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(lebreton,Mercredi 25 Novembre 2015 16h21)
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( Rufus)
Un poil plus compliqué que ça...
Alors j'aimerai bien une explication sur ton message stp, sans partir dans les poneys et autres trolls si c'est possible
Oki.
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Les rebelles se font pilonner par les Russes, on parle de TOUS les rebelles anti-Assad, les russes ne font pas de distinction entre Daesh et les autres.
Comme il a été abattu par l'aviation turque (ce que me fait un peu rire d'ailleurs, un pays comme la Turquie qui abat un avion de la Grande Russie), cela veut dire que les rebelles sont donc pro-turc.
Donc en gros les turcs sont pro-rebelles, et après on s'étonne qu'ils n'aient pas aidés les kurdes à Kobané rolleyes.gif
Les Turcs jouent vraiment gros dans cette histoire, je vois moi aussi les USA voir l'Europe fournir armes et soutien aux kurdes, encore de belles pages de guerre froide à écrire... sad.gif
Car oui, il ne faut pas oublier que derrière tout ça, c'est encore et toujours une guerre USA-Russie, les deux pays qui pourrissent le monde depuis plus de 70 ans
Ce qu'il faut comprendre, c'est que
tout le monde a plus ou moins ses poulains dans l'affaire. Les US cherchaient initialement à maintenir le conflit pour accentuer la pression sur l'Iran, qui a probablement dépensé plus que tout le monde pour protéger leur investissement chez Assad et éviter d'avoir une bande d'abrutis bien installés sur leur frontière Irakienne. Les Russes ont aussi un investissement chez Assad, mais différent : c'est moins de l'autoprotection préventive que de la défense d'un avantage stratégique, à savoir leur base militaire.
Tu rajoutes ensuite le bordel immense de tous les acteurs locaux. Al-Qaeda cherche à se refaire une réputation, et à pourrir un pays qui avait plus ou moins la compétence pour tenir les minorités à carreau. Les rebelles "modérés" se font exploser et cherchent plus à survivre qu'autre chose, sans vraie compétence. Les Kurdes, probablement les moins psychotiques du lot (ils le sont un peu, comme tout le monde, je te rassure), essaient de repousser les malades mentaux d'ISIS tout en étant dos au mur côté Turquie, qui est dirigée par Erdogan, dont le fantasme est de retrouver un Empire Ottoman "comme au bon vieux temps". Après, Erdogan, son objectif, c'est pourrir Assad pour faire de la Syrie un protectorat ou un dominion Turc, mais aussi de casser du Kurde autant que possible. Donc il soutient en douce ISIS, achète leur pétrole brut à bas prix, laisse leurs soldats se poser dans les villes frontalières, permet le trafic d'armes et le passage de recrues.
Assad, il joue une demi-douzaine de jeux avec pour objectif principal de survivre. Il a les Russes et les Iraniens qui cherchent à le protéger, mais qui ont des ressources limitées au niveau financier et politique empêchant un investissement majeur chez lui. En parallèle, il a plusieurs dizaines de factions mineures et majeures se battant sur son territoire, la plupart se détestant autant qu'elles le détestent lui. Ses ressources sont limitées, alors il est régulièrement forcé de passer des accords en douce avec certains rebelles et avec ISIS pour, par exemple, leur acheter du pétrole alors même qu'il se bat contre eux. Et ensuite, t'as l'OTAN qui fout la merde à sa manière.
Au début, on avait une situation avec un "dictateur sanguinaire" qui pourrit la gueule aux civils, avec des barils explosifs et des armes chimiques utilisées sans gros discernement pour soutenir des forces pas non plus bien ravitaillées et motivées, et ça, ça énerve le gros bestiau occidental. Donc il fait des concessions alors que les rebelles gagnent du terrain, et il tente une stratégie impliquant de conserver autant de terrain que possible en attendant la cavalerie, et en évitant une intervention occidentale.
Après, t'as les pays du Golfe, les tarés religieux qui financent chacun leurs propres islamistes, qui ont du fric, du pétrole, et qu'on ne peut pas pour l'instant pourrir (pour l'instant, l'OTAN se désengage à fond du pétrole local pour ne plus avoir à supporter ces connards).
L'OTAN elle-même tente de soutenir différents groupes, certains pour prolonger le conflit et faire grimper le coût payé par les rivaux géostratégiques, certains pour essayer d'avoir un protectorat obéissant dans l'après-guerre, certains - les Kurdes - parce qu'ils sont les moins psychotiques et que certains trouvent que ce serait bien de protéger ce qui est une espèce en voie de disparition maintenant que les gouvernements Turcs et Israéliens ont abandonné toute illusion de rationalité.
