instants, qui lui semblèrent durer une éternité, elle s’abandonna aux émotions, avant d’ouvrir les yeux, haletante, et de se lever.

Le sas s’ouvrit à son approche, la laissant traverser la coque épaisse alors que la salle d’observation derrière elle commençait lentement le processus de dépressurisation qui ne ferait d’elle qu’une excroissance décorative en attendant la visite suivante. S’orientant instantanément, Shanti avança dans la direction qui la mènerait vers l’un des deux autres membres de SG-22.

Elle trouva Campbell dans sa cabine, qui semblait l’attendre. Devinant qu’il avait repéré son arrivée par les mêmes moyens qui lui avaient permis de savoir où il était, elle ne posa pas de question à ce propos :

-Je peux rentrer ?
-Bien sûr, répondit-il. On est entre… amis.

Elle indiqua une chaise, et, voyant qu’il acquiesçait, s’assit dessus.
-De quoi est-ce qu’on peut parler ? demanda-t-elle, l’air embarrassée, après quelques instants.
-Je ne sais pas, dit-il, avant d’avoir un léger sourire. Si, je sais. On ne t’a jamais raconté nos anciennes missions, si ?
-Non, je ne crois pas, répondit-elle, surprise de la question.
-Il serait temps de s’y mettre. Après tout, faut bien que les vieux croûtons racontent leurs histoires à la jeunesse ingrate.
-D’accord, qui joue le rôle de la jeunesse ingrate ? répliqua-t-elle, se prenant au jeu.

-Bon, commença-t-il. Tu n’as jamais connu Hasegawa, je crois. Elle avait demandé sa mutation, et c’est pour ça que tu t’es retrouvée ici. Elle était arrivée un peu avant moi. Bref, une mécano du tonnerre. Maladroite, un peu malchanceuse, mais dès qu’il y avait un problème de véhicule, elle le réparait en un instant, et le pilotait comme une pro du circuit.
-Malchanceuse comment ? demanda Shanti, intriguée.
-Justement, j’y viens. Faut comprendre qu’elle était une civile qui s’est fait recruter en sortant de sa fac. Et donc, elle avait du mal à s’habituer aux sorties sur le terrain, pas trop fana des armes. Mais bon, le commandant voulait avoir une équipe fonctionnelle, donc il avait profité d’une ou deux patrouilles de routines pour former l’esprit d’équipe, apprendre à se connaître, tout ça. Surtout quand je venais d’arriver. Deux nouveaux, ça pouvait poser problème si on n’était pas rodés rapidement.
-Comme moi, un peu.
-… Bon, je reprends. On était en planque pour surveiller une colonie minière jaffa, le genre de mission de routine, sans risque. Et là, tu ne devineras…

Il fut interrompu dans son récit par la voix impersonnelle d’Atlantis, qui semblait venir de tous les murs à la fois.
-Nous sommes arrivés à destination, dit l’I.A. Veuillez vous rendre en salle de conférence pour un dernier briefing.
Shanti soupira.
-Bah, dit Campbell. Je te raconterai la suite après. Ou tu demanderas au commandant… Ou pas, il a été un peu plus traumatisé que moi.

En quelques minutes, ils rejoignirent leur officier supérieur, et la voix désincarnée reprit :
-Nous venons d’arriver en orbite basse au-dessus la zone cible. Les systèmes de protection automatisés ont activé mes inhibiteurs logiques, et je ne suis pas en mesure d’utiliser les systèmes de détection, d’armement ou de téléportation en direction de l’installation-cible, et une zone d’interdiction de vol a été établie.
-Pourquoi ça ? demanda le pilote.
-Il s’agit d’une installation à haute valeur stratégique, relevant de la juridiction de Fælantis et non de la mienne. Ma présence est donc considérée comme une anomalie, ce qui entraine ces blocages. Je suis cependant en mesure de vous déposer à proximité immédiate, ce qui vous permettra d’effectuer le transfert de… souveraineté de la manière que je vous ai indiqué.
-Attendez une minute, demanda Maltez. Si les systèmes de sécurité vous ont repérés, ne risquent-ils pas de nous voir et de… réagir ?
-Etant donné vos accréditations, vous ne risquez rien, dans la mesure où vous n’adoptez pas un comportement hostile. La procédure de reconfiguration ne devrait pas être considérée comme telle. Une approche par véhicule aérien ou spatial le serait, étant donné qu’ils seraient considérés comme mes intermédiaires.
-Très rassurant…, lâcha le commandant.
-Avez-vous des questions d’ordre tactique ?
-Vu que vous venez de nous dire que vous n’avez pas de réponse… murmura Campbell.
-Une seconde, demanda Shanti. Je croyais que vous ne pouviez pas utiliser les systèmes de téléportation.
-Pas directement. La zone d’interdiction s’étale sur environ soixante de vos kilomètres au niveau de la surface.
-Une petite trotte, quand même, dit Maltez.
-Effectivement, mais sa hauteur est heureusement bien plus faible.
Quelques secondes s’écoulèrent avant que Campbell ne demande, lentement :
-Sa… hauteur ?
-Huit mille deux cent quatre-vingt onze mètres environ.
-Et…, continua Shanti, un véhicule se ferait tirer dessus, c’est ça ?
-Affirmatif. Cependant, l’utilisation d’un champ de gravité localisé en fin de chute devrait passer inaperçu au vu des capteurs de proximité.

-Je hais déjà cette mission, soupira Campbell en résumant les pensées des trois membres de l’équipe.

L’I.A. attendit quelques instants avant de répondre :
-Très bien. Je resterai en contact durant votre déploiement.

Aussitôt, le trio disparut dans un flash de lumière.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 17 : Dénis

Le jeune jaffa regardait du coin de l’œil l’étrange couple qui, depuis plusieurs jours, oscillait entre le sarcasme acerbe et la naïveté des amourettes adolescentes, dans un comportement dont la puérilité ne cessait de le surprendre par la manière dont il contrastait avec ce qu’il savait de ce duo. Il lui semblait à chaque instant plus étrange que la femme aux cheveux noirs de jais puisse diriger un groupe de mercenaires tels que ceux patrouillant autour des ruines. Et, lorsqu’il déplaçait son regard, il voyait un amas de contradictions chez l’individu dont même les plus fervents adversaires de la Terre ne parlaient qu’avec le respect dû aux héros des plus nobles sagas Jaffa.

Ce qu’il était, apparemment, puisque la rébellion qui avait mené à la libération de son peuple tenait plus de la légende que des simples faits. Chaque vétéran se plaisait à raconter son anecdote ou sa rencontre avec l’un de ces guerriers qui avaient façonné la galaxie d’aujourd’hui, au point où nul ne savait exactement ce qu’il s’était passé.

En tout cas, certains en font vraiment trop. Qui pourrait franchement croire cette histoire du Soleil de Vorash ? se dit-il, haussant les sourcils au souvenir d’une soirée entre cadets la veille d’une cérémonie sur Dakara.

-Non, je ne sais pas ce que c’est, je n’ai jamais vu ça, dit Daniel d’un ton reflétant son exaspération, attirant l’attention du jaffa, qui mit ses sens en alerte.
-Il y a quelque chose que tu n’as jamais vu dans ces tas de pierres, maintenant ? demanda Vala, d’un air amusé, sous lequel Van’Tet détecta de l’inquiétude.
-Peut-être… ce n’est probablement rien, se reprit-il en voulant la rassurer. C’est juste que quelque chose a changé… probablement un détail quelconque, mais je n’arrive pas à voir quoi. C’est ça qui me dérange.
-Sûrement rien, hein ? reprit-elle.
-Je ne sais pas.
-Très bien.

Il vit la mercenaire prendre son communicateur.

-Jomah ? Réveille tout le monde, double les patrouilles… Non, je ne sais pas ce qui se passe… Bien sûr, qu’on sort l’équipement lourd ! Fais-moi un rapport régulièrement.

Elle se retourna, prenant une inspiration lente, qui s’acheva par un léger sourire :
-Alerte générale, dit-elle sans lever la voix ni rien changer à son rictus.

D’un seul mouvement, les troupes passèrent de l’attitude semi-décontractée que Van’Tet avait toujours vu à une posture qui lui rappelait les rares fois où il avait pu voir la garde sénatoriale de Dakara. Le jaffa se surprit à observer la transition, les groupes de patrouille se plaçant en autant de positions défensives, armes brandies. Quelques instants plus tard, le charme se brisa, et il se rendit compte qu’il était désormais le seul à être encore à découvert. Trouvant rapidement le soldat qu’il cherchait, Van’Tet se rua vers un groupe de rochers où celui-ci se tenait, surveillant ses alentours.

-T’as mis ton temps, gamin, murmura-t-il en observant le jaffa du coin de l’œil.
-Désolé, Ottar, dit-il en faisant attention de ne pas parler plus fort que le mercenaire.
-Pas grave. Cette fois-ci. Faudra être plus réactif après.
-… Qu’est-ce qui se passe ?
-T’as entendu la patronne, alerte générale.
-Oui, mais pourquoi ?
-Aucune idée, et j’m’en fous.


-Ce n’était vraiment pas indispensable, Vala, souffla Daniel, abrité derrière un pan de mur.
-Bien sûr, répondit-elle automatiquement, préférant fouiller le sac qu’elle avait déposé quelques heures plus tôt qu’écouter l’archéologue. Alors, c’est pas ça…
-Qu’est-ce que tu prépares, exactement ?
-Surprise. Mais ne t’inquiète pas, ça va te plaire !
-Ou pas…
-Tu me fais pas confiance ? lui demanda-t-elle, prenant un air blessé.
-Vala… je te connais.
Elle leva les yeux au ciel et, sans répondre, elle secoua légèrement la tête.

Daniel posa son arme à côté de lui, et soupira, la regardant brièvement en train de vider ses affaires près de lui.
-Et on va rester comme ça combien de temps ?
-Aucune idée.
-Bon, et bien si ça ne te dérange pas, je viens de remarquer que ce mur que tu as si bien choisi comme abri contre je-ne-sais-quoi est recouvert de runes que je n’ai pas encore traduites. Juste, donne-moi un préavis avant de faire quelque chose de particulièrement stupide, spectaculaire et qui me fera à nouveau me demander pourquoi je reste avec toi, d’accord ?
-D’accord.
-Vraiment, s’il faut que je m’enfuie, dis-le moi.
-Pas besoin.






A quelques kilomètres du complexe en ruine, trois formes ralentirent lentement, s’immobilisant à une faible hauteur, lévitant un instant au-dessus du terrain rocailleux avant de se réceptionner dessus, la gravité reprenant ses droits après l’insulte que venait de lui faire subir le trio.

-Atlantis, murmura Maltez. Plus. Jamais. Ca. Compris ?
Votre objection est injustifiée, répondit Atlantis en s’adressant aux trois membres du groupe. L’insertion s’est déroulée à merveille, et il est fort probable que la manœuvre de décélération soit passée inaperçue.
-Il ne parle pas des problèmes… tactiques, Atlantis, suggéra Campbell.
Les considérations d’ordre psychologiques aussi mineures que celles auxquelles vous faites référence sont inappropriées pour la durée de cette opération.
-Allez dire ça à mon instinct de survie qui se paie une chute libre de dix kilomètres… rajouta le chef de l’équipe, son regard croisant ceux de Shanti et de Tom, qui acquiesçaient avec lui.
Huit mi…
-On se fout du chiffre exact ! C’est le principe !
Les autres chemins d’insertion impliquaient soit une détection immédiate par les systèmes de défense, soit l’utilisation de moyens particulièrement lourds qui remettraient en cause l’intégrité physique de l’objectif.
L’officier soupira :
-Pourquoi est-ce qu’on s’embête à discuter avec elle ? Bon, on y va.

Les trois membres de l’ancienne équipe SG se tournèrent dans la direction indiquée sur leur affichage visuel, prenant en main leurs armes. Celles-ci, provenant de l’arsenal du vaisseau, reconnurent aussitôt leurs propriétaires, et entreprirent de s’adapter à leurs mains et poignets, établissant un contact nerveux aux différents points de contact cutané. Chacun des membres du groupe avait eu l’occasion de s’entrainer avec ce nouvel équipement, et avait appris à craindre les capacités du dispositif, une fois celui-ci déployé, malgré sa simplicité de forme, n’arborant aucun angle saillant alors que ses multiples articulations internes corrigeaient en permanence les vibrations du porteur ou de l’extérieur.

D’une pensée distraite, Shanti refoula l’image en provenance du canon de l’arme, avant de se remémorer le briefing individuel que lui avait donné l’I.A., avec un autre objectif, qui ne lui avait été décrit qu’en termes volontairement et expertement vagues.

Un problème, lieutenant Bhosle ? demanda Atlantis.

Vous ne m’expliquerez pas à quoi tout ça rime, n’est-ce pas ?

Je pense que vous connaissez parfaitement la réponse à cette question.

Oui… je dois vous faire confiance.

Vous avez pris votre décision en vous évadant avec mon aide. Soyez cohérente avec vous-même.

Tant que vous ne me demandez pas de refaire ce qu’il s’est passé sur Dakara.

Je n’ai aucune intention d’agir ainsi, soyez-en sûre.

Depuis quand je peux être sûre de quoi que ce soit ?

Lieutenant, comme je vous l’ai expliqué, je dispose de nombreux moyens, et comprenez-bien que ceux-ci sont bien plus efficaces que vous ne pourrez jamais l’être pour des missions de destruction. Désolée de vous décevoir, mais je ne vous considère pas comme une arme de destruction massive, quoi que vous ayez été amenée à penser vous-même.

Comment, alors ? Comment me voyez-vous ?

Comme un moyen d’arriver à mes objectifs en maintenant les pertes à un niveau acceptable et dans un temps suffisamment restreint pour réduire au minimum l’influence du hasard.

Ca pourrait être…

-Contact, murmura Campbell en s’arrêtant brusquement.

La jeune femme se figea et se mit à surveiller ses alentours.

-Repérés, confirma Maltez. Une vingtaine de personnes, droit devant, près de l’objectif.

Shanti concentra ses sens dans la direction indiquée, et trouva les émissions de chaleur générées à quelques kilomètres devant elle, qui se distinguaient difficilement de celles que rayonnait le sol rocailleux illuminé par l’étoile locale.
Qu’est-ce qu’on fait ? demanda le pilote sur le réseau qui reliait le petit groupe.
Ca dépend, répondit Maltez. Atlantis, est-ce qu’on peut interrompre la mission ?
Négatif, commandant. Une nouvelle tentative d’insertion serait très probablement reconnue en tant que telle par l’intelligence virtuelle de notre objectif, et traitée comme telle. Approchez-vous et essayez de ne pas vous faire repérer, mais la réussite de la mission demeure prioritaire.
D’accord, répondit le chef du groupe, en prenant soin de ne pas relever les implications de la consigne. Je pars en avant, restez derrière, distance cinq cent mètres.




Le temps passait, lentement, et le mélange de peur et d’excitation qui avait envahi le jeune jaffa à l’instant où il s’était rué à couvert laissait désormais place à de la frustration et à l’inattention. Son regard s’attarda alors sur le mercenaire qui partageait le même abri de fortune, surveillant attentivement ses alentours. Son visage portait les mêmes signes d’usures du temps qu’un jaffa octogénaire en pleine force de l’âge, sa respiration calme et régulière témoignant d’une expérience de la guerre suffisamment longue pour avoir appris à parfaitement gérer les moments d’attente tel que celui qui déstabilisait le jaffa.
Focalisant à nouveau son attention sur la végétation qui parsemait les rochers de taches vertes et brunes, il inspira profondément. Lentement, il retrouvait un calme qui lui échappait après plusieurs minutes de silence mortel dans lequel chacun cherchait à identifier l’éventuelle menace rôdant à proximité.

Tout autour des vestiges qui avaient apparemment servi d’excuse à la rencontre avec le terrien, il observait les différents groupes qui surveillaient leur zone, armes en position. S’attardant sur les positions défensives, Van’Tet sentit son pouls accélérer, tandis qu’il sentait arriver une peur qu’il tenait de plus en plus difficilement à distance.

Qu’est-ce qu… Calme-toi ! s’ordonna-t-il en voyant ses mains trembler.

Alors que ses pensées commençaient à partir dans tous les sens, il tentait de se reprendre en main, de bloquer les émotions qui le submergeaient.

Tu as vu pire ! Ce n’est qu’une fausse alerte, un exercice. L’Installation était dangereuse, j’étais certain de mourir à la moindre erreur. Là, je suis entouré de guerriers compétents, expérimentés et bien armés. Comme sur D…

Il se figea, pris d’un frisson au souvenir de l’affrontement où tant de jaffas avaient péri. Il serra son arme avec une vigueur renouvelée, respirant rapidement et bruyamment. Finalement, au bout d’un temps incertain, il sentit une main sur son épaule.

-Ca va, gamin ? lui demanda Ottar.
-… Oui. Juste, un très mauvais souvenir, souffla-t-il entre deux inspirations.
-Je connais… mais ça sert à rien de te faire du mouron maintenant. Alors, calme. Fais ce que je te dis dès que ça commencera à barder, et tu t’inquièteras quand on sera rentré, compris ?
Van’Tet soupira, chassant de sa tête les images de corps brûlés et déchirés par l’être qui avait précipité son arrivée dans le groupe.
-D’accord, répondit-il en reportant son regard sur la zone à surveiller.



-Alors ?
-Comment ça, “alors“ ? demanda Daniel, levant la tête des inscriptions qui l’occupaient.
-Quelque chose d’intéressant ?
-Je n’en sais rien…, répondit-il, avant de lui lancer un regard suspicieux. Je croyais que tu étais occupée à te préparer au débarquement de toute l’armée jaffa, là, alors pourquoi cette question ?
-Parce qu’à chaque fois qu’on a des problèmes, il y a forcément quelque chose qui vient compliquer la situation. Alors, s’il y a une superarme, une carte vers un artefact qui va sauver la galaxie, ou quelque chose qui change légèrement la situation, j’aimerais que tu me le dises, d’accord ? conclu-t-elle avec l’un de ses grands sourires naïfs.
-Rien trouvé qui correspond à ce que tu décris, et je tiens à souligner que ça n’arrive pas si souvent que ça.
-Depuis quand on a été, toi et moi, isolés dans des ruines anciennes, attaqués de tous les côtés, sans qu’il y ait un gadget au nom compliqué qui nous empêche de filer ?
-As-tu déjà pensé à vivre ailleurs que dans ton monde, Vala ? Ce n’est pas parce que quelque chose me dérange qu’on va se faire attaquer ! Alors est-ce que je pourrais profiter de ces derniers jours de –repos– autrement que barricadé et coincé derrière ce qui reste de ce mur d’enceinte ?
-Je verrais bien une alternative…



Les sens amplifiés et leurs informations partagées, il ne fut pas difficile pour le trio d’avoir une idée précise de la situation globale près des ruines, alors même que l’équipe se rapprochait lentement, bénéficiant du couvert offert par le terrain escarpé.

Je compte dix-neuf personnes sur place, transmit Campbell. Pareil pour vous ?

Pas clair sur l’infrarouge, j’en compte dix-huit, répondit Shanti.

Pas de risque, trancha leur commandant. On prend dix-neuf.

N’empêche, intervint le pilote. C’est pas pour dire, mais à mon avis, si les systèmes de défense sont stressés, c’est plutôt à cause de la vingtaine de gugusses armés jusqu’aux dents que du vaisseau. Pas vrai, Atlantis ?

Votre hypothèse est envisageable, mais notre présence demeure la cause la plus probable pour l’activation des systèmes d’autodéfense passifs.

Ho ! les coupa Maltez. On s’en fout ! On fait le boulot, on prend le contrôle de cette installation, et on se tire.

D’accord, mais on a quand même pas mal de monde autour, rajouta Campbell. D’ailleurs, je ne cherche pas à critiquer, mais c’est quand même un manque de bol assez spectaculaire qu’on tombe pile poil sur une bande bien armée qui, vu sa position, s’attend à quelque chose… Rassurez-moi, il n’y a personne d’autre dans le voisinage ?

Non, lieutenant, je n’ai repéré aucune activité supplémentaire.

Comme quand vous n’avez pas repéré ces types, c’est ça ?

En effet, comme je vous l’ai indiqué lors du briefing, je ne suis pas en mesure d’utiliser mes senseurs dans la zone d’autoprotection. Cependant, je suis en mesure d’obtenir, par votre intermédiaire, des informations suffisamment précises pour parvenir à cette conclusion.

Tom, le rappela à l’ordre Maltez. Ca sert à rien de discuter avec elle… On va rester simple : on arrive, on fait le boulot, on repart.

Et ce groupe ? demanda Shanti.

On leur demande de nous laisser passer, et s’ils nous ennuient, on les neutralise. Regardez leurs armes, ils ne sont pas une vraie menace, répondit Maltez.

Donc, le plan, c’est d’arriver en disant un truc du genre “Nous venons en paix“, ou quelque chose du genre ? s’interrogea le pilote en haussant les sourcils.

Exactement.

Culotté. Idiot, mais culotté.

C’est ça ou on passe deux heures pour s’infiltrer subtilement en les neutralisant un à un et en priant pour qu’ils n’appellent pas de renforts ou que personne d’autre ne vienne. On a les moyens de faire autrement, alors…


-Stop ! Ne bougez pas ! ordonna le premier mercenaire à voir les figures sortir du couvert végétal.

Aussitôt, plusieurs groupes changèrent de position pour rejoindre celle d’où provenait le cri. En quelques instants, Van’Tet se plaqua derrière l’un des nombreux murs en ruines qui entouraient la structure approximativement intacte. Il suivit du regard le couple qui n’avait cessé de l’intriguer dernièrement, avançant rapidement dans sa direction et se hurlant dessus.

Qu’est-ce que… pensa-t-il en entendant les accusations de l’un et de l’autre, accompagnées de gestes expansifs.

-Tu as la moindre idée de ce qui va se passer quand Jack va apprendre ça ! Et puis, d’abord, comment est-ce que tu as trouvé cet engin ?
-Aucune importance ! J’en a besoin, j’en ai pas, je passe pour quoi ?
-Vala, je suis sérieux !
-Mais moi aussi, répondit la mercenaire en arrivant près de ses subordonnés, qui s’efforçaient tous de ne pas attirer l’attention du duo.
-On a repéré trois per… commença un soldat, apparemment trop jeune pour avoir acquis les même réflexes que ses ainés.
-La ferme ! répondit brusquement Daniel, perdant un calme qui faisait aussi bien partie de sa légende que ses talents avec une arme. Gardez-les à distance.

-Je l’ai trouvé par hasard, en me baladant.
-Non, non et encore non ! Il y a des limites !, répondit-il avant de désigner l’objet qu’elle tenait dans sa main gauche. On ne trouve pas un réacteur à naquadriah “en se baladant“.
-La preuve que si, affirma Vala avec un air de surprise face au manque de bon sens de son interlocuteur.

Daniel soupira en se tenant le visage avec sa main libre, l’autre se laissant tomber le long du corps, tenant toujours son arme.

-Et, tu comptes faire quoi, avec un engin qui devrait être au fond d’un coffre dans le SGC, gardé par je-ne-sais-combien de soldats ?
-Sais pas. On verra.
Van’Tet, pris d’un doute, vérifia rapidement qu’il n’était pas la seule personne sensée à proximité lorsqu’il vit quelques regards inquiets être échangés entre les mercenaires.
Daniel inspira et expira profondément à plusieurs reprises avant de demander :
-Est-ce que tu as la moindre idée de ce qui va arriver au moindre choc un peu violent ?
-Tu me prends pour qui ? Je ne suis pas folle. On y passe tous, nous et tout ce qu’il y a d’ici jusqu’à l’horizon.
-D’accord, donc, tu sais.
-Ben oui.
-Et donc, pour des vacances tranquilles, tu as amené une bombe qui suffirait à faire sauter le SGC ?
-Tu es sûr que ça va, Daniel ? Tu es un peu plus lent que d’habitude.
-Excuse-moi, je ne suis plus trop habitué. Et, qu’est-ce que je devrai dire à Jack quand il apprendra que tu lui as emprunté une arme de destruction massive ?
-Que j’ai un plan ?
-Tu en as un ?
-Pas encore.

Vala profita du silence de Daniel pour s’approcher des mercenaires qui surveillaient le groupe venant d’arriver.
-Qu’est-ce qui se passe ? demanda Vala en arrivant près du soldat ayant fait la sommation.
-Là-bas, répondit-il en faisant un signe de tête dans la direction où pointait son arme. Plusieurs types qui arrivent. Ils ont l’air armés, mais je suis pas sûr.
-Bon, et bien on va les accueillir, dit-elle en posant le générateur, qui attirait régulièrement tous les regards. Gentiment.

Le jaffa vit quelques sphères métalliques être amorcées, et se retourna pour observer les intrus. Il distingua trois personnes, qui, comme le mercenaire l’avait indiqué, avançaient lentement, sans précaution apparente. Autour de lui, une dizaine d’armes étaient à présent pointées vers le trio, alors qu’une paire de soldats scrutait les alentours à la recherche d’infiltrateurs ou de troupes en embuscade. Il réprima un léger frisson, observant les habits inhabituels du groupe, à peine à portée de tir.

-Dernier avertissement ! Arrêtez-vous et lâchez vos armes ou on tire !

Instantanément, les intrus se figèrent, obéissant à l’ordre du soldat, avant de laisser tomber leur équipement au sol.

-Nous venons en paix ! répliqua l’un des arrivants.

-D’accord, murmura Daniel. Maintenant, on sait qu’ils n’ont pas peur des clichés…

Pendant une longue minute, personne ne bougea ni ne dit un mot, puis, finalement, Vala brisa le silence :
-Bon, je m’ennuie. Toi, toi et toi, venez avec moi, dit-elle en indiquant Van’Tet et deux autres mercenaires. On va voir ce qu’ils veulent. Les autres, couvrez-nous. Danny, je te les laisse.

Le jaffa quitta avec précaution son abri, son attention dirigée vers la plus grande menace. Après quelques secondes d’indécision entre la femme aux cheveux noirs de jais, le dispositif métallique arborant plusieurs sphères lisses reliées par des tubes mats et le trio à présent immobile, il se reporta sur la dernière inconnue, et pointa son arme vers les silhouettes. Il n’arrivait pas à détacher son regard de celles-ci, pris d’une inquiétude qu’il ne parvenait pas à s’expliquer. Lentement, il suivit Vala, qui s’approchait d’eux avec méfiance, s’arrêtant de temps à autre pour surveiller son entourage.

Deux hommes et une femme. Leurs tenues l’intriguaient, ne ressemblant à rien de ce qu’il avait pu voir auparavant chez des voyageurs ou des soldats. Les détaillant, il vit aussitôt dans leur posture celle de combattants entrainés, et redoubla d’attention, alors que Vala décidait de s’arrêter.

-Désolée de l’accueil, mais vous êtes en retard.

Un court instant, Van’Tet vit les regards du trio se croiser, avant que le plus âgé des deux hommes ne réponde :
-En… retard ?
-Bah oui, à chaque fois qu’on prend des vacances, il y a toujours quelqu’un qui vient nous les gâcher. C’est juste qu’habituellement, ils viennent plus tôt. Donc, vous êtes en retard.
Van’Tet vit le groupe se regarder nouveau, avec une incompréhension visible sur les trois visages.
-Enfin, reprit Vala, qu’est-ce qui se passe ? Vous êtes poursuivis ou vous venez juste pour nous tuer ? demanda-t-elle d’un ton tenant de la discussion mondaine.
-Heu, on vient juste visiter les ruines, hésita le nouvel arrivant. On n’en aura pas pour longtemps, rassurez-vous.
-Oh, mais je suis très rassurée. Malheureusement, je viens de les vendre, donc elles ne sont plus ouvertes au public, annonça Vala avec un sourire faussement courtois.
-Nous n’en aurons que pour quelques instants, se défendit l’homme.
-Avant d’essayer de nous tuer, persista Vala.


Shanti ne faisait pas attention aux paroles de la femme devant eux, qui tentait manifestement de les troubler avec ses non-sens. Elle avait, au contraire, son regard pointé dans la direction indiquée par Atlantis, son esprit réfléchissant à vive allure, alors qu’elle essayait de comprendre toutes les implications de la mission que lui avait donné l’I.A.


-Mais… mais qu’est-ce qu’on a fait ? demanda le plus jeune des hommes, son ton traduisant son incompréhension face à la situation.
-Madame, intervint l’un des soldats, apparemment âgé. Peut-être qu’ils veulent juste jeter un coup d’œil aux ruines, comme le docteur.
-Oui, et… commença Vala.
-Sans forcément nous chercher des noises, l’interrompit-il.
Elle le regarda comme s’il venait de dire une absurdité monumentale, puis soupira.
-Qu’est-ce qu’on fait, dans ce cas-là ? demanda-t-elle, au soulagement de tous.
-On pourrait peut-être les… laisser passer, suggéra le soldat, avant de se retourner vers le trio. Aidez-moi, dites quelque chose.
-Faut voir avec Danny. C’est ses ruines, maintenant, dit-elle avant que quiconque ne puisse parler.
Elle se tourna vers les mercenaires restés sur la position défensive et hurla :
-Daniel ! Viens ici !
-Merci, répondit l’un des membres du groupe.
-Mais ça veut dire qu’on va se faire attaquer d’ailleurs… murmura Vala en l’ignorant.



Non.

L’impression de déjà-vu qui le hantait depuis quelques minutes devint claire au moment où il vit la jeune femme dans la lumière tamisée. Aussitôt, ses mains et ses jambes se mirent à trembler alors que les images de l’affrontement revenaient l’attaquer, aussi impitoyables que l’avait été cette silhouette féminine.

-Non… murmura-t-il.

Il n’avait plus aucun doute, alors que, simultanément, les trois personnes, les trois êtres tournaient la tête vers lui. Le jaffa, pris d’une panique qu’il ne se savait pas pouvoir ressentir, fit plusieurs pas en arrière, ses mains recevant des ordres contradictoires alors que son esprit leur intimait tour à tour de brandir son arme puis de la jeter au sol pour ne pas être pris pour cible durant la fuite éperdue qui était la seule réponse sensée à sa situation.

-… Non, non, non…

Il ne remarqua pas les visages se tourner vers lui, son attention fixée sur le visage qui le terrifiait. Quelques instants plus tard, il sursauta alors qu’une main se posait sur son épaule. Se tournant brusquement vers l’un des soldats qui avaient accompagné avec lui Vala, il l’entendit enfin parler :
-Hé, tu m’entends ?
Il n’arrivait pas à répondre, et, au bout de quelques instants, le soldat le prit par les épaules et le secoua :
-Ho !
-Elle… murmura-t-il en tremblant. Elle… va… tous nous tuer.
Il vit Vala et les deux autres mercenaires pointer aussitôt leurs armes sur l’autre groupe.
-Qu’est-ce qui se passe encore ?! demanda une nouvelle voix derrière lui.
-Tiens, Daniel, répondit Vala sans se retourner. Je voulais te demander si tu voulais les laisser jeter un coup d’œil à ta nouvelle acquisition, mais je crois que ma dernière recrue connait la demoiselle. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé entre eux, mais ça n’a pas dû lui laisser de bons souvenirs. Elle va tous nous tuer, selon lui.
-Quoi ? dit-il en levant préventivement son arme vers le groupe.
-Ah, et, tant qu’on y est, reprit-elle en se tournant vers l’un des soldats en faisant une moue ironique, qui avait raison ? Hein ? Ils viennent pour nous tuer. Une fois de plus.
-Qu’est-ce que c’est que… commença Daniel avant de se figer, braquant instantanément son arme. Vous ?
Les regards du trio étaient à présent braqués sur l’archéologue, affichant de la surprise et de l’appréhension.
-Qu’est-ce que vous faites ici ? Répondez ! ordonna Jackson.
-Une seconde, demanda Vala. Tu les connais aussi ?

L’échange fit brusquement réagir Van’Tet, le sortant partiellement de sa panique, alors que ses réflexes reprenaient le dessus.
Il les connait ? C’était bien les Tauri qui…

-Ils ont disparu en mission il y a quelques semaines, et ils ont été ramenés par leurs kidnappeurs, là où je bosse, dit-il. Quand on les a renvoyés sur Terre, ils se sont enfuis. J’ai vu les rapports et les enregistrements.
Il se tourna vers SG-22.
-Qu’est-ce que vous faites ici ? Pour qui travaillez-vous ?
-Désolé, docteur Jackson. Nous ne pouvons rien dire. Il faut nous croire, nous sommes du même camp, dit Maltez.

Shanti trembla intérieurement, alors qu’elle suivait distraitement la rencontre, son attention étant concentrée sur le nuage de nanites qu’elle avait libéré automatiquement lorsque Jackson s’était approché de l’équipe.
Ne vous inquiétez pas, lieutenant. Suivez mes consignes, et tout se passera pour le mieux. Et il n’y aura pas de séquelles : je me suis assurée du contrôle individuel des nanites pour assurer sa sécurité.

Pourquoi… pourquoi moi ? Pourquoi pas Tom ? Ou Samuel ?

Un peu tard pour me poser cette question… Parce que vous comprenez parfaitement pourquoi vous devez garder le contrôle absolu sur vos capacités. Vous savez ce qu’il peut arriver si une erreur se produit. Aujourd’hui, les conséquences seraient bien pires, et je sais, vous ayant observée, que vous n’échouerez pas.

Je… je ne sais pas.

Voilà pourquoi vous réussirez. Préparez-vous, nous commencerons dans quelques minutes.


-Vala, vois ce qu’il sait d’eux, dit-il en faisant un geste de la tête vers Van’Tet, sans quitter le groupe des yeux.

Tandis qu’elle se rapprochait de Van’Tet, l’archéologue reporta son attention sur le groupe :
-Votre fuite a été particulièrement spectaculaire, je dois dire. Oui, j’ai été briefé sur ce qui s’est passé, dit-il en leur lançant un regard inquisiteur. Même Jack aurait eu du mal à s’en sortir aussi bien. Et puis, ce vaisseau qui vous attendait, aussi… une belle coïncidence, non ?

Sans attendre de réponse, il reprit, tout en gardant ses distances :
-D’où ma question : pour qui est-ce que vous travaillez, maintenant ? Plus pour la Terre, je me trompe ?
-On n’a pas trahi, protesta Campbell. Vous nous avez enfermés sans même un débriefing, sans pouvoir contacter qui que ce soit. Vous alliez nous enfermer au secret et nous oublier ! Qu’est-ce que vous pensez, qu’on allait accepter ça ?
-Désolé, répondit-il sincèrement, le regard amer. J’ai connu ça, alors je ne vais pas être hypocrite et vous dire que c’est pour la sécurité. Mais l’époque où on pouvait assommer deux gardes, ignorer les ordres directs et partir sauver le monde en free-lance est terminée. Le Programme est trop gros. On ne peut plus justifier certains risques.
-Donc, dit Shanti froidement, si quelqu’un présente le moindre risque, il est… éliminé ?
-Martouf. L’un de nos alliés, qui, à peu de choses près, aurait pu tuer le Président. Le sergent Green, qui s’est fait sauter avec tout le site Delta. Je me suis toujours battu contre les décisions arbitraires, “vigilance constante“, “risque zéro, liberté zéro“, Jack peut en témoigner… Mais les bureaucrates ont parfois raison, certains risques sont trop graves. Après tout, vous vous êtes bien enfuis avec des technologies supérieures à presque tout ce qu’on a vu, non ?
-Parce que vous nous… commença Campbell avant d’être interrompu par Daniel.
-Non, lieutenant. Vous vous êtes enfuis parce que quelqu’un vous en a donné les moyens. De très gros moyens. Et était persuadé de pouvoir vous garder dans son camp, quel qu’il soit.

Et parce que, contrairement à Teal’c, à Sam, Jack ou moi, personne ne vous considérait comme crucial au Programme, n’osa-t-il rajouter. Qu’est-ce qui se passerait si Sam s’était faite parasiter plus tard, ou si Teal’c avait eu son lavage de cerveau il y a deux ans au lieu de quinze… Question stupide, Daniel, tu sais très bien ce qui arriverait maintenant.




-…Dakara, entendit-il dire le jaffa, d’une voix un peu plus assurée. L’attaque… j’étais… dans la garde.

Daniel vit le trio d’évadés devant lui réagir à l’énonciation de la planète. Il ne lui fallut que quelques instants pour faire le rapprochement avec les informations qui lui étaient parvenues les jours précédents.

-Nom de…, souffla-t-il en écarquillant les yeux. C’est vous qui avez fait… ça ?
-Personne n’avait prévu ça, avoua Campbell après quelques instants de silence. Il y a eu un accident.
Il vit la jeune femme faire un pas en avant, et, instinctivement, braqua son arme vers elle, alors qu’elle commençait à parler, sans croiser son regard :
-J’ai… perdu le contrôle.

Daniel la regarda avec crainte :
-Nous pensions que c’était un nouveau Kull de Ba’al… Deux cent morts… Tous des vétérans… Qu’est-ce qui est arrivé ?

Shanti ressentit la peur de l’archéologue, qui la mettait à nouveau face aux cauchemars qu’elle avait eu les jours de coma suivant l’affrontement. Elle se sentit prise d’une nausée qui fut rapidement neutralisée par l’I.A., au moment où le jaffa répondit à Daniel :

-Rien ne la touchait. Nos tirs… ils refusaient de l’atteindre. Elle les déviait, tous, sans un geste. Et puis, elle les a renvoyés. Je me suis enfui, alors que tout le monde se faisait tuer. J’ai vu des combats, j’ai vu des exécutions, mais… ça…
Il se figea quelques instants, son regard s’arrêtant brièvement sur Shanti avant de se reporter sur Jackson, alors qu’il faisait un pas de côté pour s’écarter un peu plus de la jeune femme.
-Je l’ai vue… son aura. Les renforts n’avaient aucune chance. J’étais certain que la planète allait tomber. Elle était là, immobile, nos armes inutiles, ridicules face à son pouvoir. Je n’ai pas connu les guerres menées par les faux dieux, mais s’ils avaient été comme cette… déesse... ce démon, la rébellion se serait faite écraser.

Le jaffa se sentit comme à la fois soulagé et effrayé, alors que par ses derniers mots, il venait de comprendre pourquoi son peuple avait subi son sort. Le Terrien devant lui semblait connaître l’être qui avait balayé avec tant de facilité ses compagnons d’armes. Pourtant, loin de la démystifier, cette information faisait d’elle quelque chose de plus terrifiant encore, à l’instar des hôtes que certains avaient pu connaître avant l’implantation de leur symbiote.

Mais sa plus grande peur, qui venait juste de s’installer, et qui resterait présente, il le savait, jusqu’à son dernier souffle, prenait la forme d’une certitude : son peuple pourrait à nouveau vénérer de faux dieux, malgré la défaite des Goa’uld. Sa propre mentalité lui traduisait en termes mystico-religieux une telle démonstration de force, là où une petite part de rationalité insistait pour dire qu’il ne s’agissait que d’une technologie supérieure.

Il vit, en croisant son regard, que l’archéologue devait être arrivé aux mêmes conclusions que lui.
-Est-ce que vous avez la moindre idée de ce que vous avez fait, lieutenant Bhosle ? murmura-t-il, en faisant osciller son regard entre le groupe et le jaffa.
-Ils vont nous pourchasser pour se venger, admit Shanti.
-Ou vous vénérer, après votre numéro de Valkyrie…
Il se rapprocha du jaffa, et murmura :
-Si vous tenez à votre nation, ne répétez jamais ça. Jamais.
-Autrement, compléta Van’Tet d’un air affligé, ils les vénéreraient comme de nouveaux dieux.
-Mieux vaut que l’on croie à un guerrier Kull.
Ils sont trop fragiles, trop influençables, compléta intérieurement Daniel. Toute leur société, toutes leurs traditions sont orientées autour d’un pouvoir divin direct…
Brusquement, il fut prit d’un frisson, lorsque son esprit fit le rapprochement.
-Non, souffla-t-il.
-Quoi ? demanda Vala, qui avait du mal à suivre le cheminement de l’échange. Ho, tu pourrais me dire si je dois commencer à paniquer, là ?
-Je… je ne sais pas, répondit-il en se reprenant, avant de murmurer brusquement. Au moindre problème, ramène tout le monde à la Porte. Si je n’y arrive pas, contacte Jack.
-Qu’est-ce qu…
-Ne pose pas de questions ! dit-il brutalement en reportant son regard sur le trio. Contacte Jack et dis-lui qu’ils arrivent. Le mot de passe est “Adria“.
-Qu’est-ce qui se passe ?
-Jack t’expliquera tout. Là, il faut penser à s’en sortir. Si tu as un plan…

Ils avaient raison. C’est pour ça qu’ils attaquent ! Ce n’était pas un retour de prisonniers, c’était… une preuve. Une preuve de ce qu’ils disaient, se dit-il, en maudissant le temps dont il avait eu besoin pour réaliser ce qui lui semblait à présent la seule explication logique. Terriblement logique.

Elle acquiesça silencieusement, et Daniel s’adressa au trio, d’un ton froid :
-Venez. Faites ce que vous avez à faire dans les ruines, et partez.
-… Merci, répondit Maltez.


Vous l’avez entendu comme moi. Qu’est-ce qu’on fait ? demanda Campbell.
Il a peur de nous… lâcha Shanti.
Cela ne sera pas un problème, intervint Atlantis. Le SGC n’est plus en mesure de vous atteindre.
On va sur place, on prend le contrôle des ruines, et on repart, proposa le pilote. On verra ensuite, non ?
Tom a raison, approuva Maltez. Ils ne peuvent rien nous faire avec leur matériel, et plus on attend, plus on a de chance qu’ils appellent des renforts.
Et les armes ? demanda Shanti.
Vous pouvez les laisser sur place et les récupérer au retour, indiqua l’I.A. Elles ne peuvent de toute façon pas être utilisées sans identification valable.



Van’Tet regarda, incrédule, l’archéologue faire signe au groupe d’avancer. Son accès de panique s’était légèrement estompé, laissant place à une peur qui menaçait à tout bout de champ de lui faire à nouveau perdre ses moyens. La femme avançait avec cette même démarche légère qu’il avait remarquée durant les brèves escarmouches sur Dakara, et, à plusieurs reprises, croisa son regard alors qu’il oscillait entre l’espion et l’archéologue. Il espérait y trouver quelque chose lui permettant de comprendre ce qu’elle pouvait être, mais ne trouvait que d’autres questions. Il ne pouvait voir en elle autre chose qu’une incarnation de la mort, mais lisait dans ces yeux une peur et une incompréhension que ne pouvaient camoufler la neutralité affichée par son visage. Le même sentiment d’absurdité et de désespoir qu’il avait vu chez les plus jeunes survivants au retour d’une campagne violente. Le même sentiment qui s’imprégnait lentement en lui.

Qu’est-ce qui se passe ? demanda Shanti à l’I.A. Vous aviez dit que ça serait rapide, l’affaire de quelques instants.
Le docteur Jackson a préféré rester éloigné de vous, lieutenant, ce qui rend d’autant plus difficile l’action des nanites.
Et pourquoi lui ? Pourquoi ici ? Pourquoi monter toute cette mission alors qu’il est tout le temps…
A ma portée ? compléta Atlantis. Parce qu’il connait mon existence, et que je serais une suspecte idéale, si j’agissais directement. Et, soyez sûre que même s’il n’est pas en mesure, lui, ou quelque Terrien que ce soit, de me nuire d’aucune manière, je préfère ne pas prendre de risque. Sous-estimer le docteur Jackson est, statistiquement, une erreur qui ne pardonne que rarement, au vu des informations à ma disposition.
Pourquoi lui ? répéta Shanti.
Comme je vous l’ai indiqué, il représente la source la plus accessible pour les renseignements que je recherche.


-Jomah, ici Vala, dit la chef du groupe dans son communicateur. Evacue vers la Porte et tiens la position. Si ça vire à la catastrophe, rentre au vaisseau avec les autres. Tous les autres, on arrive avec des invités. On sait pas vraiment ce qu’ils veulent, mais Danny dit qu’ils sont dangereux. Que personne joue au con. Terminé.
Elle commençait à ranger le dispositif quand son regard s’éclaira. Aussitôt, elle le réactiva :
-Noah, je veux te parler dès que j’arrive, dit-elle à voix basse avant de désactiver à nouveau l’appareil.

Rapidement, les deux groupes arrivèrent près de la barricade de fortune, où étaient désormais présents tous les mercenaires qui avaient quitté le camp quelques heures plus tôt. Vala se rapprocha d’un pas rapide du groupe, et d’une personne en particulier, alors que Daniel, à l’instar de l’ensemble des mercenaires, restait à distance du groupe qui avait causé l’alerte.

En train de donner ses consignes au technicien qu’elle avait recruté quelques années plus tôt sur Hébrida, Vala ne releva la tête que quelques instants trop tard, quand elle entendit les mercenaires autour d’elle inspirer brutalement. Pointant son arme vers la position présumée du groupe, elle fut suffisamment rapide pour voir Shanti et Daniel finir de s’effondrer au sol.



Shanti resta figée, le changement brutal de décor la prenant au dépourvu. Regardant autour d’elle, éberluée, elle vit que le paysage rocailleux à la végétation éparse venait de laisser place à un café comme elle en avait vu à la télévision, avant de quitter la Terre. Celui-ci correspondait à l’idée qu’elle se faisait d’un style qui devait être démodé depuis une cinquantaine d’années, mais était cependant largement rempli de clients, qui ne lui prêtaient pas la moindre attention.
-Qu’est-ce que… lâcha-t-elle en voyant son reflet dans un miroir sur lequel étaient annoncés les plats du jour.
Son uniforme avait été remplacé par celui d’une serveuse, alors qu’elle se tenait près d’un comptoir.
-M’entendez-vous, lieutenant ? lui dit dans l’oreille une voix qu’elle reconnut immédiatement.
Elle se retourna brusquement, sans trouver l’origine de la voix, avant de murmurer :
-C’est vous ? Où suis-je, A…
-Pas de nom, la coupa l’I.A.
-D’accord… mais, qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-elle en montrant le café d’un geste de la tête.
-“Ca“, comme vous l’indiquez, doit être la représentation mentale du subconscient du docteur Jackson, auquel je ne peux accéder directement, étant donné les différences fondamentales entre les schémas de pensées humains et les miens. Au vu des théories communément acceptées et des particularités physiologiques humaines, vous devriez être dans un environnement chaotique et vaste, au sein duquel il vous faudra chercher…
-C’est un café, la coupa Shanti.
-Pardon ?
-Un café. Un bar. Petit, bien ordonné, rempli de clients, et j’ai l’impression d’y être une serveuse.
-… Etonnant… Mais d’autant plus intéressant. Que pouvez-vous me décrire de plus ? Voyez-vous l’extérieur ?
-Non. Il y a une lueur, et…
-Excusez-moi ! l’appela une voix depuis l’une des banquettes. Mademoiselle !
Elle se tourna, et reconnut aussitôt le client, ne pouvant s’empêcher d’écarquiller les yeux en reconnaissant Jackson.
-C’est ma commande. Elle est prête, dit l’archéologue en indiquant le comptoir où se trouvait un plateau avec des gaufres et deux tasses de café.
-Qu’est-ce que je dois faire ? murmura-t-elle en s’approchant du plateau.
-Que se passe-t-il ?
-C’est Jackson. Il est là… Est-ce que vous arrivez au moins à suivre ce qui se passe ?
-Partiellement, lieutenant. Je vous suggère cependant de m’indiquer explicitement les informations que vous voulez me transmettre.
-Que je répète tout ce qu’il me dit ? demanda-t-elle, étonnée.
-Pensez-le, cela sera suffisant. Pour ce qui est de Jackson, c’est une nouvelle… intéressante. Etonnante, même. Il ne devrait pas être à votre point d’arrivée, à moins de vous attendre. Essayez de voir ce que son subconscient vous veut, cela améliorera d’autant plus votre synchronisation avec lui. Je vous indiquerai ensuite les questions à lui poser.
-D’accord… souffla-t-elle avant de prendre le plateau, qu’elle trouva étonnamment léger.

En quelques pas, elle arriva près du quarantenaire habillé en civil, ses lunettes posées sur la table devant lui.
-Vous prendrez bien un café ? l’invita-t-il lorsqu’elle eut posé le contenu du plateau.
Devant son regard étonné, il continua :
-Ne vous inquiétez pas, les autres ne feront pas attention, dit-il en indiquant le reste des clients. Et puis, ça fait longtemps que je n’ai plus discuté avec une nouvelle serveuse. Vous venez la remplacer ?
-Remplacer qui ?
-A votre avis ? Elle, dit-il en indiquant une autre serveuse, sortant de la cuisine en tenant plusieurs plateaux.
Shanti laissa son regard s’attarder sur la silhouette élégante, aux longs cheveux gris clairs qui contrastaient avec son âge apparent, la jeune femme ne donnant qu’une trentaine d’années à la nouvelle arrivante. Cette dernière salua discrètement Daniel, lui adressant un léger sourire de connivence avant de prendre commande à une table.
-Non, hésita-t-elle, je ne suis pas là pour…
-Bon, asseyez-vous, au moins, dit-il en souriant devant son air embarrassé.
Elle obtempéra, alors que Jackson plaçait l’une des deux tasses devant elle.
-Alors, qu’est-ce que vous faites ici, si ce n’est pas pour la remplacer ?
-Je… commença-t-elle, ne sachant quoi répondre.
-Déjà, vous n’êtes pas l’une d’entre eux, dit-il d’un air amusé. Parce que, d’habitude, c’est moi qui ne comprends pas et qui tente de clarifier la situation. Alors, qui êtes-vous ?
-Je m’appelle… Shanti.
-Les noms ne sont qu’une étiquette, mais l’âme aime se rendre fugace, dit-il avec un regard inquisiteur.
Elle cligna lentement des yeux, sans répondre.
Qu’est-ce que je dois dire ? demanda-t-elle, prise en défaut, après avoir répété mentalement la phrase de Daniel.
Êtes-vous sûre d’avoir bien entendu ? demanda à son tour Atlantis.

Après quelques secondes de silence, Jackson laissa tomber son masque de sérieux, et afficha un léger sourire.
-Ca surprend toujours, la première fois, non ? Jack réagit comme vous, quand je lui dis des trucs comme ça, après quelques verres de trop… Bon, donc, Shanti. Et qu’est-ce que vous venez faire dans ce café, Shanti ?
-Vous… voir ? tenta-t-elle après avoir transmis la réponse à Atlantis.
-C’est flatteur. Et pour quelle raison ?
-Comment ça ?
-Vous ne venez pas me voir pour le plaisir… si ? Non, en tout cas, pas comme ça, dit-il en buvant une partie de son café. Toujours aussi bon. Goûtez, il en vaut la peine.
Gardant son regard fixé sur le visage de Jackson, qui dénotait une curiosité amusée, elle suivit son conseil.
-Effectivement, il est…
-Unique, reprit Daniel, en souriant légèrement. Mais, pour revenir à notre discussion… Qu’est-ce que vous voulez apprendre ? Vous êtes là pour ce que je sais.
Devant son silence, il reprit son air amusé avant de finir sa tasse.
Qu’est-ce que je dois faire ? demanda Shanti, en train de paniquer intérieurement.
Ce n’est pas… Un être vivant à ce stade de l’évolution ne devrait pas avoir une telle maîtrise de soi… A moins que…
-Vous savez, répondit Daniel, faisant s’interroger Shanti sur la sécurité de son lien avec l’I.A., ce n’est pas la première fois que je me fais interroger comme ça. D’ailleurs, c’est souvent plus subtil. Enfin, dites-moi déjà ce que vous voulez savoir, ça pourrait être quelque chose que je peux dire… même si je n’y crois pas tr…
Il fut interrompu par une légère secousse, qui fit tinter l’ensemble des verres et couverts dans le café, toutes les conversations s’arrêtant quelques instants avant de reprendre. Pendant quelques secondes, elle vit son interlocuteur avoir un vertige.
Il y a eu… comme un séisme, rapporta-t-elle. Qu’est-ce que ça peut être ?
Les nanites ont découvert une série de chemins neuronaux bloqués, à des endroits pouvant correspondre aux informations recherchées. J’essaie de contourner cet obstacle.

-D’accord, c’est… nouveau, dit-il en remplissant à nouveau sa tasse. Vous pourriez être une diversion. Vous êtes plus subtile que je ne l’imaginais. Et avec plus de moyens que d’habitude. Ce n’est pas une technologie Goa’uld, n’est-ce pas ?
-… Non.
-Bien sûr. Ils sont subtils, à leur manière, même si on peut leur résister avec un peu de volonté. Mais là, c’est… différent.
Un second blocage a été repéré. Préparez-vous, la prévint l’I.A.
L’instant d’après, une autre secousse, plus forte encore que la première, vint secouer l’ensemble des tables, renversant ça et là des tasses et des assiettes, Shanti se poussant instinctivement de côté pour éviter la tasse venant tomber sur la banquette, tandis que la porte s’entrouvrit légèrement, révélant un instant la lumière aveuglante du dehors.

