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Chapitre 51 — Journée sans finPayga
Je ne sais plus depuis combien de temps j’ai quitté l’infirmerie. Peut-être une semaine. Peut-être deux. Le temps s’est étiré en une boucle silencieuse. Tout est organisé. Millimétré. Comme si le fait de remplir les cases d’un agenda pouvait m’aider à me remplir moi-même. Chaque jour commence exactement de la même façon :
8h00 - Réveil.
J’ouvre les yeux dans cette chambre lumineuse, trop impersonnelle pour m’appartenir vraiment. Les draps sont toujours lisses, les vêtements soigneusement pliés sur la chaise. Tout est en ordre. Moi… un peu moins.
8h05 - Salle de bain.
Je me regarde dans le miroir. J’essaie de reconnaître les traits. Rien. Pas de souvenir. Pas d’émotion. Juste… ce regard fixe. Curieux, mais vide.
8h30 - Petit déjeuner au réfectoire.
Souvent, Rodney m’y attend. Il ne parle pas beaucoup, pas au début. Il me tend un café - apparemment j’aimais ça. Je le regarde. J’écoute. Et parfois, je ris à ses remarques sarcastiques, même si je ne comprends pas tout. Je crois qu’il le remarque. Et je crois que ça lui fait du bien.
9h00 - Laboratoire scientifique.
Il dit que je travaillais ici. Qu’on était une équipe. Je ne comprends rien à ses équations, à ses analyses. Mais je regarde. Il me répète que ça peut revenir d’un coup. Comme un éclair. Alors j’attends l’éclair.
12h00 - Déjeuner.
C’est souvent Teyla qui m’accompagne. Elle a cette sagesse tranquille, cette façon de m’écouter sans jamais me juger. On parle peu, mais ses silences ne sont jamais vides.
13h00 - Infirmerie.
Je passe mes après-midis avec Carson. Il est… doux. Rassurant. Parfois drôle.
Il me raconte des histoires qu’on a partagées — du moins, selon lui. Des missions, des rires, des blessures. Il ne force rien. Il me laisse venir à moi-même. Et je l’aime bien pour ça.
17h00 - Temps libre.
C’est souvent Rodney qui vient me chercher. Il propose une promenade, un coin tranquille dans la cité. Il me parle… d’avant. Mais pas tout. Jamais tout. Il choisit ses mots. Il dose ce qu’il me dit, comme s’il avait peur de me faire mal. Mais dans ses yeux… Je lis ce qu’il ne dit pas. Je ressens… quelque chose. Un battement lointain. Une mémoire qui palpite sans oser s’éveiller.
19h00 - Dîner.
On rejoint Sheppard, Ronon, les autres. Je souris, je fais semblant de suivre.
Mais souvent, je regarde les visages et je me demande : Avons-nous vraiment partagé tout ça ? Ou est-ce que je l’invente pour me rassurer ?
22h00 - Coucher.
J’éteins la lumière. Et je ferme les yeux avec cette même prière silencieuse :
Fais que cette nuit… je me souvienne.
Parfois, je rêve. Des images floues. Des voix étouffées. Des noms. Des sons.
Toujours les mêmes.
Terokar.
Anomalie.
Atlantis.
Meredith.
Et puis je tends la main vers ce souvenir qui me semble à portée… Et il s’évapore. Et le lendemain, on recommence.
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Rodney
Chaque jour ressemble au précédent. Et pourtant… Je ne m’en lasse pas. Parce que chaque jour, elle est là. Vivante. Présente. Même si elle n’est pas tout à fait elle-même. Même si elle ne se souvient pas de moi. Je l’attends au réfectoire à 8h30 précises. Toujours un café en main - je ne sais même pas si elle l’aime encore. Mais elle le prend. Et parfois, elle sourit. C’est assez pour commencer ma journée. Au labo, je l’installe à côté de moi. Je lui montre des choses, des circuits, des théories qu’elle maîtrisait mieux que moi. Elle observe. Silencieuse. Je fais semblant de croire que ça pourrait revenir d’un coup, comme une révélation magique. Je lui dis que c’est possible. Mais en vrai… je n’en sais rien. Et pourtant, je continue. À 17h, je vais la chercher pour ce qu’ils appellent « son temps libre ». On marche souvent sans parler. Parfois je lui raconte une anecdote - comme le jour où elle a fait exploser un stabilisateur énergétique pendant une expérience. Elle rit un peu. Un rire léger. Pas le sien. Mais c’est un début. Je sens quand elle me regarde sans comprendre. Je sens quand elle cherche dans mes yeux quelque chose qu’elle devrait ressentir. Mais elle ne trouve rien. Et je reste là. Présent. Comme un phare qu’elle ne regarde pas encore, mais qui continue d’éclairer. Le soir, au dîner, je fais comme si tout allait bien. Je parle, je plaisante, je fais le clown pour les autres. Mais quand elle quitte la table, quand elle rentre se coucher. Je m’assois sur le rebord de la balustrade du niveau 7, face à l’océan. Et je me dis :
Il faudra du temps.
Il faudra de la patience.
Et surtout… il faudra l’aimer sans condition. Même si elle ne revient jamais.