Et puis tu as le gros problème, à savoir ISIS. Ils ont très bien joué leurs cartes et ont établi une base industrielle, communicationnelle et administrative suffisante pour être à peu près autosuffisants, et ils font chier
tout le monde, jusqu'à Al-Qaeda et le Hamas. Ils passent de temps en temps des cessez-le-feu de pure mauvaise foi avec Assad pour casser un groupe quelconque de rebelles, mais ils sont organisés, ambitieux et moins vulnérables à l'attrition grâce à leurs contingents de combattants étrangers.
Les US et la Russie, là-dedans, ils sont dans la périphérie, des acteurs pas particulièrement plus impliqués que les autres, finançant leurs groupes préférés dans le merdier innommable qu'est devenu la Syrie. Tout le monde a plus ou moins décidé d'éviter une intervention massive, en particulier au sol, parce que les 'Ricains ont finalement compris que la fantasme néoconservateur de construction d'une démocratie libérale au Moyen-Orient, c'est de la merde.
En 2011, on a essayé une autre variante, à savoir de soutenir des rebelles locaux pour les laisser établir quelque chose. Le résultat est assez foireux, mais infiniment moins que l'Irak. Mais, ouais, ça n'a pas fonctionné au niveau politique. Au niveau financier, par contre, on s'est fait un maximum de blé, donc c'est pas non plus un échec complet, les ventes du Rafale en témoignent. Là, par contre, on n'a pas de grosse motivation financière pour bombarder Assad, donc, on reste dans notre coin, on essaie de voir ce qu'on peut faire avec les réfugiés, et ça s'arrête là.
Et puis viennent les deux attentats, celui au-dessus du Sinaï et celui de Paris. Là, les choses changent. OK, c'était marrant de voir les demeurés se faire leur guerre de Trente Ans, avec 400 ans de retard sur l'Europe, mais soudainement, ces cons viennent nous emmerder chez nous, et ça, bah c'est pas acceptable. Point final.
Et, joie, les Russes ont eu encore plus de morts que nous, et sont passablement furax. Donc, la France, avec sa tradition d'indépendance stratégique, est dans une situation absolument
parfaite, pour tendre la main à Poutine pour une séance de diplomatie de la canonnière à l'ancienne. Assad hurle de joie, parce que maintenant, l'ensemble de la planète vient de décider de prendre un camp : tout le monde le considère comme un connard de première, mais sur le terrain, il y a une bande de fils de putes qu'on vient de vouer à l'annihilation. Maintenant, il n'a plus qu'à tenir sa position et regarder le feu d'artifice. Les US, eux, promettent du soutien militaire et logistique, tout comme l'Union Européenne après que Hollande ait activé le 42(7) du Traité de Lisbonne, et les Russes jouent le jeu, trouvant l'opportunité absolue de se dégager de l'isolation politique causée par l'invasion de l'Ukraine.
Parce que l'Ukraine, on n'en a plus rien à foutre et on est bien contents de pouvoir se remettre avec les Popovs avec une bonne excuse. Donc, on envoie nos flottes et nos aviations sur place, avec une mission politique très simple et bien plus sûre que celles d'Irak ou, dans une moindre mesure, de Libye : on va exterminer ISIS.
C'est simple, c'est viril, et, quand on y réfléchit, c'est pas non plus suicidaire au niveau géostratégique. On ne détruit pas un gouvernement, on ne vient pas construire un pays. On va faire un nettoyage par le vide, un massacre systématique d'un groupe dont l'idéologie lui interdit complètement de se planquer façon Al-Qaeda. Et quand ça sera fini, on pourra laisser Assad reprendre le contrôle du terrain, et le plus beau pour tout le monde, c'est que le petit Bachar, il pourra massacrer qui il voudra pour maintenir l'ordre, parce que quoi qu'il fasse, ça sera moins psychotique qu'ISIS, et les populations occidentales le sauront.
Le souci, c'est que ça fait chier les Turcs, qui veulent d'un côté continuer à pourrir des Kurdes directement ou par l'intermédiaire d'ISIS et de l'autre côté faire imploser la Syrie pour en prendre le contrôle indirect. Donc il foutent la merde avec les Russes pour empêcher la formation de la Grande Alliance.
Donc, c'est "un poil plus compliqué que ça".