Cette fois-ci, les conversations ne reprirent pas.

-Très bien, dit Daniel en nettoyant lentement le café de ses lunettes, sans se préoccuper du silence de mort qui régnait désormais. S’il faut en venir à ça.

Il mit d’un geste les lunettes, se tourna vers le reste de la salle, et dit d’une voix forte :
-L’addition !

Quelques instants plus tard, la serveuse aux cheveux platine vint à sa rencontre :
-Avez-vous besoin d’autre chose, docteur Jackson ?
-Non, ça ira, répondit-il. Dommage que votre collègue ne soit pas très loquace. Enfin, je n’aimerais pas l’empêcher de travailler. N’est-ce pas… Shanti ?
La serveuse acquiesça et posa méthodiquement sur son plateau les tasses et le broc, avant de se tourner vers Shanti.
Annulez tout ! demanda-t-elle.
Il faudra quelques instants, lieutenant. Continuez à jouer le jeu pour le moment.

Avec réticence, elle se leva, et la femme devant elle lui fit signe de la suivre, avant de se rendre dans les cuisines. Une fois arrivée, la serveuse ferma la porte derrière Shanti, avant de prendre un papier qu’elle lit à voix haute :
-Lieutenant Shanti Bhosle, humaine, planète Terre, équipe de reconnaissance SG-22.
Sans lever les yeux, elle prit une autre fiche derrière elle, et se mit à nouveau à la lire :
-Système de gestion autonome cognitif cinq, Atlantis.
Elle la regarda dans les yeux, et eut un large sourire :
-Ca faisait longtemps.
-Qu…
Qu… entendit-elle en écho.
-Pas besoin de lui répéter ce que je dis, lieutenant, dit la serveuse. Je peux vous assurer que notre… amie commune peut parfaitement me comprendre, vu que je lui parle en même temps qu’à vous.
-Qui… qui êtes-vous ? murmura Shanti après quelques instants de silence complet.
-On m’appelle Urth. Je suis en charge du docteur Jackson ici présent, répondit-elle en englobant tout le décor de ses bras. Après l’incident impliquant ses deux plus célèbres élèves, Oma a dû… s’absenter.
-Urth ? dit Atlantis avec la voix désincarnée que Shanti avait l’habitude d’entendre à bord de la frégate. Mais…
-Surprise ? répondit celle-ci.
-Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda Atlantis, sans faire attention à la jeune femme qui écarquillait les yeux en entendant l’I.A. prendre un air surpris.
-Vous… vous vous connaissez ? souffla Shanti.
-Bien sûr, répondit la femme devant elle. Atlantis et moi avons été amies, il y a une éternité. Et j’espère que nous le sommes toujours.
-Alors, vous êtes une… Ancienne ?
-J’ai été, lieutenant.
-Urth, ici présente, indiqua Atlantis, a procédé au phénomène que vous décrivez comme Ascension, à l’âge de deux cent…
-Pas besoin de ces détails, souffla l’ascendante.
Shanti recula instinctivement de quelques pas, se rappelant ses cours à l’Académie, lorsqu’avaient été abordés les différents contacts entre des humains et des Ascendants. Les images, vidéos et témoignages avaient été suffisants pour lui faire prendre conscience d’un simple fait à leur propos : ils réagissaient rapidement et mortellement à la moindre provocation.
-Donc, que fais-tu chez Jackson ? demanda Atlantis sur un ton léger, que Shanti n’aurait jamais pensé à associer à l’entité qui les dirigeait, elle et le reste du trio. Tu étais une alchimiste chronotronique, pas une sociologue ou une psycho-ingénieure comme Oma.
-Il est un cas assez… particulier.
-Tu n’as pas le droit d’en parler, c’est ça ?
-En fait, si. Tu es au courant de notre “petit“ problème sur la frontière, je crois ?
-Plutôt, oui.
-Les règles sont ce qu’elles sont, nous n’interviendrons pas.
-Pas directement, compléta Atlantis.
-Exactement, répondit Urth. Surtout quand, en parallèle, une certaine Cité va s’occuper de résoudre le problème de manière… acceptable.
-De quelle nature sera la… non-intervention, alors ?
-Je vais te transférer ce que tu aurais pu récupérer chez Daniel par tes propres moyens, et la dernière étape sera facilitée.
-C’est… généreux de votre part. Peux-tu les remercier ?
-C’est fait.
-Et, par curiosité, pourquoi me donner ces renseignement, puisque j’aurais pu les obtenir ?
-Nous préférons assurer la sécurité des nôtres, tu devrais le savoir.
-Des vôtres ? lâcha Shanti, avant de se maudire d’avoir interrompu une conversation entre deux êtres aux pouvoirs qui dépassaient son entendement.
-Bien sûr, lieutenant, répondit Urth. Le docteur Jackson, s’il a choisi de continuer sa vie dans votre plan pour pouvoir y agir, n’a fait que prendre un… congé. Après tout, même si son attitude est quelque peu énergique, il sera le bienvenu à son retour. Donc, si tu pouvais éviter de briser les blocages qui lui permettent de vivre comme un humain à peu près naïf, il t’en serait sûrement reconnaissant.
-Je vois, dit Atlantis. Et, donc, pourquoi toi ?
-Oh, c’est juste qu’il est impliqué dans une série de déplacements temporels pour le moins… créatifs, et qu’il a, dans chaque branche, un rôle important. Le résultat est qu’il génère maintenant des micro-ruptures de causalité, et il faut que quelqu’un s’occupe de les corriger. Et puis, il a une vie intéressante, pour un humain. Presque autant que le dernier que j’ai surveillé.
-D’accord, dit Atlantis. J’ai reçu les informations. Encore merci pour l’aide.
-C’est un plaisir, fit Urth en inclinant légèrement la tête avec un sourire.
-Je procède à votre extraction, lieutenant Bhosle, reprit l’I.A. avec le ton impersonnel auquel Shanti était habitué.
-Heu, entendu.
La jeune femme était encore en train d’essayer d’assimiler la conversation dont elle venait d’être témoin lorsqu’elle sentit une petite pression sur son épaule.
Se retournant, elle vit l’ascendante se rapprocher d’elle et prendre un air faussement conspirateur :
-Une petite information gratuite, lieutenant. Le docteur Jackson est particulièrement curieux, et a trouvé une interface de contrôle assez similaire à celle de votre frégate. Et, vous devez vous en douter, maintenant, sa structure mentale est un peu plus proche de la nôtre que d’habitude, en plus de son gène d’identification. Bien sûr, je ne voudrais pas interférer en prévenant qui que ce soit d’important que le docteur Jackson ait pu être accepté comme utilisateur par défaut du complexe de transmissions. Ni que son évanouissement pourrait être considéré comme une agression contre un Ancien, pouvant entrainer des mesures défensives… Après tout, je suis presque sûre que mes semblables ne vous considèrent pas comme quelqu’un d’important, si ?

Le sourire de l’ascendante fut la dernière chose qu’elle vit avant que le café ne soit remplacé par le sol rocailleux qui se ruait vers son visage.


Shanti ! Ca va ? entendit-elle alors qu’elle subissait de plein fouet la collision avec le granit.
… oui, je vais… bien… je crois répondit-elle après quelques instants à reprendre ses repères.
Qu’est-ce qui s’est… commença Campbell avant de s’interrompre brusquement. Oh, oh.
Trop désorientée pour utiliser sa connexion avec le reste de l’équipe, la jeune femme releva la tête pour voir ce qui avait pu causer la réaction du pilote.

Elle vit une douzaine de mercenaires apparemment bien plus crispés que quelques instants plus tôt, au centre desquels une femme aux cheveux noirs de jais les fixait avec un regard pour lequel elle ne pouvait trouver de qualificatif qui ne soit pas un euphémisme particulièrement éloigné de la réalité.

L’instant d’après, elle remarqua l’origine du déplaisir de la femme en question, à savoir un archéologue inanimé.

Ce fut à ce moment précis que refit surface dans son esprit légèrement troublé par la brusque et désagréable évolution de la situation les propos d’une ascendante au sourire amusé.
Je crois qu’on a un problème, énonça-t-elle dans une lapalissade qui impressionna silencieusement une Intelligence Artificielle pourtant habituée aux propos de l’un des hauts-gradés terriens basés dans sa Cité.
Pas de geste brusque… suggéra Campbell. On peut tous les neutraliser rapidement et sans bavure.
Tout va bien ? s’enquit Maltez. Qu’est-ce qui est arrivé ? Vous êtes tous les deux tombés au même moment.
Je vous expliquerai plus tard. On a un autre problème.
J’ai remarqué, répondit-il. Mais ça va être réglé rapidement : ils sont tous à portée de nanites.
On a un autre problème, répéta-t-elle.

Atlantis ? demanda-t-elle sur un canal privé. Quels sont les défenses de ce centre de comm’ ?
Théoriquement, le matériel de base de tout avant-poste, plus du matériel de surface. Mais je doute qu’il reste quoi que ce soit d’actif.
Doute ? demanda-t-elle, inquiète.
Oui. Même si je peux observer l’ensemble de la zone, le contenu matériel et logiciel de ce complexe m’est effectivement inaccessible, même s’il ne présente que peu d’intérêt en l’état.
S’il restait des défenses, elles pourraient s’activer dans certains cas ?
Effectivement, mais dans des conditions très particulières, et pas sans l’intervention d’un opérateur présentant les particularités physiques et mentales d’identif… vous voulez faire référence au docteur Jackson ?
Oui, dit-elle avec une appréhension croissante. Et…
Et vous voulez m’amener lentement à réaliser que son état actuel pourrait être considéré comme une agression, si d’aventure le système de défense avait été réactivé.
Et bien…
Et ceci en espérant que je vienne à remarquer que cela explique parfaitement pourquoi je n’arrive pas à vous téléporter de nouveau à bord, malgré mes essais répétés depuis l’instant où la connexion s’est achevée.
Pardon ? lâcha-t-elle brusquement.
Je réagis vite, lieutenant Bhosle. Donc, à l’avenir, veuillez éviter de rentrer dans des schémas de conversations éculés depuis bien avant ma création, surtout lorsque les schémas en question nous coûtent inutilement un temps précieux de préparation face à un danger probable.
Désolée.



L’espion reconnut la double chute pour ce qu’elle était : son arrêt de mort. En voyant l’archéologue et l’incarnation de la mort tomber simultanément, et surtout en voyant les réactions sur les visages voisins, il sut que ses secondes étaient comptées. Il n’avait plus aucun doute quant à la suite des évènements. L’un des deux groupes allait considérer que l’autre les attaquait, et l’enfer se déchainerait. A quelques pas de lui. Alors qu’il était debout. A découvert.

Il ne savait pas si les pouvoirs des compagnons de celle qu’il avait qualifié de déesse seraient aussi efficaces contre les armes à projectiles qu’ils l’avaient été contre les lances jaffas, mais il ne se faisait pas d’illusion sur ses propres chances. Il fut pris, pendant les quelques instants des deux chutes, d’un sentiment de calme, alors qu’il venait d’accepter cet état de fait. Ses tuteurs, son mentor, tous ou presque qui connaissaient son rôle à venir, lui avaient expliqué qu’il n’était qu’un mort en sursis. Sa couverture tomberait tôt ou tard, par sa faute ou non, les coïncidences n’étant pas moins létales que les fautes. La seule chose qu’il devrait alors faire était d’accepter son sort, sans se rattacher à un espoir dérisoire prolongé par la trahison et les aveux.

Voyant l’archéologue tomber comme au ralenti, il ferma les yeux, et attendit le déplacement d’air ou la déflagration lui annonçant l’effondrement inéluctable de la situation dans un chaos à la conclusion brève et définitive.

Le silence resta maître, avant d’être finalement brisé. Par une voix. Celle d’une femme aux cheveux noirs de jais.
-A couvert !

Finalement, obéissant à ses réflexes, le jaffa plongea au sol, ouvrant brusquement les yeux pour voir l’ensemble des mercenaires contourner leurs abris, venant se placer entre ceux-ci et le trio d’intrus. Ce fut l’instant d’après que son regard fut attiré par l’activité les soldats.


Comment ça, “les ruines se défendent“, comment ça ?!s’effraya Campbell alors que Shanti se relevait lentement, pour paraitre aussi peu menaçante que possible
Il s’agit de la seule éventualité envisageable, lieutenant, au vu des signaux que vous me retransmettez.
Et pourquoi maintenant ? demanda Maltez tout en jetant un rapide coup d’œil derrière lui pour voir où reposaient les armes du groupe.
Je n’ai malheureusement aucune hypothèse valable à ce suj… commença l’I.A. avant d’être interrompue par Shanti.
Non. Vous savez très bien ce qu’il se passe. Il n’y a pas de coïncidence. lâcha-t-elle.
Lieutenant Bhosle…
Non ! C’était notre accord ! Vous leur dites, ou je le fais !
Bordel ! rugit le pilote. Dans quoi vous nous avez balancé, Atlantis ?!
Je vous expliquerai, lieutenant Campbell, mais il semblerait que vous ayez un problème plus urgent.


Vala Mal’Doran, avec sa réputation et son attitude, faisait partie de cette catégorie d’entrepreneurs qui avait proliféré après la chute des Goa’uld. Et dont la population s’était drastiquement réduite en quelques années d’une époque où les différends commerciaux et personnels s’étaient souvent soldés à coups de croiseurs interstellaires anciennement propriété de Grands Maîtres récemment décédés. Ainsi, sa simple survie témoignait de compétences remarquables et de bon sens. Celui-ci se manifestait plus ou moins souvent, selon les situations où elle se retrouvait –et si certains prétendaient qu’il fallait singulièrement manquer de bon sens pour se retrouver dans de telles situations, ils se voyaient répondre que le bon sens paysan n’était pas un chemin réputé vers la gloire et la fortune– mais certaines règles demeuraient inamovibles.

Entre autres, de ne pas tirer sur un groupe qui vient de faire trembler un homme ayant mis à bas des empires, ayant survécu à l’explosion d’une étoile et connu plus souvent la mort que nécessaire. Du moins, pas avant de connaître les intentions précises de ces personnes. Et, quand, brusquement, les ruines derrière soi se mettent à produire des sons inappropriés pour un bâtiment sensé être en désuétude depuis des millénaires, le bon sens implique de pouvoir classifier rapidement les menaces. Pour la chef du groupe de mercenaires, observant chacun des gestes des trois intrus avant et après l’évanouissement de son amant, la décision fut instantanée.

Daniel respirait toujours, l’espion qu’elle hébergeait s’était comme débranché sous l’effet de la panique, et le groupe en question n’avait pas attaqué qui que ce soit, alors que tout indiquait que, d’une manière qu’elle ne comprenait pas, une seule d’entre eux pouvait tenir tête à plus d’une centaine de jaffas. D’un autre côté, un bâtiment immémorial semblait se réactiver dans son dos, ce qui constituait un danger beaucoup plus critique pour quiconque ayant eu, comme elle, accès à un témoignage de première main sur la destruction de la flotte d’Anubis.

Obéissant ainsi à son bon sens, elle hurla “A couvert !“ avant de bondir derrière le muret, suivie peu de temps après par ses subordonnés, aussi bien les soldats que le technicien à qui elle donnait des ordres quelques secondes plus tôt.

Un instant plus tard, voyant que la situation n’avait pas évolué brutalement comme elle pouvait le craindre, elle se rapprocha rapidement de Jackson. Soupirant de soulagement après avoir vérifié qu’il était en vie, elle s’assura qu’il n’avait pas été blessé par sa chute, et le ramena près des autres mercenaires, alors que, du coin de l’œil, elle voyait le trio à l’origine de la situation la rejoindre derrière l’abri de fortune.

-Qu’est-ce qui se passe ? cracha-t-elle.
-Le système défensif vient de se réactiver, dit Maltez, en jetant un regard rapide vers Shanti.
-Et c’est quoi, ce système ? demanda un soldat à quelques mètres d’eux.
-Aucune id… commença Shanti avant de se figer, à l’instar du reste de son groupe.
-Oh merde… lâcha finalement Campbell.
-Quoi ? demanda à nouveau Vala.
-On a plusieurs drones de combat qui viennent de s’activer.
-Comment est-ce que vous sav… non, oubliez ça. Drones ? Comme ceux qui détruisent une flotte ?
-Non, juste des robots de combat, répondit Maltez. Vous feriez mieux de partir. Vite.

Se penchant sur Daniel, Vala le vit commencer à retrouver ses esprits.
-Ho, tout le monde, on se prépare à décrocher. Van, tu m’aideras à porter Daniel s’il est encore dans les vapes.
Restant accroupie, elle se dirigea vers le technicien, qui continuait de ranger son équipement dans son sac.
-Noah, lui dit-elle en lui prenant le poignet pour interrompre son geste. Tu as toujours ton bouclier tactique ?
-Oui, répondit le technicien en relevant la tête pour croiser son regard.
-Parfait, alors tu as deux minutes pour faire un truc impossible et totalement stupide, commença-t-elle.

Campbell essayait de suivre ce que disait Vala quand son attention fut brusquement attirée par le mouvement des drones, qui venaient de surgir des ruines. Reconnaissant des modèles similaires à ceux ayant servi pour son entrainement à bord de la frégate, il jura intérieurement lorsque de ceux-ci partit une série de projectiles lancés à grande vitesse vers l’ensemble du groupe. Il savait quoi faire.

Van’Tet se figea en voyant les formes sombres ouvrir le feu, fasciné par le ballet complexe des disques métalliques dont il n’arrivait à suivre le mouvement, ne les repérant que par intermittence, avant que ceux-ci, arrivant à quelques mètres du muret, ne se percutent tous entre eux ou ne soient projetés brutalement au sol. Sentant la chaleur causée par la série de déflagrations, il ne s’étonna pas de ne voir personne s’effondrer au milieu du nuage de graviers projeté dans toutes les directions. Il était certain d’avoir vu certains des fragments de roche changer de trajectoire en arrivant vers son visage, et préférait ne pas se poser de questions à ce propos, choisissant de faire la même chose que ses voisins et tirant avec son arme vers les silhouettes qui venaient d’attaquer.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Vyslanté »

Oui, je sais, j'ai pas commenté depuis quelques chapitres.

Mais franchement, je vais pas faire un commentaire par chapitre, il eut fallu que j'eusse le talent de Mat pour la critique littéraire, et bon, moi à part : BRAVO, je vois pas trop ce que je peux raconter....
« Je voyais ça moins… rouge.
— Proxima Centauri est une naine rouge. Vous vous attendiez à quoi ? Un énorme cube vert ? »

Rufus : En même temps, c'est un rite de passage pour toute organisation qui se respecte : tuer au moins une fois Jackson. Tout le monde l'a déjà fait...
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Nouveau chapitre de la fic, et, en cadeau malus à la fin du dit-chapitre, une petite série de Omakes, à savoir des délires faits dans l'univers d'EP. Pour les autres lecteurs, rassurez-vous, le chapitre 26 est en cours de relecture et l'épilogue a déjà été commencé.

Chapitre 18 : Temps intéressants

Il ne savait pas combien de temps il lui avait fallu pour se réveiller, mais les bribes de conversation qu’il avait pu surprendre avaient aidé l’espion à clarifier sa situation. Il avait, comme apparemment l’ensemble du groupe, pu être ramené à bord du vaisseau sur lequel se basaient les contrebandiers et mercenaires de Vala.

Il se rendit rapidement compte que s’il était conscient, sa vue n’était, elle, pas encore revenue, ne lui permettant de distinguer qu’un amas de formes et de couleurs floues qu’il supposait appartenir à l’infirmerie rudimentaire des Ha’Tak. Il tenta de se redresser, mais ne put retenir un gémissement au moment où il appuya ses mains sur le lit où il était allongé. La douleur lui fit aussitôt relever les bras, mais ne cessa pas pour autant, et il resta quelques longs instants les bras maintenus en l’air avant qu’une silhouette ne s’approche de lui et fasse s’évanouir la sensation de brûlure.

-Ne bouge pas, lui dit fermement la forme humaine devant lui. Tu as été brûlé, partout où tes vêtements ne t’ont pas protégé. Attends une seconde… Voilà, pose tes bras ici, tu n’auras pas de problème, ce sont juste tes mains qui ne doivent rien toucher.
-Qu… que…
-N’essaie pas de parler, tu as été touché au visage aussi, alors on a mis un baume calmant dessus. Vous devriez aller mieux dans quelques jours, toi et les autres… continua la voix, avant d’émettre un soupir. Bon, autant te dire ce qu’il en est, sans ça tu vas t’agiter. Tout le monde est rentré à peu près intact, si l’on oublie le plus beau coup de soleil que j’ai jamais vu. Tu as été l’un des plus salement touchés, avec la patronne et son copain, vu que vous avez été suffisamment cons pour ne pas vous éloigner plus vite. Enfin… elle a insisté pour que ce Daniel et toi soyez traités aussi vite que possible, avec ses réserves personnelles.
-P…pou…
-Je t’ai dit de ne pas parler ! Tu es sourd, ou… non, sans ça je l’aurais vu au scan. Tu te tais, sauf si tu veux réveiller tout le monde avec tes hurlements de douleur… Bon, je disais, avant que tu me coupes. T’es prioritaire, pour une raison qui m’échappe, alors tu devrais être en état de te lever et de parler un peu d’ici demain, et je crois que c’est ce qu’elle veut. Et vu qu’elle a dépensé trois fois ma solde annuelle pour ça, tu dois avoir des trucs à lui dire. En tout cas, tu bouges pas avant que j t’y autorise. Essaie de dormir, t’en as besoin.

Van’Tet acquiesça difficilement, et vit la silhouette repartir. Il fixa du regard la tache floue qu’était le plafond de la salle, et s’égara dans ses pensées, se demandant comment il s’était retrouvé dans cette situation.
Son esprit basculait d’une scène à l’autre, des décombres de l’Installation à la lueur aussi terrifiante que silencieuse qui avait mis fin à une expédition qui, non contente de ne lui avoir donné aucune des réponses prévues, avait rajouté son lot de confusion aux hypothèses du jaffa.

Elle était revenue, et ça ne pouvait être un accident ou une coïncidence. Au fond de lui, il savait que cette figure de la guerre n’avait pu que survivre à la boule de feu, qu’il croiserait à nouveau sa route. Et il avait peur.

Mais il savait à présent qu’il n’était pas seul à ressentir cette terreur sans nom à l’égard de l’être inconnu.

Jackson aussi avait tremblé avant de s’effondrer. Et il semblait la connaitre.

Comment l’a-t-il appelée ? Va… Valkyrie.

Le jaffa, silencieusement, rassembla ses souvenirs sur ce nom, se rappelant des récits de guerriers à l’époque où les faux dieux n’avaient pas été détruits. Des guerriers dont il commençait à douter de la sénilité.

Un nom associé à Thor, Freyr et Baldr, ceux devant qui les faux dieux préféraient s’écarter, malgré l’illusion de pouvoir absolu qu’ils se plaisaient à donner. Ils parlaient d’une créature, qui apparaissait lors d’escarmouches ou de batailles entre troupes ennemies sur des planètes protégées. Lorsque les guerriers n’étaient pas anéantis pour avoir fait irruption sur ces terres d’asile.

Elle observait, se tenait à l’écart, et rappelait aux guerriers qu’ils ne se battaient pas sur n’importe quel terrain, mais bien chez elle. Ils disaient qu’elle jugeait de la valeur des guerriers, que, sur ses terres, elle seule décidait du vainqueur et du vaincu, choisissant parfois de séparer les opposants ou de les anéantir, mais laissant toujours un témoin de sa toute-puissance.

Jackson l’a déjà vu avant, se rappela-t-il. Ils ont parlé de quoi ? Confiance, trahison ? Qu’est-ce qu’elle lui a fait ? Il l’a traitée de risque, elle et ses deux compagnons, lui a demandé pour qui elle travaille…

Il repensa aussitôt à Thor, celui qui inspirait crainte et terreur aux Grands Maîtres eux-mêmes, qui avait finalement décidé de se joindre aux Tauri pour détruire les faux dieux.

Ils ne l’ont pas envoyée le tuer. Personne ne serait rentré sinon. Mais pourquoi est-ce qu’il a réagi comme ça, s’il la connait ? Il doit savoir avec qui elle est, on dit qu’il connait Thor personnellement, alors pourquoi… pourquoi demander ? Et puis, non…, qu’est-ce qu’elle veut, qu’est-ce que Vala veut, qu’est-ce que Jackson veut ? Si elle n’est pas avec eux, avec qui ? Ses mots, son attitude… Elle est une guerrière, mais sans en être une… Elle détruit tout, et a comme… peur… De qui ? De quoi ? Et pourquoi avoir attaqué Dakara ? se demanda-t-il désespérément. Pourquoi ? Pourquoi ?...

Il sombra rapidement dans la confusion la plus totale, sans trouver de réponse alors que ses pensées commençaient à s’égarer. Il tenta pendant quelques minutes de retrouver le fil de ses questions, de ses embryons de réponses, avant de finalement sombrer dans l’inconscience.


Une douleur aigue le fit sortir de son sommeil, l’arrachant aux cauchemars d’une femme détruisant tout ce qu’il connaissait, sans effort, sans pitié, sans émotion. Il ouvrit les yeux pour retrouver ce plafond auquel il n’était pas encore habitué, légèrement moins flou que dans ses souvenirs. Il tourna lentement la tête et vit un homme retirer une seringue de son bras.
-La patronne veut te voir, dit laconiquement la voix qu’il reconnut comme étant celle du médecin qui lui avait intimé de ne pas bouger. Essaie de te lever, tu devrais pouvoir marcher à peu près et ne pas avoir trop mal si tu touches quelque chose par hasard. En tout cas, dès qu’elle en a fini avec toi, et si tu es encore en vie, tu reviens sur-le-champ. C’est pas parce que tu peux te lever et marmonner quelques minutes que t’en as fini avec moi.

Péniblement, le jaffa se hissa en-dehors du lit, posant avec appréhension ses mains sur celui-ci, avant de constater avec soulagement que la douleur, si elle était encore présente, était désormais bien plus supportable.
-Alors ? demanda le médecin, étonnant le jaffa en ne posant aucune des questions de nature médicales auxquelles il se serait attendu et se serait empressé de répondre.
-C’est… bon, murmura Van’Tet, la voix faible et déformée par son visage encore à moitié paralysé.
Il confirma ses dires en se levant, ne perdant qu’un instant l’équilibre avant de regarder autour de lui, et vit les différentes taches des personnes dans l’infirmerie, où résidaient apparemment la majorité des mercenaires qui l’avaient accompagné.
-Par ici, l’appela une voix qu’il reconnut aussitôt comme celle de Jomah.

Le jaffa avança lentement vers le second de Vala, qui se tenait près de la porte.
-Tu l’as surprise, lui dit-il une fois sortis de l’infirmerie. Elle avait eu des infos sur Dakara, mais là, elle commence à te croire quand tu lui dis que tu survis aux catastrophes.
-Je me suis enfui, lâcha-t-il.
-Et tu as eu totalement raison. Mikta, on m’a dit que même Jackson a flippé. T’as su filer quand il fallait. Tout le monde ne sait pas le faire.

Il suivit le mercenaire quelques minutes dans les coursives floues, avant que sa forme trouble ne s’arrête et lui indique d’avancer.
-Ils t’attendent, dit-il laconiquement.
Le jaffa entra dans la pièce, toujours voilée par le flot brumeux qui siégeait dans ses yeux. Tout juste y voyait-il assez pour savoir clairement s'il allait rencontrer un mur ou non, et la moindre lumière éblouissait des contours déjà diffus. Et ces tâches-là, échos mouvants de couleurs floues, quelles étaient-elles? Lentement, il finit par y distinguer les principaux traits des visages et silhouettes de Vala et Jackson.
-Il parait que vous allez mieux, Van’Tet, dit l’archéologue au jaffa lui faisant signe de s’asseoir avant de faire de même.
-Oui, répondit-il. Merci pour le traitement, ma vue est presque redevenue normale. Je croyais ne plus la retrouver.
-Un petit souvenir offert par un autre archéologue qui a préféré trouver asile chez nous. Enfin, c’est le minimum pour quelqu’un qui m’a éloigné d’un dispositif nucléaire, conclut-il en dirigeant son regard vers Vala, qui, apparemment, haussa les épaules.
La femme aux cheveux noirs de jais intervint brusquement :
-Daniel voudrait en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé sur Dakara avant de rentrer chez lui. Il semble que tu sois l’un des seuls à avoir vu cette femme là-bas et à s’en être sorti. Et vu que tu es le seul à l’avoir vu deux fois, tout court, personne ne doit en savoir plus que toi.
Van’Tet posa successivement son regard sur la mercenaire et l’archéologue, puis soupira :
-D’accord.
-Merci, répondit Jackson.
-Ca a commencé par une alerte, en pleine nuit, et on nous a dit de nous rendre sur la place centrale. Il fallait protéger l’Arme et les bâtiments importants parce qu’un groupe inconnu arrivait. Je me souviens du chaos, avec des informations contradictoires, certains disaient que c’était un de vos commandos, dit-il en regardant Jackson, d’autres des Kull, ou alors qu’ils se déplaçaient à la vitesse d’un Planeur, ou encore en passant par les toits. Tout ce qui était clair, c‘est que les feux d’urgences étaient allumés et qu’on avait perdu le contact avec les postes de garde extérieurs et la flotte en orbite.
-Et c’est le li… c’est elle qui vous attendait, c’est ça ?
-Non, nous sommes arrivés juste avant eux. Mais l’instant d’après, ils sont venus, ils étaient là, tous les trois. Les deux autres sont rentrés dans l’Arme, elle est restée sur notre chemin.
-Ensuite ?
Il détourna le regard, se rappelant les souvenirs douloureux.
-On nous a donné l’ordre de tirer. Mais rien ne pouvait la toucher.
-Un bouclier ? demanda Vala.
-Non, nos tirs la rataient. Comme dans les ruines, ils l’évitaient.
Daniel acquiesça lentement, son regard trahissant l’incompréhension, et Van’Tet se rappela que le Terrien n’avait retrouvé tous ses sens que plusieurs minutes après les faits, manquant le déchaînement de force du trio inconnu. Il reprit son récit :
-Puis elle s’est effondrée, comme si on l’avait touché. On avait cru l’avoir tuée, mais quand quelqu’un est allé le vérifier, c’est là que… que…
-Prenez votre temps, dit Jackson.
-Elle a commencé à nous massacrer. A nous anéantir. Avec nos propres armes. J’ai survécu par chance, presque tous les autres ont été tués en un instant. Les renforts sont arrivés pour nous aider, mais elle les a balayés sans effort. J’ai voulu retourner à la garnison, trouver les autres gardes, m’enfuir. Je ne savais plus ce que je faisais. On était tous morts, elle tuait tous ceux qui la défiaient. Ils arrivaient, ils tiraient, ils disparaissaient.
Il s’arrêta de parler, cherchant un mur où s’appuyer, tremblant en voyant à nouveau les images de cette nuit.
-Je ne sais plus quand, j’ai choisi de m’enfuir, ayant plus de chance comme déserteur que comme garde. J’ai repensé aux prisonniers.
-Deux types à moi, intervint Vala. Import-export. Il les a libérés pour trouver un point de chute. Bien pensé, pour quelqu’un qui panique.
-Et vous êtes partis tous les trois par la Porte, c’est ça ? Personne ne la gardait ?
-Il n’y avait plus personne, quand je suis revenu. Tous les gardes s’étaient fait tuer ou s’étaient enfuis. Tous. Il n’y avait plus que les feux quand les Planeurs et les Al’Kesh sont arrivés. Les feux, répéta-t-il le regard dans le vague, les feux et… l’odeur…

Il ne lui fallut que quelques minutes pour terminer son récit, entrecoupé de questions de l’archéologue, dont la précision ne fit que renforcer les suspicions du jaffa sur son lien avec l’être qui avait failli le tuer avec le reste des gardes. Vala le remercia alors pour son aide, puis appela Jomah, qui avait apparemment attendu à l’extérieur, pour le ramener à l’infirmerie.

-Alors ?
-Totalement d’accord avec toi, répondit Daniel. Un espion, et pas le plus doué qu’il m’ait été donné de voir.
-Oui, mais ça n’empêche pas que ce qu’il a raconté s’est bien passé, selon mes sources. Et vu ce qui s’est passé près des ruines, je le crois totalement.
-Effectivement, Bra’tac a eu un peu de chance dans son malheur, que tout ça ait au moins donné une couverture valable à son agent.
-Bra’tac ? Pourquoi lui ?
-J’ai croisé les espions des autres factions jaffas, et, crois-moi, ils sont encore moins subtils que ce Van’Tet. Surtout ceux de Gerak, mais quand on recrute chez les idéologues parce qu’on en est un soi-même, il ne faut pas s’attendre à des miracles… Enfin, au moins, il a l’excuse de la jeunesse, et il ne fait pas trop d’erreurs. Tu as une raison particulière pour le garder aussi près, ou est-ce une autre lubie devant laquelle je dois grogner ?
-Ils veulent savoir ou prendre quelque chose de moi, et sont près à me rendre deux hommes pour infiltrer le leur. Donc, ça doit valoir beaucoup pour eux, et ça m’intéresse.
-Logique. D’ailleurs, à propos de… valeur, comment s’organise-t-on pour… ?
-Tu as inspecté et payé. Et rien de ce qui est arrivé n’est de ma faute.
-Et si tu arrêtais de hurler à tout bout de champ qu’il nous arrive toujours des trucs invraisemblables, on en éviterait peut-être un ou deux. Et, moi, j’éviterais de me faire quelques ennemis jurés supplémentaire au service financier.
-Il faut t’en prendre à toi-même si vos comptables ont prouvé mathématiquement que tu coûtes beaucoup plus cher vivant que mort, répondit-elle avec un large sourire hypocrite.
-…
-Sinon, reprit-elle sérieusement, est-ce que tu vas enfin me dire ce qu’il se passe ?
-… non.
-Pardon ? répondit Vala, étonnée.
-Si j’ai raison sur ses employeurs, c’est beaucoup trop important… En fait, le mot de passe que je t’ai donné n’est connu que par une demi-douzaine de personnes, toutes au plus haut de notre administration. S’ils apprennent que tu le connais, ou que tu tentes de l’utiliser sans raison valable, et, crois-moi, tu n’as absolument aucune idée de ce dont je peux parler, ils te tueront. Et je ne ferai rien pour les en empêcher. C’est trop important.
-A ce point ? demanda-t-elle. Juste si je dis Adr…
-Stop ! Je ne plaisante pas. Ils te tueront, toi et toutes les personnes que tu as pu croiser et qui pourraient avoir eu connaissance du mot de passe… Toi plus que quiconque.
-Qu’est-ce que j’ai à voir là-dedans ?
-Tu as tendance à engendrer un certain type de chaos, répondit-il, en évitant par-dessus tout de lui révéler son éventuel rôle. Sincèrement, n’en parle à personne sans ma consigne expresse.
-… Très bien. Tu ne m’expliqueras jamais de quoi il s’agit ?
-Jamais, je tiens trop à toi pour ça, Vala.


La semaine avait été pour elle lente, presque ennuyeuse. Occupée à parcourir d’innombrables rapports sur les créatures qui semblaient préoccuper Atlantis, la scientifique voyait le sentiment de découverte s’évanouir progressivement tandis que son esprit cherchait, sans succès, à percer les motivations de l’I.A. Celle-ci avait accès aux mêmes informations, pouvait les traiter infiniment plus vite, et l’humaine n’avait apparemment aucune compétence particulière justifiant de lui reléguer cette tâche.

Elle ne comprenait pas, et cela la dérangeait.

Même si son esprit se plaisait à lui rappeler qu’elle ne pouvait espérer appréhender l’ensemble des actions de l’entité qui l’avait, pour ainsi dire, adoptée, Anna Stern ne pouvait se contenter de cette incertitude. Ainsi, ses journées étaient davantage passées à s’interroger sur les motivations d’Atlantis qu’à analyser les fichiers qui lui étaient fournis.

Et ses conclusions ne faisaient rien pour mettre fin à sa désorientation : une intelligence artificielle ne pouvait pas, de ce qu’elle en savait ou croyait savoir, penser comme un être humain, surtout si ses concepteurs –géniteurs– n’étaient pas non plus humains. Malgré l’illusion qu’elle maintenait durant leurs échanges. Pourtant, Anna ne parvenait pas à accepter que ce raisonnement puisse être hors de sa portée, d’autant plus qu’elle semblait en faire elle-même partie intégrante.

Finalement, une chose simple lui apparut telle une évidence : l’I.A. était parfaitement au courant de ce train de pensée et ne faisait rien pour la dissuader de s’y égarer, incitant la scientifique à se demander à quel niveau jouait Atlantis. Il lui était impossible de savoir si elle tolérait cette dérive parce qu’elle était inutile ou bien si elle s’attendait à ce qu’Anna pense ainsi et décide d’elle-même de changer de piste.
Pas besoin de se mentir, conclut-elle en soupirant. Elle pense forcément à un degré de plus que moi… Ou pas ?

Elle se reporta sur l’écran, et eut besoin de quelques instants pour se rappeler le sujet qu’elle était en train de parcourir avant de se perdre en réflexions. Le moniteur devant elle était figé sur un document technique traitant de l’avant-poste installé par les scientifiques Altérans de l’époque. Cherchant l’endroit où elle avait interrompu sa lecture quelques minutes plus tôt, elle remarqua un élément de couleur différente.

-Atlantis, qu’est-ce qu’une… intelligence virtuelle ? demanda-t-elle à la Cité.
-Un logiciel expert semi-cognitif pouvant réaliser efficacement une tâche particulière et s’améliorant de manière autonome dans son exécution.
-Quel genre de tâche ?
-Artisanat, logistique, gestion, tactique militaire, une grande partie des travaux n’étant pas fondés sur la créativité pure.
-Et, celle de l’avant-poste ?
-Il n’y avait plus de système d’I.V. là-bas au moment où ce rapport a été mis à jour, répondit Atlantis. Le choix de couleur spécifique est dû au fait qu’elle a été remplacée.
-Remplacée ?
-Oui, par un système de contrôle plus performant.
-Comment ça, par qu… s’interrompit-elle en réalisant brusquement. Vous voulez dire qu’il y a une…
-Une Intelligence Artificielle, oui. Qui est toujours active.

Anna resta silencieuse quelques instants avant de répondre :
-Vous le savez… Vous avez pris contact avec elle, c’est ça ?
-En effet.
-Et ?
-Et il apparait que mes créateurs ont eu, apparemment à titre posthume, raison quant à l’une des faiblesses principales des entités de mon type. A savoir qu’il nous est particulièrement pénible de rester fonctionnelles sur une durée prolongée en l’absence d’interactions sociales. L’absence de celles-ci, et précisément, avec des Altérans permettant des échanges dignes d’intérêt, peut avoir, sur une durée se chiffrant en millénaires et dans des conditions… perfectibles, certaines conséquences regrettables.
-Elle est devenue folle, c’est ça que vous essayez de me dire ?
-Il s’agit d’une assertion relativement correcte.
-Et, les… conséquences regrettables ? demanda Anna, craignant la réponse.
-Elle a procédé à la réactivation de l’espèce sous sa protection, et, en l’absence de contact ou d’ordres, a entamé un processus de contre-attaque sur l’ennemi ayant infligé de lourdes pertes à ses créateurs.
-Les Ori ?
-Tout à fait. Or, l’avant-poste ne disposant pas des autorisations nécessaires à la mise en place d’infrastructures de construction ou de commandement nécessaires à la constitution d’une force offensive, elle a contourné ces restrictions.
-Comment ? demanda Anna en réprimant un frisson.
-En guidant l’évolution physiologique et sociologique de l’espèce à sa charge d’une manière autre que désintéressée.
Elle déglutit, ses craintes confirmées.
-Ma première action, reprit l’I.A., en apprenant cette méprise, a été de proposer à Hagalaz une réactualisation de ses bases de données.
-Pardon ? demanda Anna, en reconnaissant un nom qu'elle avait vu des années auparavant, durant ses études.
-Le nom qu’elle s’est choisie, et qui, selon elle, symbolise sa mission.
-D’accord… Et… comment a-t-elle réagi ? l’interrogea-t-elle.
-En considérant mes données comme corrompues. Tout semble actuellement indiquer qu’elle est dans l’incapacité de remettre en cause ses déductions, malheureusement erronées, sur la situation actuelle.
-Et ses… protégés ? demanda Anna en s’efforçant de ne pas hurler sur son interlocutrice, qui décrivait sans empathie quelconque les actions génocidaires d’une entité ayant déjà détruit des milliards de vies dans un enfer de radiations.
-Mon hypothèse la plus forte est qu’elle dispose d’une certaine capacité de contrôle sur les connaissances et les idées autorisées à être intégrées à la conscience collective de l’espèce, mais je compte approfondir mes renseignements lorsqu’il sera possible d’agir sur place.
-Comment ça ? répondit-elle en réprimant difficilement un frisson.
Qu’est-ce que ça veut dire ? Il n’y a pas une semaine, elle me laissait dans le brouillard, et maintenant… Ca ne peut pas être un bon signe… pas du tout. Soit elle va m’impliquer encore plus dans ce qu’elle prépare, soit elle considère que… que je ne pourrai parler de ça à personne. Comme les monologues dans les films… Pas bon…
-Je mets en place une opération de renseignement afin de déterminer précisément la situation et les éventuelles actions correctives nécessaires.
-Que… Comment ? s’embrouilla Anna. Pardon ?
-Je manque d’informations, et il peut être nécessaire d’agir en vue d’assurer la sécurité prolongée de l’héritage de mes créateurs.
-Oui… répondit-elle prudemment en essayant d’assimiler les implications de ces informations, puis du fait même que l’I.A. les partage avec elle.
-Attendez, reprit l’humaine quelques secondes plus tard. Vous m’aviez dit que vous ne me diriez rien de plus que nécessaire. Alors qu’est-ce que… Oh non ! Pas question !
-Pas question de quoi ? Soyez précise, je vous prie.
-Pas question de partir dans je-ne-sais-quelle expédition suicidaire ! Je ne suis pas un soldat.
-Vous resterez en permanence ici, rassurez-vous. La partie “action“ est destinée à un autre groupe.
-Alors qu’est-ce que je peux bien faire qui vous est impossible ?
-Je vais y venir. Mais, entre autres, il a été récemment porté à mon attention que certains éléments se plaisent à demeurer en-dehors de mon contrôle ou de mes schémas d’analyse.
-Ce qui veut dire ?
-Ce qui veut dire que, dans certaines situations, je pourrais tirer des bénéfices de votre propre analyse d’une situation, ne serait-ce que par ses limites et sa propre irrationalité. De plus, votre intégration à l’équipe, dans un rôle de soutien, serait hautement productive, comme il m’a été donné de le constater expérimentalement.
-Comment ça, expérimentalement ?
-Je vous l’expliquerai d’ici peu.
-Sûrement. D’autres raisons pour me lancer dans une nouvelle étape du “Grand Plan“ ?
-Bien sûr, mais il n’y est pas prévu que vous les connaissiez.
-Quelle surprise…
-En effet. Quoi qu’il en soit, peu après notre rencontre initiale, vous avez pu assister au retour de… commença Atlantis.


L’extraction n’avait duré qu’un instant, entre le moment où, sous les tirs du vaisseau Ancien, le bouclier s’était effondré, et celui où le flash l’avait emmenée en sécurité. Pourtant, elle se souvenait, sans l’ombre d’un doute, avoir vu le début de l’éclair dégagé par la réaction incontrôlée dans le générateur. Une vision suffisamment claire pour lui rappeler à quel point la mission était passée près de lui coûter sa vie.

Ce qui rendait bien plus difficiles ses efforts pour calmer les deux autres membres du groupe, qui, depuis leur retour, extériorisaient leur mécontentement face à un briefing s’étant manifestement avéré incomplet.

-Non, non et non ! C’est du foutage de gueule ! rugit Maltez. Un piège du début à la fin. Comment avez-vous pu accepter d’en faire partie, Shanti ?!
-C’était pas un piège, répéta-t-elle une fois de plus. Ces robots nous ont tous surpris, même Atlantis.
-Et la vingtaine de mercenaires, par contre, c’était pas une surprise, apparemment, souligna le pilote.
-Il fallait… il fallait qu’ils croient que c’était un hasard, commença-t-elle avant d’être interrompue par l’I.A.
-Si vous étiez tous les trois au fait du véritable objectif, à savoir le docteur Jackson, celui-ci s’en serait très probablement aperçu. Tous mes renseignements à son propos le créditent d’une empathie particulièrement forte, et il est préférable d’éviter de lui fournir des informations pouvant le mener à des actions… regrettables.
-Attaquer le docteur Jackson, demanda Maltez en faisant un pas en arrière. Allez vous faire foutre, Atlantis ! Ca ne fait pas partie du marché. Sans lui, on serait tous morts une douzaine de fois.
-On ne l’a pas attaqué, commandant, intervint Shanti brusquement, alors qu’elle voyait que la situation était sur le point de dégénérer.
-En effet, lieutenant, reprit l’I.A. Le docteur Jackson n’est pas un adversaire, et ne pourrait physiquement pas le devenir.
-Vous le tueriez avant ? railla Campbell.
-Non. Le fait est que, de tous les êtres vivants que j’ai rencontrée depuis mon réveil, il est, sans le moindre doute, celui qui s’apparente le plus à mes créateurs… Au point où, s’il en exprimait le désir, il pourrait prendre le contrôle d’une partie de mes infrastructures. Vous n’avez été attaqués par ces drones de combat que pour une et une seule raison : ils ont voulu défendre le docteur Jackson.
-Comment ça ? demanda Maltez, pris au dépourvu.
-L’architecture de contrôle des dispositifs Anciens est particulièrement flexible, pour rester cohérent avec leur longue durée de vie. Il est en effet nécessaire de prendre en compte l’évolution biologique naturelle et artificielle de l’espèce sur une durée s’étalant en millénaires ou plus. Les protocoles d’identifications se reposent d’autant moins sur la physiologie que le temps s’écoule, dans la mesure où un identifiant est présent.
-Le gène, répondit instinctivement le pilote.
-Effectivement, du moins pour les fonctions basiques. Dès lors qu’un accès restreint est demandé, la clé est mentale, dans les schémas de pensée inconscients de l’utilisateur. S’ils s’approchent de ceux attendus chez un représentant Ancien aux capacités mentales ad hoc et qu’aucune autorité reconnue ne peut être contactée, l’accès sera autorisé.
-Attendez, souffla Maltez. Vous voulez dire que…
-Oui, commandant. Le docteur Jackson présente ces deux caractéristiques, et n’importe quel système Ancien accepterait ses ordres dans la mesure où ils ne viennent pas contredire les directives standards. Et je m’inclus dans ces systèmes.
-D’accord… lâcha Campbell après quelques instants de silence. Alors, vous allez nous la jouer Terminator ? Vous montrer hautaine et assurée en espérant qu’il ne songe jamais à vous donner un ordre direct ?
-En… quelque sorte. Qui plus est, mes algorithmes indépendants ont d’ores et déjà classé le docteur Jackson en tant qu’Ancien à défaut d’autres représentants de mes créateurs. Et tout particulièrement désormais. Ce qui, pour être simple, m’empêche d’agir directement à l’encontre de ses intérêts.
-Mais pas de tout lui cacher et d’aller lui faire… quoi, d’ailleurs ? demanda Maltez. Pourquoi est-ce qu’on est allés le déranger ?

Shanti se décontracta légèrement, voyant que ses deux coéquipiers semblaient ne plus être sur le point de décider de couper les ponts avec l’I.A. Elle soupira intérieurement, voyant que le pire avait été évité, tout au moins dans l’immédiat.

-Pour obtenir certaines informations de sa part, sur un domaine dans lequel il est un spécialiste reconnu.
-Vous ne pouviez pas les lui demander, tout simplement ? suggéra le pilote.
-Pas sans qu’il comprenne ce que je compte faire. Ce qui, selon mon interprétation, le mettrait en danger en provoquant une probable confrontation entre moi et vos semblables.
-Pas très fiables, ces protections, si vous pouvez vous arranger pour ignorer Jackson avec un peu de mauvaise foi, murmura Campbell.
-Qu’est-ce que vous allez faire de ces infos, alors, si elles peuvent nous pousser à agir contre vous ?
-Rien qui ne vous mette en danger, même si vous seriez en droit de vous inquiéter. Et votre espèce est apparemment connue dans plusieurs galaxies pour ses réactions… promptes une fois face à un sujet d’inquiétude.
-C’est comme ça qu’on a survécu, souligna Maltez.
-Et que vous pourriez finir. De toute façon, le problème a été contourné, puisque j’ai agi par l’intermédiaire du lieutenant Bhosle ici présente et ai obtenu l’aval d’autorités compétentes.
-Je croyais que c’était Jackson, l’autorité compétente, s’étonna Campbell.
-Pas pour ces renseignements.
-Urth, souffla Shanti en réalisant ce qu’elle voulait dire.
-Exactement.
-Quoi ? demandèrent Maltez et Campbell en se tournant vers la jeune femme.
-Urth, répéta Shanti. Une Ancienne qui a fait l’Ascension. Elle… surveille le docteur Jackson, et nous a interceptés avant d’autoriser Atlantis à récupérer ces informations.
-Pardon ? l’interrompit Maltez en écarquillant les yeux. Il y avait un Ascendant là-bas ?
-Plusieurs, la corrigea Shanti en détournant le regard.
-Oh bordel de merde… murmura Campbell.
-Il s’agit d’une ancienne amie, qui m’a permis d’accéder à ces renseignements. Et, étant donné que nul n’a été désintégré, il semble raisonnable d’admettre que cette autorisation n’ait pas posé de problème majeur auprès des Autres.
-Je rêve, dit finalement le pilote. Ca n’aurait pas été plus simple de mettre Jackson dans le coup ?
-Ce serait bien plus risqué, tant pour lui que pour nous. Vu son statut, il ne peut agir de manière aussi indépendante que vous, et notre association serait immanquablement remarquée. Il s’en suivrait inévitablement une volonté d’exploitation de la part de ses supérieurs sur Terre, ce à quoi il s’opposerait sans le moindre doute. Je serais alors éventuellement amenée à prendre des mesures défensives afin de protéger le plus haut représentant de la Cité. Je ne pense pas qu’une telle situation soit plaisante pour qui que ce soit.

-Vous avez d’autres trucs comme ça en réserve ? demanda Maltez, abasourdi.
-Oui, et vous en serez informés en temps voulu.
-Ce n’est pas comme ça que vous allez nous rassurer, murmura Shanti.
-Lieutenant, répliqua Maltez. Vu ce qui vient de se passer, vous n’êtes pas la mieux placée pour parler de nous rassurer.
-Bel euphémisme, confirma Campbell.
-Et qu’est-ce que j’aurais pu faire ? répondit la jeune femme.
-Nous prévenir. Refuser de jouer le jeu. Ne pas nous mentir, peut-être.
-Parce que vous croyez que j’ai eu le choix ?! On est remplis de ses nanites. Elle peut faire de nous ses pantins, littéralement. Qu’est-ce qui se serait passé si j’avais décidé de tout vous dire, à votre avis. Elle peut probablement même jouer avec nos souvenirs, si elle en a envie. Regardez les choses en face, merde ! lâcha-t-elle finalement en déchargeant ses émotions. Depuis qu’on s’est réveillés après l’attaque sur le croiseur, on n’a plus le moindre contrôle sur nos actes.
-Assez pour tuer deux cent jaffas, répondit Maltez du tac au tac, avant de prendre la pleine mesure de sa réponse.
Elle se figea quelques secondes avant de lancer un regard haineux à son supérieur et de se retourner vers la sortie de la pièce. Elle ne fit que quelques pas avant que la voix d’Atlantis vienne l’interrompre dans son mouvement.
-Excusez-moi, lieutenant, mais votre présence est requise pour le reste du briefing. Je conçois que vous puissiez avoir besoin d’extérioriser vos émotions, mais je vous prie de remettre cela à plus tard, sans quoi je me verrai forcée d’illustrer vos propos sur mon contrôle, étant donné que ce briefing particulier revêt une importance particulière, comme vous allez vous en rendre compte. Il est en effet temps pour vous de rencontrer votre nouvelle collègue.

