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Chapitre 31 — ArrachementPayga
Je n’étais pas guérie.
Mais j’étais prête.
Je sentais encore le poids du deuil dans mes gestes, la trace des larmes dans mes silences. Mais le besoin de faire quelque chose, de redevenir utile, avait dépassé la douleur.
Alors j’étais rentrée.
Teyla m’avait accompagnée jusqu’à la salle d’embarquement, sa main dans la mienne, ses yeux pleins d’un respect tranquille. Woolsey m’avait accueilli avec un hochement de tête sobre. Rodney n’était pas là. Je crois qu’il ne savait pas encore.
Et ce n’était pas plus mal.
J’avais besoin d’arriver seule, comme si c’était moi qui décidais, cette fois.
Quelques jours plus tard, j’étais de retour dans le labo.
Tout était exactement comme je l’avais laissé.
Mon bureau. Mes carnets. La console où mes doigts retrouvaient naturellement leurs repères.
Et puis…
le module.
Il était enfin réparé. Alimenté. Prêt à être testé.
Zelenka m’avait proposé d’attendre. Rodney aussi, à demi-mot. Mais je leur avais souri. Juste ce qu’il fallait pour qu’ils me laissent tranquille.
"Je veux le faire seule," avais-je dit.
Et ils avaient compris.
La salle 4N était plongée dans la semi-obscurité, baignée de cette lumière ambrée propre aux interfaces des Anciens.
Je posai la paume sur l’interface centrale.
Les cercles holographiques s’activèrent.
Des constellations jaillirent, s’articulant comme un ballet silencieux.
La galaxie s’ouvrait devant moi.
Je souris. Pour la première fois depuis des semaines, je ressentais un éclat de merveille, intact.
Mais à cet instant…
Quelque chose changea.
Une vibration sourde.
Un grésillement léger.
Et puis — une lumière.
Un faisceau surgit du sol, bleuté, dense, presque vivant.
Il m’engloba en un battement de cœur.
Je n’eus pas le temps de crier.
Pas le temps de reculer.
Juste un souffle.
Une sensation d’arrachement.
Et le noir.
Quand mes yeux se rouvrirent, j’étais allongée sur un sol froid, métallique.
La lumière était tamisée, grise, irréelle.
La pièce… n’était pas la mienne.
Pas Atlantis.
Pas le labo.
Pas la salle 4N.
Une pièce nue, circulaire. Aucune fenêtre. Aucune porte.
Juste un plafond lisse, et une voix.
Froide. Calme. Sans émotion.
"Présence détectée. Anomalie inter-universelle confirmée."
Je me redressai d’un coup, le cœur battant.
"Séquence d’analyse initiale lancée. Protocole d’Équilibre : activé."
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Rodney
Je lui ai dit que je comprenais.
Que c’était bien qu’elle reprenne ses marques seule.
Qu’elle n’avait pas besoin qu’on la surveille.
Je lui ai dit ça. Et je le pensais.
Enfin… je crois.
Mais depuis qu’elle avait activé le module cartographique ce matin, je n’arrêtais pas de jeter un œil à l’écran de surveillance, de consulter les diagnostics, de triturer mon café froid sans en boire une gorgée.
Je me sentais… agité.
Pas nerveux.
Plutôt comme si une partie de moi n’était pas à sa place.
Je savais exactement où elle était.
Et pourtant, j’avais envie d’y être aussi.
Juste pour la voir lever les yeux au moment où les constellations s’animaient.
Juste pour être là, sans rien dire.
Mais je ne voulais pas l’envahir. Pas encore. Elle avait besoin d’air.
Je le respectais.
Enfin… j’essayais.
Une alarme légère me sortit de mes pensées.
Un bip unique, court.
Pas une urgence.
Mais une anomalie énergétique, en salle 4N.
Je cliquai sur le panneau de contrôle.
"Surcharge partielle du noyau secondaire."
"Taux de fluctuation anormale."
"Signature énergétique : inconnue."
Je fronçai les sourcils.
"Payga, tu reçois ?"
Silence.
"Payga, c’est Rodney. Tout va bien là-dedans ?"
Toujours rien.
Un pincement serra ma poitrine.
Je me levai d’un coup.
"Zelenka, tu détectes quelque chose d’étrange dans la salle cartographique ?"
"Pas encore. Mais l'énergie a fluctué. Tu veux que je vienne voir ?"
"Non. J’y vais."
Je courus dans le couloir.
Sans réfléchir.
Sans m’arrêter.
Mon cœur battait vite.
Trop vite pour du simple stress.
Quelque chose en moi savait déjà.
Quand j’ouvris les portes de la salle 4N, un souffle froid m’accueillit.
La pièce était vide.
Le module encore actif, mais ralenti.
Les constellations figées.
Un léger crépitement dans l’air.
"Payga ?"
Je fis un pas.
"PAYGA !"
Rien.
Aucune trace.
Aucun bruit.
Comme si elle…
avait été arrachée du décor.
Et là, sans pouvoir l’expliquer,
je sentis exactement ce que j’avais ressenti dans les ruines,
quand elle avait glissé entre mes mains pour la première fois.
Trop tard.