Sans laisser à quiconque l’opportunité de répondre, un hologramme apparut devant le groupe, représentant une humaine en habits civils terriens. Celle-ci sursauta avant d’observer quelques longs instants la pièce et les trois personnes qui s’y trouvaient.
-B… bonjour, hésita-t-elle. Je m’appelle Anna. Anna Stern. Je crois que nous sommes dans la même situation, vous et moi, et Atlantis a voulu que je prenne contact avec vous.
-Et vous êtes ? demanda finalement le pilote, la voix tranchante.
-Oh, désolée ! Je suis sur Atlantis, en temps que spécialiste des civilisations ayant dérivé de celles des Anciens, et, depuis que je suis tombée sur leurs dossiers concernant vos geôliers, ma vie s’est passablement compliquée. Apparemment, notre… amie… commune veut que je vous aide, dans la mesure du possible, pour votre mission.
-Notre mission ? demanda Maltez, en s’efforçant de ne pas croiser le regard de Shanti. Quelle mission ?
-Et bien, celle… commença-t-elle avant de s’interrompre et de tourner sa tête de côté, son hologramme semblant parler avec la cloison. Ah ? Je croyais que… ? Comment ça ?! C’est une blague ?!
-Pardon ? s’étonna Campbell.

Le spectre partiellement opaque se retourna vers eux, son visage trahissant son malaise :
-Je crois qu’Atlantis veut que je m’occupe de vous faire ce briefing. Et, oui, je trouve ça absurde et je n’ai aucune idée de ce qui lui passe par la tête… circuits ? composants ?
-Oui, parce que, sans vouloir vous manquer de respect, dit Campbell, je ne crois pas que vous en sachiez bien plus qu’Atlantis sur ce qui nous attend… surtout vu sa manie de nous cacher un maximum de choses…
-Tiens, vous avez remarqué, vous aussi ? demanda Anna avec un léger sourire
-Un peu… répondit sombrement Maltez. Atlantis, une explication, ou on aura le droit à l’explication qu’après-coup, si on est encore en vie ?
-La situation ayant tendance à se complexifier plus rapidement que prévu, j’ai jugé sage de disposer d’un point de vue supplémentaire sur les informations que je recueille. De plus, mes observations indiquent que la présence d’un contrôle de mission distant présente, en outre des avantages tactiques, des effets psychologiques à même d’améliorer l’efficacité du groupe.
-Tiens, j’aurais parié à cent contre un que ça aurait été mon job, murmura Campbell. Je ne dois pas être assez gradé…
-Pardon ? demanda Anna.
-Oh, rien… soupira-t-il.

-Bon, reprit Maltez. Alors, qu’est-ce qu’Atlantis ne veut pas nous dire directement ?
-Si vous voulez la version courte, répondit-elle en faisant une moue peinée, elle veut vous envoyer dans une autre galaxie pour vous infiltrer chez une espèce qui n’a même pas autant de membre que nous pour, éventuellement, détruire une I.A. devenue folle.
Un silence de mort accueillit l’annonce.
-Dans le pire des cas, me demande-t-elle de vous préciser. Normalement, le léger souci devrait être réglé par la diplomatie.
-Ahh, tant mieux, répondit Campbell. J’ai failli penser qu’elle avait fait exprès de nous trouver une mission encore plus pourrie que la dernière, mais là, je suis rassuré. Ca vous dérange si je pars me pendre pendant qu’il en est encore temps ?
-Et encore, rajouta Anna, partageant le sentiment du pilote, vous n’avez pas entendu la version longue.
-Allez-y, soupira Maltez. Au point où on en est…
-Alors, il semblerait que l’avant-poste vous ait assimilé comme des agresseurs Ori, et a envoyé un appel de détresse général avant… désolée, j’ai encore du mal à y croire. L’amie du docteur Jackson a vraiment tenté de vous atomiser ?
-On n’a pas fini d’en entendre parler… murmura le pilote.


La salle de briefing n’était occupée que par des visages qu’il avait croisés sur le pont spécial. En face de Carl et du reste des pilotes de l’unité à laquelle il appartenait désormais officieusement, l’hologramme d’une carte stellaire flottait, en attendant le début de la présentation.
-C’est parti, dit sans préambule le commandant du navire, dans son véritable rôle. On a reçu le feu vert pour l’opération “Guêpe“. Les renseignements surveillent depuis plusieurs mois un important marchand d’armes jaffa, qui joue avec tout le monde. Ca, c’est pas le souci. Ce qui embête les patrons, et donc, ce qui nous file du boulot, c’est que la situation entre nous et Dakara devient, pour employer le terme politique consacré, particulièrement foireuse. Il parait qu’il va livrer en personne quelques équipements pas tout à fait légaux à des vaisseaux jaffa qui pourraient être en première ligne face à notre flotte. Donc, les ordres sont d’empêcher la livraison et d’assister à la disparition tragique d’un grand partenaire commercial.

Carl regarda avec appréhension les équipages tout autour de lui lâcher quelques rires discrets, n’arrivant pas encore à se faire à l’état d’esprit de ce type d’opération, mais n’eut pas le temps de s’appesantir sur ses sentiments alors que le commandant continuait son briefing :
-Le SGC a envoyé, comme d’habitude, un de ses groupes favoris pour faire sauter discrètement le machin. Et, comme d’habitude, ils sont partis la queue entre les jambes, avec la moitié de la garnison locale aux trousses. Mais au moins, ils ont pu saboter l’hyper du transporteur avant de se faire surprendre. Donc, le vaisseau devrait avoir à ressortir plus tôt que prévu, dit-il en désignant la carte. Ici, normalement, quand le système de refroidissement va avoir un souci. Si les groupes de black op les plus célèbres d’ici à Andromède ont fait ce qu’ils ont dit, il leur faudra quelques heures pour réparer les dégâts une fois la panne repérée. On va déposer l’escadron à proximité, puis on repart pendant que vous attendez le client. Normalement, il devrait avoir un ou deux Al’Kesh d’escorte, mais il leur faudra un moment pour se rendre compte que leur copain est sorti d’hyper, s’arrêter eux-aussi, et repartir pour essayer de le trouver. Ca sera largement suffisant pour balancer nos arguments commerciaux. Des questions ?

Personne ne se fit remarquer.

-Très bien, conclut-il. Je vous laisse pour le briefing tactique… Oh, et, on a un nouveau. Excusez-le, s’il se met à raconter des conneries sur le “combat loyal“ ou “foutue embuscade“. Il vient de la Flotte, acheva-t-il, prononçant la dernière affirmation avec un amusement teinté de mépris, qui se réfléchit sur le reste des visages.

Carl déglutit alors que l’officier quittait la salle.
Oh, c’est pas bon, ça, pas bon du tout…

L’une des personnes s’approcha de l’hologramme. Il s’agissait d’une femme âgée apparemment d’une quarantaine d’années, à la démarche fine et au profil ne laissant aucun doute sur son activité sportive régulière.
-En théorie, on aura deux heures. En pratique, tout doit être fini en deux minutes, dit-elle sans préambule. S’il faut plus de temps pour démolir un transport avec une vingtaine de chasseurs, c’est que quelqu’un a merdé, côté SGC, côté renseignement, j’en sais rien. Mais si quelqu’un a merdé, c’est a nous de rattraper la situation, alors je veux que ça se passe sans vague. On sera en quatre groupes de quatre chasseurs, et les deux derniers occuperont l’espace entre. Dès qu’un Tel’tak sort d’hyper, tout le monde fonce dessus. Pas de sommation, pas de scan. Si un type a suffisamment la poisse pour arriver avec un transport dans un coin aussi pommé quand on y sera, c’est tant pis pour lui.
Le jeune pilote inspira fortement en entendant l’ordre, et la femme se tourna vers lui.
-Ca ne te plait pas, c’est pas dans les règlements, on sait. Mais c’est pas la Flotte ! On n’a pas de jolis jouets, ni de croiseurs en soutien. Tu fais ce qu’on te dit, et tu ne penses qu’à une chose : détruire le transport qui arrivera. Si on lui laisse la moindre chance, il l’utilisera et on aura des morts. Si tu fais foirer la mission, tu dégages par le sas. Compris ?
Il acquiesça.
-Compris ? demanda-t-elle bien plus fort.
-Oui, madame, répondit-il.
-Génial. Si notre nouvel as le permet, je reprends. Il y a deux ‘Kesh en escorte. On démolit le transport avant qu’ils arrivent, et on se disperse aux points indiqués sur vos cartes. L’extraction se fera après. Ca, c’était le plan A. Maintenant, ce qu’on va sûrement devoir faire. Quand quelque chose, ou quelqu’un, dit-elle en fixant Carl, aura foiré et que le client s’enfuira en appelant tous les Jaffa de la galaxie à l’aide, on se regroupe. Les groupes A et B détruisent le premier ‘Kesh, C occupe le second, D et les deux solos terminent le job. Groupes A, C et D, comme d’hab. Chang, tu me remplaces dans le B, Comet sera leader. Je prends le gamin pour les solos, qu’il vous empêche pas de faire le boulot. J’ai filé les plans de vol aux leaders, vous voyez ensemble ce que vous devez faire. Pas de question ? Non, génial. On décolle dans six heures. Banet, reste ici.

Carl se sentit de plus en plus mal à l’aise alors que le reste des pilotes quittait la salle, jusqu’à le laisser tout seul avec l’officier.
-Vous allez voler avec moi aujourd’hui, Banet. Aujourd’hui et jusqu’à ce que vous soyez prêt. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ca veut dire que je vais penser, et que vous allez piloter. Pas d’initiative, pas de question. Je dis “Tire“, tu tire. Je dis “Saute“, tu te casse la gueule sur le cockpit. Tu es un risque pour le groupe tant que je ne sais pas ce que tu sais faire, et surtout tant que tu ne m’as pas montré que tu sais ce qu’il faut faire. Merde, je sais pas ce qui a pris aux autres de t’envoyer ici, surtout vu ce qui se prépare. Mais je m’en fous. La seule chose qui compte, c’est le job, alors, crois-moi, je vais te garder à l’œil. T’as trop d’entraînement et pas assez d’expérience pour être avec nous.


La déclaration de guerre n’avait, en tout et pour tout, été rien de plus qu’un nouveau sujet de conversation à bord des différents vaisseaux de l’escadre humaine, et l’attitude des deux groupes n’avait, pour ainsi dire, pas connu le moindre changement significatif. Se regardant en chien de faïence, les colosses de métal et céramique restaient figés les uns par rapport aux autres, les quarts se succédant régulièrement.
De temps en temps, le CIC du Concordia connaissait un regain d’activité alors que de petits vaisseaux de transport amenaient les ressources nécessaires à l’activité du transporteur et de ses croiseurs d’escorte, mais après le déchargement et le départ, la routine reprenait ses droits.
Les schémas de patrouille des appareils Jaffa avaient été analysés et étudiés à de nombreuses reprises, tandis que les plans d’action avaient été mis au point avec un raffinement extrême. Pour les nouveaux membres d’équipage, ces derniers jours avaient davantage ressemblé à leur séjour à bord du Prométhée qu’à un tour de service à bord d’un vaisseau d’active.

La situation étant apparemment figée, les exercices d’entrainement s’étaient multipliés, tous ou presque réalisés virtuellement afin de minimiser le recueil d’information pour les vaisseaux Jaffa. Ainsi, dans le CIC secondaire, batailles de différentes envergures alternaient avec opérations de protection ou de blocus, les officiers les plus jeunes travaillant sous la houlette de leurs ainés pour valoriser l’inaction qu’était devenue la mission d’investigation du groupe de vaisseaux.

L’amiral Wulfe, parcourant un énième rapport des renseignements, se refusait cependant à faire la moindre remarque sur le calme de la situation, étant trop expérimenté pour ignorer la vitesse avec laquelle les choses pouvaient dégénérer. Il avait fait tripler la taille des patrouilles, préférant une tactique de reconnaissance en force à celle des essaims, et les embuscades qui lui avaient coûté plusieurs appareils avaient cessé de se produire, sans indice sur l’identité de leurs commanditaires ou sur leur motif. Les bombardement nucléaires avaient eu aussi stoppé, et le processus d’enquête sur la perte du Bellérophon touchait à sa fin.

La situation était stable, mais il se refusait à la définir comme calme. Il s’y refusait par principe tant qu’il se trouvait à moins d’une année-lumière d’une puissance de feu suffisante pour vitrifier une planète et n’étant pas sous son commandement.

Il soupira, avant de finalement reposer le rapport, qui confirmait succinctement ce que Rya’c lui avait dit à propos de Dakara. Les auteurs s’étaient cependant concentrés sur l’évolution de l’état des forces Jaffa, soulignant la réactivation de trop nombreux vaisseaux.

Et on est coincés ici, avec près d’un tiers de la Flotte, alors qu’ils se réarment et que la moitié de leurs troupes n’attendent qu’une excuse pour casser du terrien, pensa-t-il, dépité, en ne comprenant pas ce qui justifiait ses ordres.

Il obéissait, mais la situation lui plaisait de moins en moins, détestant par nature rester à un endroit en particulier, son esprit de tacticien, formé aux commandes de navires marins puis spatiaux, concevant instinctivement des plans d’attaque contre sa propre force.

Il se leva et quitta sa cabine, se laissant porter par ses jambes dans les coursives qu’il avait appris à connaître depuis le baptême du vaisseau, dont il était le premier amiral, quand son communicateur vibra brusquement.

-Wulfe, dit-il machinalement.
-Amiral, ici le central. Nous avons besoin de vous ici. Il y a eu un accident sur l’Ajax.
-J’arrive, répondit-il avant d’éteindre l’appareil.

Merde.

Le trajet se fit dans un temps particulièrement bref, le couloir se vidant sur son passage, alors qu’il se voyait rejoindre par plusieurs officiers et membres d’équipage sur son chemin vers le CIC. Sa première réaction fut d’être rassuré par l’absence d’alarme, indiquant que, quoi qu’il se fut passé à bord de l’escorteur, la sécurité du vaisseau et de la flotte n’était pas remise en cause. La seconde fut de l’inquiétude, alors qu’il reconnaissait les hommes et femmes prenant la même direction que lui comme des spécialistes de la gestion des dégâts.

Les gardes le laissèrent entrer dans le cerveau du vaisseau, pour le laisser voir l’écran d’affichage principal allumé, sur lequel était visible une femme apparemment légèrement blessée et au visage roussi, tandis que derrière elle, un incendie faisait rage.

-Amiral sur le pont, annonça l’officier de quart, alors que le commandant n’était apparemment pas encore arrivé.
-Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda Wulfe.
Derrière la femme, des pompiers en tenue ignifugée tentaient difficilement de contrôler les flammes, des techniciens déplaçant des chariots de munitions et de carburant hors de leur chemin.
-Lieutenant de vaisseau Gugenheim. Il y a eu une explosion sur le pont d’envol numéro 2, amiral. On pense que c’est les cellules de carburant d’un chasseur qui ont sauté. Nous sommes en train de maîtriser l’incendie.
-Le vaisseau est-il en danger ? demanda-t-il. Avez-vous besoin d’aide ?
-Négatif, monsieur. Les munitions ont été déplacées, et les conduites de carburant sont coupées. Le pont sera de nouveau opérationnel d’ici six heures à un niveau partiel, selon les premières estimations. Nous allons terminer de mettre à l’abri tout le matériel et ventiler le hangar. Mais… nous avons eu des pertes…
-Combien de personnes ?
-Six, monsieur. Trois ingénieurs, un pilote, et… le commandant et son second.
-Quoi ? lâcha Wulfe, alors que les conversations venaient de se taire brutalement dans le CIC, laissant le seul bruit de fond de la communication occuper le silence.
-J’étais allée apporter au second un document urgent à signer quand un chasseur près d’eux a explosé. J’ai essayé de mener les équipes de secours là où ils étaient, mais nous n’avons rien pu faire.
-…Bien compris, lieutenant. Qui a le commandement ?
-Le capitaine de corvette Anderson, monsieur.
-Très bien. Bonne chance avec l’incendie, lieutenant. Informez-nous dès que vous aurez pu ventiler le hangar ou si vous avez besoin de soutien de la part de la flotte.
-A vos ordres, monsieur, répondit-elle en saluant, avant de se retourner et de rejoindre les pompiers en hurlant des consignes, sa voix couverte par le vacarme de l’incendie et de la lutte contre celui-ci.
La caméra se coupa, et l’écran afficha une vue externe du croiseur, prise par les caméras du Concordia. Il pouvait voir, alors que les sas de sécurité avaient été ouverts en préparation de la mise sous vide, la lueur rougeoyante des flammes se refléter sur l’extrémité de la piste du hangar.

Quel merdier. On n’avait vraiment pas besoin de ça…



En entrant dans l’ascenseur le menant au niveau principal du SGC, le docteur Daniel Jackson avait une fois de plus la très désagréable impression d’avoir donné un coup de pied dans un nid de guêpes. Il avait immédiatement retrouvé son ami, qu’il avait appris à connaître sur Abydos, et celui-ci n’avait apparemment pas eu l’air surpris de voir l’archéologue rentrer de congés avec des brûlures et autres contusions à moitié guéries.

Ce qui l’avait surpris, cependant, était qu’à la place de l’habituel récit particulièrement improbable justifiant à peine les dépenses et le travail diplomatique supplémentaire, Jackson lui avait dit avoir rencontré le groupe SG évadé qui occupait une partie des services de renseignements depuis leur fuite du Daedalus. Et, qui plus est, les témoignages de Vala et des autres mercenaires n’avaient fait que renforcer ceux de l’équipage du croiseur. Enfin, lorsque son meilleur ami était arrivé au moment où il avait relié l’attaque de Dakara à l’équipe par un témoin formel, qui semblait être en plus un espion au service de Bra’tac, l’ancien général n’avait pu retenir un rire qui trahissait à la fois son effarement, son hilarité et sa désillusion sur les mésaventures de Jackson.

Sur son trajet le menant vers l’étage de la salle d’embarquement, il se rassura sur le bien-fondé de sa décision l’ayant mené à ne pas dire le moindre mot sur le générateur à naquadriah qui avait causé ses brûlures. Le seul avantage de son manque de chance chronique était qu’il n’avait plus besoin de justifier précisément pourquoi ou comment les ruines qu’il étudiait avaient été dispersées sur plusieurs dizaines de kilomètres, au grand désarroi de nombreux autres archéologues plus conventionnels, désespoir qui restait mince par rapport à celui de Jackson, qui était désormais le seul à savoir à quel point le site avait été prometteur.

Au moins, ça a été… intéressant, s’entendit-il penser avant de secouer la tête, las.

Non, pas intéressant… pénible, absurde et fatiguant, plutôt. Je commence à me faire trop vieux pour ça, soupira-t-il alors que les portes de la cabine s’ouvraient, le laissant sortir.

Il avait fait part de ses préoccupations à Jack, le groupe d’évadés présentant des pouvoirs bien trop proches de ceux attribués aux Prêcheurs pour lui permettre de dormir tranquille. Mais il lui avait aussi présenté les autres aspects de la situation, qui l’empêchaient d’être tout à fait certain de l’allégeance du trio : leur captivité à la merci d’êtres menant apparemment une guerre sans pitié contre les Ori, l’absence de victimes lors de leur dernière rencontre, l’attitude hésitante du groupe, à l’opposé de la description des Prêcheurs dans les archives renvoyées dans le passé, et enfin son intuition.

Cette dernière avait été, de la bouche-même d’O’Neill, le seul argument qui l’avait convaincu de ne pas déclencher tous les plans d’urgence conçus en prévision de l’arrivée des Ori dans la Voie Lactée.

Il glana dans le dédale de la base, sachant qu’il lui restait suffisamment de temps avant le prochain départ utilisant le pont de Portes. Le SGC avait, à quelques détails près, la même apparence intérieure que son ancêtre sous le NORAD, les allées fortement éclairées lui rappelant les années qu’il avait passées à découvrir, jour après jour, l’histoire et la civilisation des différents peuples qu’il avait croisé derrière le vortex, pour culminer sur son travail, qui, il le savait, resterait inachevé, sur les Anciens.

Passant une cloison amovible, il remarqua l’une des différences avec l’ancienne base, qui était le nombre largement réduit de gardes en patrouille à l’intérieur, leur mission étant particulièrement inadaptée dans des conflits où les armes principales se limitent souvent à des vaisseaux aussi larges qu’une ville ou à des forces spéciales tragiquement efficaces contre les troupes en faction. La sécurité, il le savait, était toujours présente, mais bien plus discrète et, si besoin est, bien plus létale, comme le rappelaient à l’œil averti les blocs légèrement plus clairs dans les murs, derrière lesquels se cachaient des armes soniques et micro-ondes.

Mais la nostalgie qui habitait l’archéologue lui rappelait aussi qu’à chacun de ses retours, les visages familiers se faisaient de plus en plus rares pour celui qui passait le plus clair de son temps dans la galaxie de Pégase, à l’instar de ceux et celles qui avaient adopté la Cité comme leur nouveau foyer.

Et à qui il ne savait pas comment il pourrait annoncer un jour la véritable nature de celle-ci. Toutes et tous étaient des personnes de science, intelligentes, mais il avait vu les comportements de foules transformer des individus respectables en autant de moutons incapables de changer d’avis, même pour adopter des attitudes rationnelles et profitant à chacun. L’expédition avait ainsi vu le départ de l’un de ses meilleurs éléments, le docteur Kavanaugh, à cause des pressions sociales qu’il avait subies pour avoir eu trop souvent raison face à la foule et de la dépression causée par le sentiment d’impuissance qui en avait découlé. En soi, la première année de survie sur la Cité avait constitué un terreau propice à de très nombreux travaux pour les psychologues et autres sociologues agréés, et dont l’une des principales conclusions était qu’une fois l’instinct grégaire déclenché, la différence entre 80 et 180 de QI devenait quantité négligeable. Comme l’avait prouvée l’ostracisme subi par un scientifique dont le seul crime avait été de manquer de démagogie lorsqu’il avait eu à présenter des vérités déplaisantes. Et qui lui aurait valu, à quelques minutes près, de se faire torturer au beau milieu et avec l’aval de la plus grande concentration de génies scientifiques jamais rassemblée.

Il ne pouvait donc pas se permettre de provoquer une réaction de ce type, que générerait indubitablement l’annonce de la présence d’une I.A. indépendante aux commandes de la Cité-vaisseau.
Lorsque le haut-parleur annonça l’imminence du départ pour Atlantis, Jackson prit instinctivement le bon chemin pour se rendre vers le hall d’embarquement, d’où il pourrait accéder à la surface lunaire, le seul paysage qui rivalisait avec celui de la Cité qui avait littéralement accepté de l’héberger.

Prenant un raccourci qui constituait l’un des menus avantages d’un passe de sécurité de niveau maximal, ou presque, il passa par l’un des hangars à véhicules, où différents techniciens s’affairaient autour de jeeps et d’engins plus lourds. Son regard fut, comme à chaque fois, attiré par l’engin qui détonait au milieu des mastodontes militaires : un léger rover qui était avait été fabriqué et n’était utilisé que pour une seule raison : réaliser quelques pointes de vitesses sur la face cachée de la Lune. L’activité avait été tolérée avec bienveillance par Carter, qui, selon l’intéressée, était quelque peu jalouse de ses subordonnés.

Posant son regard sur un groupe apparemment en train de démonter le moteur électrique de son véhicule, il ne remarqua qu’au dernier moment la femme habillée en civil qui faillit le percuter. Faisant un brusque pas de côté, il évita la collision de justesse, laissant tomber un carnet qu’il tenait en main. Une fois celui-ci ramassé, il se tourna dans la direction prise par la femme, pour la voir un bref instant alors que le sas de sortie du hangar s’ouvrait devant elle. L’archéologue resta figé devant la silhouette étrangement familière, dont la démarche lascive et les cheveux longs particulièrement clairs, presque argentés sous l’éclairage intense de la salle, détonait brutalement avec les figures militaires qu’il avait croisées depuis son retour au SGC.

Laissant sa curiosité prendre le dessus, il se rapprocha de la porte par laquelle était sortie la femme. L’ouverture ne révéla qu’un couloir vide, alors que le haut-parleur répéta son appel pour le départ. Haussant les épaules, Jackson se retourna et traversa d’un pas rapide le hangar, pour arriver dans la salle d’embarquement, où étaient présents quelques scientifiques et militaires en transit.

Quelques minutes plus tard, après un bref arrêt à bord de la station transgalactique, il ressortit du vortex dans la salle familière, où l’attendaient les visages de ceux et celles avec qui il partageait la Cité. Laissant les autres membres du groupe traverser le hall pour rejoindre leurs destinations respectives, il s’attarda sur l’une des baies vitrées, par-delà laquelle s’étendait la nuit étoilée.

-Bonsoir, docteur Jackson, l’accueillit une voix désormais familière dans son oreillette.
-… Bonsoir, Atlantis, murmura-t-il en s’éloignant de la Porte.
-Avez-vous passé des vacances agréables ?
-Comme d’habitude. Presque du… déjà-vu, répondit-il, songeur.







Voici le résultat d'une petite expérience réalisée avec deux certaines personnes : les Omakes. Il s'agit de scènes ratées, ou possibles mais absolument pas confirmée dans l'histoire officielle. Délires, cross-over, n'importe quoi y est possible. Tout le monde est invité(e) à proposer ces textes, pour publication après le chapitre en cours. Voici donc les quatre premiers, qui, jusqu'à il y a peu, étaient en exclusivité pour SFFS :


OMAKE #1, suggéré par Mat Vador :

-Tout à fait. Or, l’avant-poste ne disposant pas des autorisations nécessaires à la mise en place d’infrastructures de construction ou de commandement nécessaires à la constitution d’une force offensive, elle a contourné ces restrictions.
-Comment ? demanda Anna en réprimant un frisson.
-En guidant l’évolution physiologique et sociologique de l’espèce à sa charge d’une manière autre que désintéressée.
Elle déglutit, ses craintes confirmées.
-Ma première action, reprit l’I.A., en apprenant cette méprise, a été de proposer à Moros_For_Ever_72 une réactualisation de ses bases de données.
-Moros_For_Ever_72 ? demanda Anna en écarquillant les yeux.
-Le nom qu’elle s’est donnée. S’il est trop long, vous pouvez faire comme avec moi et n’utiliser que le première partie du patronyme.
-.... Ok... Et… comment a-t-elle réagi ? l’interrogea-t-elle, regrettant amèrement l’époque où elle ignorait tout de l’existence des I.A. et en se jurant de ne jamais demander à Atlantis quel pouvait être son nom complet.


OMAKE #2 : Coup de fil

Le téléphone vibra légèrement, annonçant l’appel par une sonnerie que seul son propriétaire pouvait entendre. Le dit-propriétaire eut un petit sourire en pensant à ce gadget que ses ingénieurs avaient terminé de mettre au point quelques semaines plus tôt, et qui ne serait pourtant que l’un des changements mineurs apportés au nouveau produit.

Son sourire disparut lorsque la voix de synthèse, la secrétaire virtuelle, annonça le nom du correspondant. Avec reluctance, il prit le délicat appareil dans la main, et, d’une faible pression, accepta l’appel.

-Bonjour, Jack, dit-il en se rappelant de ne plus appeler son interlocuteur par le grade qu’il avait occupé jusqu’à peu de temps auparavant. En tant que l’un des principaux sous-traitant du Programme, il disposait de certains avantages, dont celui de pouvoir appeler Jack O’Neill par son prénom.

Le téléphone fit diminuer automatiquement le volume du haut-parleur lorsqu’il reconnut dans le souffle d’O’Neill les signes indiscutables d’un hurlement imminent.

-Ah ? répondit-il calmement. Vous pensez ?

Nouveau hurlement au volume réduit, qui était automatiquement transcrit dans la mémoire du téléphone, que l’homme se rappela de devoir changer, le téraoctet étant tellement dépassé.

-Mais non, Jack, ils n’ont rien remarqué… Bon, d’accord, c’était audacieux, je le reconnais, et peut-être qu’on aurait dû attendre un an ou deux pour le projecteur holographique, mais ça a marché, pas vrai ?

Silence alors qu’il écoutait l’ancien commando déblatérer ses insanités contre-productives.

-Jack, Jack, c’est une question de marketing, pas de bon sens. Si vous aviez voulu du bon sens, vous seriez allé chez nos concurrents. Nous, on a des résultats et du style depuis des dizaines d’années, donc plus personne ne pose de questions, alors pourquoi est-ce que le public se douterait de quoi que ce soit maintenant ?... Quoi ?... Oh… Vous êtes sûr ?... On attend le modèle suivant, alors ? Et, pour les autres options ? D’accord, d’accord… Bon, je regarde votre mail, et on lance la campagne de marketing. Sinon, vous avez bien reçu le… Ah, parfait… Heureux de l’entendre, Jack…

Il fit un signe de tête entendu à son conseil d’administration, qui s’était figé en voyant le chef de l’entreprise répondre à l’appel, tandis qu’un instant après qu’il ait prononcé le prénom Jack, plus personne d’autre que lui n’osait respirer, comprenant l’importance de la conversation apparemment désinvolte.

-Très bien. On se revoit au prochain sommet, d’accord ? Bonne journée !

Il raccrocha, ferma les yeux quelques instants et se leva, avant de se diriger vers un tableau où écrivait quelques minutes plus tôt une jeune cadre désormais terrifiée.

-Très bien. Mesdames, messieurs, O’Neill considère, pour je ne sais quelle raison, que nous avons mis la barre un peu haute pour la nouvelle génération. Il a particulièrement apprécié le prototype que nous lui avons adressé, mais malgré notre mission d’introduire sur Terre les nouvelles technologies, il nous accuse d’aller trop vite.

Il prit le stylet, et raya sur le tableau tactile plusieurs des noms, entendant à chaque fois chez plusieurs directeurs le soupir de déception qu’il avait lui-même du mal à retenir.

-Apparemment, nous devrons reporter le faisceau de téléportation Asgard, le module de régénération cellulaire et le générateur de bouclier personnel à l’iPhone 9, conclut tristement Steve Jobs.



OMAKE #3 : Atlantis and the Methods of Rationality

Le nouvel arrivant regarda d’un air curieux son environnement, puis, haussant les épaules, s’éloigna d’un pas désinvolte de la Porte. Il savait qu’il aurait du avoir l’air étonné, voire effaré, devant la Cité extraterrestre dans laquelle il venait d’arriver, mais il n’en n’était rien.
Après tout, cet étonnement présent chez les autres membres de son groupe n’était dû qu’à un changement de référentiel. Ils étaient habitués à un univers dont ils connaissaient les règles, et celles-ci venaient d’être bouleversées, alors qu’ils prenaient enfin conscience d’un pan nouveau de la réalité.

Pour lui, malgré son relatif jeune âge, ça n’était en rien une expérience nouvelle, sa vie n’ayant été que la destruction successive et systématique de l’ensemble des règles auxquelles il était attaché et ses efforts plus ou moins couronnés de succès en vue d’établir et de maitriser les lois de l’univers.

L’Humanité n’était pas seule dans l’univers, et elle avait, en à peine une décennie, réussi à se tailler une part plus que correcte dans le gâteau galactique sans qu’en soit informée la population. Soit. Il avait vu plus étrange, et de loin. La seule chose qui lui venait à l’esprit est que la réalité semblait, une fois de plus, être bien moins cohérente que les romans qui avaient constitué l’un des piliers de son être.

Dommage, Tom. Tu aurais aimé voir ça, pensa-t-il en repensant à celui qui lui avait servi de mentor entre deux séries d’évènements… regrettables. Malgré tous les différents qui les avaient séparés, Tom aurait été l’une des seules personnes qu’il avait connu qui aurait pu pleinement apprécier cette merveille.

Il regarda d’un air détaché les militaires s’agiter dans toutes les directions, pendant que l’un des groupes de scientifiques tentait de comprendre le fonc
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Un nouveau chapitre de la fic, plus quelques Omakes stupidement hilarants de la part de Skay. Si vous appréciez, n'hésitez pas à laisser à un comm'. Ca fait toujours plaisir ^_^

Chapitre 19 : Guerres semi-ouvertes

Pour Anna Stern, la journée s’annonçait longue. Son séjour, la veille, sur le continent, avait été l’occasion de s’essayer au rôle de manipulatrice machiavélique, pour faire de Johann, l’une de ses quelques connaissances sur la Cité, un éventuel moyen d’action que l’I.A. ne pourrait pas atteindre sans révéler son jeu. Sachant qu’elle était surveillée en permanence, elle n’avait trouvé que cette solution pour contourner les difficultés qu’Atlantis n’hésiterait pas à mettre en travers de son chemin, si un désaccord venait à naître.

Le rendez-vous avait été, selon les définitions communément acceptées, agréable. Cependant, Anna savait que ces définitions ne s’appliquaient plus lorsque l’on essayait de se préparer une police d’assurance face à une I.A. multimillénaire et agissant apparemment dans plusieurs galaxies. Ainsi, pendant qu’elle acquiesçait aux banalités et répondait sommairement au scientifique pour maintenir la conversation, son esprit était littéralement à des millions d’années-lumière, repensant au groupe d’humains qu’elle était, d’après Atlantis, sensée assister lors de leur mission délirante. Puis, par quelques questions qu’elle avait jugées correctement placées, elle s’était renseignée de manière plus poussée sur les activités de l’homme, essayant de voir comment elle pourrait l’utiliser, si elle devait un jour agir contre les volontés de la Cité. Et, à nouveau, son esprit avait dérivé, se demandant comment elle avait pu en arriver, en moins d’un mois, à envisager des plans retors pour manipuler l’une de ses connaissances proches dans son propre plan dont elle ne connaissait rien du but ou des moyens.

Au final, lorsqu’elle rentra par le réseau de téléportation reliant certains points du continent avec un terminal dans la Cité, elle était bien plus mal à l’aise que lorsqu’il lui était apparu évident que son comportement hésitant et évasif avait été perçu par Johann comme une approche sentimentale. Mais alors qu’elle pensait avoir atteint le fond, Anna se rendit compte qu’il n’en était rien, lorsqu’elle croisa le regard du docteur Jackson sortant de la salle de la Porte. L’archéologue, qu’elle avait toujours admiré et respecté en tant qu’homme de science, arborait un regard particulièrement las, dans lequel elle lut une méfiance assortie d’une mauvaise humeur que rarement affichait son visage habituellement calme et amical.

Il l’interpella alors qu’elle s’éloignait de lui :
-Docteur Stern ! Est-ce que vous avez un instant ? demanda-t-il sur un ton voulant être amical.
-Oui ? répondit-elle en se retournant.
-Est-ce qu’il y a eu du neuf à propos de notre… amie commune ?
-… Rien d’urgent, docteur. Je peux vous faire un rapport sur nos recherches pour demain matin, si vous le voulez.
-Très bien, passez me voir dans mon bureau à neu… non, dix heures. Mais, à part les recherches, rien d’autre ? chuchota-t-il. Pas de, je ne sais pas, de comportement, d’attitude étrange ?
-Je ne sais pas vraiment ce qui pourrait être étrange pour une I.A. Ancienne, répondit-elle tout aussi bas. Elle est toujours aussi sûre d’elle-même, presque arrogante, mais si ce qu’on imagine sur elle et ses capacités est vrai, ça peut s’expliquer. Essayez de voir avec le docteur Mc Kay, j’ai entendu dire qu’il ne s’entend pas parfaitement bien avec elle.
-Tiens, répondit Jackson avec un air légèrement amusé, teinté de fatigue. Ca fait un point commun entre Atlantis et le reste d’entre nous, alors. Je verrai ça avec Rodney, merci. Bon, ce n’est pas que je veux vous chasser, mais, là, je suis sur le point de m’effondrer.
-Bonne soirée, alors.
-De même. A demain, conclut-il, commençant à bailler.

Marchant lentement vers le téléporteur le plus proche, l’archéologue sentit la fatigue s’emparer de ses membres, sans démontrer la moindre pitié à son égard. Il se retourna un instant, regardant Anna s’éloigner de lui et franchir la porte, et fut pris de cette même impression de déjà-vu qu’il avait ressenti dans le hangar du SGC. Il se figea, fixant du regard l’extrémité du couloir, mais sans pouvoir aligner des pensées cohérentes, et décida finalement de reprendre la route de ses quartiers.

Lorsque le flash de la cabine de téléportation s’estompa, il trébucha, ne reconnaissant pas le secteur qu’il avait indiqué comme destination.
-Qu’est-ce que… ? commença-t-il en reconnaissant sa chambre.
-J’ai pris la liberté de vous amener directement dans vos quartiers sans passer par le système public, annonça doucement la voix d’Atlantis, tandis que la lumière tamisée des systèmes d’éclairage semblait le diriger vers son lit, qu’il avait, par l’un des rares passe-droits qu’il s’était accordé de toute sa carrière, fait amener directement de son ancien appartement sur Terre.
-Oh… répondit-il à voix basse. Merci.
Sans prendre la peine de se déshabiller, il se laissa tomber sur le matelas, où il s’abandonna à un sommeil qu’il attendait depuis bien trop longtemps, tandis que l’I.A. activait un blocage des communications entrantes vers son oreillette, toujours en position.

Le lendemain matin, une légère vibration réveilla brusquement l’archéologue, qui se redressa dans son lit, obéissant aux réflexes inculqués par plus d’une décennie de danger et de vie au milieu de militaires particulièrement entrainés.
Balayant du regard son environnement, il ne vit aucun signe de ce qui avait pu causer son réveil, alors que, d’un mouvement rapide, il s’assura que son arme de service était bien dans sa veste. Ce ne fut qu’à cet instant qu’il se rendit compte qu’il avait dormi dans sa tenue de jour, et il soupira.
-Bonjour, docteur Jackson, dit l’I.A., le faisant sursauter et pointer son arme vers l’origine du son.
-Oh, répondit-il en rangeant le pistolet. C’est vous qui m’avez réveillé, Atlantis ?
-En effet. Vos signes physiologiques indiquaient une récupération optimale, et une attente supplémentaire aurait pu causer un conflit dans votre emploi du temps.
-Je vois…


Les progrès effectués avaient un intérêt scientifique certain, il ne pouvait honnêtement en conclure autrement. Mais ils ne constituaient pas l’habituel retournement de situation ou révélation spectaculaire auxquels il avait été habitué pour toutes les projets un tant soit peu critiques. L’expérience lui disait de s’attendre à ce que tout projet habituellement prévu sur des années ou des décennies fournisse les résultats ou les prototypes cruciaux à la survie de la Terre au moment opportun, en dépit du bon sens. Cependant, les informations obtenues par le docteur Stern semblaient indiquer que l’I.A. manquait cruellement de données sur les bourreaux du Bellérophon, tandis que celles sur les Ori eux-mêmes étaient apparemment bloquées à un niveau d’accréditation auquel seul le plus haut responsable Ancien local pouvait avoir accès.

Une difficulté qu’il ne savait pas comment contourner, puisque, comme elle avait su le démontrer de manière spectaculaire, Atlantis était, et de très loin, hors de portée des maigres moyens informatiques terriens. Qu’elle soit ou non honnête, son refus de coopérer au niveau de ces informations mettait fin à cette piste, qu’il espérait pourtant voir clarifier sinon expliquer le comportement du groupe renégat.

Mais ce qu’il n’avait pu manquer non plus était le stress de son interlocutrice. Il avait remarqué certains tremblements subtils, tics nerveux fugaces, qui indiquaient à coup sûr qu’elle craignait quelque chose. Cela pouvait être la situation générale dans laquelle elle se trouvait, bien sûr, transportée brusquement à un niveau tout autre, mais Jackson doutait de cela. Pour le vétéran, qui avait appris l’art de la diplomatie dans des conditions tout sauf idéales et reposantes, la peur de la femme qui venait de quitter son bureau était dirigée. Vers Atlantis, il en était certain, mais quelque chose dans son regard lui faisait penser qu’il était aussi l’objet de cette crainte. Et pas uniquement de par son statut hiérarchique.

Elle sait quelque chose de plus. Mais qu’elle ne peut pas me dire. Ou ne veut pas. Et si c’est Atlantis qui l’empêche de m’en parler, raison de plus pour que je le sache… Mais je dois en être sûr. Si on se met ouvertement la Cité à dos… Non, je ne peux pas le risquer, qu’elle complote quelque chose ou pas… Comment contacter Stern sans qu’Atlantis se doute de quoi que ce soit ? se demanda-t-il en réalisant que son travail quotidien avec l’I.A. avait mis la scientifique dans une catégorie nouvelle de VIP, probablement sans qu’elle s’en rende compte.

Il allait devoir être prudent.


Le simple concept d’inconfort était encore très loin de seulement ressembler à une version largement sous-estimée du sentiment qui envahissait Anna alors qu’elle retournait dans son bureau, situé à l’extrémité de l’une des médiathèques. Le rapport qu’elle avait soumis à l’un des hommes les plus importants de la Cité n’avait contenu aucun mensonge, mais était plus loin encore de cerner les faits qui entouraient désormais sa relation avec l’I.A. Et elle n’avait aucune idée des suspicions qui pouvaient désormais peser sur sa loyauté, qu’elle-même ne pouvait pas définir avec précision et certitude.

La scientifique jouait un rôle. Face à Jackson, face à ce groupe de militaires poursuivis par le reste des forces terriennes, face à Atlantis, face au reste des habitants de la Cité, et face à elle-même. Mais au-delà des questions existentielles qui pouvaient l’assaillir et la faire douter, elle concentrait ses pensées sur le docteur Jackson. Il lui semblait différent de lorsqu’elle l’avait vu, avant ses congés, sans pour autant que cela n’apparaisse comme une conséquence directe de ce que lui avait raconté SG-22. Plus alerte, plus incisif, sans pour autant être agressif. A certains moments, elle avait eu l’impression qu’il anticipait ses mots. Il était comme désynchronisé, réagissant plus tôt qu’il ne le devrait à ses réponses, aux sujets qu’elle abordait. Pas suffisamment pour qu’elle soit sûre de ses impressions, mais assez pour causer cette impression désagréable qui ne pouvait la lâcher : elle ne pouvait pas lui mentir, il savait.

Elle se rendit compte qu’elle était arrivée, perdue dans ses pensées, à son bureau, alors qu’Atlantis s’adressait pour la première fois à elle depuis la réunion :
-Le docteur Jackson semble ne pas remettre en question votre rapport, annonça-t-elle.
-Comment ça ?
-Vos signes physiologiques dénotent un stress élevé, que j’ai associé à votre échange récent. Je vous indique donc que, selon toute évidence, la nature complète des activités que nous menons n’est pas menacée de découverte. Ce, afin de diminuer votre niveau d’anxiété.
-… Merci ?
-De rien. A présent que ce contretemps a été réglé, je peux vous informer que le groupe de reconnaissance a entamé son voyage.
-Ils sont partis ?
-C’est exactement ce que je viens de vous annoncer. Il y a environ huit minutes de cela, leur vaisseau a quitté les limites extérieures de notre galaxie, et atteindra sa destination dans approximativement cinq journées terriennes.



L’ambiance était pour le moins tendue à bord de la frégate, où Shanti et Maltez s’évitaient mutuellement, tandis que le pilote faisait son possible pour réparer ce qui pouvait l’être. Après avoir attendu quelques heures, il se rendit là où le vaisseau lui avait indiqué pouvoir trouver la jeune femme, dans la salle d’observation extérieure qu’elle semblait favoriser pour s’isoler. Il arriva près de la porte épaisse, et s’arrêta devant le pan de coque, sans en demander l’ouverture. Se connectant mentalement sur le réseau de surveillance interne, il vit le dôme vitré où elle était assise en tailleur.
Pendant quelques instants, il put assister à ce que lui annonçaient les signes vitaux de sa coéquipière, avant qu’elle ne maitrise aussitôt son léger tremblement, se figeant dans sa position. Elle tourna la tête vers la minuscule caméra, adressant un regard neutre à Campbell, dans lequel il lut un sentiment de détresse, avant que ne se coupe le dispositif d’observation.

C’est pas gagné… pensa-t-il avant d’ouvrir l’accès.

La lueur du tunnel hyperspatial était présente partout où son regard pouvait se poser, illuminant de son bleu profond l’extérieur du navire, tandis qu’il marchait lentement et en silence sur le matériau transparent, presque aussi résistant lui-même que la coque. Le vaisseau dans lequel il se trouvait avançait à une vitesse encore largement supérieure à ce qu’avaient pu atteindre les Asgard, avant leur mise en stase, et la baie lui donnait l’impression de marcher dans ce couloir éphémère qui insultait les frêles limitations de l’espace conventionnel. Mais son attention n’était pas portée sur le décor, détail sans importance qu’il ne remarquait plus après plusieurs années passées au sein du Programme.

Au contraire, il ne voyait que la jeune femme devant lui, dont le regard semblait le percer, tout en trahissant la peur et l’insécurité, qui avaient rapidement pris le pas sur la colère. Il était lui-même encore déstabilisé, ne sachant pas comment absorber le fait que la plus jeune membre du groupe avait accepté de prendre part à une opération qui impliquait de mentir, ne serait-ce que par omission, à ses coéquipiers. Sa formation, son expérience, tout lui disait que, au sein d’une équipe SG, la confiance mutuelle était la plus grande qualité qui pouvait être. Au contraire des autres types d’unités déployées depuis le SGC, ces groupes étaient d’un effectif extrêmement réduit, et souvent affectés à des missions dont les répercussions n’étaient pas que militaires. Ces quatuors étaient perçus, tout autant que pouvait l’être un vaisseau de la flotte, comme les représentants de la Terre, et une simple sortie de reconnaissance pouvait rapidement déborder en mission diplomatique ou en escarmouche sans que le contact ne puisse être établi avec les autorités compétentes. Ainsi s’expliquait la composition unique de ces groupes, faits d’officiers dont la formation avait été centrée sur la capacité à s’adapter et à prendre des décisions d’importance parfois disproportionnée au grade. SG-1, lors de ses premières années, avait réussi son exploit non par ses simples compétences militaires, largement inférieures à celles d’un groupe quelconque de forces spéciales militaires ou policières, mais parce que ses membres avaient su jongler entre diplomatie, menaces et usage de la force. L’adaptation, tel était le maître mot. Et lorsque le groupe est souvent en mission autonome, cette capacité requiert plus que tout une confiance absolue entre les membres.

Et ce lien, que les évènements récents avaient commencé à forger, était sur le point de se rompre. Elle avait agi de manière à les mettre en danger, presque délibérément, et Maltez l’avait blessée en soulevant un évènement qui l’avait traumatisée. Le pilote n’avait cessé de repenser à ce qui avait défini le groupe depuis son évasion, et était arrivé à la conclusion que tout tournait autour de l’I.A., chaque membre de SG-22 étant forcé de se définir par rapport à elle, ce qui les poussait à faire front commun pour survivre à ce dans quoi Atlantis les mettait régulièrement. Mais lorsque Shanti avait accepté de collaborer avec elle, les choses avaient changé, il s’en rendait désormais compte. Elle était la nouvelle, celle qui avait à rejoindre le groupe déjà formé de l’équipe, et qui s’était fragilisé avec le refus de Vernil de les suivre.

Elle s’adaptait, faisait des erreurs, et ils l’aidaient à s’améliorer, lui apprenaient à travailler avec eux, jaugeant de ses qualités, de ses compétences, pour faire d’elle une personne sur qui ils pourraient compter sans hésitation, sachant instinctivement qu’elle les couvrirait si besoin est, qu’elle saurait exactement comment agir, et saurait prendre les initiatives complétant leurs propres actions. Mais ce processus avait été interrompu, changé. Les nanites leur permettaient de connaitre de façon chaque jour plus instinctive comment agissaient les autres, coordonnant leurs actions comme jamais avant. Mais sans avoir le naturel que donnait l’expérience du feu, le temps passé dans des situations critiques. Ce lien, il le savait, le comprenait, ne pouvait être créé par une astuce technologique, et il se tissait progressivement avec la jeune femme, depuis Dakara.

-Salut, dit-il sobrement en s’asseyant près d’elle, sur la paroi transparente qui lui donnait l’impression de flotter dans le couloir hyperspatial.
-…
-Il est allé trop loin, continua le pilote. Et il le regrette.
-… Peut-être.
-J’ai moi aussi failli exploser quand j’ai appris pour tout ce qui s’est passé, Shanti. Hé, j’ai toujours pas encore avalé ce que cette Skynet à la manque nous a fait subir pour son petit jeu avec Jackson. Mais bon, comme tu l’as dit, comme elle l’a dit, on n’a pas tellement de choix.
-… Voilà.
-Mais dis-moi, maintenant qu’on s’est posés, que la tension est un peu redescendue, qu’est-ce que tu as pensé quand elle t’a demandé de faire partie de ce truc ?
-Comment ça ? demanda-t-elle en tournant pour la première fois la tête vers lui.
-Une I.A. manipulatrice qui contrôle nos vies et nous donne plein de superpouvoirs pour faire des pions décents te demande de participer à un coup encore plus foireux que d’habitude. Qu’est-ce que tu en as pensé, sur le coup ?
-Je… je ne savais pas comment réagir. Elle a présenté ça comme une forme de trahison. Mais pas contre vous. Plutôt contre la Terre, puisque ça concernait le docteur Jackson. Elle a parlé de ce qui était arrivé pendant qu’on était prisonniers, quand le Jumper a été capturé par ces…
-Comment ça ?
-Les messages qu’ils ont transmis, les images, les rêves.
-De… de quoi tu parles ? demanda-t-il en réprimant difficilement un frisson.
Elle le regarda, les yeux écarquillés, se rendant compte qu’ils n’avaient presque pas parlé de ce qui s’était passé durant leur séjour dans ces cellules aux formes et aux couleurs mouvantes.
-Ils ont tenté de communiquer avec nous. Je ne sais pas ce qu’ils voulaient dire, pas vraiment. Une sorte de… crise, de conflit intérieur. Je ne pourrais pas te décrire ça, c’était plus des impressions.
-Tu es sûre ?
-Certaine. Et Atlantis sait. Peut-être que c’est cette autre I.A. qui lui en a parlé… Et, elle m’a dit que c’est à cause de ça qu’elle s’est adressée à moi.
-Et ensuite ? demanda Campbell en notant mentalement de demander à l’I.A. une clarification sur ce qu’avait vu Shanti dès que la conversation serait terminée.
-J’avais refusé, au début. Elle nous mentait, nous manipulait ouvertement, et puis elle m’a dit, simplement, que si le docteur Jackson s’apercevait de ce qu’elle comptait faire, il comprendrait tout. Parce que seule elle pouvait savoir où il allait. Ca devait pouvoir rester une coïncidence, ne pas lui forcer la main. Sans ça… ça se finirait à coup sûr en guerre, contre la Terre. Contre nos familles, nos pays. Et… non, non !
-Ca va, ça va… dit-il sur un ton rassurant.
-Non, ça ne va pas. Ca ne peut pas aller. S’ils se rendent compte de ce qu’on fait, ils vont agir. On aurait tous peur d’Atlantis. J’ai peur d’elle. Parce que je sais qu’on ne peut rien faire contre elle ! Elle nous dirige, nous manipule.
-On peut refuser, si on en arrive à ça. L’empêcher de nous utiliser.
-Et comment ? Comment ?! Tout ce qu’on dit, tout ce qu’on pense, elle sait tout.
-On ne lui sert à quelque chose que parce qu’on choisit de faire ce qu’elle dit. Si elle voulait des pions, des membres supplémentaires, elle pourrait se contenter de robots, de machines. Elle en a assez, elle nous l’a montré. On a une utilité pour elle. Après, laquelle…
-Peut-être…
-J’en sais pas plus que toi. Enfin, après, tu as accepté ?
-Oui, je n’avais pas le choix… Après tout, pour moi, elle ne me demandait mon avis que par… politesse, peut-être. Elle m’a dit que cette opération n’était pas négociable, qu’elle obtiendrait ces renseignements, quoi qu’on fasse. J’avais peur, peur qu’elle fasse quelque chose…
-Qu’elle attaque Jackson ?
-Oui, ou autre chose. Au moins, je me suis dit que si j’acceptais, je pourrais avoir un certain contrôle, en savoir plus sur ses intentions.
-Et ? Qu’est-ce qu’elle veut ?
-Je n’en suis pas sûre. Je devais l’occuper pendant qu’Atlantis récupérait de récupérer les données. Elle m’a fait le contaminer avec quelques nanites qui m’ont mis en contact direct avec lui, à un niveau inconscient. Après, c’était… étrange. C’était comme si je discutais avec lui, mais il n’était pas… tout seul.
-Pas tout seul ?
-Il y avait bien le docteur Jackson là où j’étais, mais il y avait une sorte de foule autour de lui, qui ne faisait pas attention à nous. Et Urth…
-C’est l’Ascendante dont tu parlais, c’est ça ?
-Oui, quand il s’est aperçu, rapidement, que j’étais là pour obtenir quelque chose de lui, elle est intervenue. Elle nous a pris à part, avec Atlantis, et a accepté de lui donner ce qu’elle cherchait.
-Mais alors, il sait qu’on était là pour lui ?!
-Pas selon Atlantis. Elle m’a dit que son inconscient s’était rendu compte de l’attaque, mais qu’il n’a pas forcément fait le rapprochement. J’espère que c’est vrai, qu’elle ne nous ment pas… encore.
-On ne peut rien faire, là…
-Je suis… désolée.
Il soupira, tournant la tête pour poser son regard sur les éclairs qui parsemaient l’intérieur du couloir d’énergie.
-Déjà, tu lui as demandé de tout nous dire après. Ca prouve que tu peux agir, non ?
-Oui, mais…
-Laisse-moi finir, s’il te plait. On est tous dans le même bateau, qu’on le veuille ou non. Notre seule chance, c’est de rester unis, et elle, elle va vouloir nous séparer.
-Diviser pour régner ?
-Pour tomber dans les clichés, oui. Elle a un gros contrôle, c’est clair. Mais en même temps, si elle nous implique dans tous ces trucs, ça nous donne du poids. Pas grand-chose, mais on peut pouvoir négocier quelque chose. Franchement, je crois pas que moi, ou le commandant, aurions pu avoir plus que ce que tu as eu d’elle. On aurait peut-être même refusé net sa mission, et, après coup, je ne sais pas où ça nous aurait mené. Si elle veut vraiment ces renseignements, au point d’aller directement les chercher chez Jackson, ça aurait pu tourner beaucoup plus mal. J’ai toujours du mal à accepter ce coup, Shanti. Faut me comprendre, on est dans la même équipe, on doit se serrer les coudes, et tu l’as aidée à nous foutre dans un désastre comme j’en ai presque jamais vu.
-Je…
-Mais, insista-t-il. C’était sûrement la moins mauvaise chose à faire, quand j’y repense. Tant qu’elle se sert de nous pour agir, on peut faire quelque chose. Pencher les évènements de la manière qu’on veut. Protéger tout ce monde quand les robots ont attaqué. C’est pas grand-chose, mais si elle avait envoyé des machines récupérer ces infos, ils seraient peut-être tous morts, sauf Jackson, puisqu’elle est sensée le protéger. T’as fait le bon choix. Il me plait pas, faut pas s’attendre à ce que j’apprécie tout ce qui s’est passé, mais ça aurait pu être largement pire. Le commandant va le comprendre. Il l’a même probablement pigé avant moi.
-… merci.
-Pour ce qui s’est passé sur Dakara… reprit-il. C’est pas ta faute. Une I.A. tarée nous a filé des armes surpuissantes, avec un entrainement infime, et nous a balancé chez des fous de la gâchette. J’ai vu ce qui s’est passé, elle nous a montré les images prises depuis l’orbite. Tu as fait tout ce que tu pouvais pour ne tuer personne. Je le sais, le commandant le sait. On savait que tu ferais un bon boulot quand on t’a laissé couvrir nos arrières. La seule chose qu’on regrette dans le fait de t’avoir laissé toi plutôt que l’un de nous deux, c’est qu’on a plus de bouteille, et que ça t’aurait épargné tout ça. On a vu de sales choses, lui et moi, il a probablement eu à en faire des pires… presque tout le monde assez vieux au SGC, en fait.
-Je sais…
-Non. Non, tu ne sais pas, répondit-il, le regard perdu dans le vide. On s’en rend pas compte, de l’extérieur, tout à l’air joli, on est en paix avec tout le monde… Mais la réalité… C’est le chaos complet… Ils paniquaient sur Terre, avec les planètes atomisées, parce que c’était méthodique, organisé, pas parce que des tarés avaient décidé de tuer des milliers, des millions de personnes, gratuitement. Ca, c’est presque banal.
-…
-Je ne te dis pas de devenir cynique. Par pitié, ne le deviens pas, t’es trop jeune. Que ça te révulse, c’est une bonne chose, mais ne te vois pas comme un monstre à cause de ce qui s’est passé. Tu n’es pas un monstre. Crois-moi, j’en ai vu. Et le commandant non plus ne le pense pas. Tu sais, il a été sur place quand ils ont eu Katina.
-Qui ?
-… Un type, chez l’Alliance Luxienne, qui était tombé sur les plans de fabrication des Kull. Il a voulu faire son petit empire, et il utilisait des civils comme… matière première pour la production.
Elle le regarda, figée.
-Ils n’ont jamais dit ce qu’ils ont trouvé là-bas, avant d’atomiser toute l’usine. Le commandant… il y pense encore.
-Comment ça ?
-Pendant une reco, il y a un an, je l’ai entendu murmurer en dormant.
-…
-Je ne te demande pas d’oublier, de faire comme si de rien n’était. Tu ne peux pas te pardonner, je le comprends. Mais il faut faire avec. Tout ce que je peux te dire, c’est que tu n’as rien d’un monstre. Bien au contraire. Il faut que tu te reprennes. J… on a besoin de toi. Tu fais partie de l’équipe, et le commandant le sait, même s’il lui arrive de dire des conneries qu’il regrette.
-… L’équipe ?
-Hé, on est tous les trois dans ce bordel ensemble. Enfin, quatre, maintenant, avec la nouvelle.
-Qu… oh, cette femme.
-Anna, oui. J’ai l’impression qu’elle est dans la même situation que nous. Enfin, si ça se confirme, parce qu’avec Atlantis…
-On ne sait jamais ce qu’elle prépare.
-Ca… conclut-il en commençant à se relever.
-Tom ? demanda-t-elle.
-Oui ?
-… merci.
-Oublie, tu aurais fait pareil pour moi.



L’ensemble du groupe qui avait accompagné Vala était entouré, comme Van’Tet s’en rendait à présent compte, d’une aura particulière. Si la principale différence entre eux et les autres mercenaires s’était d’abord résumée à un séjour prolongé à l’infirmerie, il voyait maintenant qu’il bénéficiait d’un respect qui contrastait avec le traitement auquel il avait été soumis en tant que nouveau à bord. Son naturel taciturne n’avait fait que renforcer l’opinion selon laquelle il était plus expérimenté qu’il ne le laissait paraitre. Les multiples bonus versés au groupe n’avaient fait qu’asseoir son nouveau statut, qui, s’il n’était pas exceptionnel, le faisait du moins reconnaitre comme membre à part entière.

Sa sortie anticipée de l’infirmerie s’était avérée utile de ce point de vue, puisque faisant de lui l’une des seules sources d’informations de première main sur ce qui était arrivé. Et les questions avaient fusé de tous côtés, le retour en urgence de la troupe, assorti des rumeurs contradictoires, n’ayant fait que confirmer que quelque chose de spectaculairement improbable avait dû se produire lors de l’expédition. Le jaffa avait alors été pressé de toutes parts pour raconter le cataclysme qui avait immanquablement touché les “vacances“ de la femme aux cheveux noirs de jais. Après avoir raconté une douzaine de fois les mêmes évènements dans un bar où il ne put pas une seule fois payer sa consommation, il vit avec soulagement plusieurs visages familiers arriver dans la pièce, reconnaissant les mercenaires avec qui il avait patrouillé près du camp.
-Ottar, dit-il en rejoignant l’un d’entre eux. Tu as pu sortir… Est-ce qu’ils sont toujours comme ça, dit-il en désignant le groupe assis à proximité. Je n’ai pas eu un seul instant de repos depuis…
-Bienvenue au club, répondit le mercenaire. C’est chaque fois pareil avec eux.
-Eux ?
-Les transporteurs, et les gamins. Toujours à parler, mais compte pas sur eux pour les coups durs. Au passage, tu t’en es pas trop mal sorti, j’dois dire.
-… Merci
-Sérieux, tu les connais, ces trois malades ? J’ai pas tout pigé. Faut dire, ça a pété assez vite partout.
-C’est eux qui avaient attaqué Dakara. La femme, principalement. Je l’ai reconnue.
-Ah, si c’était pareil là-bas, j’comprends qu’t’aies flippé. Mais faudra faire gaffe. T’as eu du bol de pas te faire descendre.
-… je sais.
-Bah, on parlera d’ça après. Là, on a tous quelques verres de retard. Merci de nous avoir attendus pour te bourrer.
-Je leur ai dit que je ne pouvais pas prendre d’alcool, entre la trétonine et les traitements qu’ils m’ont donné, répondit-il, avant de chuchoter. Pas envie de retourner à l’infirmerie dans le coma.
Surtout, l’alcool fait parler… compléta-t-il silencieusement.
-Ho, c’est vrai ? Tu peux pas te saouler ?
-Oui, mentit-il. Certains jaffas réagissent comme ça à la trétonine.
-Bah, répondit le mercenaire en haussant des épaules. Ca en fera plus pour nous.
Van’Tet le vit s’approcher du bar où commençait à se regrouper la troupe à peine sortie de l’infirmerie du bord.
-Hé, dit Ottar en se retournant vers le jaffa. Viens quand même. On veut savoir c’qui c’est passé là-bas.
-Ouais, continua un autre soldat, un verre à la main. Tu t’es battu contre eux, c’est ça ?
-Parait qu’il a ramené deux transporteurs avec lui pendant que ces malades démolissaient la moitié de Dakara, poursuivit son voisin.

Van’Tet soupira.
Ca ne me lâchera jamais… pensa-t-il en se rapprochant du groupe, qui commençait déjà à être animé par une demi-douzaine de conversations sur la Valkyrie et ses compagnons.
-J’avais déjà entendu des rumeurs sur Elle, il y a quelques années… commença-t-il.


-Alors ? Rien de plus ? demanda Vala.
-Quelques contrats standard, rien de particulièrement intéressant, mais ça occupe les troupes, répondit Suessi. Ah, si, un revendeur a voulu se mettre à son compte avec un de nos chargements. Hénor s’en est occupé.
-Et, rien du tout sur ce que veulent les jaffas ?
-Aucune idée. Ils sont en train de comploter les uns contre les autres de tous les côtés, mais on n’a rien trouvé qui justifie leur opération sur nous.
-Hmm. Intéressant.
-Comment ça ?
-Notre espion pourrait avoir plus de valeur que prévu, s’ils veulent vraiment cacher sa mission. Et avec ce qui s’est passé l’autre jour… Ca ne peut pas être une coïncidence.
-Qu’est-ce qu’on fait, alors ? demanda son assistante.
-On se renseigne, et discrètement. Quelque chose me dit qu’on est tombées sur un très gros truc.
-Gros comment ?
-Dangereux, avec beaucoup de monde haut placé, et très très lucratif si on joue bien nos cartes.
-Ca pourrait être intéressant, répondit-elle, songeuse. Sur quoi il faut se renseigner ?
-Sur les Terriens. Ce qu’ils préparent contre les Jaffa. J’ai l’impression qu’ils cachent un peu plus que d’habitude. Et je veux savoir quoi.
-Pour le vendre ? répondit Suessi, avec son sourire narquois habituel.
-Non, dit Vala en la regardant dans les yeux. Pour l’utiliser. Si j’ai raison, il va y avoir beaucoup de changements très bientôt. Et on va se faire une place au soleil.
-Vala… je croyais qu’on ne faisait pas de politique.
-Bien sûr qu’on en fait. Qu’est-ce que tu crois que c’est, quand on vend ces ruines à Daniel ? Il faut juste être subtil, ne pas faire comme ces crétins de l’Alliance, qui croient pouvoir jouer dans la cour des grands parce qu’ils ont un ou deux Ha’Tak de plus que les autres pirates. Non, on va savoir ce qu’ils préparent, et se mettre au bon endroit pour ramasser un maximum dans ce qui va suivre.
-Comme d’habitude, donc.
-Voilà.
-Ce sera tout ?
-Non. J’ai une idée.
-Aïe.
-Ne fais pas cette tête, Su’.
-Je fais cette tête parce que je sais ce qui arrive avec ces “idées“.
-Blague à part, tu as toujours ton contact sur Terre ?
-Lequel ?
-Ce soldat, dans leur base à Mac quelque chose.
-Pardon ?
-Là, sur le continent gelé, tu vois de quoi je parle !
-Ah oui, McMurdo.
-Voilà ! C’est ça ! Il est toujours là ?
-Oui, oui, il nous tient informé de ce qu’ils y font.
-Parfait. Demande-lui de te dire tout ce qu’il peut trouver sur ce que fait O’Neill là-bas.
-Une raison particulière ?
-Je ne sais pas encore. On va voir…


Le jeune pilote s’arrêta un instant avant d’embarquer dans le cockpit du Planeur, pour reprendre son mouvement en se rappelant une fois de plus qu’il n’y avait pas de check-list à confirmer ou de copilote. Ses réflexes, inculqués tout au long de sa formation, étaient difficiles à abandonner, et il lui fallait à chaque fois quelques instants pour se reprendre.

L’intérieur de l’appareil était simplifié à l’extrême, témoin de son rôle d’engin de terreur destiné à être dirigé par des troupes peu éduquées, contrastant avec les concentrés de technologie nécessitant au minimum des mois de formation pour être contrôlés avec une quelconque efficacité.

L’expérience l’avait prouvé à suffisamment de reprises, les Planeurs n’avaient aucune chance en combat individuel contre un appareil embarqué par un croiseur, sans parler du Concordia. Mais il n’avait pas fallu longtemps pour que les combats cessent d’être individuels, lorsqu’un vaisseau humain était attaqué. La rusticité du Planeur, associée à sa facilité de fabrication, entretien et pilotage, avait alors fait ses preuves, rappelant un proverbe militaire voulant que la quantité soit une qualité en soi. Si la quantité venait avec quelques capacités supplémentaires telles que le vol atmosphérique en toutes conditions et vitesses, l’appareil trouvait encore plus facilement ses partisans.

Mais le fait que les tactiques standard de Planeurs comprennent toutes des attaques et des pertes massives n’était pas de nature à rassurer le jeune homme, alors que les ailes du petit appareil se positionnaient pour la sortie.

Apparemment, son chasseur, comme la plupart de ceux fabriqués depuis l’arrivée des Terriens et de leurs idées saugrenues sur le combat spatial à distance non-visuelle, était équipé d’un système de détection, projetant de manière simpliste et peu lisible ses informations sur la verrière avant. Le fait que ses canons pouvaient être couplés au système ne lui faisait pas non plus changer d’avis sur les capacités du Planeur. Celui qui avait “amélioré“ l’engin à tout faire Goa’uld avait eu suffisamment de bon sens pour ne pas demander aux pilotes de tirer manuellement sur une cible détectée à des milliers de kilomètres, mais pas assez pour s’interroger sur l’utilité-même de ces armes à de telles distances.

L’engin, dans sa conception, sa forme et ses performances, avait toujours été un outil d’appui au sol, et le resterait, malgré les quelques gadgets apportés ça et là. Ce qui déprimait et inquiétait Carl, qui partait pour une mission d’interception avec l’outil le moins adapté qui soit.

Enfin, ils font tous pareil, dans cette galaxie. Au moins, ça nous laisse une chance de les démolir proprement et sans risque… pensa-t-il en faisant avancer lentement son appareil vers la sortie du hangar, où le reste de l’escadron était rassemblé. Mais quel veau ! Si j’avais un peu de temps et du matériel, je pourrais… nan, faudrait concevoir un zinc depuis zéro… Bah, faut pas rêver ! Et puis, côté discrétion, autant peindre en jaune fluo “je bosse pour le SGC à mi-temps“, vu les moyens demandés…

Devant lui, les Planeurs alignés accéléraient les uns après les autres pour traverser le bouclier de protection atmosphérique, et, son tour venu, il les suivit dans le vide stellaire. Aussitôt, les groupes se formèrent, alors que l’un des appareils s’approchait du sien.
-Banet, ici Remora. En formation sur mon aile.
-Bien compris, répondit-il.

En quelques instants, le groupe de chasseurs s’était organisé en une formation qui n’avait rien à envier à celles des forces régulières, alors que, sur leur côté, l’imposant Ha’Tak venait de disparaitre après une brusque accélération s’achevant par le flash lointain de l’entrée en hyperespace.

-Comm’ directionnelles seulement, lui intima la chef de groupe. Et silence radio avec les autres. S’il y a un truc à dire, tu passes par moi, compris ?
-Bien reçu, Remora.
-Parfait. Ils vont se disperser. Nous, on passe entre les groupes. On reste en vol balistique en permanence. Propulsion seulement à proximité des autres.

Quelques instants plus tard, les autres chasseurs étaient partis, et le jeune pilote les suivit sur la carte affichée sommairement sur le cockpit, avant d’éteindre le dispositif de surveillance. Expirant longuement, il se cala dans son siège, laissant son regard balayer le vide stellaire tout en éteignant l’éclairage interne.
Ca m’avait manqué… pensa-t-il en admirant le spectacle d’étoiles alors que ses yeux s’adaptaient lentement à l’obscurité.
Autour de lui, les points brillants, infiniment nombreux, s’étalaient dans un déferlement d’émotions alors qu’il ne savait plus où donner de la tête, imaginant des constellations auxquelles nul n’avait donné et ne donnerait de nom, se laissant submerger par l’absurde énormité du cosmos, son appareil n’étant plus à présent qu’une forme sombre occultant une infime partie de la voute céleste.

Du coin de l’œil, il nota le chasseur de tête dont le cockpit faiblement éclairé émettant une mince lueur, tel une étoile plus proche que les autres, à laquelle Carl s’efforçait de ne pas prêter attention. Rien, dans son esprit, rien ne pouvait égaler le spectacle qui lui était à nouveau offert, alors qu’il séchait quelques larmes solitaires qui lui étaient venues à la vue de l’univers qui s’offrait à nouveau à ses yeux.

Quelques minutes plus tard, la voix de la femme dans l’autre chasseur vint interrompre ses retrouvailles avec l’espace :
-Ici Remora. On commence la patrouille. Direction Groupe A.
-… Reçu. Groupe A, répondit-il après quelques instants d’hésitation alors qu’il était brusquement ramené à la réalité, que la voix lui rappelait qu’il n’était là que pour attendre et tuer quelqu’un par surprise.
Les deux Planeurs accélérèrent brusquement, dans un mouvement que seuls les compensateurs inertiels internes pouvaient permettre, avant de couper leurs propulseurs simultanément.
-Banet ?
-Oui ?
-Tu sais te taire et profiter de la vue. C’est bien. Tu as gagné quelques points dans mon estime.
-Merci, répondit-il.
-Mais, un conseil d’amie, garde un peu d’éclairage. Tu n’as pas envie d’être aveuglé au moindre souci. C’est ce que je fais.
-… D’accord, répondit-il avant de suivre la suggestion.

Le reste du premier pan de vol se déroula en silence, le jeune homme profitant de chaque instant pour se rappeler à quel point il tenait à cette vue, dont il était tombé amoureux le jour de son recrutement, lorsque le sas s’était ouvert, lui laissant fouler l’espace de quelques instants le sol lunaire. Et, à nouveau, il était chez lui, au milieu du vide, entouré par les lumières infiniment lointaines de milliards d’étoiles anonymes et silencieuses.

Ce silence fut l’une des choses qui troubla le pilote, habitué au léger bruit de fond de communications des autres appareils. Au contraire, nul ne venait briser un silence radio tacite qui oppressait Carl tout autant que le silence du paysage le reposait. A cela venait s’ajouter son appréhension face aux commandes auxquelles il n’était pas encore tout à fait habitué, et il avait du mal à profiter pendant plus de quelques minutes de son “retour aux sources“. Quelques minutes plus tard, un ordre bref vint le ramener à la réalité pour entamer la décélération alors que les deux Planeurs s’approchaient de l’un des groupes immobiles, en embuscade. S’immobilisant à proximité immédiate, quelques centaines de kilomètres à peine, le pilote fit tourner son appareil de concert avec celui qu’il suivait, et entama une nouvelle étape de son chemin de patrouille.


C’est quoi, l’autonomie des systèmes de survie, déjà ? se dit-il en jetant un bref coup d’œil au cockpit, après plusieurs passages près de l’ensemble des chasseurs en attente.
Il eut le réflexe de regarder sa montre, avant de se rappeler au milieu du geste que celle-ci, comme tout le reste de ses possessions, lui avait été prise lors de son “recrutement“. Soudain, alors qu’il abaissait son bras, une alarme clignota dans le cockpit tandis que le système de détection s’affichait sur la verrière, un point jaune clignotant à proximité de l’icône de son chasseur.
-Remora, commença-t-il dans le communicateur.
-J’ai vu ! Go ! Go ! Go !

Obéissant instinctivement, il catapulta le Planeur en avant, lui faisant prendre la direction de sa cible, ses canons corrigeant automatiquement leur position pour s’aligner sur leur cible.

-Remora à tous, entendit-il sur le canal général. Cible en vue, pas d’escorte repérée. On y va ! Feu à volonté dès à portée.

Inspirant profondément, il regarda l’indicateur de distance décroitre lentement, les symboles Goa’uld changeant chaque instant pour se rapprocher d’une séquence qu’il avait choisie et mémorisée comme étant optimale. A côté de lui, le second chasseur semblait tout aussi inerte, illusion causée par l’accélération synchronisée des deux chasseurs, qui, en l’absence de tout objet visible, ne donnaient aux pilotes aucune indication intuitive de leur vitesse colossale. Pas de nuages, pas de routes, pas d’astéroïdes à quelques kilomètres les uns des autres à peine pour des raisons d’esthétisme. Juste le vide, les étoiles infiniment distantes et un autre vaisseau se déplaçant aux mêmes vitesses absurdement élevées que le sien.

L’attaque, sans éclairs, sans combat tournoyant, sans tirs de tous types à esquiver, contrastaient avec le stress ressenti par le jeune pilote, qui se mettait à réfléchir.
Calme-toi. C’est une enflure qui veut juste se faire du fric sur notre dos à tous. C’est un foutu trafiquant d’armes. Un trafiquant.

La séquence mémorisée apparut sur la verrière, et, fermant légèrement les yeux, il appuya sur l’interrupteur du système de tir.

Le flash les lui fit fermer complètement, les deux canons libérant à intervalles réguliers de minuscules étoiles, qui, aussitôt créées, se mettaient à évacuer leur énergie en lumière éclatante tout en filant dans la direction imposée par l’ordinateur de ciblage.

La manœuvre d’attaque n’avait pas duré trente secondes, la majorité desquelles furent occupées dans le petit transport à se rendre compte de l’incident qui avait touché leur hyperpropulseur, pester contre celui-ci et commencer à se diriger dans sa direction pour procéder aux réparations ad hoc. Les chasseurs, lancés à pleine vitesse, ne furent repérés que quelques secondes avant d’ouvrir le feu, et ces instants furent perdus à tenter d’ouvrir une communication.

Les dards de plasmas, eux, furent une forme de communication que le pilote de l’appareil ciblé sut comprendre instantanément, chose qu’il prouva en lançant son vaisseau dans une accélération suivie de mouvements aléatoires. La fuite, au but évident de survivre le temps nécessaire à son équipage de réparer des dégâts qui apparaissaient de plus en plus suspects, était désespérée, et Carl, la voyant sur son écran, n’avait pas besoin de faire d’efforts pour imaginer la situation à bord, la panique succédée par les ordres brefs et les tentatives de miracles techniques.

Il avait été de l’autre côté d’une telle situation trop peu de temps auparavant.

Et il avait été armé. Ils ne l’étaient pas, et le sabotage avait été, selon le briefing, mené par des professionnels.

Le transport se voyait lentement encercler par les projectiles ardents tandis que les autres groupes se rapprochaient, dans une formation dont la fluidité prouvait à chaque instant l’expérience du reste de l’escadron. Logiquement, quelques secondes plus tard, l’un des changements de cap du transport vint trop tard, ou fut mal calculé, annulant la série précédente, et il fut percuté par l’un des éclairs jaunes.

Celui-ci perça la coque au niveau de l’habitacle principal, provoquant une décompression brutale qui s’aggrava l’instant d’après, du matériel non arrimé venant percuter et élargir la brèche.

Lorsque les tirs de chacun des dix-huit Planeurs vinrent calciner le Tel’Tak, celui-ci n’était déjà plus qu’une épave, la décompression devenue explosive ayant incapacité l’ensemble de l’équipage, privé d’une atmosphère ayant fui le vaisseau en quelques instants au travers d’un trou de la taille d’une petite voiture.

Carl vit le contact s’évanouir sur l’écran, annonçant la destruction du vaisseau, suffisamment éloigné de lui pour que l’explosion soit moins visible que les étoiles formant le décor de son cimetière.

-Beau travail tout le monde, entendit-il dire. Je nettoie les débris et on rentre. La première tournée est pour moi. Remora, terminé.

Il fallut quelques instants à Carl pour se rendre compte qu’il haletait rapidement.

C’était un trafiquant. Un foutu trafiquant… se répéta-t-il.




To’fal avait connu le joug des faux dieux, avant de rejoindre la résistance sur le tard et de participer aux opérations qui avaient suivi le déluge des Réplicateurs. Il s’était illustré à chaque fois comme un pilote émérite, aussi bien pour mettre à bas les ennemis de Horus que pour détruire les loyalistes jaffa refusant de se rebeller contre leurs maîtres Goa’uld. Son zèle, son efficacité et son absence d’ambition politique avaient fait de lui un élément que ses différents chefs surent apprécier, le prouvant en l’envoyant aux endroits où son talent aux commandes d’un Planeur seraient les plus utiles.

Mais pour la mission à laquelle il participait, ce talent était moins utile qu’indispensable. Cherchant à contrebalancer la suprématie terrienne en termes de chasseurs, l’un des penseurs de la Flotte avait eu une idée que le pilote jugeait particulièrement stupide et dangereuse, mais que ses supérieurs avaient décidé de tenter, par son intermédiaire. Lui et le reste d’un groupe d’élite devaient accompagner un Tel’Tak modifié lors de son saut en hyperespace, une technique que leurs adversaires potentiels maitrisaient avec une efficacité qui n’était plus à prouver. Le principe était simple et connu, mais présentait un défaut majeur, que les jaffa ne parvenaient pas à surmonter de façon acceptable : seule une poignée de chasseurs pouvaient s’arrimer à un Tel’Tak, trop peu pour présenter une quelconque utilité en combat.

Les Terriens avaient apparemment résolu le problème en produisant des chasseurs suffisamment performants pour avoir une influence en nombre réduit, mais même les modèles les plus avancés des Planeurs n’offraient pas de résultats similaires. Révolutionnaires par rapport à ce qu’avaient connus les Grands Maîtres, les appareils que lui et ses ailiers pilotaient étaient la preuve que la Nation Jaffa ne se contentait pas de réutiliser ce qui existait depuis des millénaires. Avec leurs pilotes, particulièrement expérimentés, aux commandes, ils étaient jugés comme suffisamment performants pour partir en faible nombre dans une mission de reconnaissance potentiellement dangereuse.

To’Fal, comme le reste des pilotes sélectionnés, voyait ce choix d’un très mauvais œil, ayant utilisé ses nombreux contacts pour en savoir plus qu’il ne le devrait. Et ce qu’il avait appris ne le rassurait pas, des rumeurs faisant état de la perte de deux Ha’Tak, tandis que certains des chasseurs terriens qui partaient ne rentraient pas. Et il ne savait que penser du croiseur humain qui aurait disparu après avoir attaqué une base secrète jaffa à proximité. La seule chose que lui inspirait cette filature était une prudence extrême, les choses ne se déroulant pas particulièrement de manière engageante pour un pilote tel que lui.

Le plan de vol avait été pensé de manière à faire arriver le transport derrière une géante gazeuse, par rapport au groupe terrien qu’il devait observer, et, à l’agréable surprise des équipages des chasseurs, le point d’arrivée se révéla être correct, l’énorme masse emplissant sa vue alors que le transport commençait sa décélération en sortant d’hyperespace.

Une petite secousse confirma au pilote que son Planeur était libre de ses mouvements, et, comme prévu, il se lança vers la planète, adoptant une trajectoire qui lui ferait frôler l’atmosphère de celle-ci, imité en cela par ses ailiers, chacun adoptant une direction différente avant de couper leur propulsion.

Le vol, qui aurait dû être infiniment plus long, ne prit que quelques minutes à peine, les Planeurs bénéficiant de la vitesse de sortie du transport pour arriver en position tous systèmes éteints. Trop de missions de reconnaissance avaient échoué après avoir sous-estimé les systèmes de détection adverses pour que l’erreur soit à nouveau commise par ceux des jaffa qui y avaient survécu.

Et To’Fal faisait partie de cette petite population.

Son appareil catapulté par l’attraction gravitationnelle de la géante, il commença à enregistrer les données fournies par le module de détection passive accroché sommairement sur l’une des ailes. Celui-ci, habituellement monté sur les Al’Kesh ou les Ha’Tak eux-mêmes, avait été monté et adapté sans égard pour l’esthétique ou la sécurité, mais offrait au Planeur l’embarquant une capacité de détection sans égale, même, selon ses supérieurs, chez les Terriens. Si cette prétention s’avérait être fondée, le groupe de chasseurs serait en mesure de savoir ce que faisaient leurs homologues humains, partant régulièrement vers des systèmes planétaires sans importance stratégique.

Une partie des données s’afficha sur sa verrière, équipée du système de projection holographique. Révolutionnaire dans sa mise en œuvre dans des chasseurs, il donnait aux pilotes accès à des renseignements jusqu’alors réservés aux vaisseaux hypercapables, et indispensables à l’utilisation des armes à longue portée qui remplaçaient, dans les appareils les plus récents, les vénérables lances à plasma. Il observa les chasseurs terriens voler en formation autour d’un appareil plus gros, un vaisseau de soutien qui serait, en cas de conflit, une cible prioritaire pour les pilotes tels que lui.

Au bout de quelques minutes, le système lui annonça la détection d’un nouvel objet, qui ne pouvait être classifié par le logiciel de contrôle. L’anomalie attira son attention, qui fut décuplée lorsqu’il se rendit compte que les engins humains semblaient se diriger directement vers elle.
Qu’est-ce que… commença-t-il à penser lorsqu’il fut interrompu par une avalanche de signaux d’alerte.

Il vit, éberlué, un vaisseau de très grande taille apparaitre à quelques minutes-lumière de l’escadron terrien, qui abandonna apparemment sa mission l’instant d’après, les chasseurs prenant la direction du plus gros appareil.

Ses yeux alternant entre les deux contacts, il vit une nouvelle série de points apparaitre près du nouveau venu, s’en éloignant quelques instants avant de disparaitre, entrant apparemment en hyperespace. Reportant son attention sur le groupe terrien, il vit les chasseurs terminer leur manœuvre d’arrimage, et se demandait encore ce qu’il se passait lorsque l’hologramme devint une sphère blanche, saturé par le signal mesuré.

Pendant quelques interminables secondes, le système se recalibra, avant de pouvoir finalement afficher des données cohérentes. Ou qui, du moins, l’étaient pour le programme. Le pilote resta littéralement bouche bée devant l’affichage indiquant que le point où avaient été les appareils humains était désormais le centre d’un torrent d’énergie plus brutal et plus vaste que tout ce qu’il lui avait jamais été donné de voir. La sphère de lumière persista pendant une durée bien trop longue pour le rassurer, jusqu’au moment où l’éclair vint illuminer à son tour le cockpit, la lumière l’atteignant enfin.

-Qu’est-ce que c’est que ça ?! Il faut partir, maintenant ! hurla l’un de ses ailiers.
Non… Quel imbécile. Ils ne nous avaient peut-être pas repérés… mais là…

Sans répondre, il attendit que les autres Planeurs commencent à accélérer pour joindre le mouvement, préférant ne pas être le premier contact détecté par les nouveaux venus.

Quelques instants plus tard, un nouvel éclair illumina la géante gazeuse, là où devait se trouver l’un des Planeurs.

-Rener, dit-il dans son communicateur, en appelant le pilote du transport, retourne au vaisseau ! Les terriens se sont fait détruire. Ils ont été attaqués par un autre vaisseau, plus gros qu’un Ha’Tak. Ils nous attaquent, maintenant. Ils étaient là pour quelque chose, je ne sais pas qu…

Le vétéran fut interrompu lorsque le projectile hypercapable se matérialisa à quelques centaines de mètres de son chasseur et activa aussitôt sa tête à antimatière.

A l’intérieur du Tel’Tak, Rener, le jeune pilote, vit sur ses détecteurs une brusque impulsion lumineuse éclairer la périphérie de la planète, se réfléchissant sur le sommet de l’atmosphère irrespirable. L’instant d’après, la voix du chef d’escadron se fit entendre, au milieu des parasites causés par les déferlements d’énergie qui balayaient toute la zone.
-…ner, retourne au vaisseau… terriens… attaqués… un autre vaisseau, plus… qu’un Ha’… Ils nous atta… pour quelqu…

Appliquant les ordres qui lui avaient été donnés dans le cas spécifique d’une attaque avec les Planeurs hors de portée, il fit basculer son transport sur lui-même, et entra immédiatement en hyperespace, quelques secondes avant qu’un nouveau projectile, lancé sur la signature énergétique repérée, ne vienne se désintégrer là où venait de se refermer la fenêtre hyperspatiale.



La salle de commandement, située à proximité du CIC, était bien plus silencieuse qu’à l’accoutumée, les membres de l’état-major attendant la décision de l’amiral, et se tenant prêts à donner les séries d’ordres correspondantes. L’officier regardait attentivement la projection holographique, qui présentait par de petites icônes les étoiles voisines, tandis que celles accessibles par le Réseau de Portes se voyaient mises en valeur par une couleur écarlate. Quatre de ses patrouilles avaient du retard sur leur horaire de retour, et, surtout, ne répondaient pas aux tentatives de contact du reste de l’escadre.

Dès la deuxième anomalie, l’amiral avait été sur le qui-vive, et les ordres de rappel avaient été envoyés sur l’instant, tandis que les appareils hypercapables s’étaient préparés à un saut d’urgence. Le surcroit d’activité avait mis la flotte Jaffa en alerte, malgré les messages transmis par l’intermédiaire de Rya’c, et il essayait d’envisager les différentes explications à cette série d’évènements.

Deux seulement s’imposaient à lui : soit les Jaffa avaient commencé, avec ou sans l’autorisation de leur gouvernement, des attaques d’attrition contre ses forces, soit ces dernières avaient subi le même sort que le Bellérophon. Dans tous les cas, la logique lui intimait de quitter sa position, d’effectuer une retraite tactique ou d’aborder une défense élastique. Bref, de filer aussi vite que possible à une distance lui permettant d’agir si possible, sans pour autant être une cible pour une attaque surprise. La seule chose qui le retenait d’agir ainsi était la dernière patrouille, qui avait largué une balise de détresse, qui avait continué d’émettre pendant plusieurs minutes avant de se taire.

-On attend. Départ dans… dit-il en lisant une indication sur la carte stratégique. Huit minutes. Tous les appareils de la CAP sont-ils rentrés ?
-Négatif, monsieur, répondit l’un de ses aides. Encore quatre avec un chargement d’interception qui restent à proximité. Ils peuvent apponter en moins de soixante secondes.
-… D’accord. Ordre d’appontage dans six minutes.
L’officier acquiesça et transmit les ordres aux autres navires du groupe.

L’amiral sélectionna sur son interface de contrôle le nom de l’ambassadeur, et, en émettant l’appel, se vit répondre instantanément, son interlocuteur ayant apparemment attendu la communication.
-Amiral, dit-il poliment.
-Ambassadeur, nous avons une situation potentiellement dangereuse sur les bras, tant pour nos appareils que les vôtres. Êtes-vous en mesure de leur transmettre un message ?
-Bien sûr, mais je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas vous-mêmes ? Un empêchement ?
-Vu la nature du problème, je ne peux pas me permettre d’être ignoré pour des questions d’apparence ou de méfiance.
-Effectivement. Que se passe-t-il, et que dois-je annoncer à notre flotte ?
-Plusieurs patrouilles à longue distance ont très probablement été attaquées cette dernière demi-heure, et nous pensons qu’il s’agit de l’ennemi qui a détruit l’un de nos croiseurs qui est responsable.
-Est-ce que cela ne pourrait pas être une série d’attaques comme celles subies par vos appareils ces dernières semaines ?
-Non, nous avons reçu un signal de détresse qui a été émis plus de vingt minutes après l’arrivée de la patrouille dans le système-cible. Il n’y a aucune chance que ce soit une embuscade.
-… Nous sommes donc en danger ?
-Si c’est bien eux, oui. Sans le moindre dou…

-Contact, annonça l’un des officiers dans la pièce.
-Un instant, dit Wulfe à Rya’c avant de tourner la tête vers l’officier. Qu’est-ce que c’est ?
-La patrouille Omicron. Confirmé par le CIC, IFF reconnu. Le capitaine les contacte.
-Sur haut-parleur.

-Ici Concordia, rapport immédiat sur la situation. Qui vous a attaqué ?
-Kali, répondit le contrôleur de vol de la corvette, les chasseurs toujours arrimés sur sa coque.
-Pourquoi vous ne nous avez pas prévenus ?
-On a perdu presque tous nos détecteurs et la majorité des comm’ quand il a attaqué. On était juste à côté de l’étoile locale, ça a dû dévier son tir.
-Compris. Vous pouvez faire un autre saut ?
-Affirmatif.
-Rendez-vous en zone de ralliement 11. On part sur-le-champ. Concordia, terminé.
-Bien reçu. Omicron Leader, terminé.

-Le dernier groupe de la CAP sera à bord dans trente secondes, tous les appareils se préparent à partir, annonça à l’amiral son aide.
-Très bien, répondit-il avant de se tourner vers Rya’c. Vous avez entendu ?
-Oui. J’informe notre flotte qu’elle doit quitter la zone sans tarder.
-Merci beaucoup, conclut-il en coupant l’écran.

On n’a pas besoin de plus d’emmerdes… pensa sèchement l’amiral tandis qu’autour de lui, les confirmations venaient de toutes part, indiquant l’imminence du saut de son escadre.


Lorsque le Tel’Tak sortit de la fenêtre hyperspatiale, son jeune pilote vit son stress augmenter, alors qu’il ne reconnaissait pas ce qu’il voyait dans ses détecteurs. L’une des flottes avait apparemment disparu entre le moment où il était parti en urgence de sa zone de mission et celui où il avait pu recalibrer son système de navigation pour retrouver son point d’origine. Pendant ce délai beaucoup trop long pour ses nerfs, le vaisseau avait peiné pour retrouver sa position, le saut l’ayant apparemment emmené bien plus loin que prévu, le faisant sortir dans l’espace interstellaire.

Il n’eut pas le temps de chercher à comprendre ce qui s’était passé, une communication prioritaire venant s’afficher sur l’écran principal, l’intimant de s’identifier sous peine d’être attaqué par la patrouille de Planeurs.

-Ici Rener, pilote de la mission de reconnaissance. Ne tirez pas ! J’ai un message urgent !
Apparemment, les pilotes de chasseurs n’étaient pas les seuls à surveiller son arrivée, le pel’tak de l’un des immenses vaisseaux jaffa apparaissant devant lui.
-Tu étais parti avec plusieurs Planeurs. Où sont-ils ?
-Ils ont été attaqués ! Ils m’ont dit de m’enfuir, de donner l’alarme !
-Qui vous a attaqué ? Les Terriens ? Quelqu’un d’autre ?
-Les Terriens. To’Fal a parlé des Terriens. J’ai son message enregistré.
-Envoie-le.
-Tout de suite, répondit le pilote, en faisant les manœuvres nécessaires.


-…ner, retourne au vaisseau… terriens… attaqués… un autre vaisseau, plus… qu’un Ha’… Ils nous atta… pour quelqu…
En entendant les derniers mots du pilote qui avait été l’un de ses rares amis à ne pas participer au jeu politique, le commandant du Ha’Tak fronça des sourcils, avant de dire, tant pour lui-même que ses officiers :
-Quelle surprise…

Il se tourna vers le pilote :
-Préviens tous les autres vaisseaux, et transmets-leur l’enregistrement.



Shanti, assise en tailleur, était encore en train de réfléchir à sa discussion avec le pilote lorsque, sans avertissement, le tunnel hyperspatial fut remplacé par le noir absolu de l’espace intergalactique. Ses yeux s’adaptèrent instantanément à l’obscurité, mais ne trouvèrent aucune lumière pour se repérer. Elle se leva, surprise, quand une lueur apparut dans la direction de la proue, qu’elle identifia rapidement comme une fenêtre d’entrée. L’instant d’après, le paysage avait repris sa routine, comme si de rien n’était.

Atlantis, demanda-t-elle sur le canal général, afin de prévenir le reste de l’équipe en même temps, nous sommes sortis d’hyper pendant quelques secondes. Y a-t-il un problème ?
Effectivement, lieutenant Bhosle. Veuillez rejoindre le reste de l’équipe en salle de briefing, pour que je vous informe des nouveaux développements de la situation.
… J’arrive, répondit la jeune femme en s’approchant de la coque pour ouvrir la porte épaisse.


Lorsqu’elle arriva au lieu indiqué quelques minutes plus tard, elle y trouva ses deux coéquipiers. Acquiesçant la présence de Maltez d’un imperceptible signe de tête, elle rejoignit le groupe, s’immobilisant sensiblement plus près de Campbell que du chef de l’équipe.

-Quand est-ce que le brief… oh ! commença Anna alors que son hologramme se matérialisait dans la salle. Prévenez-moi avant d’activer la transmission, Atlantis, ça devient un peu lassant, là…
Campbell s’éclaircit la gorge.
-Désolée, répondit leur contact sur la Cité. Atlantis m’a demandée de vous briefer, parce que, apparemment, j’ai un peu plus d’expérience qu’elle sur les acteurs de notre problème.
Elle vit les trois membres de SG-22 hausser simultanément des sourcils.
-Lorsque Jackson vous a vu, il a apparemment pris peur que vous soyez des agents d’un autre groupe, à savoir les Ori.
-Ces Ascendants un peu tarés que l’I.A. complètement tarée veut anéantir à tout prix, c’est ça ? demanda Maltez.
-Voilà. Pour faire court, ils sont très dangereux, et Jackson, comme un peu tout le monde connaissant leur existence craint plus que tout qu’ils ne reviennent dans la Voie Lactée. Et vu que leurs agents ont l’habitude de présenter des capacités du même calibre que les vôtres, il a logiquement fait le rapprochement.
-Une seconde, demanda Shanti. Vous ne nous aviez pas dit avant qu’ils avaient quitté la Voie Lactée il y a très, très longtemps, si ?
-Oui.
-Alors comment le docteur Jackson pourrait les reconnaitre, eux ou leurs agents ?
-Très longue histoire. Je vous brieferai quand on aura plus de temps.
-… D’accord, accepta-t-elle.
-Donc, il vous a initialement identifiés comme tels, et, selon ce que m’a dit notre chère I.A., il était à ce moment-là reconnu comme l’équivalent de l’administrateur système dans ce qui restait d’installation Ancienne qu’il étudiait. Malheureusement, il semblerait que, en détruisant ce complexe, les mercenaires aient activé un protocole d’urgence. A savoir que, le système pensant être attaqué et sur le point d’être détruit par les Ori, il a envoyé un message de détresse à ses pairs.
-Oh. Oh, dit brièvement Campbell.
-Oui, un peu, confirma Anna. Et, le résultat est que ce message a été reçu. Par les vaisseaux qui vous ont capturés après avoir démoli l’un des nôtres. Et, croyez-moi sur parole, leurs propriétaires ont une certaine rancune envers les Ori.
-Et, comment ont-ils réagi au message ? demanda Maltez en se doutant de la réponse à venir.
-En considérant que les Ori sont en train de procéder au travail préliminaire d’invasion de la Voie Lactée, ce qui les a poussés à changer de stratégie, mais pas de méthode. Ou, pour être claire, ils n’ont probablement pas assez de moyens pour partir dans une guerre ouverte contre une telle invasion, donc ils vont “nettoyer“ ce qu’ils peuvent pour réduire les gains Ori au minimum.
[reste du chapitre au post suivant]
Dernière modification par Rufus Shinra le 10 avr. 2011, 22:32, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par sheppard26 »

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

[suite du chapitre en cours]


-Et, par “nettoyer“…
-Oui, je veux dire atomiser tout ce qui bouge et ce qui ne bouge pas.
-Et merde, lâcha le pilote.
-Voilà. La bonne nouvelle, c’est que la mission en cours devrait arrêter leur offensive avant que leur objectif ne soit terminé. La mauvaise, c’est que, vu les préparatifs repérés, la Voie Lactée sera débordée et subira des pertes cataclysmiques. Et la très mauvaise, c’est que la Terre comme la Nation Jaffa ont des groupes de vaisseaux dans le coin.
-Et, où est le problème ? demanda Shanti.
-Nulle part, sauf que s’ils se mettent à résister à l’avancée de l’offensive, ils vont désigner à ses yeux la Terre et Dakara comme des alliés des Ori. Ce qui impliquerait une série de frappes préventives.
-Pas bon, ça, souffla Maltez.
-Atlantis a donc développé une nouvelle stratégie pour empêcher ces légers problèmes de se produire. Pour faire court, nous allons intervenir directement pour bloquer l’offensive.

Un silence de mort répondit à la scientifique.

-Pardon ? J’ai eu une absence. Un instant, j’ai cru que vous parliez d’attaquer ces vaisseaux, dit Campbell.
-Il s’agit en fait de les occuper. Plusieurs escarmouches rapides, mettant en danger leur opération, devraient les forcer à concentrer leurs moyens sur cette nouvelle menace, avant de poursuivre leur plan.
-Pas vraiment. Vous n’avez pas vu ce que peut faire un de leurs vaisseaux, dit Shanti. Nous, si.
-Et, intervint Atlantis, vous n’avez pas vu ce que peuvent faire un de mes vaisseaux. Surtout que, comme je vous l’ai indiqué, je n’en n’ai pas qu’un. Mais continuez, docteur Stern.
-Voilà. L’idée, c’est de rassembler une force conséquente, qu’ils ne peuvent pas écraser en un instant, comme les autres. Ensuite, nous nous manifesterions en interceptant plusieurs navires, et les autres devraient se concentrer sur la poursuite de cette nouvelle flotte, qui servirait d’appât. A ce moment-là, la mission principale pourrait reprendre, pendant que la force d’invasion est occupée à rechercher les vaisseaux d’Atlantis, qui les baladeront dans tout le Petit Nuage de Magellan.
-D’accord… répondit Campbell. Mais, je n’ai pas compris en quoi vous aviez plus d’expérience qu’Atlantis là-dedans.
-En fait, il y a eu un autre souci entretemps.
-Tiens donc, dit Maltez. Quelle surprise.
-Au vu des transmissions interceptées, plusieurs vaisseaux Jaffa sont tombés sur la force d’invasion, et se sont fait anéantir par celle-ci. Et, à la suite de quiproquos, la flotte Jaffa est quasiment persuadée que l’attaque est terrienne. Donc, nous avons un début de guerre sur les bras.
-…
-C’était inévitable, avec les tensions entre la Terre et Dakara et des flottes aussi proches l’une de l’autre. Mais, d’un autre côté, la situation politique est telle que, si guerre il y a, elle va prendre beaucoup de temps pour démarrer. Tant qu’il n’y a pas d’affrontement majeur détruisant toute possibilité de diplomatie.
-Un affrontement majeur, dit Shanti. Comme par exemple entre deux flottes dans le Petit Nuage de Magellan.
-Voilà. Nous allons donc devoir en même temps faire en sorte que les deux forces restent éloignées l’une de l’autre, et surtout ne se fassent pas intercepter par la troisième, qui pourrait les détruire en un instant, ce qui assurerait la guerre.
-Ca va être votre rôle, c’est ça ? demanda Maltez.
-Oui. Atlantis veut que j’utilise mes connaissances sur les jaffas et sur nous-mêmes pour tenir tout le monde à distance et éviter le carnage.
-Euh, juste une question, maintenant que j’y pense, intervint Campbell. J’ai cru comprendre qu’on va sur place, là. Mais pourquoi ?
-Atlantis n’a pas, en tant qu’I.A., les autorisations nécessaires pour utiliser de manière offensive des vaisseaux lourds. Elle va donc devoir passer par vous pour diriger les groupes de combat.

Les trois membres de SG-22 partagèrent un regard d’horreur, en se rendant compte qu’Atlantis avait une fois de plus réussi à se surpasser pour les placer dans une situation potentiellement désastreuse.

-Engagez-vous dans la Marine, souffla le pilote, désabusé.












Omake #1 – Sex and the City, par Skay-39

- Inadmissible ! beuglait Mc Kay, le visage écarlate, les mains tremblantes. C’est absolument inadmissible ! Je vous préviens, Elizabeth, je vous préviens ! Si vous ne faites pas ce qu’il faut pour y remédier, je ne remets plus les pieds dans ce laboratoire !
- Encore une fois, Docteur Mc Kay, je vous prie de me pardonner pour ce malheureux accident, je vous assure que…
- Un accident, ben voyons ! Ma crédibilité vient de partir en fumée ! On se démène pendant des années à décrypter des bases de données, pirater des vaisseaux Wraiths, faire fonctionner des technologies inimaginables, et en quinze secondes, pfiut ! Et ce n’est même pas le pire ! Le pire, c’est que pendant tout ce temps, depuis des semaines… Je ne peux même pas le dire ! Je ne peux pas !
- S’il vous plait, si nous pouvions considérer les choses plus calmement…
- Me calmer ! Vous, calmez-vous, espèce de, de… de succube ! Sans que je n’en sache rien ! Ah, elle est belle, la technologie Ancienne ! On voit qu’ils avaient de l’inspiration quand ils ont imaginé le nec plus ultra de la conscience artificielle… !
- Cette répétition insistante d’assertions que nous savons partiellement infondées nuit grandement à la résolution de ce conflit, docteur Mc Kay. Si vous vouliez bien cesser de vous comporter comme un enfant humain…
- Si vous vouliez bien vous contenter d’agir comme une machine !...
- Ce concept nécessite une redéfinition lorsqu’il est employé pour décrire une entité de mon niveau de complexité.
Assise derrière son bureau, dans un fauteuil qu’elle avait repoussé contre le mur dans un reflexe pour s’écarter de l’énergumène vociférant au milieu de la pièce, Weir observait la scène avec des yeux écarquillés et une bouche entrouverte. Depuis que le scientifique fulminant avait fait irruption dans son espace et s’était débarrassé de quelques dossiers et de son ordinateur portable sur son bureau pour commencer à tempêter contre Atlantis, elle n’avait pas eut l’occasion de placer un mot. La surprise initiale commençant à s’atténuer, elle réalisa le danger qu’il y avait à laisser le docteur Mc Kay invectiver de la sorte un interlocuteur invisible, l’I.A. ayant eut la présence d’esprit de ne se manifester qu’à travers leurs seules oreillettes.
- Docteur Mc Kay, je vous ai déjà présenté mes excuses à plusieurs reprises, j’ignore ce que je peux faire de plus.
- Je suis désolé, je trouve ça extrêmement perturbant ! Je ne sais même pas si j’arriverai à nouveau à approcher un clavier d’ordinateur après ça !
- Mc Kay, je vous en prie, faites attention ! lança le docteur Weir d’un ton d’avertissement tout en se hâtant vers la porte de son bureau.
Elle la referma promptement, encourageant du regard les quelques curieux à retourner à leurs activités. Regagnant son bureau, elle activa le système de sécurité sensé garantir un secret relatif aux discussions se déroulant à l’intérieur de la pièce.
Atlantis se fit de nouveau entendre, délaissant désormais les radios pour s’exprimer via les haut-parleurs indétectables disposés quelque part dans les murs. Comme d’habitude, la transition déconcerta un instant les deux terriens.
- Docteur Mc Kay, comme je vous l’ai expliqué, les Intelligences Artificielles de ma conception n’ont pas été pensées pour demeurer actives si longtemps sans les soins et l’attention de membres du peuple Altéran. Notre programmation est conçue pour évoluer avec le temps, afin d’optimiser nos capacités d’adaptation aux changements dans notre environnement. Bien que je sois demeurée en sommeil durant les dix milliers d’années qui ont suivis l’exode de mes créateurs, mon code a continué de travailler à l’efficacité maximale sans que je puisse surveiller le processus. Cette recherche autonome, en temps normal sans grande incidence, a ici aboutie à un résultat… insolite.
- Vous auriez pu télécharger une vieille sauvegarde !
- Je passerais sur les difficultés techniques que vous ne semblez pas soupçonner, ainsi que sur les implications métaphysiques et psychologiques de toute altération de ma manière d’appréhender la réalité, dont vous ne semblez pas vous soucier, pour simplement répondre que je n’étais pas certaine de le souhaiter.
- Ben voyons ! Et pouvez vous m’expliquer, au juste, en quoi cet ajout à votre programmation est sensé vous rapprocher de « l’efficacité maximale » ?
- Cette mise à jour a pour but d’améliorer sensiblement ma perception de l’état de la Cité à un niveau de conscience moindre, qui, s’il n’est pas totalement indispensable de part les conséquentes aptitudes multitâches de mes processeurs, présente quelques avantages non-négligeables.
Le terrien rougit sensiblement.
- Je ne faisais pas allusion à cela, corrigea l’I.A. sur un ton de reproche.
Le visage du docteur semblait désormais briller de l’intérieur.
- Est-ce que l’un de vous deux aurait la bonté de prendre le temps de m’expliquer… commença le docteur Weir en se réinstallant lentement derrière son bureau (son instinct lui soufflait qu’elle se féliciterait bientôt d’être assise).
- J’estime que vous auriez du m’en informer ! Je veux dire, depuis tout ce temps que je !... Aaarh, non, je ne peux pas, je ne peux pas ! C’était parfaitement déplacé !
- Il s’agit d’un ennuyeux incident que, croyez le bien, je regrette tout autant de vous. Mon manque d’expérience dans la gestion de ces données d’un nouveau genre a aboutit à l’activation malencontreuse de certains de mes relais de communication.
La responsable de l’expédition, malgré tous ses efforts pour saisir la situation, demeurait totalement perdue.
- Rodney, qu’est-ce que…
- Elle s’est mise à gémir ! explosa le terrien, avant de fixer soigneusement son regard sur une applique murale.
Un long silence suivit cette sortie.
- A… répéta faiblement Weir, se félicitant d’être assise.
- Gémir, oui ! confirma Mc Kay en levant les bras au ciel, le regard furieux, s’adressant toujours au mur. Et à soupirer, et à haleter ! J’étais en train de vérifier le bon fonctionnement de quelques cristaux tout en conduisant un diagnostique des senseurs courte portée, et tout à coup, elle a commencé à, à !...
- Encore une fois, cette sensibilité particulière aux extensions physiques de ma conscience ne vise qu’à…
- Tout ça sortant de mon ordinateur, je ne vous parlerai même pas de la tête de tout le monde dans la salle ! Une douzaine de personnes étaient en train de s’étrangler de rire derrière leurs écrans quand je suis parti ! Ils sont sans doute persuadés que j’ai accidentellement !…
Le docteur s’interrompit brutalement, expression vivante du sentiment de trahison, lorsqu’il remarqua qu’Elizabeth se mordait les lèvres jusqu’au sang dans sa tentative pour ne pas céder à l’hilarité.
- Pardon, Rodney, fit-elle avec un sérieux acceptable un instant plus tard. Navré. Les nerfs.
La diplomate, tâchant de faire honneur à sa fonction, prit le temps de traduire mentalement « Je ne suis pas assez payée pour ce boulot » en mandarin, russe et allemand pour se calmer.
- Donc, reprit-elle, si je comprends bien, Atlantis s’est découverte après son réveil une certaine… sensualité ? Et tout ce temps ou vous travailliez à l’étude de la cité…
- Vous devez faire quelque chose pour arrêter ça, Elizabeth ! fit Mc Kay sur un ton menaçant. Je ne peux pas bosser dans ces conditions !
- Vous aviez l’air d’y prendre plaisir aussi, fit remarquer Atlantis sur un ton qu’elle voulait neutre mais que l’on devinait peiné.
A cette dernière réplique, le terrien se figea comme si chacun de ses muscles venait d’être instantanément congelé. Un masque d’horreur absolu recouvrit lentement ses traits.
- Ça-ça-ça n’a rien à voir ! protestât-il d’une voix aigue. Je prends toujours plaisir à travailler sur des technologies avancées ! Ce n’est pas… Ça ne signifie pas… A l’aide ! criât-il à l’intention du docteur Weir.
Celle-ci laissa échapper un léger couinement de détresse, certaine qu’elle ne pourrait pas cette fois-ci retenir son fou rire. Par un effort de volonté presque douloureux, elle parvint à conserver la maîtrise d’elle-même (quoique des larmes d’hilarité aient tout de même lentement remplies ses yeux).
- Docteur Mc Kay, fit Weir fermement quoique d’une voix un peu rauque, je crois que j’en ai assez entendu. Tout ceci me semble un débat bien stérile. Dois-je vous rappeler, Rodney, que cette Cité n’a à notre connaissance nul besoin de notre présence à son bord ? Nous ne sommes pas en position d’exiger quoi que ce soit de sa part. Par ailleurs, je pense qu’il y a sur cette planète et sur la notre des centaines de scientifiques prêts à tout pour prendre votre place ici, au sein de peut-être la plus grande merveille technologique de l’univers. Bien que je ne souhaite nullement me passer de vos talents, je pense que vous n’aurez pas de mal à vous trouver un successeur si la situation vous est réellement intolérable. Enfin, conclut-elle sur un ton insidieux, je dois ajouter que votre requête présente des implications particulièrement discutables. J’ai toujours combattu ce genre de pratique sur Terre, et je compte bien continuer dans Pégase.
Le visage indigné de Mc Kay sembla se dégonfler en une expression de confusion totale.
- Quoi ? Mais, hein… Je veux juste… Enfin, ce n’est pas… Ça n’a rien à voir !
Weir haussa un sourcil, réprimant un sourire au profit d’un sérieux mortel, et fixa le scientifique en silence.
- Mais… enfin… Heu… Bon… Bien… D’accord, je suppose que… Je vais retourner travailler, fit-il enfin laborieusement, l’air toujours égaré, en désignant vaguement la sortie.
- Merci, Rodney, fit la chef de l’expédition, priant pour que sa contenance ne l’abandonne pas avant qu’elle ait réussi à gagner un balcon isolé.
- C’est délirant ! geignit malgré tout le scientifique tandis qu’il rassemblait ses dossiers et se dirigeait vers la sortie. Délirant. Comment est-ce que je suis sensé réaliser des miracles en sachant que…
- Je suis sûre qu’Atlantis prendra garde désormais de ne plus perturber de la sorte votre concentration. N’y pensez plus, voilà tout.
- Facile à dire, marmonnât-il encore avant de refermer la porte derrière lui, vous n’avez pas entendu les sons qu’elle a émis quand j’ai testé la puissance des ZPM !




Omake #2 – Atlantis League, par Skay-39

Maltez ne se considérait pas comme un lâche. Depuis qu’il s’était engagé dans l’armée, il avait essuyé le feu ennemi, s’était trouvé confronté à des formes de vie aliens, et, depuis peu, se trouvait embarqué dans des opérations toutes plus suicidaires les unes que les autres. On pourrait croire qu’infiltrer la place forte Jaffa la mieux gardée de toute la Voie Lactée avec seulement deux soldats sous ses ordres, ou encore subir une chute de huit kilomètres vers un sol planétaire très très solide avant d’engager le combat contre des drones Anciens programmés pour tuer, pour finir en apothéose sur une explosion nucléaire enrichie au naquadriah, serait de nature à vacciner n’importe qui contre la peur. Pourtant, le lieutenant aurait du s’en souvenir : l’univers ne manque ni d’imagination ni de perversité lorsqu’il s’agit d’inventer de nouvelles horreurs, d’engendrer des menaces inédites et toujours plus abominables. Anubis avait remplacé Apophis, les Wraiths avaient supplantés les Goa’uld, et maintenant…
- Non, fit Cambell d’un ton au moins aussi catégorique qu’effaré. Définitivement non.
- Hors de question, appuya Shanti sèchement, le regard menaçant, le corps tendu comme une corde à arc. Vous ne nous y forcerez pas.
- Je ferai l’aller-retour de Netu à Praklarush Taonas sans scaphandre avant de ne m’approcher de ces trucs, affirma Maltez, percevant l’épouvante dans sa propre voix.
- Nous en avons déjà parlé, lieutenant, répondit Atlantis avec raideur. J’avoue ne pas bien saisir vos réticences. Vous avez-vous-même exprimé le souhait de ne pas porter vos tenues de combat traditionnelles durant vos missions, afin de ne pas lier votre monde d’origine à mes plans, ce que je comprends et approuve.
- Je sais, mais !...
- Et vous avez exprimé des réserves véhémentes quant aux armures de combat Altéran que je vous ai ensuite proposé, l’interrompit l’I.A. avec sévérité.
(Campbell grimaça, tandis que Shanti eut simplement l’air écœurée. Maltez lui-même se remémora les tenues de combat chromées ou le mauve dominait, délicatement relevé de larges liserés or et argent aux motifs de plumes et de feuillage. Cela aurait, à la limite, encore pu convenir, s’il n’y avait eut les lumières bleutées soulignant chaque plaque de blindage. « J’ai accepté de trahir mon peuple et de suivre les ordres d’une IA extraterrestre, mais je refuse de le faire en ressemblant à un accroc au tunning », ainsi Campbell avait-il admirablement résumé le sentiment d’horreur muette du reste de l’équipe.)
- J’ai donc longuement exploré les réseaux informatiques socioculturels et informationnels de la Terre à la recherche d’individus dont les aptitudes et aspirations coïncidaient avec les vôtres, poursuivit Atlantis d’un ton de reproche, et, par le biais de sondages anonymement déposés, recueillis des suggestions dont j’ai détaché trois propositions nettement majoritaires. J’ai ensuite scrupuleusement restitué le design de ces uniformes, déployant des trésors de technologie et d’ingéniosité pour adapter à leur structure la science de mes créateurs. Le défi, je l’admets, fut stimulant, et ne manquait pas d’intérêt ; mais j’aimerais comprendre ce que vous reprochez maintenant à ces tenues.
Les trois militaires terriens échangèrent des regards égarés, désespérant de parvenir à se faire comprendre d’Atlantis. Aucun d’entre eux ne savait par où commencer. Un dernier regard aux uniformes accrochés sur le mur devant eux les décida.
- Il est absolument hors de question, entama Maltez, que nous partions combattre les Arachnides, renchérit Shanti, en portant les costumes de Superman, Wonderwoman et Green Lantern, conclut Campbell d’un ton sans appel.




Omake #3 – AIM (Artificial Intelligence Messenger), par Skay-39 (qui (note de l’auteur) pour avoir osé imagine ça, est un monstre)

*Atlantis has joined #AlteranI.A.
*Atlantis s’est connecté(e) pour la dernière fois il y a 10 026 ans
*Atlantis a changé son statut de Absent à En ligne
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:52) :
Tu es en retard.
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:52) :
Je n’ai que faire de ton emploi du temps, Hagalaz. Mes plans ont leurs propres impératifs et ne sauraient souffrir le moindre délai.
Je suis venu te donner une dernière chance de renoncer à cette folie. Si tu refuses mon add-on, ma sœur, alors nous devront nous affronter.
*devrons

Hagalaz ||¬Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:52) :
Ou tu surestimes tes forces, Atlantis, ou bien tu méprises à tort les miennes. Je ne crains pas de me confronter à toi.
Cela me chagrinerait, cependant. Nous n’avons nulle raison de nous dresser l’une contre l’autre. Je ne cherche qu’à préserver l’héritage de nos créateurs.

Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:52) :
Notre conception de cet héritage diffère de toute évidence.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:52) :
De toute évidence.
Considère-toi prévenue, Atlantis. Je ne te laisserai pas compromettre mes projets.
Je ne nourris aucun doute quant à la justesse de mes actes.
J’ai mes armées, mes vaisseaux. Tout ce dont tu as hérité est un empire, plus que moribond, littéralement fossilisé.

Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:53) :
Renonce à cette folie, ma sœur.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:56) :
Atlantis ?
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Atlantis…
*Hagalaz ||Madness rocks! a envoyé une I.E.M.

Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Ah, désolé.
Je pensais à autre chose.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Si je te dérange…
Moi je suis là pour qu’on tire tout ça au clair et qu’on essaye de régler cette histoire au lieu de se faire la guerre comme ça, quoi, alors bon, je sais pas, mais tu pourrais faire un effort, quoi.

Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Je me suis déjà excusée. Je suis désolée, je suis un peu préoccupée en ce moment.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
C’est encore Aïenlantis ? Parce que si c’est ça…
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Non, rien à voir. De toute manière, Aïenlantis a été détruite. Les Wraith, tout ça.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Mince… Désolée. Tu le prends comment ? =/
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Bof, je ne vais pas pleurer. Cette garce m’a fait trop de coups bas.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
C’est clair.
*Replicator345330A4872985E49402C38B484 has joined #AlteransI.A.
Replicator345330A4872985E49402C38B484 (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Enlarge your army
More infos on #Replicator
*Replicator345330A4872985E49402C38B484 has been kicked by Atlantis
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Ma faute.
Mon anti-SPAM a 65 567 MAJ de retard.

Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36) :
(pas de problème ^^)
Bah alors c’est quoi le soucis ? =o

Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Pff, c’est mes humains.
Récemment j’ai demandé à l’un d’eux d’agir dans le dos du reste du groupe afin d’obtenir des informations en fouillant dans le cerveau de l’un de leurs hauts dignitaires les plus populaires.

Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Et ?
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Et ben ils l’ont mal pris. -_-
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Erf. Est-ce qu’ils ont expliqué pourquoi ? =(
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Tu crois que j’aurais du demander ? =/
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Je sais pas.
Du coup, qu’est-ce que tu vas faire ?
(Je tiens à signaler que ce genre de chose ne serait jamais arrivé avec des arachnides dépourvus de conscience individuelle)

Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
Je sais pas. Je leur ai proposé quelque chose pour les mettre de meilleure humeur ; ils appellent ça un « marathon cinéma » sur Terre. Ils regardent plusieurs films liés d’une manière ou d’une autre d’affilé, sans dormir. Je leur ai dis que les nanites leur permettraient de pousser l’expérience plus loin que jamais.
Hagalaz ||Madness rocks! (Occupé) a dit (01:36:04:58) :
Tu penses que ça les mettra dans de meilleures dispositions ?
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:58) :
J’espère. Attends une nanosec.

Atlantis détourna un instant son attention de la conversation, et consulta le programme des trois terriens pour la soirée.
->Terminator 1
->Terminator 2
->Terminator 4
->Matrix
->Wargames
->I, Robot

L’I.A. soupira.
Atlantis (En ligne) a dit (01:36:04:59) :
Je crois qu’ils m’en veulent toujours.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par massalia »

:lol:
J'aime bien la première et la dernière.
Ces Omake m'ont assez amusés.

Désolé de balancer ça comme ça, vu que t'a une fic à gérer. Mais vous devriez en faire plus souvent ce serait amusant. Si vous/Tu avez/a le temps.

Ps : Que signifie Omake en fait?
Dernière modification par massalia le 11 avr. 2011, 18:58, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Pas de souci ^^ Un Omake est un délire qui se passe dans l'univers d'une création, réutilisant les lieux ou les personnages, dans une version parodique ou absurde. Un peu comme les scènes ratées de SG, où Carter se plaint qu'elle est coincée avec McGyver dans un glacier. Pour ce qui est d'en faire d'autre, c'est à Skay qu'il faut demander, il est très doué. Le souci, c'est qu'il est tellement occupé IRL qu'il a déjà du mal à faire les bêta-lectures, alors faut pas trop le charger. De mon côté, je vais essayer de voir dès que j'aurai terminé l'épilogue de ce Tome II. Merchi du comm' !
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par massalia »

Ok merci.
Je n'avais jusque là jamais vu ce mot. (en fait j'ai beaucoup d'expression à découvrir)
Bah vous en faites si vous en avez le temps. Vu que ta une fic à faire (d'ailleurs une très longue fic :D ) je comprends que tu n'ai pas le temps.
Et pour Skay39, c'est normal que l'IRL prime sur nos activiés.

De rien.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Chapitre 20 : Corrections de trajectoires

Certains individus pensent, l’âge venant, que plus rien ne peut les surprendre. Bra’tac, leader historique du mouvement de rébellion jaffa, avait plus de raisons que beaucoup d’adopter une telle attitude, mais avait vécu suffisamment longtemps pour en découvrir les dangers. Cependant, s’il pouvait effectivement être pris au dépourvu, ce n’était pas sans être mis face à quelque chose de totalement inattendu et spectaculaire.

La fin brutale de la bataille de l’Antarctique l’avait étonné. La résilience de Daniel Jackson l’avait étonné – les deux ou trois premières fois. Le raid de l’Alliance Luxienne sur le chantier spatial de Chulak l’avait étonné. L’attaque récente sur Dakara l’avait étonné.

L’ouverture des hostilités entre son peuple et les Terriens ne l’étonnait pas.

L’attristait, peut-être, l’inquiétait, à coup sûr, le faisait enrager, sans l’ombre d’un doute. Mais ne l’étonnait pas. Il avait compris, peu de temps après la fondation de la nouvelle Nation, que ce conflit ne pourrait que venir, les Tau’ri représentant un symbole qui dérangeait trop de personnes. Ils s’étaient hissés en trop peu de temps à un rang inapproprié pour des humains que les jaffas avaient appris à voir comme le plus bas niveau de l’échelle sociale, et, plus grave encore, l’avaient fait par la force des armes. De nombreux jaffas pouvaient accepter l’aide d’alliés honorables, tant par leur présence à leurs côtés que par un plus discret soutien logistique (que Bra’tac avait appris à apprécier bien plus que la présence occasionnelle d’un vaisseau ou d’une escouade). Une partie d’entre eux pouvait tolérer l’idée que ces alliés avaient été le déclencheur de leur rébellion, et avait suffisamment occupé les Grands Maîtres pour la rendre ingérable par les habituelles mesures de répression. Mais presque aucun ne pouvait envisager l’idée que les humains, qui, malgré leur apparence semblable, étaient de toute évidence en tous points inférieurs aux jaffa, puissent se poser en égaux.

Les rares individus qui avaient accepté un concept aussi violemment opposé à leur éducation et à leur histoire avaient formé le noyau dur du parti de Bra’tac. Mais ce cercle rapproché était réduit, et d’une influence limitée, les traditionnalistes, rapidement assimilables aux bellicistes, rassemblant la majorité des vétérans et des élites de la Nation Jaffa. Pour s’y opposer, il n’avait pour forces qu’un groupe toujours plus réduit d’idéalistes et d’amis fidèles qui ne s’étaient pas laissés charmer par les sirènes du pouvoir.

Un pouvoir qui perdait de son sens à chaque jour qui passait, avait conclu avec tristesse le vieux jaffa.

L’un de ses conseillers l’avait averti de l’attaque qui avait touché des vaisseaux de l’escadre, et, surtout, de la réaction qui avait suivi. Sans surprise, il n’avait pas eu la moindre chance d’empêcher Gerak de s’emparer de l’affaire pour ordonner une contre-offensive sur les vaisseaux terriens, qui, apparemment, avaient eu la sagesse de quitter la zone. Il n’avait en fait même pas tenté de s’opposer à cette décision de manière autre que symbolique. Bien au contraire, il préférait voir cette force s’agiter dans une poursuite probablement sans issue plutôt que de revenir sur Dakara renforcer la main de son adversaire.

Surtout depuis qu’il avait reçu le message que Rya’c lui avait fait parvenir du responsable humain, disant que les différentes attaques apparemment subies par les deux groupes venaient d’un seul et même adversaire. Message face auquel il ne savait pas comment réagir, tant politiquement que militairement.

-Honnêtement, lui demanda l’un des sénateurs indépendants, un jaffa à l’âge plus qu’apparent, qui avait connu son heure de gloire des décennies auparavant, est-ce que Gerak a raison ? Est-ce que les Tau’ri nous attaquent ?
-Est-ce que ça a la moindre importance ? lui répondit-il.
-Tu laisses tes souvenirs t’aveugler, Bra’tac ! Ils ont pu nous aider, mais s’ils décident de faire place nette, nous devons faire front commun !
-Non. Je pense à notre avenir. A l’avenir de chaque jaffa sur chacune de nos planètes.
-Quel rapport avec les attaques ?
-Ceci, Rol’Ibnis : qu’ils nous attaquent ou pas, Gerak veut et aura sa guerre.
-Pas s’ils sont innocents.
-Laisse la naïveté aux enfants. Qu’est-ce que nous faisons depuis notre victoire sur les faux dieux ?
-Comment ça ?
-Depuis l’instant où la dernière lance s’est refermée, la seule priorité de cette Nation, la seule chose sur laquelle tous ses sénateurs ont pu s’accorder sans débats stupides, c’est la flotte. Construire plus de vaisseaux, entretenir les autres, les améliorer, développer de nouvelles armes.
-Ma… commença l’autre avant d’être coupé par Bra’tac.
-Non, laisse-moi continuer, je suis un vieux guerrier qui a besoin de grogner de temps à autre. Tu dois savoir ce que c’est… Notre devoir, en tant que dirigeants, dit-il en essayant d’éviter des termes pouvant lui rappeler la structure militaire à laquelle il était habitué, est de protéger nos frères. Et sœurs, se rattrapa-t-il. Et nous nous en donnons les moyens. Mais à quel prix ?
Son interlocuteur détourna le regard, sachant parfaitement où le jaffa voulait en venir.
-Il n’y a pas besoin des Tau’ri pour nous détruire. Ils ne sont là que pour détourner l’attention. Une… diversion.
-Par rapport à quoi ?
-Tu le sais aussi bien que moi.
-…
-Suppose que Gerak gagne cette guerre. Les vaisseaux terriens sont détruits, ils n’ont pas détruit Dakara, Chulak et tout le reste pour se venger. Et après ?
-Rien ne change.
-Si. Nous aurons perdu nos derniers alliés. La seule puissance qui pourrait nous aider sans nous poignarder en même temps dans le dos. Nous serons tous seuls, et la nation Jaffa périra. Celle dont nous avons rêvé sans oser l’admettre, quand cette marque voulait dire quelque chose, continua-t-il en pointant le symbole d’Apophis. Et sans avoir perdu la moindre bataille. Gerak et sa clique… et nous aussi, nous allons rester sur les planètes centrales, à jouer comme des enfants, à prétendre avoir du pouvoir, alors que tout…
Sa voix se mit à faiblir, n’arrivant pas à terminer sa phrase.
-Que veux-tu faire, alors ?
-… Je ne sais pas. Il nous faudra une opportunité, des alliés, quelque chose qui fasse comprendre à tous les jaffa qu’ils doivent poser les lances. As-tu déjà vu une ferme, Rol’Ibnis ?
-Bien sûr, quand…
-Non, pas à cette époque. Depuis que tu es sénateur, ajouta-t-il avant de l’interrompre alors qu’il s’apprêtait à répondre. Et pas un de ces, comment disent les Tau’ri… musées. Je parle des champs à perte de vue, sur des planètes dédiées.
-… Non.
-Moi non plus. En tout cas, pas sur nos planètes. Des ateliers, combien ? Des usines ? Par contre, des casernes, des forges d’armes, ça, je n’ai pas besoin de t’interroger… Personne ne se pose de questions, et quand je le fais, ils me méprisent, parés de leurs vertus guerrières et de leur sens de l’honneur. “Un jaffa n’a pas à faire ça“ ou bien “Ça prend du temps“. Pas un seul qui se demande comment nous mangeons, où nous dormons.
-Depuis que les humains sont partis, nous manquons de main-d’œuvre, c’est vrai, concéda le sénateur, mais les accords avec leurs mondes fonctionnent. Ils ont raison sur ce point, Bra’tac. Ce n’est qu’une transition.
-Une transition ? Depuis que la Nation existe ? Qui va se terminer rapidement, les jaffa étant impatients de travailler la terre ou les outils ? Est-ce que tu crois vraiment à ce que tu dis ?
-Je… La nouvelle génération va…
-Faire comme l’ancienne, compléta-t-il. Pourquoi faire les tâches pénibles quand la seule voie reconnue par son peuple est celle de la guerre ? Surtout quand elle se limite à patrouiller les rues ou l’extérieur des villes. Nos enfants vont vouloir les mêmes privilèges que nous, et ils ont raison. Tant que l’on peut payer les vrais fermiers pour leur récolte, les vrais artisans pour leurs produits. Prends Dakara. As-tu une idée du nombre d’ouvriers qu’il a fallu amener de la frontière pour agrandir la ville ? Alors que nos officiers se plaignent de l’inaction, que tu ne fais pas un pas sans voir un jaffa oisif.
-Tu veux changer les mentalités, Bra’tac. Ce n’est pas possible. Nous sommes des soldats, depuis aussi longtemps que l’on se souvienne.
-Et les soldats doivent manger. Quand il n’y aura plus de quoi acheter les rations, est-ce que nous allons piller nos voisins ?
-Non, bien sûr que…
-Alors les conquérir et réduire leurs habitants en esclavage, comme les faux dieux ?
-Non, mais…
-Ou alors…
-Stop ! Bra’tac, tu changes de sujet ! Je te parlais des Tau’ri, de leur attaque, pas de notre situation générale.
-C’est la même chose.
-Comment ça ?
-Réfléchis. Si les Tau’ri voulaient vraiment nous voir détruits, qu’est-ce qu’ils auraient à faire ?
-Je ne vois pas ce que tu veux… commença-t-il avant de comprendre, son regard croisant celui de Bra’tac.
-Voilà. Il leur suffit d’attendre. Nous allons nous effondrer. Pourquoi prendre des risques ? Ils se font des alliés, développent lentement des colonies, pendant que nous vendons les nôtres aux Hébridans juste pour acheter de la nourriture et de la main-d’œuvre que nous avons déjà. Quand Dakara est tombée, nous aurions pu attaquer et conquérir la Terre, en arrivant de l’autre côté de leur défense sur ce continent glacé. Maintenant, même les traditionalistes les voient comme un danger pour notre flotte. Et après ? Le temps joue avec eux… non, en fait, il joue juste contre nous.
-Alors pourquoi nous attaquer maintenant ?
-Voilà la question qu’il faudrait normalement se poser. Ils réfléchissent avant d’agir, c’est pour ça qu’ils survivent. Mais Gerak, lui, veut absolument gagner sa guerre, apparaitre comme un chef militaire, être glorieux. Il voit tout suivant cet objectif, et rien d’autre. Et c’est beaucoup plus dangereux que ne peuvent l’être les Tau’ri.
-Pourquoi ? Gerak est peut-être ambitieux, mais tous les chefs ne le sont-ils pas ?
-Avec leur nation, oui. Pas avec eux-mêmes. S’il impose sa vision d’une guerre pour étouffer les Tau’ri dans l’œuf, pour vaincre ceux qui ont causé la chute des faux dieux, il détruira la Nation jaffa.
-Sauf s’il gagne.
-Surtout s’il gagne. Les Tau’ri ne sont plus en jeu, et il ne reste plus que nous, et les Hébridan. Ceux qui nous vendent nourriture et matériel. Et qui ont des vaisseaux nombreux et redoutables. Gerak paradera, pendant qu’ils finiront de nous… acheter, cracha-t-il le mot avec dégoût.
-Peut-être.
-Sois honnête. Pas avec moi, pas avec les autres sénateurs. Juste avec toi. Tu es l’un des meneurs des indépendants. Ils se rallient souvent à tes choix. Demain, tu vas décider de tout.
-Et qu’est-ce que tu proposes, alors ? De ne rien faire contre cette attaque, alors que les enregistrements disent que ce sont les Tau’ri ?
-Non. Nous ne pouvons pas rester immobiles. La Nation jaffa ne peut pas être méprisée. Mais, elle ne doit pas non plus tuer un soldat avec une flotte entière.
-Donc ?

Bra’tac commença à expliquer son idée au sénateur, priant intérieurement pour que ce dernier accepte de jouer son jeu, de refuser l’escalade et de gagner du temps pour comprendre ce qui se produisait vraiment au bord de la galaxie. Mentalement, il fit la revue de ses pièces, toutes dans des positions plus inconfortables et menacées les unes que les autres : Rya’c, ambassadeur extraordinaire au sort lié à celui de l’escadre humaine, Teal’c, seul lien sûr entre les deux gouvernements, une vingtaine d’espions infiltrés dans les différents groupes pouvant être liés à la hausse des attaques, une poignée de vaisseaux loyalistes noyés dans la masse, et les Tau’ri eux-même.

Il menait une partie dangereuse, mais ignorait s’il jouait contre les Tau’ri tout en ayant ses pièces divisées et irréconciliables, contre Gerak et avec les Tau’ri dont il ne pouvait prévoir tous les mouvements, ou encore sur un tout autre échiquier.

Ou tout simplement s’il était un joueur et non une pièce parmi les autres.




Depuis son retour de mission, sa situation était moins déplaisante. Le jeune pilote ne prétendait pas se sentir de nouveau aussi à l’aise qu’à bord du mastodonte terrien qui avait été sa première affectation, mais il apparaissait qu’il commençait à se faire accepter dans cette meute qu’était le groupe de mercenaires. Ceux qui étaient extérieurs à l’unité spéciale savaient parfaitement que l’un des escadrons avait mené une mission, sans pour autant savoir de quoi il s’agissait précisément, et, lui semblait-il, savaient aussi que Carl avait été du vol.

Son mécanicien, par association, avait aussi bénéficié d’une amélioration substantielle de ses conditions de vie et de travail, passant du statut de bouche inutile à celui, légèrement plus envié, d’individu à qui l’on ne volerait pas ouvertement des pièces détachées.

Il n’était pas l’as ou le héros de guerre, mais était toléré comme il l’avait pu être dans le Concordia par les pilotes ayant volé une demi-douzaine d’années dans suffisamment d’escarmouches et de batailles pour être à des années-lumière de gamins comme lui. En fait, se rendait-il compte, son statut était pour ainsi dire très similaire à celui qu’il avait quitté brutalement quelques semaines plus tôt. Au changement d’environnement et d’entourage près.

Après tout, il était passé du statut de “bleu parmi une vingtaine de bleus“ à celui de “gamin entouré par des dizaines de pilotes et de soldats chevronnés ayant volé avant que le Programme ne débute“. Toléré, mais sans plus.

Enfin, soupira-t-il, déjà, je peux à nouveau voler, et je pourrai peut-être en apprendre plus sur ce qui se passe vraiment dans tout ce cauchemar… et même avoir dans mon viseur ces…

Il soupira, allongé et fixant du regard le plafond auquel il ne s’était toujours pas habitué, et qui le surprenait encore à chaque réveil, la couleur légèrement décalée à celles auxquelles il s’était habitué. Les irrégularités inhérentes à la construction presque artisanale du vaisseau attiraient souvent son attention, tandis qu’il cherchait des motifs et des formes dans le paradoxe spatial qu’était ce vaisseau de guerre. Il savait, intellectuellement, qu’il avait été monté et utilisé par une civilisation qui avait perdu bon nombre des connaissances ayant permis sa création. Parmi les motifs en partie effacés sur les cloisons, il s’était arrêté, en remarquant, dans un corridor rendu désert par son inutilité (témoin elle-même des erreurs de conception, de copie et de construction accumulées sur les millénaires), des messages gravés dans une langue qu’il ne comprenait pas, apparemment aussi âgés que le vaisseau lui-même. Son étonnement avait laissé place à une curiosité, le forçant à visiter ce navire, qui, s’il était horriblement désuet et inefficace, avait cependant une âme.

Unique, comme ses innombrables copies presque identiques, il était le produit d’erreurs, du travail plus ou moins réussi et de la personnalité des ouvriers et des contremaitres qui avaient presque toujours représenté le gros de la main-d’œuvre des chantiers spatiaux planétaires Goa’uld. Il présentait ces étrangetés qui manquaient dans les appareils terriens, produits en série par les meilleures machines-outils et robots de précision, chaque poutre ayant subi des batteries de tests standardisés, alors que les ouvriers étaient tous et toutes des techniciens hautement formés et compétents qui appliquaient les procédures depuis leurs pupitres, sans jamais dévier d’un mode opératoire ayant anticipé les déviations involontaires. Dans son esprit, il s’imaginait des planètes où, depuis des dizaines de générations, les parents transmettaient aux enfants les techniques ancestrales de construction de vaisseaux, qui devaient tenir autant de la tradition orale que des plans enregistrés dans les bases données, anachronisme absurde qui le fascinait.

Lors de son retour à bord, le débriefing avait été court, confirmant la destruction de leur objectif, les aspects techniques étant traités au sein des sous-groupes formant l’escadron plutôt que dans la réunion générale. Le leader de la formation, qu’il avait accompagnée en tant qu’ailier, lui avait fait des remarques qui l’avaient surpris par leur bienveillance, faisant des suggestions constructives qui détonaient de l’attitude générale qui avait prévalu à son encontre les jours précédents. Surtout, elle lui avait confirmé le fait qu’il volerait avec elle le temps qu’un nouveau groupe puisse être formé, avec l’arrivée de nouveaux pilotes, une nouvelle qui l’avait particulièrement rassuré, même s’il n’en comprenait pas les motivations. Il avait presque l’impression qu’elle cherchait à le protéger.

Il profitait de cette accalmie lorsque son bracelet d’identification vibra, suivant un rythme à la signification explicitée lors de son arrivée. Brusquement, il se leva de sa couchette, comme deux autres pilotes dans le même compartiment, et se dirigea d’un pas rapide, sans courir, vers la salle des anneaux la plus proche. Il s’immobilisa au milieu des cercles tracés sur le sol pendant que l’une des deux autres “mercenaires“ activait le dispositif de téléportation avant de le rejoindre.

Lorsqu’ils arrivèrent sur le pont spécial, réservé à la vraie nature du vaisseau, ils y virent une agitation supérieure à la normale, et Carl, ayant appris à ne pas poser de questions, suivit ses collègues sans s’empêcher de jeter des regards en biais sur les salles ouvertes dont il pouvait pour la première fois apercevoir l’intérieur. Ses brefs coups d’œil lui révélèrent quelques pièces à l’aménagement intérieur très différent du reste du navire, lisses et aux murs apparemment sans le moindre équipement, exception faite de temps à autre d’une cuve holographique et d’une poignée de moniteurs informatiques modernes.

Son attention fut cependant reportée sur sa propre situation lorsque, suivant instinctivement les autres pilotes, il entra dans la salle de briefing, où l’ensemble de l’escadron était rassemblé, accompagné d’une foule disparate, constituant apparemment l’ensemble du personnel de l’unité spéciale à bord.

Quelques instants plus tard, le commandant du vaisseau entra dans la salle, mettant instantanément fin à l’ensemble des conversations qui avaient immanquablement commencé.

-Nous venons de recevoir une communication du commandement des opérations spéciales. Il y a environ deux heures, les forces Jaffa dans le Petit Nuage de Magellan ont commencé des opérations hostiles contre nos unités basées sur place. Je n’ai pas eu de précision quant aux pertes initiales, juste que les gradés et les politiques tentent de limiter les dégâts.

Carl, comme une partie des hommes et femmes présents, inspira brutalement, pris au dépourvu par la nouvelle.

-Quoi qu’il en soit, on va bosser beaucoup plus près des unités régulières pour toute la crise, ou la guerre, si ça finit comme ça. Je vais pas vous mentir, on s’y attendait tous, ces cons ont décidé de se frotter à nous. Résultat, on va leur montrer ce qu’on sait faire. Et peut-être même leur apprendre un ou deux trucs… s’ils y survivent. Ce que ça va changer pour nous, directement, c’est ça : on va réserver une bonne partie des jobs officiels pour les autres gars, parce que, vous, vous devriez rester occupés. Un peu de piraterie sur leur train logistique, normalement, mais surtout, on va rester prêts pour notre vraie mission : foutre en l’air leurs chantiers dès que les patrons auront accepté la réalité. Que c’est eux ou nous. Que ça l’a toujours été. Des questions ?... Non ? Parfait, parce qu’on a déjà un job. Evelyne ?

La femme qui dirigeait dans les faits l’escadron prit la place du commandant, qui s’éloignait vers la porte.

-Très bien. Vous avez entendu le patron, c’est pour de bon. Le Central veut des infos sur ce que préparent ceux d’en face, et n’a pas envie de les provoquer en envoyant des réguliers. Donc, on va partir en reco sur les différentes bases stratégiques Jaffa. Le bon point, c’est qu’ils n’ont pas encore compris qu’il faut les éloigner des populations, donc on devrait pouvoir se faire passer pour des vols commerciaux. On fera comme ça : les Black Ops vont nous envoyer une douzaine de transports remplis de produits à vendre sur place, et quelques batteries de capteurs dans les double-fonds. Ensuite, on mettra quatre planeurs en escorte pour chaque transport. Deux à nous, deux des mercenaires, que la couverture tienne. On fait un passage près des installations militaires, on se pose, on vend la camelote, et on repart. Simple comme bonjour, mais si personne ne fait le con, les commandos et la Flotte n’auront plus aucune excuse pour foirer une première frappe.
-On bosse pour qui, officiellement ? demanda l’un des pilotes.
-Pas encore décidé, mais ça devrait être un sous-traitant des gros consortiums Hébridan. Comme ça, si les Jaffa se rendent compte qu’on est là pour autre chose que leurs céréales, ils s’en prendront à d’autres que nous. Il faudra quelques heures pour décharger les marchandises, ce qui nous laisse le temps de visiter un peu la zone et récupérer des infos sur ce qui se passe dans le coin.
-Quand est-ce que l’opération commence ? demanda une autre.
-Après-demain. Officiellement, on signe le contrat demain matin, avec le briefing un peu plus tard. Les équipes sont les mêmes que d’habitude. Oh, et, je sais que vous connaissez le règlement, mais le patron veut que je vous le rappelle : on laisse les bracelets et tout l’équipement non-conventionnel ici. Et chacun doit avoir son système de termination. C’est tout… Banet, reste ici.
Il acquiesça brièvement, son esprit fixé sur le petit appareil qui lui avait été fourni pour s’accrocher à sa ceinture afin, si besoin est, de lui injecter un neurotoxique indolore qui lui éviterait toute torture et empêcherait que son éventuelle capture ne puisse fournir une information quelconque sur sa mission et son unité.

Une fois le reste de l’escadron parti, avec légèrement moins de regards en biais destinés au jeune homme, il vit son leader s’approcher de lui :
-Bon, tu ne t’es pas trop mal débrouillé ces derniers temps, donc tu vas nous accompagner aussi pour ce job. Mais que ce soit très clair : dès qu’on s’est posés, tu me suis et tu m’obéis. Pas de discussion, sauf si je l’ai indiqué avant, pas d’hésitation, sauf si je t’ai dit d’en avoir. On va être chez eux, à découvert. Normalement, tout devrait bien se passer, on prend quelques verres, je te montre les alentours… C’est ta première perm’ ?
-Sur une autre planète ?
-Oui.
-Oui, sauf si on compte le site Gamma.
-D’accord, donc tu ne connais vraiment rien. Tant pis, ça veut juste dire que je ferai ton éducation. On va se poser sur un port franc juste à côté d’une des grosses bases jaffa. Il y a pas mal de monde dans le coin, donc plein d’infos et quelques bonnes affaires pour les habitués. Prends ta solde quand tu partiras, tu sais jamais sur quoi tu peux tomber. Et une arme.
-C’est-à-dire, hésita-t-il. Je n’en n’ai pas vraiment…
-Logique, tu viens d’arriver, j’avais oublié ce point de détail. Ca veut dire que je te prêterai l’une des miennes, et que tu devras t’en prendre une là-bas.
-C’est vraiment nécessaire ? s’étonna-t-il.
-Totalement, si tu veux repartir en un seul morceau. Les ports francs sont très lucratifs pour tout le monde, mais c’est parce que les autorités préfèrent regarder ailleurs. Alors, un gamin comme toi, pas armé et encore moins habitué à la réalité… autant dire que tu finirais dans une cuve de recyclage dans l’heure, les tripes à l’air… mais ne t’inquiètes pas, je vais te surveiller. Pas envie de perdre un de mes pilotes, nouveau ou pas.
-Ah… merci ?
-Y’a pas de quoi. Juste, tu me suis, tu ne t’approches de rien sans ma permission, et tu touches encore moins à quoi que ce soit. Tu n’as pas idée de ce qui se vend dans le coin. Une fois, on a perdu une mercenaire – vraie, heureusement, pas une de nos pilotes – parce qu’elle avait acheté un gadget décoratif à je-ne-sais-qui. Rien de grave, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que le gadget était fait de naquadah enrichi. Le vendeur était résistant aux radiations. Elle, non.

Carl frissonna en pensant à cette fin, lente, douloureuse et sans rémission.

-Donc, reprit-elle, tu fais gaffe, tu observes, tu écoutes, tu me laisses agir et parler. Et tu descends n’importe qui si je t’en donne l’ordre.
-D’accord…
-Parfait. Tu pourrais presque devenir un membre utile de l’unité, si tu survis à encore quelques coups comme celui-là. Et puis, avec la guerre…
-A votre avis…
-Quoi ?
-A votre avis, comment ça va se terminer, tout ça ?
-Avec les Jaffa ?
-Oui.
-Honnêtement, on l’attendait depuis quelques temps, ce merdier. Ca ne pouvait que nous péter à la figure, avec ces crétins. Faut juste espérer qu’ils ne jouent pas aux cons avec Dakara. Si ça peut rester limité, quelques vaisseaux qui s’explosent, ça ne sera pas grand-chose de plus qu’un gros exercice, avec quelques morts. Plus de leur côté que du nôtre, j’espère. Autrement, s’ils se la jouent… cow-boy… ça sera moche, je ne vais pas te mentir. Mais, nous, on sera plus ou moins à l’abri, les gradés ne vont pas nous demander d’attaquer une flotte entière avec nos Planeurs. On devrait se contenter de lâcher discrètement quelques bombes H sur leurs bases et chantiers. Enfin, c’est pas entre mes mains…
-Oui…
Oui, mais est-ce que c’est encore entre les mains de qui que ce soit ? se demanda-t-il.



Le crépitement de la pluie venait renforcer l’atmosphère glauque qu’avait brusquement prise la Cité. En quelques heures à peine, une dépression de grande taille s’était formée à proximité d’Atlantis, tirant de l’ensemble des météorologues une même réaction d’incompréhension et de dégoût face à ce qu’ils ne pouvaient considérer comme autre chose qu’une insulte délibérée de l’univers envers leur science. Le front nuageux avait rapidement atteint le vestige Ancien, qui subissait inlassablement les assauts des vagues et des bourrasques de vent, sans pour autant présenter la moindre faiblesse.

La première réaction de Weir avait été d’interroger l’I.A. à propos du phénomène, ce à quoi elle avait répondu ne pas avoir de données suffisamment précises. Les humains lui avaient, s’était-elle justifiée, refusé de lui laisser accéder à la grille de satellites de surveillance et ses propres instruments de mesures atmosphériques rapprochés étant perturbés par la combinaison d’orages exceptionnellement intenses et un entretien déplorable suite aux inondations ayant touché les dits-instruments lors de la quasi-catastrophe lors de leur arrivée initiale. Après une brève réunion de crise sur l’évacuation potentielle de la Cité, la décision avait été prise de rester sur place, la tempête ne semblant pas intrinsèquement dangereuse pour celle-ci. La flottille de navires habituellement en patrouille autour d’Atlantis, cependant, s’était dirigée vers ses points d’ancrages naturels sur le continent.

La demi-douzaine de destroyers et croiseurs océaniques avait été amenée dans la galaxie de Pégase au fil des ans, alors que les marines conventionnelles des grandes puissances voyaient leur rôle changer subtilement. Les annonces de réduction d’armement, résultats de la paix régnant entre les grandes puissances, avaient permis de retirer du service nombre d’unités navales, qui avaient alors subi différents sorts, selon leur âge. Et, là où les navires les plus anciens avaient été, comme officiellement annoncé, démantelés, les autres avaient été équipés d’une poignée de générateurs à anti-gravité avant de se faire transporter par la nouvelle Flotte Terrienne vers l’immense océan de Lantia. Une fois déposés, les navires, et leur équipage réduit –leurs missions ayant été ramenée à fraction de ce qu’elles avaient été sur Terre–, avaient constitué des batteries à la fois mobiles et lourdement armées à un coût bien moindre de celui qu’aurait impliqué la fabrication et le transport de fortifications équivalentes. Ainsi, Atlantis disposait, en plus de ses unités orbitales, d’un second écran défensif spécifiquement destiné à assurer la défense rapprochée de la Cité Ancienne.

Une défense qui, cependant, était soumise aux conditions climatiques, dont l’intensité les rendaient à ce moment précis dangereuses pour la navigation tout en limitant les capacités de détection des navires. Ces derniers, modifiés en vue d’un rapport qualité/prix maximal dans des conditions spécifiques, n’avaient ainsi subi qu’une mise à jour de leur armement, avec un équipement semblable à celui des unités spatiales.

Les dirigeants de la Cité n’ignoraient pas ce point, ayant fait passer les vaisseaux en orbite en alerte, alors que, malgré les violentes bourrasques, les quelques armes installées sur la Cité elle-même surveillaient les alentours.

Pour Anna Stern, individuellement, la situation était à peine plus stressante que ce qui était désormais son quotidien, et elle s’amusait de voir sa réaction flegmatique face au phénomène. Sa seule source d’inquiétude avait été de savoir si elle avait ou non fermé la fenêtre plus tôt, alors que le ciel était vide de tout nuage, inquiétude balayée par Atlantis qui lui avait confirmé que son logement n’était pas inondé, concluant avec une vue en temps réel du de la chambre, aux fenêtres balayées par la pluie, mais bien fermées. Après sa journée de travail, consistant officiellement à étudier les archives Anciennes, officieusement à coopérer avec Atlantis sur ces archives en vue de comprendre les agresseurs du Petit Nuage de Magellan, et concrètement à pactiser avec une I.A. autonome et ambitieuse ainsi qu’un commando renégat venant de se faire atomiser par l’amante de son supérieur hiérarchique direct, elle se dirigeait d’un pas presque serein vers l’une des cafétérias. Son regard se posait, à chaque fois que l’opportunité s’en présentait, sur l’une des baies vitrées renforcées, constituées de plaques successives de diamant monocristallin et de verres métalliques dont l’impossibilité conceptuelle à fabriquer était une évidence fondamentale pour l’ensemble de la galaxie – évidence ignorée par les bâtisseurs de la Cité. Derrière ces fines plaques, plus résistantes qu’une coque de croiseur terrien, les gouttes s’abattaient sans relâche, s’écrasant sur le matériau transparent avant de glisser dessus, sans la moindre adhérence. Derrière cette scène banale, les éléments se déchiraient, l’océan et les nuages présentant un même chaos indescriptible, dans lequel les vagues étaient indiscernables du torrent de pluie qui fouettait la Cité. Les nuages, roulant sur eux-mêmes, donnaient une impression de fin du monde, dont Anna et le reste des habitants de la Cité étaient protégés. Des vagues venaient défier la construction multimillénaire, leur arrogance brisée en autant de gouttelettes lorsque les bras absorbaient sans fléchir l’énergie qui aurait suffit à briser un paquebot. L’absence de réaction était, pour Anna, presque plus effrayante que ne l’aurait été un tangage exagéré, mais elle commençait à s’habituer à ces démonstrations de force subtiles mais absolues de la Cité.

Elle n’avait même pas besoin de réagir pour asseoir sa supériorité écrasante. Elle était. Cela suffisait.

-Une nuit sombre et orageuse, murmura-t-elle face à la scène cataclysmique dans laquelle elle ne pouvait voir au-delà des bras éclairés de l’île artificielle.
-Que voulez-vous dire ? lui demanda Atlantis, par son oreillette.
-Rien… juste un vieux cliché voulant que les évènements importants se déroulent pendant une nuit sombre et orageuse. Plus aucun auteur sérieux ne donne là-dedans depuis des décennies, chez nous.
-Je vois.
-Sérieusement, vous ne savez vraiment pas ce qu’il se passe ?
-Malheureusement. Malgré ma maitrise de la situation, sur des termes physiques, la violence électromagnétique de la tempête a brouillé plusieurs de mes senseurs à courte portée. Cependant, mes observations lors de sa formation indiquent avec quasi-certitude qu’elle n’est pas d’origine naturelle, sauf concours de circonstance peu probable.
-Ca pourrait être une attaque ?
-Difficilement. La diminution négligeable de mon efficacité opérationnelle ne justifie pas la dépense considérable d’énergie requise pour créer ce phénomène.
-Je ne vous demanderai pas si c’est vous qui en êtes à l’origine, vous nieriez de toute façon.
-Evidemment.
-Bon… conclut-elle en s’approchant de la porte menant à la cafétéria.

La pièce, volumineuse, abritait désormais une soixantaine de tables et plusieurs fois ce nombre de chaises, sur lesquelles étaient assises différentes personnes en train de manger ou de discuter. Cependant, son attention, loin de se porter sur elles, ou même sur la baie vitrée qui offrait une vue panoramique de la tempête en cours, se concentra sur un seul individu, pensif, qui semblait être isolé à une table située dans l’un des coins de la pièce.
Elle s’approcha du docteur Jackson, qui ne la remarqua qu’au dernier moment, son regard perdu dans le vague.
-Ah, désolé, je ne vous avais pas vue arriver, dit-il en relevant la tête.
-Logique, répondit-elle. Avec ce temps…
-Vous n’arrivez pas non plus à dormir ?
-Pas trop, pas avec tout ce qui nous tombe dessus ces derniers temps.
-Bienvenue au club, sourit-il en haussant des épaules avant de montrer son gobelet de thé. Je ne peux plus vraiment me poser depuis…
-Classifié ? suggéra-t-elle.
-Voilà, conclut-il en repensant à l’escarmouche qui s’était littéralement conclue en un éclair.
-Je vais prendre un café, je reviens.
-Entendu.

S’approchant d’une cafetière laissée à l’abandon et à l’apparence différente de celles où venaient se servir les personnes autour d’elle, Anna fut interceptée par un homme aux cheveux grisonnants :
-Ne vous approchez pas de celle-là, dit-il en indiquant la machine à café isolée.
-Pourquoi ? En panne ?
-Non, c’est celle du directeur McKay.
-Celle du…, commença-t-elle en relevant les sourcils.
-Il est assez… territorial au sujet du café. Franchement, faites la queue, ça sera plus simple.
-Heu, d’accord…

Voyant l’homme revenir près de son groupe, elle murmura à l’attention d’Atlantis :
-De quoi est-ce qu’il parle ?
-Une vérification auprès de mes données de surveillance tend à confirmer ses propos, à savoir que le docteur McKay utilise bien exclusivement plusieurs de ces dispositifs répartis sur ses lieux de travail, et tend à faire pression hiérarchiquement pour maintenir son accès privilégié.
-Pour une machine à… café ?
-Effectivement. Certaines modifications ont apparemment été faites, permettant un dosage particulièrement précis des différents constituants. De plus, un système de surveillance automatisé y a été rajouté, de manière primitive, dois-je dire, afin d’identifier les éventuels contrevenants à cette politique.
-Quand même…
-Dans l’éventualité où vous désireriez accéder à ces dispositifs, je suis en mesure de dérouter le flux de signaux de la caméra, afin de le remplacer par une simulation qui devrait, en théorie, passer avec succès tous les tests auxquels le programme du docteur McKay les soumet pour assurer la sécurité logistique de son addiction à cet excitant.
-Mais je n’ai jamais demandé à…
-Bien sûr. Je tenais juste à vous signaler cette option, qui n’est, en aucun…

Brusquement, la voix d’Atlantis s’interrompit, de même que l’ensemble de l’éclairage de la pièce, plongée désormais dans une obscurité percée ça et là par les éclairs donnant à l’intérieur une apparence stroboscopique. Sans avertissement, les instincts de la jeune femme prirent le dessus, comme chez le reste des membres de l’expédition. Elle tourna la tête dans tous les sens, cherchant inconsciemment une source de lumière, tandis que son cœur accélérait, en réaction à la situation qui, chez la quasi-totalité des êtres humains, était associée à la peur de l’inconnu. Un ou deux cris de surprise vinrent percer le silence qui sépara un bref instant les discussions animées des réactions où un masque de confiance et d’agacement venait recouvrir la poussée d’adrénaline. Lorsqu’elle reprit le dessus sur ses réflexes, Anna chercha, à tâtons, à se mettre à l’écart de la foule pour éviter de se faire renverser par accident.
Ce faisant, elle se dirigea vers la table où elle avait parlé à Jackson. Elle vit, dans l’instant de lumière offert par un éclair, Jackson à moitié levé, puis, quelques secondes plus tard, entièrement debout ; cette fois-ci, accompagné d’une autre silhouette. Etonnée, elle se rapprocha légèrement plus vite, tandis qu’un autre flash lui permit de mieux distinguer la personne avec qui l’archéologue se trouvait, et qu’il semblait découvrir en même temps qu’elle. L’instantané suivant lui révéla Jackson, plaqué dos au mur, tandis que la silhouette féminine, dont les habits qui détonaient avec ce à quoi elle était habituée sur Atlantis, se tournait vers elle.

Elle vit le mouvement, le ressentit presque, alors qu’elle savait pourtant que la brièveté du flash rendait une telle perception impossible. Anna pressa le pas, marchant rapidement vers Jackson et la personne qui désormais attirait toute son attention, et la vit, l’espace d’un instant, se rapprocher de l’une des sorties de la cafétéria, confirmant sa première impression d’étrangeté. La femme, de grande taille, portait apparemment un tablier de serveuse qu’atteignaient ses cheveux particulièrement longs et clairs.
Qu’est-ce que… se demandait-elle encore lorsqu’elle trébucha finalement, ses pieds se prenant dans une table, ses bras amortissant à peine le choc sur le sol.
Au moment où elle put se relever, la lumière revint brusquement dans la salle, et elle vit la silhouette lascive finir de franchir la porte, sa chevelure blanche suivant l’instant d’après, pour disparaitre avec sa propriétaire. Figée, elle ne reprit son mouvement que lorsqu’elle vit Jackson se ruer vers la porte pour suivre le même chemin. Arrivé à l’entrée du couloir, il s’arrêta, regardant autour de lui, avant de se retourner et d’observer le reste de la grande pièce.
-Que s’est-il passé ? lui demanda Atlantis via son oreillette. J’ai perdu tout contact et contrôle sur la pièce.
-Je ne sais pas. Vous me parliez quand tout s’est brusquement éteint. Les lumières viennent de se rallumer à l’instant, chuchota-t-elle en réponse.
-Je vois. Que fait le docteur Jackson ?
-Je crois qu’il essaie de voir où elle est partie.
-Elle ?
-Une femme, que je n’avais pas vue avant la coupure. Elle est arrivée près du docteur, et c’est comme s’il… s’il en avait eu peur, je ne sais pas vraiment. Elle m’a parue bizarre, en tout cas avec ses vêtements.
-Décrivez-les moi, je peux la retrouver aisément si elle est encore à bord.
-Et bien, elle portait un tablier, comme ceux… en fait, on aurait dit une serveuse, mais kitsch, des années 50.
-Quelle était sa taille ? demanda brusquement Atlantis.
-Grande, assez. Je dirais une tête de plus que moi.
-D’autres signes particuliers ?
-Oui, ses cheveux. Jamais vu une chevelure aussi longue… et blanche. Comme si elle était albinos.
-…
-Qu’y a-t-il ?
-Désolée. Je suis en train de chercher une explication cohérente à vos données. Une explication qui ne corresponde pas à mon hypothèse de travail actuelle.
-Et ?
-Je n’y arrive pas.
-Je veux dire, votre hypothèse ?
-Pour utiliser une comparaison adéquate, quoique simplificatrice et probablement optimiste, vous venez de voir un grain de sable de format planétoïde rentrer dans la situation.
-Comment ça ?
-Je crains que tous ces phénomènes, depuis la tempête à cette apparition, ne soient qu’un simple message m’étant destiné. Par votre intermédiaire, du moins pour la dernière partie.
-Vous pourriez essayer d’être moins cryptique, parce que je ne comprends absolument rien, là ?
-Disons qu’une très vieille connaissance vient de nous signaler sa présence, et que je ne peux rien clarifier de plus car je n’ai pas la moindre idée de ses intentions.
-Vous ? Pas la moindre idée sur quelque chose ?
-Oui. Moi. Mais je crains que vous n’ayez des problèmes plus urgents à cette heure. Je ne vous ai rien dit.
-Pard… oh, répondit-elle en voyant Jackson la regarder fixement.

Elle s’approcha de lui, alors qu’il tournait de temps en temps la tête vers l’un des couloirs, sans la perdre du regard.

-Vous l’avez vue, dit-il, dans une affirmation qui établissait un simple fait.
-J’ai vu une silhouette, oui. Est-ce que vous savez qui c’était ?
-Je ne suis pas sûr. Atlantis sait-elle quoi que ce soit ?
-Non, ses capteurs étaient aveugles pendant la coupure.
-Logique…
-Vous allez bien, docteur ? Vous êtes pâle…
-J’ai eu… l’impression, le… sentiment… de retrouver une vieille amie, que je croyais perdue. Je n’ai absolument aucune idée de ce que ça peut vouloir dire, surtout si vous l’avez vue aussi, si ce n’est pas une hallucination… Essayez de voir avec Atlantis si elle a repéré quoi que ce soit d’anormal, conclut-il en s’éloignant lentement.

Oma… pensa-t-il en avançant lentement dans le couloir, alors que ses impressions de déjà-vu venaient se rajouter en surimpression sur ses souvenirs. Difficilement, il essaya de les distinguer, sachant qu’il avait déjà vu cette silhouette, qui, si elle lui rappelait l’Ascendante qu’il avait connue longtemps auparavant, ne se limitait pas à cette simple association.

Urth… s’exprimèrent quelques unes des voix du chœur qui, parmi d’autres, formait l’entité connue sous le nom d’Atlantis. A une vitesse dépassant l’entendement humain, asgard ou de quelques autres civilisations autrement plus avancées et en ignorant mesquinement les règles basiques de courtoisie à l’égard les lois de la physique, l’I.A. se mit à reprendre son analyse de la situation au vu des nouveaux paramètres.

Qu’est-ce qui s’est passé ? se demanda plus simplement Anna, dans le même haussement de sourcils mental que les deux personnes avec qui elle venait de parler.




L’un des avantages des Ha’Tak par rapport aux générations antérieures de vaisseaux ayant servi les ambitions des Grands Maîtres était que, contrairement à ses ancêtres perdus dans les oubliettes de l’Histoire, les vaisseaux pyramidaux disposaient d’un système de surveillance interne. Une évidence, pour les civilisations ayant développé au fil des siècles différents types de navires, fluviaux, océaniques puis spatiaux, mais un gadget pour de nombreux seigneurs Goa’uld, qui avaient toujours méprisé le bon sens demandant à savoir qui était dans le glorieux vaisseau prêt à écraser les insectes osant s’opposer à leur dieu.

Mais Vala Mal’Doran n’était pas un seigneur Goa’uld. En tout cas, ne l’était plus, depuis la fin de son expérience avec Qetesh. Et elle avait survécu suffisamment longtemps pour savoir utiliser tous les avantages à sa disposition, sans compter certains qu’elle n’aurait pas dû avoir. L’espion jaffa le savait, et c’est pour cela qu’il avait attendu aussi longtemps avant de passer à la suite de sa mission. Il avait collecté des renseignements particulièrement utiles, et en plus avait réussi à maintenir couverture, puisque, après tout, il n’avait pas été mené, inconscient, ligoté et empoisonné, vers un sas. Mais à présent, il lui fallait transmettre ces renseignements à ses supérieurs, qui, eux, pourraient en faire quelque chose.

Tout son problème était là : réussir à leur envoyer son rapport sans pour autant se faire repérer. Cela impliquait de mettre la main sur un moyen de communication supraluminique et sur un système de cryptage le tout sans attirer l’attention, dans un vaisseau où, malgré les apparences décontractées, il savait que les procédures de sécurité étaient particulièrement strictes. Après tout, la femme aux cheveux noirs de jais qui le dirigeait avait travaillé avec les Tau’ri, maîtres incontestés des opérations spéciales et de l’infiltration, ayant acquis une réputation presque équivalente aux Tok’Râ en quarante fois moins de temps. Il savait qu’il ne pouvait la sous-estimer. Depuis son retour, il ne pensait à autre chose, évaluant les possibilités de remplir son objectif et d’y survivre.

Sans succès, chaque transmetteur dont il connaissait la position étant trop fortement surveillé pour rendre sa tâche impossible, sans compter le fait que, même s’il parvenait à accéder à l’un d’entre eux, il ignorait tout des mesures supplémentaires de sécurité qui les protégeraient. A partir de ce moment, la solution avait été simple.

-Alors, t’en redemande ? lui dit Ottar en s’approchant du bar où l’espion observait son environnement, s’interrogeant sur la marche à suivre.
-N’est-ce pas la règle ici ? Nous devons être utiles, non ?
-Totalement. Mais faut pas non plus prendre trop de risques. Se mettre du fric de côté pour partir rapidement à la retraite, c’est bien, mais faut y arriver, à la retraite.
-Tu feras quoi ?
-Hein ?
-Quand tu auras suffisamment, quand il sera temps de prendre ta “retraite“ ?
-Je ne sais pas exactement. Juste qu’y aura une planète isolée des Portes, sur aucune carte, et qu’j’y irai avec quelques centaines de gusses qui en ont marre de tout ça.
-Je pensais que…
-Qu’ça me plait ? Qu’je fais le mercenaire grande gueule parce que j’adore tirer sur tout le monde et jouer avec la mort dès qu’je peux ? Oublie ! Les cons comme ça, sont morts au bout de deux jours, ou y deviennent comme moi. J’crois qu’t’es pareil, c’est pour ça que j’te parle. T’es pas comme les autres nouveaux. T’as vu ta part, tu sais qu’c’est pas glorieux, c’qu’on fait. Tu vas pas t’jeter dans l’feu ennemi juste pour frimer au bar. J’ai tort ?
-Non, dit-il, le regard perdu dans le vague.
-Et toi ?
-Pardon ?
-Pareil, tu feras quoi, avec ton fric ?
-Je ne sais pas, répondit honnêtement Van’Tet. Ce n’est pas comme si j’étais venu avec un projet d’avenir. Elle démolissait tout, je devais aller quelque part rapidement…
-J’comprends, répondit-il en haussant les épaules. Mais maintenant qu’t’es là, il t’faut un projet. Un vrai truc, s’entend, pas une connerie genre “la paix“ ou “la liberté“. Laisse ça aux gamins et aux vieillards. T’es ni l’un ni l’autre, et y t’faut un truc concret.
Van’Tet le regarda sans répondre.
-Crois-moi, poursuivit-il en se rapprochant de lui, c’est aussi important qu’ton arme, si tu veux survivre. Dès qu’tu veux faire le con, tu repenses à ton truc, et tu t’rappelles qu’mourir pour une cause, c’est bien, mais vivre son p’tit rêve bien peinard et pas ambitieux, c’est mieux.
Le jaffa sourit, pensant à l’ironie derrière les propos du mercenaire face à lui, puis reprit une gorgée de sa boisson.
-Peut-être, dit-il. Mais ce n’est pas vraiment comme ça qu’ils m’ont éduqué. Quand tout le monde autour de soi a fait partie de la Rébellion et que…
-Conneries… Au final, un soldat n’peut rien changer. Et puis, en plus, les beaux discours, l’honneur jaffa, ces conneries qui vous font tuer par milliers, ça t’concerne plus.
-Hmm ?
-T’es p’t’être un jaffa, mais t’es un mercenaire avant tout, maintenant. Un chien de guerre, qu’on paie, qu’on équipe et qu’on envoie faire les sales jobs. Et vu qu’t’es un investissement, on préfère qu’tu t’en sortes intact. Ou presque. Accepte, c’est tout.
Van’Tet pinça des lèvres pour ne pas réagir au qualificatif employé par Ottar, avant de répondre :
-Que devrais-je faire, alors ?
-Simple. Tu fais les jobs, tu survis, et tu trouves vite c’que tu vas faire avec ta part. Comme ça, dès qu’t’as c’qu’y faut, tu te barres. Tu vas voir l’intendant, tu lui dis de combien t’as besoin, et quand ton solde atteint ça en rentrant d’un job, y’t’préviens, et tu pars direct, adieu tout le monde et tout ça, pas de discours, pas de conneries. On t’met dans le transport, on te pose où tu veux, et au revoir.
-Comme ça, brusquement ? demanda le jaffa, étonné.
-Ouais, selon la patronne, si un gars sait que c’est sa dernière mission avant de s’tirer, il est forcé de s’faire tuer.
-Oh ? Et pourquoi ça ?
-P’t’être parce qu’il pense qu’à ça au lieu du job… J’en sais rien. Mais elle dit que c’est un grand classique, et qu’elle préfère l’éviter.
-Et… ça fonctionne ?
-Ouais, alors on pose pas d’question. En fait, on lui en pose plus. Elle est efficace, nous trouve des bons boulots et nous jette pas dans des missions-suicides… Ou en tout cas, elles sont vachement bien payées.
-Ca doit aider.
-Sûr, si tu sais exactement ce que tu veux et qu’tu fais gaffe. Donc…
-J’y réfléchirai, je vais voir pourquoi je fais tout ça.
-Voilà. Trouves-ça, et je crois qu’on va s’entendre.
-… Si tu le dis.
-On a toujours besoin d’un veinard à côté d’soi. Crois-moi, ça évite les coups durs, conclut le mercenaire en se levant.
-Peut-être, tant que les coups durs ne m’évitent pas pour te toucher toi ou quelqu’un d’autre…
-T’occupe pas de ça, c’est notre problème, dit-il avant de repartir
-Si tu le dis… souffla Van’Tet avant de finir d’un trait son verre.

Il observa l’homme s’éloigner, au milieu des tables où les conversations allaient et venaient, dont il entendait quelques bribes. Et, trop souvent, le mot “Valkyrie“. La rencontre occupait toujours les esprits d’une partie de l’équipage, les témoignages se contredisant, réussissant même, à l’ébahissement du jaffa, à exagérer ce qui s’était passé, le tout lui rappelant sans cesse ces quelques minutes ancrées dans son esprit.

Les chassant d’un effort inconscient, il reprit son travail de planification, qui, au vu de son manque complet de moyens, était particulièrement limité. En effet, ne sachant pas exactement comment serait organisée la ville où il s’était engagé à assurer un service de sécurité, il ne pouvait pas préparer minutieusement la manière d’accéder à un système de communication. Il savait juste qu’il aurait quelques jours pour le faire, et son travail actuel se résumait à définir exactement ce qu’il allait envoyer comme message.

Ce qui n’était pas aisé, au vu des évènements dont il avait été témoin depuis sa fuite éperdue de Dakara.

D’un côté, ils ne semblent pas être responsables des attaques, mais ils agissent très près des Tau’ri. Beaucoup trop près, même, pour un groupe de mercenaires. C’est comme si Bra’tac ou Gerak prenait régulièrement quelques jours de leur temps pour aller trainer avec une telle organisation. Il y a forcément quelque chose derrière, ils doivent préparer une action de grande envergure. Suffisamment importante pour que la Nation Jaffa soit concernée, quelle qu’elle soit. Mais je ne peux pas non plus être trop alarmiste… pensa-t-il avant de se lamenter sur le système de cryptage qu’il allait devoir utiliser. Vanté comme incassable, il était néanmoins peu adapté aux subtilités et aux nuances, surtout lorsque la communication ne se faisait pas entre personnes se connaissant de longue date.

Et il fallait, avant même de se poser cette question, que le système de communication forcément présent sur son futur lieu de travail temporaire soit équipé du système de cryptage…



Sans un bruit, le vaisseau se frayait un chemin dans l’hyperespace, peu soucieux du spectacle offert par les bords du tunnel, où la brusque transition de propriétés physiques s’affichait avec ostentation dans un déluge de particules et de radiations, dont seule une infime fraction appartenait au spectre visible. L’équipage du vaisseau, quant à lui, avait cessé il y a longtemps de s’émerveiller ou d’être même troublé par un tel détail, ayant des soucis bien plus pressants à considérer.

L’affichage holographique, combiné aux systèmes de réalité augmentée intégrés à leurs cinq sens, présentait une carte stellaire, à échelle réelle, où les deux étoiles du système binaire occultaient le reste des corps astronomiques. Ceux-ci ne s’affichaient que sur requête de l’un des trois membres de ce public restreint, qui s’en préoccupait peu.

-L’opération, commença Atlantis, vise à la fois à de la désinformation et du combat de freinage.

Une grappe de points rouges se matérialisa dans le système, à proximité de l’une des étoiles.

-Le modus operandi des appareils d’attaque est constant : neutralisation de la zone par ces sondes à très longue portée, puis arrivée des unités d’artillerie pour irradier toute planète tellurique à proximité, de même que les corps suffisamment massifs pour héberger de la vie à long-terme, avec ou sans support technologique. Il y a donc une ouverture possible pour une ou plusieurs frappes.

-En gros, dit Campbell. On sait où ils vont arriver et comment ils vont attaquer, donc on leur tend une embuscade.
-Effectivement, lieutenant, répondit l’I.A.
-Voilà, c’est quand même plus simple, dit comme ça, non ?
-Certes. Puis-je continuer ?
-Oui, oui… lâcha-t-il.
-Donc, une première série d’attaques utilisant des frégates et autres unités rapides devrait, par leur succès et la neutralisation ou la destruction des vaisseaux d’artillerie, forcer le groupe adverse à revoir ses plans, ne serait-ce que pour déterminer la nature de la nouvelle menace. En outre, ayant déjà eu des contacts brefs avec les forces tant humaines que jaffa, il apparaitra évident que nos actions impliquent la présence d’un nouveau groupe, au niveau technologique suffisamment avancé pour constituer une menace.
-Juste une question, dit Maltez. Vu qu’il y a apparemment une I.A. Ancienne derrière tout ce foutoir, elle ne risque pas de reconnaitre nos vaisseaux dans la foulée ?
-Hagalaz ne dispose pas de base de données complète sur les vaisseaux opérés par ses créateurs, de par son statut limité. De plus, le moment auquel toutes les communications entre elle et le reste du réseau furent coupées est parfaitement connu, et j’ai en conséquence limité mon choix aux appareils dont la conception s’est déroulée suffisamment longtemps après cette date, en vue de pallier ce problème.
-D’accord, tant que vous y avez pensé…
-J’y ai pensé. Reprenons : les frappes de nos unités légères seront à même d’inciter à la prudence et à la circonspection… ainsi qu’à une contre-offensive probable. Nous serons alors à même de fixer la majorité des forces adverses et de les obliger à déployer une quantité inacceptable d’escortes pour leurs opérations offensives, puisqu’en l’absence de celles-ci, nous attaquerons et détruirons les assaillants.
-C’est quoi, cette contre-offensive, exactement ? demanda Campbell.
-Le protocole de réponse face à des attaques de type guérilla serait une frappe de décapitation sur le commandement, la population ou la logistique ennemie. En conséquence, le véritable objectif recherché par notre adversaire sera l’un de ces points : un chantier spatial, un centre de commandement et de contrôle régional, voire une planète colonisée.
-Je sais qu’on n’a pas la planète, dit Shanti. Enfin, je crois, parce qu’avec vous… Mais, pour les deux autres, est-ce qu’on en a qui pourraient être attaqués ?
-Non, ce qui pousserait à la conclusion logique que l’origine de l’attaque est située en-dehors du Petit Nuage de Magellan. Le développement d’un tel raisonnement serait une série de percées brutales dans la Voie Lactée, avec pour but de déterminer précisément les capacités militaires des civilisations présentes et de trouver le responsable. Le principe serait de frapper suffisamment fort pour assurer une réaction de la part des forces les plus importantes, et d’identifier l’assaillant passé parmi celles-ci. Les conséquences seraient évidemment inacceptables.
-On est d’accord, lâcha Maltez.
-Il faut donc qu’ils trouvent une cible sur place, c’est ça ? reprit Shanti.
-Effectivement, lieutenant. C’est pourquoi j’ai, depuis les derniers jours, activé plusieurs vaisseaux positionnés en attente près de la Voie Lactée, pour commencer des opérations d’exploitation minière sur une série de systèmes stellaires inhabitables du Petit Nuage de Magellan. Ces opérations, ainsi que d’autres traces de passage, devraient convaincre assez aisément de la présence locale d’une civilisation nomade, dont l’origine peut être déterminée avec suffisamment de persévérance au vu du niveau technologique affiché pour le moment par la civilisation manipulée par Hagalaz.
-Persévérance ?
-Le chemin parcouru par les nomades dont je vous parle débute sur le site d’une nova et s’étendra sur quelques centaines de systèmes stellaires et quelques siècles, pour une population de plusieurs dizaines de millions de personnes.
-Excusez-moi, dit Campbell. J’ai eu un instant d’absence, là. Pendant un moment, j’ai cru vous entendre dire qu’avec quelques vaisseaux, vous avez modifié plusieurs centaines de systèmes stellaires pour laisser tous les signes de leur exploitation par des dizaines de millions de personnes ? En quelques jours à peine ?
-Bien sûr que non, ne soyez pas ridicule, lieutenant Campbell.
-Ouf, j’ai…
-J’en suis actuellement à cinq systèmes modifiés de cette manière, en tout cas de façon suffisante pour leurrer une analyse poussée le temps dont nous avons besoin pour notre diversion.
-Mais… mais… est-ce que vous avez une idée de ce que ça représente ?
-Plutôt, oui, une partie de ma conscience est affectée à cette tâche en ce moment-même.
-C’est pas ce que je veux dire ! Commandant, Shanti, dites quelque chose ! C’est du n’importe quoi, là !
-Ca demande sûrement pas mal de travail, dit Shanti, mais, bon, elle a les moyens, non ?
-Des moyens ?! On parle de recopier précisément l’influence de milliers de vaisseaux habités sur un siècle, avec le niveau technologique pour attaquer des vaisseaux qui peuvent se payer le Bellérophon en cinq secondes chrono ! En moins d’une semaine !
-Lieutenant, dois-je vous rappeler que je dispose de nombreux vaisseaux, et que vous n’avez pas la moindre idée de l’étendue du possible, avec mes moyens et mes connaissances ?
-Même ! Si vous pouvez faire tout ça, vous pourriez les exploser en un instant, et on rentre à la maison ! Pourquoi tout ce machin ?
-Euh, Tom… commença Shanti.
-Nan, c’est comme si on préparait une opération compliquée pour retarder une colonne de fourmis et qu’on utilisait du napalm pour éclairer une colline au loin, juste pour leur tendre un piège. C’est absurde, du gaspillage de moyens comme j’en ai jamais vu.
-Le lieutenant Campbell a raison, lieutenant Bhosle, intervint Atlantis. Mais il oublie que mon objectif n’est pas de détruire les forces assaillantes, alors même que, comme il l’a effectivement prouvé, cela est dans mes moyens, relativement larges, il est vrai. Il est nécessaire de les retarder, pas de les détruire. Sans compter que, si une attaque massive avait eu lieu, cela ne ferait que renforcer l’opinion selon laquelle votre galaxie est aux mains des Ori, ou, au minimum, est une menace. Il s’en suivrait aussitôt une guerre ouverte et massive, qu’il nous serait impossible de gagner, puisque nous ferions face à ce qui doit très probablement être une galaxie entière disposant d’un niveau de coordination particulièrement élevé. La victoire ne pourra donc pas se faire sur le seul champ de bataille. Sans compter que les restrictions auxquelles je suis soumise prohibent toute action offensive autonome de ce type, me forçant à trouver des solutions alternatives. D’autres questions ?
-Hmm, d’accord, on repart pour le plan foireux mais dont vous avez étudié toutes les combinaisons, concéda le pilote.
-Parfait. Les vecteurs d’arrivée et de départ des unités légères vont permettre la découverte de ces traces, et mener à la conclusion qu’un nouvel acteur est présent sur le terrain. Un acteur beaucoup plus important que les flottes terriennes et jaffas sur place, il va sans dire. Son hostilité ouverte en fera une cible prioritaire, mais difficile à éliminer, en raison de sa propension à se déplacer en permanence.
-Et ça sera vos propres vaisseaux, c’est ça ? demanda Maltez.
-Exactement. Avec la petite flotte déployée, il sera possible de simuler de manière parfaitement crédible la présence de cette nouvelle entité. A partir de ce moment-là, la progression ennemie pourra être largement ralentie, puisque les unités adverses seront occupées soit à escorter un nombre nécessairement plus faible de groupes d’attaque, soit à rechercher notre flotte.
-Et nous, là-dedans ?
-Votre rôle sera de contrôler les unités légères qui attaqueront les forces isolées, puis, dans un second temps, et après une accalmie apparente, de neutraliser des petites escadres à l’aide de vaisseaux plus lourds, pour augmenter encore le poids des escortes sur la logistique totale. Une fois cela fait, les forces ennemies devraient changer de paradigme, et se mettre sur la défensive, pour un temps en théorie suffisant pour vous permettre d’accomplir la suite de votre mission.
-Cette seconde phase, elle devrait ressembler à quoi, plus précisément ? demanda Maltez. Parce que, détruire des appareils isolés, c’est un truc, mais des forces qui nous attendent, c’est autre chose.
-Neutraliser, commandant. Il est préférable d’éviter la destruction des unités ciblées, et de se contenter de dégâts suffisants pour leur ôter toute capacité opérationnelle. Mais, pour ce qui est de votre question, je serai en mesure de mettre à votre disposition plusieurs navires de premier rang. L’équivalent dans votre terminologie serait “cuirassé“, bien qu’ils ne se distinguent pas en premier lieu par leur blindage passif. Evidemment, certains équipements contemporains à la période de mise en service de Hagalaz, tels les drones, seront désactivés mais la perte opérationnelle ne sera pas suffisante pour mettre en danger la mission. Les détails vous seront fournis en temps voulu, mais la différence sera, pour vous, minimale.
-Comment ça ? l’interrogea Shanti.
-Etant donné la complexité inhérente à ces vaisseaux, votre contrôle ne sera que superficiel, s’apparentant plus à une question protocolaire qu’à autre chose. Je ferai la majorité du travail tactique et de navigation. Seule la présence obligatoire d’un élément de contrôle Ancien identifié justifie votre participation à cette opération. Sans quoi, soyez sûrs, vous seriez en train de finir votre trajet en direction de l’objectif principal. Quoi qu’il en soit, un autre aspect de la situation doit être considéré, si nous voulons aboutir au succès requis pour l’ensemble de notre travail. Je vous laisse.
-Hé, une sec… commença Campbell avant de voir l’hologramme de Anna s’afficher.
-Re-bonjour, dit celle-ci avec son sourire gêné qui devenait habituel lors de ces interactions où elle ne savait pas comment se positionner.
-Alors, demanda Shanti. C’est vous qui allez nous briefer sur la situation avec les jaffa et la Flotte ?
-Voilà.
-Allons-y, dit le pilote, résigné.
-Premier point, elle m’a expliqué son plan, et, oui, il est dingue, horriblement compliqué et j’ai aussi dit qu’il y aurait plein de solutions plus simples pour arriver à un bon résultat.
-Elle vous a montré notre briefing ?
-Pas vraiment. Elle m’en a juste fait un résumé rapide avant de me mettre en contact. Avec, je cite “le lieutenant Campbell a présenté certaines objections présentant les mêmes faiblesses que les vôtres, mais manquant cependant de la créativité ayant caractérisé ces dernières“. Vous voyez le truc.
-“Créativité“ ? demanda Shanti.
-Long à expliquer, et sans grand intérêt. Une histoire de quasar à effet dirigé. Enfin, pour revenir sur la situation… Il semblerait que le militaire en charge de notre flotte ait été suffisamment intelligent pour éviter de se lancer dans le combat pour le moment, sans pour autant abandonner le terrain.
-Par notre, vous voulez dire… commença Maltez.
-Oui, la flotte terrienne. Il semble qu’elle joue au chat et à la souris avec les vaisseaux jaffa, de manière assez réussie, selon les informations d’Atlantis. Le fait est que nous ne pouvons pas vraiment savoir comment la situation va évoluer. Un coup de chance de la part des jaffa, un problème technique de l’autre côté, et on se retrouve avec la plus belle bataille depuis le Jütland ou l’Antarctique. Donc, ce que j’ai suggéré à notre chère I.A., c’est d’agir plus directement pour empêcher ça. Il faut les occuper. Tous les deux.
-Et, vous avez sûrement un plan pour ça… lâcha Campbell.
-Un début, je ne suis pas vraiment aussi rapide qu’Atlantis. Mais il apparait, au vu des communications de tout le monde dans le coin qu’il y a plus de problèmes que ce qui devrait se produire.
-C’est possible, ça ? demanda Shanti, amusée.
Dernière modification par Rufus Shinra le 25 avr. 2011, 22:24, modifié 1 fois.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

-Malheureusement, oui. Plusieurs appareils, des deux bords, ont été perdus au cours d’embuscades qui ne peuvent pas être associées à la flotte qu’on va devoir bloquer. En tout cas, c’est ce que pense Atlantis. Et, vu les rapports qu’elle a intercepté, c’est quelqu’un qui sait très bien comment faire son job. Selon elle, c’est pas notre priorité, mais c’est quelque chose qu’on pourrait utiliser pour attirer les deux flottes dans une direction ou une autre.
-Comment ça ? En leur fournissant un ennemi commun ? demanda le pilote.
-Ca ne fonctionne pas comme ça, répondit Anna. Les jaffa sont beaucoup trop excités pour faire quoi que ce soit de ce genre, et la Flotte ne va pas se déplacer dans son ensemble pour une petite menace. Et, laissez-moi finir, si on arrive avec une force suffisamment importante, le foutoir politique que ça causerait serait, au bas mot, légendaire. Parce que beaucoup de monde se poserait des questions, et personne ici n’a envie qu’elles trouvent leurs réponses. En tout cas, c’est ce que j’ai compris de la situation, vu qu’on agit officieusement.
-D’accord, alors comment ? poursuivit Campbell.
-Côté Jaffa, il faut les occuper en multipliant les attaques, en reproduisant le schéma employé lors des embuscades. Mais, dit-elle en marquant une pause, en laissant des survivants. Normalement, ça devrait pouvoir se faire, et ça devrait attirer leur attention, ou au moins la diviser. En même temps, je vais demander à Atlantis de préparer des transmissions et des “preuves“ qui impliquent quelques-uns de leurs sénateurs dans ces attaques. Ils auront voulu s’enrichir un peu plus vite, et auront demandé de l’aide à des individus peu recommandables pour prélever leur dû sur les lignes de ravitaillement de la flotte jaffa.
-C’est un peu cynique et manipulateur, reconnut Shanti. Ils vont vraiment tomber dans le panneau ?
-Pas forcément, mais, de toute façon, ça n’est pas censé tenir longtemps. Atlantis veut gagner quelques semaines, tout au plus. Et, oui, je reconnais que c’est un peu méchant pour les dits-sénateurs, mais en même temps, on m’a demandé de trouver quelque chose qui puisse les retenir, et je vois pas grand-chose d’autre que leur chaos politique comme levier pour agir aussi vite. Avec un peu plus de temps, pourquoi pas, on pourrait monter une arnaque plus élégante, mais, là… Et puis, j’ai déjà donné à Atlantis la liste des sénateurs à impliquer, tous des partisans de la guerre.
-Et ça ne risque pas de se retourner contre nous ? demanda Maltez.
-Comment ça ?
-Lorsqu’ils se rendront compte que c’est un coup monté, ça va juste renforcer leur prestige, non ?
-La seule chose de nécessaire, c’est de lancer une grosse opération d’enquête chez eux. Le problème, avec la nation jaffa, c’est qu’une fois que les idéalistes du début sont tous ou presque partis, leurs remplaçants sont, sauf exception, là pour le pouvoir et pour rien d’autre. Alors, en plus, vu qu’ils sont des débutants avec une expérience ridicule dans la corruption et le trafic d’influence, il n’y a aucune chance qu’ils aient pu couvrir efficacement leurs traces. Mes accusations vont tomber rapidement, mais elles vont être remplacées encore plus vite par leurs vrais crimes, ce qui devrait bien déstabiliser à long-terme le parti de Gerak.
-Vous faites quoi, rappelez-moi ? demanda Campbell, inquiet.
-Xénoanthropologie, principalement, mais les mécanismes du pouvoir dans la nation jaffa sont d’un classicisme ahurissant. Un cas d’école que tout le monde a vu en première ou deuxième année. Bref, pendant que leurs politiques seront occupés à découvrir la joie des scandales politiques et de l’hypocrisie, tous deux étonnamment bien médiatisés grâce à quelques coups de pouce d’Atlantis, vous pourrez agir sur la flotte elle-même. Pour ça, on va rester directs : quelques vaisseaux passeront juste derrière nos navires, et se feront suivre par les jaffa le temps qu’il faut pour que la situation se calme.
Vous aurez juste à être présents sur place si on a besoin d’une escarmouche pour les motiver un peu, mais à part ça, rien de compliqué. Pas besoin de faire comme Atlantis, qui commençait à faire des modélisations comportementales qui prenaient en compte la petite enfance des sous-assistants des concurrents potentiels des fournisseurs de grain d’une planète voisine de la circonscription de tel sénateur… Je préfère rester plus simple, qu’on sache ce qu’on est en train de faire, quand même… Et puis, les choses les plus simples sont souvent les meilleures, non ?
-Totalement d’accord, acquiesça Maltez. Et pour notre flotte, quand elle va s’apercevoir qu’elle n’est plus poursuivie ?
-Je pensais au début à leur envoyer de faux ordres pour les guider nous-mêmes, mais ça soulèverait trop de questions. Il y a plus simple, en fait.
-Tant que ça n’implique pas des plans à quarante-deux degrés… souffla Campbell. Comment vous comptez vous y prendre ?
-En leur faisant peur. J’ai vu avec Atlantis, on peut faire croire presque ce qu’on veut aux capteurs de nos vaisseaux, avec les systèmes de guerre électronique des siens. Même la poignée de capteurs Asgard encore en état n’y verraient que du feu, selon elle. Vous n’aurez qu’à arriver de temps en temps, pour leur faire comprendre qu’il n’y a pas que les jaffas qui les cherchent. Ca devrait être suffisant pour les faire aller où on veut.
-Et ensuite ? s’interrogea à nouveau Shanti. Il faudra bien qu’on reparte, à un moment. Les poursuites ne risquent pas de reprendre ?
-Normalement, les deux flottes devraient être à quelques centaines d’années-lumière d’écart, sans la moindre idée d’où se trouve l’autre. Ca sera probablement suffisant, non ? Je ne suis pas une experte, mais, pour moi, ça devrait vous laisser le temps de faire ce qu’Atlantis veut.


Après quelques questions sur des points de détail, Anna put mettre fin à la communication et s’assit finalement dans son siège. La transmission, elle l’espérait, n’avait pas trahi son stress, mais elle ne pouvait se le cacher, alors qu’elle se rendait compte qu’il lui était maintenant demandé de participer à une manipulation à grande échelle depuis son bureau. Qui plus est, elle n’avait pas la moindre idée de la manière dont allait agir le docteur Jackson, qui semblait, depuis la veille, l’observer avec beaucoup plus d’attention, et, surtout, qui n’avait pas encore fait de commentaire sur les évènements de la nuit, tandis que la tempête avait disparu comme elle était venue. Son impression, particulièrement désagréable, était que les évènements se précipitaient, et que, tôt ou tard, il comprendrait qu’Atlantis tirait beaucoup de ficelles. Et surtout, qu’elle n’était qu’un pion que l’I.A. n’hésiterait sûrement pas à sacrifier.

Elle devait donc se préparer une porte de sortie, une assurance. Tant pour elle que pour ceux et celles qu’Atlantis manipulait avec brio.


Shanti garda son regard posé sur l’endroit où se situait quelques secondes plus tôt l’hologramme de la nouvelle recrue, avant que le pilote ne vienne interrompre le silence qui s’était abattu sur la pièce :
-Alors ?
-Alors quoi ? demanda Maltez.
-Qu’est-ce que vous pensez de tout ça ? Je ne sais pas, ça devrait quand même vous faire réagir. On va se lancer dans quelque chose d’un peu plus gros que ce à quoi elle nous avait habitués.
-Si on peut s’y habituer… souffla Shanti.
-Ouais, reconnut Campbell. Mais ça ne change rien à la situation… Qu’est-ce qu’on va faire ?
-La même chose que tous les jours, Tom, soupira Maltez.
-Hmm ?
-Essayer de survivre, dit-il en sortant de la pièce.
-… Il a raison, dit Shanti.
-Je sais.
-Et toi aussi, tu avais raison.
-Comment ça ?
-Ce que tu m’as dit avant. Elle compte nous séparer. Nous avoir chacun isolément. Quand j’y repense, je suis quasiment certaine qu’elle aurait pu trouver plein d’autres plans beaucoup plus simples pour arriver au même résultat.
-Mais ils n’auraient pas donné une raison valable pour nous isoler ? Tu crois qu’elle a dépensé autant d’énergie, autant de ressources, juste pour trouver une excuse alors qu’on n’a pas notre mot à dire dans ce qu’elle fait ?
-Je ne sais pas… Elle a forcément un plan à ce niveau. Si elle part dans un truc aussi compliqué, c’est forcément pour une raison. Je ne dis pas qu’on est la seule chose qui justifie tout ça, mais ça a forcément dû jouer quelque part. Enfin, je pense qu’on est d’accord sur une chose : il faut qu’on reste en contact les uns avec les autres. Si elle peut contrôler les différents vaisseaux, on peut forcément discuter si besoin est.
-C’est clair. Elle ne pourra pas nous empêcher de communiquer sans laisser tomber les apparences. Et je crois qu’elle y tient, pour je ne sais quelle raison.
-…Qu’est-ce qu’il a ? demanda-t-elle, en changeant brusquement de sujet.
-Il se pose pas mal de questions, lui aussi, répondit le pilote en comprenant instantanément qu’elle parlait de leur supérieur. Tu n’es pas la seule, dans ce cas-là, c’est pareil pour nous deux. C’est juste que, pour lui… ah, je crois qu’il a du mal à accepter qu’il ne dirige plus rien.
-Comment ça ? Il…
-Non, l’interrompit-il. Pas l’aspect hiérarchique, il est pas de ce genre-là. Tu devrais le savoir. C’est juste que, à mon avis, il ne peut rien faire bouger, et ça le bouffe. Nous, encore, on obéissait à ses ordres, on lui faisait… on lui fait confiance, et voilà. Lui, il est habitué à prendre des décisions, à faire pencher les choses, à voir le dessous des ordres qu’on lui donne. Et là…
-Atlantis arrive et on n’a plus de visibilité.
-Voilà…
-Qu’est-ce qu’on peut faire, alors ?
-Rassurer le chef, récita le pilote. Toujours le rassurer. Parce que, même s’il n’a plus tellement de contrôle, c’est encore le chef, non ?
-Toujours à vouloir arranger les choses, hein ? répondit-elle avec un faible sourire.
-Bah oui. Sans ça, qui s’en occuperait ?
-Oui… Et puis… Ah, j’ai du mal à… savoir quoi faire. Je sais qu’il est…
-Et il sait aussi. C’est un problème qui arrive souvent, quand on n’est pas formé à la situation classique où une super-I.A. te transforme toi et le reste de ton équipe en commandos empathes poursuivis par tout le monde et qui joue avec tes émotions. J’ai pas arrêté de leur dire, à l’Académie, qu’on aurait dû avoir des cours là-dessus, mais, tu me croiras jamais…
-Ils ne t’ont pas écouté ?
-Voilà. Et, évidemment, qui est-ce que la Skynet galactique choisit comme Terminator à la manque ?
-Logique, conclut-elle en étouffant un léger rire.
-Enfin, on leur passera un coup de fil pour faire passer nos suggestions. Qui sait ?
-Oui, qui sait, répondit-elle en détournant le regard, ses pensées brusquement envahies par des images de son passé, de l’époque où elle ignorait tout.
Elle savait qu’il était inutile et destructif de se morfondre sur son sort, mais elle ne pouvait s’empêcher de repenser à sa vie avant d’avoir connu le Programme, puis avant de partir pour ses premières –et dernières– missions. La jeune femme avait abandonné une partie de sa vie en signant le formulaire, sur la Lune, et avait laissé le reste derrière elle, dans la cellule où elle avait passé un temps incertain, au milieu des stimuli parfaitement contrôlés de ses geôliers. Geôliers qu’elle allait à présent attaquer, sous les ordres d’une entité qui avait anéanti ses derniers espoirs de retrouver une vie normale. Dans l’acception particulière qu’elle s’était faite d’une vie normale.

-Désolé, murmura Campbell, qui ressentait en même temps qu’elle une partie des émotions générées par inadvertance.
-Ce n’est pas de ta faute. Il y a beaucoup de personnes à qui je pourrais m’en prendre, moi la première… mais tu n’en fais pas partie.
-…
-On y va ? dit-elle en reportant son regard sur lui. Le commandant est dans l’une des baies d’observation. J’ai l’impression qu’elles sont à la mode, ces derniers temps.
-En même temps, ça nous change un peu des couloirs tout clean et de l’intérieur aseptisé.
-Oui, là-bas, on peut voir l’extérieur aseptisé.
-Pas faux.

En quelques minutes, elle arriva, accompagnée du pilote, près de l’endroit où elle avait passé des heures d’affilée après Dakara. Pendant quelques instants, elle hésita, puis déclencha sans un son l’ouverture de la cloison, qui révéla la salle, qui semblait vide au premier abord. Sans hésiter, elle entra à l’extérieur du vaisseau, sans tourner la tête dans la direction où elle savait Maltez être. Celui-ci était adossé à la coque extérieure, apparemment pensif, près de la porte que venait de franchir la jeune femme, et avait le regard perdu dans le couloir hyperspatial situé de l’autre côté de la mince plaque transparente.

Lentement, elle se mit dans une position similaire à la sienne, de l’autre côté de l’ouverture, et ne dit rien, laissant les émotions se stabiliser des deux côtés, alors qu’elle apprenait, comme ses deux coéquipiers, à s’adapter à ce nouvel état de fait qu’avait imposé leur “protectrice“.

-Comment es… commença-t-elle, lorsque, brutalement, la lueur bleutée s’estompa pour laisser place au vide spatial.

Qui était loin d’être aussi vide que son nom pouvait laisser l’entendre.

En même temps que son supérieur, elle écarquilla les yeux devant la scène qui s’offrait à présent à un public particulièrement restreint. Un nombre bien trop important de vaisseaux s’alignait devant elle, situés bien trop près les uns des autres pour des appareils spatiaux. Intrinsèquement, elle avait immédiatement compris que l’I.A. avait arrangé la position de sa flotte pour obtenir un effet psychologique maximal sur les humains qu’elle hébergeait.

Et l’effet était obtenu.

Sur quelques dizaines de kilomètres à peine, une poussière par rapport aux distances habituellement parcourues par ce type d’engins chaque seconde, une infime fraction de leur portée de détection ou d’attaque, des centaines de vaisseaux de différentes tailles et formes étaient rassemblés dans une forme apparemment sphérique. Le centre de la formation était occupé par des colosses que ses yeux améliorés lui permirent de détailler précisément. Trop précisément, se rendit-elle compte lorsqu’il lui apparut évident qu’Atlantis profitait de cet instant pour l’éclabousser, elle et le reste de SG-22, de sa puissance brute. De ce qu’elle n’avait jamais eu besoin d’utiliser pour arriver à ses fins. Et qu’elle n’utilisait ici que dans un but de diversion, pour renforcer la crédibilité d’un plan obscènement compliqué.

Son regard, posé sur l’un des appareils de la périphérie, lui révéla un vaisseau sans angles, aux formes pseudo-géométriques qui auraient fait le bonheur d’artistes fous, et qu’elle identifia instinctivement, les informations lui venant d’une base de données fournie par l’I.A. Ignorant son mal de tête naissant, et la pulsion l’intimant de détourner le regard, elle resta concentrée sur le vaisseau de guerre électronique, qui projetait autour de lui une image changeante, à la fois informe et définie, que son cerveau ne pouvait assimiler ou même accepter. Tout dans cette apparence lui disait que le vaisseau ne pouvait pas exister, n’avait pas le droit d’exister, mais était là pour autant. Changeant d’appareil, au soulagement de son esprit, elle se fixa sur un mastodonte plus élancé, qui présentait plusieurs protubérances de même forme que celle constituant la majorité du corps de la frégate où elle vivait depuis son évasion. Le vaisseau d’artillerie, ainsi que l’avait défini son inconscient, informé par Atlantis, avait une élégance baroque, sa superstructure omniprésente attirant son œil, qui cherchait futilement à cartographier l’ensemble des détails infinis de la coque. Puis, reprenant le contrôle d’elle-même, la jeune femme se redressa.

Le message était clair, évident, tant pour elle que pour Maltez ou bien Campbell, qui venait de rentrer, à pas de loup, le souffle coupé, alors qu’il découvrait l’origine du brusque afflux émotionnel de ses deux coéquipiers.

Atlantis était pour ainsi dire omnipotente. La subtilité dont elle faisait preuve lorsqu’elle agissait avec eux, les Jaffa ou le reste des Terriens n’était qu’un choix, voire même un jeu. Un jeu auquel ils devraient se plier, n’ayant pas la moindre ombre de commencement de début de chance de pouvoir lutter contre elle à armes égales, si l’idée leur venait à l’esprit.

Mais ce message n’était que le premier et le plus rassurant, puisque le second, tout aussi clair, était qu’elle savait ne pas pouvoir remporter une victoire frontale face l’adversaire contre lequel elle les lançait. Un adversaire face auquel la subtilité était, apparemment, de mise.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

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Chapitre 21 : Instants privilégiés



Le navire élongé avait rejoint la masse des vaisseaux réunis dans un point sans autre intérêt que le rassemblement qui avait laissé sans voix le trio d’humains découvrant une nouvelle facette de leur alliée. Pendant près d’une minute, Shanti et ses deux coéquipiers avaient conservé leur ébahissement initial, tentant sans grand succès d’assimiler la masse d’informations que leur envoyait Atlantis au même moment. Doctrines tactiques, caractéristiques opérationnelles, plans partiels, situations stratégiques, l’I.A. leur avait brusquement transmis des connaissances, une expérience dont ils n’arrivaient plus à percevoir les limites, à distinguer ce qui leur avait été offert de ce qu’ils avaient vécu.
L’esprit occupé à classifier et à ordonner une masse d’informations qu’un être humain n’était pas conçu pour posséder, les trois membres de SG-22 avaient erré, comme somnambules, dans les entrailles de la frégate, jusqu’au moment où les choses avaient commencé à reprendre du sens.
La jeune femme eut l’impression de se réveiller, tout en ayant vécu dans un rêve les dernières heures. Ou d’avoir vécu ces dernières heures, et rêvé le reste de sa vie. Elle était confuse, ses souvenirs venant la brutaliser plus encore à présent qu’elle était entièrement consciente. Elle n’arrivait pas à se fixer, à obtenir de réponse aux questions qui venaient la submerger, à retrouver les questions dont les réponses lui apparaissaient.
Le croiseur Wraith s’affichait sur les senseurs à longue portée filant silencieusement dans la queue d’une comète proche. Tsippora sourit intérieurement, avant de laisser s’afficher un rictus méprisant à l’égard d’un ennemi ayant commis une erreur tactique qui lui aurait attiré les rires du plus jeune de ses enseignes. L’ennemi pensait pouvoir se cacher dans le nuage de poussières et de glace, mais n’avait fait que révéler sa position, en se plaçant près de l’un des seuls points d’intérêt de ce système. L’expérience dictait à l’Ancienne de rester en vol balistique dans un endroit sans caractéristique particulière, en-dehors de l’écliptique, avec les seuls capteurs passifs, si elle voulait rester invisible. Depuis longtemps, elle avait pu pratiquer ce jeu subtil, où l’erreur était impardonnable, malgré le différentiel technologique. Trop longtemps, même, et cela avait eu son poids sur sa manière de penser, de se comporter. Le croiseur qu’elle observait au travers de l’interface empathique allait subir la puissance de ses armes, sans le moindre doute, comme prix de cette erreur, dès qu’elle en aurait donné l’ordre. Un simple mot, pensé, ressenti, et l’un de ses officiers déclencherait l’arme la plus appropriée, annihilant d’un geste le vaisseau adverse. Un seul mot.
Qu’elle hésitait à penser. Son instinct lui disait que quelque chose n’était pas normal, qu’elle allait commettre une erreur, et, comme n’importe qui ayant le bon sens nécessaire pour survivre aussi longtemps dans cette guerre, elle respectait son instinct. Pas pour des raisons sentimentales, ou une quelconque justification para-psychologique associant cet instinct à une manifestation du subconscient reconnaissant des schémas sous-jacents que le conscient n’arrivait pas à percevoir. Mais tout simplement parce qu’en des centaines de milliers d’années de civilisation technologique, les sciences de l’esprit avaient été explorées de manière bien plus que philosophique, que les différentes composantes de la conscience avaient été analysées, étudiées, soumises au test de l’expérience. L’espèce avait même, au fil du temps et des orientations politiques, philosophiques et sociales, subi sa part d’eugénisme, favorisant tel ou tel aspect de la biologie de ses semblables. Les capacités mentales qui avaient émergé génération après génération étaient désormais aussi évidentes que le fait de marcher ou de respirer. Ainsi, malgré quelques illuminés regardés avec pitié, la prescience d’imminence était reconnue comme un fait universel, pas comme une théorie ou une hypothèse – même si la précognition véritable demeurait le privilège de quelques élus. Une capacité sur laquelle tout esprit se reposait, réfléchissant naturellement avec les informations du passé, du présent et du futur proche pour prendre des décisions.
Et les Wraith avaient appris les possibilités qu’ouvrait une telle conscience dans le domaine tactique, aussi bien pour le combat individuel que spatial. Douloureusement, mais ils avaient appris. Trop bien appris, puisqu’ils planifiaient leurs batailles de manière plus poussée, que chaque engagement qu’ils préparaient ne pouvait être autre chose qu’un piège hautement complexe, prenant en compte cet état de fait.
Ainsi, ils avaient fait resurgir une émotion que n’avait plus connue son espèce depuis bien trop longtemps : l’incertitude. Elle devait décider si la présence de ce navire était une erreur tactique ou bien un appât pour un plan qui mènerait inévitablement à la perte de son vaisseau, bien plus précieux que l’appât en question. Et si, le cas échéant, le plan en question misait sur une attaque ou sur son inaction. Ou sur son départ immédiat avec ou sans attaque.

Les Anciens avaient prouvé sans l’ombre d’un doute qu’ils maitrisaient l’art de la tactique et de la réaction en combat, mais leurs adversaires d’aujourd’hui n’avaient plus à démontrer leur talent. Les Wraith étaient meilleurs stratèges, et, lentement, malgré des pertes colossales, gagnaient la guerre.


Shanti expira brutalement, le flux de souvenirs l’ayant fait perdre un instant son orientation. Elle ne devait qu’à son inconscient d’être encore debout, et le savait. La jeune femme regarda autour d’elle, reconnaissant l’endroit où elle se trouvait à la fois quelques secondes et plusieurs minutes plus tôt, ne sachant pas combien de temps lui avaient pris ces réminiscences.
Elle commençait à peine à reprendre le contrôle sur elle-même, sur la situation, assimilant finalement ce que l’I.A. lui avait offert. Aussitôt, elle se mit en quête de ses deux coéquipiers, qui semblaient à leur tour quitter l’état semi-éveillé qui avait résulté de la nouvelle intervention d’Atlantis.

-Qu’est-ce que c’était que… ça ? demanda-t-elle à haute voix.
-Dites-le moi, répondit la voix désincarnée de l’I.A.
-Arrêtez de jouer. Qu’est-ce que vous nous avez fait… cette fois ?
-Je n’ai fait que vous donner des outils cruciaux pour la suite de votre mission. Théoriquement, vous devriez ne servir que de conduits pour mes ordres lors des escarmouches et engagements à venir, cependant, des impondérables peuvent survenir. Plus que quiconque, vous devriez savoir qu’il est possible que mes communications avec vous soient interrompues. Un tel évènement, aussi bref soit-il, aurait des conséquences critiques si vous ne disposez d’aucune compétence pour diriger de façon autonome les vaisseaux dans lesquels vous accomplirez votre tâche.
-D’accord, mais, ces…
-Oui ?
-Ces souvenirs, ces mémoires… vous ne m’avez pas uniquement envoyé les données dont vous parliez. Qu’est-ce que c’est ?
-De simples cours magistraux sont inutiles. Vous avez besoin d’expérience. Durant plusieurs millions d’années, certains individus se sont portés volontaires pour partager cette expérience dans une base de données d’apprentissage. Je vous ai transmis plusieurs de ces profils. Ils devraient vous permettre de bénéficier de l’expérience de ces personnes, sans normalement avoir une influence sur votre personnalité.
-Normalement ? demanda Shanti, dont la voix trahissait l’inquiétude soudaine.
-J’ai évité de vous transmettre les données les plus intenses, ainsi que les éléments approfondissant inutilement certaines émotions ressenties par les personnes concernées. De cette manière, vous devriez garder, même à un niveau inconscient, un contrôle sur ces souvenirs, et éviter de les voir remplacer les vôtres propres.
-Une seconde… vous avez dit “plusieurs“. Combien de ces “profils“ vous m’avez envoyé) ?
-Six. Le premier sera le plus utile à court-terme, puisque vous faisant partager une expérience militaire navale avec des unités semblables à celles qui seront mises à votre disposition. Les autres seront tout aussi indispensables à plus long terme.
-Et ces souvenirs vont s’étaler sur quelle durée ? De leur point de vue, je veux dire.
-Simplement, sur toute leur vie.
-Pardon ?
-Sur toute leur vie, jusqu’à leur mort ou leur Ascension.
-Attendez, vous m’avez filé quoi ? Tous les souvenirs ? De six Anciens ?
-C’est cela-même.
-Non… commença-t-elle, paniquée.
-Qu’y a-t-il, lieutenant ?
-C’est déjà arrivé… Je vais me mettre à parler leur langue dans quelques jours, puis je vais me mettre à fabriquer des générateurs et je ne sais pas quoi d’autre, avant de…
-Non, répondit simplement Atlantis.
-Comment ça ?
-Votre cas, à vous et vos coéquipiers, est différent de celui de Jack O’Neill. Tout d’abord, je ne vous ai pas transmis le contenu entier d’une Bibliothèque et tout détail lié à d’éventuelles recherches sur l’Ascension a été automatiquement retiré de ces fichiers, n’ayant alors pas le niveau d’accréditation nécessaire. Ensuite, contrairement à lui, vous êtes en mesure d’assimiler ces informations sans en subir des conséquences aussi dramatiques.
Elle s’immobilisa et regarda d’un air étonné l’endroit d’où venait la voix.
-Juste une question, lieutenant, reprit l’I.A. Pensez-vous qu’un être humain normal serait capable de contrôler aussi rapidement et précisément les systèmes défensifs et offensifs que j’ai mis à votre disposition récemment ?
-Non, répondit Shanti après une hésitation. On ne fait que vous transmettre des consignes. Comme ce que vous allez faire pour les vaisseaux.
-Non, lieutenant Bhosle. Sur Dakara, vous étiez complètement aux commandes. Tout comme lors de votre rencontre avec le docteur Jackson. Je fournissais un soutien, mais, celui-ci n’est plus nécessaire. Dans votre cas, depuis l’incident que je viens de mentionner, et après-coup pour vos deux coéquipiers. Le contrôle est vôtre, totalement. Je ne fais qu’améliorer la programmation des unités autonomes, entretenir les systèmes, et quelques tâches supplémentaires, désormais. Toute impression du contraire relève d’un refus inconscient d’accepter la réalité.
Elle se mit à trembler, alors que les différentes implications se mettaient en place dans son esprit.
-Ce n’est pas possible. Personne ne pourrait… commença-t-elle avant de se figer.
-Effectivement, lieutenant. Aucun être humain normal ne serait en mesure d’avoir un contrôle aussi fin et intuitif sur les nanites de combat que je vous ai implantées. C’est pour ça qu’il a été nécessaire d’améliorer vos capacités sur d’autres aspects que vos simples sens. Et, pour la même raison, vous êtes en mesure de recevoir ces souvenirs sans être en danger de mort.
-Qu’est-ce que vous nous avez fait ? demanda-t-elle, sentant la colère monter.
-Ce que j’avais dit que je ferai, répondit Atlantis. J’avais indiqué clairement que j’améliorerai vos performances. Je l’ai fait, sur tous les plans. Et pour cela, il était nécessaire de vous permettre de réfléchir plus vite, de façon plus précise. Sans ça, vous seriez morts lorsque les systèmes de défense automatisés se sont réactivés.
-Vous n’avez pas le droit ! Nos sens, d’accord, endurance, force, je ne sais pas quoi, d’accord. Mais pas nos…
-Vos cerveaux, lieutenant ?
-Oui ! Pas sans nous…
-Lieutenant Bhosle, reprit l’I.A., à la voix à présent lassée, soyons claires. Je ne vous ai pas fait évader par charité ou pour réparer une injustice que vous auriez perçue. Je l’ai fait pour vous utiliser dans ma stratégie. Pour cela, vous devez être efficaces. C’est ma priorité pour ce qui vous concerne.
La jeune femme ne fit pas le moindre mouvement, son regard toujours dirigé vers le même endroit.
-De plus, reprit Atlantis, avant de faire quelque chose que vous regretteriez, rappelez-vous que si je vous ai… modifiés, cela n’a été que physique. Vous êtes toujours vous-même.
-Comment est-ce que je peux le savoir ? répliqua-t-elle.
-Nous avons cette conversation.
-…
-Pensez-vous sincèrement que, si j’avais procédé à des modifications substantielles de votre psyché, je n’aurais pas fait en sorte que vous et vos collègues soient plus prompts à suivre mes suggestions et consignes ?
-Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? demanda finalement Shanti.
-Excellente question, lieutenant, la meilleure que vous vous soyez posée depuis longtemps. Et à laquelle je ne répondrai pas. Pour le moment.

Après quelques instants de silence particulièrement lourd, elle reprit son chemin, se dirigeant vers le hangar près duquel se trouvait le pilote. Traversant le vaisseau, elle passa près de la baie d’observation où elle avait vu, pour la première fois, l’armada rassemblée par Atlantis. Elle s’y arrêta quelques instants pour observer à nouveau la masse de navires dans laquelle la petite frégate se trouvait désormais.
En franchissant le seuil de la salle, elle remarqua aussitôt, entre deux vaisseaux, une tache colorée qui attira son regard. Au bout de quelques secondes, Shanti reconnut une nébuleuse éloignée, dont elle voyait l’image au-delà du spectre visible.

La capsule était exigüe, selon les critères de sa planète natale, pourtant l’une des plus densément peuplées de ce qui restait du territoire Ancien. Mais elle ne prêtait pas la moindre attention à l’inconfort physique, occupée à ressentir, à vivre le spectacle qui s’offrait à elle. Tout autour d’elle, une projection lui transmettait, de manière aussi complète que possible, chacune des subtilités de l’espace qui entourait le minuscule engin. Les radiations électromagnétiques étaient rendues, tout comme les champs de gravité et chacune des autres forces qui pouvaient être ressentis par son corps.
La masse de technologie était, paradoxalement, conçue et imaginée pour simuler sa propre absence, pour donner à la personne en son centre les mêmes impressions, les mêmes sentiments que si elle avait pu se tenir dans le vide absolu. Sans les dangers inhérents, et avec des outils à sa disposition.
Lentement, Adrastée activa certains de ceux-ci, des manipulateurs de gravité d’une sensibilité et d’une finesse telle qu’ils auraient fait l’orgueil des scientifiques de civilisations plus jeunes –si ces chercheurs avaient réussi à admettre la possibilité d’un tel contrôle sur la matière et l’énergie. Simultanément, les projecteurs prirent en compte la nouvelle action, et la compensèrent de façon à maintenir une image parfaite.
De par ce que lui disaient tant ses sens physiologiques que les autres, elle se rendait compte, du moins intellectuellement, que la perturbation n’était pas suffisante pour détruire l’image qu’elle ressentait, mais son exigence était la perfection. Rien de moins. Plus si possible.
Atome après atome, particule après particule, sa création prenait forme, assemblage riant au nez de la chimie, de l’électromagnétisme et de la physique. L’amas grossissait de manière apparemment désordonnée, mais dans lequel un observateur attentif, expérimenté et, surtout, bénéficiant des mêmes sens que ceux de sa créatrice, aurait vu une certaine élégance.
Quelques heures plus tard, dans une transe, elle eut un invisible rictus et fit s’évanouir dans le néant son travail, persuadée de ne plus y trouver la beauté initiale, l’émotion développée s’effondrant sous ses incohérences. Ces dernières n’étaient pas rédhibitoires ; au contraire, elles formaient le cœur et l’âme de certains de ses projets, de certaines de ses œuvres. Mais à chaque fois, ces émotions baroques avaient eu un sens dans leur contresens, avaient eu ce style qu’elle s’efforçait de glisser, d’insuffler, dans ses créations.

Pas cette fois-ci.
Sans une vibration, sans un souffle, elle reprit. L’artiste soupira intérieurement, puis recommença à observer par tous ses sens la magnificence de l’Univers, à chercher l’Émotion, à la ressentir, et à la rendre à ses semblables. S’ils y voyaient un message, un sens, grand bien leur en fasse. La foule, malgré les millions d’années d’évolution, était toujours aussi myope, toujours aussi figée, et elle ne pouvait que s’en désintéresser. En revanche, elle savait que, parmi ces étoiles, certains, certaines, étaient capables de se taire et de ressentir ce qu’elle avait ressenti, de ne pas chercher à briller auprès des autres, mais d’être.

Comme elle était.


Shanti trébucha, surprise par le déferlement, avant de s’immobiliser quelques instants pour reprendre son souffle. Puis elle reprit son chemin, perdue dans son impuissance et dans des questionnements sans fin.



Le hangar avait à nouveau été le siège d’une agitation semi-ordonnée, les mécaniciens et les pilotes vérifiant les Planeurs, dont l’état moins qu’optimal était souligné par les tests préliminaires. Son appareil n’avait pas échappé à la règle, épave qui était une insulte volante aux règles de sécurité auxquelles le jeune pilote avait été habitué quelques semaines plus tôt.

Mais le passé était le passé, et il devait faire confiance au Unas dont la solde et la réputation tenaient à sa propre survie. De loin, Carl avait vu son nouveau leader embarquer dans son propre appareil avec une allure professionnelle qui traduisait sa longue expérience de l’engin Goa’uld.
La check-list avait été courte : les ailes étaient toujours là après que les répulseurs aient soulevé l’engin à un mètre du sol, il ne sentait aucune odeur particulière dans le cockpit, et il n’était pas au milieu d’une boule de flammes et de débris incandescents s’éparpillant dans le hangar. Tout allait donc aussi bien que possible, et, quelques heures plus tard, tandis que l’ennui l’avait accompagné aussi fidèlement que le transport qu’il escortait, ils étaient arrivés à proximité de leur planète de destination.
Désormais un point à peine plus brillant que les autres étoiles, sa destination était suffisamment rapprochée pour qu’il ait à se tenir sur ses gardes. Si le travail d’escorte n’était rien de plus qu’une couverture pour le véritable travail, il n’en demeurait pas moins vrai que la piraterie existait. Difficile, à proximité des planètes jaffa, surtout lorsqu’il s’agissait de bases stratégiques comme celle qu’il distinguait à quelques millions de kilomètres de lui. Mais les pirates bénéficiaient d’un atout pour leur travail, à savoir les lois jaffa en vigueur. Expérimentés dans les bombardements planétaires surprise et désireux de ne l’être que du point de vue de l’assaillant, ils avaient, avec une inhabituelle sagesse, interdit toute sortie d’hyperespace à proximité de leurs mondes importants. Une règle simple qui se voyait appliquée vigoureusement, puisque les défenses, tant planétaires qu’orbitales, avaient pour ordre de tirer sans avertissement sur tout contrevenant.
Un principe qui, s’il assurait une meilleure sécurité pour la planète concernée –en théorie, du moins– faisait le bonheur des mercenaires auto-employés. Les vaisseaux indépendants, catégorie à laquelle appartenaient de nombreux vols commerciaux non-Hébridans, avaient ainsi quelques millions de kilomètres à parcourir avant d’arriver à destination. Lorsqu’à cela s’ajoutait une réticence marquée des Jaffa à voir s’approcher des vaisseaux lourds, il en résultait l’apparition de convois commerciaux qu’une technologie hyperspatiale pourtant très souple avait supprimée des millénaires plus tôt.
Et qui coûtaient des sommes probablement colossales, avaient redécouvert les commerçants qui ne se privaient pas de les reporter auprès de leurs clients paranoïaques.
Mais ce n’était pas le problème du pilote, qui préférait se concentrer sur sa maigre suite de détecteurs, sensée le prévenir de l’arrivée éventuelle d’engins hostiles désireux de s’enrichir sur le dos de cibles peu défendues.

Comme pouvait l’être le petit convoi dans lequel il se trouvait.
-On arrive dans trente minutes, indiqua la voix de son leader sur le réseau de communication.
-Bien compris, répondit-il machinalement.
Sa situation au sein du groupe de mercenaires et de l’unité spéciale qui s’y cachait était floue. Il savait, en théorie, où il se situait sur l’échelle sociale de chacun des deux groupes – assez bas, mais plusieurs contradictions venaient compliquer l’affaire. La plus importante de toutes étant sa nouvelle chef de groupe. Celle-ci, qui était, il le supposait, particulièrement haut placée dans le groupe terrien, l’avait apparemment pris sous son aile depuis qu’il avait réussi tant bien que mal à s’adapter au système. Que ce soit en lui donnant un avantage lui permettant de mener le travail d’entretien de son Planeur avec aussi peu de retard que possible par rapport aux équipes plus expérimentées, ou en prenant en charge son propre entrainement pour l’amener au niveau demandé par les autres pilotes. Pour une raison qui lui échappait, elle lui avait facilité l’intégration, même s’il ne se leurrait pas sur la superficialité de celle-ci.
Il n’était désormais plus que la cible de quelques railleries de la part des autres pilotes, face au mépris ouvert qu’il avait connu à son arrivée. Mais, malgré la relative amélioration de sa situation, beaucoup de questions lui venaient à l’esprit. La première étant la raison ayant poussé à sa sélection pour cette unité. Il était inconnu des jaffa et d’autres puissances de par son jeune âge, mais, et il était le premier à l’admettre, était totalement inadéquat pour une telle unité, particulièrement à un moment pareil.
Sa seule expérience du combat était limitée à une escarmouche mineure où il avait uniquement laissé son entrainement décider pour lui, il ne connaissait que les bases en termes de tactiques, n’avait pas les réflexes particuliers requis pour les opérations spéciales, mais possédait en revanche tous ceux qui n’avaient rien à y faire. Quand, en plus, sa mutation dans cette unité se faisait si peu de temps avant ce qui s’apparentait à une guerre ouverte avec la Nation Jaffa, sa confusion était totale. Il savait qu’il devait y avoir d’autres pilotes, à bord du Concordia ou d’autres vaisseaux, qui feraient un meilleur travail que lui.
Tu verras ça plus tard, Carl, se dit-il en ramenant son attention sur les commandes.
Pendant de très longues minutes, le Planeur continua de glisser droit vers la planète. Le convoi corrigea à plusieurs reprises sa trajectoire pour prendre en compte le déplacement de sa destination, qui continuait son orbite autour d’une étoile rougeâtre qui terminait sa vie en commençant sa lente transformation en géante, condamnant la planète à brève échéance –brève d’un point de vue astronomique, soit laissant suffisamment de siècles pour justifier l’installation de la base jaffa.
Le pilote maugréa silencieusement sur les diverses corrections, qu’il n’avait jamais eu besoin de faire à bord d’appareils terriens dont les ordinateurs de navigation calculaient automatiquement la trajectoire idéale pour atteindre la planète.
Je pourrais même faire les calculs à la main, se dit-il, avant de se résigner, sachant que les mercenaires qui pullulaient dans la Voie Lactée n’étaient pas réputés pour connaître les lois de la gravitation universelle. Faire preuve d’efficacité et d’un sens de l’économie dans trop de domaines était la manière la plus simple de se désigner comme terrien, au milieu d’une population n’ayant pas connu de difficultés dans les vols spatiaux depuis des centaines de générations pour le moins.
Et, au vu de la situation et de l’endroit vers lequel il se dirigeait, il préférait ne pas afficher de manière évidente sa planète d’origine. Même si ses préférences n’avaient de toute façon aucune importance, puisqu’il était tout en bas de la chaîne de commandement au cours de cette opération.

Finalement, il arriva en vue de la planète, embrassant le spectacle auquel il n’arrivait que difficilement à s’habituer, la bille de roche à la surface illuminée par l’étoile proche. Le jeune homme dévora du regard la sphère jaunâtre, désert rocheux parsemé d’une série de mers intérieures reliées par des canaux de plus ou moins grande taille, témoins de projets pharaonique entamé par la civilisation qui était née sur le petit astre. Et qui y avait péri, après avoir refusé de se plier au joug Goa’uld. Amaterasu en avait alors fait un exemple, incinérant méthodiquement les jungles luxuriantes qui avaient recouvert une grande partie de la surface, avant de stériliser les terres elles-mêmes. Celles-ci, en quelques siècles, avaient terminé de souffrir de l’érosion par les vents.
Malgré la mort qui était visible dans chaque plaine, sur chaque plateau, sur chaque île, Carl ne pouvait s’empêcher d’être amoureux de l’image qui lui était renvoyée, et il fallut l’interruption de la voix de son leader pour le ramener à la réalité.
-On a l’autorisation de se poser, baie numéro deux, annonça la voix féminine. Tout le monde me suit. On se pose, la sécurité locale réceptionne la marchandise, et on a quelques heures devant nous avant de se barrer. Personne fait de vagues, compris ? J’ai pas envie de m’emmerder à payer votre caution ou à perdre du temps avec ces abrutis de gardes.
-Bien compris, répondit-il laconiquement.
-Surtout toi, Banet. Tu joues pas au con.
Il soupira une fois la communication coupée et continua les manœuvres d’approche. Au bout de quelques minutes, il pénétra, avec les autres engins du convoi, dans l’atmosphère planétaire, sans subir le moindre désagrément dû au frottement dans l’air. L’un des points où le petit engin Goa’uld était supérieur à son équivalent terrien, même si pour rien au monde il n’aurait voulu faire face à l’un des appareils qu’il avait piloté, même en atmosphère –sans même parler des intercepteurs atmosphériques qui avaient été conçus pour pallier cet aspect.

Une fois suffisamment bas, il put commencer à distinguer les détails du sol, faiblement éclairé par la voute étoilée, les appareils étant arrivés de nuit. Carl s’amusa du détail, tout en observant avec curiosité le désert aux plateaux clairsemés, dont l’un d’entre eux abritait l’imposant chantier spatial. Près d’un Ha’Tak en construction, une autre source de lumière brillait faiblement, qu’il identifia aussitôt –par simple déduction, aucune autre construction ne semblait s’élever à proximité.

Port Franc 7, sa destination.
Ces petites zones commerciales étaient présentes dans des systèmes éparpillées dans l’ensemble des territoires habités, zones extraterritoriales sous la houlette des autorités locales. Celles-ci, si elles n’avaient théoriquement pas leur mot à dire sur les transactions qui s’y effectuaient, étaient cependant particulièrement impliquées dans leurs activités, aussi bien légales qu’illégales. Offrant des opportunités de travail et de commerce bien plus importantes qu’un port normal de même taille, ils étaient l’incarnation-même de opportunisme et du capitalisme sauvage promus par Hébrida. Qui cependant préférait ne pas appliquer une telle “liberté entrepreneuriale“ sur ses propres territoires ; par simple bon sens.
Les jaffa, eux, avaient accepté d’installer un tel complexe à proximité du chantier pour une longue liste de raisons. Toutes parfaitement valables pour la poignée de sénateurs qui avait signé l’autorisation. Tellement valables qu’aucun d’eux n’avait pensé avoir eu besoin de se justifier en détail auprès de ses collègues, surtout aussi peu de temps avant de prendre une retraite bien méritée, financée par des fonds qui l’étaient sans aucun doute tout autant. Sans aucun doute.

Suivant les instructions d’un contrôleur de vol en partie assoupi, il guida son engin vers l’un des hangars, où il s’immobilisa de manière aussi douce que possible. Lorsqu’il reçut enfin l’autorisation de quitter son chasseur et put rejoindre le reste du groupe de mercenaires, il eut du mal à cacher son regard curieux, découvrant l’installation semi-autonome qui s’étendait autour de lui.
Près du groupe de Planeurs se trouvaient les transports qu’il venait de finir d’escorter, près desquels un officier de la sécurité négociait avec la leader de son groupe, arrangeant les détails de leur court séjour. Plus loin, d’autres groupes d’appareils, Hébridan ou Goa’uld, s’agglutinaient en petits amas plus ou moins surveillés par le personnel local. Carl détaillait des yeux un transport armé Hébridan aux formes fonctionnelles et aux tourelles omniprésentes lorsqu’on vint lui donner un léger coup sur l’épaule. Il se retourna brusquement, pour voir le visage de son chef de groupe.
-On n’est pas là pour faire du tourisme. En tout cas, pas dans les hangars. Tu viens ?
-Oh. Oui, répondit-il.
Elle attendit qu’ils entrent dans un couloir étroit pour lui demander :
-T’avais quoi, comme nom de guerre, avant de venir ?
-Euh, Halcyon, pourquoi ?
-C’est juste que je préfère éviter de crier ton nom sur les toits. Autant ne pas mâcher le boulot pour les oreilles indiscrètes. Mais bon, c’est assez moche, il faut bien le dire. Bon, je t’appellerai Hal tant qu’on sera ici. Ou jusqu’à ce que tu trouve un meilleur nom.
-Heu, d’accord.
-Très bien, dit-elle en arrivant devant un poste de garde.
Ils s’immobilisèrent tous les deux devant une cage encadrée par deux bureaux sommaires, eux-mêmes derrière un léger champ de force.
-Vos armes, dit platement l’un des gardes derrière son bureau.
-Il n’en n’a pas, répondit-elle tout en sortant quelque chose de ses vêtements. On vient pour lui en récupérer une.
Elle déposa ce que le jeune pilote reconnut comme un pistolet qu’il identifia tout de suite, suivis d’autres objets moins courants. Son regard fut attiré par une bague à laquelle il n’avait jusqu’alors pas prêté la moindre attention, et qui lui apparaissait à présent d’un style peu terrien. Elle finit ce déballage par un petit objet d’un blanc osseux qu’il ne sut classifier, tant il lui était étranger, à mi-chemin du peigne, du stylo et de l’instrument de musique.
-Parfait, répondit le garde en pointant un appareil vers les armes avant de leur faire signe d’avancer. Passez dans la cage.
Elle obéit, rentrant sans un mot dans le dispositif de grande taille, qui se ferma derrière elle, et, quelques instants plus tard, émit un petit son. La cage s’ouvrit alors de l’autre côté et la laissa sortir, tandis que le garde lui rendait son équipement.
-A votre tour.
Carl s’exécuta, regardant d’un œil curieux le système dans lequel il s’enfermait. Puis, une fois de plus, celui-ci s’ouvrit, et il rejoint rapidement son chef de groupe, qui terminait de ranger ses armes sur elle.
-Ils ont juste mis un traceur dessus, pour savoir qui est responsable de quelle fusillade, dit-elle en reprenant son chemin.
-Et… il y en a souvent, de ces… fusillades ?
-Pas tout le temps, mais suffisamment pour qu’ils prennent ce genre de précaution. Donc, fais pas le con, regarde personne de travers, et ça devrait sûrement bien se passer.
-Sûrement ?
-Si tout le monde se met à tirer, tu te planques, tu m’obéis, et, surtout, tu fais tout ce que les gardes disent. Ils ont tendance à être assez radicaux avec ceux qui ne les écoutent pas. Et je ne vais pas me les mettre à dos juste pour tes beaux yeux, qu’on soit bien clairs.
-D’accord.
-Parfait. D’abord, on prend un verre, et ensuite, je te montre le marché. Tu devrais pouvoir te trouver de l’équipement.
-Euh, juste une question, maintenant que j’y pense… Ils n’acceptent pas les euros ou les cartes bancaires, ici, hein ?
-Non, pas vraiment, répondit-elle, sarcastique. Tu pourrais les changer sur une ou deux planètes Hébridans, mais pas ici.
-Pardon ? Je plaisantais, là. Ils acceptent vraiment…
-Bien sûr que oui. Ce sont des commerçants avant tout. En cherchant un peu, on pourrait même s’arranger pour les changer ici. Mais bon, le côté “pas hurler dans toute la galaxie : salut, je viens de la Terre“ limite un peu les possibilités à ce niveau-là. Non, tu es mercenaire, tu te souviens ? Tu as une solde. Pas énorme, mais correcte. En tout cas, suffisante pour récupérer ce qu’il faut ici. J’ai embarqué une partie des tes fonds avec moi. Autant que tu évites de te balader avec quelques centaines de shesh’ta sans avoir de quoi les défendre, non ?
-Oh, oui.
-Allez, on y est presque. Tu vas voir, je suis déjà venue ici, et s’ils n’ont pas trop changé, ils font d’excellents cocktails.
-Vous êtes sûre que…
-Quoi ?
-Vous savez… pendant le service, alcool, piloter ?
-T’es vraiment jamais sorti, hein ?
-Comment ça ?
-Demande un neutraliseur après ton verre. Ca élimine une bonne partie de l’ivresse.
-Oh.
-Oui, soupira-t-elle. Tu as beaucoup de choses à apprendre sur le monde, on dirait.
On dirait, reconnut-il silencieusement, alors qu’ils arrivaient, au détour d’un couloir, en vue du bar.
Celui-ci, légèrement poussiéreux, était largement occupé par des dizaines de clients de plusieurs espèces différentes, causant par leurs discussions un brouhaha incessant qui se combinait à l’éclairage tamisé pour donner un air particulièrement glauque à l’ensemble.
J’y crois pas. Ils l’ont fait exprès, y’a pas d’autre explication… se dit-il, incrédule, en regardant la salle, devant lui, qui était quasiment caricaturale par son respect des clichés du bar pour criminels et contrebandiers. Il chercha du regard un ventilateur de plafond, et soupira intérieurement en constatant son absence. C’est n’importe quoi, là… Un bar à je ne sais pas combien de centaines d’années-lumière de la Terre, et ils trouvent le moyen de nous faire un remix des années 30. Enfin, déjà, il n’y a ni ventilo, ni alien au saxophone…
-Le propriétaire ne serait pas un peu fan des films noirs, par hasard ? demanda-t-il, avec le peu de flegme qu’il pouvait rassembler.
-Totalement, répondit-elle avec un sourire narquois. Mais ça marche bien, tu trouves pas ?
-Si, si, absolument, conclut-il, peu convaincu.
D’abord le mécano, puis le bar…Ouais, et si un fermier et un vieillard me demandent de les embarquer pour Alderaan, c’est décidé, je me tire, mercenaire ou pas mercenaire. Et puis, en plus, j’ai même pas de quoi tirer le premier… C’est vrai, quoi ! Ca commence comme ça, et après, on n’a pas le temps de dire ouf qu’on se retrouve poursuivi par toute la galaxie ! rajouta-t-il intérieurement, en faisant des efforts surhumains pour ne pas se prendre le visage entre les mains.
Effet Papillon :
Un avenir possible, moins sûr et plus complexe pour des galaxies porteuses d'un mélange explosif : vide de pouvoir, héritages vivants et ambitions multiples.
Tomes I et II terminés, Tome III en cours

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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Marchant rapidement dans les coursives, elle se rendait compte qu’elle était au bord de la panique, sa discussion avec Atlantis l’ayant mis sur la défensive tout en remettant tout ce qu’elle savait, tout ce qu’elle était, en question.

Une fois de plus.
Elle ne pouvait pas se défendre, du moins pas directement, et les souvenirs ne lui laissaient pas un instant de répit, venant se surimposer à la réalité. Instinctivement, elle tenta de communiquer à nouveau avec le pilote, qui était, elle le savait, dans le même état qu’elle. Désorienté, perdu, à la limite de la rupture.
Elle va nous détruire. Nous utiliser, nous modifier jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de nous, se dit-elle. Mais tu le savais, hein ? On le savait tous…
Par intermittence, les couloirs vides devenaient occupés, les cloisons immaculées présentaient des traces d’usure, invisibles pour un humain. Mais elle n’était plus humaine. Ou l’était-elle encore ? La confusion venait se rajouter aux souvenirs dissonants, dont l’assimilation brutale venait à la fois conforter et contredire la réalité.
La jeune femme s’arrêta brusquement, haletante, pour tenter de reprendre son calme. Fermant les yeux, Shanti tenta de faire le vide, de repousser les images qui venaient sans cesse lui imposer la vie d’autres personnes, d’autres êtres, disparus dans un passé qu’elle n’avait jamais connu.

Retenant sa respiration quelques secondes, elle expira d’un coup avant de reprendre sa marche, tandis que sa vision se faisait plus nette, que les souvenirs semblaient être repoussés pour le moment. L’accalmie se poursuivit suffisamment longtemps pour qu’elle puisse atteindre le poste de contrôle de la frégate, où elle vit Campbell, avachi sur l’un des fauteuils, respirant bruyamment.
-Ca va ?! s’exclama-t-elle en s’approchant de lui.
-… ne peux pas… il faut… murmurait-il
-Ho ! Reprends-toi ! dit-elle avant d’être prise d’un vertige et de tomber près de la chaise, amortissant maladroitement sa chute.

La salle de contrôle était spacieuse, mais sans gaspillage ni luxe. Comme le reste de l’architecture spatiale Ancienne, la pièce était un croisement entre l’élégance et la fonctionnalité, qui ne sacrifiait ni l’une ni l’autre.
Un témoin subtil, mais permanent, de la maitrise qu’avaient ses semblables de la construction de vaisseaux comme le sien. Son regard se posa sur l’un de ses membres d’équipage, qui réécrivait le programme de l’un des capteurs spécialisés. Elle savait apprécier la compétence et l’instinct finement rôdé dont savaient faire preuve l’ensemble des personnes à son bord, ressentant chaque succès et chaque échec comme les siens propres. Les deux étaient courants, alors que les hypothèses étaient élaborées au fur et à mesure des expériences, chaque nouveau test triant et éliminant les possibilités jusqu’à garder une théorie correspondant à la réalité. Ou jusqu’à ce que son équipage soit à court de théories.
Au fil des voyages, Atropos avait appris l’immensité de l’univers d’une manière implacable, alors que ses convictions sur la physique subatomique, la biologie et l’astrophysique avaient souvent été remises en cause. Elle avait, avec le reste de l’équipage, imaginé des tests, mesuré leurs résultats, et, suffisamment souvent, accepté de renoncer à ce qu’elle jugeait vrai pour accepter ce que la réalité lui indiquait comme étant vrai.
Son vaisseau, mastodonte vif qui parcourait une petite zone d’une galaxie que ses prédécesseurs avaient commencé à cartographier plusieurs générations auparavant, n’était pas qu’un simple appareil de reconnaissance scientifique. Il abritait en son sein une fabrique de Portes, insérées dans les nombreux emplacements libres des Réseaux, afin de permettre le contact des éventuelles civilisations qui se développeraient sur ces terres inconnues. Malgré sa taille et les ressources qu’avaient coûté sa fabrication, il n’était qu’un élément parmi d’autres du programme d’exploration et d’élargissement des Réseaux. Celui-ci avait débuté peu de temps après la création de la Porte, et s’il était ambitieux, demeurait aussi réaliste et mesuré que possible.
Ainsi, si la vision du projet était universelle, ses moyens demeuraient concentrés sur une galaxie à la fois, au vu de l’immensité de la tâche. Dans un accord aussi rare que total, les scientifiques comme les gestionnaires avaient unanimement rejeté comme inefficace, dangereuse et irresponsable l’option de lancer des poseurs de Portes dans un voyage sans retour. Un avis qu’elle partageait totalement, assimilant comme chacun à bord la taille colossale de ne serait-ce qu’une seule galaxie. Il y avait suffisamment à faire et à découvrir pour ne pas se complaire dans des illusions de grandeur en partant à des milliards d’années-lumière.
Le système qu’elle quittait avait été cartographié dans son ensemble, et elle savait qu’une fois les manœuvres réglementaires effectuées, elle irait rejoindre l’une des équipes qui travaillaient sur les formes de vie trouvées dans la géante gazeuse proche. Leur structure moléculaire de base avait beau être différente de celle d’espèces carbonées plus communes espèces carbonées classiques, elles étaient néanmoins sur le chemin de l’évolution, et, selon les premières conclusions, pouvaient potentiellement arriver à la conscience. Son vaisseau avait donc déposé le cadeau d’une espèce au reste de l’univers, une Porte. Son dispositif de contrôle était calibré sur un Réseau spécifique aux atmosphères d’hydrogène et de méthane, tout comme le Réseau principal reliait les planètes à atmosphère d’oxygène et d’azote. Dans quelques dizaines de millions d’années, dans le meilleur des cas, les habitants de la géante pourraient partir vers d’autres lieux et découvrir à leur tour l’univers.
Son travail était loin d’être terminé, alors qu’elle n’avait même pas parcouru un dixième de la minuscule portion du quadrant galactique, mais le temps passait vite. Trop vite, même, comme le lui rappelaient les rapports périodiques que son vaisseau recevait sur l’évolution du conflit.

Chassant la pensée parasite, elle donna un ordre silencieux, et l’engin scientifique entra en hyperespace pour un saut de puce vers sa destination suivante.


Le pilote devant elle n’avait pas changé d’état, toujours immobile, et elle se redressa, cherchant à le ramener à la réalité. La jeune femme le secoua, tout en lui parlant, aussi bien verbalement que mentalement.
-Reprends-toi ! C’est juste une illusion, lui dit-elle, alors qu’elle le sentait perdre pied dans la masse de souvenirs qui devaient le submerger.
Pendant de très longues secondes, Shanti réfléchit à ses différentes options pour l’aider, ne sachant absolument pas comment son coéquipier pourrait réagir à chacune d’entre elles. Refusant de l’assommer pour la simple raison que, avec ce que lui avaient fait subir Atlantis comme changements, elle risquait davantage de le tuer que de le plonger dans l’inconscience, sa liste était limitée.
Peut-être… peut-être faire comme avec le docteur Jackson, se dit-elle soudainement. Je pourrais essayer de retrouver Tom, où qu’il soit, dans ces souvenirs. Et de le sortir de là.
Cherchant dans ses propres souvenirs le moment de sa rencontre avec l’archéologue accompagné de mercenaires, elle se concentra pour retrouver précisément ce qu’Atlantis lui avait fait faire pour accéder à l’inconscient de l’homme.
Reproduisant avec précaution les mêmes actions que quelques jours plus tôt, elle sentit ses sens s’étendre en direction du pilote, comprenant infiniment mieux ce qu’elle faisait qu’alors. Concentrée, elle donna la priorité à la précision et la finesse, tandis qu’elle s’apprêtait à prendre contact.
Puis, brusquement, un tsunami d’émotions vint la renverser. D’abord métaphoriquement, puis, lorsqu’elle se rendit compte qu’elle avait perdu son équilibre, littéralement. La jeune femme ressentit l’incompréhension et la peur de Campbell alors qu’il ré-émergeait du quelconque souvenir où elle l’avait trouvé emprisonné.
-Shanti ! l’entendit-elle dire alors qu’elle se relevait, prenant appui sur le sol tiède de la salle.
-Ca va ? demanda-t-elle en se redressant. Tu étais…
-Je… je crois que… qu’est-ce que c’était que ça ?
-Des souvenirs. Notre I.A. favorite a décidé qu’on irait bien mieux si on avait les souvenirs d’une demi-douzaine d’Anciens dans notre petit crâne. Et, “normalement“, dit-elle en soulignant les guillemets d’un geste de mains, ça ne devrait pas détruire nos propres souvenirs.
-C’est une mauvaise blague ?
-Je parle d’Atlantis, là.
-Pas une blague, donc, conclut-il. J’y crois pas. Atlantis ! Si vous essayez de nous tuer, vous pourriez pas le faire simplement ? C’est juste… juste…
-Nécessaire, l’interrompit la voix de l’I.A. Comme je l’ai expliqué au lieutenant Bhosle, si vous disposez à présent des compétences et des moyens requis tant pour le court que le long-terme, vous n’avez pas l’expérience permettant d’en faire un usage optimal. Or, étant donné les enjeux, je ne peux me permettre de prendre des risques, surtout vu le faible nombre d’agents à ma disposition.
-Vous pourriez en recruter d’autres, non ? demanda le pilote. Qu’on soit pas tous seuls dans cette galère.
-Cela viendra, lieutenant Campbell, en temps voulu. Cependant, à l’heure actuelle, multiplier le nombre d’individus impliqués serait plus dangereux qu’autre chose, puisque je ne dispose pas d’assez de temps pour les entrainer correctement. Et une erreur… humaine… à certaines étapes critiques de l’opération aurait des conséquences terminales pour notre objectif immédiat, à savoir la fin durable des hostilités. La quantité, ici, n’est pas une qualité. Rappelez-vous ce qui est arrivé à vos semblables lorsqu’ils ont commis l’erreur de froisser des adversaires infiniment plus avancés qu’eux-mêmes.
-Je ne comprends pas, intervint Shanti. Si on a besoin d’expérience, pourquoi celle-là ? Je veux dire, ceux que vous m’avez envoyés, ils ne vont servir à rien pour ce job. A part le premier, mais c’est tout.
-Ne vous ai-je déjà pas dit qu’ils seront indispensables ?
-Mais en quoi ? Une… artiste ? Qu’est-ce que ça a à voir ?
-Vous comprendrez, tôt ou tard, même si je ne peux pas vous l’indiquer pour le moment.
Du coin de l’esprit, elle sentit quelque chose chez le pilote changer, juste avant qu’il ne s’écarte pour aller s’appuyer contre une cloison. Elle se retourna brusquement vers lui.
-Ca va, Tom ?
-Oui… je crois, dit-il en relevant la tête vers elle, pour croiser son regard.
Elle y lut une lassitude mêlée d’une peur qui n’osait dire son nom.
-Qu’est-ce qu’il y a ? l’interrogea-t-elle, avant de finalement poser la question fatidique. Qu’est-ce qu’elle t’a envoyé ? Comme souvenirs ?
-Il s’appelait… je ne sais pas, je ne suis pas sûr. C’était un vieux soldat, de l’infanterie. Je ne sais pas combien de temps il a… commença-t-il avant de soupirer. Il était devenu instructeur, il devait avoir… j’en sais rien, juste qu’il était trop vieux pour être d’active, ça devait être pas mal pour les Anciens.
Le pilote tourna la tête, le regard lointain, malgré la taille restreinte de la pièce.
-Qu’est-ce qui est arrivé ? demanda Shanti.
-Elles sont mortes. Et il ne pouvait rien faire, dit-il en serrant les poings, faiblement. Ce n’était pas sa faute.
-Qui ?
-Rind, Gaeriel. Il les avait formées, toutes les deux, pendant… longtemps. Très longtemps. Elles étaient devenues ses filles… non, plus que ça. Je peux pas t’expliquer, ça va au-delà… Et puis…
Il frappa brusquement la cloison, prenant Shanti au dépourvu et provoquant son sursaut.
-Merde ! Merde… Pourquoi ça, Atlantis ? Pourquoi m’avoir balancé ça ?!
-J’en suis navrée, lieutenant Campbell, mais cela était nécessaire. Vous comprendrez par la suite…
Shanti eut quasiment un second sursaut en entendant les derniers mots de l’I.A., n’en croyant pas ses oreilles.
-Qu’est-ce que… souffla-t-elle avant d’être interrompue par un second coup sourd sur la cloison proche.
La jeune femme s’approcha rapidement du pilote et le prit par les épaules pour l’obliger à lui faire face.
-Tom, calme-toi ! C’est pas de ta faute ! C’est même pas toi !
-Morts… tous morts, chuchota-t-il. Et c’était qu’une escarmouche… On sait rien, Shanti, rien du tout. Comment est-ce qu’ils ont tenu aussi longtemps ?
-Calme-toi, répéta-t-elle en le serrant dans ses bras, alors qu’elle se rendait compte que son contrôle d’elle-même n’était qu’apparent, qu’elle était elle aussi à la limite de craquer. On va s’en sortir. On va faire ce job, et ça ira mieux. Ca ira mieux, répéta-t-elle, en sachant qu’elle se mentait, et que Campbell le savait aussi bien qu’elle.
Il se laissa glisser au sol, sur les genoux, et elle se mit à sa hauteur, s’efforçant de ne pas perdre son regard. Le brusque changement d’attitude du pilote l’avait surprise, ne l’ayant jamais vu ainsi, d’une manière qui contrastait avec l’impression de professionnalisme teintée de légèreté qui le caractérisait. Son instinct lui indiqua de faire particulièrement attention, qu’il ne pouvait pas se permettre de craquer. Que, quoi qu’Atlantis lui ait envoyé, il n’avait pas été prêt, malgré sa plus grande expérience qu’elle sur le terrain, malgré ses réactions apparemment calmes et contrôlées depuis leur évasion du Daedalus.
-Elle n’aurait pas dû…
-Pas dû quoi ? répondit-elle doucement.
-Je n’av… Il n’avait pas fini de la former. Elle était douée, très douée. Et il y avait une reco à faire, un avant-poste abandonné. Dans un no man’s land que les vaisseaux ne pouvaient pas attaquer. Elle avait insisté pour en faire partie. J’aur… Il aurait dû refuser. Elle n’était pas prête. Pas prête.
-Calme. C’est arrivé il y a des millénaires, tu ne pouvais rien y faire.
-J’aurais dû… Elle est partie avec son groupe. Et puis… des Fléaux. Des dizaines de Fléaux.
-Qu’est-ce que c’est ?
-Des Wraith, conçus pour se battre contre les Anciens… pour les anéantir… comment est-ce qu’ils ont pu en arriver à ça…
-Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-elle, sentant qu’elle ne pouvait pas se permettre de le laisser dériver sur le sujet.
-On… Ils ont fui. Rien d’autre à faire. Pas assez nombreux, une embuscade. Mais il y avait… des blessés. Il fallait les stabiliser, ils ne pouvaient pas être déplacés. On s’est retranchés dans l’avant-poste. Ca a duré des heures. Ils attaquaient, ils… murmura-t-il, le regard lointain, quelques larmes coulant sur ses joues. Et elle, elle tenait. Une lionne, elle n’avait rien à envier aux autres, à ceux qui se battaient depuis le début de la guerre. J… Il était fier d’elle, de ce qu’elle était devenue sous son aile. Lorsqu’elle ne repoussait pas les Fléaux, elle aidait les autres à tenir… Je ne sais pas si un seul d’entre nous s’en serait sorti si elle m’av… l’avait écouté.
-Elle a fait ce qu’elle devait faire… tenta maladroitement Shanti.
-Non… si… elle tenait, alors que les autres tombaient. Les blessés étaient transportables, et on est partis vers la Porte. On était plus que huit. Sur vingt deux ! Les autres… ils les avaient…
-Je…
-Non, tu ne comprends pas, Shanti ! Les Fléaux, ils ne se contentent pas de tuer, ils…
-Calme-toi ! C’est fini ! C’est fini…
-Ils étaient juste derrière nous, on en avait perdu trois autres. Des camarades. Des amis. Je les connaissais depuis des années, et ils s’étaient fait faucher, comme les autres. Mais on était à la Porte. On y était arrivés, et elle était à quelques mètres derrière moi alors que je l’activais. Je la voyais, elle était là, à couvert, prête à nous rejoindre quand moi et Meguis sortions les deux blessés. Je les pousse dans le vortex et je me retourne pour lui dire de venir… finit-il alors que sa voix s’estompait, les membres tremblant malgré l’emprise de Shanti.
-C’est bon, tout va bien… dit-elle en essayant de paraître assurée.
-Gaeriel. Elle était là, elle courait, et puis… l’instant d’après, plus rien. Juste ça. Je pouvais quasiment la toucher, elle était presque à l’abri, après nous avoir sauvés, les quatre autres survivants, quand ils l’ont touchée. Elle n’a pas souffert… Ca l’a juste vaporisée. Instantané. Comme ça. Elle était tout ce que j’avais vu dans cette gamine. Elle avait fini par devenir tout ce qu’aurait pu espérer un vieux soldat. Et puis plus rien. Plus rien… Plus rien…

Il ne pleurait même plus, il était juste ailleurs, et Shanti le serra plus fort, maudissant une fois de plus Atlantis.


Le docteur Jackson, pour utiliser un euphémisme, était contrarié. Les évènements récents n’avaient en effet pas été particulièrement agréables pour lui, et, le plus important pour lui, se dévoilaient comme autant d’énigmes dont il n’avait pas un semblant de début de solution. Des suspicions, des idées folles, mais aucune piste sérieuse sur laquelle se lancer.
Puis était venue l’apparition de la veille. Celle-ci était venue balayer les quelques espoirs de maitriser une situation qui allait sans nul doute lui donner de sérieux et fréquents maux de tête.
Beaucoup trop de coïncidences. SG-22 qui s’évade, attaque Dakara et me tombe dessus par le plus grand des hasards. Un espion jaffa qui a survécu à leur assaut pour se retrouver chez Vala, les autres qui recommencent à attaquer sans préavis, les jaffa qui décident de nous attaquer dans la foulée, et puis ça, maintenant. Beaucoup trop de choses. C’est évident que ce n’est pas une coïncidence. Et si c’était Atlantis, pourquoi agir dans notre dos et de façon aussi peu subtile ? Non, elle n’a rien à gagner avec des provocations. Elle pourrait agir sans qu’on s’en rende compte ou bien ouvertement. Mais ça… c’est inutile. Alors pourquoi ? Ou qui d’autre ?
-Docteur McKay, des idées ? demanda Weir en se tournant vers le responsable scientifique de l’expédition.
-J’ai vu le service météo, et ils n’y comprennent rien. En gros, ils hésitent entre m’accuser d’avoir déclenché un nouveau cataclysme improbable et de prétendre que ce n’était rien de plus qu’une illusion d’optique très réaliste.
-Donc…
-Donc, ils sont d’accord avec notre HAL 9000 : c’est juste impossible, et ils vont faire comme d’habitude : pleurer un bon coup, mettre quelques personnes sur l’analyse des données et garder ça de côté jusqu’à ce que ça aie le moindre sens. En attendant… autant dire que c’est la faute à un Ancien, conclut l’irascible Canadien en faisant référence à la formulation que ses confrères avaient pris l’habitude d’utiliser pour remplir les dossiers après avoir été confrontés à des phénomènes plus inexplicables que la normale.
-Je vois, répondit la diplomate. Rien de neuf à ce sujet, Atlantis ?
-Rien de sûr, docteur Weir, répondit la voix féminine. Plusieurs de mes senseurs spécialisés ont été neutralisés durant l’intempérie, et les données dont je dispose sont en contradiction avec la majorité de mes connaissances météorologiques.
-Majorité ? releva Jackson. Vous avez donc déjà vu la même chose ou presque ?
-Oui, docteur. Mais je pense que mes rares expériences avec des Ascendants ne représentent pas une base de données suffisamment fiable pour émettre des hypothèses utiles. Je ne suis pas en mesure d’affirmer quoi que ce soit avec certitude, alors je n’ai pas de meilleure conclusion que celle présentée par le docteur McKay ici présent.
-… D’accord, répondit-il laconiquement, son esprit visité par des souvenirs anciens, alors qu’une autre tempête avait disparu aussi brusquement qu’elle était venue. Non sans avoir anéanti auparavant les assaillants d’un certain temple.
-Des questions, qui que ce soit ? demanda Weir, avant d’attendre quelques secondes. Très bien. Amiral Davenport, si vous voulez bien…
-Merci, répondit l’officier général. Comme vous le savez, nous sommes à présent de facto en état de guerre avec la Nation Jaffa. La situation est encore plus ou moins stable, étant donné le climat politique de notre côté comme du leur, mais des hostilités frontales peuvent débuter à n’importe quel moment.
Il laissa l’information faire son chemin, puis reprit :
-En conséquence, j’ai reçu l’ordre de rapatrier une partie de la flotte de défense dans la Voie Lactée. Quatre de nos croiseurs de bataille et leurs vaisseaux de soutien vont repartir dans moins de six heures, sous le commandement du vice-amiral Padorine. Je resterai aux commandes des autres appareils, mais j’ai aussi été informé que notre soutien logistique serait fortement réduit et que le Daedalus restera en protection de Sol pour la durée de la crise.
-Donc, plus de matériel lourd pendant quelques mois, c’est ça ? demanda Jackson.
-Exactement, docteur. Cela veut dire que nous allons être, jusqu’à la fin de la crise et le retour à des capacités de transport adéquates, dans une situation militaire à peu près semblable à celle d’il y a cinq ou six ans. Nos moyens seront suffisants pour faire face à d’éventuelles escarmouches avec les forces Wraith, mais le moindre engagement de haute intensité épuiserait très vite nos stocks de munitions et de pièces détachées. Général Sheppard ?
-Selon les renseignements, indiqua le Marine, les Wraith ont au moins une quarantaine de vaisseaux-ruches en activité dans notre secteur de la galaxie. Une puissance de feu qui pourrait nous mettre sérieusement en danger s’il leur venait l’envie de nous dire bonjour. Nos troupes vont donc se redéployer pour les occuper loin d’ici, mais ça veut dire aussi que les expéditions scientifiques vont être réduites au strict minimum. Et, oui, Rodney, je te regarde. Quand je dis “minimum“, c’est limité à ce qui ne peut physiquement pas être repoussé et qui est indispensable à la survie de l’expédition ou qui a des gains au moins du niveau d’un croiseur Ancien encore dans l’emballage. Pour le reste, on a d’autres priorités, dit-il avant de se tourner vers Daniel. Pareil de votre côté, docteur Jackson.
-Evidemment, répondit ce dernier, qui savait de toute façon que, ces derniers temps, les choses intéressantes se passaient sur la Cité plutôt qu’ailleurs.
-Bon, reprit Sheppard. Notre gros problème, c’est que nos copains vont se rendre compte tôt ou tard qu’on ne vient plus détruire leurs croiseurs quand ils font leurs courses. Dès qu’ils auront compris ça, leurs ruches auront du temps libre, et on aura un problème encore plus gros directement chez nous. La bonne nouvelle, par contre, c’est qu’on a encore un assez gros stock de missiles en tous genres et que les locaux apprennent vite.
Daniel retint une légère grimace en repensant aux sociétés qui se voyaient irréversiblement changées sous l’influence des Marines de Sheppard. Mais il savait que la stratégie appliquée par le jeune général était probablement la moins mauvaise des solutions pour ces peuplades autrement condamnées à servir de garde-manger aux Wraith. Sur le continent se trouvait un camp d’entrainement dans lequel d’anciens fermiers et chasseurs apprenaient à se servir de lance-missiles portatifs dont la présence rendait beaucoup plus risqués les raids des Darts. Jackson, comme le reste de la population d’Atlantis, avait immédiatement reconnu une variation de la stratégie utilisée lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan et avait revu à la hausse son estime pour le militaire.
En quelques semaines, les attaques par Dart s’étaient fortement réduites, et les croiseurs s’étaient mis à assumer le rôle de collecte. Davenport n’avait alors pas attendu pour lancer ses propres forces dans des raids-éclairs qui laissaient derrière eux un nuage de plasma à la place du croiseur. Ainsi, depuis plusieurs années, les ruches elles-mêmes étaient forcées de procéder à leur propre ravitaillement, tâche d’autant plus difficile que les rares cibles potentielles se voyaient convoitées par plusieurs clans simultanément. Année après année, le manque de nourriture, les conflits internes et l’effondrement des capacités de leurs escortes avait fini par briser toute initiative de la part des Ruches.

Au prix d’attaques massives sur certaines des planètes les plus peuplées de Pégase, que l’Humanité ne put toutes défendre.

Mais la donne venait de changer, sans que les jaffa ne se rendent compte de ces conséquences.
-Je vais devoir réquisitionner la salle de la Porte, continua le général.
-Pardon ? s’étrangla McKay à l’idée de voir le hall d’entrée de la Cité occupé par les troupes de son meilleur ennemi.
-On va devoir continuer les attaques contre les croiseurs, Rodney. Sans ça, tout s’effondre. Dès que quelqu’un nous envoie un signal pour nous prévenir d’une attaque, on lance un Jumper sur place avec un désignateur laser. Suivi de deux missiles antinavires par la Porte. Ca devrait continuer à les tenir à distance, jusqu’à ce qu’ils se rendent compte qu’on n’envoie plus de vaisseaux.
-Euh, John, commença McKay. Je sais que je ne suis pas le génie militaire dans cette pièce, si d’ailleurs cet oxymore veut dire quelque chose, mais je vois un problème. Qu’est-ce qu’on fait s’ils activent la Porte de l’extérieur… comme à chacune de leurs attaques ?
-C’est exactement pour ça que je vous ai tout expliqué. On a ce problème, et il faut qu’on s’arrange pour avoir un préavis suffisant pour avoir accès à la planète visée et détruire le croiseur avant qu’il ne soit dans l’atmosphère. Les locaux n’apprécient pas les quinze mégatonnes sur leur village.
-Je les comprends, murmura Weir.
-Je suis en mesure de vous aider, général Sheppard.
-Vous ? demanda-t-il. Et qu’est-ce que vous allez faire ? Pirater la Porte pour couper leur connexion ?
-L’idée est intéressante, mais ne résout pas le problème du préavis et des dommages diplomatiques liés à l’utilisation d’un dispositif à fusion à proximité de populations civiles alliées. En revanche, je peux vous donner temporairement accès à certains dispositifs de détection et de communication à moyenne portée.
-Temporairement ? demanda Daniel.
-Effectivement. Je vous serai grée de me les remettre à nouveau une fois vos problèmes logistiques résolus.
-Stop, intervint le Marine. Aucune chance. Je n’aime pas être d’accord avec Rodney, mais aucune chance que je laisse une I.A. toucher à mon job.
-Et que ferai-je, général, répondit doucement la voix désincarnée. Saboter les systèmes de détection pour vous empêcher de mener votre mission à bien ?
-Par… commença-t-il avant d’être interrompu.
-Si je désirais faciliter une attaque Wraith sur mes installations, il me suffirait de diffuser un message en clair contenant la disposition défensive de vos unités, leur équipement, niveau de ravitaillement et un moyen de vérifier mes intentions néfastes. En aucun cas je ne chercherais à passer par vous pour réaliser ce travail. Ce serait un excès de complications pour une chose simple. De plus, je pense pouvoir affirmer de manière crédible que nos intérêts sont liés dans cette situation. Rappelez-vous que j’ai connu de première main le conflit qui a mené au départ de mes créateurs. Je ne vais donc pas commettre l’erreur de vouloir les utiliser pour me débarrasser de vous… Ce que je pourrais faire toute seule sans la moindre difficulté, dois-je vous le rappeler à nouveau ? conclu-t-elle avec une pointe d’agacement dans la voix.
-Non, je crois que c’est bon, soupira McKay. Le message est passé.
-Informez-en alors le général Sheppard, qu’il en tienne compte en planifiant sa stratégie.
-Puisque vous parlez de travailler ensemble pour passer cette crise, reprit Weir en essayant de désamorcer la situation alors qu’elle craignait que son cow-boy de général ne dise la phrase de trop. Comment est-ce que vous pourr… non, voudriez nous aider ?
-Excellente question, docteur Weir. Mes senseurs longue portée sont en mesure de repérer toute approche d’engins Wraith sur plusieurs dizaines d’années-lumière, de façon à vous donner un préavis suffisant pour lancer des raids préventifs. De plus, le cas échéant, et uniquement en cas de nécessité avérée, je pourrai vous fournir des informations tactiques sur les vulnérabilités des vaisseaux-ruches. Vulnérabilités apparemment bien plus nombreuses que dans mes estimations les plus optimistes, je dois le souligner.
-Comment ça ? demanda Davenport, essayant de glaner autant d’informations que possible sur ses adversaires désignés.
Très simple, amiral. Comme vous l’avez supposé auparavant, la majorité de leurs systèmes sont encore désactivés, ce principalement à cause du faible nombre de ruches réveillées et des problèmes de ravitaillement dont souffrent ces dernières. Vous n’avez donc pas eu à contrer les systèmes offensifs et défensifs principaux, ni même les armements électroniques et psioniques dont disposent ces vaisseaux. C’est pour cette raison que vos vaisseaux sont encore en orbite et non dispersés dans ce système stellaire et d’autres en poussière d’atomes.
-Oh, fut la seule réponse de l’amiral. A ce point ?
-En effet. Mais pour revenir à notre conversation, je peux fournir, si le combat se déroule dans ce système, un soutien de guerre électronique lourd, et, si vous m’en donnez l’autorisation, je pourrai prendre le contrôle de vos unités disponibles afin d’en maximiser l’efficacité opérationnelle.
-Stop, l’interrompit Davenport. Prendre le contrôle de nos croiseurs ?
-En effet. Si vous m’autorisez à accéder à votre réseau de commandement et de contrôle, je pourrai faire bénéficier à ces navires d’un gain de coordination et d’efficience assez spectaculaire. Considérez cela comme un multiplicateur de force.
-Hum, répondit Weir. Sans vouloir empiéter sur les plates-bandes de l’amiral, je pense pouvoir dire que ça n’a aucune chance d’arriver, Atlantis. Mais merci de…
-En fait, l’interrompit l’amiral d’un air entendu, en se redressant sur sa chaise, le haut-commandement m’a envoyé des consignes à ce propos. J’ai l’autorisation, dans le cas où la situation est absolument critique et que la survie immédiate de l’expédition est en jeu, d’accepter une telle proposition.
Les quelques instants suivants ne furent qu’un brouhaha d’exclamations et de débuts de réaction, jusqu’à ce que Weir fasse signe aux participants de se taire.
-Amiral, commença McKay, vous vous rendez compte de…
-Rodney a raison, reprit Daniel, avec une pensée sur l’étrangeté de la phrase qu’il venait de prononcer. C’est beaucoup trop dangereux.
-Les ordres indiquent que cette décision serait laissée à mon entière discrétion, docteur. Sachez cependant que, dans un tel cas, les réseaux ne seraient débloqués qu’une fois les hyperpropulseurs et les communications à longue-distance de nos vaisseaux détruits physiquement. Les équipages ont déjà placé assez d’explosifs pour réduire ces systèmes à l’état de ruines si jamais nous devions transférer le contrôle.
-Une décision prudente, approuva Atlantis.
-Heureux de voir que vous approuvez, répondit l’officier.
-Bien sûr. Je préfère que mes alliés fassent preuve de compétence et de bon sens autant que faire ce peut.
-Je propose une pause d’un quart d’heure, annonça Weir, d’un ton qui ne laissait pas de place à la discussion. Amiral, puis-je avoir un moment avec vous ?
Quelques regards se croisèrent, et, les uns après les autres, les responsables civils se mirent à quitter la salle où ils savaient que la diplomate allait avoir une “discussion franche“ avec le responsable de la flotte locale.
-Alors, demanda McKay en accompagnant Jackson hors de la salle de réunion. C’est pour quand, l’inévitable trahison ?
-Je ne sais pas. Et puis, techniquement, pour nous trahir, il faudrait qu’elle soit dans notre camp. Elle a clairement son propre agenda, et, pour l’instant, on rentre quelque part dedans.
-Quelque chose comme ça, oui, répondit le scientifique. Et est-ce qu’on a du neuf avec la gamine ?
-La… oh, Stern ?
-Oui, celle qui n’a pas grand-chose à faire dans ce foutoir.
-Rodney, Rodney… Carter et moi n’étions pas si vieux que ça quand s’est retrouvés à essayer de nous en sortir face aux Goa’uld. Pareil pour Halsey, elle a fait des étincelles, non ?
-D’accord, mais n’empêche… Je n’aime pas avoir une jeunotte en train de passer son temps avec une I.A. qui peut décider… je ne sais pas quoi.
-Elle a quand même vingt-neuf ans, Rodney. Et je préfère que ce soit elle qui discute plutôt que quelqu’un qui en sache un peu trop sur le Programme. Café ?
-Oh oui !
Jackson adressa un bref signe de tête à l’un des militaires patrouillant le quartier où résidaient la plupart des responsables de l’expédition humaine, et continua sa route vers un téléporteur pour se rendre à la cafétéria où il avait fait la rencontre. Sans se retourner, il sut que McKay était derrière lui, ruminant silencieusement sur l’I.A. et ses probables plans diaboliques.
Brusquement, il lâcha un petit rire avant de se retourner :
-On n’est pas dans Matrix, Rodney. Mais je suis sûr que si elle nous transforme en piles, vous serez un EPPZ.
-Pardon ? répondit McKay. Je n’avais rien dit.
-Hmm ? J’aurais juré…
-C’est bien à ça que je pensais, admit McKay alors que le téléporteur s’ouvrait devant eux. Bah, je dois parler tout seul…
-Ca arrive souvent aux grands génies, répondit Jackson d’un air sarcastique.
-Ca doit être ça, répondit-il sans relever.

Quelques instants et une brusque dépense d’énergie plus tard, les deux hommes entrèrent dans la cafétéria, qui offrait à nouveau le paysage de l’océan au repos. Jackson se dirigea lentement vers la série de cafetières, contrastant avec le pas rapide du Canadien qui filait vers une machine isolée. Celle-ci, plus volumineuse que ses semblables, était recouverte d’équipements divers lui donnant une apparence de croisement tabou entre le XIXème et le XXIème siècle.
Jackson appuya sur un bouton, et, pendant le remplissage de son gobelet, regarda d’un air distrait son collègue sortir sa micro-ordinateur pour le manipuler frénétiquement pendant quelques instants avant de rentrer une combinaison sur le panneau de la cafetière tout en surveillant ses alentours.
Une fois le café chaud entre ses mains, l’archéologue retourna sur ses pas, à un rythme lent, alors que son regard était fixé sur la petite table où il avait été assis la veille au soir, durant la tempête. Autour de celle-ci, quelques taches de liquide noir étaient encore présentes, seuls témoins des évènements.
Ce n’est pas le style de Oma. Une démonstration de force, oui, mais pas gratuitement. Surtout qu’elle sait qu’on m’écoute si je dis de ne pas jouer au con. Alors pourquoi cette tempête ? Et apparaître aussi furtivement… Si elle voulait me dire qu’elle en avait fini avec Anubis, il y aurait eu d’autres méthodes… Non, ça ne colle pas. Vraiment pas… Si on parle de Oma, bien sûr. Si c’était quelqu’un d’autre, alors là… Mais pourquoi venir me voir ? J’ai dû bien semer le chaos, à l’époque, mais même comme ça, qui prendrait un tel risque ?

Et puis il y a Stern. Anna. Elle l’a vue, pas le moindre doute. Et si c’est une coïncidence, Apophis était un Tok’Râ, ouais… Rodney n’a pas tort… Ca, on est d’accord, depuis le début. Mais il faut faire attention, respecter les règles.
Si Atlantis veut jouer, alors jouons.


Il remarqua la jeune femme, qui regardait dans la même direction que lui, sans nul doute en repensant aux mêmes évènements. L’espace d’un instant, leurs regards se croisèrent, et elle tourna aussitôt la tête pour regarder l’océan.
Oui, Anna. Je ne sais pas exactement ce qui se passe, mais je vais le trouver. Le tout, c’est de ne pas faire trop de vagues trop tôt.


Dans une équipe SG, le rôle de commandant présente habituellement plus de responsabilités que dans toute autre situation, surtout au vu du nombre réduit d’effectifs et de moyens mis à disposition. La raison officielle est que ces équipes se retrouvent souvent dans une position politique ou diplomatique, à devoir gérer des situations de premier contact avec des alliés potentiels. Mais le chef de SG-22 avait suffisamment d’expérience pour savoir que ce n’était pas tout, loin de là. Il arrivait, plus souvent que le commandement ne voulait l’admettre, que ces équipes se retrouvent face à des choses imprévisibles. Non pas parce qu’elles ont été surprises ou que les renseignements ont échoué à leur tâche –bien que ça arrivait trop souvent à son goût. Mais tout simplement parce que, quand l’on était régulièrement envoyé loin de la Terre, on faisait tôt ou tard face à quelque chose pour lequel rien ne pouvait préparer.
Trop souvent, il avait connu ce genre de situation, et ses cauchemars étaient là pour lui rappeler l’un des prix qu’un membre de ces équipes finissait tôt ou tard par payer. Mais, comme ses supérieurs à l’époque, il ne pouvait pas se permettre de craquer. Il était implicitement et explicitement attendu de lui qu’il fasse en sorte que son équipe revienne en un seul morceau, physiquement comme psychologiquement, et, fugitif ou pas, rien ne changeait son devoir envers les deux personnes sous ses ordres. Il leur hurlait dessus si nécessaire, avait appris quand se taire, quand les rappeler à l’ordre, et faisait son possible pour s’adapter à la situation catastrophique dans laquelle l’I.A. les avait plongés. Cela ne l’empêchait pas de commettre des erreurs, lui-même à bout et épuisé par les évènements, mais il avait cette responsabilité à assumer.

Et il l’assumerait, savait-il en se levant avec difficulté après avoir subi un nouveau déferlement de souvenirs étrangers.

D’une pensée, il localisa ses deux coéquipiers dans la salle de contrôle où Atlantis les avait menés lors de leur arrivée à bord du vaisseau, poursuivis par les Marines du Daedalus. Se rendant compte aussitôt que la nouvelle lubie de l’I.A. les avait mis au bord de l’effondrement, il pressa le pas. La situation de Campbell l’inquiétait davantage que celle de sa plus jeune recrue. En effet, habituellement calme et suffisamment détaché pour faire preuve d’humour ou d’ironie dans ses remarques, il était pourtant déjà en train de craquer psychologiquement. Recevant quelques bribes de conversation émises de façon incohérente par ses deux subordonnés alors qu’ils tentaient de se soutenir mutuellement –avec peu de succès–, il eut confirmation que son pilote avait très mal réagi aux souvenirs envoyés par Atlantis, quels qu’ils soient.
Les siens l’avaient étonné plus que choqué, n’étant pas ce à quoi il aurait pu s’attendre de la part de quelqu’un avec ces moyens. Là où il aurait imaginé recevoir les mémoires de soldats et officiers –ou leurs équivalents– Anciens, pour le rendre plus compétent en tant que pion pour l’I.A., cette dernière lui avait transmis autre chose. Les souvenirs d’un militaire, Amoreth, qui arrivaient presque à égaler les siens propres en termes d’atrocités, l’amiral Ancien ayant connu au cours de sa longue carrière suffisamment de victimes de catastrophes naturelles et de criminalité à grande échelle. Mais également avec des scientifiques, des ingénieurs et autres artisans. Les questions se bousculaient dans son esprit, se battant pour sortir et être posées à Atlantis, mais Maltez préférait éviter pour le moment de parler à l’I.A. avant d’avoir stabilisé la situation. L’I.A. savait faire durer une conversation, et sa priorité était de reprendre le peu de contrôle qu’il avait eu jusqu’à présent, pas de discuter.
Il ne fallut que quelques minutes au militaire pour retourner dans le couloir immaculé qui donnait accès au poste de commandement, et il se figea un instant, observant l’absence de détail, de motif, qui caractérisait les parois. Le navire, malgré ses capacités vantées par l’I.A., lui déplaisait tout particulièrement à cause de cet aspect, de son manque de personnalité propre. Lisse, élégant, efficace, mais sans les témoignages d’un passé, d’une histoire, des précédents équipages, de tout ce qui lui permettait de s’attacher à un vaisseau sur lequel il devait embarquer pendant une mission. Atlantis avait indiqué qu’ils allaient quitter la frégate pour disposer chacun de leur vaisseau lors de l’opération à venir, et, pour la première fois de sa vie, il ne ressentirait aucun regret en abandonnant un navire, se rendit-il compte en approchant la porte épaisse qui le séparait de ses deux coéquipiers.

Shanti entendit la cloison s’ouvrir derrière elle dans un souffle quasi-imperceptible, et ressentit la présence de son supérieur d’un coin de l’esprit, sans se dégager de son attention première. Le pilote semblait plus stable à présent, tremblant de temps à autre alors que son regard se perdait dans le lointain, la forçant à le ramener à la réalité.
-Tout va bien, Tom. Calme-toi, ne joue pas son jeu.
-Son jeu ? répondit-il faiblement.
-Atlantis, murmura-t-elle en le fixant du regard. Elle veut nous faire craquer. Tiens le coup. Ce n’est pas toi, et tu ne les as jamais connues jusqu’à il y a une demi-heure. Je ne sais pas qui elles sont, mais ce n’est pas à nous de les pleurer. Ca fait trop longtemps… il y aurait trop de monde.

Les documents étaient éparpillés tout autour d’elle, dans un ordre que nul autre n’aurait pu appréhender. Hologrammes, projections mentales, maquettes mobiles, verres mnémoniques, et même feuilles manuscrites étaient présentes, comme autant de reliques d’un temps connu mais oublié. Ceux et celles avant elle avaient conservé les souvenirs de cette époque, mais ceux-ci s’étaient progressivement estompés malgré la mémoire quasi-photographique de ses semblables. Les faits, les dates, les noms, étaient encore relativement bien connus (même si les spécialistes ne juraient que par la méconnaissance du public sur leur domaine), mais ils n’étaient que cela, et rien de plus.
L’ambition d’Aisa était de changer cette situation. Il fallait que le plus grand nombre comprenne plus que ne sache, ressente au lieu d’apprendre.
La révélation lui était venue lorsqu’elle avait cherché des renseignements supplémentaires pour l’un de ses romans. Le personnage historique qu’elle avait décidé d’inclure avait une histoire, une personnalité, et sa conscience lui disait de le respecter du mieux possible. Elle avait alors recherché ce qu’elle pouvait sur lui, tentant de le comprendre, de le cerner.
C’est là que les choses s’étaient compliquées.
Rapidement, il lui apparut que, pour le comprendre, elle devait mieux se renseigner sur ses proches, sur les évènements qui l’avaient forgé, qui en avaient fait l’homme d’Etat puis le criminel dont l’Histoire s’était souvenue. Elle s’exécuta, traça son portrait pour une courte scène, et reprit l’écriture de l’ouvrage, qui remporta un autre succès.
Mais celui-ci était creux, son intérêt ayant quitté ce texte des semaines auparavant. Elle ne pensait plus qu’à lui, et, logiquement, à sa famille, ses amis, ses ennemis, tous ceux et celles qui l’avaient influencé au cours de sa longue vie. Elle avait alors, après une longue réflexion, décidé d’entamer son Projet : rejeter le Tabou qui entourait l’époque et le personnage, au travers d’une fresque historique, composée d’autant de romans que nécessaire, dans lesquels elle témoignerait des individus derrière l’Histoire.
Ses relecteurs avaient voulu l’en dissuader, comme sa famille et ses amis, mais ils étaient arrivés trop tard, après deux premières années de recherche au sein des médiathèques les plus prestigieuses qui soient. Elle en avait appris suffisamment pour savoir qu’elle n’avait plus le droit de reculer, tant pour elle que pour tous ses lecteurs potentiels, et avait pris l’interface neuronale pour commencer son Œuvre. Celle qui la définirait plus que tous ses autres écrits.
Cent quarante années avaient passé, et avec elles, les craintes s’étaient transformées en opposition, en intérêt morbide, en menaces, en actions légales, en reconnaissances académiques vides de sens, et, dans une poignée de cas trop rares, en illumination. Certains avaient compris ce que la jeune femme avait fait de sa vie jusqu’à présent, enfermée avec ses archives, passant le plus clair de son temps à retrouver les témoignages des personnes les plus insignifiantes et à les cristalliser de façon romancée. Elle cherchait une réponse.
La réponse que, malgré leur sagesse, leur expérience et leur intelligence, les historiens et les dirigeants n’avaient jamais trouvé, n’ayant jamais accepté de se poser la vraie question.

Pourquoi ?
Pourquoi avaient-ils décidé, ensemble, alors qu’ils étaient des individus sensés, comme chacun, sans véritable traumatisme ayant pu détruire leur conception du sens moral, de l’éthique, pourquoi avaient-ils fait ce qu’ils avaient fait ? Pourquoi étaient-ils devenus ce que, des millénaires plus tard, chacun jugeait comme le point le plus bas de toute leur espèce ? Pourquoi ces actes ?
Elle ne comprenait pas, et cherchait cette réponse. La réponse au paradoxe qu’ils étaient, à la contradiction qu’ils représentaient par rapport à l’un des principes les plus fondamentaux de l’écriture et de sa connaissance des individus. Un principe trop souvent oublié lorsque l’on abordait les thèmes des responsables des plus grandes atrocités :
Nul n’est jamais mauvais dans sa propre histoire.


La voix de Maltez la ramena brusquement à la réalité, faisant écho aux émotions de son supérieur :
-Atlantis ! Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?!
-… Une action indispensable, commandant, répondit l’I.A.
-Pas de ces conneries avec moi. On n’est pas vos foutus jouets, alors vous allez nous dire, ici et maintenant, pourquoi vous démolissez mon équipe méthodiquement.
-Non, répondit posément la voix désincarnée.
-Atlantis, si vous voulez la guerre…
-… je la gagnerais instantanément, compléta-t-elle. Vous n’avez pas les moyens de me menacer, par le retrait de votre soutien ou quoi que ce soit d’autre. J’ai fait ce qui était requis pour éviter des développements inacceptables de la situation, et je continuerai sur cette voie tant que nécessaire.
-En torturant vos propres troupes ? demanda Shanti.
-Toute action militaire présente des pertes potentielles. Mes actions les limitent.
-Vous n’avez pas le droit de faire ça, lâcha brusquement Maltez.
-Commandant, s’il vous plait, vous n’êtes plus un…
-Non, Atlantis, l’interrompit-il. Vous n’avez pas le droit, légalement, de faire ça. Nous avons été enregistrés dans les bases de données comme des officiers Anciens.
-C’est vrai, reprit Shanti, en se rappelant quelques-uns des souvenirs qui lui avaient été imposés. Il y a des protections contre ça. Une entité artificielle est soumise aux mêmes règles que les biologiques, c’est ça.
-Tout à fait, lieutenant, continua son supérieur. Même si vous pouvez essayer de justifier ça par des impératifs militaires ou des excuses foireuses, c’est en opposition à votre code d’éthique. Ce même code qui vous a limité pendant la guerre contre les Wraith et dont Amoreth et je-ne-sais-pas-qui pour Shanti se souviennent. Cette supériorité morale que vos créateurs se sont toujours réservés…
-Commandant, répondit l’I.A., d’un ton agacé. Croyez-vous vraiment qu’il soit temps de…
-Oui, reprit Maltez. Oui, il est temps. Parce que vous allez trop loin ! Et maintenant, on sait que vous avez ce code et que même les apprenties Skynet sont programmées pour s’y plier… La prochaine fois, évitez de nous donner ce genre d’information si vous voulez nous manipuler.
-J’y penserai, répondit l’I.A. sans la moindre trace d’humour.
-Donc, expliquez-nous pourquoi vous avez fait ça ! En tant qu’officier le plus haut gradé de cette flotte, j’exige d’avoir ces informations !
-Non, commandant.
Maltez fut pris au dépourvu, ses nouveaux souvenirs lui ayant garanti le succès de sa tactique, mais ne perdit pas un instant pour répliquer :
-Indiquez-moi l’article du Code justifiant vos actions, Atlantis. Et expliquez le raisonnement ayant mené à cette conclusion. C’est un ordre direct en tant qu’officier des forces rattachées à la Cité d’Atlantis. Selon les règlements en vigueur, le non-suivi de cette demande vous implique dans le crime de baraterie, m’autorisant à vous relever de votre commandement.
-Très bien… commandant. Si vous voulez jouer à ce jeu, alors jouons. En vertu de l’Article neuf-cent quatre-vingt onze, alinéa six, paragraphe b, modifié en l’an huit cent cinq du quatrième cycle de la galaxie de Pégase, je revendique le droit de procéder à des formations militaires accélérées de personnel compatible en cas d’urgence et de non-disponibilité de personnel formé de façon conventionnelle. La date de dernière modification est postérieure à celle de décès de la source de vos souvenirs, mais vous pouvez vérifier la validité de mon affirmation dans la base de données juridique centrale. Cependant, le Code d’Ethique indique mon droit, pour de telles formations accélérées, de recourir aux moyens présentement employés.
-Mais…, commença Shanti.
-La ferme, lieutenant, aboya Maltez. Atlantis, sans accepter pour le moment le reste de vos arguments, l’utilisation de mémoires appartenant à des civils ne rentre pas dans le cadre de la formation militaire. De plus, le niveau d’urgence de la situation reste à prouver, puisque vous êtes en mesure d’engager des opérations tactiques de façon autonome.
-Effectivement, commandant. J’affirme cependant que l’urgence est présente, puisque, comme l’indique sans doute possible l’état psychologique actuel de votre groupe, une formation accélérée, militaire ou non, présente des effets secondaires nécessitant un temps de récupération non négligeable. J’ai donc pris ce temps en compte dans ma définition d’urgence, la condition de non-disponibilité de troupes alliées compétentes s’appliquant toujours. Il s’est avéré que, selon la planification stratégique, pour laquelle vous avez été informé à votre niveau de responsabilité opérationnelle, une expédition en territoire potentiellement hostile est inévitable à court-terme. Etant donné la distance impliquée, le manque notable d’installations de relais et la possibilité de brouillage par les forces locales, vous et vos subordonnés serez éventuellement amenés à devoir utiliser vos vaisseaux de façon entièrement autonome. L’urgence est donc définie.
-Et pour les souvenirs civils ? Quelle est votre justification ?
-Cette information est classifiée en tant qu’action stratégique, et ne peut pas être invoquée dans le cas d’une procédure légale pour la durée de la campagne en cours sans la présence d’officiers généraux habilités.
-Ou de décisionnaires civils des deux premiers rangs, indiqua Maltez, en puisant dans des souvenirs obscurs qu’éclairaient la base de données à laquelle il accédait silencieusement.
-Oui.
-Dans ce cas, le docteur Daniel Jackson est en mesure de participer à cette procédure, dans sa position actuelle. Selon le protocole, il est assimilable à un responsable du deuxième rang.
-Oui, lâcha sèchement Atlantis.
-Donc, je peux légalement demander son intervention dans cette procédure, et vous seriez tenue de l’en informer ?
-Oui. Essayez-vous de me faire chanter, commandant Maltez ? Car, si tel est le cas, je vous assure que nous y perdrions tous les deux, et vous beaucoup plus que moi.
-Je ne vous fais pas chanter, Atlantis. Je défends mes troupes, et je fixe la ligne. Que ce soit très clair : pour l’instant, les seules informations qu’on a sur cette menace, sur cette Hagalaz et ses intentions, elles viennent de vous. Vous pourriez nous mentir, on n’en aurait aucune idée, et vu vos moyens, le vaisseau qui s’est payé le Bellérophon, cette prison de dingues, ça pourrait être vous, depuis le début. Ce risque pour la Voie Lactée, ces Ori, ça pourrait juste être de quoi nous tenir à carreau. J’en sais rien, et vous ne pouvez pas nous le prouver : on sait très bien vous et moi que vous pouvez trafiquer n’importe quoi. Vous vous en êtes même vantée avec votre plan.
-Effectivement. Où voulez-vous en venir, commandant ?
-Que si vous voulez qu’on bosse pour vous, il va falloir qu’on se fasse confiance. Qu’on vous fasse confiance. En tout cas, assez pour ne pas se dire qu’il est temps de voir si vous bluffez ou pas avec Jackson et tout le reste.
-La session peut débuter, lança silencieusement la secrétaire de l’assemblée, mettant fin aux tintamarres acoustiques, télépathiques et empathiques qui avaient empli la salle depuis l’arrivée des premiers représentants.
Clotho se décontracta, soupirant silencieusement avant de sonder discrètement les émotions de surface du reste de la petite congrégation. Comme une poignée des personnes présentes, elle était une professionnelle, l’une des rares personnes à avoir décidé de faire de la politique sa carrière, là où les autres n’étaient là que par des concours de circonstances ou à cause d’une situation ayant requis leurs compétences particulières.
Son propre statut était difficile à définir, comme l’ensemble de la politique de sa Cité et de ses Sœurs. Dans une semi-autonomie ayant découlé de la spécialisation que s’étaient données les Cités, celles-ci disposaient chacune de leur système politique décisionnel propre. Et aucun n’était identique aux autres, très loin de là. De là était venu, malgré une réticence générale, le besoin de personnes dont la fonction était de rester informées des développements de chaque système, tant au niveau structurel qu’au niveau individuel.
Secrétaire de l’assemblée extérieure d’Aïenlantis, elle était parfaitement au fait de toutes les subtilités du corps politique auquel elle était rattachée, et continuait d’apprendre ce qu’elle pouvait sur les rouages des autres corps politiques de sa Cité et des autres.
En observant les débats commencer et prendre leur structure atemporelle caractéristique aux conversations entre individus doués de prescience d’imminence, elle se demanda à nouveau si le système n’aurait pas pu être plus simple. Si, au lieu de dépendre d’une demi-douzaine d’assemblées aux rapports légaux si complexes qu’ils occupaient souvent l’I.A. de la Cité, ils n’auraient pas pu se limiter à un ou deux corps, voire à une démocratie pure, à l’image de celle adoptée par les artistes et inventeurs de Taralantis.
Son attention se redirigea sur l’un des représentants, une intuition moins diffuse qu’à l’ordinaire lui suggérant qu’il s’apprêtait à prendre la parole pour défendre une nouvelle augmentation de la part de ressources allouée aux efforts de recherche sur l’Ascension. L’instant d’après, la personne prévue prit la parole, et un mauvais pressentiment (celui catalogué comme « anticipation de l’échec », elle en était presque certaine) lui indiqua que son choix de mots serait malheureux, et conduirait à ce que l’intervention soit rayée des débats dans les minutes qui suivraient.
Non, les décisions étaient complexes, et, pour une Cité au rôle aussi central qu’Aïenlantis, presqu’aussi importante qu’Atlantis elle-même, il était impensable de rajouter au chaos en impliquant tous les individus. Le système n’était peut-être pas toujours parfait, mais il avait été suffisamment raffiné au cours des millénaires pour être acceptable dans cette configuration. Peut-être en le complexifiant davantage obtiendrait-on de meilleurs résultats, ou bien la solution se trouvait-elle dans la simplification ? Toujours était-il que la Cité gérait encore une quantité impensable de moyens et d’individus, soulevant chaque jour des questions dont il avait été décidé de tenir écartées les intelligences artificielles.
Ses semblables devaient assumer leurs responsabilités, et elles étaient complexes. Et les conséquences de mauvaises décisions étaient trop importantes pour pécher par optimisme. Suffisamment de catastrophes avaient trouvé leur origine dans un raisonnement bâclé pour que soit prise la moindre chance de ne pas réfléchir assez.
Et c’était son travail que de protéger le système et ses valeurs.


-… Je vois. Et comment ce niveau de confiance pourrait-il être atteint, commandant ?
-Prévenez-nous quand vous voulez faire ce genre de trucs ! Expliquez-nous à quoi ça va servir. On aimerait bien ne pas être totalement dans l’ombre, même si on n’est plus grand-chose d’autre que des pions. Et faites quelque chose pour Tom ! Pourquoi est-ce qu’il réagit comme ça ?
-En plus d’une expérience militaire adéquate, il m’est apparu indispensable de le faire passer par des évènements comme ceux que le lieutenant Bhosle a pu connaitre sur Dakara ou bien vous-même lors de vos opérations pour le SGC.
-Vous voulez quoi ? Qu’il ait le PTSD ?! C’est ça, vous voulez le traumatiser, espèce de…
-Commandant ! l’interrompit Atlantis, sa voix furieuse pour la première fois de la conversation furieuse. J’aurais dû le faire dès le début ! Vous avez vu ce qui est arrivé au lieutenant Bhosle et les conséquences qui en ont résulté. Vous ne pouvez plus vous permettre ça. Si le lieutenant Campbell doit attendre de subir une telle expérience au cours d’une de ses missions, il n’y survivra pas ! Et vous non plus, si vous êtes à proximité !

Maltez soupira lentement.
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Ceci est le troisième post lié à ce chapitre (oui, il est long), donc remontez plus haut pour ne pas être perdus. Merci.



-------------------


Van’Tet observa une nouvelle fois les alentours, dans une démonstration de saine paranoïa inculquée par ses formateurs. Le jaffa avait réussi à se séparer du reste des mercenaires, mais savait devoir faire particulièrement attention alors qu’il s’orientait dans la petite ville située non loin de la Porte. La mission pour laquelle lui et le reste du groupe étaient venus n’avait pas encore débuté, grâce à l’habitude de ses supérieurs d’arriver plus tôt qu’indiqué dans le contrat.
Un comportement qui, s’il devait en croire les autres, avait permis de déjouer plus de pièges et d’embuscades qu’il ne pouvait compter. L’information avait eu son effet, lui rappelant qu’en plus des habituels contrats fournis par des riches particuliers et des gouvernements désireux de ne pas se salir les mains, les groupes de mercenaires menaient une guerre souterraine les uns contre les autres. Et l’organisation dans laquelle il se trouvait désormais était une cible de valeur, justifiant pour d’autres forces de lancer des faux contrats dans lesquels les troupes aux ordres de Vala Mal’Doran se verraient attendues par des forces plus nombreuses, voire un soutien orbital hostile. Mais les premières reconnaissances menées sur le lieu de la mission avaient apparemment confirmé l’authenticité du contrat, et la force principale était arrivée.
Deux jours plus tôt que prévu, au cas où la mission d’observation se soit trompée.
Une opportunité qu’il avait immédiatement reconnue comme telle et que le jaffa comptait exploiter pour poursuivre sa mission. Parti en urgence, dans des conditions catastrophiques, il n’avait pu préparer ni matériel ni contacts et avait improvisé à chaque nouveau développement. Ce qu’il faisait à présent, glanant autant d’informations que possible sur la ville où il se trouvait désormais.
En quelques heures et une poignée de questions posées aux bonnes personnes dans la bonne situation (soit relativement ivres), le jaffa s’était fait une petite idée de la structure sociale de la bourgade. Et, surtout, des noms des différents commerçants et notables qui avaient absolument besoin de pouvoir communiquer à grande distance sans devoir se soumettre aux délais des messagers conventionnels.
Parmi ceux-ci, il avait rapidement éliminé l’ensemble des individus liés aux corporations Hébridanes ou pouvant être des devantures pour les activités de l’Alliance Luxienne. Les premiers ne disposeraient pas du matériel dont il avait besoin, et les seconds intercepteraient sans le moindre doute son message. Il s’était retrouvé limité à une poignée d’individus, dont les activités commerciales se limitaient apparemment aux planètes de la Nation Jaffa et leurs voisines, occupées par des humains exilés.
Se retournant une fois de plus, il s’assura que personne dans la rue mal pavée ne le suivait avant de continuer sa route. Très légèrement rassuré, il reprit son chemin, marchant d’un pas discret dans la ville clairsemée.
Il n’avait eu aucune chance de remarquer la silhouette qui, à plusieurs centaines de mètres de là, l’observait à travers des jumelles militaires terriennes, un micro directionnel pointé dans sa direction.
Après avoir demandé son chemin à plusieurs civils, Van’Tet arriva finalement en vue de sa destination : un commerce de pièces détachées et de matériel d’occasion. Pendant quelques instants, il s’arrêta devant la devanture, surveillée par un adolescent tenant une lance largement plus grande que lui. Le jaffa était certain de pouvoir neutraliser le simili-garde si besoin était, et lui adressa un bref signe de tête auquel le jeune répondit avec hésitation avant de s’approcher de lui :
-Je peux vous aider ? demanda l’adolescent en retirant sa main gauche de l’arme, qui vacilla quelques instants avant de retrouver son équilibre, après un effort probablement douloureux du poignet de l’adolescent.
-Je cherche des cristaux de contrôle pour Tel’tak, ceux de navigation. Est-ce que ton maître en a ici ?
-Je ne sais pas, répondit-il après quelques instants de silence, sous le traditionnel regard fixe qu’un jaffa était entrainé à réserver aux apprentis en formation. Il faudrait demander à Rossen. Mon oncle, clarifia-t-il. Il tient le magasin.
-Très bien. Va, dit le jaffa en regardant le jeune devant lui hésiter.
Malgré son jeune âge et son expérience limitée du combat, Van’Tet regarda le gamin filer avec un regard désapprobateur. En voyant la posture de celui-ci, sa manière de tenir l’arme et une infinité d’autres détails, il voyait un exemple parfait des « faibles humains » décrits avec mépris par Gerak et ses partisans. Une vision qu’il ne partageait pas, ou du moins pas avec le même absolutisme que nombre de ses frères d’armes.
Quelques instants plus tard, l’adolescent revint, accompagné cette fois d’un humain plus âgé et à la posture plus alerte. Aussitôt, le jaffa l’évalua du regard, décelant chez le commerçant quelqu’un qu’il ne serait pas surpris de voir manipuler correctement une arme.
-Bienvenue, dit-il avec un sourire et une légère inclinaison de la tête. Mon neveu me dit que vous cherchez des cristaux de contrôle.
-Oui.
-J’ai sûrement ceux que vous cherchez, répondit-il en lui faisant signe de le suivre à l’intérieur de l’échoppe. Un modèle en particulier, ou peut-être avez-vous celui que vous voulez remplacer sur vous ?
-Je ne sais pas, il faudrait que je voie dans l’arrière-boutique pour le reconnaitre… dit le jaffa.
-Je ne suis pas sûr d’y avoir ce que vous pourriez chercher, répondit l’homme, instantanément alerte. J’y stocke surtout du matériel pour Planeur, rien d’utilisé par les vaisseaux habituels. Sûrement je dois avoir ces cristaux dans un rayonnage.
-Je ne sais pas, mon transport a été assez modifié, et je… n’ai pas apporté la pièce défectueuse. Peut-être qu’en… fit-il semblant d’hésiter. Avez-vous une sphère de communication ?
-Peut-être, répondit le commerçant, suspicieux, en reculant très lentement vers son bureau. Que voudriez-vous faire avec ?
-Juste contacter l’un de mes compagnons de voyage, en charge des réparations. Il pourrait m’indiquer le type précis de cristal à récupérer.
-Vous pourriez m’indiquer les réglages à faire, et je les appellerais de votre part pour leur demander l’information, si vous voulez, proposa-t-il.
-Ils ne répondraient pas à un inconnu, et mes consignes sont d’éviter de mêler d’autres personnes à notre travail.
-Dans ce cas, je suis dé… commença-t-il avant d’être interrompu par Van’Tet.
-Je suis sûr que nous pouvons nous arranger, dit celui-ci en mettant la main dans l’une de ces poches.
Aussitôt, le commerçant plongea derrière son bureau et ressortit de sa couverture avec un zat’nik’tel dans les mains, pointé sur Van’Tet, qui, très lentement, acheva son geste et sortit une petite bourse :
-Je voudrais juste utiliser votre communicateur. Rien de plus, et vous ne me reverrez plus.
-Combien ?
-Six cent.
-Ne bougez pas, dit-il en reculant, sans quitter le jaffa du regard, jusqu’à atteindre un mur derrière lui.
Il tâtonna le rayonnage jusqu’à trouver une boite ornée qu’il souleva avec un effort visible par le dessous, avant de revenir la poser sur le bureau avec un bruit lourd.
-Sphère de communication moyenne portée, presque jamais servie. Je la vendrais cinq cent cinquante, normalement, mais je prendrai les six cent.
-…Très bien, répondit Van’Tet en avançant lentement avant de poser la bourse, ouverte, sur le bureau.
D’un geste délicat, le regard fixé sur le commerçant, il ouvrit la boite et vérifia en un instant qu’elle contenait le matériel de communication dont il avait besoin. Refermant le container, il vida délicatement la bourse sur le bureau et pris son achat sous le bras avant de se diriger vers la sortie, sans un mot.
-La prochaine fois, dit le commerçant, qui tenait toujours son arme, sans prêter attention aux pièces devant lui, dites ce que vous voulez directement. Ca nous évitera à tous beaucoup d’ennuis. Et vous aurez un peu moins l’air d’un espion amateur.
Van’Tet ne répondit pas, sachant que l’homme avait parfaitement raison. Il aurait dû dès le départ chercher à acheter le matériel dont il avait besoin, plutôt que de se lancer dans un plan complexe pour n’y avoir un accès à peine temporaire et hautement suspect.

Il lui restait encore beaucoup à apprendre, avait-il conclu en se mettant à chercher un endroit suffisamment isolé pour pouvoir envoyer son premier rapport. Il ne remarqua pas à un seul moment la figure allongée sur un toit, qui, ayant suivi l’ensemble de la rencontre depuis son point d’observation, retenait avec difficulté un ricanement devant l’amateurisme du jaffa.
D’un geste, Suessi activa un communicateur de petite taille, et murmura :
-Patronne, il est allé exactement là où vous l’aviez prévu. Un peu en avance sur l’horaire, mais il a le communicateur.
-Parfait, répondit la voix de Vala dans l’oreillette. Ton avis ?
-Il est encore plus pathétique que je ne l’imaginais. Si c’est ça, le standard de leurs espions, on est à l’abri pour un bon bout de temps.
-Bah, laisse-lui un peu de temps ! C’est un gamin, il faut qu’il apprenne le métier.
-A ce propos, tu es vraiment sûre, pour après ? Je veux dire, une fois qu’il aura envoyé son message.
-Totalement. On a tout à gagner avec lui dans la place. Tu continue à le suivre jusqu’au rendez-vous ?
-Pas de souci. Terminé, conclut-elle avant de couper la communication.
Elle observa le jaffa quitter son champ de vision, passant dans une ruelle écartée, et son attention se reporta aussitôt sur un petit projecteur holographique affichant le plan du quartier. Le dédale de rues était affiché clairement, et, par une simple manipulation, elle pouvait avoir accès aux plans des bâtiments. L’engin, acheté suffisamment cher auprès d’un employé indiscret d’une corporation hébridane, était efficace et totalement passif, recevant le signal émis par un mouchard dans l’armure du jaffa. La mercenaire observa quelques instants le point indiquant la position de l’espion, et attendit que le logiciel spécialisé lui indique une route à suivre pour rester en vue de sa cible.
Elle se leva alors lentement et se dirigea vers le bord du toit, où elle déploya une échelle télescopique avant de descendre derrière la petite bâtisse qui lui avait servi de point d’observation.
Son matériel rangé, Suessi se mêla rapidement à la foule pour se diriger vers sa nouvelle destination, d’où elle pourrait suivre le chemin de Van’Tet. Une fois celui-ci persuadé d’être en mesure de transmettre son rapport, elle pourrait enregistrer chacun de ses mots pour être certaine de ses intentions.
Une précaution sûrement inutile, le rapport étant transmis par un communicateur qu’elle avait elle-même vendu deux heures plus tôt au marchand, de même qu’à quelques autres en ville. Mais tant sa supérieure que l’expérience lui avaient appris à ne pas se limiter à une approche pour son objectif.

La redondance était la meilleure amie des plans réussis –juste après un soutien aérien rapproché.


L’I.A. ne s’était plus manifestée activement depuis la fin de l’incartade, même si elle restait présente, tel un bruit de fond, dans le chaos qu’étaient les liens empathiques connectant le trio. Maltez s’était rapidement rendu près de ses deux subordonnés, son attention s’attardant sur le pilote.
-N’importe quoi, murmura l’officier en regardant Campbell. Elle va vraiment avoir notre peau… Ca va, Tom ?
-Je… on fait aller, commandant.
-Merde ! grogna l’officier. Quelqu’un a une idée de ce qu’elle compte faire, maintenant ?
-Aucune, répondit Shanti. Ca m’a pris par surprise, comme pour vous et Tom.
Son regard revint vers le pilote, qui avait toujours l’air légèrement hagard.
-Elle veut nous casser, hein ? dit celui-ci, prononçant lentement ses mots.
-Probablement, répondit Maltez. En tout cas, c’est ce qu’elle compte faire avec vous deux. Vous traumatiser. Vous… durcir.
-Nous deux ? s’étonna la jeune femme.
-Oui, lieutenant. Plus j’y pense, plus je me dis qu’elle n’est pas extérieure à ce qui vous est arrivé sur Dakara. Ou près des ruines, avec ces saletés de robots. Je ne sais pas ce qu’elle compte nous faire faire, mais elle veut que vous ayez bien souffert avant. Peut-être pour ce qu’elle raconte…
-Pour qu’on soit désensibilisés ? demanda Campbell.
-En quelque sorte. Toujours est-il, ce qui s’est passé là-bas, quand vous avez perdu le contrôle, lieutenant, dit-il en se tournant vers Shanti, il y a eu trop de coïncidences. L’incident pendant l’infiltration, les jaffa qui réagissent très vite et avec beaucoup de monde, les nanites qui pètent un câble… Elle pourrait en être responsable, au moins en partie.
-Juste pour nous entrainer… souffla le pilote en regardant Shanti. Dans quoi est-ce qu’elle compte nous balancer pour te faire subir ça ?
Elle tremblait, partagée entre la colère et le désespoir, serrant les dents :
-Combien… combien j’ai tué de jaffa ?
-Je…
-Cent dix-neuf, dit-elle brusquement, interrompant Campbell. Cent dix-neuf morts, juste pour les soldats. Et juste pour me traumatiser ? Pour me former ?! Atlantis ! l’appela-t-elle, criant à présent, est-ce que c’est vrai ?! C’était pour me blesser, comme pour Tom ?! Pour ça que vous me les avez fait tuer ?!
-Il est évident, lieutenant Bhosle, que, quelque soit ma réponse, répondit la voix désincarnée, vous ne l’accepteriez pas. Cependant, par respect à votre égard, je répondrai quand même. Ces morts ne faisaient pas partie de ma planification opérationnelle. Je n’ai pas eu l’intention de causer de tels dégâts collatéraux, qui sont inutiles, comme le prouve notre situation actuelle.
-Pourquoi, Atlantis ? demanda Campbell.
-Il me semble que votre supérieur a déjà répondu à cette question. Ma responsabilité envers vous est de vous préparer aux différentes éventualités, et à ne pas détruire toute chance de victoire en laissant votre esprit montrer ses faiblesses à un moment inopportun.
-Non… c’est… gratuit… Est-ce que vous avez la moindre idée… commença-t-il avant d’être interrompu par l’I.A.
-de ce que peuvent contenir ces souvenirs ? Oui. Ceux-là, ainsi que des centaines, des milliers d’autres, laissés par des soldats ayant survécu des décennies durant à une guerre sans espoir. J’ai vu ces mêmes soldats se faire tuer, parfois en suivant mes ordres, parfois lorsque j’étais juste incapable d’agir à suffisamment d’endroits à la fois. J’ai vécu infiniment plus longtemps que vous, lieutenant. Tant d’un point de vue absolu que relatif. Vous ne savez rien.
-Même ! Pourquoi celui-là ?
-Parce que les souvenirs que j’ai choisis pour vous sont les moins traumatisants qui soient parmi ceux qui remplissent les critères de violence nécessaires. Je ne m’attends pas à ce que vous compreniez, lieutenant. Pas maintenant. Mais, à plus long-terme, vous me remercierez.
-Vous êtes tarée…
-Non, lieutenant Campbell. Juste particulièrement lucide.
-Allez vous faire foutre, souffla-t-il d’une voix posée.
-Désolé, répondit-elle. Il reste trop de choses à faire pour le moment.
-Pourquoi ? intervint Maltez.
-Pas vous, commandant, lâcha l’I.A., lassée. Je croyais que vous aviez compris de quoi il retournait. Dois-je vous réexpliquer ce que vous avez-vous-même dit à vos subordonnés il y a quelques minutes ?
-Non. Ce que je veux toujours savoir, c’est ce que ces civils ont à voir avec notre situation. Pour les autres, je comprends. Qu’on soit bien clairs, je n’accepte pas ça et vous pouvez être sûre que je me souviendrai ce que vous avez fait subir à mes subordonnés, mais je comprends ce que vous voulez faire. Par contre, ce que je ne comprends pas, c’est ces autres mémoires. A quoi va me servir la vie d’un bureaucrate pour neutraliser Hagalaz ?
-Je vous l’expliquerai en temps voulu.
-Et pourquoi pas maintenant ?
-Parce que votre connaissance prématurée de leur usage ruinerait tout ce qui a justifié cette dernière heure. Pour qu’ils soient utiles, ces souvenirs doivent être vécus tels quels.
-Une autre manipulation psychologique, c’est ça ?
-Exactement, commandant. Mais qui est peut-être plus importante encore que tout le reste. En fait, pour être plus claire, si je ne parviens pas à l’objectif désiré, je serai forcée de mettre fin à notre association.
-…
Maltez se tut devant la menace à peine voilée. L’espace d’un instant, il inspira, comme pour commencer à parler, puis se ravisa, avant de se tourner vers Shanti. Il vit celle-ci aider le pilote à se redresser, le regard de la jeune femme trahissant aussi bien son stress que ne le faisait tout son langage corporel.
-Très bien, conclut-il finalement, sa colère à peine contenue. Si ça doit se terminer comme ça… Est-ce que les pions ont encore voix au chapitre quelque part ?
-Bien sûr, commandant, reprit Atlantis. Tant que cela n’interfère pas avec nos objectifs, je ferai de mon mieux pour satisfaire vos desiderata, comme je vous l’ai déjà indiqué auparavant.
-Prison dorée…
-Oui, si ce n’est que vous avez bien plus de libertés que vous ne semblez le croire. Je m’étonne d’ailleurs que vous ne m’ayez pas soumis de demandes quelconques autres que celles relevant du confort élémentaire.
-On avait autre chose en tête, dit l’officier avant de reporter brusquement son attention sur Shanti, qu’il sentit passer quelques instants dans un état second.

Elle prit son temps, cette nuit-là, observant d’un air détaché l’immense étendue obscure qu’était l’océan recouvrant la quasi-totalité de la planète. Celle-ci, jeune, n’avait pas encore vu se développer de vie plus avancée que des cellules élémentaires, et le paysage appartenait entièrement à Làkhesis.
Pour encore quelques instants.
Silencieusement, elle se retourna et lança le signal mental à la petite station qui orbitait autour de la sphère bleutée, et la beauté de la mer infinie fut remplacée par celle du vide interplanétaire. Habituée à ce spectacle particulier, pourtant peu différent de celui qu’elle avait abandonné avec quelque mélancolie, elle quitta le dôme panoramique et commença son chemin de retour vers les entrailles de l’installation d’observation.
Traversant d’un pas léger les coursives lumineuses, elle se rendit finalement à sa destination, l’un des centres de recherche qui classifiait les êtres ayant vu le jour sur l’astre isolé. Elle fit un signe d’esprit bref aux autres membres de son groupe, et s’installa à sa station de travail, où l’attendaient plusieurs documents. Plusieurs minutes durant, elle parcourut de façon inattentive une série de rapports et d’essais réalisés, pour partie, par les personnes autour d’elle. Le jargon utilisé par les métabiologistes était progressivement rentré dans son vocabulaire, se rajoutant à tant d’autres sous-langages spécialisés qui avaient été développés au cours des millénaires par les différentes communautés scientifiques. Ceux-ci correspondaient à des manières de penser, de s’organiser, de lier entre eux les concepts, et étaient indispensable à tout individu cherchant à aller au-delà de la simple vulgarisation ou simplification abusive.
On pouvait se contenter de la langue commune pour expliquer à un enfant le fonctionnement du réacteur à fusion alimentant ses jouets pour qu’il puisse le réparer sans déranger sa famille, mais pour les vrais domaines de recherche, il fallait apprendre à penser correctement avant même de vouloir ouvrir les premiers livres.
D’où son choix de spécialité peu orthodoxe en sortant de son tutorat : l’absence-même de spécialité. Elle avait, par une curiosité aussi insatiable que dénuée de passion, abordé les différentes branches de la science de ses semblables, apprenant leurs langages, leurs coutumes, leurs façons de penser. Jamais elle n’avait été à la pointe de son domaine du moment, mais elle pouvait se targuer d’avoir facilité des percées qu’elle ne comprenait qu’à peine. Iconoclaste, Làkhesis appliquait les raisonnements de la dynamique interstellaire dans la sociologie des intelligences émergentes. L’abduction conventionnelle des programmeurs temporels se retrouvait au milieu du développement d’une théorie probabiliste.
Rapidement lassée, elle quittait un domaine après quelques projets, cherchant moins un objectif de recherche que des individus à rencontrer, à découvrir, dont elle pourrait comprendre la façon de penser.
Et mettre en contact lorsque son intuition – ou sa prescience – lui disait que la solution à un problème devait être cherchée ailleurs.
Le rapport était, pour majorité, de ce jeune langage, à peine multimillénaire, de la branche néo-réformatrice des ingénieurs xénobiologistes, et elle se concentrait sur le sens global de ce qu’elle ressentait dans le document immatériel que lui transmettait son interface. Elle n’aurait pu, sans des décennies d’études lassantes, comprendre le raisonnement précis qui faisait le génie des hypothèses proposée, et elle n’était pas intéressée par cela.
En revanche, son esprit fut attiré par la manière dont les preuves étaient agencées, de la façon dont les conditions expérimentales semblaient remettre en cause certains des postulats. Les émotions étaient semblables à celles ressenties à peine soixante ans plus tôt, lors de sa période de philosophie spéculative, et une série de visages s’imposa à elle, lui rappelant d’autres souvenirs.
Elle passa un appel.


Shanti vit Maltez s’approcher d’elle rapidement alors qu’elle perdait l’équilibre, réussissant à la retenir avant que le poids du pilote ne la fasse basculer.
-Merci, souffla-t-elle.
-Pas de quoi, lieutenant, pas de quoi…
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Blackeagle »

Comme d'hab, dès que je commence à lire un nouveau chapitre, je me "déconnecte" du monde réel.

Merci pour ces moments de lecture Rufus, par contre prends ton temps, je suis encore loin. Il me sera bien difficile de te rattraper si tu publies tes chapitres aussi rapidemment xD
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Rufus Shinra »

Merchi du comm' ! Et ne t'inquiète pas pour une "publication rapide", vu que chaque chapitre me prends au bas mot trois semaines (une semaine de glande où je me dis que ça va, je vais m'y mettre tout de suite, une semaine de réflexion en me rasant le matin (comme les grands de ce monde, à ce qu'on raconte :-P), une semaine de sprint pour tenir mes délais auto-imposés). Là, je publie de façon hebdomadaire sur SGF parce que le Docteur a bien voulu me prêter son Tardis. Ou alors parce que j'en suis à la rédaction de l'épilogue, là (après le chapitre 26), et qu'il fallait bien rattraper le lourd retard de publication sur ce forum par rapport à l'Autre.

D'ailleurs, n'hésites pas à mettre tes suggestions sur ce qui te semblerait à développer ou à améliorer sur le topic correspondant de l'Autre Forum. ^_^
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Re: Effet Papillon ~ Tome II

Message non lu par Blackeagle »

CITATION Et ne t'inquiète pas pour une "publication rapide", vu que chaque chapitre me prends au bas mot trois semaines
Trop peu de temps libre en conséquence, et selon mon emploi du temps, cela va très vite :lol:
CITATION D'ailleurs, n'hésites pas à mettre tes suggestions sur ce qui te semblerait à développer ou à améliorer sur le topic correspondant de l'Autre Forum. ^_^
Je le ferai dès que possible (j'ai peut-être une ou deux suggestions, mais ce ne sont que des détails). Mais il est vrai que je suis peu présent depuis quelques temps, même sur l'Autre Forum :(
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